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Changement climatique et énergie en Méditerranée Plan Bleu Centre d'Activités Régionales Sophia Antipolis juillet 2008

Changement climatique et énergie en ... - plan-bleuplanbleu.org/sites/default/files/publications/changement_clim... · Plan Bleu Centre d'Activités Régionales ... Frédéric BLANC

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  • Changement climatique et nergie en Mditerrane

    Plan Bleu Centre d'Activits Rgionales

    Sophia Antipolisjuillet 2008

  • ii

    Etude ralise sous la direction dHenri-Luc THIBAULT, Directeur du Plan Bleu.

    Etude coordonne par Stphane QUEFELEC, responsable des activits nergie/climat, Plan Bleu.

    Le Plan Bleu remercie :

    Les auteurs principaux :

    Yves TOURRE, Patrick VAN GRUNDERBEECK de Mdias France ; Houda ALLAL, Habib ELANDALOUSSI, Thomas NIESOR et Jean-Loup ROUYER de lOME ; Frdric BLANC de lInstitut de la Mditerrane/FEMISE ; Stphane POUFFARY et Charlotte COLLEU de lADEME, Cellule Expertise Internationale pour la Maitrise de lEnergie ; Rafik MISSAOU, Consultant, Tunisie ; Nejib OSMAN de lANME, Tunisie ; Rafik Y. GEORGY et Adel T. SOLIMAN consultants, Egypte ; Henri BOYE, Elisabeth COUDERT, Cline GIMET, Silvia LARIA, Patrice MIRAN, Jean de MONTGOLFIER, Romo PRENGERE, Stphane QUEFELEC et Galle THIVET, du Plan Bleu.

    Les membres du Comit de pilotage :

    Mme Anca-Diana BARBU, Programme Manager, Energie et environnement, Agence europenne pour lenvironnement ; M. Filippo GIORGI, The Abdus Salam International Centre for Theoretical Physis ; M. Magdi IBRAHIM, Coordinateur des programmes denvironnement et de dveloppement durable ENDA Maghreb ; M. Antoine-Tristan MOCILNIKAR, ministre de l'Ecologie, de l'Energie, du Dveloppement Durable et de l'Amnagement du Territoire (MEEDDAT/France), M. Roberto VIGOTTI, Prsident du Comit Energies renouvelables et dveloppement durable de lOME.

    Les experts qui ont apport leurs commentaires, en particulier :

    Mohamed BLINDA, Henri BOYE, Luc DASSONVILLE, Jean-Pierre GIRAUD, Yasmine GUESSOUM, Pierre ICARD, Florence PINTUS, Ccile RODDIER-QUEFELEC, Caroline SCHEURLE, Oliver KESERUE du Plan Bleu. Virginia ALZINA et Marc SANTACANA du Centre dactivits rgionales Production Propre (CAR/PP), Samir ALLAL de lUniversit de Versailles.

    Philippe GUINET, Alain NADEAU, Andrea PINNA de la Banque Europenne dInvestissement.

    Les experts nationaux et rgionaux qui ont contribu aux travaux sur la question de lnergie dune part et de leau dautre part en 2006 et 2007 et qui ont ainsi largement particip la collecte des informations qui ont t utilises dans ce rapport.

    Les collaborateurs du Plan Bleu qui ont contribu la mise en page, la relecture du rapport et au secrtariat du projet : Isabelle JHR, Nadge PLACET, Bassima SADI, Pascal BELLEC. Brigitte ULMANN, charge de communication, qui a contribu la synthse et la prparation de la confrence de presse du 1er juillet 2008.

    Les institutions qui ont contribu :

    - La Banque Europenne dInvestissement. La prsente tude est finance au titre du Fonds fiduciaire de la FEMIP. Ce fonds, cr en 2004 et financ jusqu ce jour- par 15 Etats Membres de lUE, a pour objectif daider au dveloppement du secteur priv via le financement dtudes et de mesures dassistance technique et la provision de fonds propres.

    - qui a apport un soutien financier dterminant pour la ralisation de cette tude. - LADEME, qui a pris en charge une partie de la traduction de ltude. - Les autres institutions partenaires

    Les appellations employes dans le prsent document et la prsentation des donnes qui y figurent nimpliquent aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, rgions ou villes, ou de leurs autorits, ni quant au trac de leurs frontires ou limites.

    Les points de vue exposs refltent lopinion des auteurs et ne reprsentent en aucun cas le point de vue officiel des institutions partenaires du Plan Bleu ou des pays riverains de la Mditerrane.

    Les auteurs assument lentire responsabilit du contenu du prsent rapport. Les opinions exprimes ne refltent pas ncessairement lavis de la Banque europenne dinvestissement.

    Observatoire Mditerranende lEnergie

  • SOMMAIRE GENERAL

    Changement climatique et nergie en Mditerrane Rsum excutif _______________________________________________________ iv

    Conclusion gnrale ____________________________________________________ xi

    Introduction gnrale __________________________________________________ xii

    PARTIE 1 Changement climatique en Mditerrane : connaissances scientifiques et impacts

    Chapitre 1 Bassin mditerranen : changement climatique et impacts au cours du 21me sicle _____________________________________________________ 1-3

    Chapitre 2 Une revue de la littrature conomique sur limpact du changement climatique dans les pays du sud de la Mditerrane ___________________ 2-1

    Chapitre 3 Les tendances et la structure des missions de CO2 issues de lnergie dans les conomies mditerranennes ______________________________ 3-1

    PARTIE 2 Attnuation des effets du changement climatique : vers un secteur nergtique faible en carbone

    Chapitre 4 Energie en Mditerrane : situation et perspectives ___________________ 4-3

    Chapitre 5 Simulation conomique de stratgies nergtiques dans les pays de la rive sud de la Mditerrane : Egypte, Maroc, Tunisie __________________ 5-1

    Chapitre 6 Energies renouvelables et utilisation rationnelle de lnergie dans les pays du Sud et de lEst de la Mditerrane : situation et perspectives ____ 6-1

    Chapitre 7 Cot dun scnario moins metteur en gaz effet de serre A. En Tunisie ____________________________________________________ 7-3 B. En Egypte ____________________________________________________ 7-35

    Chapitre 8 Le dfi du secteur de llectricit, les missions de CO2 lies et les solutions potentielles _____________________________________________ 8-1

    PARTIE 3 Vulnrabilit et adaptation du secteur nergtique Chapitre 9 Espaces boiss, changement climatique et nergie en Mditerrane _____ 9-3

    Chapitre 10 Eau/nergie, Energie/eau et changement climatique en Mditerrane ___ 10-1

    Chapitre 11 Dfis intersectoriels : nergie/tourisme, villes/nergie et changement climatique ______________________________________________________ 11-1

  • iv

    RESUME EXECUTIF

    La Mditerrane : un hot spot du changement climatique

    Depuis 1970, le Sud-ouest de lEurope (pninsule ibrique, sud de la France) a connu un rchauffement de prs de 2C (GIEC 2007). Ce rchauffement est galement perceptible au nord de lAfrique mme sil est plus difficilement quantifiable du fait dun rseau dobservations moins complet.

    Pour la rgion Mditerrane, les spcialistes du climat anticipent au cours du 21me sicle :

    Une augmentation de la temprature de lair de 2,2 C 5,1 C pour les pays de lEurope du Sud et de la rgion mditerranenne sur la priode 2080 2099 par rapport la priode 1980 1999 (GIEC 2007, scnario A1B).

    Une baisse sensible de la pluviomtrie, comprise entre -4 et -27 % pour les pays de lEurope du Sud et de la rgion mditerranenne (alors que les pays du Nord de lEurope connatront une hausse comprise entre 0 et 16 %) (GIEC 2007, scnario A1B).

    Une augmentation des priodes de scheresse se traduisant par une frquence leve des jours au cours desquels la temprature dpasserait 30 C (Giannakopoulos et al. 2005). Les vnements extrmes de type vagues de chaleur, scheresses ou inondations pourraient tre plus frquents et violents.

    Une hausse du niveau de la mer qui, selon quelques tudes, pourrait tre de lordre de 35 cm dici la fin du sicle.

    Les impacts du changement climatique sur lenvironnement mditerranen concerneront particulirement :

    Leau, via une modification de son cycle du fait de la hausse de lvaporation et de la diminution des prcipitations. Cette question de leau sera centrale dans la problmatique du dveloppement durable dans la rgion ;

    Les sols, travers lacclration des phnomnes de dsertification dores et dj existants ;

    Variations moyennes des tempratures de lair en t (C) - 2070-2099 vs. 1961-1990

    Source : Somot et al. 2007

  • v

    La biodiversit terrestre et marine (animale et vgtale), via un dplacement vers le Nord et en altitude de certaines espces, lextinction des espces moins mobiles ou plus sensibles au climat et lapparition de nouvelles espces ;

    Les forts, travers une hausse du risque dincendie et des risques parasitaires. Ces impacts amplifieront les pressions dj existantes sur lenvironnement naturel lies aux activits humaines.

    Le changement climatique aura notamment des effets sur : lagriculture et la pche (diminution des rendements), lattractivit touristique (vagues de chaleur, rarfaction de leau), les zones ctires et les infrastructures (expositions importantes laction des vagues, temptes ctires et autres vnements mtorologiques extrmes, hausse du niveau de la mer), la sant humaine (vagues de chaleur), le secteur nergtique (alimentation en eau des centrales, hydro-lectricit et consommation accrue).

    Les zones mditerranennes les plus vulnrables seront celles de lAfrique du Nord voisines des zones dsertiques, les grands deltas (ceux du Nil, du P et du Rhne notamment), les zones ctires (rive Nord comme rive Sud du bassin) ainsi que les zones forte croissance dmographique et socialement vulnrables (rive Sud et Est, villes denses et banlieues).

    Les pays du Sud et de lEst de la Mditerrane (PSEM) apparaissent plus vulnrables au changement climatique que ceux de la rive Nord (PNM). En effet, ils sont dune part, plus exposs lacclration de la dsertification et de laridit des sols, laugmentation de la rarfaction des ressources en eau et, dautre part, ils sont dots de structures conomiques qui dpendent plus fortement des ressources naturelles ainsi que de capacits techniques et financires plus limites pour mettre en uvre des options dadaptation de grande ampleur.

    Delta du Nil, impacts potentiels de la hausse du niveau de la Mer

    Source : UNEP/GRID-Arendal Maps and Graphics Library.

    Emissions de CO2 non maitrises et scnario nergtique risqu

    En 2000, 72% des missions de gaz effet de serre (GES) mditerranennes taient imputables au CO2 li lutilisation dnergie ; 77% dans les PNM et 64% dans les PSEM.

    En 2025, les missions de CO2 issues de lutilisation dnergie seront deux fois plus leves quen 1990 (OME).

    La part des PSEM dans les missions totales issues de la Mditerrane pourrait approcher 50% en 2025. En 2006, les pays de la rive Nord de la Mditerrane (PNM) ont mis environ les deux tiers des missions de CO2 issues de lutilisation dnergie de lensemble du bassin mditerranen (OME).

    Mais, la croissance des missions de CO2 apparait beaucoup plus rapide dans les PSEM que dans les PNM. Les PNM ont, en effet, enregistr une augmentation de 18% entre 1990 et 2004. Les

  • vi

    missions des PSEM ont augment de 58% sur la mme priode. Ce rythme de croissance dpasse de vingt points le rythme mondial (WRI).

    Llectricit et le chauffage reprsentent le premier contributeur la hausse des missions entre 1990 et 2004 dans les PSEM. Pour les PNM, cest le secteur du transport.

    La mise jour du scnario nergtique tendanciel de lObservatoire Mditerranen de lEnergie (OME, 2007), bas sur lagrgation des volutions estimes par les pays et les grandes compagnies nergtiques, montre que :

    En 2006, les nergies fossiles (ptrole, gaz, charbon) dominent lapprovisionnement nergtique hauteur de 80% pour lensemble des pays mditerranens et de 94% pour les seuls PSEM (75% pour les PNM). La consommation dnergie primaire par habitant est 3,3 fois moins leve dans les PSEM que dans les PNM.

    Dici 2025, le poids des nergies fossiles devrait se maintenir des niveaux quivalents. La part du charbon (fortement metteur de CO2) rsiste dans le mix nergtique en raison de son utilisation prvue pour la production dlectricit.

    La demande dnergie primaire dans le bassin mditerranen pourrait tre multiplie par 1,5 entre 2006 et 2025 et par 2,2 dans les PSEM en plein dveloppement et dont la population saccroit sensiblement.

    La demande nergtique se caractrise par une croissance de la demande dlectricit beaucoup plus rapide que celle de lnergie primaire ou de la population. Elle pourrait tre multiplie par 2,6 entre 2006 et 2025 dans les PSEM, notamment du fait dun triplement des consommations en Turquie, Tunisie et Algrie et un doublement en Egypte et au Maroc.

    Quelles que soient les volutions au niveau global, en Mditerrane, les tensions dj existantes en matire nergtique risquent de saccentuer sensiblement si le scnario tendanciel se ralise, notamment travers :

    Les missions de CO2 et une accentuation des pollutions atmosphriques locales ;

    Une dpendance nergtique accrue des pays importateurs, plus sensible pour les PSEM importateurs (passant de 77% en 2006 88% en 2025) que pour les PNM (passant de 68% 73% sur la mme priode) ;

    Les risques sociaux et conomiques lis la hausse des cots dapprovisionnement et ses rpercussions sur la facture nergtique des pays, des mnages et des entreprises ;

    Variation des missions de CO2 issues de lutilisation dnergie par secteur entre 1990 et 2004, Millions de t. CO2

    Emissions de CO2 issues de lutilisation dnergie et projections, (Millions de t. de CO2), 1971-2025, scnario

    tendanciel

    Source : Calculs Plan Bleu daprs donnes WRI. Source : OME.

  • vii

    Les effets du changement climatique sur le systme nergtique : via dune part la production lectrique et les infrastructures et dautre part la croissance de la demande dnergie.

    Demande dnergie primaire en Mditerrane : volutions tendancielles (en MTep)

    Principaux pays consommateurs dnergie en Mditerrane

    Source : Observatoire Mditerranen de lEnergie

    Investir aujourdhui dans lefficacit nergtique (EE) et les nergies renouvelables (ER) prsente des avantages conomiques rels lhorizon 2015

    Les simulations conomiques entreprises montrent quun fort potentiel de gain conomique rside du ct de la demande (simulation pour une amlioration de lintensit nergtique de 10% en 10 ans), travers des actions defficacit nergtique et quun effort, somme toute modeste en terme dER (porter la part du solaire, olien, gothermie un peu plus de 1,1% de lnergie primaire), permet tout de mme un gain non ngligeable.

    Une extrapolation lensemble des pays MEDA des rsultats cumuls obtenus pour 3 pays (Maroc, Tunisie, Egypte) montre que le cumul des actions permettrait ds 2015 un bnfice annuel denviron 30 milliards de dollars avec un baril 120$ par rapport une situation o la tendance actuelle perdure (jusqu 43 49 milliards de $ avec un baril 175$). Environ 36 millions de tonnes quivalent ptrole (TEP) seraient conomises et des rejets de CO2 en baisse de 130 millions de tonnes seraient observs.

    Ce cot de la non action est quivalent au PIB 2005 de la Tunisie qui slevait 28,7 milliards de dollars. La mme anne, les missions de CO2 en provenance de lutilisation dnergie taient denviron 20 millions de tonnes dans ce dernier pays.

    Ce cot de la non action reste comparer aux cots des actions mettre en place afin datteindre les objectifs damlioration de lintensit nergtique et dER.

    Les analyses nationales (Egypte et Tunisie) menes dans le cadre de ce rapport rvlent que :

    En Tunisie, le cot pour conomiser lquivalent dune TEP grce la maitrise de lnergie est estim 40 euros.

    En Egypte, le cot pour conomiser une TEP grce aux nergies renouvelables (olien) un cot estim 50 euros ; pour conomiser une TEP grce des actions defficacit nergtique, le cot est estim entre 20 et 30 euros.

  • viii

    Les investissements ncessaires pour renforcer la contribution des ER et de lURE pourraient se monter, sur les priodes analyses (2008-2011 pour la Tunisie, 2008-2015 pour lEgypte) respectivement 10 et 13% des montants dinvestissements prvus dans le secteur de lnergie sur la mme priode et devraient tre raliss en plus de ces derniers.

    Aux avantages purement conomiques et financiers, il convient dajouter dautres bnfices potentiels en termes demplois et de dveloppement (industrie et services) dj observs, en particulier dans les pays qui mettent en place les formations professionnelles adaptes (Tunisie, Maroc), ainsi que sur la sant de la population locale. A cela il convient galement dajouter le potentiel de gain financier qui serait rendu possible dans le cadre du Mcanisme de Dveloppement Propre.

    La prise de conscience est grandissante mais les avances en terme dEE et dER restent limites

    La prise de conscience de limportance de desserrer les contraintes nergtiques et de lvidence des liens entre environnement et dveloppement en Mditerrane est grandissante.

    Sur la rive Nord, dans lUnion europenne, ladoption de mesures drastiques pour le dveloppement de lefficacit nergtique, des nergies renouvelables et la rduction des missions de gaz effet de serre en est lillustration. Au niveau national, plusieurs PSEM sorientent galement vers une plus grande sobrit nergtique.

    A lchelle de la rgion, et au niveau politique, ladoption en novembre 2005, de la Stratgie Mditerranenne pour le Dveloppement Durable (SMDD) par les Parties contractantes la Convention de Barcelone sur la protection du milieu marin et du littoral mditerranen constitue un signal rel. Elle suggre, dune part, une amlioration de lintensit nergtique de 1 2% par an et, dautre part, datteindre pour les ER 7% de la demande totale en nergie primaire en 2015. En se rfrant aux objectifs dER et dEE de la SMDD et au rapport publi par le Plan Bleu de 2005, on constate que :

    Dans les PSEM, sauf exception, les applications concrtes dER ont une ampleur grandissante mais quelles restent limites. La part des ER (hydraulique, olien, solaire, gothermie) dans la consommation dnergie primaire est passe de 2,5% en 2000 2,8% en 2006, ce qui reste incompatible avec lobjectif de la SMDD de 7% en 2015.

    Lintensit nergtique dans lensemble des pays mditerranens a progress de 0,3% par an entre 1992 et 2003, ce qui est loin des objectifs de progression de 1 2% proposs par la SMDD. En outre, lexploitation des gisements dEE semble tre nglige par rapport au dveloppement des ER.

    Part des ER dans la consommation dnergie primaire (%)

    Source : Observatoire Mditerranen de lEnergie

  • ix

    Un cadre institutionnel et rglementaire finaliser et des barrires conomiques et financires lever

    Les options de maitrise de lnergie apparaissent donc encore sous-exploites; Pourtant, les nombreux projets raliss et les expriences de quelques pays dans certaines filires prcises (Tunisie, Maroc, Egypte, Isral par exemple), dmontrent que les ER et lEE sont des options crdibles, adaptes et avantageuses.

    Le dfi de la rgion reste la gnralisation massive des expriences russies, la cration dun march mditerranen des ER et de lEE et lorientation des investissements vers les ER et lEE.

    Les obstacles au niveau national identifis dans ce rapport concernent :

    - Les cadres institutionnels et lgaux ncessaires au dveloppement dun rel march de la maitrise de lnergie qui, malgr les progrs, sont encore souvent incomplets, peu visibles, et parfois instables ;

    - Le manque dinformations sur limportance des gains conomiques et financiers possibles pour les investisseurs comme pour les consommateurs pour les actions defficacit nergtique ;

    - Les barrires conomiques : les subventions aux nergies fossiles dans de nombreux PSEM se traduisent par un prix la consommation finale relativement bas ; en outre, une faible efficacit des incitations conomiques et financires en faveur des ER et de lEE est parfois observe.

    Une volont politique forte au niveau national est essentielle pour surmonter ces obstacles.

    La coopration rgionale et internationale a indniablement une place importante tenir, notamment en jouant un rle de levier et en permettant un transfert de technologie et de savoir faire entre les rives Nord, o les technologies sont disponibles par exemple pour les ER, et la rive Sud qui bnficie des conditions naturelles les plus favorables ou des gisements defficacit nergtiques importants. Dans le futur et sous condition que les cadres lgaux entre les pays de la rgion convergent, lexportation dlectricit verte de la rive Sud vers la rive Nord, et plus largement lUnion europenne, pourrait devenir ralit, notamment travers le dveloppement de la filire solaire. Le Mcanisme de dveloppement propre est galement un outil mieux mobiliser dans la rgion.

    Il nest plus possible de considrer le dveloppement du systme nergtique indpendamment des autres secteurs

    Les mesures prcdentes doivent, pour avoir des effets importants, tre accompagnes dvolutions dans plusieurs secteurs stratgiques pour lesquels lefficacit nergtique et les nergies renouvelables peuvent tre considres, la fois, comme des mesures de rduction des missions de CO2 mais aussi comme des mesures dadaptation au changement climatique.

    Le rapport analyse les implications du changement climatique sur les relations entre lnergie et leau, les espaces boiss, le tourisme et les espaces urbains.

    Ainsi, les besoins en lectricit pour la production et la mobilisation de leau qui reprsentent actuellement environ 10 % de la demande dlectricit des PSEM, pourraient atteindre 20% lhorizon 2025. Cette tendance pourrait-tre inflchie en premier lieu par la mise en place de politiques dutilisation rationnelle de leau, et en second lieu par lutilisation des ER et des technologies les plus efficaces en nergie pour la mobilisation de leau non conventionnelle.

  • x

    Demande en eau et en lectricit dans les pays du Sud et de lEst de la Mditerrane (PSEM), projection tendancielle 2025

    Evolution de quelques villes de pays mditerranens Projections 2030

    Source : OME, Plan Bleu. Source : Plan Bleu daprs Gopolis 1998, ONU, World Urbanization Prospects : The 2005 revision.

  • xi

    CONCLUSION GENERALE

    La Mditerrane, en particulier la rive Sud et Est, est et sera plus touche par le changement climatique que la plupart des autres rgions du monde au cours du 21me sicle.

    Les impacts de la hausse des tempratures, la diminution des prcipitations, laugmentation du nombre et de lintensit des vnements extrmes et la hausse possible du niveau de la mer se superposent et amplifient les pressions lies aux activits humaines dj existantes sur lenvironnement naturel.

    A travers, la question cruciale de la rarfaction des ressources en eau, leurs effets devraient avoir des consquences lourdes au cours du 21me sicle sur les activits humaines, en particulier sur lagriculture, la pche, le tourisme, les infrastructures, les zones ctires urbanises ou encore la production dhydrolectricit. Afin de minimiser autant que possible les dgts et les pertes conomiques, de nombreuses options dadaptation devront tre identifies et mises en place.

    Lnergie se trouve au cur de la problmatique du changement climatique. Dune part, cest le principal secteur metteur de gaz effet de serre, et, les missions de CO2 dans le futur pourraient augmenter bien plus vite que la moyenne mondiale. Dautre part, la production hydro-lectrique, relativement importante dans certains pays (13% de la production dlectricit dans les PSEM), est contrainte par le climat de mme que le refroidissement des centrales. Enfin la demande dnergie (en particulier dlectricit), en trs forte hausse dans la rgion pourrait encore saccentuer du fait de demandes supplmentaires ncessaires pour pallier les effets du changement climatique (dessalement de leau, climatisation des btimentsetc.).

    Dvelopper grande chelle les nergies renouvelables et donner la priorit lefficacit nergtique pour matriser la croissance de la demande, les missions de CO2 et desserrer les contraintes nergtiques est aujourdhui une opportunit conomique pour les PSEM. Les cots de la non action montrent quinvestir aujourdhui dans ce domaine peut produire des bnfices conomiques de lordre de 30 milliards lhorizon relativement proche de 2015 (avec un baril 120 USD). En outre, conomiser une TEP (tonne quivalent ptrole) cote de 4 5 fois moins que mobiliser une TEP supplmentaire dnergie fossile.

    Dans les PSEM, en plein dveloppement, de nombreuses possibilits danticipation existent pour les 7 10 prochaines annes pour la fois matriser la hausse des consommations, la croissance des missions de CO2 et diminuer la vulnrabilit du secteur de lnergie.

    Loption de lefficacit nergtique (EE) est possible immdiatement et prsente le rapport cot/efficacit le plus lev, en particulier dans le secteur du btiment (eau chaude sanitaire, clairage basse consommation, isolation des btiments), mais aussi celui de lindustrie et du transport.

    Loption des nergies renouvelables (ER) est galement ralisable immdiatement, en parallle, pour certaines filires. A terme, la filire solaire prsente un intrt particulier tant au niveau national que pour le dveloppement dun march euro-mditerranen de llectricit renouvelable.

    Lacclration de la pntration du gaz naturel et/ou la rnovation des centrales les plus anciennes sont galement des solutions pour rduire les missions de CO2. Dautres options comme celles de la capture et du stockage du carbone pour pallier les missions lies lutilisation du charbon pour la production lectrique apparaissent encore trs coteuses, incertaines et ne verront probablement pas de dveloppement grande chelle dans les PSEM lhorizon 2020-2025.

    Enfin, les choix, en particulier dans le secteur de leau , de lurbanisme, du tourisme (transport, organisation spatiale, btiments) dtermineront les croissances futures de consommation dnergie et la vulnrabilit de la rgion face au changement climatique. Ils ne peuvent plus se traiter indpendamment des questions nergtiques.

    A ce jour, compte tenu des contraintes et des incertitudes tant climatiques qunergtiques et de la croissance de la demande dnergie dans les PSEM, le renforcement du rle des ER et de lEE dans tous les secteurs devient une ncessit

    plutt quun choix.

  • xii

    INTRODUCTION GENERALE

    Contexte

    Le Groupe Intergouvernemental sur le Changement Climatique (GIEC) a confirm dans son 4me rapport (2007) que laugmentation de concentration des gaz effet de serre (GES) dans latmosphre rsultait de lactivit humaine, notamment de la consommation et la production dnergie, et quen consquence, les tempratures devraient sensiblement augmenter au cours des prochaines annes.

    La Mditerrane, en particulier ses rives Sud et Est, devraient tre plus touche par le changement climatique que la plupart des autres rgions du monde au cours du 21me sicle.

    Les impacts de la hausse des tempratures, la diminution des prcipitations, laugmentation du nombre et de lintensit des vnements extrmes et la hausse possible du niveau de la mer pourraient ainsi se superposer et amplifier les pressions lies aux activits humaines dj existantes sur lenvironnement naturel.

    A travers notamment la question centrale de la rarfaction des ressources en eau, les effets devraient tre particulirement marqus sur lagriculture, la pche, le tourisme, les infrastructures, les zones ctires urbanises ou encore la production dhydrolectricit. Afin de minimiser autant que possible les dgts et les pertes conomiques qui en rsulteront de nombreuses options dadaptation devront tre identifies et mises en place.

    Lnergie se trouve au cur de la problmatique du changement climatique. Le secteur nergtique est, en effet, le principal secteur metteur de gaz effet de serre - et les missions de CO2 augmentent plus vite en Mditerrane que dans le monde en moyenne- et le changement du climat influence directement la production et la consommation dnergie (en particulier dlectricit). Ainsi, face au changement climatique et sa ralit, la rgion devra, dune part, adapter son systme nergtique et dautre part, opter pour des solutions nergtiques faible mission de CO2 afin de participer aux efforts dattnuation du changement climatique.

    Face ces constats, le Plan Bleu et la Banque Europenne dInvestissement se sont associs pour produire un rapport sur climat et nergie en Mditerrane .

    Ralisation du rapport

    Pour raliser ce rapport, le Plan Bleu sest appuy sur des institutions rgionales et des experts nationaux comptents dans le domaine du climat et de lnergie (MEDIAS, lObservatoire Mditerranen de lEnergie (OME), lAgence de lEnvironnement et de la Maitrise de lEnergie (ADEME), lAgence Tunisienne de la Maitrise de lEnergie (ANME), la Femise/institut de la Mditerrane). Vingt cinq contributeurs ont t directement impliqus dans la rdaction du rapport dont un comit de pilotage international compos dexperts du GIEC, de lOME, des ONG et des gouvernements nationaux a supervis et guid les travaux.

    Ce rapport fait suite aux travaux antrieurs du Plan Bleu sur lnergie, le dveloppement durable et le changement climatique. Il se rfre notamment au rapport du Plan Bleu Mditerrane : les perspectives du Plan Bleu sur lenvironnement et le dveloppement (2005) et aux activits conduites en 2006-2007 au titre du suivi des chapitres Energie et changement climatique et Eau de la Stratgie Mditerranenne de Dveloppement Durable.

    Outre lutilisation des bases de donnes rgionales (Eurostat/MEDSTAT, OME, Plan Bleu, Femise) et internationales (Banque Mondiale, World Ressource Institute, ONU, FMI), de nombreuses

  • xiii

    informations et tudes de cas ont t ralises ou rassembles loccasion dateliers dexperts (notamment en partenariat avec MEDITEP et ENERGAA).

    Le rapport comporte 11 chapitres. Chacun dentre eux peut tre lu indpendamment des autres mais lensemble constitue un tout cohrent et articul. Le rapport fait appel des approches mthodologiques varies : modles climatiques, modles et simulations conomiques, projections nergtiques, prospective et systmique (interaction entre secteurs et systmes) et sattache quantifier lvolution nergtique (et des missions associes) permettant ainsi doffrir un panorama chiffr dtaill des volutions passes (depuis 35 ans) et des futurs possibles (2025) de la rgion.

    Objectifs et contenu du rapport

    Le rapport couvre les 21 pays mditerranens bordant la mer mditerrane mais examine de faon particulire les rives Sud et Est du bassin mditerranen1.

    Il est divis en trois parties.

    La Partie I offre une synthse des rsultats scientifiques sur lvolution climatique possible en Mditerrane au cours du 21me sicle. Les impacts associs aux volutions possibles sont analyss. Leurs effets attendus en terme conomique sont abords travers une revue de la littrature conomique sur les couts du changement climatique. Enfin, cette partie offre un panorama complet et dtaill des tendances passes et futures des missions de gaz effet de serre et de CO2 issues de lutilisation dnergie.

    Les Parties II et III sont relatives aux questions dnergie.

    La Partie II analyse les options possibles qui soffrent la rgion, ds maintenant, pour maitriser la croissance des missions de CO2 issues de lutilisation dnergie. Des simulations et des quantifications conomiques de couts et davantages sont effectues pour diffrentes options et scnarios alternatifs lhorizon 2015 pour lensemble de la rgion. En outre deux tudes de cas (lune pour la Tunisie et lautre pour lEgypte) affine lanalyse des scnarios alternatifs et leurs cots au niveau des pays.

    La Partie III met en vidence les impacts et la vulnrabilit du systme nergtique mditerranen (production, distribution, consommation) face aux invitables changements climatiques dans la rgion. Sur la base dtudes de cas, elle met en vidence comment le secteur de la production dlectricit est lui mme perturb par le changement climatique. Elle montre aussi comment les options de dveloppement dans des secteurs/ressources clefs (fort, eau, btiment, tourisme, ville) dans un contexte de changement climatique peuvent impacter fortement la demande dnergie terme.

    1 Pays riverains de la Mditerrane : Pays du Sud et de lEst (PSEM): lAlgrie, lEgypte, Isral, le Liban, la Libye, le Maroc, la Syrie, les Territoires Palestiniens, la Tunisie, et la Turquie. Pays du Nord de la Mditerrane (PNM) : Bosnie-Herzgovine, Chypre, Croatie, Espagne, France, Italie, Grce, Malte, Monaco, et Slovnie. Ce rapport inclut galement des informations sur la Jordanie, pays non riverain de la Mditerrane mais participant au partenariat euro-mditerranen.

  • PARTIE 1

    Changement climatique en Mditerrane : Connaissances scientifiques et impacts

    CHAPITRE 1 Bassin mditerranen : changement climatique et impacts au cours du 21me sicle

    CHAPITRE 2 Une revue de la littrature conomique sur limpact du changement climatique dans les pays du sud de la Mditerrane

    CHAPITRE 3 Les tendances et la structure des missions de CO2 issues de lnergie dans les conomies mditerranennes

  • INTRODUCTION

    Cette partie a pour objectif de danalyser et de comprendre les volutions climatiques dans le bassin mditerranen, leurs impacts physiques et conomiques ainsi que de considrer la contribution de la rgion au changement climatique.

    Le chapitre 1 analyse les rsultats scientifiques issus des modles climatiques, les impacts environnementaux possibles des changements attendus et leurs effets en terme physique sur les activits humaines.

    Le chapitre 2 aborde la problmatique conomique lie aux effets du changement climatique sur les activits humaines. A partir dune revue de la littrature, il met en lumire les estimations de cot du changement climatiques obtenues par les conomistes.

    Le chapitre 3 considre la contribution de la rgion au changement climatique travers une analyse dtaille des missions de gaz effet de serre et de CO2.

  • CHAPITRE 1 Bassin mditerranen : changement climatique et impacts au cours du 21me sicle

    Patrick VAN GRUNDERBEECK Medias France, Directeur (Mto-France)

    Yves M. TOURRE Mdias-France, Thmaticien Mto-France/LDEO de lUniversit de Columbia

    REMERCIEMENTS

    MM. Patrick Van Grunderbeeck et Yves M. Tourre (MEDIAS-France, Mto-France & LDEO de luniversit de Columbia) tiennent remercier M. Henri-Luc Thibault (Plan Bleu, Directeur), Mme Cline Gimet, M. Stphane Quefelec et M. Patrice Miran (Plan Bleu, experts), et M. Samuel Somot (Mto-France), avec qui ils ont eu des discussions et des changes fructueux.

  • PARTIE 1 Changement climatique en Mditerrane : Connaissances scientifiques et impacts CHAPITRE 1 Bassin mditerranen : changement climatique et impacts au cours du 21me sicle

    1-5

    TABLE DES MATIERES

    MESSAGES CLES 8

    INTRODUCTION 10

    I. LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES PREVUS DANS LE BASSIN MEDITERRANEEN AU COURS DU 21EME SIECLE 12

    1. De lchelle globale a lchelle rgionale 122. Problmes de modlisation du bassin mditerraneen 153. Donnes sur le changement climatique 164. Prvision du changement climatique : rsultats recents 185. incertitudes sur les changements climatiques dans le bassin mditerranen 336. Conclusion 34

    II. LES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX ET SOCIO-ECONOMIQUES DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES DANS LE BASSIN MEDITERRANEEN 35

    1. La vue densemble 352. Les impacts sur le cycle hydrologique 383. Les impacts sur les cosystmes et la biodiversit 454. Les impacts sur lagriculture 505. Les impacts sur les zones cotires, les basses terres, les infrastructures connexes et le transport 526. Les impacts sur la sant publique 557. Les impacts, politique et adaptation 59

    III. CONCLUSION 63

    BIBLIOGRAPHIE 64

  • 1-6

    TABLE DES ILLUSTRATIONS

    Figure 1 - Les moyennes multi modles et les intervalles estims du rchauffement global en surface (C) au cours du 21me sicle ...................................................................................................................................... 13

    Figure 2 - Processus dinteraction entre latmosphre et locan, avec leurs chelles spatio-temporelles pour le bassin mditerranen ..................................................................................................................................... 14

    Figure 3 - Le bassin mditerranen il y a 18 000 ans ................................................................................................... 18Figure 4 - Lindice Nord Africain Asie de lOuest (NAWA) .................................................................................. 20Figure 5 - Variations du niveau de la mer observes durant les sept premires annes du projet

    TOPEX/Poseidon, en mm/anne ........................................................................................................................... 23Figure 6 - La rsolution des mesures de la hauteur de surface de la mer (SSH) a t grandement

    amliore par lutilisation de quatre satellites altimtriques : Jason-1, ENVISAT ou ERS-2, TOPEX/Poseidon (T/P) et GEOSAT Follow On (GFO) ................................................................................. 24

    Figure 7 (haut) Nombre de journes estivales avec temprature suprieure 25 C, et (bas) nombre de journes estivales avec temprature suprieure 30 C ................................................................................... 25

    Figure 8 Comparaison sur le nombre de jours par anne avec temprature suprieure 30 C, entre le prsent et la seconde partie du 21me sicle ....................................................................................................... 27

    Figure 9 Variations des prcipitations et des tempratures sur lEurope et le bassin mditerranen .............. 28Figure 10 Variations simules de prcipitations (en %) durant lhiver (DJF, haut) et lt (JJA, bas),

    priode 2080 - 2100 moins la priode 1961 - 1990 ................................................................................................ 30Figure 11 Anomalies saisonnires (haut, hiver; bas, t) de tempratures en C. A noter les

    importantes anomalies estivales (bas) positives (ovale orange) sur le bassin nord-ouest de la Mditerrane ................................................................................................................................................................. 31

    Figure 12 Anomalies saisonnires de prcipitations en mm/jour (haut, hiver ; bas, t). noter les anomalies hivernales (haut) importantes (ovale orange) sur la frange nord de lEM ....................................... 32

    Figure 13 Disponibilit deau (ou changement du ruissellement annuel, exprim en %) au milieu du 21me sicle, selon les scnarios B1 (estimations basses) et A2 (estimations leves) du GIEC ..................... 36

    Figure 14 Lvolution de lincertitude croissante, des hypothses socio-conomiques dordre gnral linterprtation rgionale des rsultats, y compris les impacts, en passant des MCG aux MCR .................... 37

    Figure 15 - Les lments de vulnrabilit qui ressortent lorsque lon associe les impacts potentiels aux capacits adaptives ...................................................................................................................................................... 37

    Figure 16 - Les stratgies pluridisciplinaires lintention des dcideurs, comprenant les liens entre les politiques rgionales et locales et le guide des meilleures pratiques pour la conception et la mise en uvre des SAD (Systmes dAide la Dcision) pour la GIRE (Gestion Intgre des Ressources en Eau) dans le bassin mditerranen ........................................................................................................................... 40

    Figure 17 - Les effets de la toxicit du chlorure (gauche) et du bore (droite) sur la vgtation (taille rduite des feuilles, sant fragilise). ......................................................................................................................... 44

    Figure 18 Le rendement relatif des cultures (en %, sur lordonne) versus la salinit calcule partir de la conductivit (EC) du sol satur (en dS/m, sur labscisse). .......................................................................... 50

    Figure 19 La diminution en apport deau frache, en bleu, et en vert laugmentation des quantits deaux saumtres (en millions de m3/an, sur lordonne) dans lEM au cours des 15 dernires annes, avec les valeurs prvues pour lan 2010 ..................................................................................................... 51

    Figure 20 Les impacts des vnements mtorologiques extrmes (temptes, surcotes marines...) sur les routes et les structures du littoral mditerranen.............................................................................................. 53

    Figure 21 Lrosion des dunes de sable par laction des temptes et des surcotes marines, partir de donnes du modle S-beach du programme LITEAU .................................................................................... 53

    Figure 22 - Cent cinquante ans dobservations portant sur le recul du trait de cte dans le nord-ouest mditerranen............................................................................................................................................................... 54

    Figure 23 La demande en nergie primaire : tendances et prvisions en Mtep (ou million de tonnes quivalent ptrole) pour les PNM (pays nord mditerranens, en bleu) et les PSEM (pays du sud et de lest mditerranen, en vert) depuis le dbut des annes 70 ............................................................................ 55

  • PARTIE 1 Changement climatique en Mditerrane : Connaissances scientifiques et impacts CHAPITRE 1 Bassin mditerranen : changement climatique et impacts au cours du 21me sicle

    1-7

    Figure 24 Image montrant la rpartition de Chlorophylle-a (en mg/m3) dans le bassin mditerranen le 10 octobre 2006, provenant de MODIS-AQUA et ralise laide de lalgorithme NASA OC3 ............. 58

    Figure 25 Le taux moyen de sinistralit (MDR, ordonne en %) est fonction de la qualit de la construction et les vitesses maximales des rafales de vent locales (en m/s, sur labscisse) ............................. 61

    Tableau 1 - Temprature de surface de la mer (SST, en C) ...................................................................................... 21 Tableau 2 Extrmes de tempratures et de prcipitations dans les pays du bassin mditerranen .................. 26 Tableau 3 Les ressources en eau des pays mditerranens ...................................................................................... 39 Tableau 4 La consommation deau (extraction totale deau en hm3) des pays mditerranens, les

    surfaces de terres irrigues (en 1 000 ha) et leau dirrigation seule (en hm3). Un tiers de leau extraite est utilise pour lirrigation ......................................................................................................................................... 41

    Tableau 5 Les moyennes annuelles de ruissellement (in m3/s) pour l'apport en eau douce des principaux fleuves (et de la mer Noire) .................................................................................................................... 42

    Tableau 6 - Le nombre de personnes (en millions) dans la rgion Machrek qui seront exposs au stress hydrique dici 2055 ...................................................................................................................................................... 42

    Tableau 7 - Les impacts majeurs sur les cycles hydrologiques de certains deltas, golfes, pays, zones humides, traits de cte dans la Mditerrane .......................................................................................................... 62

  • 1-8

    MESSAGES CLES

    Des changements marqus dans les passs lointain et rcent :

    En Mditerrane, des passs lointains ont connu des volutions climatiques importantes (avec de tempratures pouvant tre en moyenne de 8C infrieures aujourdhui (il y a 20 000 ans) ou bien suprieurs de 1 3C (il y a 6000 ans). Selon les priodes, les paysages, la faune et la flore, le dcoupage des ctes (du des variations du niveau de la mer de plusieurs dizaines de mtres) ont t trs diffrents Ces volutions se sont tals sur plusieurs centaines, voire milliers dannes.

    En revanche, la situation actuelle et celle attendue dans les prochaines annes est caractrise par la rapidit des taux de changements. Ce facteur rend plus important lampleur des impacts anticips car les volutions relativement rapides ne permettent pas une acclimatation et une adaptation progressive des cosystmes et des socits. En outre, on observe des vnements mtorologiques dampleur jamais enregistre jusquici. Par exemple, en juin et juillet 2007, deux vagues de chaleur extrme ont frapp le sud-est de l'Europe, o les maxima quotidiens, qui taient suprieurs 40C/104F et ont atteint 45C/113F en Bulgarie.

    Depuis 1970, le sud-ouest de lEurope (pninsule ibrique, sud de la France) a connu un rchauffement de prs de 2C (GIEC 2007). Ce rchauffement est galement perceptible sur le nord de lAfrique mme sil est plus difficilement quantifiable du fait dun rseau dobservation moins complet.

    Des incertitudes mais des consensus pour le 21me sicle faisant de la rgion un hot spot du changement climatique :

    Les incertitudes sur les projections rgionales du climat au 21me sicle dans le bassin mditerranen sont essentiellement dues au fait que les mthodes numriques et techniques de dsagrgation ne sont pas les mmes pour tous les modles rgionaux. Les incertitudes sur les multiples domaines impacts sont elles dues au fait que les interactions et rtroactions entre les composantes des sphres (systmes physiques) qui composent le climat (y compris la biosphre) sont trs complexes.

    Cependant, les conclusions des spcialistes du climat convergent vers un certain nombre de consensus gnraux :

    mme si lobjectif de lUnion Europenne de ne pas dpasser, une hausse globale moyenne des tempratures de 2C est atteint, en Mditerrane, les hausses de tempratures seront vraisemblablement suprieures 2C et, du fait des caractristiques cologiques et socio-conomiques de la zones, les impacts seront plus importants que dans de nombreuses autres rgions du monde; Ainsi, la Mditerrane a t qualifie de hot spot du changement climatique (Giorgi, 2007).

    une diminution gnrale des prcipitations moyennes sur lensemble du bassin mditerranen est attendue. les zones mditerranennes les plus vulnrables sont celles de lAfrique du Nord voisines des zones dsertiques, les

    grands deltas (ceux du Nil, du P et du Rhne par exemple), les zones ctires (rive Nord comme rive Sud du bassin) ainsi que les zones forte croissance dmographique et vulnrables socialement (rive Sud et Est, villes denses et banlieues) (GIEC AR4, 2007).

    les impacts du changement climatique sur lenvironnement sont dj sensibles en Mditerrane, eux-mmes ayant dors et dj des effets observs sur les activits humaines.

    Compte tenu des incertitudes mentionnes prcdemment, des scnarios plus pessimistes (scnarios de rupture avec des changements brutaux et rapides) ou plus optimistes autour des scnarios centraux prsents ici sont tout de mme possibles.

    Un consensus a t atteint concernant les hausses de tempratures et les baisses de prcipitations sur lensemble du BM :

    Selon le 4me rapport du GIEC, sous scnario A1B, la temprature de lair connatra une augmentation dentre 2,2C et 5,1C pour les pays de lEurope du Sud et de la rgion mditerranenne si on compare la priode 2080 2099 avec la priode 1980 1999 (avec quelques diffrences selon les sous rgions).

    Les mmes projections donnent une baisse considrable de la pluviomtrie comprise entre -4 et -27% pour les pays de lEurope du Sud et de la rgion mditerranenne (alors que les pays du Nord de lEurope connatront une hausse comprise entre 0 et 16%). Une augmentation des priodes de scheresse (associes la dgradation des terres) se traduisant par une frquence leve des jours au cours desquels la temprature dpasserait 30C est galement prvue (Giannakopoulos et al. 2005).

    Les vnements extrmes de type vagues de chaleur, scheresses ou inondations pourraient tre plus frquents et violents.

    Quant lvolution du niveau de la mer, des sries temporelles plus longues partir de donnes daltimtrie satellitaire, ainsi quune amlioration du rseau in situ de mesures des mares, sont encore ncessaires afin de pouvoir arriver des conclusions solides. Quelques tudes climatologiques seulement estiment que le niveau de la mer pourrait monter dune moyenne de 35 cm au cours du 21me sicle.

  • PARTIE 1 Changement climatique en Mditerrane : Connaissances scientifiques et impacts CHAPITRE 1 Bassin mditerranen : changement climatique et impacts au cours du 21me sicle

    1-9

    Leau au cur des principaux impacts du changement climatique sur lenvironnement naturel en Mditerrane, se traduisant notamment par :

    Leau : Une modification rapide du cycle de leau du fait de la hausse de lvaporation et de la diminution des prcipitations ;

    Les sols : Une diminution de la capacit de stockage des eaux (du fait de la modification de leur porosit suite au changement de temprature les rendant plus secs), lacclration des phnomnes de dsertification dores et dj existants (sur-utilisation et appauvrissement des sols) ;

    La biodiversit terrestre et marine (animale et vgtale) : Un dplacement vers le nord et en altitude de certaines espces, lextinction des espces plus sensibles au climat ou moins mobiles et lapparition de nouvelles espces ;

    Les forts : une hausse du risque dincendie et des risques parasitaires ; Les tres vivants: des problmes de sant animale et humaine du fait de stress thermiques rpts (vagues de

    chaleur) et une ventuelle apparition de maladies infectieuses et parasitaires en des lieux inhabituels jusque l.

    Des impacts lourds de consquences pour les activits humaines :

    Ces impacts se rajoutent et amplifient les pressions dj existantes sur lenvironnement naturel, leurs effets devraient donc avoir des consquences dautant plus lourdes au cours du 21me sicle qui auront elle-mme de lourdes consquences physiques directes sur les activits humaines

    La question de leau, dores et dj centrale dans les proccupations de dveloppement durable en Mditerrane (en particulier au Sud) du fait de sa raret, sera un facteur clef par lequel les effets du changement climatiques sur les activits humaines doivent se propager.

    Les activits humaines et les zones impactes directement par les effets du changement climatique en Mditerrane concernent principalement :

    Lagriculture et la pche : Une diminution des rendements agricoles et halieutiques est attendue (du fait des conditions cumules de tempratures, prcipitations, tat des sols et des comportements des espces animales et vgtales). Par exemple, au Maroc, le modle Cropwat (FAO, 2001) appliqu aux cultures hivernales de crales sous scnarii 3me rapport du GIEC montre des baisses de rendement de lordre de 10% en anne normale et de 50% en anne sche dici 2020 et une production nationale en baisse de 30%. Les besoins en eau des espces cultives augmenteront avec un climat plus sec et plus chaud. On peut aussi supposer que si les peuplements de poissons changent (du fait de migrations despces et/ou de modification dans la chaine alimentaire) au profit despces dorigine subtropicale la valeur et les quantits de prises seront profondment modifies.

    Le tourisme : Le climat est une composante essentielle du choix de la destination pour les touristes. Si les vagues de chaleur et les tempratures estivales augmentent avec des problmes de ressources en eau, lattractivit des rgions mditerranennes pourrait diminuer au profit de rgions plus septentrionales. Certaines estimations retiennent quun rchauffement de 1C lhorizon 2050 pourrait dboucher sur une diminution de 10% de la frquentation touristique sur la rive Sud.

    Les zones ctires : Parmi les impacts les plus srieux, on peut citer des expositions plus importantes des infrastructures laction des vagues et temptes ctires. Les mmes problmes se poseront pour les installations portuaires (Alexandrie, La Goulette), les zones lagunaires (Venise), et les deltas (Nil, Rhne). En ce qui concerne les infrastructures les impacts les plus coteux seront ceux associs aux vnements extrmes, intenses et de courtes dures.

    Lnergie : Parmi les activits industrielles, la production dnergie est le secteur le plus impact physiquement par les effets du changement climatique. Une consquence de laugmentation du stress hydrique couple loccurrence plus frquente dvnements climatiques extrmes consisterait en la rduction du potentiel hydro-lectrique et de celui du refroidissement des centrales thermiques (diminution de rendements). Le plus grand nombre probable dvnements extrmes devraient ncessiter des redimensionnements ou modifications (ex : barrages dimensionns pour des dbits de pointe plus levs quaujourdhui).

    Ainsi, le bassin mditerranen peut-tre considr comme un laboratoire du changement climatique pour valuer les vulnrabilits et les impacts du changement climatique et pour mettre en place des mesures dadaptation et de rduction dmissions.

  • 1-10

    INTRODUCTION

    Contexte

    Au cours du 14me sicle, Ibn Khaldoun encourageait une connaissance meilleure et plus approfondie des activits politiques et socio-conomiques entre lEst et lOuest, lEurope et lAfrique du Nord, tous unis par le bassin mditerranen. Son oeuvre, qui ft trs importante, avait pour base le fait quune chose ne peut tre comprise sans que lautre ne le soit, et quau-del des conflits qui se produisaient autour du bassin mditerranen, il existait une dynamique productive et intense tisse de relations culturelles, commerciales et humaines et lie sans doute aux variabilits du climat. Le bassin mditerranen (BM) et ses pays riverains, ses frontires solides et ses peuples en perptuel mouvement, peut tre qualifi de continent liquide selon Bruno Etienne1, sociologue et politologue.

    Il devrait tre soulign quau cours des 50 dernires annes, les changements climatiques ont dj laiss leurs signatures sur la mer Mditerrane. Mise part les ventuels scnarios et impacts prsents ici, le BM est considr comme tant un laboratoire ou un incubateur naturel dans lequel ces changements et les changements venir pourront tre valus.

    Le BM est une rgion fortement htrogne o les activits naturelles et anthropogniques interagissent de manires complexes avec les variabilits climatiques, sur diffrentes chelles spatio-temporelles avec une panoplie dimpacts pluridisciplinaires. Les commentaires et exemples qui suivent servent illustrer la complexit des interactions entre le temps/climat et l'environnement naturel : dans la mer Mditerrane, le cycle hydrologique serait-il amplifi par des conditions de rchauffement rapides ? Le taux de recyclage global de leau a augment de 3 % entre 1988 et 1994 (Chahine, Haskins et Fetzer, 1997). Lair sec et plus chaud advect depuis lAfrique (Sirocco) pourrait se charger de plus de vapeur deau au-dessus de la mer (nouveaux rsultats provenant de mtorologues franais). Si cet excs de vapeur deau se trouve au-dessus des terres, celles-ci pourraient rester plus fraches (de par une couverture nuageuse plus tendue et/ou une vaporation accrue). Cela suppose que le bassin mditerranen sera suffisamment expos au rayonnement solaire pour se rchauffer. Cela ne pourrait seulement se produire que si la couverture nuageuse au-dessus de la mer restait faible. Une climatologie nuageuse haute rsolution est donc ncessaire pour la mer comme pour la terre. Les prcipitations naugmenteraient pas forcment avec la seule hausse du niveau dhumidit des sols2 et elles pourraient dpendre des saisons.

    Dans le pass rcent, les modles climatiques ntaient pas trs fiables quant aux simulations des impacts rgionaux de leffet de serre sur le bassin mditerranen (Cubasch et al., 1996). Cette situation a maintenant volu de manire considrable. Les expriences de modlisation et les rsultats les plus rcents ont en effet t capables d'apporter des informations prcieuses concernant lEurope et le BM, des chelles spatio-temporelles plus fines.

    Au niveau socio-conomique, il existe un grand nombre dinteractions entre les volutions climatiques et les effets associs celles-ci. Alors que ces interactions complexes ont t identifies (GIEC, 4me rapport dvaluation, 2007), les changements climatiques ont dj des impacts bien dfinis sur le bassin mditerranen et les rgions qui lentourent. Il est galement important de rappeler que les impacts intgrs sont aussi dus aux activits anthropiques locales rpondant aux besoins socio-conomiques et quils se superposent aux changements climatiques. Ces impacts 1 http://www.lapenseedemidi.org/revues/revue1/articles/19_grenade.pdf 2 Leau stocke dans les sols ou leur surface et qui peut svaporer. Lhumidit du sol est un paramtre qui est souvent utilis dans les modles du climat. Les modles actuels, qui incorporent les processus de la canope et des sols, considrent lhumidit des sols comme tant le contenu en eau retenue en excs du point de fltrissement de la vgtation.

  • PARTIE 1 Changement climatique en Mditerrane : Connaissances scientifiques et impacts CHAPITRE 1 Bassin mditerranen : changement climatique et impacts au cours du 21me sicle

    1-11

    pluridisciplinaires (ayant des consquences directes sur l'environnement et les cosystmes et/ou sur les activits humaines, y compris les problmes concernant la sant publique) pourraient alors eux-mmes tre amplifis par des effets non linaires.

    Cest pourquoi lheure est venue de formuler un plan long terme pour le dveloppement durable et ladaptation des pays du bassin mditerranen, tant au niveau local que national et sous-rgional. Ainsi, lvaluation des projections climatiques pour le 21me sicle ( partir dtudes antrieures ou en utilisant les tout derniers modles plus haute rsolution afin de produire des rtroprvisions, des prvisions pour limmdiat ainsi que des prvisions futures) est maintenant primordiale.

    Objectifs

    Ce chapitre a plusieurs objectifs : 1) dexaminer tous les rsultats rcents et les connaissances portant sur les changements climatiques dans le BM, ainsi que dvaluer et de propager les donnes les plus rcentes concernant les changements climatiques prvus dans le BM au cours du 21me sicle ; 2) didentifier les consquences des changements climatiques sur lenvironnement et les cosystmes naturels leurs rapports aux activits humaines seront aussi tudis puisque dimportantes mesures dadaptation socio-conomiques sont attendues.

    Sources de donnes et mthodologie

    Les donnes et les rsultats portant sur les changements climatiques comprennent des analyses provenant d'tudes et de proxies palo climatologiques. Les dernires dclarations issues du rapport du GIEC (rapport dvaluation 4) sont galement prsentes. Les projections climatiques portant sur le 21me sicle proviennent de modles climatiques mondiaux et rgionaux, y compris ARPEGE-IFS. Les rsultats ont t slectionns parmi les scnarios cls du GIEC : A1B, B1, et A2. Les analyses d'impacts et les rsultats sont fonds sur des recherches appliques pluridisciplinaires et sectorielles.

    Plus particulirement, la partie I prsentera les problmes associs aux changements climatiques plantaires et leurs rapports aux signatures rgionales, notamment sur le bassin mditerranen (BM) en utilisant les rsultats (y compris les incertitudes associes) recueillis partir de diffrents modles, allant des modles de circulation gnrale (MCG) aux modles climatiques rgionaux (MCR) plus haute rsolution. Les problmes de spatio-temporalit et de descente dchelle spcifiques au bassin mditerranen (gographie, topographie, rtroactions des populations) seront aussi examins. partir du climat historique (diagnostics et tudes de proxies) et de ltat actuel du climat, des scnarios concernant le BM seront proposs pour des paramtres tels que la temprature, les prcipitations, les volutions du niveau marin (telles quobserves depuis lespace). Des projections spcifiques et rgionales bases sur des rsultats scientifiques, ainsi que des rsultats provenant de mesures de suivi en continu, seront proposes pour le milieu et la seconde partie du 21me sicle.

    Dans la Partie II, les consquences pluridisciplinaires seront prsentes, regroupes en deux sous-parties (activits lies lenvironnement et activits humaines). La partie comprendra notamment les impacts portant sur : a) lhydrologie, les cosystmes et la biodiversit ; b) lagriculture (la scurit alimentaire), les infrastructures et les littoraux, ainsi que la sant publique. Pour conclure la Partie II, les rapports entre les impacts, les politiques et les mesures dadaptation seront examins.

  • 1-12

    I. LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES PREVUS DANS LE BASSIN MEDITERRANEEN AU COURS DU 21EME SIECLE

    Dans cette partie, les changements climatiques prvus pour le BM sont prsents de deux manires : les volutions globales sur le BM de paramtres physiques tels que la temprature, les prcipitations, et le niveau de la mer, identifies partir des derniers rsultats fournis par la modlisation ( plus haute rsolution) globale et rgionale, des technologies de tldtection, puis des prvisions plus prcises et dtailles pour le milieu et la seconde partie du 21me sicle. Ces dernires pourront tre utilises par les dcideurs et les acteurs tous niveaux afin de mettre en uvre des procdures dattnuation et dadaptation optimales.

    1. DE LECHELLE GLOBALE A LECHELLE REGIONALE

    Linfluence mondiale des gaz effet de serre (GES) est plutt bien connue et a pour rsultat un rchauffement moyen de la surface de la Terre. Il y a plus dun sicle, le chercheur Sudois Svante Arrhenius (1859 - 1927, prix Nobel de la paix en 1903) a suggr, juste titre, quune augmentation anthropognique de la concentration de dioxyde de carbone dans latmosphre pourrait provoquer un rchauffement supplmentaire de notre plante. Lquilibre radiatif de la Terre doit galement tre pris en compte puisque les variations de lalbdo dues aux diffrentes couvertures nuageuses et surfaces terrestres, labsorption dnergie par la vapeur deau, ainsi que les arosols, jouent un rle fondamental en termes dquilibre nergtique. Les GES comprennent un grand nombre de gaz tels que la vapeur deau (le plus efficace en termes dabsorption du rayonnement infrarouge provenant de la Terre), le dioxyde de carbone et lozone, le mthane et bien dautres, et linfluence observe de lactivit anthropique sur les concentrations en GES est parfois difficile modliser.

    Le dbat concernant les problmes lis aux changements climatiques mondiaux pourrait tre influenc par des intrts politiques, industriels et commerciaux, et par lopinion publique. Bien quun grand nombre de points de vue soient exprims, les scientifiques ont la responsabilit majeure de traiter ces problmes et dvaluer avec prcision les incertitudes qui y sont lies. Au dbut du 21me sicle, il est intressant d'valuer le dernier rapport du GIEC (Quatrime Rapport dvaluation (RE4), 2007) en s'appuyant sur six scnarios diffrents d'missions. La Figure 1(rapport du GIEC, 2007) reprsente les moyennes multi modles et les intervalles estims pour chacun des six scnarios de rchauffement en surface.

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    Figure 1 - Les moyennes multi modles et les intervalles estims du rchauffement global en surface (C) au cours du 21me sicle

    Moyennes selon six scnarios cls du GIEC, notamment : B1 (bleu), A1T, B2, A1B (vert), A2 (rouge), A1F1. La srie temporelle orange suppose une concentration en GES stable partir de lan 2000 Source : Rapport GIEC, 2007, pour de plus amples informations Dici la fin de ce sicle il existera, parmi les six scnarios tudis, une dispersion de laugmentation moyenne de la temprature de lair en surface, variant entre prs de 2 C pour le scnario le moins lev (nomms B1 et A2, au sein dune fourchette probable comprise entre 1,1 C et 2,9 C) et environ 4 C pour le scnario le plus lev (nomm A1F1, au sein dune fourchette probable comprise entre 2,4 C et 6,4 C). Les scnarios sont bass sur des hypothses estimant les niveaux de croissance de la population, les activits conomiques et commerciales, ainsi que les niveaux de consommation d'nergie. Pour un scnario moyen (nomm A1B), la meilleure estimation est de 3,4 C (au sein dune fourchette probable comprise entre 2 C et 5,4 C). Les fourchettes sont dues au fait que les mcanismes physiques, qui comprennent des rtroactions entre le climat et les cycles du carbone et du dioxyde de carbone, ne sont encore pas tout fait compris. Il est intressant de noter qu'en incluant les rtroactions dans les modles de circulation gnrale (MCG), on obtient des incertitudes plus leves. Bien que les valeurs du rchauffement des tempratures moyennes prsentes dans les diffrents scnarios puissent paratre peu leves, 5 C seulement nous sparent de la dernire priode glaciaire. Ainsi, une volution relativement faible des tempratures moyennes peut entraner des vnements mtorologiques extrmes beaucoup plus intenses, de par les interactions non linaires. Ces vnements mtorologiques extrmes (lis au climat) sont responsables dun grand nombre des impacts rgionaux et locaux considrables qui touchent l'ensemble de la socit humaine. Il est trs probable, par exemple, que les canicules sintensifient (en frquence et en dure), tandis que les fortes prcipitations (ou leur absence) seront rparties diffremment par rapport la climatologie connue. Ces changements prvus dans les extrmes continueront contribuer aux volutions qui sont dj observes. La projection partir danalyses globales devient assez complexe lorsquelle doit tre rgionalise lchelle du bassin mditerranen (von Storch et al., 1993 ; Giorgi et al., 1992 ; Conway et Jones, 1998 ; Risnen et al., 1999). Antrieurement, ces analyses avaient fait lobjet des projets europens ECLAT-23 et ACACIA4 3 Action concerte pour amliorer la comprhension et lapplication des rsultats des simulations des modles climatiques dans les projets de recherche de lUE sur les impacts du changement climatique. Son deuxime objectif est de tenir les chercheurs travaillant dans le domaine des impacts du changement climatique, au courant des dveloppements en matire de modlisation climatique et de les informer sur la disponibilit des rsultats de nouvelles simulations de changement climatique ralises en Europe et dans le monde. 4 A Concerted Action Toward a Comprehensive Climate Impacts and Adaptation Assessment for the European Union : Action concerte pour une valuation complte des impacts et de ladaptation au climat pour lunion europenne

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    (Parry, 2000). Des conclusions scientifiques accompagnes des problmatiques de gestion et dimpacts ont donc t prsentes au projet franais GICC5 (Gestion et Impacts des Changements du Climat).

    Les problmes lis au changement climatique global et sappliquant au bassin mditerranen pourraient tre classs de la manire suivante :

    Quelle est la contribution rgionale des GES lquilibre nergtique ?

    Quelles sont les volutions spatio-temporelles dorigine anthropiques au niveau rgional et local ? Par ailleurs, la descente en chelle dun modle de circulation gnrale vers un modle de climat rgional (MCR) et des chelles spatio-temporelles locales reprsente en elle-mme un dfi scientifique puisque le BM prsente un haut niveau de complexit ainsi que des processus qui pourraient tre plus difficiles apprhender. La Figure 2 met en vidence la complexit spatio-temporelle et les interactions mer-atmosphre (labscisse reprsente les chelles temporelles allant du sicle aux vnements extrmes en passant par le quasi-dcennal et la variabilit saisonnire, adaptation partir de HYMEX, 2007). De plus, arriver comprendre les changements climatiques du BM et le cycle global du carbone au niveau rgional reste encore un dfi. Il est difficile dvaluer les stocks de carbone dans les rservoirs connus et les flux de carbone entre ces derniers lis aux perturbations anthropiques (Schimel et al., 1996). Par exemple, dans le calcul de lquilibrage des flux de carbone, il est souvent suppos que labsorption nette par locan du carbone provenant de la perturbation anthropique est gale la rsultante air-mer plus le ruissellement moins la sdimentation (Sarmiento et Sundquist, 1992). Enfin, limportance de lactivit anthropique en soi dans le BM influera normment sur l tat naturel du climat du bassin lui-mme.

    Figure 2 - Processus dinteraction entre latmosphre et locan, avec leurs chelles spatio-temporelles pour le bassin mditerranen

    En ordonne les chelles spatiales, des zones ctires aux bassins ; en abscisse les chelles temporelles pour les processus sculaires, dcennaux, saisonniers jusquaux vnements extrmes. Source : Adapt de HYMEX, 2007

    5 Gestion et Impacts du Changement Climatique . Initiative franaise sur le changement climatique et les impacts multidisciplinaires.

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    2. PROBLEMES DE MODELISATION DU BASSIN MEDITERRANEEN

    2.1. Modlisation globale et rgionale du climat

    Alors que les modles de circulation gnrale ont pour but dapporter des rponses aux questions globales, chacun dentre eux souffre dinsuffisances pour une application rgionale. En effet, certains processus physiques de latmosphre, de locan (comme la propagation dondes ocaniques-atmosphriques) et de la biosphre mettent en jeu des chelles beaucoup plus petites. Bien que les modles de circulation gnrale puissent tre amliors (meilleures paramtrisations de ladvection et de la subduction ocanique par exemple), ils souffriront toujours dinsuffisances intrinsques. De plus, lorsquils sont utiliss pour des tudes dimpact rgional, ils ne prennent pas toujours en compte les informations pertinentes pour une chelle gographique donne. Par exemple, lItalie du sud ou la Sicile ne sont pas biens reprsentes dans la plupart des modles climatiques globaux, tandis que la reprsentation de chanes de montagnes majeures (comme les Alpes ou lAtlas), qui influencent directement le climat rgional, est largement simplifie.

    2.2. Utilisation et amlioration des MCR

    Les modles climatiques rgionaux sont indispensables pour modliser le bassin mditerranen, dont lchelle caractristique varie du kilomtre la dizaine de kilomtres. Ces modles peuvent atteindre une rsolution de 50x50 km sur la rgion dintrt, et mme jusqu 10x10 km sur un domaine limit. Des modles climatiques rgionaux du bassin mditerranen sont en cours de dveloppement. Certains sont forcs par ltat thermique de la mer, tandis que les modles entirement coupls devront dcrire de faon adquate la convection profonde ocanique ainsi que la variabilit de limportante circulation thermohaline (par exemple aux chelles saisonnires et annuelles pour commencer).

    Lamlioration des MCR est un domaine actif de recherche pour le bassin mditerranen. Daprs Somot (2005), les facteurs importants pour optimiser et amliorer la qualit dun modle climatique rgional sur le bassin mditerranen sont les suivants :

    Amliorer la comprhension et la simulation de la circulation thermohaline avec ARPEGE-Climat6 et NEMO7, en prenant en compte les flux atmosphre-ocan ;

    Identifier les erreurs systmatiques des modles avec des simulations sur plusieurs annes ou dcades, et tester la sensibilit du modle (rtroactions) ;

    Choisir des rgions spcifiques, forces par les donnes dERA40 ;

    valuer les incertitudes et les dpendances spatio-temporelles du modle ;

    Quantifier limpact du changement climatique global sur la bio-chimie ;

    Comprendre et reproduire les tlconnexions, au moins entre locan Atlantique et le bassin mditerranen.

    6 ARPEGE-Climat : Depuis 1999, Mto-France/le CNRM travaillent amliorer les modles de simulations du climat avec des paramtrisations physique ralistes et un coupage ocan-atmosphre-banquise. ARPEGE Climat est ainsi utilis pour tablir des scnario, y compris une valuation de sensibilit. http://www.cnrm.meteo.fr/present/RetD99/etude.pdf 7 NEMO : Ce modle paramtrise les effets de la mare dans un modle global de circulation ocanique dans un contexte de changement climatique

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    La validation sera bien sr ltape cruciale, tout au moins lors de la comparaison des rsultats avec dautres modles climatiques rgionaux. Les inter-comparaisons passes de modles climatiques rgionaux conduites par Christensen et al. (1998) ont permis une bonne simulation de laugmentation de la temprature de lair (avec nanmoins un cart type de +/-2 C), except sur lEurope du sud-est, bassin mditerranen compris, pendant lt.

    3. DONNEES SUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

    3.1. Paloclimatologie et traceurs

    Les scientifiques ont utilis des archives naturelles (ou traceurs, tels les cernes darbres, la croissance des coraux, les proportions disotopes) afin de reconstituer les conditions climatiques passes. Les changements climatiques rcents dans les enregistrements naturels de ces traceurs peuvent ainsi tre calibrs en utilisant les mesures globales de pression au niveau de la mer et de la temprature de surface maritime depuis 140 ans (Kaplan et al., 1998). Des tudes diagnostiques sont ncessaires afin de comprendre et prvoir les changements potentiels venir du systme climatique, et pour apprhender la variabilit du climat, de lchelle saisonnire sculaire (Tourre et White, 2006). Des tudes ont montr que la terre sest rchauffe de 0,4 C 0,8 C depuis 1860. Il est intressant dvaluer les mcanismes dinteractions et de rtroactions entre les oscillations climatiques de basse frquence (comme le signal multi-dcennal, entre autres) et les consquences des activits anthropogniques et de la rvolution industrielle.

    Les lois physiques sont indpendantes du temps. Ainsi, tout modle utilis pour prvoir le climat futur peut tre valid rebours en utilisant les donnes paloclimatiques (reconstitution ou hindcasting ). Cette validation inestimable peut aider rsoudre les problmes suivants :

    Pourquoi le changement climatique au cours du dernier sicle est-il sans prcdent compar aux changements durant les derniers 500, 200 ou 20 000 ans ?

    Est-ce que les tempratures globales rcentes reprsentent un nouveau maximum ?

    Pourquoi la vitesse du changement climatique rcent est-elle unique ? Le GIEC doit beaucoup aux avances dans la paloclimatologie pour les informations consolides publies dans son rapport de 2007 (RE 4, quatrime rapport dvaluation). Ces avances seront trs utiles pour une meilleure comprhension des diffrents scnarios de changements climatiques futurs dans le bassin mditerranen.

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    3.2. Climat mditerranen pass

    Le projet dintercomparaison de la modlisation du paloclimat (PMIP8, Paleoclimate Modelling Intercomparison Project) a commenc fournir des rsultats. Ce projet a deux objectifs :

    analyser la variabilit naturelle du climat lchelle multi-millnaire afin destimer les impacts anthropogniques et

    tester la sensibilit des modles de climat en utilisant des rgimes de temps diffrents de celui qui prvaut de nos jours (Joussaume et al., 1999).

    Il y a vingt mille ans, le domaine situ entre lEspagne mridionale et le Caucase tait couvert de steppes froides (avec des forts parses). La temprature du mois le plus froid tait alors de 15 C plus basse que de nos jours dans la partie septentrionale du bassin mditerranen (Peyron et al., 1998). Il y avait moins deau disponible pour la vgtation. Les modles tendent sous-estimer le froid hivernal (-5 C au lieu de 15 C), ainsi que la scheresse durant la priode de croissance de la vgtation, ce qui pourrait tre d une connaissance insuffisante de ltat thermique pass de la mer Mditerrane.

    Des rsultats beaucoup plus fiables ont t obtenus pour 18 000 ans avant le prsent (voir la Figure 3, qui montre les isothermes et les zones ctires ; de Doumengue, confrence de lUNU, 1997) ou pour lHolocne moyen, il y a 6 000 ans. Des cartes de vgtation et de climat ont t produites pour cette priode (Cheddadi et al., 1998). Les forts caduques et mixtes qui ont peu peu progress vers le nord taient aussi prsentes dans le Maghreb et la valle de la Sahoura par exemple. Le climat tait plus doux (+1 C +3 C pendant lhiver), tandis que davantage deau tait disponible pour la croissance de la vgtation (+8 % +15 % estims). Les modles ont mis en vidence un contraste saisonnier plus marqu que de nos jours, avec des ts plus chauds (+2 C) et des hivers plus froids (-1 C 2 C), rsultant en une moyenne annuelle similaire. Cependant les modles tendent aussi sous-estimer le mcanisme daugmentation de la pluviosit. Une augmentation de la temprature de 1 C peut amener un dplacement de la vgtation de 100 km vers le nord. Des simulations bases sur une augmentation de la temprature de 2 C et un doublement de la concentration en CO2 ont t effectues (Cheddadi et al., 1998), cependant les rsultats nont pas montr dextension des zones arides mditerranennes du nord du bassin mais plutt un dveloppement des forts caduques, comme pendant lHolocne.

    8 PMIP (Joussaume and Taylor, 2000) : Un projet international mettant en jeu des membres des groupes majeurs de modlisation du climat dans le monde, sous lauspice du Programme de Recherche Mondiale sur le Climat (World Climate Research Programme, WCRP) et du Programme International Gosphre-Biosphre (Internation Geosphere-Biosphere Programme, IGBP).

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    Figure 3 - Le bassin mditerranen il y a 18 000 ans

    Les isothermes en C sont tracs (lignes continues), et les zones ctires en noir montrent le littoral cette poque. On peut voir que lEM (Est Mditerrane) tait beaucoup plus douce que le bassin occidental (denviron 8 C), et que lextension de la mer Adriatique tait alors trs rduite Source : Daprs Doumengue, UNU, 1997)

    Les comparaisons ci-dessus montrent que les activits anthropogniques sont lorigine de changements climatiques non seulement comparables aux changements naturels, mais une chelle de temps beaucoup plus rapide. Ce type dimpact des activits humaines ces 300 dernire annes sera tudi avec les jeux de donnes du projet BIOME 3009, une initiative du PAGES (Past Global Changes, changements globaux passs, un projet cl du Programme International Gosphre-Biosphre, International Geosphere-Biosphere Programme, IGBP) et du LUCC (Land Use Land Cover Change, changements dans loccupation et lutilisation des sols). Son but est de reconstruire loccupation et lutilisation des sols au cours des 300 dernires annes en utilisant des donnes historiques et polliniques (Thomson, 2000). Il est intressant de remarquer que les premires chemines hydrothermiques ont t dcouvertes par le projet dexploration Jason (de la fondation Kleberg), en 1989.

    4. PREVISION DU CHANGEMENT CLIMATIQUE : RESULTATS RECENTS

    Il est difficile de prsenter dans la suite les rsultats les plus rcents de prvision du climat en utilisant un seul scnario du GIEC. Sont donc prsents un ensemble de rsultats provenant de diffrentes quipes de recherche, utilisant les scnarios les plus traditionnels du GIEC : A1B, B1 et A2. Les quipes ont atteint un certain degr de consensus, tout au moins en ce qui concerne les changements de rgimes pluviaux.

    9 BIOME 300 : Une initiative du PAGES (Past Global Changes, changements globaux passs, un projet cl du Programme International Gosphre-Biosphre, IGBP) et du LUCC (Land Use Land Cover Change, changements dans lutilisation et loccupation du sol), qui a pour but de reconstruire loccupation du sol ainsi que son utilisation au cours des 300 dernires annes en utilisant des donnes historiques et polliniques.

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    4.1. Scnarios rgionaux gnraux

    En 1996, J.P. Palutikof et T.M.L. Wigley (Unit de Recherche Climatique ou CRU de lUniversit East Anglia) ont publi une synthse des scnarios disponibles pour le changement climatique dans le bassin mditerranen. Cette tude utilise quatre modles de circulation gnrale avec descente dchelle : celui de lUKMO (Office Mtorologique du Royaume Uni), du GISS (Institut Goddard d tudes Spatiales), du GFDL (Laboratoire de Dynamique des Fluides Gosphysiques) et de lOSU (Universit de lEtat de lOregon). Des tudes supplmentaires ont t effectues depuis, sur les changements rcents (et leur causes) dindices de circulation, la fois de grande chelle et rgionale, sur lItalie, la pninsule Ibrique et la Grce (Brunetti et al., 2001, Goodess et Jones, 2002 entre autres). En gnral et depuis les travaux prcurseurs de Palutikof et Wigley, lobjectif principal a t dinvestiguer dans quelle mesure les schmas de pluies journalires ainsi que lincidence de tempratures extrmes ont chang sur une ligne thorique allant de la pninsule Ibrique la Grce durant la seconde moiti du 20me sicle (cest dire la priode pour laquelle les ranalyses du NCEP sont disponibles). Le rle de la variabilit et du changement dindices de climat tels que lAO, lAMO, la NAO, lhumidit atmosphrique NAWA (voir lencart n1), et la temprature de surface moyenne entre autres ont t investigus afin de dterminer si des relations empiriques pouvaient tre tablies en termes de pluviosit et de tempratures extrmes. Enfin, est-ce que cette variabilit/changement concide avec les prvisions des modles climatiques globaux et rgionaux prenant en compte le changement climatique dorigine anthropique ?

    Les travaux achevs de Goodes et Jones (2002) mettent laccent sur la pluviosit (en particulier pour essayer dexpliquer les schmas complexes de changements de probabilit et dintensit des pluies) plutt que sur la temprature, et ceci sur la pninsule Ibrique et la Grce plutt que lItalie (concernant laquelle un grand nombre darticles ont t crits par des chercheurs italiens qui se basent sur un rseau de stations beaucoup plus dense). Bien quil ait t montr que les changements cachent une situation beaucoup plus complexe que ce quon pouvait attendre, ces rsultats et analyses peuvent tre utiliss en vue dtablir des scnarios pour des rgions spcifiques du bassin mditerranen.

    Le climat mditerranen dans le contexte global

    Le climat mditerranen interagit avec celui des autres parties du monde. Il est directement li locan Atlantique par son cordon ombilical de 14km, ce qui fait que son eau est entirement renouvele tous les 100 ans environ. Loscillation arctique hivernale

    10 (AO) ou mode annulaire septentrional

    11 (NAM), qui ont une signature sur locan Atlantique

    septentrional (Oscillation Nord-Atlantique12

    , ou NAO), lOscillation Multidcennale Atlantique (ou AMO) et la circulation thermohaline (THC, voir la note 14) ainsi que les moussons africaine et asiatique sont aussi lies aux indices climatiques mditerranens tels que lOscillation Mditerranenne (MO) et lAfrique du Nord-Asie de lOuest

    13 (NAWA). Les changements de phases de la NAO sont associs aux trajectoires des dpressions sur le bassin mditerranen et aux anomalies observes de pluviosit sur lest de la Mditerrane (EM). En effet, les mouvements de grande chelle des masses dair de lAtlantique nord, principalement une modulation de la dpression islandaise et des anticyclones sub-tropicaux, a tendance stendre au bassin mditerranen. Les anomalies de pression au niveau de la mer sur la zone Islande - Groenland sont par exemple corrles avec des anomalies de sens contraire centres sur lAdriatique nord ; des pressions au niveau de la mer leves sur le Groenland sont associes avec une activit cyclonique anormale sur la Mditerrane, et un anticyclone mditerranen est prsent lorsque la pression est basse sur le Groenland. Dans lEM (Est Mditerrane), ces anomalies ont pour consquences des vents du sud anormaux en prsence dun anticyclone groenlandais, et des vents du nord en cas de dpression groenlandaise (Eschel et Farell, 2000 ; Tourre et Paz, 2004). Une

    10 Loscillation arctique hivernale est lies un motif de pression atmosphrique sur les rgions polaires qui varies en opposition avec celui qui prvaut aux latitudes moyennes (~45 N), des chelles de temps allant des semaines aux dcennies. Cette oscillation recouvre toute la troposphre et stend la stratosphre, o elle module lintensit du vortex polaire 11 Un mode annulaire non hydrostatique dchelle hmisphrique, associ aux diffrences de pression entre les rgions polaires et de latitudes moyennes. LAO et le NAM sont deux faons diffrentes de dcrire le mme phnomne. 12 Thompson et Wallac (2000) soutiennent que la NAO, ou diffrence entre pression au niveau de la mer entre les Aores et lIslande, nest pas un phnomne rgional nord-Atlantique en soi, mais plutt une signature locale du NAM. 13 La NAWA (North Africa West Asia, Afrique du Nord Asie de lOuest) est la diffrence de pression au niveau de la mer entre lAfrique du nord et lAsie de louest, telle que dfinie par Paz et al. (2003). Voir aussi les liens entre la NAWA et lAMO (Paz et al., 2008).

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    circulation de grande chelle modifie amne non seulement des rgimes climatiques diffrents mais gnre aussi des changements dans les interactions entre les diffrentes chelles de flux jusquaux brises marines et la circulation induite par les montagnes. Ceci affecte son tour les schmas de pluviosits ainsi que la rpartition de lnergie la surface. Ces mcanismes sont aussi responsables de la grande variabilit inter-annuelle des climats mditerranens rgionaux. La NAO prsente plus de phases positives depuis le milieu-fin des annes 70, ce qui pourrait tre une des signatures Atlantiques du changement climatique global (Tourre et Paz, 2004). Enfin, lindice NAWA montre une relation directe avec les taux de prcipitations africains/sahliens (szoy et al., 2001 ; Paz et al., 2003 ; Tourre et al., 2006 ; Suelj et Bergant, 2006 entre autres).

    4.1.1. Scnario pour la temprature

    Laugmentation prvue de la temprature moyenne globale a pour consquence des schmas rgionaux et locaux complexes de changement des prcipitations/scheresses rgionales (voir la partie suivante sur les scnarios de pluviosit). Ceci pourrait expliquer pourquoi la variation de la temprature rgionale, de 0,7 C 1,6 C (pour une augmentation de 1 C de la temprature moyenne globale) est un peu moindre que les 2 C prvus par le scnario global. Une zone de transition abrupte entre les petites et grandes variations sur la mer et la terre respectivement a t mise en vidence sur la frange nord-mditerranenne. Pendant lhiver, les rgions sur lesquelles les anomalies de temprature apparaissent plus leves que lanomalie moyenne globale de temprature couvrent la plus grande partie de la pninsule Ibrique et de lEM. Pendant lhiver, la situation inverse prdomine. Il est intressant de remarquer que ces deux rgions sont directement influences par lindice NAWA (Figure 4, de Paz et al., 2003). Dans la Figure 4, les grands points reprsentent les points de maille associs aux ples de la NAWA, tels quidentifis par Paz et al. (2003). Remarquez que lEM se trouve mi-distance entre les deux ples et est ainsi directement influenc par des changements de temprature et dhumidit disponible lis aux gradients de pression atmosphrique (voir aussi Rimbu et al., 2001).

    Figure 4 - Lindice Nord Africain Asie de lOuest (NAWA)

    Les grands points dans les ovales reprsentent les deux ples de la NAWA, tels quidentifis par Paz et al. (2003). Remarquez que lEM se trouve mi-distance entre les deux ples et est ainsi directement influenc par des changements de temprature et dhumidit disponible lis aux gradients de pression atmosphrique. Source : Rimbu et al., 2001 Pendant lautomne, il a t mis en vidence de vastes zones prsentant une grande sensibilit au changement climatique global, qui comprennent une partie de la France mridionale, lEspagne et lAfrique du nord-ouest (augmentation de la temprature de 1,3 C compar une augmentation globale de la temprature moyenne de 1 C).

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