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CHANGEMENTS TECHNOLOGIQUES, LOGIQUESINSTITUTIONNELLES ET DYNAMIQUES INDUSTRIELLESEsquisse d'une approche co-évolutionnaire appliquée à l'industrie pharmaceutique et auxbiotechnologiesMarc-Hubert Depret et Abdelillah Hamdouch De Boeck Supérieur | Innovations 2007/1 - n° 25pages 85 à 109
ISSN 1267-4982
Article disponible en ligne à l'adresse:
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-innovations-2007-1-page-85.htm
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Pour citer cet article :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Depret Marc-Hubert et Hamdouch Abdelillah, « Changements technologiques, logiques institutionnelles et dynamiques
industrielles » Esquisse d'une approche co-évolutionnaire appliquée à l'industrie pharmaceutique et aux
biotechnologies,
Innovations, 2007/1 n° 25, p. 85-109. DOI : 10.3917/inno.025.0085
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur.
© De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays.
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n° 25 – innovations 2007/1 85
CHANGEMENTSTECHNOLOGIQUES, LOGIQUES
INSTITUTIONNELLES ETDYNAMIQUES INDUSTRIELLES
Esquisse d’une approcheco-évolutionnaire appliquée
à l’industrie pharmaceutiqueet aux biotechnologies*
Marc-Hubert DEPRETBETA, Université Henri Poincaré (Nancy I), École Supérieure des
Sciences et Technologies de l’Ingénieur de Nancy,[email protected]
Abdelillah HAMDOUCHCLERSE-IFRESI, Université des Sciences et Technologies de Lille,
INTRODUCTION
Alors que les travaux fondateurs de J.A. Schumpeter (et de ses nombreuxexégètes) ont fait du changement technique le principal moteur de la dyna-mique économique et sociale, des recherches de plus en plus nombreuses,menées depuis une vingtaine d’années, mettent davantage l’accent sur l’hypo-thèse d’une évolution conjointe (ou co-évolution) des trajectoires technolo-
* Les auteurs tiennent à remercier les participants au Deuxième Forum « L’esprit de l’innovation »(organisé du 26 au 30 septembre 2006 à Dunkerque), ainsi que ceux des Cinquièmes Journées dela Proximité (organisées du 28 au 30 juin 2006 à Bordeaux) pour leur discussion constructive dedeux textes préliminaires à partir desquels cet article a été rédigé. Bien entendu, ils restent seulsresponsables des éventuelles erreurs ou omissions qui pourraient y subsister.
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giques, des dynamiques de marché et des structures socio-économiques1.Qu’elles soient explicitement fondées sur l’hypothèse de co-évolution ouqu’elles l’acceptent implicitement, ces différentes approches ont, nous semble-t-il, le mérite de contribuer à une meilleure caractérisation des dynamiquestechnologiques et industrielles dans laquelle l’Histoire, le contexte (économi-que, financier, social, politique, etc.), le système institutionnel et les interdé-pendances temporelles jouent un rôle fondamental (Lewin et Volberda,1999)2. Ces approches constituent également un axe d’analyse relativementstimulant, qui apparaît particulièrement adapté pour caractériser les dynami-ques d’évolution des secteurs confrontés à de profonds changements structu-rels (Van den Bosch et al., 1999).
Nous souhaitons toutefois élargir le contenu et la portée de ces analyses,dans la mesure où la dimension spatiale des dynamiques technologiques etindustrielles à l’œuvre dans de nombreux secteurs ne nous semble pas y êtresuffisamment prise en compte. Il nous apparaît ainsi indispensable d’y inté-grer également les échelles spatiales envisagées (et leurs articulations) et la(ou les) trajectoire(s) technologique(s) suivie(s) par les différents acteurs del’innovation. Nous pensons, en effet, que le « milieu », le « moment » et le« lieu » du changement techno-industriel sont non seulement intimementliés, mais, de plus, co-évoluent et s’induisent (ou s’encastrent) structurelle-ment les uns (dans) les autres.
A partir de l’esquisse d’un modèle co-évolutionnaire, cette contributionvise précisément à montrer que les évolutions structurelles à l’œuvre dans denombreux secteurs confrontés à de profonds changements structurels (tech-nologiques en particulier) s’inscrivent dans une dynamique de l’innovationdont la trajectoire et les points d’inflexion sont guidés par l’interdépen-dance, l’encastrement et la co-évolution – dans le temps et dans l’espace –des dynamiques technologique, industrielle et « environnementale » 3. Plus
1. Ces recherches s’inscrivent dans le prolongement de la théorie néo-schumpétérienne descycles longs, de l’analyse évolutionniste, ou encore dans l’optique de l’écologie organisationnelle.Parallèlement, de nombreux travaux ont récemment été consacrés, plus explicitement, à la coé-volution des connaissances, des technologies, des institutions et des organisations innovantes, etdes structures de marché. Pour une revue de cette littérature, cf. notamment : Volberda et Lewin(2003), Geels (2006) et Malerba (2006). 2. De fait, la plupart de ces approches prolongent ou complètent les approches institutionnalistes(au sens large) qui, depuis longtemps, ont mis l’accent sur le rôle majeur des institutions (en par-ticulier les institutions de soutien à la R&D) dans le développement économique (sur ce point,cf. l’analyse stimulante de Nelson, 2006). 3. Ce que nous qualifions de dynamique « environnementale » renvoie à l’environnement(entendu ici au sens presque « écologique » du terme), au « milieu » ou au « contexte » danslequel s’inscrivent les acteurs économiques (institutions et organisations réunies) et qui con-traignent, en partie, leurs actions (et leurs anticipations). Dans cette perspective, cette notion
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Changements technologiques, logiques institutionnelles…
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largement, nous montrerons que le cadre spatial et institutionnel du change-ment technologique « façonne » (dans le temps), et en partie résulte de,cette dynamique co-évolutive de manière structurante.
Pour cela, nous nous appuierons sur le cas de l’industrie pharmaceutique.Après une période de relative stabilité, ce secteur connaît en effet, depuisplus d’une trentaine d’années, de profonds changements (avènement d’unnouveau paradigme [biotechnologique] de l’innovation ; rendementsdécroissants du paradigme [pharmaco-chimique] traditionnel ; redéfinitiondu rôle de la Science et de son organisation ; évolution des modes de con-sommation ; mise en place de nouvelles politiques de gestion des systèmesde santé ; émergence de nouveaux acteurs industriels et institutionnels)qui remettent progressivement en cause ses structures, ses stratégies, sesmodes d’organisation, ainsi que les contours de son environnement (Hen-derson et al., 1999 ; Orsenigo et al., 2001 ; Powell et al., 2005). L’étude desdynamiques technologiques et industrielles de ce secteur nous semble doncparticulièrement illustrative des multiples ressorts d’une dynamique co-évolutionnaire.
Ce choix nous apparaît d’autant plus pertinent que, d’un point de vuethéorique, l’émergence progressive d’un nouveau paradigme techno-indus-triel au sein de l’industrie du médicament – et sa cohabitation persistanteavec le paradigme fondateur de cette industrie – pose aujourd’hui de nom-breuses questions liées aux conditions (« environnementales » ou contex-tuelles), au timing et à l’étendue (géographique) du processus de changementtechno-industriel. Pour répondre à ces questions, nous esquisserons les con-tours de notre modèle co-évolutionnaire en en ébauchant progressivementla logique et en en déclinant les hypothèses. Dans cette optique, nous cher-cherons à montrer comment les différentes dimensions constitutives del’environnement des acteurs de l’innovation sont concrètement liées etcomment elles co-évoluent avec les dynamiques technologique et indus-trielle du secteur (section 1), à la fois dans le temps (section 2) et dansl’espace (section 3). Enfin, nous conclurons cet article en tentant d’en élargirles perspectives théoriques et empiriques.
dépasse le simple cadre « institutionnel » (y compris dans une acception large prenant encompte les aspects institutionnels stricto sensu et les aspects sociaux) dans la mesure où elle intè-gre également une dimension scientifique et technologique d’une part, une dimension économi-que et financière d’autre part. Cet « environnement-milieu-contexte » évolue au cours du tempset peut être différent d’un territoire (pays, région, métropole, etc.) ou d’un secteur à un autre,même s’il peut également être commun à plusieurs technologies et/ou à plusieurs filières.
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LE CŒUR DE LA DYNAMIQUE CO-ÉVOLUTIONNAIRE
L’objet de cette première partie est de décliner, d’expliciter, d’illustrer et demettre en cohérence les différentes hypothèses sur lesquelles se fonde lemécanisme co-évolutionnaire dont nous nous attacherons à décomposer les dif-férents niveaux (cf. Figure 1).
Interdépendance, encastrement et co-évolutiondes dynamiques techno-industrielles
Dans la lignée des différentes approches co-évolutionnistes dans lesquelless’inscrit notre modèle (cf. supra Introduction), notre première hypothèse [H1]postule l’interdépendance, l’encastrement 4 et la co-évolution des dynamiques tech-nologique(s) et industrielle(s) 5.
Dans les secteurs confrontés plus spécifiquement à de profonds change-ments technologiques – comme cela est particulièrement le cas dans l’indus-trie pharmaceutique –, ces trois logiques concomitantes ne manifestent avecune intensité variable selon notamment :
i) le degré de rupture du changement technologique (i.e. le caractèreincrémental, radical ou paradigmatique de l’innovation) et la naturedu régime technologique en vigueur ;ii) les caractéristiques intrinsèques du secteur considéré (structures demarché ; nature, taille, stratégies, modes d’organisation et performan-ces des entreprises ; etc.).
4. Dans le sens que Granovetter (1985) donne à ce terme. 5. Dans ce cadre, quatre cas de figure sont envisageables et, de ce fait, expliquent pourquoi lesnotions de dynamique industrielle et de dynamique technologique peuvent, selon le cas, êtremises au singulier et/ou au pluriel. Généralement, en effet, la plupart des secteurs se caractérisentpar une seule dynamique industrielle et par une seule dynamique technologique. On parlera icides dynamiques technologique et industrielle du secteur. Certains secteurs divergent toutefois dece « modèle de base », par exemple lorsque, au sein d’une même filière technologique (articuléeautour d’un même paradigme, de la même ou des mêmes technologies, du même ou des mêmesstandards, de la même « base de compétences », etc.), plusieurs « niches de marché » (caractéri-sées par des dynamiques industrielles spécifiques) cohabitent. On parlera alors de dynamiquestechnologique et industrielles. A contrario, un même secteur peut être confronté à plusieursoptions technologiques plus ou moins incompatibles – comme cela est le cas dans le secteur phar-maceutique où la dynamique industrielle du secteur, la dynamique technologique du paradigmepharmaco-chimique et la dynamique technologique du paradigme biotechnologique co-évo-luent de concert. Dans ce cas, on a affaire à des dynamiques technologiques et industrielle. Enfin,lorsque plusieurs technologies (ou standards) cohabitent au sein d’un même secteur caractérisépar des business models différents, on parlera de dynamiques technologiques et industrielles.
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Figure 1 – L’articulation logique des hypothèses
Ainsi, dans les secteurs fortement atomisés, les conséquences économi-ques du changement technologique (quelle que soit son intensité) sontgénéralement, toutes choses égales par ailleurs, plus importantes que dans lessecteurs oligopolistiques ou monopolistiques. A l’inverse, l’impact du chan-gement technologique sur les structures industrielles et concurrentiellesdépend généralement de son intensité (cf. Hamdouch et Depret, 2002). Defait, même lorsqu’il est qualifié de « radical », de « révolutionnaire » ou de« majeur », le changement technologique n’implique pas systématiquementou rapidement une transformation profonde des structures industrielles etconcurrentielles des secteurs dans lesquels il se produit (cf. Delapierre et al.,1998). La co-évolution des dynamiques industrielle(s) et technologique(s)est donc à la fois contingente (de par leur interdépendance), systémique (enraison de leur encastrement) et non forcément synchronisée 6.
Cette logique d’interdépendance/encastrement/co-évolution des dynami-ques technologique(s) et industrielle(s) s’observe tout particulièrement au seinde la pharmacie (cf. Figure 2). Dans ce secteur, elle résulte des caractéristiquesintrinsèques (et évolutives) des structures industrielles et de (l’évolution de)
6. Dans notre esprit, la co-évolution (ou évolution conjointe) n’implique pas forcément la simul-tanéité des évolutions, mais davantage leur interaction dynamique. De fait, l’impact d’une tra-jectoire sur une (ou plusieurs) autre(s) ne sera pas forcément immédiat, voire même significatif.D’une part, parce que leur dimension multifactorielle peut faire en sorte que leurs effets respectifsse neutralisent. D’autre part, en raison de l’existence d’une sorte de « principe de relativité éco-nomique » faisant en sorte que, par exemple, les « temps » de la science, de la société et des mar-chés ne coïncident pas forcément (et donc n’évoluent pas toujours au même rythme). De lamême manière, les trajectoires observées peuvent être parallèles, convergentes ou divergentes,selon le contexte, tout en co-évoluant.
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Figure 2 – L’étroite connexion des dynamiques techno-industrielles (H1)
son processus d’innovation (et donc, notamment, du paradigme technologi-que dominant). Depuis l’émergence et la diffusion du paradigme pharmaco-chimique (cf. plus loin la Figure 7), l’industrie pharmaceutique est en effetun secteur Science-Based, intensif en R&D et très réglementé, qui s’est pro-gressivement organisé autour d’un oligopole à la fois stable (peu de nouveauxentrants), relativement dispersé (pas de leader mondial hégémonique) etdynamique (évoluant au gré des stratégies de croissance mises en œuvre parles industriels et des blockbusters qu’ils sont parvenus à commercialiser dans lestrict cadre d’un processus d’innovation à la fois rationalisé, rational drugdesign, et routinier), et ce, sur une base essentiellement nationale (Hamdouchet Depret, 2001). De fait, ce secteur est aujourd’hui fortement segmenté auniveau global, tout en étant relativement très concentré au niveau nationalet au niveau de chacune des classes thérapeutiques.
De la même manière, le passage des biotechnologies à la « phase indus-trielle » a quelque peu été freiné par l’inertie et la relative stabilité desstructures industrielles (devenues routinières avec le temps) du secteur phar-maceutique. A contrario, depuis que les biotechnologies se sont récemmentimposées comme un véritable paradigme de l’innovation technologiquealternatif au paradigme (pharmaco-chimique) traditionnel du secteur et,donc, depuis que les industriels du médicament les intègrent dans leurs pro-cessus (et routines) d’innovation, les contours des structures industrielles dusecteur biomédical dans son ensemble se redessinent progressivement (tel un« jeu » dont on aurait rebattu certaines des « cartes »).
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Changements technologiques, logiques institutionnelles…
n° 25 – innovations 2007/1 93
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Marc-Hubert DEPRET et Abdelillah HAMDOUCH
94 innovations 2007/1 – n° 25
La co-évolution de la dynamique techno-industrielle et de l’environnement
La dynamique co-évolutive que nous commençons à esquisser progressivementsuit une trajectoire guidée par l’intensité des différents facteurs qui caractérisentl’environnement dans lequel les dynamiques technologique(s) et industrielle(s)s’inscrivent, et donc co-évoluent. Cette deuxième hypothèse [H2] se décom-pose en trois sous-hypothèses [H2a, H2b et H2c] décrivant la dynamiquespécifique de l’environnement [H2a] et la manière dont cet environnementet les dynamiques technologique(s) et industrielle(s) dont nous venons derendre compte co-évoluent les unes avec les autres [H2b et H2c].
Ainsi, l’environnement d’un secteur donné est lui-même issu d’une dynamiqueà la fois spécifique, tridimensionnelle et co-évolutive dont les facteurs de co-évolu-tion sont multiples et d’intensité variable (cf. Tableau 1) [sous-hypothèse H2a].
L’environnement caractérise donc le « système » (scientifique et technolo-gique, social et institutionnel, économique et financier) (cf. Figure 3) en vi-gueur au sein d’une zone géographique et/ou d’un secteur donné. Il comprendainsi toutes les structures stables et régulières qui encadrent les comportementset les interactions entre les acteurs au sein de ce territoire et/ou de ce secteur(cf. Hamdouch, 2006) : les schémas de comportement (historiquementconstruits) ; le cadre légal (lois, réglementations, normes, formes des contrats,système de droits de propriété, mécanismes de gouvernance et de régulation,etc.) ; les structures scientifiques et technologiques (mode d’organisation et definancement de la R&D, etc.), économiques (industrielles, monétaires, finan-cières, etc.), politiques (organisation et structures de pouvoir, etc.), sociales(démographie, catégories socioprofessionnelles, nature du marché du travail,place du dialogue social, etc.) et culturelles (langages, croyances, valeurs, ha-bitudes, coutumes, conventions, degré d’aversion pour le risque, etc.).
Cet environnement co-évolue naturellement avec les dynamiques technologi-ques et industrielles du secteur, avec lesquelles il interagit étroitement [sous-hypo-thèses H2a et H2b].
De fait, la dynamique techno-industrielle des secteurs soumis à de fortesincertitudes peut ainsi être guidée autant par les avancées scientifiques ettechnologiques initiales (base de connaissances fondamentales, apparitiond’innovations de rupture, existence d’un progrès technique transversal,degré d’appropriabilité des innovations, etc.), que par des facteurs sociaux etinstitutionnels (besoins des consommateurs, rôle initiateur de l’État, climatsocial, Histoire, permissivité du cadre légal, etc.) ou des mécanismes écono-miques et financiers (position stratégique au sein du marché, intensité de laconcurrence, disponibilité des ressources humaines et financières, état géné-ral de l’économie, nature des rendements, etc.).
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Changements technologiques, logiques institutionnelles…
n° 25 – innovations 2007/1 95
Figure 3 – Les trois dimensions interactives de l’environnement du secteur (H2a)
Dans ce cadre, l’analyse du changement techno-industriel doit intégrerdes aspects scientifiques et technologiques, mais également l’ensemble destransformations socio-économiques et institutionnelles engendrées parl’environnement. Les dynamiques technologique(s) et industrielle(s) à l’œuvreau sein d’un secteur résultent donc en partie de l’environnement dans lequel elless’inscrivent [sous-hypothèse H2b] (cf. Figure 4).
Figure 4 – L’impact (H2b) d’un environnement co-évolutif (H2a) sur une dynamique techno-industrielle elle-même co-évolutive (H1)
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Marc-Hubert DEPRET et Abdelillah HAMDOUCH
96 innovations 2007/1 – n° 25
Ainsi, le développement de l’industrie du médicament et de la recherchebiopharmaceutique doit beaucoup à l’existence de vastes systèmes de protec-tion sociale et de prise en charge collective des dépenses de santé. Le rôle desinstitutions de soutien à la R&D (par exemple les National Institutes of Healthaméricains, la National Research and Development Corporation britannique,ou encore le CNRS et l’INSERM en France), des autorités d’homologationdes produits de la santé (la Food&Drug Administration américaine par exem-ple) et des systèmes des droits de propriété intellectuelle (DPI) est égale-ment à prendre en compte (Achilladelis et Antonakis, 2001). On peut,parallèlement, souligner l’impact de l’organisation du système éducatif et derecherche sur la dynamique techno-industrielle (Morange, 2000). Le déve-loppement des biotechnologies aux États-Unis doit ainsi beaucoup à l’exis-tence d’un vaste « réservoir » de chercheurs qualifiés et, parallèlement, à laréforme du système académique entreprise avant, pendant et au lendemainde la Seconde Guerre Mondiale. Il doit également beaucoup à l’existenced’un marché des valeurs technologiques (le NASDAQ) et d’un large réseaude Business Angels et de capitaux-risqueurs (Henderson et al., 1999).
En retour, la dynamique techno-industrielle à l’œuvre au sein de l’industriepharmaceutique contribue également à refaçonner les différentes dimensions de« l’environnement » du secteur biomédical dans son ensemble [sous-hypothèseH2c] (cf. Figure 5). Les progrès réalisés dans les domaines pharmaceutique etbiotechnologique ont, par exemple, contraint les acteurs sociaux et institu-tionnels à s’interroger régulièrement sur l’intérêt d’autoriser (ou non) certai-nes des recherches entreprises par le monde scientifique. Ainsi, pendantlongtemps, il fut quasiment impossible de breveter le vivant et donc, d’unecertaine manière, de faire de la recherche appliquée en la matière. La juris-prudence considérait en effet le vivant comme non appropriable parce qu’àla fois naturel, non reproductible et sans utilité industrielle. Il faudra atten-dre les années 1980 pour que cela soit désormais possible. De nombreusesétudes font d’ailleurs le parallèle entre l’évolution du cadre institutionnelqui a lieu à l’époque et le développement accéléré de l’industrie des biotech-nologies que l’on a pu mesurer quelques années plus tard (Nelson, 2006).L’importance du lobbying politique et institutionnel de l’industrie est égale-ment à souligner (Browman et al., 2000), tout comme l’impact macro-éco-nomique de l’amélioration de la santé des populations (WHO, 2001).
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Changements technologiques, logiques institutionnelles…
n° 25 – innovations 2007/1 97
Figure 5 – L’impact (H2c) d’une dynamique techno-industrielle co-évolutive (H1) sur les différentes dimensions co-évolutives d’un environnement (H2a)
Une première vue partielle du mécanisme co-évolutionnaire (H1 + H2a + H2b + H2c)
Au total, cette co-évolution des dynamiques industrielle(s) et technolo-gique(s) et des différentes dimensions de l’environnement du secteur (cf.Figure 5) forme ainsi une sorte d’« écosystème » co-évoluant avec d’autresécosystèmes (secteurs ou filières) techno-industriels. L’intensité de ce méca-nisme co-évolutionnaire dépendra à la fois de la structure industrielle du sec-teur considéré, de la nature du changement technologique qui s’y produit etdu degré de complexité de son environnement 7. Dans ce cadre, la dynami-que techno-industrielle sera d’autant plus évolutive que l’environnementsera turbulent 8. Symétriquement, plus elle sera instable et plus elle pourraimpacter l’environnement dans lequel elle s’inscrit 9.
7. En nous inspirant des travaux de Emery et Trist (1965), de Duncan (1972) et de Daft et Weick(1984), il nous semble utile de distinguer les « environnements relativement stabilisés » (ERS)des « environnements relativement turbulents » (ERT). Dans les ERS, les acteurs font en effetface à des situations généralement connues et pour lesquelles des solutions existent ou sont envi-sageables. A contrario, dans les ERT, les acteurs font souvent face soit à des situations connuesmais jusqu’ici insolubles (de manière satisfaisante), soit à des problèmes (généralement comple-xes) relativement inédits et pour lesquels ils n’ont pas (encore) de solutions.8. Par contre, un ERS aura généralement peu d’impact sur les dynamiques techno-industrielles. 9. A contrario, la conjonction d’une structure industrielle relativement stable et d’un change-ment technologique de nature incrémentale n’impactera que très marginalement l’environne-ment du secteur considéré.
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Marc-Hubert DEPRET et Abdelillah HAMDOUCH
98 innovations 2007/1 – n° 25
LA NATURE FONDAMENTALEMENTDYNAMIQUE DU MÉCANISME CO-ÉVOLUTIONNAIRE
Cette « alchimie » co-évolutionnaire s’effectue évidemment dans un cadre inter-temporel dynamique (cf. Figure 6) combinant à la fois des facteurs d’ordre et decontinuité (routines, apprentissage, dépendance du sentier, irréversibilité,rétroactions positives, cycles longs, lock-in, rendements croissants, etc.) etdes facteurs de désordre et de discontinuité (incertitude radicale, mutations,changement de paradigmes, accidents historiques, etc.) [Hypothèse H3].
Figure 6 – La prise en compte du temps (H3) dans la dynamique co-évolutionnaireUne deuxième vue partielle du mécanisme co-évolutionnaire
(H1 + H2a + H2b + H2c + H3)
– Dans la perspective (co-)évolutionniste qui est la nôtre, cela signifieque la dynamique techno-industrielle se « construit en chemin » – pas aprèspas – au fur et à mesure que l’environnement se modifie (de manière « co-évolutive » ou exogène).
Nous nous positionnons ainsi au confluent des pôles « structuraliste »(Dosi, Freeman, Perez, Abernathy, Utterback, Sahal, Bresnahan, Trajtenbergetc.) et « systémique » (Arthur, David, etc.) de l’analyse évolutionniste –pour reprendre la typologie proposée par Paulré (2004). Le pôle « structura-
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liste » cherche en effet à enrichir la compréhension du changement techno-logique par l’étude des facteurs (technologiques, économiques, sociaux,institutionnels, etc.) permettant de rendre compte des formes de régularité,d’ordre et de continuité que l’on peut observer dans la dynamique du change-ment technologique. A contrario, le pôle « systémique » (ou « pôle derétroaction positive et des structures émergentes ») se focalise davantage surles « structures en formation », les « systèmes non linéaires » et les « instabi-lités » à l’origine de « phénomènes amplificateurs de déviations » et de« processus d’auto-renforcement » (i.e. des feedbacks positifs). Dans ce cadre,l’innovation apparaît, avant tout, comme le résultat de l’interaction entreles agents et doit être perçue comme une séquence d’événements dont l’arti-culation dans le temps est fondamentale (Amendola et Gaffard, 1988). Ellereprésente donc des potentialités dont les performances s’actualisent enfonction de l’intensité et du rythme de leur diffusion (Paulré, 2004). Toutcela implique que la dynamique techno-industrielle peut se caractériser (enraison de la présence de rétroactions) par l’existence d’équilibres multiples,par l’inefficience potentielle de ces équilibres, par des risques de lock-in et parune (plus ou moins forte) dépendance du sentier.
– Plus largement, nous nous inscrivons très clairement dans une approchethéorique fondée sur la notion d’équilibre ponctué. Dans cette perspective 10,l’évolution se caractérise par de longues périodes d’équilibre, ponctuées parde « brèves » périodes de changements radicaux (cf. Eldredge et Gould,1972). Durant les périodes d’équilibre, les ajustements sont routiniers,linéaires, graduels, et les changements essentiellement incrémentaux. A con-trario, lorsque la dynamique techno-industrielle quitte son « sentier d’évolu-tion » pour un « chemin de traverse » (suite par exemple à une révolutionpolitique, à une guerre, à une réforme institutionnelle, à l’émergence d’unnouveau paradigme ou d’un nouveau standard, etc.), les changements appa-raissent moins linéaires et hystérésiques, et sont généralement plus rapides(sans pour autant être immédiats dans leur mise en œuvre), mais surtout plusamples.
Lorsqu’elle s’est fait jour au sein du secteur pharmaceutique, cette rupturea ainsi remis progressivement en cause à la fois le timing, le contenu (en ter-mes de routines et de compétences) et les frontières (spatiales notamment)des différentes phases constitutives du processus d’innovation pharmaco-chimique, les modes de financement, d’organisation, de régulation et delocalisation des activités innovantes, ainsi que les structures des marchés, les
10. En économie de l’innovation, c’est dans ce cadre que s’inscrivent, par exemple, différents tra-vaux de Romanelli, Tushman et Anderson (sur ce point cf. Rosenkopf et Tushman, 1994).
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stratégies et les modes d’organisation mis en œuvre par les différents acteursdu secteur (les laboratoires pharmaceutiques traditionnels et les « nouveauxvenus »), et même les frontières de l’environnement du secteur (qui s’estélargi au secteur biomédical dans son ensemble).
– Notre troisième hypothèse implique donc également de considérer lesdynamiques technologique(s) et industrielle(s) comme étant inscrites dansun cycle long d’évolution (de type « schumpétérien ») articulant différentesphases successives (cf. Figure 7).
L’originalité de notre approche – comparativement à d’autres analysessimilaires (de type néo-schumpétérien) – tient donc dans le fait que nousconsidérons que chaque dynamique industrielle et que chaque dynamique techno-logique suit son propre cycle et donc son propre rythme. La co-évolution desdynamiques technologique(s) et industrielle(s) est donc la plupart du tempsdiachronique, comme cela est particulièrement prégnant dans la pharmacie.
Dans ce cadre, les facteurs de déclenchement/amplification des processusd’évolution technologique et industrielle sont généralement différents d’unedynamique techno-industrielle à une autre, mais également d’une période àune autre. Nous défendons ainsi l’idée que le passage graduel et contingentd’une phase à une autre sera guidé autant par des facteurs aléatoires et la suc-cession de « petits » (ou de « grands ») « événements » (une découvertescientifique ou technologique majeure, la survenue d’une crise économique,financière, sociale et/ou politique, etc.) que par l’action délibérée, et parfoiscoordonnée, de l’ensemble des acteurs (scientifiques, institutionnels, écono-miques, etc.) concernés (pour une analyse plus fine et plus détaillée de ladimension « dynamique » du mécanisme de co-évolution à l’œuvre au seinde l’industrie pharmaceutique, cf. Depret et Hamdouch, 2006).
LA DIMENSION SPATIALE DE LA DYNAMIQUEDE CO-ÉVOLUTION TECHNO-INDUSTRIELLE
La co-évolution des dynamiques techno-industrielles et de l’environnement du sec-teur biomédical s’effectue parallèlement dans un cadre spatial multiforme, lui-mêmeévolutif, au sein duquel l’ensemble des acteurs de l’innovation pharmaceutique etbiotechnologique s’insèrent, interagissent et donc co-évoluent [Hypothèse H4] (cf.Figure 8).
Comme l’ont montré de nombreux travaux (théoriques et empiriques),les déterminants (techniques, institutionnels, économiques, etc.) des proces-sus de croissance, de développement et de compétitivité des entreprises, dessecteurs et des « territoires » sont multiples (pour une revue de ces travaux,cf. par exemple : Hamdouch et Moulaert, 2006). Dans cette perspective, les
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Figure 8 – La prise en compte de la diversité des échelles spatiales (H4)Une vue d’ensemble du mécanisme co-évolutionnaire
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analyses en termes de système (national, régional ou sectoriel) d’innovation,de learning regions, de « milieux innovateurs » et de clusters, de même quecelles focalisées sur les conditions de la croissance endogène, le rôle des sys-tèmes de protection des DPI, les « infrastructures de connaissance » oul’impact des dynamiques historiques, sociales et culturelles, ont récemmentmis l’accent sur l’importance des configurations « institutionnelles » (ou,plus largement, « environnementales ») dans la détermination des trajectoi-res de développement de ces territoires (ou de ces secteurs).
Dans la perspective tracée par notre approche, cela signifie que si le cadrespatial de la dynamique co-évolutionnaire est (territorialement) construit,et donc que s’il n’est pas donné, différentes échelles spatiales (locale, natio-nale, internationale) interagissent les unes avec les autres pour en dessinerles contours (cf. Figure 8). En effet, si les différentes composantes de la dyna-
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mique co-évolutionnaire et leurs articulations dynamiques peuvent être spé-cifiées en référence à différents niveaux géographiques, c’est en réalité autravers de logiques inter-spatiales que se dessinent désormais les contourspertinents des territoires (cf. Hamdouch, 2006) au sein desquels se structurecette dynamique co-évolutionnaire. Ainsi, au-delà de la localisation strictosensu des activités de R&D ou de production, si l’espace défini par cettedynamique est incontestablement géographique, il s’inscrit aussi et surtoutdans un contexte « environnemental » techno-industriel. Or, c’est précisé-ment dans le jeu dynamique entre ces différentes logiques que se nouent les« fils » essentiels de la dynamique de co-évolution.
En effet, si les différentes dimensions de l’environnement d’un secteuront tendance à s’enraciner et à co-évoluer avec les dynamiques techno-industrielles dans un cadre spatial généralement bien spécifié, les frontièresgéographiques tendent, depuis quelques années, à devenir plus perméableset soumettent, de ce fait, les espaces nationaux et régionaux à des évolutions(scientifiques, technologiques, institutionnelles, sociales, économiques,financières, stratégiques et organisationnelles) en partie influencées par desdynamiques externes aux territoires. Parallèlement, les interdépendancesspatiales croissantes (globalisation et intégration interrégionale des écono-mies, internationalisation et « réticularisation » des entreprises, intensifica-tion et complexification des flux migratoires, etc.) entre les différentsacteurs tendent à redéfinir l’espace et les modalités d’expression de leursrationalités respectives et de leurs modes d’interaction, et, de ce fait, àimbriquer différents niveaux spatiaux dans la détermination et l’évolutiondes trajectoires suivies par le processus de co-évolution techno-industrielle(Hamdouch, 2006).
Cette dimension (inter)spatiale de la dynamique de co-évolution est par-ticulièrement perceptible dans l’industrie pharmaceutique (cf. supra Figure 8)où les grands centres de R&D sont, presque tous, situés au sein de grands« pôles d’excellence » (le Research Triangle Park de Caroline du Nord ou larégion de Boston aux États-Unis ; les régions Parisienne, Lyonnaise et Tou-lousaine en France ; Leverkusen, Heidelberg et la Bavière en Allemagne ;Zurich en Suisse ; etc.) dans lesquels se sont agglomérés la plupart des indus-triels du médicament au voisinage d’universités et d’hôpitaux universitaires(Achilladelis et Antonakis, 2001).
Cette dimension apparaît encore plus marquée depuis l’émergence duparadigme biotechnologique. Au sein du secteur pharmaceutique, en effet,les écarts de performances entre pays, régions ou clusters – et, de manière plusgénérale, entre l’Union Européenne et les États-Unis, ainsi qu’au sein dechacun de ces deux espaces économiques constitués – sont très nets, et ont
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même tendance à se creuser « structurellement » avec le temps (cf. parexemple Giesecke, 2000). D’une part, parce que les États-Unis ont été lespremiers à avoir pris la véritable mesure des retombées (tant technologiquesque socio-économiques) de la « Révolution du Vivant » et parce qu’ils ontsu, dans le même temps, mobiliser l’ensemble des acteurs de ce secteurautour de cette révolution. D’autre part, parce que, à la différence des Euro-péens, les États-uniens ont su développer – « au(x) bon(s) moment(s) etau(x) bon(s) endroit(s) » – de véritables dispositifs « environnementaux »qu’ils ont mis en œuvre de manière coordonnée à un niveau à la fois local(au sein de clusters), intra-régional (dans chacun des cinquante États), natio-nal (dans un cadre fédéral ou dans le cadre de coopérations entre les États)et international (à travers des partenariats transcontinentaux).
La dimension spatiale de la dynamique de co-évolution techno-indus-trielle se couple, bien évidemment, avec sa dimension temporelle puisque lagéographie de l’innovation thérapeutique a également évolué au fil du temps(cf. Achilladelis et Antonakis, 2001). C’est ainsi que la plupart des innova-tions issues de la R&D pharmaceutique ont, dans un premier temps, étélocalisées en Europe (Allemagne, France, Suisse, etc.) avant que les États-Unis n’en prennent le leadership au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale(Prevezer, 2001) 11.
CONCLUSION
Dans cet article, nous avons tenté de rendre compte de la dynamiquetechno-industrielle qui semble prévaloir dans un environnement hyper-compétitif auquel la plupart des secteurs ont été, sont ou seront confrontés.Dans un cadre théorique d’inspiration évolutionniste, nous avons essayé demettre au jour l’ensemble des ressorts (scientifiques, technologiques, institu-tionnels, sociaux, économiques, financiers, etc.) caractéristiques de cettedynamique techno-industrielle dans une perspective à la fois temporelle etspatiale.
A partir du cas de l’industrie pharmaceutique, nous avons ainsi pu esquis-ser les contours d’un modèle co-évolutionniste vraisemblablement représentatifde l’évolution de la plupart des secteurs confrontés à de profonds changementstechnologiques et/ou concurrentiels, notamment dans les domaines caracté-
11. Naturellement, on observe également une évolution, au cours du temps, de cette« géographie de l’innovation » à l’intérieur de ces espaces économiques constitués (au niveaurégional, voire au niveau local). Ce qui, d’une certaine manière, nous permet de « boucler laboucle » de notre mécanisme co-évolutionnaire.
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risés par des processus d’innovation intensifs (technologies de l’informationet de la communication, électronique, aéronautique, industries spatiale et dedéfense, etc.).
Cette esquisse de modèle confirme ainsi la nécessité d’un élargissementet d’un renouvellement de la vision classique du changement technologiqueet industriel pour tenir compte à la fois de la nature (dynamique et interac-tive) du processus d’innovation, de la diversité des échelles spatiales (locale,nationale, internationale) dans lesquelles les acteurs de l’innovation s’inscri-vent (et donc co-évoluent), et de l’incertitude radicale immanente à lanature des relations interfirmes et aux différentes formes d’interaction àl’œuvre (notamment au sein des secteurs qui se structurent sous la forme decoalitions et de réseaux interfirmes).
A l’issue de cette réflexion toujours en cours, plusieurs leçons peuvent,nous semble-t-il, être tirées dès à présent. La première est que la complexitéet la dynamique du processus de co-évolution techno-industrielle semblentdépendre tout à la fois : i) de l’intensité, du rythme et de la localisation duchangement techno-industriel ; ii) de la nature et du niveau de complexitéde l’environnement dans lequel les acteurs de l’innovation co-évoluent ;iii) et de la capacité d’adaptation de ces acteurs aux changements technolo-giques, industriels et « environnementaux » qui les affectent. Le change-ment techno-industriel apparaît donc à la fois séquentiel (i.e. caractérisé parun enchaînement de différentes phases), diachronique (puisque les dynami-ques techno-industrielles qui le définissent ont leur propre rythme) et contin-gent (dans la mesure où le passage d’une séquence à une autre ne se décrètepas et résulte de la combinaison de multiples facteurs aléatoires et de diffé-rents évènements plus ou moins fortuits ou délibérés).
Il nous semble également que le « ressort » scientifique et technologiquedu changement techno-industriel ne peut généralement pas se suffire à lui-même de manière durable et que, par conséquent, un nouveau paradigme nepeut durablement s’imposer et se diffuser que si le « ressort » institutionnelet le « ressort » économique et financier en prennent le relais. Il en a étéainsi pour la Révolution du Vivant, qui n’a véritablement émergé qu’aumoment où des équipes de recherche ont eu les moyens logistiques et finan-ciers de se lancer dans l’exploration de ce domaine de recherche qui étaitalors réservé à quelques chercheurs précurseurs, mais isolés. Plus globale-ment, la dynamique techno-industrielle semble piétiner chaque fois que lascience déçoit, que la technologie ne répond pas aux attentes, que la sociétés’interroge ou que les marchés s’impatientent. A contrario, elle avance dèslors que les progrès scientifiques s’accélèrent, que la technologie solutionnede véritables problèmes, que l’intérêt et la permissivité de l’opinion publique
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et des pouvoirs publics progressent, et que les industriels et les investisseurss’enhardissent et prennent des risques.
Au-delà, il nous paraît indispensable d’aller plus loin dans ce renouvelle-ment de la réflexion sur la co-évolution des technologies, des institutions,des organisations innovantes et des structures de marché. Pour ce faire, ilnous faut investir à la fois dans un approfondissement de la réflexion théori-que existante – ce que nous avons commencé à faire dans cet article (cf. éga-lement Depret et Hamdouch, 2006) – et dans des investigations empiriquesvariées. Cela passe notamment par une analyse comparative des politiquespubliques (nationales, supranationales, régionales, locales, etc.) menées depuisde nombreuses années (notamment aux États-Unis, dans l’Union Européenneet au Japon) dans les domaines industriel, scientifique et technologique afin dedévelopper de véritables « pôles de compétitivité ». Nous pourrons ainsidavantage tester la pertinence de nos hypothèses et vérifier l’importance desdifférentes dimensions constituant notre approche co-évolutionnaire.
Sur cette double base analytique et empirique, il nous semble possible depouvoir progresser vers une meilleure formalisation des modes de structura-tion, d’organisation et de localisation d’un grand nombre de secteurs soumisà des (co-)évolutions rapides et significatives de leur mode d’organisationindustrielle et de leur dynamique technologique et concurrentielle.
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