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37 4. CHOIX DU TYPE DE VEGETATION : « Espèces herbacées, buissonnantes, arborescentes : un choix fondamental.» Dès lors qu’une berge fragilisée peut être stabilisée par des techniques de génie végétal. Une décision fondamentale doit être prise très tôt, et ce dès la définition du projet de stabilisation : «Quelle strate de la ripisylve doit-on reconstituer et par conséquent quel est le type d’espèces à utiliser ». Cette question doit être traitée dans le cadre du plan de conception. Il est particulièrement nécessaire de tenir compte de la protection des espèces et du biotope, du schéma directeur en termes d’aménagement du paysage, voire de modèles historiques. Une technique de stabilisation appropriée est alors adoptée sur la base de cette décision, puis dimensionnée et adaptée en fonction des conditions du site à aménager. Ce choix fondamental doit d’abord être envisagé comme une question « à alternative », afin de dégager les différences fondamentales entre le mode d’action des hélophytes et celui des espèces buissonnantes ou arborescentes en matière de confortement des berges. Les espèces herbacées type hélophytes : Les peuplements denses d’hélophytes présentent un coefficient de couverture du sol de 100%. À maturité, on considère qu’avec ce type de végétation, le sol est maintenu et rendu stable sur cinquante centimètres de profondeur. Conditionnées par une taille de croissance relativement basse, comparativement aux saules, et homogène au sein d’une même espèce, les hélophytes ne connaissent pas d’entraves de croissance, comme la concurrence pour la lumière. Les hélophytes disposent pour leur part d’un fort potentiel de régénération grâce aux rhizomes et aux drageons. Les racines et les rhizomes permettent « d’ancrer » le sol sur toute la surface, maintiennent la berge et la protègent de l’érosion de surface. Chaque plante dispose d’une efficacité optimale de maintien du sol lorsqu’elle est associée à d’autres pour former des peuplements denses. Ce type de végétaux possède donc l’avantage d’être efficace très rapidement et donc permet de protéger la berge presque dès la mise en place des plants. Plusieurs espèces d’hélophytes répondent à ces critères, notamment le Carex acutiformis (laîche des marais) ou les Phragmites communis (roseau commun). Figures n° 27 et 28 : Roseaux (Phragmites australis) et Carex (Carex pseudocyperus)

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4. CHOIX DU TYPE DE VEGETATION : « Espèces herbacées, buissonnantes, arborescentes : un choix fondamental.»

Dès lors qu’une berge fragilisée peut être stabilisée par des techniques de génie végétal. Une décision fondamentale doit être prise très tôt, et ce dès la définition du projet de stabilisation : «Quelle strate de la ripisylve doit-on reconstituer et par conséquent quel est le type d’espèces à utiliser ». Cette question doit être traitée dans le cadre du plan de conception. Il est particulièrement nécessaire de tenir compte de la protection des espèces et du biotope, du schéma directeur en termes d’aménagement du paysage, voire de modèles historiques. Une technique de stabilisation appropriée est alors adoptée sur la base de cette décision, puis dimensionnée et adaptée en fonction des conditions du site à aménager. Ce choix fondamental doit d’abord être envisagé comme une question « à alternative », afin de dégager les différences fondamentales entre le mode d’action des hélophytes et celui des espèces buissonnantes ou arborescentes en matière de confortement des berges.

• Les espèces herbacées type hélophytes : Les peuplements denses d’hélophytes présentent un coefficient de couverture du sol de 100%. À maturité, on considère qu’avec ce type de végétation, le sol est maintenu et rendu stable sur cinquante centimètres de profondeur. Conditionnées par une taille de croissance relativement basse, comparativement aux saules, et homogène au sein d’une même espèce, les hélophytes ne connaissent pas d’entraves de croissance, comme la concurrence pour la lumière. Les hélophytes disposent pour leur part d’un fort potentiel de régénération grâce aux rhizomes et aux drageons. Les racines et les rhizomes permettent « d’ancrer » le sol sur toute la surface, maintiennent la berge et la protègent de l’érosion de surface. Chaque plante dispose d’une efficacité optimale de maintien du sol lorsqu’elle est associée à d’autres pour former des peuplements denses. Ce type de végétaux possède donc l’avantage d’être efficace très rapidement et donc permet de protéger la berge presque dès la mise en place des plants. Plusieurs espèces d’hélophytes répondent à ces critères, notamment le Carex acutiformis (laîche des marais) ou les Phragmites communis (roseau commun).

Figures n° 27 et 28 : Roseaux (Phragmites australis) et Carex (Carex pseudocyperus)

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• Les espèces buissonnantes type Salix sp. : Ces espèces présentent un coefficient de couverture du sol d’environ 10% au moment de la plantation. À maturité, on considère qu’avec ce type de végétation, le sol est maintenu et rendu stable sur un mètre de profondeur. Les différentes espèces de saules sont très sujettes à la concurrence pour la lumière, celle-ci s’installe très vite entre les différents individus. Il résulte de cette concurrence une formation de peuplements denses et hauts, ne permettant pas de croissance intermédiaire de type buisson où chaque individu possède de nombreuses racines bien ramifiées assurant le maintien du sol. De plus le système radiculaire met un certain temps à s’établir et donc par conséquent un certain temps à participer à la protection de la berge en profondeur. Des mesures d’entretien telles qu’un élagage régulier ou un recépage sont donc nécessaires au développement d’une ripisylve apte à stabiliser les berges. Les saules peuvent faire des rejets et disposent donc également d’un fort potentiel de régénération. Pour les arbres nouvellement plantés, cette capacité à rejeter met toutefois un certain temps à se développer. Ces espèces employées seules en lieu et place de la ripisylve herbacée devront être complétée par des aménagements techniques (réalisation d’un enrochement par exemple ou mise en place de fascines) aptes à assurer la protection réelle des berges avant que les plants arrivent à maturité. Il est possible, lorsque cette solution a été retenue, de mettre en place de la végétation herbacée apte à protéger la berge dès sa mise en place, elle cédera sa place à la végétation buissonnante par le jeu de la succession végétale et de la tolérance à la lumière.

Figures n° 29 a et b : Salix purpurea (haut) et Salix cinerea (droite)

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• Les espèces arborescentes type Alnus glutinosa : Ces espèces présentent un coefficient de couverture du sol inférieur à 10 % au moment de la plantation. Selon l’espèce, la protection du sol reste superficielle et ne devient efficace en profondeur qu’après plusieurs années. Les plants peuvent être plantés plus profondément afin d’obtenir plus rapidement un meilleur coefficient de renforcement du sol. À maturité, on considère qu’avec ce type de végétation, le sol est maintenu et rendu stable sur plusieurs mètres de profondeur. En fonction des espèces, une concurrence pour la lumière peut s’installer malgré tout rapidement entre les différents individus ce qui provoque une accélération de la croissance de l’appareil aérien au détriment de l’appareil radiculaire, celui-ci n’assurant donc pas son rôle de maintien de la berge. Des mesures d’entretien telles qu’un élagage régulier ou un recépage sont donc nécessaires au développement d’une ripisylve apte à stabiliser les berges. Les aulnes comme les saules peuvent faire des rejets et disposent donc également d’un fort potentiel de régénération. Pour les arbres nouvellement plantés, cette capacité à rejeter met toutefois un certain temps à se développer. Ces espèces employées seules en lieu et place de la ripisylve herbacée, devront être complétée par des aménagements techniques (réalisation d’un enrochement par exemple ou mise en place de fascines) aptes à assurer la protection réelle des berges avant que les plants arrivent à maturité. Il est possible lorsque cette solution à été retenue de mettre en place de la végétation herbacée apte à protéger la berge dès sa mise en place, elle cédera sa place à la végétation arborescente par le jeu de la succession végétale et de la tolérance à la lumière. Un aménagement de stabilisation en génie végétal n’est efficace dans la durée que si les plantes utilisées colonisent le sol et maintiennent la berge en profondeur. Il est donc nécessaire d’utiliser des plantes dont les racines peuvent pousser durablement sous le niveau moyen des eaux. Dans la ripisylve d’Europe centrale et occidentale, seul l’Alnus glutinosa (aulne glutineux) possède des racines poussant sous forme de blocs au-dessous du niveau de l’eau (l’Alnus glutinosa forme par ailleurs des blocs plats de racines au-dessus du niveau de l’eau). La multiplicité des saules (Salix spe.) employés pour le confortement des berges ne présente pas les caractéristiques requises. Ils forment la plus grosse partie de leurs racines au-dessus du niveau des eaux et sont particulièrement menacés par l’affouillement en cas de variations du niveau d’eau.

Figures n° 30 a et b : Feuilles d’Alnus

glutinosa (gauche) et Salix triandra (droite)

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Tableau n° 3 : Comparaison et caractéristiques des techniques utilisant les hélophytes et celles utilisant des espèces rivulaires.

Hélophytes (géonatte coco pré-végétalisée)

Espèces de la ripisylve arborescente (plant d’un an)

Couverture du sol

Immédiatement 100 % � 10 %

Colonisation du sol

Lit de racines dans la couche supérieure du sol

Partielle dans la couche supérieure du sol

Colonisation sous le

niveau d’eau moyen

Diverses espèces d’hélophytes

Aulne glutineux uniquement (Alnus glutinosa)

Capacité de régénération

Élevée (rhizomes et stolons) Moyenne

Composante naturelle du

paysage

Oui Oui, en association avec les plantes herbacées locales

Biodiversité

Élevée Potentiellement élevée

Apr

ès p

lant

atio

n

Capacité de rétention

d’eau

Élevée Faible au départ

Couverture du sol

100 % 90 % une fois le couvert formé

Colonisation du sol

Épais lit de racines dans la couche supérieure du sol, jusqu’à environ 60 cm de profondeur selon l’espèce

En profondeur (pour l’Alnus glutinosa)

Colonisation sous le

niveau d’eau moyen

Diverses espèces d’hélophytes

Aulne glutineux uniquement (Alnus glutinosa)

Capacité de régénération

Très élevée (stolons et rhizomes) Élevée (rejets)

Composante naturelle du

paysage

Oui Oui

Biodiversité

Élevée Élevée

Capacité de rétention

d’eau

Très élevée Très élevée

Apr

ès 1

0 an

s

Amplitude écologique

Élevée, supplantation par l’ombrage

Très élevée, pour presque tous les sites

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Pour les raisons mentionnées, il faut pouvoir répondre à la question de départ de manière à ce que, dans la mesure ou aucun des objectifs n’indique une direction à suivre, la solution la plus sûre en terme de technique de stabilisation puisse être mise en œuvre.

• Si l’on prend en compte les caractéristiques de croissance de la ripisylve dans les premières années, on arrive à la conclusion suivante :

Pour une fixation immédiate des berges fragilisées, les espèces de type hélophyte sont plus efficaces que les espèces buissonnantes ou arborescentes et donc fortement recommandées. En fonction du schéma directeur d’aménagement du paysage, on peut malgré cela envisager la stabilisation à long terme par la mise en place d’espèces arborescentes. Dans ce cas, on utilisera les capacités de fixation du sol des hélophytes pendant la période ou les arbres établissent leur système radiculaire pas encore apte à protéger la berge.

• L’exemple suivant montre que le choix d’une option ne doit pas signifier le rejet de l’autre :

Il peut se révéler judicieux, dans le cas d’une berge amenée à être consolidée sur le long terme par des aulnes, d’employer dans un premier temps des fascines coco pré-végétalisées pour stabiliser le pied de berge. Les aulnes sont ensuite plantés et protégés par ces fascines. Les hélophytes assurent ici une fonction temporaire de lutte contre l’érosion, qui s’amenuise à mesure que s’installe la concurrence pour la lumière imposée par la croissance des aulnes. Les arbres assurent progressivement la stabilisation de la berge. Ce procédé est judicieux écologiquement car il relève de la succession naturelle. Il présente par ailleurs des avantages économiques car l’élagage onéreux jusqu’à ce que les aulnes forment un couvert n’est plus nécessaire. Dans cet exemple, une résistance à l’ombre différente est sciemment utilisée dans la perspective d’un développement orienté. Si l’on travaille avec des hélophytes, on dispose donc de plusieurs options pour une protection de berge sûre et immédiate. C‘est l’une des raisons pour lesquelles nous avons décidé de baser notre système végétal sur l’utilisation des hélophytes. Cette démarche a fait ses preuves dans la pratique et s’applique quasiment partout, à la seule exception des cours d’eau à force tractrice (capacité d’érosion) extrêmement élevée, associée à un charriage important de gros matériaux. Naturellement, on ne trouve ce type de sections hydrauliques que dans les cours supérieurs des rivières de haute et moyenne montagne et dans les torrents. Dans ce cas, on optera pour des solutions associant des espèces buissonnantes voir arborescentes à la mise en oeuvre d’enrochements massifs (pour des raisons climatiques, entre autres). Quel que soit le type de plante choisi il convient que celui-ci soit acclimaté ou adapté au climat qu’il va subir. Enfin, dans le cas de stabilisation de berges ou de talus par technique végétale, il faudra tenir compte de toutes les caractéristiques du milieu, des végétaux choisis ainsi que des activités d’origine anthropique.

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Figure n° 31 : Principaux facteurs influant sur une méthode de stabilisation végétale (d’après Lachat, 1984)