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Rhéologie des biofluides Chapitre 1
Chapitre 1 Application des fluides Non Newtonien
1. Introduction
Un fluide est une matière parfaitement déformable. Cela comprend les gaz, les liquides,
même certains solides. Les fluides existants sont nombreux et nous entourent au
quotidien. Les fluides, tels que l’eau, sont des fluides newtoniens. Cela veut dire que nous
pouvons facilement prédire leurs mouvements. Cependant, nous observons que d'autres
fluides qui nous entourent ont des comportements très divers et étonnants. Le dentifrice,
par exemple, ne veut pas sortir de son tube tant qu’on ne le soumet pas à une pression
suffisante. Il en est de même pour le ketchup, qui devient tout d’un coup très liquide et
jaillit de la bouteille. Ce genre de fluides on les appelle des fluides non-newtoniens. Ce
sont des fluides plus complexes, car ils possèdent une propriété particulière, qui est que
leur viscosité dépend de la contrainte (force) qu’on leur applique.
2. Rappels de mécanique des fluides
2.1 Viscosité
La viscosité d'un fluide est une mesure de sa résistance à la déformation par contrainte de
cisaillement (contrainte appliquée de manière parallèle ou tangentielle). Elle caractérise
la résistance d'un fluide à son écoulement lorsqu'il est soumis à l'application d'une force.
Cette résistance s'explique par les forces d'attraction entre les molécules du fluide. En
conséquence, les fluides de grande viscosité résistent à l'écoulement plus que les fluides à
faible viscosité qui s'écoulent plus facilement (par exemple, le miel a une viscosité
beaucoup plus élevée que l'eau).
2.1.1 Viscosité dynamique
La viscosité dynamique d'un fluide exprime sa résistance aux écoulements cisaillés, où
les couches de particules fluides adjacentes se déplacent parallèlement les unes par
rapport aux autres avec des vitesses différentes. Elle peut être définie par la situation
idéalisée connue sous le nom de l'écoulement de Couette, où une couche de fluide est
Rhéologie des biofluides Chapitre 1
piégée entre deux plaques horizontales, l'une fixe et l'autre mobile avec une vitesse
constante u (Fig. 1.1).
Figure 1.1:
Écoulement de Couette.
Si la vitesse de la plaque supérieure est suffisamment petite, les particules de fluide se
déplacent parallèlement à elle, et leur vitesse varie de manière linéaire de "zéro" en bas à
" u " en haut. Chaque couche de fluide se déplace plus vite que celle juste en dessous, et
le frottement entre les couches de particules fluides va donner lieu à une force de
résistance. En conséquence, le fluide va appliquer sur la plaque supérieure une force dans
la direction opposée à son mouvement, et aussi une force sur la plaque inferieure égale à
celle du haut mais dans le sens inverse. Ainsi une force externe " F " est donc nécessaire
afin de maintenir la plaque supérieure se déplaçant à une vitesse constante "u ".
L'amplitude de la force " F " est proportionnelle à la vitesse " u ", à la surface " A " de
chaque plaque, et inversement proportionnelle à la distance séparant les deux plaques " y
". Le facteur de proportionnalité est la viscosité dynamique du fluide "µ ", on a donc:
uF Ay
µ= (1.1)
où :
Rhéologie des biofluides Chapitre 1
F : force en (N),
µ : viscosité dynamique en (kg/m.s ou N.s/m2
A
),
: surface de contact en (m2
u
),
: vitesse en (m/s),
y : distance entre les deux plaques en (m).
Isaac Newton a exprimé les forces visqueuses par l'équation différentielle
suivante:
uy
τ µ ∂=
∂ (1.2)
où /F Aτ = est la contrainte de cisaillement et /u y∂ ∂ est le taux de déformation qui
représente la dérivée de la vitesse du fluide par rapport à la direction perpendiculaire aux
plaques.
Dans le cas où µ est une constante, le fluide qui obéie à la relation (1.2) est appelé fluide
Newtonien.
2.1.2 Viscosité cinématique
La viscosité cinématique est le rapport entre la viscosité dynamique µ et la masse
volumique ρ du fluide. Elle est généralement désignée par la lettre grecque ν (nu)
µνρ
= (1.3)
L'unité de la viscosité cinématique est le (m2
2.2 Condition de non-glissement
/s).
L'écoulement du fluide est souvent limité par des surfaces solides, il est donc important
de comprendre en quoi la présence de surfaces solides affecte l'écoulement du fluide.
Dans la mécanique des fluides, la condition de non-glissement stipule qu'au contacte d'un
solide, le fluide aura une vitesse relative nulle par rapport au solide (Fig. 1.2).
Rhéologie des biofluides Chapitre 1
Autrement dit, dans un fluide en contact directe avec un solide, le fluide «colle» à la
surface du solide en raison des effets visqueux, et donc il n'y a pas de glissement entre les
particules fluides en contacte avec le solide. À l'interface fluide-solide, les forces
d'attraction entre les particules fluides et les particules solides (forces adhésives) sont
plus grandes que celles entre les particules fluides (forces cohésives
).
Figure 1.2: Condition de non-glissement
.
La couche de fluide qui colle à la plaque ralentie la couche adjacente supérieure en raison
des forces de viscosité entre les couches de fluide, ce qui ralentit la couche au dessus, et
ainsi de suite. Par conséquent, la condition de non-glissement est responsable du
développement du profile de vitesse. La région d'écoulement adjacente à la plaque et dans
laquelle les effets visqueux (et donc le gradient de vitesse) sont significatifs est appelée la
couche limite.
2.3 Écoulement d'un fluide dans une conduite cylindrique (Écoulement Poiseuille)
Soit l’écoulement d’un fluide visqueux dans une conduite cylindrique horizontale d'un
diamètre D et de longueur L. Considérons un élément cylindrique de rayon r et de
longueur l comme le montre la figure 1.3.
Rhéologie des biofluides Chapitre 1
Figure 1.3: Écoulement dans une conduite cylindrique.
L'équilibre entre les forces dues à la pression agissant sur l'extrémité du cylindre 2rπ et
les forces visqueuses (contrainte de cisaillement) agissant sur la surface latérale du
cylindre 2 rlπ peut s'écrire comme suit:
2 21 1( ) ( ) ( )2 0P r P P r rlπ π τ π− −∆ − = ⇒ / 2 /P l rτ∆ = avec ( / )du drτ µ= −
Le signe moins de l'équation de τ est dû au fait que le gradient de vitesse /u r∂ ∂ est
négatif.
On peut déduire donc que:
2
du P rdr lµ
∆= −
⇒ 2
Pu rdrlµ
∆= − ∫ ⇒ 2
14Pu r Clµ
∆= − +
en appliquant la condition au limite pour r R= on a ( ) 0u R = on trouve 2
1 ( / 4 )C P l Rµ= ∆
⇒ ( )2 2 2max( ) 1 ( / )
4 Pu r R r V r R
lµ ∆ = − = −
(1.5)
Rhéologie des biofluides Chapitre 1
avec 2max / (4 )V R P lµ= ∆ est la vitesse maximal au centre de la conduite.
Le débit volumique qui traverse la conduite est obtenu en intégrant la vitesse ( )u r ce qui
donne:
2 2 2max max0 0
( ) ( )2 2 [1 / ] / 2r R R
rQ u r dA u r rdr V r R rdr R Vπ π π
=
== = = − =∫ ∫ ∫
En remplaçant maxV par sa valeur on trouve:
4
8 R PQ
lπ
µ∆
= (1.6)
L'équation (1.6) est appelée loi de Poiseuille. Ce résultat est valable que pour un
écoulement laminaire dans une conduite horizontale.
3. Rhéologie des fluides
L’étude des fluides non-newtoniens fait partie de ce qui est appelé l’étude de la
mécanique des milieux continus, qui analyse la déformation des matériaux lorsque les
contraintes sont constantes (les contraintes ne subissent pas de variations de vitesse). Plus
précisément l’étude des fluides non-newtoniens fait partie de la rhéologie (du grec rheo,
couler et logos, étude) qui est l'étude de la déformation et de l'écoulement de la matière
sous l'effet d'une contrainte appliquée. Elle est constituée de 2 domaines différents :
• L’étude des fluides complexes (non-newtoniens) : des fluides dont l’écoulement ne se
produit pas de la même manière que les fluides habituels.
• L’étude des matériaux plastiques (ou ductiles) : des matériaux qui se déforment de
manière irréversible à cause d’un réarrangement des atomes ou des constituants.
La rhéologie s’intéresse à l'observation aux échelles microscopique et nanoscopique
(réarrangement des atomes ou des molécules, leurs mouvements relatifs, ou leurs
différences de taille) ainsi qu'à l'élaboration d'équations pouvant décrire la déformation
de ces matériaux.
Rhéologie des biofluides Chapitre 1
Mécanique des milieux
continus
Mécanique du solide
ou
Résistance des matériaux
Élasticité
Viscoélasticité
Rhéologie Viscoplasticité
Plasticité
Mécanique des fluides Fluides non-newtoniens
Fluides newtoniens
Tableau 1.1: Les branche de la mécanique des milieux continus
La rhéologie des fluides ainsi s'intéresse principalement aux fluides non-Newtoniens
dont le comportement mécanique ne peut être décrit par les théories classiques de la
mécanique des fluides newtoniens.
Figure 1.4: Relation entre la contrainte de cisaillement τ et le taux de déformation du/dy
pour des fluides Newtoniens.
Rhéologie des biofluides Chapitre 1
Les fluides Newtoniens peuvent être caractérisés par un coefficient unique de viscosité
pour une température donnée. Bien que cette viscosité change avec la température, elle ne
change pas avec le taux de déformation (Fig. 1.4). Seul un petit groupe de tels fluides
présente une viscosité constante, ils sont appelés fluides Newtoniens. Par exemple, l’huile
de cuisine, l'eau, l'air sont des fluides newtoniens.
Cependant, pour une large classe de fluides, la viscosité change avec le taux de
déformation, ces fluides sont appelés fluides non-Newtoniens. La figure 1.5 montre un
exemple de quelque type de fluides non-Newtoniens.
Figure 1.5: Exemples de quelque type de fluides non-Newtoniens.
Par exemple, la mayonnaise est un fluide non-Newtoniens du type Bingham. En fait si on
place de la mayonnaise sur une assiette et qu’on incline légèrement cette assiette, rien ne
se passe. Il faut exercer une contrainte minimale pour que la mayonnaise s’écoule. On dit
que la mayonnaise possède un seuil de contrainte.
4. Exemples de fluides non-newtoniens
Les fluides non-newtoniens sont présents sous différents aspects à travers différentes
échelles. Ces fluides ont ainsi des rôles décisifs à des échelles variées. On présente dans
ce qui suit quelque exemple de fluides non-newtoniens dans les êtres vivants.
dans les êtres vivants
Rhéologie des biofluides Chapitre 1
4.1 Le sang
La figure 1.6 montre des hématies (globules rouges), qui, à faible taux de cisaillement
sont orientées au hasard, et qui, à fort taux de cisaillement se "peignent" en s'orientant
dans le sens d'écoulement, facilitant ce dernier et diminuant la viscosité du sang. Le sang
est un fluide non newtonien rhéofluidifiant. Dans les petits vaisseaux, la vitesse et le taux
de cisaillement sont plus élevés. C'est donc dans les petits vaisseaux que les effets non-
newtoniens sont les plus marqués. Les principaux facteurs qui déterminent la viscosité du
sang sont le nombre d'hématies qui le composent, la vitesse d'écoulement du sang et du
cisaillement ainsi que la viscosité du plasma. La viscosité du plasma, dépend elle-même
de la nature des protéines qu'il renferme.
Figure 1.6 :
Le sang, fluide non-newtonien.
Quelle est l'importance du caractère rhéofluidifiant du sang? Cela permet un meilleur
écoulement du sang, l'autorégulation de la pression sanguine. Le cœur n'a donc pas
besoin de fournir un effort trop important pour augmenter la pression du sang.
4.2 Le liquide synovial
Le liquide synovial est jaune citrin, clair, limpide et fortement visqueux. Il est présent
dans les 187 articulations synoviales de notre corps, de l'ordre de quelques gouttes
seulement, même sur les grosses articulations.
Rhéologie des biofluides Chapitre 1
Figure 1.7 : Le liquide synovial dans une articulation de genou
.
Le liquide synovial est composé d'eau, de sels minéraux, de protéines, d'acide
hyaluronique et de petites molécules comme le glucose, de l'acide urique et de la
bilirubine. Son rôle est de réduire la friction entre deux os en lubrifiant l'articulation, mais
aussi d'absorber les chocs, de fournir de l'oxygène et des nutriments au cartilage.
Et, enfin, d'éliminer les produits métaboliques provenant du cartilage comme le gaz
carbonique.
4.2.1 En quoi le liquide synovial est-il non-newtonien?
Le liquide synovial devient plus visqueux, voire gélatineux lorsque l'articulation
synoviale est immobilisée suffisamment longtemps. Mais sa viscosité diminue lorsqu'on
augmente le mouvement. C'est un fluide rhéofluidifiant. Comment cela se fait-il? Le
liquide synovial est en partie composé d'acide hyaluronique. C'est ce dernier qui lui
confère son pouvoir lubrifiant en lui apportant l'élasticité et la viscosité. L'acide
hyaluronique est constitué de très grosses molécules (ou macromolécules) glucidiques
non fixées à une protéine et réparties parmi les tissus conjonctifs. C'est d'ailleurs
l'absence d'acide hyaluronique qui cause indirectement l'arthrose.
Rhéologie des biofluides Chapitre 1
4.3 Le mucus des gastéropodes
Les fluides non-newtoniens entrent en jeu dans le déplacement des escargots et des
limaces. Ces animaux peuvent se déplacer à l’envers (par exemple au plafond). Étant
donné que leur corps en lui-même ne leur permet pas d’adhérer au plafond ils utilisent
leur mucus (bave) qui leur sert de colle (avec une viscosité importante et une certaine
élasticité). Néanmoins si leur bave restait toujours collante, ils ne pourraient pas se
déplacer, leur corps serait simplement collé au plafond. C’est pourquoi qu'ils ont une
bave thixotrope mais dont le délai pour retrouver ses propriétés d’origine est tellement
court (moins d’un dixième de seconde) qu’elle peut être considérée comme étant
rhéofluidifiante.
Figure 1.8 : Gastéropode utilisant la bave pour se déplacer.
Si on observe un escargot vu de dessous, on observe qu’il se déplace en contractant ses
muscles de manière à créer une onde allant de l’arrière de son pied jusqu’à sa tête,
comme on le voit sur cette image.
4.3.1 Comment avancent-ils ?
Cela lui permet de se déplacer en différé (en accordéon en quelque sorte), en s’appuyant
sur les parties de son corps encore fixées à la paroi. En effet étant donné que sa bave est
presque rhéofluidifiante, à l’endroit où l’escargot appuie sur la bave (c’est-à-dire à
l’endroit de chacune des ondes), celle-ci devient beaucoup moins visqueuse lui
permettant de rapprocher cette partie de l’avant tout en s’appuyant sur les régions collées
de part et d’autre de la partie qu’il fait avancer. Le fait de s’appuyer ainsi sur les parties
encore collées est en effet beaucoup plus efficace que si l’escargot avançait sans prendre
Rhéologie des biofluides Chapitre 1
appuie sur quoi que ce soit, comme si l’on essayait avec des skis lisses (pas recouverts de
peau de phoque ou d’un autre matériau empêchant de reculer) d’avancer sur un sol
glissant sans prendre appuie avec ses bâtons : lorsqu’un pied avance, le second recule
automatiquement.
La bave d’escargot est constituée principalement d’eau salée (entre 96 et 97%) ainsi que
de 3 à 4% de très longues protéines attachées les unes aux autres (grâce à des atomes de
souffre). Cela forme un réseau élastique de très longues molécules agissant comme une
colle pour retenir l’escargot au plafond. Cependant lorsqu’une contrainte de cisaillement
(supérieure aux capacités d’élasticité du réseau) est appliquée par l’escargot sur cette
substance, les liaisons entre les protéines se brisent, et la bave devient liquide. Lorsque la
contrainte de cisaillement s’arrête, les liaisons de souffre se reforment extrêmement
rapidement (en moins d’un dixième de seconde), la bave reprend ses propriétés collantes
et permet à l’escargot de se maintenir au plafond tout en faisant avancer une autre partie
de son corps.
4.3.2 Qu’est-ce qui donne à la bave un comportement thixotrope à l’échelle moléculaire ?