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Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ? Exercice 1 : Une inégalité sociale est constituée par une différence d'accès entre les membres d'une société à une ressource rare et socialement valorisée. Autrement dit, il y a inégalité sociale si tous les membres de la société ne possèdent pas de manière égale certaines ressources, qui sont désirées dans cette société. Les inégalités sont donc aussi multiples que les ressources valorisées dans une société : il peut s'agir des inégalités économiques (inégal accès aux richesses que produit la société), mais également des inégalités culturelles (inégal accès à la culture valorisée d'une société, comme le niveau de langue d'un individu, ou ses loisirs culturels, ou ses diplômes), inégalités de capital social (inégal accès aux « relations » sociales), inégalités de santé (probabilité d'être malade, espérance de vie), inégalités de genre (entre les sexes), etc. Il ne faut pas confondre les inégalités sociales avec les différences. Une différence est le fait que deux individus diffèrent entre eux par rapport à une propriété quelconque donnée. Par exemple, les individus peuvent avoir les cheveux blonds ou bruns. Une différence devient une inégalité à partir du moment où, en raison de cette différence, certains individus accèdent à des ressources socialement valorisées au contraire des autres. Par exemple, dans la plupart des sociétés modernes, le fait d'avoir une peau possédant une pigmentation foncée (différence biologique du derme) conduit à des inégalités sociales en raison du racisme. Bien que la plupart des individus qui bénéficient de l'inégalité aient tendance à penser que la différence justifie cette inégalité, il n'en est rien. Les inégalités sociales sont, en effet, le produit du fonctionnement de la société. Il n'y a pas de raison biologique au racisme, par exemple : il n'y a pas de différences d'aptitude entre les individus en fonction de la couleur de leur peau. Le racisme est un fait social, pas biologique. Les inégalités sociales ont donc une origine sociale : elles sont le produit du fait que l'organisation de la société conduit à ce que les individus n'aient pas le même accès aux ressources qui sont désirées dans cette société. Question 1 : Qu'est-ce que veut dire « socialement valorisée » ? Question 2 : Pourquoi les inégalités sociales sont-elles multiples ? Question 3 : Expliquez la phrase soulignée. Question 4 : Donnez l'exemple d'une autre différence, qui conduit à des inégalités. Exercice 2 : Il est possible de classer les inégalités en trois grandes catégories : 1. Avoir : les inégalités dans l'ordre de l'avoir. Ce sont les inégalités économiques. Dans nos sociétés, les individus accèdent de manière très inégale aux ressources matérielles disponibles. Ils ont des revenus et des patrimoines différents. En raison de ces différences, les individus n'ont pas les mêmes consommations ; ils n'habitent pas aux mêmes endroits ni dans le même type d'habitations. Ces inégalités jouent un rôle central dans nos sociétés. 2. Savoir :les inégalités dans l'ordre du savoir. Les individus ne disposent pas des mêmes savoirs et savoir-faire, de ce que Pierre Bourdieu appelle le capital culturel. a) Les inégalités de capital culturel « institutionnalisé », c'est-à-dire les inégalités de diplômes, qui sont le produit des inégalités scolaires (le fait que les individus réussissent de manière inégale à l'école). Ces inégalités jouent un rôle important dans nos sociétés. b) Les inégalités de capital culturel « incorporés » : les individus n'ont pas les mêmes manières de parler, ni de se comporter : or, certaines manières de parler et de se comporter sont valorisées et, au contraire, certaines sont dévalorisées. Les individus n'ont pas les mêmes pratiques culturelles (loisirs, lecture, musique, film, etc.) Or, certaines pratiques culturelles sont plus valorisées que d'autres. 1

Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ?seslescours.free.fr/documents/terminale/chapitre 4.pdfChapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ? Document 3 : Revenus

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Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ?

Exercice 1 :

Une inégalité sociale est constituée par une différence d'accès entre les membres d'une sociétéà une ressource rare et socialement valorisée. Autrement dit, il y a inégalité sociale si tous lesmembres de la société ne possèdent pas de manière égale certaines ressources, qui sont désirées danscette société.

Les inégalités sont donc aussi multiples que les ressources valorisées dans une société : il peuts'agir des inégalités économiques (inégal accès aux richesses que produit la société), mais égalementdes inégalités culturelles (inégal accès à la culture valorisée d'une société, comme le niveau de langued'un individu, ou ses loisirs culturels, ou ses diplômes), inégalités de capital social (inégal accès aux« relations » sociales), inégalités de santé (probabilité d'être malade, espérance de vie), inégalités degenre (entre les sexes), etc.

Il ne faut pas confondre les inégalités sociales avec les différences. Une différence est le fait quedeux individus diffèrent entre eux par rapport à une propriété quelconque donnée. Par exemple, lesindividus peuvent avoir les cheveux blonds ou bruns. Une différence devient une inégalité à partir dumoment où, en raison de cette différence, certains individus accèdent à des ressources socialementvalorisées au contraire des autres. Par exemple, dans la plupart des sociétés modernes, le fait d'avoirune peau possédant une pigmentation foncée (différence biologique du derme) conduit à des inégalitéssociales en raison du racisme. Bien que la plupart des individus qui bénéficient de l'inégalité aienttendance à penser que la différence justifie cette inégalité, il n'en est rien. Les inégalités sociales sont,en effet, le produit du fonctionnement de la société. Il n'y a pas de raison biologique au racisme, parexemple : il n'y a pas de différences d'aptitude entre les individus en fonction de la couleur de leurpeau. Le racisme est un fait social, pas biologique.

Les inégalités sociales ont donc une origine sociale : elles sont le produit du fait que l'organisationde la société conduit à ce que les individus n'aient pas le même accès aux ressources qui sont désiréesdans cette société.

Question 1 : Qu'est-ce que veut dire « socialement valorisée » ?Question 2 : Pourquoi les inégalités sociales sont-elles multiples ?Question 3 : Expliquez la phrase soulignée.Question 4 : Donnez l'exemple d'une autre différence, qui conduit à des inégalités.

Exercice 2 :Il est possible de classer les inégalités en trois grandes catégories :

1. Avoir : les inégalités dans l'ordre de l'avoir. Ce sont les inégalités économiques. Dans nossociétés, les individus accèdent de manière très inégale aux ressources matérielles disponibles. Ils ontdes revenus et des patrimoines différents. En raison de ces différences, les individus n'ont pas lesmêmes consommations ; ils n'habitent pas aux mêmes endroits ni dans le même type d'habitations.Ces inégalités jouent un rôle central dans nos sociétés.

2. Savoir :les inégalités dans l'ordre du savoir. Les individus ne disposent pas des mêmes savoirs etsavoir-faire, de ce que Pierre Bourdieu appelle le capital culturel.

a) Les inégalités de capital culturel « institutionnalisé », c'est-à-dire les inégalités de diplômes, quisont le produit des inégalités scolaires (le fait que les individus réussissent de manière inégale àl'école). Ces inégalités jouent un rôle important dans nos sociétés.

b) Les inégalités de capital culturel « incorporés » : les individus n'ont pas les mêmes manières deparler, ni de se comporter : or, certaines manières de parler et de se comporter sont valorisées et, aucontraire, certaines sont dévalorisées. Les individus n'ont pas les mêmes pratiques culturelles (loisirs,lecture, musique, film, etc.) Or, certaines pratiques culturelles sont plus valorisées que d'autres.

1

Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ?

3. Pouvoir : les inégalités dans l'accès au pouvoir politique, c'est-à-dire aux décisions politiques. Laprobabilité pour un individu d'occuper une position de pouvoir est très différente en fonction de sonsexe, de ses diplômes, de sa profession. De manière plus générale, les groupes sociaux sont plus oumoins capables de se faire entendre, d'imposer leurs intérêts, d'organiser la société d'une manière quileur semble favorable.

D'après A.Bihr et R.Pfefferkorn, Le Système des inégalités, La Découverte, 2009

Question 1 : Donnez des exemples de manières de parler et de se comporter qui sont valorisées etdévalorisées. Quelles conséquences cela peut-il avoir sur la vie des individus ?Question 2 : Donnez l'exemple d'un groupe social qui a du mal à influencer les décisions politiques ensa faveur.

Exercice 3 :Le revenu réel disponible d’un individu est obtenu grâce à deux sources de revenu :

premièrement, le revenu primaire. Celui-ci est constitué, d'une part, par le revenu d'activité,c'est-à-dire le revenu provenant de son activité professionnelle (qui est le plus souvent le salaire) et,d'autre part, les revenus du patrimoine que l'on tire de son patrimoine (par exemple, les dividendesde ses actions, les loyers des logements que l'on loue, etc.). A ce revenu primaire s’ajoutent lesrevenus sociaux (également appelés revenus secondaires) (RMI, allocations, etc.) et sont soustraitsles prélèvements obligatoires.

S'il y a des inégalités de revenu, c'est donc : a) parce qu'il y a des inégalités de revenu d'activité (etavant tout de salaire, qui est le principal revenu d'activité) b) parce qu'il y a des inégalités depatrimoine, et donc de revenus qui produit ce patrimoine. Les revenus sociaux ont, au contraire,tendance à diminuer les inégalités.

Nous allons voir ce qui détermine les inégalités de revenus. Pour cela, nous allons tout d'abordanalyser comment se constituent les inégalités de revenu d'activité, en nous concentrant sur le salaire.Question 1 : Exprimez sous la forme d'une équation le revenu disponible (revenu disponible = ….. +…......, etc.).

Exercice 4 :Si on prend les individus payés à temps plein durant toute l'année, les inégalités salariales sont les

plus faibles des inégalités économiques. Document 1 : Niveaux de salaires mensuels nets par sexe et par décile en 2010 : pour les sa-

laires équivalent temps complet Ensemble Hommes Femmes

10 % des salariés gagnent moins de........euros (décile 1) 1 142 1 197 1 096

20 % ... 1 275 1 348 1 202

30 %... 1 396 1 482 1 300

40 % ... 1 525 1 622 1 403

50 % ... 1 675 1 782 1 527

60 % ... 1 862 1 984 1 686

70 % ... 2 111 2 266 1 903

80 % ... 2 510 2 734 2 212

90% des salariés gagnent moins de........euros (décile 9) 3 317 3 663 2 812

99 % ... 7 654 8 798 5 635

Moyenne 2 082 2 263 1 817

Rapport entre les 90 % et les 10 % (rapport interdécile) 2,9 3,1 2,6

Source : INSEE

2

Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ?

Rappel de méthode : les décilesOn appelle déciles les 9 valeurs d'une variable qui coupent une série statistique en 10 parts égales (9 valeurs

pour 10 parts : en effet, pour couper un gâteau en 3, il suffit de 2 coups de couteau ; pour le couper en 10, ilsuffit donc de 9 coups de couteau).

Prenons par exemple comme variable les salaires en France. Le premier décile (noté généralement D1) est leniveau de salaire en dessous duquel il y a les 10 % des salariés les moins payés et au dessus duquel se trouventles 90 % des salariés les mieux payés. Le deuxième décile est le niveau de salaire en dessous duquel il y a les20 % des salariés les moins bien payés et au dessus duquel se trouvent les 80 % les mieux payés, etc.

Niveau de salaire 10 % des salariés les mieux payés Décile 9 Décile 8 Décile 7 Décile 6 Décile 5 = …..................... Décile 4 Décile 3 Décile 2 Décile 1 10 % des salariés les moins bien payés

Question 1 : Faites une phrase pour chacune des données en gras dans le document 1.Question 2 : Pourquoi le salaire moyen est une donnée trompeuse ?Question 3 : Lisez la donnée de la dernière ligne dans la colonne ensemble.

Exercice 5 :

Document 2 : Niveaux de revenu salarial mensuel sur l'ensemble des salariés en 2010

Décile Ensemble Femmes Hommes

1er décile (D1) 197 164 237

1er quartile (Q1) 781 661 955

Médiane (D5) 1459 1326 1588

3ème quartile (Q3) 2049 1856 2235

9ème décile (D9) 2883 2506 3259

D9/D1 14,7 15,3 13,8

Moyenne 1624 1393 1834Source : INSEE

Si l'on s'intéresse à l'ensemble des individus qui ont reçu un salaire durant une année, quelque soit ladurée de temps durant laquelle ils ont travaillé, et non pas aux seules personnes qui ont travaillé àtemps complet toute l'année, on trouve, par contre, des inégalités salariales considérables (document2).

La raison en est que tous les salariés, d'une part, ne travaillent pas à plein temps et que, d'autre part,tous ne travaillent pas toute l'année. Autrement dit, tous les salariés n'occupent pas un emploi « ty-pique » (à plein temps, à durée non limitée (CDI)). Certains occupent des emplois « atypiques » (àtemps partiel et/ou à durée limitée (CDD, interim)), que l'on qualifie également d'emplois « pré-caires ». Enfin, certains salariés connaissent des périodes de chômage (particulièrement ceux qui oc-cupent des emplois à durée limitée). En raison de cette précarité du travail, les inégalités entrel'ensemble des salariés sont beaucoup plus grandes que si on ne s'intéresse qu'aux seuls salariés à pleintemps.

3

Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ?

Document 3 : Revenus salariaux annuels sur l'ensemble des salariés en 2010Revenusalarial

Salairejournalier

Jours rémunérés

Ensemble 19 490 64 304

Moins de 25 ans 6 910 35 196

De 25 à 39 ans 18 240 59 311

De 40 à 49 ans 23 250 70 331

De 50 à 54 ans 24 760 73 337

55 ans ou plus 24 400 77 315

Cadres 39 310 118 332

Professions intermédiaires 22 030 67 327

Employés 13 230 46 288

Ouvriers 14 380 49 292

Temps complet 23 170 72 320

Temps non complet 9 960 38 263

S ource : INSEE Question 1 : Faites une phrase pour le D1 (document 2). Question 2 : Faites une phrase pour le rapport interdécile (D9/D1) (document 2).Question 3 : Pourquoi les inégalités de revenu salarial mensuel sont-elles beaucoup plus fortes que lesinégalités des salaires équivalent temps plein ?Question 4 : Dans quels groupes sociaux la précarité du travail affecte le plus le revenu salarial ? (do-cument 3)

Exercice 6

Comment peut-on expliquer ces inégalités salariales ? On peut distinguer deux grandes théories :une théorie qui relève de la science économique, une autre qui relève plutôt de la sociologie (et dontMarx est l'une des principales sources d'inspiration).

En science économique, depuis l'école néo-classique, l'analyse dominante consiste à considérer queles salariés sont payés en fonction de leur productivité marginale, c'est-à-dire de la production supplé-mentaire que génère un salarié s'il est embauché. Une entreprise embauche quelqu'un uniquement s'illui rapporte au moins autant que ce qui lui coûte : les salariés sont donc payés en fonction de ce qu'ilsproduisent. Si un individu a un salaire deux fois plus élevé qu’un autre, c’est que sa productivité estdeux fois plus grande. Or, les individus n’ont pas tous la même productivité marginale : c’est la raisonpour laquelle il y a des inégalités de salaires. Il en est ainsi en particulier parce que les individus nepossèdent pas le même capital humain (diplôme, formation professionnelle, etc.). Dans cette théorie,si les inégalités de revenu salarial augmentent, c'est parce que les différences dans la productivité mar-ginale augmentent entre les salariés (comme nous le verrons plus loin).

Cette explication a du mal à expliquer le fait que dans des pays qui ont à peu près la même structureéconomique, on trouve des inégalités salariales très différentes. Par exemple, le rapport interdécile dessalaires est approximativement de 5 aux EU, de 2,5 en Allemagne, et de 2 dans les pays scandinaves.

Dans une perspective inspirée par Marx, les inégalités de salaire reflètent surtout les rapports deforce entre les salariés et les patrons. Si les salariés sont bien organisés (syndicats, etc.), ils seront enposition de force pour négocier de meilleurs salaires, et obtenir une part plus importante de la valeurajoutée, au détriment des possesseurs de l'entreprise et des dirigeants salariés de celle-ci. Dans ce cas,

4

Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ?

les salaires en bas et au milieu de la distribution salariale de l'entreprise seront donc relativement plusélevés que les salaires les plus hauts.

Dans une perspective plus sociologique, les inégalités salariales reflètent l'acceptation par la sociétédes inégalités sociales. Certaines sociétés acceptent facilement le fait qu’il y ait d’immenses inégalités(la société américaine), alors que d’autres trouvent cela inacceptable (les sociétés scandinaves). Parailleurs, certaines tâches sont plus ou moins valorisées en fonction des sociétés, ce qui conduit à cequ'un même métier soit plus ou moins bien rémunéré en fonction des sociétés.

Question 1 : Comment explique-t-on les inégalités de salaire dans une perspective néo-classique ?Justifiez votre réponse en vous appuyant sur les données du document 3.Question 2 : Pourquoi cette analyse n'a pas de pertinence dans la tradition marxiste ?Question 3 : Pourquoi les représentations que se font les sociétés des inégalités et des différents em-plois jouent-elles également un rôle ?

Exercice 7 :

Document 4 : Concentration du revenu total et du patrimoine total en France en 2010

Source : INSEE

Le document 4 est une « courbe de Lorenz ». Ce type de représentation graphique vise à représenterles inégalités de répartition. En abscisses, les ménages sont rangés par ordre croissant de revenu ou depatrimoine. En ordonnées, on représente la part cumulée du revenu total ou du patrimoine totaldétenue par la part cumulée des ménages. Cela signifie, par exemple, que les 10 % des ménages lesplus pauvres ont reçu environ 4 % de l'ensemble des revenus distribués en France en 2010, que les20 % des ménages les plus pauvres ont reçu environ 9 % de l'ensemble des revenus distribués enFrance, etc.

Question 1 : Combien les 50 % des ménages les plus pauvres ont-ils reçu de l'ensemble des revenus ?Et les 90 % des ménages les plus pauvres ?Question 2 : Combien les 50 % des ménages les plus riches ont-ils reçu de l'ensemble des revenus enFrance ? Et les 10 % les plus riches ?Question 3 : Que représente la courbe en pointillés ? Quel est l'intérêt de la représenter sur une courbede Lorenz ?Question 4 : Qu'est-ce que le patrimoine ?

5

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 1000

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

Part cumulée des ménages (en %)

Pa

rt c

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ulé

e d

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e (

en

%)

PatrimoineRevenu

Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ?

Question 5 : Combien possèdent de l'ensemble du patrimoine en France les 30 % des ménages qui enont le moins ? Les 50 % des ménages qui en ont le moins ? Les 10 % des ménages qui ont le plus depatrimoine ?Question 6 : Comment est réparti le patrimoine en France ?

Exercice 8 :Les inégalités de patrimoine sont, de loin, les plus fortes des inégalités économiques. Ainsi, 10 % des

ménages possèdent presque la moitié de l'ensemble du patrimoine en France. Les 30 % des ménagesles plus riches possèdent 75 % de l'ensemble du patrimoine, tandis que les 30 % les plus pauvres n'ontquasiment aucun patrimoine. Comment peut-on expliquer des inégalités aussi considérables ? Il y adeux raisons essentielles, qui renvoient à la manière dont on acquière du patrimoine.

L'épargne est la première manière d'accroître son patrimoine. Tous les revenus qui sont épargnés vontaugmenter le patrimoine des ménages. Par conséquent, plus on épargne, plus on accroît sonpatrimoine.

Document 5 : Taux d'épargne des ménages en fonction de leur niveau de vie en 2003

Source : INSEE

Or, la capacité d'épargne des ménages est une fonction plus que proportionnelle de leur niveau derevenu. Les ménages les plus pauvres sont incapables d'épargner : leur revenu est même trop faiblepour qu'il puisse financer l'ensemble de leurs dépenses. Au contraire, plus on a un revenu élevé, pluson est en mesure de ne pas le dépenser entièrement. Ainsi les 20 % des ménages les plus riches ont untaux d'épargne de 36 %, très largement supérieur à la moyenne des ménages (17%). Par conséquent,ils pourront accumuler beaucoup de patrimoine, tandis que les plus pauvres ne le pourront pas du tout.Les uns auront donc un patrimoine conséquent, les autres n'en auront pas du tout : c'est bien ce quel'on retrouve dans la concentration du patrimoine (document 4).

La deuxième manière d’acquérir du patrimoine est d'en hériter. Or, dans l'ensemble, les ménages lesplus pauvres ont des parents qui étaient eux-mêmes pauvres. Au contraire, les ménages les plus richesont souvent des parents qui étaient riches. Par conséquent, il existe une dynamiqueintergénérationnelle d'accumulation du patrimoine qui renforce les inégalités de patrimoine. Cettedynamique est d'autant plus forte qu'hériter du patrimoine permet d'accroître sa capacité d'épargne(quand on hérite de son logement, on peut épargner l'équivalent du loyer que l'on ne paye pas).

En outre, les ménages qui ont le plus de patrimoine peuvent le placer plus efficacement : ils peuventdiversifier leurs placements, en sélectionnant notamment des placements risqués mais rentables(actions), à côté de placements sûrs. Au contraire, les ménages qui ont peu de patrimoine le placentdans un petit nombre de placements, généralement peu risqués mais peu rentables (Livret A à 1,5%).

Question 1 : Quel est le taux d'épargne des ménages les plus pauvres ? Pourquoi ?Question 2 : Pourquoi le fait que l'épargne soit une fonction plus que proportionnelle du revenuconduit à ce que les inégalités de patrimoine soient plus fortes que les inégalités de revenu ?

6

Q1 Q2 Q3 Q4 Q5

-20

-10

0

10

20

30

40

Ménages répartis par quintile de niveau de vie

Tau

x d

'ép

arg

ne

Taux d'épargne moyen = 17%

Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ?

Question 3 : Pourquoi l'héritage a tendance à créer un cercle vicieux qui renforce sur le long terme lesinégalités de patrimoine ?

Exercice 9 :Document 6 : distribution des niveaux de vie des individus en 2010

Décile Niveau de vie Les niveaux de vieL'INSEE calcule, en plus du revenu des ménages, le niveau de vie desindividus. Pour calculer ce niveau de vie, il divise le revenu du ménagepar le nombre d' « unités de consommation » qui le composent, de lamanière suivante : le premier adulte vaut 1 unité, les autres personnesde plus de 14 ans valent 0,5 unité. Les enfants de moins de 14 ans euxne valent que 0,3. La raison de ce calcul tient dans les économies d'échelle qui existentdans un ménage. Quand on est deux, on a besoin d'acheter, parexemple, qu'une machine à laver (et pas deux), qu'une seule télé, etc.Ainsi deux individus vivant en couple avec 2000€ ensemble ont chacunun niveau de vie plus élevé qu'un individu qui vit avec 1000€. Pourtrouver le niveau de vie de chacun de ces individus l'INSEE divise donc2000€ non par 2 mais par 1,5, soit 1333€, ce qui rend bien compte dufait que ces individus ont un niveau de vie plus élevé que le célibatairevivant avec 1000€.

1er décile (D1) 10 430

2ème décile (D2) 12 990

3ème décile (D3) 15 180

4ème décile (D4) 17 190

Médiane (D5) 19 270

6ème décile (D6) 21 600

7ème décile (D7) 24 430

8ème décile (D8) 28 560

9ème décile (D9) 36 270

Rapport interdécile (D9/D1) 3,48

Source : INSEE

Les inégalités de revenu (même ajustées en tenant compte de la taille des ménages) sont plus fortesque les inégalités de salaires à temps plein, mais bien moins que les inégalités de patrimoine.

Un examen de la composition des revenus des ménages nous permet de comprendre comment ellesse construisent.

Document 7 : Composition du revenu des ménages en fonction des déciles en 2010

Source : INSEE

Les plus pauvres ont très peu de revenu d'activité, en particulier très peu de salaire. Il en est ainsiparce qu'ils ne travaillent pas (chômage) ou travaillent de manière précaire. Autrement dit, la pauvretévient de l'absence d'activité professionnelle : elle est le produit de la précarité de l'emploi et duchômage de masse. Au contraire, plus le revenu augmente, plus la part des revenus d'activité s'accroît,en particulier les salaires. Autrement dit, dans notre société, l'activité professionnelle est la principalesource de revenu, et plus celle-ci génère des revenus élevés, plus on est riche.

On constate toutefois que, chez les plus riches, les revenus du patrimoine occupent une place

7

D 1 D 2 D 3 D 4 D 5 D 6 D 7 D 8 D 9 D 10

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

transferts sociauxretraitesrevenus du pa-trimoineRevenus d'indé-pendantsalairespression fiscale to-tale

En %

de

l'ens

embl

e de

s re

venu

s av

ant i

mpô

t

Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ?

importante. On voit ainsi la conséquence de la répartition très inégalitaire du patrimoine : très peu deménages ont un patrimoine réellement important, et celui-ci leur fournit des revenus élevés quiviennent renforcer les inégalités de revenu. Toutefois, même chez les plus riches, les revenus d'activitédominent (parmi ces revenus, on compte plus de revenus d'indépendant, en raison de la présence denombreuses professions libérales chez les plus riches).

Nous ne vivons plus dans une société « de rentiers » : aujourd'hui être riche, c'est travailler en étantsoit un cadre à forte rémunération, soit un chef d'une entreprise importante, soit une professionlibérale, tout en ayant un patrimoine élevé. Être pauvre, au contraire, c'est n'avoir pas de travail, ou untravail précaire, et aucun patrimoine. L'inégalité face à l'emploi est donc la source la plusimportante des inégalités de revenu, que les inégalités de patrimoine ne font qu'amplifier.

Par contre, l'État providence joue un rôle essentiel dans la diminution des inégalités de revenu. Ainsi,il fournit 40 % des revenus des plus pauvres qui, par contre, ne payent presque pas d'impôts directs.Au contraire, les plus riches ne reçoivent presque pas de prestations sociales, et payent de 25 % deleur revenu total en impôts directs.

Question 1 : Faites une phrase avec le rapport interdécile des niveaux de vie. (document 6)Question 2 : Pourquoi les pauvres sont-ils pauvres ? Justifiez votre réponse avec des données du

document 7.Question 3 : Pourquoi les riches sont-ils riches ? Justifiez votre réponse avec des données du

document 7.Question 4 : Pourquoi ne vivons nous pas dans une « société de rentiers » ?Question 5 : Comment l'État diminue-t-il les inégalités de revenu ?

Exercice 10:Document 8 : Rapport interdécile du niveau de vie en France, 1970-2011

Question 1 : Faites une phrase pour 1970.Question 2 : Comment ont évolué les inégalités de revenu depuis 1970 ?

8

2,5

3

3,5

4

4,5

5

Source : INSEE

Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ?

Exercice 11 :Document 9 : L'inégalité des revenus en France, 1910-2010

Source : Thomas Piketty Les recherches de Thomas Piketty nous permettent de mieux comprendre comment ont évolué les

inégalités de revenu au XXe siècle. Ces travaux ont permis de montrer que l'on a assisté à uneffondrement des inégalités de revenu au cours du siècle dernier. Les 10 % les plus riches avaientpresque la moitié du revenu national en 1900. Un siècle plus tard, ils n'en ont plus que 35 %. Ceteffondrement a surtout eu lieu au cours des deux guerres mondiales, particulièrement la seconde.

Par ailleurs, les travaux de Piketty donnent une explication de cette évolution. Si l'on analyse lesinégalités salariales au cours du XXe siècle, on constate qu'elles n'ont presque pas évolué. L'essentielde la baisse des inégalités de revenu est donc dû à l'effondrement des inégalités de patrimoine. Lepatrimoine possédé par les 10 % les plus riches était considérable au début du XXe siècle (80 % dupatrimoine total). Il était à l'origine d'immenses inégalités de revenu. Ces patrimoines étaient siimportants que les plus riches, au début du XXe siècle, étaient presque tous des rentiers.

Les guerres, ainsi que les grandes crises du XXe siècle, ont détruit une grande partie de cepatrimoine. Et c'est ainsi qu'est morte la société des rentiers, et que les inégalités de revenu ontdiminué.

En outre, et c'est aussi important, le XXe siècle a vu l'apparition de l'impôt progressif sur le revenu,dont les taux de prélèvement ont fortement augmenté durant et après la Seconde Guerre mondiale,pour atteindre des niveaux très élevés (taux marginal supérieur de 91 % aux États-Unis en 1941). Parconséquent, les plus riches ne pouvaient plus, après paiement de l'impôt, disposer d'une épargne aussiimportante qu'auparavant. Cet impôt sur le revenu a interdit que se remette en place la dynamiqued'accumulation du patrimoine que nous avons vu à l'exercice 8.

Enfin, après la Second Guerre mondiale, l'État providence s'est fortement développé, avec sesrevenus de transfert, ainsi que la mise en place d'un salaire minimum, qui augmente fortement après1968. Cela a conduit à une nette élévation relative du revenu des 10 % les plus pauvres (qui expliquel'essentiel de la baisse du rapport interdécile après 1970 (document 8)).

Ces évolutions se retrouvent dans tous les pays développés, jusqu'aux années 1980. Et elles sontdues aux mêmes causes (destruction du patrimoine durant les guerres et les crises ; impôts sur lerevenu ; développement de l'État providence).

Question 1 : Faites une phrase pour la part du décile supérieur dans les revenus totaux en 1910 et2010.

9

20%

25%

30%

35%

40%

45%

50%

Part du décile supérieur des re-venus dans le revenu national

Part du décile supérieur des sa-laires dans la masse salariale

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Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ?

Question 2 : Pourquoi assiste-t-on à une chute soudaine des inégalités au cours du XXe siècle ?Question 3 : Pourquoi n'augmentent-elles pas ensuite ?

Exercice 12 :Document 10 :Evolution du rapport interquintile en Europe

1997 2010

Allemagne 3,6 4,5

Espagne 5,9 6,8

France 4,2 4,6

Italie 5,1 5,6

Royaume-Uni 5,2 5,3

Suède 3 3,6

UE (15 pays) 4,6 5,1Source : Eurostat

Depuis les années 1980, les inégalités de revenu ont augmenté dans tous les pays développés. Cetteaugmentation a été très importante dans les pays anglo-saxons, en particulier aux États-Unis. Ainsi,aujourd'hui, aux États-Unis, les inégalités sont revenues à leur niveau du début du siècle, et ellescontinuent de croître. La société américaine, qui était à l'époque décrit par la série Mad Men (lesannées 1960) plus égalitaire que la société française, est aujourd'hui la plus inégalitaire de toutes lessociétés développées.

Les inégalités ont beaucoup moins augmenté en Europe continentale. Mais l'augmentation esttoutefois significative, en particulier en Allemagne, autrefois très égalitaire. Même dans les sociétésscandinaves, les plus égalitaires de toutes les sociétés, les inégalités se sont accrues.

Cette augmentation des inégalités répond partout à la même logique : plus on est riche, plus sesrevenus augmentent relativement plus vite. C'est le cas même en France, où les inégalités ont moinsaugmenté qu'ailleurs. Aux États-Unis, ce processus a pris une forme extrême : depuis 30 ans, le revenumédian a stagné, celui des 10 % les plus riches a augmenté de 80 % et celui des 0,1 % les plus richesde plus de 300 %.

Question 1 : Comment les inégalités ont-elles augmenté en France, par rapport aux autres pays(appuyez-vous sur les données des documents 9, 10 et 11) ?

10

25%

30%

35%

40%

45%

50%

Document 11 : L'inégalité des revenus aux Etats-Unis, 1910-2010

Par

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déc

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upér

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dan

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rev

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natio

nal

Source : T.Piketty

100 000

200 000

300 000

400 000

500 000

600 000

700 000

800 000Document 12 : Evolution du revenu des ménages en France

2004 2010

Les 50 % des personnes les plus riches gagnent au moins

Les 10 % les plus riches gagnent au moins

Les 1 % les plus riches gagnent au moins

Les 0,1 % les plus riches gagnent au moins

Les 0,01 % les plus riches gagnent au moins

+ 1 300 €soit + 7,3%

+ 2 400 €soit + 6,7%

+ 8 000 €soit + 9,8%

+ 35 900 €soit + 17,7%

+ 178 900 €soit + 32,3%

source : INSEE

Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ?

Question 2 : Comment se situe, aujourd'hui, la France parmi les sociétés développées en termesd'inégalité ? (appuyez vous sur les données des documents 9, 10 et 11)Question 3 : Comment s'opèrent l'augmentation des inégalités ?

Exercice 13 :

Les inégalités de revenu ont augmenté à travers deux processus. La première et plus importantecause est l'augmentation très forte des inégalités de revenus salariaux, surtout par le haut (enparticulier aux États-Unis), mais aussi par le bas (notamment en France).

En effet, les salaires les plus élevés dans les entreprises (cadres dirigeants, métiers de la finance) ontexplosé. On ne voit pas très bien cette évolution à travers le rapport interdécile, car c'est le salaire des1 % les mieux payés qui a explosé, pas celui des 10 % les mieux payés. Les dirigeants salariés desplus grandes entreprises, comme certains traders, ont maintenant des revenus égaux à plusieurs sièclesde SMIC (doc 4 p. 277 du manuel). Les inégalités de salaires ont également augmenté, « par le bas »,en raison de la dégradation des rémunérations salariales des plus pauvres, frappés par le chômage et laprécarité.

La seconde cause de l'accroissement de ces inégalités est l'augmentation des inégalités depatrimoine (qui joue un rôle nettement moins important, toutefois), notamment en raison de la haussedes prix immobiliers et du cours des actions. En France, selon T.Piketty, la première cause explique2/3 de l'accroissement des inégalités et la seconde 1/3.

Question 1 : Quel rapport peut-on faire entre le document 12 et l'évolution des salaires ?Question 2 : Pourquoi la hausse des prix de l'immobilier (ou des actions) accroît les inégalités de

patrimoine ?

Exercice 14 :

Ces évolutions peuvent s'expliquer à travers plusieurs causes, non exclusives.Première cause : le progrès technique « biaisé ». Le progrès technique, en particulier les NTIC,

favoriserait les travailleurs les plus qualifiés et défavoriserait les moins qualifiés. Il permet desupprimer les emplois non qualifiés, remplacés par des robots et des ordinateurs (ex : OS dans lesusines). Il conduit, au contraire, à faire apparaître des emplois très qualifiés (informaticiens, etc.).Autrement dit, la productivité marginale des moins qualifiés diminue, et celle des plus qualifiésaugmente, d'où l'évolution divergente de leur rémunération.

Cette évolution est aggravée par la mondialisation, qui conduit à ce que les salariés les moinsqualifiés soient concurrencés par les salariés des pays les moins développés, qui leur sontsubstituables, grâce aux délocalisations. Au contraire, les travailleurs les plus qualifiés peuvent vendrele produit de leur compétence à un marché plus vaste, ce qui en accroît la valeur.

Troisième cause : le rapport de force au sein des entreprises s'est totalement modifié, en faveur desactionnaires et des cadres dirigeants. Comme nous le verrons, les employés sont moins capables defaire la grève et d'imposer leurs intérêts (en raison notamment du chômage de masse et de la précarité,qui leur fait craindre le licenciement en cas de protestation). Au contraire, la gouvernance desentreprises s'est réorganisée pour favoriser les actionnaires (accroissement des dividendes, recherchedes plus-values), en associant les cadres dirigeants à l'intérêt des actionnaires (distribution de stockoptions).

Enfin, l'impôt progressif sur le revenu, qui avait joué un rôle essentiel dans la diminution desinégalités, a baissé nettement dans tous les pays développés, passant de taux parfois très élevés (tauxmarginal de 70 % en France 1945) à des taux plus faibles (40 % en France jusqu'à l'année dernière).Le cercle vicieux de l'accumulation patrimoniale peut donc reprendre.

11

Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ?

Question 1 : Que veut dire que le progrès technique est biaisé ?Question 2 : Quelle critique peut-on faire à cette thèse, au regard de la manière dont augmentent les

inégalité (exercice 12) ?Question 3 : Pourquoi la mondialisation peut avoir accroître les inégalités ?Question 4 : Pourquoi la transformation du rapport de force entre salariés et entreprises peut

accroître les inégalités de salaire ?Question 5 : Qu'est-ce qu'une stock option ?

Exercice 15 :

On doit à S.Kuznets la première analyse de l'évolution des inégalité, qu'il étudie dans les années1950. Pour Kuznets, les inégalités devaient augmenter au début du développement du capitalisme,parce que seule une partie de la population participe à la révolution industrielle et s'enrichit. Puis, àpartir d'un certain niveau de développement, les inégalités diminuent, tout le monde accédant à lasociété industrielle. L'évolution des inégalités forme donc une courbe en cloche, dite « courbe deKuznets ». Quand Kuznets écrit cela, les faits lui donnent raison. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.

Comme le note T.Piketty, les inégalités ont baissé pour des raisons accidentelles (guerresmondiales) ou en raison de décisions politiques (État-providence). Ces causes sont donc fortuites, etleurs conséquences réversibles.

Question 1 : Expliquez la phrase soulignée.

Exercice 16:A partir du document 2, page 203 du manuel, répondez aux questions suivantes :

Question 1 : Faites une phrase avec « 34 » (1ère ligne, 1ère colonne).Question 2 : En suivant la méthode du tableau, lisez la colonne sur la visite des musée en 2005.

Comparez avec la colonne théâtre. Concluez.Question 3 : Lisez les colonnes « internet » et « vacances », « téléphone ». ConcluezQuestion 4 : Lisez la colonne « espérance de vie ». Question 5 : Comment ont évolué les inégalités culturelles ? Les inégalités de consommation (aidez

vous pour ce dernier point du doc. 1) ?

Comment lire les tableaux sociologiques avec des CSP (à l'exception des tables de mobilité) ?

Vous rencontrerez souvent des tableaux où figurent, d'une part, les différentes CSP et, d'autre part,des comportements sociaux (pratiques culturelles, consommation, espérance de vie, etc.).

12

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Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ?

Le but de votre lecture va être de faire apparaître des corrélations entre CSP et cescomportements sociaux. Pour cela vous devez procéder en 3 étapes :

1. Regardez le comportement des cadres puis celui des ouvriers. Dégagez l'hypothèse d'unecorrélation du type « plus on est en haut de la hiérarchie sociale, plus (ou moins) on a telcomportement ». Exemple : « plus on est situé en haut de la hiérarchie sociale, plus on va authéâtre » (doc 2 p. 203).

2. Vérifiez cette hypothèse en descendant la hiérarchie sociale : comparez les cadres auxprofessions intermédiaires, puis les professions intermédiaires aux employés, puis les employés auxouvriers. Si, à chaque fois, la CSP la plus haute a plus (ou moins) tel comportement que celleimmédiatement en dessous, alors votre corrélation est vérifiée.

3. Une fois cette corrélation établie, regardez la ligne « ensemble » pour apprécier l'importance dece comportement social. Exemple : « Seulement 17 % des Français vont au théâtre au moins une foispar an. C'est donc un loisir rare ».

Vous pouvez alors résumer les informations de la manière suivante : « Seulement 16 % des Français sont allés au théâtre au moins une fois en 2005. Toutefois, plus on

est situé en haut de la hiérarchie sociale, plus on va au théâtre. Ainsi, plus du tiers des cadres vont authéâtre (36%), alors que presque aucun ouvrier n'y va (6%). »

=> Attention à ne pas écrire une phrase du type : « on va au théâtre quand on est situé en haut de lahiérarchie sociale », ou « les cadres vont plus au théâtre » : ces phrases ne mettent pas en évidenceune corrélation (le fait que les cadres vont plus au théâtres que les PI, qui y vont plus que lesemployés, qui y vont plus que les ouvriers).

=> Mettez de côté les « agriculteurs exploitants », « les artisans, commerçants » et les « retraités ».Ces CSP sont trop hétérogènes pour qu'elles permettent de dégager des corrélations. Il est toutefoispossible qu'elles aient un comportement social qui soit à relever, en plus de la corrélation que l'on aétablie sans elles.

Exercice 17 :

Les différentes inégalités sociales et économiques interagissent partiellement entre elles. Elles senourrissent, en grande partie, les unes des autres. Il y a ainsi un cercle vicieux des inégalités : uneinégalité en provoque une autre, qui en provoque une troisième, etc. Il y donc une dynamiquecumulative des inégalités, qui est le produit du fait que les inégalités s'alimentent les unes les autres.

Cette dynamique tend à polariser la société, entre ceux qui cumulent tous les avantages sociaux, etceux qui cumulent tous les désavantages sociaux. Et ce cercle vicieux s'exerce d'une génération àl'autre, ce qui renforce la polarisation de la société sur le long terme : en effet, les inégalités desituations de parents font que les enfants ne disposent pas des mêmes capacités et dispositions dansleur réussite scolaire et professionnelle future.

Ce processus cumulatif s'exerce au sein des inégalités économiques. Ainsi, les inégalités depatrimoine provoquent, en partie, les inégalités de revenu, puisque le patrimoine produit des revenus.Or, les inégalités de revenu, en retour, produisent les inégalités de patrimoine : comme nous l'avonsvu, seuls les 20 % des français les plus riches ont assez de revenu pour accumuler du patrimoine grâceà l'épargne. Les inégalités de patrimoine génèrent donc les inégalités de revenu qui, à leur tour,génèrent les inégalités de patrimoine.

Les inégalités économiques (« avoir ») interagissent également avec les inégalités culturelles etscolaires (« savoir »). En effet, les inégalités économiques conduisent à des inégalités dans lelogement : à la fois dans la qualité de celui-ci et sa localisation. Les plus pauvres vivront ainsi dans

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Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ?

des quartiers défavorisés, et leurs enfants iront dans des établissements scolaires aux résultats plusfaibles. Ces enfants auront également de moins bonnes conditions de travail (pas de chambre et debureau à soi). Comme on le verra au chapitre suivant (théorie de Boudon), les parents aurontégalement moins de moyen à leur donner pour les aider dans leur scolarité (cours particulier, etc.)L'environnement du quartier donne également (ou non) des relations sociales utiles (capital social) etdes aspirations différentes (difficile de vouloir devenir ingénieur quand on en connaît aucun et que l'onne sait comment faire pour le devenir, par exemple).

Ces inégalités économiques vont, par conséquent, contribuer au fait que, en moyenne, la. réussitescolaire est corrélée avec la position sociale.

Mais, à leur tour, les inégalités scolaires vont nourrir les inégalités économiques. En effet, lediplôme joue un rôle déterminant dans l'emploi occupé, autrement dit dans les inégalités face àl'emploi. Ceux qui auront obtenu un diplôme d'un niveau faible, ou aucun diplôme, vont,probablement, faire partie des 10 % les plus pauvres, victimes du chômage et de la précarité, en raisonde leur faible capital humain. Au contraire, ceux qui auront un diplôme élevé pourront occuper lesprofessions les mieux rémunérées. Et les inégalités face à l'emploi vont déterminer les inégalités derevenu.

Il en va de même du « capital culturel » : le fait d'avoir été éduqué dans un milieu de cadre, etd'acquérir les manières de parler d'un cadre, favorisera l'embauche et la progression dans sa carrière.Comme on le verra au chapitre suivant, ces inégalités de « capital culturel »sont égalementdéterminante dans la réussite scolaire : les inégalités de « savoir » se nourrissent donc entre elleségalement.

Ainsi, on voit que les inégalités économiques se nourrissent entre elles, et qu'elle nourrissentégalement les inégalités scolaires et culturelles, et que celles-ci nourrissent à leur tour les inégalitéséconomiques, durant une vie donnée et d'une génération à l'autre. Toutefois, beaucoup de sociologues,à la suite de Marx, considèrent que les inégalités économiques sont les plus structurantes dans nossociétés capitalistes : elles ont plus d'impact que les inégalités culturelles ou de pouvoir, et sont àl'origine des principaux groupes sociaux dans notre société (comme on le verra dans le IV).

Question 1 : Que veut dire que les inégalités « font système » ?Question 2 : Pourquoi les inégalités ont tendance, spontanément, à s'accroître d'une génération àl'autre ?Question 3 : Faites un graphique qui résume ces interactions entre inégalités.

Exercice 18 :

Les causes des inégalités sociales de santé sont multiples et diverses. C’est d’ailleurs plutôt leurcumul plutôt que l’une ou l’autre d’entre elles qui peut les expliquer.

L’une des principales, encore souvent sous-estimée dans les enquêtes épidémiologiques, estconstituée par les conditions de travail. Sont ici en question non seulement les accidents ou lesmaladies auxquels conduit l’exercice courant de bon nombre de professions, mais encore, demanière beaucoup plus fréquente, l’usure générale, physique et psychique, de l’organisme, quepeuvent provoquer des conditions de travail pénibles. [...]

[Deuxième facteur] : les habitudes alimentaires [et les] diverses addictions (tabagisme etalcoolisme notamment). L’effet du revenu est avéré dans de nombreux aspects de la consommationalimentaire, notamment quant à la variété des produits consommés, la part des fruits, légumes etpoisson dans l’alimentation. Mais s’ajoute l’incidence du niveau de formation générale despersonnes, au moins aussi importante que le facteur revenu. [Ainsi] la corrélation la plus forte estcelle entre la prévalence de l’obésité et le niveau de diplôme. La consommation de tabac est

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Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ?

fortement liée aux conditions de vie des individus. On fume d’autant plus souvent que l’on est moinsdiplômé et qu’on dispose d’un revenu moins élevé. […] Niveau de vie et niveau des diplôme secombinent ainsi pour déterminer la situation relative des différentes catégories sociales. Jouent ici leniveau de formation générale, qui rend plus ou moins sensible aux informations en matière de santéet d’hygiène de vie, mais aussi, plus largement, une culture du corps (un rapport au corps et auxapparences corporelles) très différente d’un milieu social à l’autre.

Un dernier élément contribue à expliquer les inégalités face aux maladies et à la mort : l’inégalaccès aux soins. Faute de consulter à temps généralistes ou spécialistes, lorsque le mal est encorebénin, les membres des catégories populaires sont plus souvent que les autres contraintes d’êtreshospitalisés pour faire face à des pathologies qui se seront aggravées au fil du temps. Là encore, ilfaut invoquer les inégalités d’information en matière de prévention, de dépistage et de soin ; maisaussi des différences de culture du corps, façonnant des représentations différentes de la maladie etde la mort. Mais les inégalités de recours au système de soins s’expliquent encore par un facteuréconomique : son coût monétaire.

Alain Bihr et Roland Pfefferkorn, « Les inégalités sociales de santé », Interrogations, n°6, 2008

Question 1 : Pourquoi les inégalités de santé sont en partie dues à des inégalités économiques ?Question 2 : Pourquoi les inégalités de santé sont en partie dues à des inégalités de « capitalculturel » ?Question 3 : Quels effets en retour peuvent avoir les inégalités de santé sur les autres inégalités ?

Exercice 19 :

Le premier grand théoricien des classes sociales est Karl Marx. Sa réflexion est fondatrice,notamment parce qu'elles a influencé toutes les théories postérieures (même celles qui se sont placéesen opposition). Pour Marx, la société est structurée en classes sociales antagonistes. Les inégalitéséconomiques répartissent, pour lui, les hommes en plusieurs groupes sociaux, qu'il appelle des classessociales. Ces classes sociales résultent de l'organisation inégalitaire de la production économique, quiest fondée sur l'exploitation. Autrement dit, pour Marx, la manière dont la société est structurée est lerésultat de la manière dont l'économie est organisée. L'organisation de la société reflète l'organisationde l'économie.

Pour Marx, la production économique est, en dehors des sociétés primitives et de la sociétécommuniste dont il souhaite l'avènement, organisée autour de l'exploitation de certains individus pard'autres. C'est, en particulier, le cas dans le cas du capitalisme : certains individus possèdent lesmoyens de production (ils constituent la classe capitaliste) ; les autres individus sont forcés de vendreleur force de travail aux premiers pour pouvoir vivre (ils constituent le prolétariat). Dans la mesure oùles prolétaires sont forcés de vendre leur force de travail aux capitalistes, ceux-ci peuvent les exploiter,c'est-à-dire ne pas leur donner toute la valeur qu'ils ont créée par leur travail. Le profit des capitalistesvient de là : du fait qu'ils ne payent pas aux prolétaires tout ce que ceux-ci ont produit.

Ainsi, ce que Marx appelle le rapport social de production, c'est-à-dire la manière dont les individusrentrent en relation dans le cadre de la production économique, répartit les individus en deux classessociales. Une classe sociale est donc composée par l'ensemble des individus qui occupent lamême position dans les rapports sociaux de production (l'organisation de la production).

Par ailleurs, les relation entre les classes sociales sont hiérarchisées et antagonistes. En effet, uneclasse sociale (les capitalistes) exploitent une autre classe sociale (les prolétaires). Le but desprolétaires est donc de faire cesser cette exploitation. Le but des capitalistes est de l'intensifier pouraccroître leur profit. L'exploitation engendre, par conséquent, la lutte des classes.

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Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ?

Question 1 : Qu'est-ce qu'une classe sociale pour Marx ?Question 2 : Pourquoi, pour Marx, l'organisation de la société reflète-t-elle l'organisation del'économie ?Question 3 : Pourquoi les classes sociales sont-elles antagonistes ?

Exercice 20 :La grande industrie agglomère dans un endroit une foule de gens inconnus les uns aux autres. La

concurrence les divise d’intérêts*. Mais le maintien du salaire, cet intérêt commun qu’ils ont contreleur maître, les réunit dans une même pensée de résistance-coalition. Ainsi la coalition a toujours undouble but, celui de faire cesser entre eux la concurrence, pour pouvoir faire une concurrencegénérale au capitaliste. Si le premier but de résistance n’a été que le maintien des salaires, à mesureque les capitalistes à leur tour se réunissent dans une pensée de répression, les coalitions, d’abordisolées, se forment en groupes, et en face du capital toujours réuni, le maintien de l’associationdevient plus nécessaire pour eux que celui du salaire. [...]

Les conditions économiques avaient d’abord transformé la masse du pays en travailleurs. Ladomination du capital a crée à cette masse une situation commune, des intérêts communs. Ainsicette masse est déjà une classe vis–à-vis du capital, mais pas encore pour elle-même. Dans la lutte[...], cette masse se réunit, elle se constitue en classe pour elle-même. Les intérêts qu’elle défenddeviennent des intérêts de classe.

Karl Marx, Misère de la philosophie, 1847.* La concurrence les oppose les uns aux autres.

Question 1 : Qu'est-ce qui unit les prolétaires ?Question 2 : Expliquez la phrase soulignée.

Exercice 21 :

Cependant, le caractère distinctif de notre époque, de l'époque de la bourgeoisie, est d'avoirsimplifié les antagonismes de classes. La société se divise de plus en deux vastes camps ennemis,en deux grandes classes diamétralement opposées : la bourgeoisie et le prolétariat. […]

A mesure que grandit la bourgeoisie, c'est-à-dire le capital, se développe aussi le prolétariat, laclasse des ouvriers modernes qui ne vivent qu'à la condition de trouver du travail et qui n'en trouventque si leur travail accroît le capital. […] Le développement de l'industrie ne fait pas qu'accroître lenombre des prolétaires ; il les concentre en masses plus importantes ; leurs forces augmentent et ilsen prennent davantage conscience. [...]

Les petites classes moyennes d'autrefois, petits industriels, marchands et rentiers, artisans etpaysans tombent dans le prolétariat ; d’une part, parce que leurs faibles capitaux ne leur permettantpas d’employer les procédés de la grande industrie et ils succombent dans leur concurrence avec lesgrands capitalistes ; d’autre part, parce que leur habileté technique est dépréciée par les nouvellesméthodes de production. Ainsi le prolétariat se recrute dans toutes les classes de la population.

De toutes les classes qui, à l'heure présente, s'opposent à la bourgeoisie, le prolétariat seul est uneclasse vraiment révolutionnaire. Les autres classes périclitent et périssent avec la grande industrie;le prolétariat, au contraire, en est le produit le plus authentique. [Elles] ne sont donc pasrévolutionnaires, mais conservatrices; bien plus, elles sont réactionnaires : elles cherchent à fairetourner à l'envers la roue de l'histoire.

Karl Marx et Friedrich Engels, Le manifeste du parti communiste, 1848

Question 1 : Comment doit évoluer la structure sociale pour Marx ?Question 2 : Pourquoi les « classes moyennes d'autrefois » sont-elles réactionnaires ?

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Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ?

Exercice 22

Dans ses études sur le travail agricole en Prusse-Orientale, Weber utilisait le terme de Stand(groupe de statut) pour désigner des groupes sociaux comme les Junkers *, les industriels et lesfonctionnaires. […] Weber insistait sur le fait que le comportement collectif des Junkers ne pouvaitpas être compris d'un point de vue strictement économique. Il lui semblait également nécessaire deprendre en compte les idées dérivées de la sous-culture de chaque groupe, de ce que Weber appelleson « style de vie ». De ce point de vue, les travailleurs agricoles étaient tout autant un Stand que lesJunkers : leur résistance à l'obséquiosité [envers leur maîtres] était devenue un élément fondamentalde leur manière de voir le monde, de la même façon que les traditions patriarcales faisaient partie dustyle de vie des Junkers. Weber utilise [ainsi le terme de groupe de statut] pour tous ces groupessociaux, insistant sur le fait que les distinctions de prestige ont en plus de leur aspect négatif, fondésur l'envie, un aspect positif. Par exemple, le refus des Junkers d'établir des relations d'égal à égalavec les membres de la bourgeoisie était la preuve non seulement de leur mépris envers eux maiségalement d'un authentique désir de préserver leur mode de vie. [...]

Pour Weber, comme pour Marx, l'origine fondamentale des « classes » tient dans la distributioninégale du pouvoir économique et, par conséquent, dans une distribution inégale des chances. Mais,pour Weber, cette causalité économique n'épuise pas les conditions de formation des groupessociaux. Il est nécessaire de concevoir un concept qui tienne en compte l'influence des idées dans laformation des groupes sociaux.

Par contraste avec la « situation de classe », qui est déterminée économiquement, noussouhaitons désigner par «situation de statut » toute composante de la destinée sociale desindividus qui est déterminée par une estimation sociale spécifique, positive ou négative, duprestige. Dans son contenu, ce prestige statutaire s'exprime normalement par un style de viegénéralement attendu de tous ceux qui prétendent faire partie du groupe. Lié à cela, on trouvedes restrictions dans les relations sociales. Ces restrictions peuvent limiter les mariagesconvenables à l'intérieur du groupe de statut. En plus du prestige statutaire, qui repose toujourssur la distance et l'exclusion, on trouve toutes sortes de monopoles matériels. Ces préséanceshonorifiques peuvent consister dans le privilège de porter certains habits spécifiques, demanger des nourritures qui sont tabous pour les autres, de porter des armes.(M.Weber,Économie et société, t.2).

[Dans] l'ordre des statuts, les hommes sont groupés par leur prestige et leur style de vie. Toutes lesactions fondées sur des considérations de statut sont orientées par le « sentiment des acteurs qu'ilsfont partie du même groupe ». Pour préserver leur statut, les individus s'opposeront à l'idée que larichesse en tant que telle est le fondement légitime du prestige. S'il en était autrement, un hommeriche pourrait prétendre avoir plus de « prestige » qu'un autre, descendant d'une lignée familialeprestigieuse, ce qui mettrait en péril l'ordre des statuts.

R.Bendix, Max Weber, 1960

*Les Junkers est le nom que portaient les aristocrates, possesseurs de vaste propriétés terriennes, en Prusse. Al'époque de Weber, la plupart des généraux allemands étaient des Junkers, de même qu'une grande partie deshauts fonctionnaires.

Question 1 : Est-ce que pour Weber la structure sociale ne résulte que des inégalités économiques ?Question 2 : Pourquoi les Junkers était un groupe de statut, et pas une classe sociale ?Question 3 : Pourquoi le style de vie est essentiel à l'existence d'un groupe de statut ?Question 4 : Définissez les groupes de statut.

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Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ?

Exercice 23 :

Nous n'avons pas de définition universellement acceptée des classes sociales. Pourautant, pour caricaturer les positions, deux courants traversent la sociologie. D'un côté, nousavons la tradition marxienne, selon laquelle les classes sociales sont des des collectifsstructurés par une position spécifique dans le système économique définie notamment autravers de la propriété des moyens de production, marqués par un conflit central(l’exploitation), animés éventuellement par la conscience collective de leur intérêt. Cettetradition est parfois qualifiée de holiste (‘ολον = tout) parce qu’ici, la totalité est plus que lasomme des individus qui la forment, la classe existant indépendamment et au-dessus de sesmembres, en leur dictant leur rôle, par delà la capacité de création des individus. Cettetradition est qualifiée aussi de réaliste, parce que les classes sont supposées former desentités véritables et tangibles, et non pas des constructions intellectuelles.

D’un autre côté, la tradition weberienne suppose que les classes sociales sont desgroupes d’individus semblables partageant une dynamique probable similaire (Max Weberparle de Lebenschancen ou « chances de vie »), sans qu’ils en soient nécessairementconscients. La classe sociale n’est pas autre chose, a priori, que la somme des individus(individualisme contre holisme) que le chercheur décide d’assembler selon ses critèrespropres ; ainsi, les classes sont des noms plus que des choses (nominalisme contreréalisme).

Karl Marx attendait donc beaucoup de la classe sociale, alors que Max Weber y voyait unmode de découpage social parmi d’autres : les marxistes conçoivent difficilement que lesclasses sociales existent sans conscience de classe, sans être des classes en soi et poursoi, des groupes non seulement repérables, mais aussi en mesure de par leur organisation,de construire leur histoire collective.

Louis Chauvel, « Le retour des classes sociales », Revue de l'OFCE, n°79, 2001

Question : complétez le tableau ci-dessous.

Approche réaliste Approche nominaliste

Auteurs emblématiques

Type de hiérarchie qui opposentles classes sociales

Rôle des classes sociales dans lastratification sociale

Place de l'individu

Conscience de classe

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Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ?

Exercice 24

Pierre Bourdieu (1930-2002), un des grands sociologues du XXe siècle, s'est efforcé de penser lastratification sociale dans les sociétés modernes, en s'appuyant à la fois sur la tradition marxiste et surla tradition weberienne.

Pour Bourdieu, la société moderne est hiérarchisée en classes sociales. Il distingue trois grandesclasses sociales : les classes populaires, les classes moyennes (qu'il nomme la « petite-bourgeoisie »),et les classes supérieures (la « classe dominante », dans son vocabulaire).

Bourdieu pense qu'il n'y a pas que la production économique qui hiérarchise la société. PourBourdieu, il existe notamment un autre mécanisme qui hiérarchise les individus : ce qu'il nomme le« capital culturel ». Le capital culturel est l'ensemble des ressources culturelles dont disposent lesindividus pour obtenir une position dans la société : leur savoirs (leur « culture ») et leur savoir-faire(leur manière de parler, par exemple), ainsi que leurs diplômes et qualifications scolaires. En effet,Bourdieu constate que, dans les sociétés modernes, beaucoup de positions sociales s'obtiennent grâceà ce « capital culturel ». Ainsi, la plupart des cadres dirigeants des grandes entreprises occupent unetelle position autant grâce à leur diplômes que grâce au capital économique que leur ont transmisleurs parents. Il existe d'autres formes de « capitaux » (notamment le capital social) qui hiérarchise lasociété, toutefois Bourdieu considère que le capital économique et le capital culturel sont les plusimportants.

Ainsi, c'est à partir de ces deux mécanismes de hiérarchisation que se structure l'espace social. Ainsiles individus seront situés plus ou moins haut dans cet espace social (cf. graphique du doc 7 page188) en fonction du volume total de capital (économique et culturel) qu'ils possèdent. Toutefois, lacomposition du capital total joue également un grand rôle : les individus se répartiront en fractiondominée (s'ils possèdent surtout du capital culturel dans leur capital total) ou dans la fractiondominante (s'ils possèdent surtout du capital économique dans leur capital total) de leur classe sociale.

Pierre Bourdieu a donc une vision multidimensionnelle de la structure sociale.

Question 1 : Pourquoi la théorie de la structure sociale de Pierre Bourdieu s'oppose à celle deMarx ?

Question 2 : Qu'est ce que le capital culturel ?Question 3 : Pourquoi Bourdieu lui attribue une place centrale dans sa théorie de la structure

sociale ?

Exercice 25

Pour Bourdieu, le style de vie des individus, c'est-à-dire leur façons de penser et d'agir, sont leproduit de la place qu'ils occupent dans l'espace social. En fonction de la quantité de capitaléconomique et de capital culturel dont un individu dispose, il aura certaines manières d'agir, certainespratiques culturelles, certains goûts musicaux, alimentaires, etc. Il y a ainsi une coïncidence entrel'espace social et l'espace des styles de vie : chaque classe (ou mieux chaque fraction de classe) seraimmédiatement identifiable par son style de vie.

Bourdieu pense que dans cet espace des styles de vie se joue un aspect essentiel de la légitimationde l’ordre social. En effet, dans la mesure où les pratiques sociales sont hiérarchisées et que ceshiérarchies reflètent les hiérarchies sociales sous-jacentes, les styles de vies ont de puissants effets dedistinction et de légitimation. Par exemple, les groupes sociaux dominants en aimant des musiquesplus valorisées socialement que les groupes sociaux dominés s'en distinguent. Mais cette distinctionest aussi légitimation : les groupes sociaux dominants apparaissent comme distingués, et donc dignesde la position qu'ils occupent, en raison de leur culture. Les classes dominantes s'efforcent d'imposerleur culture aux classes dominés, pour perpétuer leur domination. De leur côté, les individus des

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Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ?

groupes sociaux dominés s’efforcent d’imiter les pratiques culturelles des groupes sociaux dominantspour se valoriser socialement.

Bourdieu rejoint ainsi la tradition marxiste, dans la mesure où il pense qu'il existe des luttespermanentes entre les classes sociales. Toutefois, pour Bourdieu, les conflits entre les classes se jouentavant tout au niveau culturel.

Question 1 : Sur le graphique du doc 7 p. 188 que délimite la courbe en gris ? En quoi est-elle uneillustration de la théorie de Pierre Bourdieu ?

Question 2 : En quoi Bourdieu rejoint-il la tradition marxiste ?

Exercice 26

L'INSEE a élaboré, en 1954, une représentation de la structure sociale française, la nomenclature desCatégories Socio-Professionnelles (les CSP). Cette nomenclature a été révisée en 1982 pour laisserplace au Professions et Catégories Socioprofessionnelles (les PCS). (Attention : l'usage de l'ancienterme de CSP est extrêmement répandu, à la place du terme exact de PCS). Cette classification de lapopulation en catégories a eu un grand succès social : ainsi ces catégories sont très souvent utilisés,bien au delà des statisticiens de l'INSEE. Pourtant, il ne s'agit que d'une analyse possible de lastratification sociale française, et non pas de la « réalité » même de cette société. Les PCS sont,d'ailleurs, de plus en plus souvent critiquées, car elles seraient mal adaptées aux évolutions de lasociété française (comme on le verra dans la suite du chapitre).

L'INSEE cherchait, à travers cette classification, à répartir « la population en un nombre restreint decatégories présentant chacune une certain homogénéité sociale. […] Pour cela, le classement doit êtreconçu de manière à faire apparaître le mieux possible les différences de situation, de comportement etd'aptitudes » (INSEE).

L'INSEE fait l'hypothèse que c'est la profession exercée qui est à l'origine de ces groupes sociauxayant des situations et des comportements communs. Ainsi, l'INSEE distingue 486 professions, qu'ilregroupe en 31 catégories socioprofessionnelles (CS), elles-même regroupées en 6 groupessocioprofessionnels (GS).

L'INSEE a une vision multidimensionnelle de la structure socio-professionnelle : les groupessocioprofessionnels sont construits à partir de quatre grands critères. Premièrement, le statut juridiquede la profession (ce qui conduit à distinguer ceux qui travaillent à leur compte (les indépendants) dessalariés) ; deuxièmement, la qualification (le diplôme nécessaire pour occuper la profession exercée) ;troisièmement, la position hiérarchique ; quatrièmement, le secteur d'activité (primaire, secondaire outertiaire).

Ainsi, parmi les 6 groupes socioprofessionnels, les deux premiers sont composés d'indépendants: lesAgriculteurs exploitants (ce groupe ne comprend que les agriculteurs qui possèdent leur terre et nesont pas salariés) ; les Artisans, commerçants et chefs d'entreprises. La différence entre les deuxgroupes est le secteur d'activité : primaire pour les agriculteurs ; secondaire et tertiaire pour les autres.

Les autres groupes socioprofessionnels sont tous des salariés. Ils sont classés essentiellement enfonction du niveau de diplôme et de la place dans la hiérarchie des entreprises. En bas de la hiérarchie,on trouve les Employés et les Ouvriers : la distinction entre les deux se fait par le secteur d'activité(tertiaire contre secondaire). Employés et ouvriers regroupent l'ensemble des professions d'exécution,ne nécessitant pas une qualification élevée. Puis viennent les Professions intermédiaires (techniciens,infirmières, etc.) qui ont une place intermédiaire dans la hiérarchie professionnelle. En haut, on trouveles Cadres et professions intellectuelles supérieures : dans ce groupe socioprofessionnel se trouventles individus occupant le haut de la hiérarchie professionnelle dans les entreprises (les cadres). On ytrouve également les individus dont la profession implique la possession d'un diplôme élevé (commeles professeurs ou les professions libérales (avocats, médecins, etc.)).

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Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ?

A l'intérieur de chaque groupe socioprofessionnel, l'INSEE applique d'autres principes declassification : ainsi les salariés sont distingués selon qu'ils travaillent pour le secteur public (lesfonctionnaires) ou pour le secteur privé. Les artisans, commerçants et chefs d'entreprises sontclassifiés entre ceux qui emploient plus de 10 salariés et les autres.

Les 6 Groupes socioprofessionnels (parfois appelés CSP)

(graphique d'après L.Chauvel)

Question 1 : Quel est le but de l'INSEE avec sa nomenclature des PCS ?Question 2 : Sur quelle hypothèse se fondent-elles ?Question 3 : Qu'est-ce qui différencient les CSP dans le triangle et celles dans les ovales dans le

graphique ci-dessus ?Question 4 : Quels sont les autres principes de classification appliqués par l'INSEE ?Question 5 : Pourquoi l'INSEE a-t-il mis dans la même CSP les cadres, les professeurs et les avocats

ou les médecins ?

Exercice 27

Les catégories socioprofessionnelles sont-elles des classes sociales ? La réponse à cette questionn'est pas simple, mais elle est globalement positive. En effet, on retrouve dans la nomenclature del'INSEE, l'idée essentielle de K.Marx : la société est hiérarchisée en groupe sociaux distincts en raisondes processus économiques. Ainsi, L.Chauvel écrit que « les CSP permettent de parler de classessociales sans jamais en prononcer le mot. »

Toutefois, les CSP ont également une dimension wébérienne. En effet, elles sont fondées sur l'idéeque, si la profession joue un rôle central dans les clivages de la société, ces clivages sontmultidimensionnels. Ainsi, contrairement à la vision de Marx, au clivage entre possesseurs desmoyens de production et les autres, les CSP ajoutent les clivages induits par le diplôme, le secteurd'activité, la place dans la hiérarchie de l'entreprise (pour les salariés). Les CSP font ainsi apparaître de

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Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ?

nombreux groupes sociaux, bien au-delà de l'opposition capitalistes/prolétaires. En outre, le but profond des CSP est de regrouper des individus qui ont une même vision du monde,

des mêmes manières de penser et d'agir, un même style de vie (comme Weber avec ses groupes destatut, ou Bourdieu, qui a été une des sources théoriques de la révision de la classification en 1982,entreprise par deux statisticiens proches de lui).

Ceci constitue d'ailleurs la force des CSP, et une raison importante de leur succès : elles décriventbien les principaux groupes de la société française, comme le montre le fait que les principalespratiques sociales ou culturelles sont souvent corrélées avec la CSP (comme la pratique de la lecture,l'abstention électorale, etc.). Il en est ainsi parce qu'elles mettent clairement en évidence que lahiérarchie la plus importante dans la société moderne se joue entre les salariés eux-mêmes, entre ceuxqui ont un pouvoir de décision au sein des entreprises (les cadres) et ceux qui sont cantonnés à destâches d’exécution (les ouvriers et les employés), plutôt qu'entre ceux qui possèdent les moyens deproduction et les autres.

C'est toutefois la critique que lui adressent certains auteurs (pas nécessairement marxistes) : les CSPrendent très difficilement visible la distinction entre les capitalistes et les autres. En effet, si laclassification de l'INSEE distingue les indépendants des salariés, elle ne fait pas apparaître trèsclairement les « vrais » capitalistes, au sens de Marx, puisqu'elle mélange les petits patrons (parfoissans salarié, comme un petit artisan qui travaille seul) avec les grands patrons dans un unique groupesocioprofessionnel, celui des Artisans, commerçants et chefs d'entreprise.

Question 1 : Pourquoi Louis Chauvel peut-il écrire que les CSP sont des classes sociales cachées ?Question 2 : Pourquoi les CSP ne correspondent pas à une vision marxiste de la structure sociale ?Question 3 : Quel clivage social les CSP font-elles bien apparaître et quel clivage ne montrent-ellespas clairement ?

Exercice 28 : Complétez le texte.

Les sociétés modernes sont caractérisées par l'absence de.....................légalement définies.Légalement, les individus naissent tous égaux. Toutefois, dans les faits, il existe des........................économiques et sociales entre les individus.

Depuis Karl Marx, de nombreux sociologues considèrent ainsi que la société est composées declasses sociales, c'est-à-dire de groupes sociaux, homogènes et distincts, constitués par leur placedans la …................... et qui partagent, en outre, le plus souvent une …...................., c'est-à-direune conscience de leurs intérêts, ainsi que des manières de vivre en commun.

Pour Marx, la société moderne est constituée autour du rapport d'exploitation du capitalisme : il n'ya donc que deux classes sociales, les …........... et les …....................On peut toutefois considérer queles hiérarchies sociales constituées autour de la production sont plus nombreuses : ainsi Max Weberconsidère que les classes sociales sont constituées par des individus qui ont les mêmes « chances derevenus » et donc les « mêmes chances de................... », ce qui le conduit à distinguer plusieurs autresclasses sociales, comme la classe moyenne.

D'autre part, pour M.Weber, les membres d'une classe sociale n'ont pas nécessairementune................................ et ne sont donc pas nécessairement en …................. contre les autres classes.Au final, pour Weber, les classes sociales ont donc des frontières floues : les niveaux de revenu et deconsommation forment un continuum, et les individus n'ont pas nécessairement une conscience declasse. Par conséquent, c'est le sociologue qui trace des frontières qui n'existent pas nécessairementdans la réalité en délimitant des classes sociales. Max Weber a donc une vision « …........... » desclasses sociales, au contraire de Marx qui a une vision « ….................. ». Pour ce dernier, les classes

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Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ?

sociales existent réellement : les individus occupent nécessairement une place et une seule dans lesrapports de production, ce qui les fait appartenir à une classe et en partager la conscience de classe.

Par ailleurs, pour Weber, les hiérarchies constituées par les processus économiques ne sont pas lesseules : il existe également des hiérarchies liées au.................. qui créent des.............................. et deshiérarchies liés à l'accès au pouvoir politique.

Pierre Bourdieu synthétise ces deux approches, en s'efforçant de montrer que la société moderneest hiérarchisée en plusieurs classes sociales dont les individus ont une même quantité de…....................... et de............................. et partagent un ….................... commun.

Exercice 29A partir des années 1960, des sociologues, comme R.Nisbet, affirment que les classes sociales sont

en train de disparaître de nos sociétés. Cette idée s'appuie sur une évolution sociologique tout à faitmajeure : la moyennisation de la société.

Celle-ci s'opère selon trois processus fondamentaux : 1) le fait que de plus en plus d'individusappartiennent à la classe moyenne (moyennisation « sociologique ») 2) le fait que, comme on l'a vu,les inégalités économiques entre les individus diminuent (moyennisation « économique ») 3) le faitque, en outre, le style de vie de la classe moyenne se diffuse dans toute la société (vers le haut commevers le bas), ce qui conduit à une disparition des identités de classe (moyennisation « culturelle »).

1) La moyennisation «sociologique »On peut définir la classe moyenne comme la classe sociale située au milieu de hiérarchie sociale,

entre les classes supérieures et les classes populaires. Cela conduit à repérer les individus constituantcette classe comme occupant une position intermédiaires dans l'organisation de la production,c'est-à-dire en suivant la nomenclature des PCS, les professions intermédiaires, mais également unepartie des cadres et professions intellectuelles supérieures (professeurs, certains cadres « moyens »,qui n'occupent pas le sommet de la hiérarchie de leur entreprise), voire même une partie des employés.De ce point de vue, la transformation de la structure sociale a conduit à une moyennisation de lasociété française : il y a un grossissement de la « constellation centrale » (professions intermédiaires,etc.) et d'une diminution de la base (les ouvriers).

Document 13 : Évolution de la part des CSP en France entre 1962 et 2009

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1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 20100

5

10

15

20

25

30

35

40

45 Agriculteurs exploitants

Artisans, commerçants et chefs d'entreprise

Cadres et professions intellectuelles supérieures

Professions intermédiaires

Employés

Ouvriers

En

% d

e l'e

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pés

Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ?

Question 1 : Quelles CSP ont vu leur part relative le plus augmenté ? Lesquelles ont leur partrelative le plus diminué ?

Question 2 : En quoi ces évolutions montrent que la société française s'est moyennisée ?Question 3 : Comment peut-on expliquer ces évolutions ?

2) La moyennisation « économique »On peut également définir la classe moyenne comme étant constituée par l'ensemble des individus

ayant un revenu proche du revenu médian (20 % au-dessus et 20 % au-dessous). Il y a moyennisationsi les inégalités de revenu diminuant, un nombre croissant d'individus gagnent un revenu proche durevenu médian.

Question 4 : Montrez que le document 8 de l'exercice 10 met en évidence la moyennisation de lasociété française.

Exercice 30

3) La moyennisation « culturelle »A côté de la transformation de la structure sociale, la moyennisation a une dimension symbolique et

culturelle. Depuis la Seconde Guerre mondiale, notamment en raison du développement de la consommation de

masse, le style de vie des classes moyennes s'est imposé dans l'ensemble de la société. En particulier,les ouvriers qui avaient une culture propre très forte, se mettent à imiter les professions intermédiaires.D’autre part, les grands bourgeois se mettent également à adopter une culture de classe moyenne, enabandonnant une grande partie de la culture bourgeoise traditionnelle.

Les normes de consommation deviennent ainsi de plus en plus proches. Tout le monde accède à laconsommation de masse (frigo, voiture, télévision). Les innovations de produits se diffusent de plusen plus vite. Quand un nouveau produit apparaît, l'ensemble des groupes sociaux y accèdent de plusen plus rapidement.

Les normes culturelles de la classe moyenne se diffusent, de même que leurs attitudes. Parexemple, les familles nombreuses disparaissent à la fois chez les ouvriers et les bourgeois, au profit dela famille avec un ou deux enfants, dominante dans les classes moyennes. De la même façon, lerapport entre l’homme et la femme au sein du couple ressemble de plus en plus dans toutes les classessociales à celui qui existe dans les classes moyennes (comme en témoigne la diffusion du divorce).

Les pratiques culturelles de la classe moyenne se diffusent dans toute la société : musique (lachanson s'est imposée par rapport à la musique classique, centrale dans la culture bourgeoise), cinéma(qui est le prototype du loisir de masse, trans-classiste), cuisine (H.Mendras cite l'exemple du succèssocial du barbecue, qui s'est diffusé dans toute la société, alors qu'il est à l'opposé du repas bourgeoistraditionnel), etc. en témoignent.

L’impression subjective de faire partie des classes moyennes augmente. Cela se traduit par undouble processus : premièrement, la conscience de classe recule, notamment chez les ouvriers. D'autrepart, lorsque les individus ont le sentiment d'appartenir à une classe sociale, il s'agit de la classemoyenne, même si ils n'en font pas objectivement partie.

La majorité des individus feraient ainsi partie de la classe moyenne et, lorsque ce n'est pas le cas,vivraient comme elles, et n'auraient donc plus le sentiment d'appartenir à une autre classe sociale,parce qu'elle partage le style de vie de la classe moyenne. Au centre de cette analyse, on trouve ainsil'idée que la classe ouvrière, qui formait leur cœur de la structure de classe chez Marx, est en train dedisparaître, à la fois quantitativement, mais aussi faute de conscience de classe, et d'un style de vie quila distingue encore de la classe moyenne.

24

Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ?

Question 1 : En quoi le doc 1 p. 203 confirme-t-il l'analyse du texte ?Question 2 : En quoi le doc 23 p. 195 confirme-t-il l'analyse du texte ?

Exercice 31

La deuxième analyse qui conduit à contester l'analyse en terme de classes sociales est plus récente, etfondée sur les évolutions du marché du travail et des statuts professionnels. Ces évolutions ont conduità l'apparition de nouvelles inégalités, qui traversent les groupes sociaux, et qui font que les individuspeuvent avoir des destins sociaux très différents, alors même qu'ils appartiennent, théoriquement, aumême groupe social. En raison des transformation du marché du travail, il existe en effet des clivagesau sein des groupes sociaux : les emplois précaires et le chômage concernent un nombre croissant d'individus, notamment parmi les jeunes, et brisent l'unité des groupes sociaux. En effet, même parmiles groupes sociaux les plus exposés à la précarité, les ouvriers et les employés, tous les individus nele sont pas. Il y a des ouvriers très qualifiés, qui ont une vraie stabilité professionnelle, et des ouvrierssans qualification qui vont d'interim en périodes de chômage. Les uns vivent dans des pavillons, lesautres dans des « cités » de relégation sociale. Leur mode de vie n'est en rien comparable. A la placede clivages entre classes sociales, il existerait donc aujourd'hui surtout une opposition entre « stables »et « vulnérables », intégrés et exclus.

Document : Population active occupée selon l'âge et le statut des emplois en 2009 et taux dechômage selon l'âge (en%)

15-24 ans 25-49 ans 50 ans ou plus Ensemble

Non salariés 1,9 10 16,1 11

Salariésdont

98,1 90 83,9 89

-Intérimaires 5,2 1,6 0,6 1,6

-Apprentis 16,3 0,1 0 1,4

-CDD1 27,3 7,3 4,5 8,2

-CDI2 49,3 81 78,7 77,9

Ensemble des emplois

100 100 100 100

Taux de chômage 23,7 8,2 6,1 9,11. CDD : Contrat à durée déterminée (au maximum 18 mois).2. CDI : Contrat à durée indéterminée.

Source : INSEE

Question 1 : Faites une phrase avec les données soulignées (doc 2) . Que constatez-vous ?Question 2 : Illustrez la phrase soulignée à l'aide des données pertinentes du document.Question 3 : En quoi ces évolutions constituent également une limite à la classification des PCS ?

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Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ?

Exercice 32

A côté des clivages entre classes sociales, il existe d'autres principes de différenciation dans nossociétés modernes, qui échappent aux oppositions entre classes sociales, voire les remplacent,notamment en raison de la moyennisation et de la diminution de la place du travail dans nos vies (noustravaillons deux fois moins qu'il y a un siècle).

Premier clivage : l'âge. A partir des années 1950, une « culture jeune », ou adolescente, a émergé,qui, à l'époque, s'est traduite notamment par l'apparition de nouveaux styles musicaux portés par lesjeunes (le rock) (même si ces styles se sont diffusés, par la suite, à toutes les classes d'âge). Cetteculture jeune est le produit du développement de la scolarisation pour tous. Au lieu d'être directementplongés dans le monde du travail à la sortie de l'enfance, les individus sont de plus en plus longuementscolarisés. Par conséquent, durant une période de plus en plus longue, les « jeunes » ne sont plus desenfants, mais pas non plus des « adultes » actifs. Cette situation sociale commune a conduit àl'apparition d'un style de vie différent des adultes qui travaillent, à des goûts culturels, des référencesqui leur sont propres. Ces goûts culturels sont souvent construits en opposition à ceux des « adultes »,affichant un refus marqué de la culture « légitime » (c'est-à-dire, par exemple, de la musiqueclassique, et des formes les plus acceptées de la musique populaire). Les personnes de cette classed'âge ont même un sentiment d'appartenance à un groupe d'âge commun : les « jeunes ».

Toutefois, certains sociologues contestent l'importance de cette culture commune : les clivages declasse qui séparent les jeunes sont, pour eux, plus importants que leur références culturellescommunes. C'est par exemple le cas de P.Bourdieu pour lequel « la jeunesse n'est qu'un mot ». De fait,la « culture jeune » est très clivée elle-même en fonction du groupe social auquel appartient le jeune(l'écoute du rap ou le port de vêtement « banlieue » est par exemple très clivant).

Par ailleurs, Louis Chauvel met en avant ce qu'il appelle le « destin des générations ». En particulier,il oppose la génération née de 1940 à 1960 et celles nées après. La première est rentrée sur le marchédu travail durant les Trente Glorieuses. Ses membres n'ont eu aucun mal à trouver un travail, ontbénéficié d'une carrière rapide et de fortes augmentations de salaire. Par exemple, durant les TrenteGlorieuses, il fallait 25 ans pour que le salaire d'un ouvrier rattrape le salaire d'un cadre d'une année tdonnée. Avec 25 ans de retard, un ouvrier avait donc le même niveau de vie qu'un cadre de l'année t.Aujourd'hui, les augmentations salariales sont si faibles qu'il faut plus de deux siècles. En outre, lesmembres de ces générations ont bénéficié d'un État providence généreux (retraite à 60 ans). Lesgénérations suivantes ont des insertions lentes et difficiles sur le marché du travail, des carrières pluslentes et de moins fortes augmentations salariales. Elles payeront pour les retraites de leurs aînés, sansbénéficier des mêmes avantages (retraite à 65 ans). Il y aurait donc une quasi lutte entre lesgénérations, qui remplacerait celle entre les classes sociales.

Autre principe : le sexe. Toutes les sociétés humaines sont fondées sur la domination masculine,c'est-à-dire que, dans toutes, les hommes occupent les positions sociales les plus valorisées et quecette domination est perçue comme légitime, normale. Quelque soit leur classe sociale, les femmessubissent une même domination masculine, en particulier une division du travail qui leur estdéfavorable. Toutefois, le propre de la nôtre est que cette domination est contestée : elle n'apparaîtplus comme légitime, et la répartition des tâches se transforme lentement. Cela conduit certainesfemmes à mettre en avant leur statut social de femme, à lutter pour sa promotion, plutôt que leurposition de classe. Cela est d'autant plus le cas que notre société s'individualise.

Question 1 : En quoi le document 28 p. 197 confirme-t-il la thèse du texte ?Question 2 : Pourquoi les clivages de genre dépassent-ils les clivages de classe ?

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