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L’impact du tourisme sur les villes dans le monde

Introduction

Il est toujours étonnant de constater à quel point le tourisme est sous estimé par rapport aux autres activités économiques. Et pourtant, nous allons voir ici qu'il s'agit de l'activité la plus dynamique au monde. En effet, le tourisme devance les industries comme l'automobile ou encore le secteur pétrolier et sa croissance est très rapide. Le tourisme est également le seul secteur économique impliquant autant d'intervenants, autant d'activités en amont comme en aval. Rien ne semble pouvoir arrêter cette croissance nous révèle un rapport de prospective de l'Organisation Mondiale du Tourisme. Elle est aussi malheureusement une activité importante à cause de l'impact qu'elle a sur l'environnement, les populations, le patrimoine des pays touristiques, particulièrement dans le monde en développement (1).

C'est de ce constat que je suis partie : des années de travail comme agent de voyages au Maroc m'ont convaincue qu'il fallait essayer de remédier aux dégâts les plus spectaculaires et aux injustices les plus flagrantes que le tourisme pouvait faire subir aux pays d'accueil. Cependant, jusqu'à présent, le grand public n'est que peu sensibilisé d'une part aux méfaits du tourisme et d'autre part aux moyens d'y remédier. Aucune action d'envergure n'a été entreprise dans ce sens.

Par contre, dans le secteur de l'agro-alimentaire et de l'industrie de l'habillement, depuis maintenant plus de vingt ans, et avec un certain succès aujourd'hui, d'autres personnes se sont penchées sur le problème et ont lancé un concept qui a permis des améliorations notoires de la situation. Ce concept, le commerce équitable, se propose de moraliser la chaîne du commerce tout en créant des initiatives pilotes de commerce alternatif à donner en exemple au commerce classique. On peut mesurer le chemin parcouru si l'on sait que ce sont les gens du commerce équitable qui ont dénoncé l'exploitation des enfants dans la fabrication des chaussures de sport de plusieurs grandes marques internationales, les contraignant par leurs campagnes de dénonciation, à mieux contrôler les agissements de leurs sous-traitants et à moraliser toute la chaîne, depuis le producteur jusqu'au consommateur.

Notre propos ici, est d'évaluer la possibilité d'application pour le secteur du tourisme de ce concept novateur du commerce équitable. Il n'existe aucune étude poussée sur le thème du tourisme équitable. Pour cela, nous étudierons dans un premier temps quel est l'impact négatif du tourisme sur les pays d'accueil, en terme macro-économique, micro-économique, sociologique et environnemental. Puis nous montrerons comment fonctionne le secteur du tourisme qui est, rappelons-le, une activité de services dont les nombreuses spécificités posent certains problèmes. Pour cela, nous essaierons d'une part de donner une définition satisfaisante du tourisme et d'autre part d'évaluer la complexité des interactions dans le système touristique.

Puis nous nous attacherons à essayer de cerner le contenu du concept de tourisme équitable et tout particulièrement les critères de base, à la lumière de tout ce qui précède. Nous envisagerons alors les conditions de l'application du concept aux différents acteurs de ce système en observant les quelques initiatives existant dans ce domaine. Enfin, nous recenserons les principales limites au développement de ce concept, qu'elles soient internes au concept lui-même ou externes, provenant des différents acteurs du secteur.

Ce travail de recherche a été rendu difficile du fait qu'il n'existe aucun antécédent sur ce thème et que les chiffres du tourisme sont toujours sujets à caution. Dans un premier temps, nous avons cherché tout d'abord à nous inspirer de l'expérience du commerce équitable. Mais il était délicat d'être les premiers à étudier l'application de ce concept à un secteur aussi complexe que le

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tourisme.

Deux événements ont permis à ce travail de voir le jour. Tout d'abord un stage que j'ai effectué au sein de l'association Transverses dont le thème de réflexion est le tourisme dans sa relation avec les pays du Sud. Ce stage de trois mois m'a permis d'avoir une vue d'ensemble de la problématique et de connaître tous les acteurs concernés de près ou de loin par notre sujet.

Ensuite j'ai été invitée à participer à la toute première conférence sur le tourisme équitable qui s'est tenue à Londres en juin 1999. Le but de cette conférence était de publier les premiers travaux sur le tourisme équitable qui avaient débuté un an auparavant à l'initiative de l'association britannique Tourism Concern, en collaboration avec l'Université de North London et l'ONG Voluntary Service Overseas, ainsi que de jeter les bases d'un réseau européen du tourisme équitable.

D'autre part, des contacts nombreux auprès d'organismes internationaux et d'associations du monde entier ont permis la réalisation de ce travail synthétique.

Compte tenu de son impact économique et social, le tourisme doit faire partie des préoccupations de tous, depuis les instances internationales jusqu'au citoyen individuel, en passant par les entreprises touristiques et les populations d'accueil.

Première partie : L'impact du tourisme sur les

Chapitre premier : les chiffres du tourisme mondial

Une comptabilité peu fiable

Tout d'abord, il faut garder constamment présent à l'esprit lorsqu'on étudie le tourisme, qu'il s'agit d'un secteur mal connu, mal appréhendé et que les chiffres du tourisme non seulement manquent de précision mais revêtent de grandes disparités d'un pays à l'autre, et même d'une région à l'autre. Les agrégats n'ont pas la même valeur ni la même signification. Dans certains pays, le tourisme est comptabilisé sous le poste "transport", dans d'autres, les chiffres sont erronés, volontairement ou non.

Les chiffres sont parfois gonflés artificiellement ou non, notamment par l'apport des flux des résidents à l'étranger. D'autre part, aucun pays ne comptabilise la grande quantité de facteurs connexes pourtant générés par le tourisme. C'était l'objet de la conférence de l'OMT qui s'est tenue à Nice en juin 1999. Cette conférence avait pour but de proposer une nouvelle comptabilité du tourisme qui tiendrait compte de tout ce que peut générer le tourisme en amont comme en aval et qui permettrait de mieux évaluer l'importance du secteur dans toute sa complexité.

L'activité la plus dynamique au monde

L'aspect le plus spectaculaire du tourisme, c'est qu'il est devenu l'activité la plus dynamique au monde avec une croissance de 7,4 % en 2000, considérée comme une année exceptionnelle. La croissance moyenne a atteint 4,3 % par an durant la décennie 1989-1999 ce qui le place en troisième position après le secteur pétrolier et automobile pour le revenu mais en première position tous secteurs confondus pour le taux de croissance.

Les arrivées de touristes dans le monde sont passées de 426,5 millions en 1989 à 698,8 millions en 2000. Pendant ce temps, les recettes ont plus que doublé : de 221,3 milliards de $ en 1989 à 476 milliards de $ en 2000.

Arrivées et recettes du tourisme mondial 1989-1999(millions d'arrivées, milliards de $ de recettes et pourcentage)

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1989 1990 199

1 1992 1993

1994 1995 199

61997

1998

1999

2000

Arrivées (millions) 426 458 464 503 519 550 565 597 611 625 650 699

% annuel de variation

8.02 7.45 1.25 8.49 3.12 6.05 2.73 5.49 2.39 2.37 3.8 7.4

Recettes (milliards de $)

221 269 278 315 324 354 405 436 436 445 455 475

% annuel de variation

8.31 21.54 3.21 13.5

2 2.85 9.23 14.44 7.52 0.09 2.01 2.9 4.5

Fig. 1 : arrivées et recettes du tourisme mondial - OMT, 2001

Y compris durant les années de crise entre 1991 et 1995, le tourisme a toujours maintenu une croissance positive et parfois très impressionnante lorsqu'on évalue les recettes (+ 13,52 % en 1992 et + 14,44 % en 1995).

C'est là le tout premier constat du secteur : les flux de voyageurs dans le monde ne tarissent pas. Même en 1991, année noire du tourisme en raison de la Guerre du Golfe, la croissance reste positive quoique ralentie. Aujourd'hui, rien ne semble plus devoir freiner la progression de ce gigantesque secteur de l'économie mondiale. La Guerre du Kosovo et les événements politiques en Turquie en 1999 n'auront pas eu le dixième des répercurssions qu'avait déclenché en son temps l'opération "Tempête du Désert" en Iraq.

Bien entendu, les Turcs, les Yougoslaves ne l'entendent pas ainsi car pour eux la saison, voire même le secteur tout entier sont ruinés. Mais pour l'économie mondiale du tourisme, cela passe presque inaperçu car les flux se reportent immédiatement sur d'autres destinations plus hospitalières, moins dangereuses et elles sont plus nombreuses chaque année.

Cependant, pour la première fois, en 2001, la croissance du tourisme mondial est négative à -1,3 %, suite aux attentats du 11 septembre mais aussi à une récession généralisée amorçée dès le début de l'année.

Une concurrence internationale

Le deuxième constat de ce secteur, c'est que l'offre touristique s'est considérablement étoffée face à une demande qui, nous l'avons vue, ne cesse de croître. Au niveau national, les pays développent quantitativement leur offre en multipliant les lieux de villégiature et les régions à visiter ; au niveau international, les Etats ouverts au tourisme sont de plus en plus nombreux tandis que les barrières policières et douanières sont toujours moins hautes.

Le schéma suivant montre que c'est surtout l'Europe (avec 57,7 % de part de marché en 2000) et l'Amérique du Nord (avec 18,5 % de part de marché en 2000) qui bénéficient des arrivées mais aussi des recettes du tourisme mondial. Toutefois, l'Asie, dont l'arrivée sur la scène internationale du tourisme est plus récente, a augmenté considérablement sa part dans le tourisme mondial au détriment des deux géants, passant de 6,1 % en 1970 à 16 % en 2000.

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Fig. 2 : Part des arrivées et des recettes touristiques par région du monde - OMT 2001

Sa croissance importante s'explique par l'ouverture au tourisme de nombreux pays auparavant fermés aux visiteurs étrangers ainsi que par un grand dynamisme économique. La crise asiatique a cependant mis un frein à cette croissance à deux chiffres depuis 1996.

Une répartition inégale

En dehors de ces 3 grandes zones réceptrices mais aussi émettrices : Europe, Amérique du Nord et, dans une moindre mesure Asie, des zones de plus faible importance tentent de s'octroyer une part de ce secteur attrayant comme c'est le cas du sud du bassin méditerranéen. L'Afrique reste malheureusement un continent à l'écart des grands flux, à l'exception de l'Afrique du Sud qui, depuis la fin de l'Apartheid, a connu une augmentation impressionnante des arrivées de touristes. La part de l'Afrique dans le tourisme mondial recule sans cesse. Il en va de même pour certains pays d'Amérique Centrale et du Sud dont les difficultés politiques et économiques les empêchent de se consacrer au tourisme (Guatemala, Pérou, Colombie, Argentine...).

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

MONDEarrivées (millions)

426.5

458.2

464.0

503.4

519.0

550.5

565.5

596.5

610.8

625.2

650.4

698.8

variation annuelle (%)

8.0 7.4 1.2 8.5 3.1 6.1 2.7 5.5 2.4 2.4 3.8 7.4

AFRIQUEarrivées (millions)

13.8 15.1 16.2 18.0 18.5 19.1 20.4 21.8 23.2 24.9 26.5 27.6

variation annuelle (%)

10.5 9.0 7.6 11.3 2.8 3.0 6.6 7.2 6.1 7.5 6.4 4.4

AMERIQUESarrivées (millions)

87.0 93.5 96.7 103.6

103.6

106.4

110.5

116.9

118.5

120.2

122.2

129.0

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variation annuelle (%)

4.7 7.6 3.3 7.1 0.1 2.7 3.8 5.8 1.3 1.4 2.3 5.5

ASIE EST / PACIFIQUEarrivées (millions)

47.8 54.6 56.4 64.2 71.2 76.8 81.4 89.0 88.0 86.9 97.6 111.9

variation annuelle (%)

1.6 14.3 3.4 13.8 10.8 7.9 5.9 9.4 -1.2 -1.2 10.8 14.7

ASIE DU SUDarrivées (millions)

3.0 3.2 3.3 3.6 3.5 3.9 4.2 4.4 4.8 5.1 5.8 6.4

variation annuelle (%)

6.5 3.9 3.2 9.9 -2.0 10.1 8.6 5.6 8.9 5.0 10.7 11.0

EUROPEarrivées (millions)

266.3

282.9

283.0

303.0

310.8

331.5

335.6

350.3

361.5

372.5

380.2

403.3

variation annuelle (%)

10.5 6.2 0.1 7.1 2.6 6.7 1.2 4.4 3.2 3.0 1.7 6.1

MOYEN-ORIENTarrivées (millions)

8.6 9.0 8.4 10.9 11.4 12.8 13.5 14.1 14.8 15.6 18.2 20.6

variation annuelle (%)

1.4 4.6 -6.6 30.5 4.4 12.3 5.6 4.3 5.3 5.3 10.7 11.0

Fig. 3 : arrivées du tourisme international par régions - 1989-2001 (millions d'arrivées et pourcentage)source OMT - 2001

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

MONDEarrivées (millions)

221.3

268.9

277.6

315.1

324.1

354.0

405.1

435.6

436.0

444.7

455.4

475.8

variation annuelle (%)

8.3 21.5 3.2 13.5 2.9 9.2 14.4 7.5 0.1 2.0 2.9 4.5

AFRIQUEarrivées (millions)

4.5 5.3 5.0 6.2 6.3 6.8 7.4 8.7 9.0 9.6 10.3 10.7

variation annuelle (%)

-1.5 18.6 -5.7 23.2 1.6 8.6 7.5 18.6 3.3 5.9 3.6 3.7

AMERIQUESarrivées (millions)

60.2 70.0 77.8 85.5 91.1 95.2 102.7

112.4

118.8

121.2

122.4

136.4

variation annuelle (%)

17.3 16.4 11.1 9.8 6.5 4.5 7.9 9.5 5.6 2.1 4.4 11.5

ASIE EST / PACIFIQUE

34.2 39.2 40.4 47.4 53.9 63.4 74.5 82.3 76.6 73.7 75.2 82.5

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arrivées (millions)variation annuelle (%)

12.3 14.4 3.2 17.2 13.7 17.8 17.5 10.5 -6.9 -3.8 6.4 9.6

ASIE DU SUDarrivées (millions)

2.0 2.0 2.3 2.8 2.7 3.1 3.5 3.9 4.3 4.4 4.6 5.1

variation annuelle (%)

6.3 2.4 14.9 19.0 -3.2 14.4 13.8 13.0 8.4 2.8 7.1 11.1

EUROPEarrivées (millions)

115.9

148.0

148.1

168.2

164.5

179.1

209.5

219.9

218.2

226.1

233.1

231.5

variation annuelle (%)

3.7 27.7 0.1 13.6 -2.2 8.9 17.0 5.0 -0.8 3.6 0.6 -0.7

MOYEN-ORIENTarrivées (millions)

4.5 4.4 3.8 5.1 5.7 6.4 7.5 8.2 9.1 9.7 9.8 9.7

variation annuelle (%)

3.9 -2.2 -13.2 32.7 12.5 12.1 17.6 9.6 10.8 6.4 12.4 -1.6

Fig. 4 : recettes du tourisme international par régions - 1989-2001 (milliards de $ US et pourcentage) - OMT

rang pays

arrivées (en millions)

% de variatio

n2000/19

99

% du total 20001999 2000

1 France 73.0 75.5 3.4 10.82 Etats Unis 48.5 50.9 4.9 7.33 Espagne 46.8 48.2 3.0 6.94 Italie 36.5 41.2 12.8 5.95 Chine 27.0 31.2 15.5 4.56 Royaume Uni 25.4 25.2 -0.8 3.6

7 Fédération de Russie 18.5 21.2 14.5 3.0

8 Mexique 19.0 20.6 8.4 3.09 Canada 19.5 20.4 4.9 2.9

10 Allemagne 17.1 19.0 10.9 2.711 Autriche 17.5 18.0 2.9 2.612 Pologne 18.0 17.4 -3.1 2.513 Hongrie 14.4 15.6 8.1 2.2

14 Hong Kong (Chine) 11.3 13.1 15.3 1.9

15 Grèce 12.2 12.5 2.8 1.8Fig. 5 : les 15 principales destinations touristiques au monde (milliers d'arrivées) - OMT - 2000 à l'exception des visiteurs de la journée

rang pays

recettes (en milliards $)

% de variatio

n2000/19

99

% du total 20001999 2000

1 Etats Unis 74.9 85.2 13.7 17.92 Espagne 32.4 31.0 -4.3 6.53 France 31.5 29.9 -5.1 6.3

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4 Italie 28.4 27.4 -3.2 5.85 Royaume Uni 20.2 19.5 -3.4 4.16 Allemagne 16.7 17.8 6.5 3.77 Chine 14.1 16.2 15.1 3.48 Autriche 12.5 11.4 -8.7 2.49 Canada 10.2 10.8 5.9 2.3

10 Grèce 8.8 9.2 5.0 1.911 Australie 8.0 8.4 5.3 1.812 Mexique 7.2 8.3 14.8 1.7

13 Hong Kong (Chine) 7.2 7.9 9.4 1.7

14 Turquie 5.2 7.6 46.8 1.6

15 Fédération de Russie 7.5 - - -

Fig. 6 : les 15 pays du monde aux recettes touristiques les plus élevées à l'exclusion du transport (milliards $ US) - OMT 2000

Une globalisation irréversible et menaçante

L'aboutissement des négociations de l'Uruguay Round et la signature de l'accord du GATS intervenue en 1994 et ayant abouti à la création de l'OMC, n'a fait qu'accélérer le processus de globalisation qui caractérise aujourd'hui tous les secteurs de l'économie planétaire y compris le tourisme, déjà international par vocation.

D'ores et déjà, on estime que les pays industrialisés, qui ne représentent pourtant que 20 % des pays signataires de cet accord, bénéficient à hauteur de 70 % des revenus supplémentaires générés par cet accord.

Les effets de la globalisation se sont déjà fait sentir et s'accélèrent considérablement ces derniers temps notamment du fait des nombreux regroupements de multinationales. Ces méga entreprises tiennent parfois entre leurs mains les marchés de plusieurs pays et sont bien souvent plus puissantes que des gouvernements.

On observe déjà des privatisations massives dans les pays du Sud qui remettent des pans entiers de leur activité touristique à ces grandes multinationales occidentales dont toutes, à l'exception du français Accor, ont leur siège aux Etats Unis.

Les pays du Sud sont contraints d'ouvrir leurs frontières aux produits et services du Nord, en vertu d'une libéralisation du commerce. Ces importations sont payées en devises et aggravent un peu plus la dépendance de ces pays. Parallèlement, ces pays s'engagent dans le tourisme à outrance et, pour tenter de sortir des programmes d'ajustement structurel, ils développement des infrastructures touristiques souvent au détriment d'autres investissements plus urgents pour les populations locales.

A contrario, les pays du Sud n'ont quasiment aucun accès aux marchés du Nord en dépit de la libéralisation des échanges. Leur faible capacité d'investissement et une politique d'immigration très restrictive des pays du Nord freinent considérablement leurs implantations sur ces marchés.

La liste des méfaits de la globalisation ne s'arrête pas là. Présentée comme une panacée, un bienfait pour tous, la globalisation menace en réalité l'équilibre de notre planète au détriment bien entendu des pays en voie de développement. Malheureusement, le secteur du tourisme offre une des meilleures illustrations de ce que peut entraîner cette globalisation.

Prospective : le rapport Horizon 2020

Le rapport préparé par l'OMT et qui projette les tendances à venir pour les deux prochaines

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décennies est à la fois rassurant et alarmant.

Alarmant car il prévoit le chiffre de 1,6 milliards de touristes pour l'an 2020 pour une population mondiale qui serait passée à 7,8 milliards d'habitants. Les recettes annuelles du tourisme atteindront alors le montant de 2000 milliards de dollars. Les échanges se feront massivement par l'intermédiaire des nouvelles technologies qui remplaceront les contacts humains.

Paradoxalement, c'est aussi ce qui motivera le citoyen, de plus en plus urbanisé, à voyager pour aller à la rencontre de l'autre. Car nous serons désespérement en quête de contacts humains et le tourisme apparaîtra comme un moyen privilégié de les satisfaire. Et les nouvelles technologies seront l'occasion d'assurer une diffusion planétaire à des produits "authentiques", à des hébergements chez l'habitant, des vacances autonomes qui n'auraient eu aucune chance d'être diffusés dans les circuits de distribution classique.

"Le tourisme du 21ème siècle ne sera pas seulement le premier secteur d'activité au monde mais il sera - et de loin - le secteur le plus important que le monde ait jamais connu. Mais parallèlement, il devra assumer davantage de responsabilité quant à l'ampleur de ses impacts. Outre des répercussions économiques, le tourisme a sur l'environnement, sur les sociétés et sur les sites culturels des incidences qui sont de plus en plus étroitement surveillées par les pouvoirs publics, les associations de consommateurs et les voyageurs eux-mêmes.

L'étude des flux des devises du tourisme confirme encore malheureusement l'existence de disparités et d'inégalités criantes au détriment des pays du Sud. C'est l'objet de notre deuxième chapitre.

Chapitre deuxième : Les devises du tourisme

La loi du plus fort

Au niveau macro-économique, et suivant les analyses, on estime qu'au minimum 55 à 60 % des recettes du tourisme dans le monde reviennent aux pays occidentaux. La raison en est simple : les pays occidentaux sont les premiers émetteurs de touristes. Ils ont donc la maîtrise du marché du tourisme.

rang paysdépenses (en

milliards $)% de

variation2000/1999

% du total 20001999 2000

1 Etats Unis 59.4 65.0 9.6 13.72 Allemagne 48.5 47.6 -1.8 10.03 Royaume Uni 35.6 36.6 2.6 7.74 Japon 32.8 31.5 -4.0 6.65 France 18.6 17.2 -7.9 3.66 Italie 16.9 15.5 -8.6 3.27 Canada 11.3 12.4 9.4 2.68 Pays Bas 11.4 11.8 4.0 2.59 Chine 10.9 -

10 Belgique / Luxembourg 10.1 -

11 Autriche 9.8 9.3 -5.6 1.912 Suède 7.6 -

13 Fédération de Russie 7.4 -

14 République de Corée 4.0 6.4 60.4 1.3

15 Suisse 6.8 6.3 -7.8 1.3Fig. 7 : 15 pays au monde aux dépenses touristiques les plus élevées (millions $ US), source OMT, 2000

Les 5 premiers tour opérateurs du monde sont occidentaux, les 5 premières compagnies aériennes du monde

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sont occidentales, les 5 premières chaînes hôtelières du monde sont occidentales.

Les fusions et acquisitions que connaît le monde du tourisme ces derniers temps vont accentuer le phénomène et ce, toujours au détriment des pays du Sud dont les entreprises et parfois même les Etats ne pèsent pas lourd face aux multinationales occidentales.

Fig. 8 : publicité de la chaîne espagnole Mélia sur son propre site Internet http://www.solmelia.com

On peut citer, entre autres, le cas du Maroc où en 1998 l'Etat a cédé en gérance ou en pleine propriété une trentaine d'établissements hôteliers au groupe français Accor, n°1 mondial de l'hôtellerie, après avoir prôné pendant de nombreuses années une marocanisation des entreprises.

Au Mexique, sur la côte Pacifique, les trois quarts des établissements hôteliers appartiennent aux grandes chaînes américaines : Sheraton, Hyatt, Marriott tandis que sur la côte Atlantique, ce sont les entreprises espagnoles qui possèdent les principaux établissements touristiques : Sol, Mélia. Les Mexicains se partagent les miettes : petites chaînes locales ou hôtels indépendants, souvent de catégories inférieures.

Les gouvernements des pays du Sud ouvrent librement leur pays aux investisseurs étrangers qui leur font miroiter des devises alors que la réalité s'avère bien souvent différente. En effet, ce sont les Etats qui investissent massivement dans des infrastructures très lourdes : aéroports, ports, réseau routier, réseau de communication, voirie et assainissement, adduction d'eau, équipements sanitaires sans lesquels aucun touriste étranger ne viendrait dans leur pays.

Ces infrastructures sont bien souvent construites par des sociétés étrangères et avec des matériaux étrangers payés en devises ce qui fait que nombre d'investissements coûteux ne permettent pas aux pays du Sud de rentrer dans leurs fonds. Mais entre temps, ils auront permis d'enrichir un peu plus les pays occidentaux qui ont bénéficié des contrats et des intérêts sur des emprunts contractés auprès des banques occidentales.

Le Président de l'entreprise touristique étrangère traite d'égal à égal avec les autorités du pays, souvent au plus haut niveau : chef d'Etat, premier ministre ou ministre du tourisme. Il est reçu lui-même comme un chef d'Etat et se voit offrir les meilleurs terrains sur la promesse d'un formidable afflux touristique. Tout est mis en oeuvre pour l'aider à réaliser son investissement dans les meilleures conditions alors que le bénéfice pour le pays est parfois des plus aléatoires.

Mais il ne faut pas oublier de préciser que dans bien des cas, les dirigeants des pays concernés n'en ont pas cure, parce qu'ils profitent du système et ont intérêt à ce qu'il perdure. Dans beaucoup de pays du Tiers-Monde, pour pouvoir seulement investir de l'argent étranger, il faut obligatoirement s'allier avec la classe dirigeante. Les seuls à être lésés, ce sont le pays et ses habitants. Mais leur intérêt n'est pas toujours la préoccupation première des dirigeants.

Les colonies de vacances

La pire forme de cet arrangement est représentée par le tourisme enclavé, les fameux "resorts" américains ou leur version française, le Club Méditerranée. Le touriste est conduit par avion de chez lui directement sur le lieu de vacances dont l'accès est strictement réservé aux étrangers. Son seul contact avec la population locale se fait par l'intermédiaire des petites mains du tourisme : femmes de chambre, serveurs, balayeurs qui, pour des salaires minimes et des emplois précaires et saisonniers, assurent les tâches les moins nobles.

Tout l'investissement est d'origine étrangère ou peu s'en faut, le terrain est souvent gracieusement donné ou prêté par les autorités locales sur la foi d'une rentabilité "exceptionnelle pour le pays" aux dires des investisseurs ; les

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équipements, pour être à la hauteur de ce qu'attendent les touristes sont massivement importés, tout le personnel dirigeant est d'origine étrangère. Jusqu'à la nourriture qui doit être parfaitement conforme aux attentes des touristes.

Si par hasard, le touriste s'aventure en dehors du village "all inclusive", c'est pour explorer, en compagnie d'un guide en une demi-journée et en autocar climatisé, les environs immédiats.

Les croisières représentent une autre forme de tourisme enclavé et connaissent actuellement un essor spectaculaire en Europe après avoir conquis les Etats Unis. Elles partent du même principe : intégration totale de toutes les prestations. La pression des touristes peut devenir insupportable lorsque les paquebots déversent pour 1 journée plusieurs centaines de visiteurs sur des petits ports touristiques, comme ceux de Grèce par exemple.

Ce tourisme "all inclusive" a la préférence des gros tour opérateurs étrangers car c'est celui qui leur permet de mieux maîtriser le produit. Dans ce cas, ce n'est pas 60 mais plutôt 90 % du montant total du forfait qui retombe entre leurs mains puisqu'ils ont pris la précaution de s'assurer la gestion directe de l'ensemble des prestations vendues au touriste. C'est la stratégie de l'intégration verticale : depuis la distribution en agence, en passant par le transport sur lignes aériennes spéciales, l'hébergement et la restauration, les boissons, l'artisanat, les souvenirs et les articles de bazars et jusqu'aux excursions, tout est organisé et vendu par le tour opérateur lui-même.

A Puerto Vallarta, sur la côte pacifique du Mexique, dans cette petite ville balnéaire de luxe où les touristes américains sont rois, même le poulet qui est servi dans les hôtels et les restaurants pour

touristes est importé ou produit sur place par des entreprises américaines délocalisées pour ne pas dépayser les touristes et leur servir la même volaille industrielle qu'aux Etats Unis

A qui profite le forfait ?

Au niveau micro-économique, la règle est identique : prenons le cas d'un circuit d'une semaine au Maroc (avion + hébergement + restauration + visites) vendu 750 € dans une agence de voyages. Dans le meilleur des cas, seuls 30 à 40 % du total reviendront au pays récepteur. En effet, il convient de défalquer tout d'abord la commission de l'agence, située bien entendu dans le pays émetteur, soit environ 90 €, la marge brute du tour opérateur, soit environ 112.50 € puis le transport par la compagnie régulière du pays émetteur soit environ 183 €, l'hébergement dont plus de la moitié tombe dans l'escarcelle des chaînes hotelières internationales soit 183 €, ce qui fait un total de 568,50 € pour le pays émetteur et laisse une somme de 181,50 € pour le pays récepteur, à partager entre la restauration locale, les visites (guide et entrées aux monuments), le transport local, les salaires et commissions des différents intervenants, les taxes gouvernementales, etc.

La démonstration est assez parlante. A ceci, il faut ajouter que plus de la moité des équipements hôteliers ou de transport sont achetés à l'étranger et payés en devises et viennent donc réduire encore davantage la portion déjà congrue des devises du tourisme. En effet, dans un hôtel 4 ou 5* comme le sont la plupart des hôtels destinés aux touristes étrangers au Maroc, tout ou presque vient de l'étranger : matériel de cuisine, climatisation, vaisselle, décoration... Quant aux véhicules de tourisme ils viennent soit de l'étranger, soit sont fabriqués sous licence de constructeurs bien évidemment étrangers (il n'y a pas de production automobile marocaine).

Pour un tour opérateur étranger, aussi petit soit-il, le mécanisme reste toujours le même : exploiter au maximum le déséquilibre du rapport qui est toujours en sa faveur. Citons par exemple le cas du Maroc que nous connaissons bien. Dans ce pays, la plus grosse agence réceptive ne fait que 76 millions € de chiffre d'affaires par an. Une goutte d'eau pour un tour opérateur européen de taille moyenne. Et la masse des autres agences réceptives est constituée de petites entreprises dont le chiffre annuel global tourne autour de 760.000 à 7.600.000 €

Dès lors, qui peut prétendre à un rapport d'égal à égal avec les géants du Nord qui sont, ne l'oublions pas, les clients et ceux qui maîtrisent le marché en amont. En 1997, en France - où nous n'avons pas le record, loin s'en faut, des plus grosses entreprises de tourisme - le n°1, Nouvelles Frontières a un chiffre d'affaires de 1,4 milliards € ; le n°2, Club Med, a un chiffre d'affaires de 1,2 milliards € ; le n° 3, FRAM affiche 290 millions € de chiffres d'affaires

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Intégration verticale

Ces trois voyagistes pratiquent une stratégie d'intrégration verticale et cherchent, comme nous l'avons vu plus haut, à intégrer au maximum les diverses composantes du produit touristique afin de faire d'une part des économies d'échelle et d'autre part, d'obtenir un fort pouvoir de négociation face aux fournisseurs locaux voire même aux gouvernements locaux.

C'est pourquoi, au Maroc comme dans les autres pays du Sud, ce sont les étrangers qui font les prix dans le secteur touristique ou peu s'en faut. En faisant jouer la concurrence, un tour opérateur avisé peut obtenir exactement le prix qu'il veut du moment qu'il a en mains un marché suffisamment porteur, soit quelques dizaines de groupes par an (350 à 500 touristes environ).

Certains tour opérateurs le savent bien et en abusent à tel point qu'on peut affirmer que la plupart des hôtels et des entreprises touristiques marocains fonctionnent pratiquement à perte. On a vu de prestigieux hôtels 5* de Marrakech vendre la demi-pension au tarif de 180 dirhams par personne et par nuit (environ 18 €) simplement pour ne pas passer à côté d'un marché qui leur permet de couvrir les frais et de payer au moins leurs salariés.

Corruption et argent facile

Bien entendu, d'autres diront que ces mêmes entreprises locales ne se gênent pas pour profiter également de la situation. Que beaucoup se servent du tourisme pour détourner de l'argent à l'étranger. Dans ces pays où la monnaie n'est généralement pas convertible, la tentation est grande. Que les hôteliers s'arrangent toujours pour ne pas rembourser leurs dettes alors que leurs affaires se portent bien.

C'est d'ailleurs, pour le cas du Maroc, ce qui a en partie conduit le gouvernement marocain a confier la gestion des plus beaux établissements touristiques du pays à la chaîne Accor car la mauvaise gestion et la fraude ont conduit la plupart des hôtels du pays à une situation de faillite virtuelle.

Ce qui revient à dire que, directement ou indirectement, du fait d'un déséquilibre flagrant des forces en leur faveur, les pays occidentaux dirigent plus ou moins le tourisme des pays du Sud. Ce qui représente, si l'on veut bien en convenir, une forme de colonialisme moderne.

Le tourisme : mirage ou stratégie d'avenir ? (9)

L'analyse de la répartition des devises du tourisme, que ce soit au niveau macro-économique ou au niveau micro-économique permet de se rendre compte à quel point les pays du Sud sont défavorisés par leur faible poids économique et leur sous-développement.

Cela permet de démontrer que le tourisme n'est pas forcément le meilleur ni le seul moyen de sortir un pays du sous-développement. Cela permet aussi de réfuter certains raisonnements qui voient dans le tourisme une manne économique pour les pays les plus pauvres et les plus endettés. Car cette manne économique peut aussi bien devenir un cercle vicieux de l'endettement, de la paupérisation et de la dépendance aux grandes puissances économiques occidentales. (10) D'autant plus que la grande injustice du tourisme c'est que les investissements et les moyens de production sont financés par les Etats mais que les bénéfices reviennent au secteur privé.

L'étude sociologique et environnementale qui suit, davantage axée sur les aspects qualitatifs de l'impact du tourisme, viendra compléter cette première approche quantitative et permettra de confirmer notre démonstration.

***

Chapitre troisième : L'impact sociologique et environnemental du tourisme

C'est dans les domaines sociologique et environnemental que l'impact du tourisme est le plus aisé à

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démontrer car il suffit de voyager pour se rendre compte. Cependant, ce n'est pas toujours ce qui interpelle le plus les touristes car ceux-ci s'attachent davantage à leur propre confort, à la qualité de service, à leur santé en voyage, à leurs dépenses et font souvent peu cas de leurs hôtes.

Certains comportements extrêmes des touristes occidentaux sont la cause de bien des malheurs dans les pays du Sud. C'est le cas notamment du tourisme sexuel qui donne lieu à une dramatique prostitution enfantine. Ceci constitue le cas le plus grave de l'impact négatif que peut avoir le tourisme sur une population réceptrice.

La prostitution enfantine : fléau du tourisme de masse

Les touristes occidentaux et spécialement d'Europe du Nord, sont à l'origine de ce fléau qui ravage des pays comme la Thaïlande, le Vietnam (11), le Brésil, l'Inde, les Philippines ou certains pays d'Afrique. Les enfants sont victimes d'enlèvements ou sont achetés à leurs familles, puis sont séquestrés dans des maisons closes pour être vendus aux touristes occidentaux dont la conscience est en vacances pour quelques temps.

En Thaïlande, un programme de recherche établi par le centre d'économie politique de la Chulalongkorn University (12) de Bangkok a mis en évidence les chiffres du tourisme sexuel dans ce pays. Il représenterait entre 90 et 100 milliards de francs soit à peu près la moitié du budget 1995 de la nation. Cette énorme activité illégale - qui n'existe que parce que le gouvernement ferme les yeux - est "blanchie" à travers des placements immobiliers, des transactions boursières et l'industrie du divertissement. Les recherches ont pu identifier 20 à 30 membres du parlement compromis dans ce trafic, en participant directement, en protégeant, en finançant et en aidant ces activités. Les chercheurs estiment que 10 à 20 % des prostitués sont mineurs.

En 1990, le tour opérateur britannique Sunmed écrivait dans sa brochure "Go Places", en parlant des Thaïlandais : "ils sont des Peter Pan, éternels enfants qui n'ont jamais grandi..." et en parlant de la Thaïlande : "c'est le pays le plus sensuel et le plus ouvertement sexuel de la planète". La brochure recommandait aux visiteurs potentiels de Pattaya : "si vous pouvez le sucer, l'utiliser, en manger, le sentir, l'essayer, en abuser ou simplement regarder, n'hésitez-pas : tout est possible dans ce lieu qui ne dort jamais. Pattaya n'est pas fait pour les prudes.". La même année, la compagnie aérienne autrichienne Lauda Air est condamnée à présenter des excuses à la Thaïlande et à retirer le magazine de bord qui vantait les charmes du pays dans des termes similaires (13).

Au Sri Lanka, le développement du tourisme (+ 10,5 % de croissance en 1995) est allé de paire avec celui du tourisme sexuel. Selon l'organisation PEACE (Protecting the Environment and Children Everywhere), entre 15 et 20 000 enfants de 6 à 14 ans sont esclaves dans des bordels. 5 à 10 000 mineurs se prostituent, essentiellement des jeunes garçons. Du fait des habitudes culturelles, les fillettes sont mieux protégées (14). Le cas de l'Asie est préoccupant car des tour opérateurs peu scrupuleux qui font de cette activité leur fonds de commerce ont développé une offre spécifique et proposent des forfaits où cette forme de tourisme est implicitement incluse.

Toutefois aucune région du monde sous-développé n'échappe vraiment à ce fléau, condamnant des enfants à peine pubères au sida et à une déchéance physique et morale complète. Au Brésil, dans l'état du Nordeste, la prostitution enfantine a pris une telle ampleur qu'une Commission Parlementaire d'Enquête a été créée. Les trois villes touristiques littorales de Mossoro, Natal et Cabo semblent particulièrement exposées. Parfois complices, souvent dépassées, les autorités des pays concernés laissent faire en fermant les yeux, au vu des devises que rapporte cette forme de tourisme.

C'est probablement l'aspect le plus scandaleux de l'impact du tourisme sur les pays du Sud et quoique le combat contre l'exploitation sexuelle des enfants ait été très médiatisé et soit condamné unanimement notamment à l'occasion de conférences internationales (15), cela reste une triste réalité pour des centaines de milliers d'enfants à travers le monde.

Malheureusement, c'est loin d'être le seul aspect négatif du tourisme. D'autres dégâts sont constatés sur les populations d'accueil, qu'ils soient évidents, comme le cas que nous venons d'invoquer ou plus insidieux et progressifs.

La prostitution des adultes

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Ce n'est pas non plus une fatalité pour les pays du Sud et on constate malheureusement trop souvent que c'est le tourisme qui, là encore, en est à l'origine. En Asie, en Afrique et en Amérique du Sud, des hommes et des femmes se prostituent dans des conditions très dures auprès des touristes occidentaux dans l'espoir d'améliorer leur revenu ou simplement de survivre.

Info Birmanie cite, dans son bulletin mensuel, le cas de femmes Birmanes employées dans les bordels thaïlandais où elles sont bâillonnées, surveillées, cloîtrées dans des conditions de vie inhumaines. Certaines sont très jeunes (12 ou 14 ans) et se retrouvent parfois enceintes, condamnées à avorter clandestinement. On estime à 80 % le nombre d'entre elles qui sont touchées par le sida. Elles sont peu concernées par les campagne de prévention qui se font en langue thaïlandaise ou occidentale et visent plus les clients que les prostituées.

Parallèlement, il existe aussi une prostitution "volontaire" directement liée à la misère ou à des conditions de vie très difficiles. Au Maroc mais aussi en Egypte, quoiqu'il n'y ait aucune statistique officielle ni officieuse, il y a un phénomène de prostitution lié à l'afflux de touristes du Moyen Orient, venus chercher dans ces pays, des plaisirs (cabaret, boisson, prostitution) interdits dans leurs pays respectifs. On peut également citer les Caraïbes, notamment le cas de St Domingue ou celui de Cuba où sévit un véritable tourisme sexuel "volontaire" pour les nombreux occidentaux (hommes et femmes Européens ou Américains), venus chercher au soleil la compagnie de locaux consentants.

[Pour plus d'informations sur le tourisme sexuel, vous pouvez consulter le dossier réalisé par "Le Routard Magazine".]

Mais des dégâts tout aussi insidieux guettent des populations fragiles malheureusement elles aussi confrontées au tourisme de masse.

Le travail forcé : une triste réalité

Dans certains pays, on déplore des cas fréquents de travail forcé directement lié au tourisme et notamment à la mise en valeur touristique des sites.

C'est le cas en Birmanie où l'organisation indépendante Info Birmanie dénonce le travail forcé pour la construction d'hôtels destinés aux touristes étrangers dans le cadre de la campagne d'ouverture du pays au tourisme lancée en 1994. C'est l'une des raisons pour lesquelles la leader de l'opposition et prix Nobel de la paix Madame Aung San Suu Kyi recommande le boycott de son propre pays aux touristes occidentaux. C'est aussi le cas en République populaire de Chine mais les témoignages sont plus rares pour cette pratique couramment admise dans les pays communistes.

Il est à noter que ces pratiques sont généralement limitées à des pays de régime dictatoriaux à de rares exceptions

C'est une atteinte grave aux droits de l'homme et une frustration économique importante pour des populations vivant déjà en dessous du seuil de pauvreté et qui sont en droit d'attendre du tourisme un revenu complémentaire plutôt qu'une source d'esclavage.

La fragilité des populations

Dans sa quête d'exotisme et d'horizons différents, le touriste est parfois à l'origine de dégradations irréversibles sur les populations d'accueil. Or, moins une population est habituée au tourisme, moins elle sera armée et préparée à cette confrontation.

C'est notamment le cas des tribus ancestrales comme les Masaïs Maras d'Afrique Australe, des Indiens d'Amazonie ou de Guyane française ou encore des Aborigènes d'Australie. Le simple contact suffit à décimer ces tribus fragiles, coupées du monde extérieur depuis leur origine et vivant en autarcie dans des milieux eux-mêmes très fragiles comme la forêt équatoriale. Il existe de nombreux cas de tribus d'Indiens au Brésil (Yanomamis et Huaoranis notamment) dont le seul contact avec les Occidentaux (touristes mais aussi habitants des villes voisines) a détruit complètement l'équilibre, les entraînant dans une misère qu'ils n'auraient jamais connue autrement.

D'abord vêtus par les Occidentaux, dans un souci de décence, ou par imitation, puis envahis d'objets inutiles, boissons et aliments industriels, ces populations désemparées face au monde occidental et complètement isolées ont peu à peu perdu tout intérêt pour leurs activités traditionnelles de chasse, de pêche et de cueillette. Leur cohésion sociale, garante de la survie du groupe et de chaque individu a été détruite, les réduisant à l'état de

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mendiants, entièrement dépendants de la générosité des "blancs" des villes voisines. Le film de J. Boorman "La forêt d'émeraude" décrit bien ce processus de contact où le groupe perd son identité et parfois sa vie. Un documentaire sur les Indiens Huaoranis de la forêt amazonienne l'évoque également.

D'autres cas existent, auprès de populations moins fragiles mais auxquelles le tourisme a fait subir un processus d'acculturation. C'est le cas, depuis la fin du siècle dernier des Indiens des Etats Unis et du Canada qui, parqués dans leurs réserves, conservent leurs vêtements traditionnels et leurs quelques activités artisanales et coûtumes à l'unique intention des touristes. Ils se produisent comme des professionnels du spectacle en reproduisant leurs danses et leurs cérémonies traditionnelles devant les regards des touristes. C'est aussi le cas des tribus Masaïs du Kenya et de Tanzanie qui, au même titre que les animaux sauvages du Safari, font partie du décor qu'un touriste se doit d'avoir vu avant de quitter le pays. C'est ce que les ethnologues appellent la "folklorisation" des populations.

Les observateurs citent également les femmes-girafes de Birmanie du Nord qui font l'objet d'un afflux de touristes et se retrouvent parquées dans leur village, sous les regards des touristes venus les contempler et prendre des photographies. C'est le gouvernement birman qui organise lui-même ces visites, toujours dans le même but d'engranger des devises.

"Le tourisme ne devrait pas être une force destructrice pour les peuples indigènes. C'est malheureusement souvent le cas : il faut combattre toute forme de tourisme qui ne respecte pas leurs droits. Le tourisme doit

être soumis au contrôle des peuples indigènes.Pas de maladie : certaines maladies contagieuses comme la grippe et la malaria, bénignes pour les touristes,

peuvent tuer les autochtones.Respectez les droits territoriaux des indigènes

Pas de mépris, pas d'insulte, pas de paternalismeDemandez l'autorisation : le tourisme dans les territoires habités ou utilisés par les peuples indigènes ne

devrait pas être possible sans leur consentement.Payez correctement les peuples indigènes pour les services qu'ils rendent.

Soyez respectueux : les compagnies touristiques doivent exiger de leurs équipes et de leurs clients qu'ils se comportent avec respect envers les peuples indigènes." Extrait d'un dépliant édité par l'association

SURVIVAL

LLes déplacements forcés de population

Des déplacements de population sont orchestrés à l'initiative ou avec l'accord des gouvernements dans de nombreux pays, notamment pour édifier des projets immobiliers ou touristiques.

Dans sa revue trimestrielle , Transverses cite le cas de CALABARZON aux Philippines, vaste projet de développement industriel et touristique concernant 5 provinces (Cavite, Laguna, Batangas, Rizal et Quezon) pour décongestionner la métropole de Manille. Le projet consiste, entre autres, à bâtir un hôtel de luxe et une série de plages privées. Plus de 8600 hectares sont concernés, sur lesquels se trouvent actuellement 4 villages et plus de 10.000 familles qui vivent de l'exploitation agricole. Outre le préjudice subi par leur communauté, les paysans soulignent les risques que ce projet fait courir à leur environnement et notamment les menaces que fait peser l'arrosage des terrains de golf sur les réserves d'eau.

Les cas sont innombrables où des populations locales ont été déplacées définitivement de leurs terres pour bâtir des projets touristiques bien plus rentables pour des motifs économiques ou politiques. Dès lors, privé de ses moyens de subsistance, le groupe se voit obligé d'émigrer vers les faubourgs des grandes villes et d'aller grossir les quartiers de bidonville pour survivre de mendicité ou d'emplois précaires.

Erling Kavita défenseur de la communauté Bushmen de Namibie, cite également l'éco-tourisme comme un des dangers qui menacent les populations locales. En effet, basé sur la création de parcs naturels préservés d'où la population locale est exclue, l'éco-tourisme est censé protéger la nature et offrir aux touristes la vision d'une terre idyllique, vierge comme aux premiers jours. Tandis que les indigènes sont repoussés hors des limites du parc, confinés sur des terres moins belles et plus pauvres, parfois privés de l'accès aux ressources essentielles à leur survie comme l'eau. Ils y perdent également la tranquillité de leur existence antérieure et de leur intimité pour le seul bénéfice des touristes.

De nombreux observateurs s'indignent également d'un projet de parc national en Guyane Française qui est, rappelons-le, un département français. Ce projet prévoit la création d'un vaste parc national au sud du territoire. Pour sa réalisation, les autorités prévoient l'abrogation de l'arrêté préfectoral du 14 septembre 1970 qui interdit l'accès aux territoires des trois ethnies amérindiennes qui s'étendent sur 30 000 km2. Cette mesure provoquerait une invasion des touristes et des promoteurs touristiques et par voie de conséquence une destruction de l'équilibre fragile de ces populations .

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Il existe encore de multiples méfaits dus au tourisme qui s'abattent sur les populations d'accueil.

... et bien d'autres conséquences négatives

Parmi les populations déjà urbanisées ou celles qui ont abandonné leur mode de vie traditionnel depuis plus longtemps, les méfaits du tourisme se font aussi sentir.

On peut citer les restrictions imposées aux populations locales pour le bénéfice des touristes. C'est notamment le cas des restrictions sur l'arrosage des cultures vivrières pour permettre aux touristes de se baigner dans une piscine ou de jouer au golf (très gros consommateur d'eau et de pesticides).

On notera aussi les interdictions et les restrictions qui sont faites aux populations locales pour pénétrer dans les villages de touristes ou les hôtels, dans leur propre pays, sur les propres terres, afin de préserver les touristes de tout désagrément.

Dans les villes très touristiques, la mendicité n'est pas le moindre mal qui guette les populations locales. Elle est destructrice de l'équilibre et de la cohésion de la famille et du groupe. Parfois, en mendiant ou en proposant ses services de faux guide, un enfant de 10 ans gagne plus que son père qui travaille 10 à 12 heures par jour. Une femme qui se prostitue auprès des visiteurs étrangers gagne plus en 1 journée qu'au cours d'un mois entier d'un travail honnête.

Le marchandage, pratique communément admise par les touristes comme faisant partie d'un jeu qui pimente les vacances, est également une arme à double tranchant. Les touristes marchandent sans discernement - avec une ardeur qui n'a d'égal que l'amusement qu'ils en tirent - auprès de petits artisans dont tout le fonds de commerce tient dans la main. Alors qu'ils paieront le prix fort auprès d'un bazariste qui exploite les petits artisans.

Dans son ouvrage , Georges Cazes démontre également la corrélation entre flux touristique et inflation. C'est une conséquence qui peut s'avérer dramatique pour les populations locales. Le volume des touristes provoque généralement un accroissement des prix qui engendre des frustrations importantes chez les populations locales qui ne peuvent plus consommer leurs propres produits mais voient des étrangers venir les consommer sous leurs yeux.

Enfin les emplois que font miroiter ceux qui préconisent le développement par le tourisme, sont bien souvent un leurre. Car l'expérience démontre qu'il s'agit souvent d'emplois subalternes voire dégradants, la plupart du temps sous-payés et saisonniers, ne permettant pas toujours de vivre décemment. Nous connaissons le cas de nombreux chauffeurs de taxis touristiques au Maroc dont les revenus ne suffiront jamais à remplacer le véhicule pourtant amorti depuis plus de dix ans. Ce qui entraîne un cercle vicieux dans la mesure où les touristes rechignent à emprunter ces véhicules trop délabrés.

Nous avons passé en revue les principaux dégâts que pouvait occasionner le tourisme sur les populations d'accueil. Nous allons maintenant faire une évaluation des dégâts occasionnés sur l'environnement des pays d'accueil.

L'environnemnet naturel : faune et flore

L'aspect écologique et environnemental est beaucoup plus médiatisé et a davantage les faveurs du public que l'aspect humain. Il est de notoriété que le tourisme cause de grands dégâts sur l'environnement naturel et malgré la sensibilité du public à cette cause, ces nombreux dégâts sont toujours à déplorer.

Parmi ces méfaits, les safaris, aujourd'hui interdits, ont - entre autres pratiques - contribué à la disparition d'espèces menacées comme les rhinocéros ou les éléphants. Aujourd'hui, ces espèces sont censées être protégées et elles le sont - parfois même au détriment des êtres humains (22) - mais beaucoup d'autres subissent toujours les méfaits du tourisme de masse. Y compris dans les parcs naturels et les réserves où le comportement des touristes est souvent irrespectueux de la nature et des animaux.

Le tourisme a pu, dans certains cas extrêmes, donner lieu à de véritables désastres écologiques dans des zones déjà fragiles au départ. C'est le cas des marais, des dunes, de la montagne ou de la mangrove, toutes zones où l'écosystème est précaire. Ces zones sont parfois plus exposées aux dégâts de par leur intérêt touristique.

Il n'est pas nécessaire d'aller bien loin pour constater les dégâts occasionnés par le tourisme. Il suffit de se rendre sur les plages l'été ou en montagne l'hiver pour constater que le simple afflux de

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touristes - sans qu'ils dégradent volontairement le lieu - peut entraîner de graves conséquences. Or le touriste n'est pas réputé pour son excessif respect de l'environnement. Parfois sensible chez lui à cet aspect, il a souvent tendance à mettre de côté le civisme et la responsabilité dès qu'il voyage hors de chez lui.

Quand le citoyen responsable est en vacances

Les Européens, et ceux du Nord en particulier (Allemands, Hollandais, Scandinaves...) ont été considérablement sensibilisés et ce depuis de nombreuses années, à l'environnement et à l'écologie. De nombreuses campagnes ont été lancées dans ce but par leurs gouvernements respectifs et, dans la société civile, beaucoup d'associations et d'individus se mobilisent pour cette cause.

Il est malheureux de constater qu'en revanche, une fois devenus touristes, ces mêmes citoyens ont des comportements irresponsables à l'égard de l'environnement, notamment lorsqu'ils ne sont plus chez eux mais dans les pays d'accueil. Parfois, l'absence de législation ou les habitudes des populations locales leur servent d'excuse pour se laisser aller à des pratiques qui n'auraient pas cours chez eux.

A cela, il faut ajouter le gâchis provoqué par les constructions édifiées à l'usage des touristes : hôtels "pieds dans l'eau" ou "pied des pistes", villages de béton, aménagements divers très discutables sur le plan esthétique... En Tunisie, à Djerba, l'importante quantité d'hôtels sur les littoraux, fait peser des contraintes terribles sur l'irrigation des cultures dans l'arrière pays. On peut également y ajouter les boutiques de souvenirs et la multitude d'objets de pacotille créés uniquement à l'intention des touristes et qui gâchent le décor naturel.

Le cas particulier du golf mérite qu'on s'y attarde. Pour ce sport d'élite, réservé à l'usage privatif de quelques rares habitants du pays ou des touristes étrangers, on n'hésite pas à aménager des centaines d'hectares à grand frais, en déplaçant au besoin cultures vivrières et populations. Au Maroc, pays souffrant de sécheresse chronique, on dénombre plus de vingt terrains de golf. Or il faut environ 6 500 m3 d'eau par jour pour arroser un terrain de golf de 18 trous. Enfin, on sature le terrain de pesticides pour protéger le gazon. Voilà un sport qui, apparamment écologique, se fait au détriment de la nature.

Inquiétantes également sont les dégradations occasionnées au patrimoine et souvent dans les pays n'ayant pas les moyens d'en organiser une protection correcte. C'est le cas entre autres du temple d'Angkor au Cambodge. Ce monument, inscrit au patrimoine mondial en 1992, a subi d'importants dommages dus à la guerre et fait l'objet actuellement d'un pillage par les touristes. L'Egypte lutte également constamment contre les pillages de trésors archéologiques dans la vallée des Rois qui font l'objet d'un véritable trafic. La Turquie, qui regorge de trésors archéologiques, est également dans l'impossibilité de surveiller les nombreux sites à ciel ouvet dont les restes sont convoités par les touristes.

Le tourisme peut, cependant, avoir des effets néfastes. Ainsi, des millions de touristes visitent le temple de Borobudur en Indonésie, inscrit sur la Liste du patrimoine mondial, qui se trouve dans

une région au climat très chaud et humide. Pour assurer le confort des visiteurs, les chauffeurs des cars de tourisme laissent tourner le moteur avec la climatisation en attendant que les touristes aient

terminé leur visite. Les émanations d’oxyde de carbone risquent d’endommager les pierres de l’édifice.

Dans son site Internet (23), l'UNESCO s'interroge sur les méfaits du tourisme pour le patrimoine mondial : '"L'industrie du tourisme et des voyages, un des plus importants secteurs d'activité économique à l'échelle mondiale, connaît une croissance très rapide. Pour la seule zone Asie-Pacifique, le Conseil mondial du voyage et du tourisme estime que le chiffre d'affaires de 805 milliards de dollars US réalisé en 1995 va s'accroître de près de 80 % par an durant les dix prochaines années pour atteindre deux trillions de dollars US en 2005. Quel sera l'effet de cette terrible expansion sur la préservation de l'intégrité voire la survie même des sites du patrimoine ?

Préserver notre planète

Aujourd'hui cependant, les pays occidentaux, plus riches et mieux organisés, ont les moyens d'assurer la protection de leur environnement, même s'ils rencontrent de nombreuses difficultés. Mais que dire pour les pays du Sud dont la priorité n'est certes pas la protection de l'environnement. En proie aux plus graves diffi cultés économiques pour rembourser leur dette extérieure, nourrir

Page 17: Chapitre deuxième : Les devises du tourismesophiasapiens.chez.com/tourisme/Impact du tourisme.docx · Web viewpar notre sujet. Ensuite j'ai été invitée à participer à la toute

leurs populations, donner du travail à chacun, ces pays jugent bien évidemment la protection de l'environnement comme un luxe et ce, à juste titre.

Cependant, cette protection de l'environnement sur une planète que nous avons en commun avec tous les êtres qui la peuplent est l'affaire de tous. Et il est évident que les problèmes écologiques auxquels sont confrontés les pays du Sud devraient être partagés avec les pays plus riches qui peuvent apporter une aide.

En attendant cette utopique prise de conscience, le touriste peut et doit, à son niveau, respecter l'environnement des pays d'accueil au moins autant qu'il respecte son environnement direct, chez lui, dans son pays. Le citoyen responsable qu'il est chez lui doit devenir un touriste responsable lorsqu'il est en villégiature n'importe où dans le monde. Or c'est loin d'être le cas à l'heure actuelle.

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Cette évaluation qualitative de l'impact du tourisme sur les pays d'accueil nous a permis de faire un tour d'horizon de toutes les souffrances et de tous les dégâts que pouvait causer le tourisme sur les populations et un environnement qui font partie intégrante du "produit touristique" et que les touristes "consomment" parfois au sens propre.

C'est donc, nous le voyons une lutte perpétuelle entre le site dans tous ses aspects (les êtres humains, la nature, le patrimoine) et le touriste. Avec bien entendu une perception de la gêne et de la dégradation qui peut varier considérablement selon l'époque, selon la zone géographique ou tout simplement selon la population considérée. C'est ce qu'explique très bien Florence Deprest (24) dans son ouvrage "Enquête sur le tourisme de masse, l'écologie face au territoire" où elle étudie le cas de la station de montagne de St Gervais à travers les époques.

C'est la confirmation irréfutable qu'un tourisme différent doit voir le jour en ce XXIème siècle ; un tourisme plus conforme à l'éthique, un tourisme responsable, à l'image des citoyens responsables que nous sommes dans nos pays respectifs.

Cette réflexion est le postulat de départ qui a conduit à s'interroger sur la nécessité de mettre en oeuvre un tourisme qui serait directement inspiré du commerce équitable afin de pallier les impacts négatifs qu'il fait peser sur les pays du Sud.

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