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J Fr. Ophtalmol., 2005; 28, 5, 474-479 © Masson, Paris, 2005. 474 ARTICLE ORIGINAL Chirurgie de l’œdème maculaire chez le patient diabétique : étude prospective de 7 cas suivis en tomographie par cohérence optique F. Rouberol (1), L. Kodjikian (2), J. Fleury (2), J.-D. Grange (2) (1) Service d’Ophtalmologie, Hôpital Édouard Herriot, (2) Service d’Ophtalmologie, Hôpital de la Croix Rousse, Lyon. Correspondance : F. Rouberol, Service d’Ophtalmologie, Hôpital Édouard Herriot, 5, place d’Arsonval, 69003 Lyon. Reçu le 22 août 2003. Accepté le 24 novembre 2004. Diffuse diabetic macular edema surgery: prospective study of seven cases followed up with optical coherence tomography F. Rouberol, L. Kodjikian, J. Fleury, J.-D. Grange J. Fr. Ophtalmol., 2005; 28, 5: 474-479 Introduction: A prospective study was performed in seven eyes of seven consecutive patients who had vitrectomy for diffuse diabetic macular edema (DME) with ILM premacular delami- nation as part of this treatment. Patients and methods: All patients had retinopathy and DME. Only one patient had previous grid photocoagulation. In all eyes, there was no ophthalmoscopic evidence of traction from the posterior hyaloid membrane or proliferative tissue, but all patients had no posterior vitreous separation. A clinical examination and optical coherence tomography (OCT) were performed in preoperative and postoperative surgery (1 and 6 months). Pars plana vitrectomy with sep- aration of the posterior hyaloid was performed in seven cases. Results: Only three patients had vitreomacular traction observed on OCT. Statistical analysis revealed a significant decrease in retinal thickness 6 months after surgery. Best corrected visual acuity improved in four patients. Conclusion: Vitreous surgery can improve the visual prognosis of some eyes with DME with or without posterior vitreous separation, whether combined or not with vitreomacular traction observed on OCT. Key-words: Diffuse diabetic macular edema, vitrectomy, optical coherence tomography, visual acuity. Chirurgie de l’œdème maculairer chez le patient diabétique : étude prospective de 7 cas suivis en tomographie par cohérence optique Introduction : Le but de cette étude prospective est de préciser l’intérêt de la vitrectomie postérieure avec pelage de la limitante interne prémaculaire dans le cadre du traitement de l’œdème maculaire diffus chez le patient diabétique. Patients et méthodes : Cette étude a porté sur 7 patients diabétiques. Tous les patients pré- sentaient une rétinopathie diabétique et un œdème maculaire diffus chronique. Un traitement par grille maculaire a été réalisé préalablement à la chirurgie chez un seul patient. Le fond d’œil préopératoire ne révélait aucune traction de la hyaloïde postérieure ou d’un tissu fibro- glial sur la macula. Aucun patient ne présentait un décollement postérieur complet du vitré. Un examen clinique et une mesure de l’épaisseur rétinienne en tomographie par cohérence optique (OCT) ont été réalisés en pré-opératoire et en postopératoire à 1 et 6 mois. Le traite- ment chirurgical comprenait une vitrectomie postérieure à 3 voies, une séparation de la hya- loïde postérieure et un pelage de la limitante interne. Résultats : Une adhérence de la hyaloïde postérieure sur la macula a été mise en évidence en OCT chez trois patients. L’analyse statistique a montré une diminution significative de l’épaisseur rétinienne à 6 mois postopératoires. Une amélioration de l’acuité visuelle a été notée chez quatre patients. Conclusion : La vitrectomie peut être une alternative thérapeutique dans les œdèmes macu- laires du patient diabétique avec ou sans adhérence vitréo-maculaire. Mots-clés : Œdème maculaire, vitrectomie, tomographie par cohérence optique, acuité visuelle. INTRODUCTION La rétinopathie diabétique repré- sente, après les dégénérescences maculaires liées à l’âge, la deuxième cause de cécité légale dans les pays industrialisés [1]. L’œdème macu- laire du diabétique est la principale cause de baisse d’acuité visuelle et est fortement corrélé avec l’ancien- neté du diabète [2-4]. Sa physiopa- thologie est discutée, mais la per- méabilité vasculaire anormale par rupture de la barrière hémato-réti- nienne interne et externe avec des modifications des facteurs hémody- namiques (diminution du gradien entre les pressions oncotiques plas- matiques et tissulaires ; augmenta- tion de la pression hydrostatique capillaire) peut expliquer la forma- tion d’un œdème intrarétinien [5]. Lorsque l’œdème maculaire est pré- sent, le traitement par photocoagu- lation laser peut être bénéfique. L’étude ETDRS a montré l’efficacité du traitement laser focal sur les œdèmes maculaires cliniquement si- gnificatifs. Cependant concernant les œdèmes maculaires diffus, le traitement laser par grille maculaire a montré ses limites. Le principal ef- fet de ce traitement est de stabiliser l’acuité visuelle, voire de retarder sa baisse, mais rarement de l’amélio- rer. Dans certains cas d’œdèmes maculaires du diabétique, plusieurs auteurs ont observé aucune effica- cité du traitement par photocoagu- lation [6] et ont proposé comme

Chirurgie de l’œdème maculaire chez le patient diabétique : étude prospective de 7 cas suivis en tomographie par cohérence optique

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J Fr. Ophtalmol., 2005; 28, 5, 474-479© Masson, Paris, 2005.

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ARTICLE ORIGINAL

Chirurgie de l’œdème maculaire chez le patient diabétique : étude prospective de 7 cas suivis en tomographie par cohérence optique

F. Rouberol (1), L. Kodjikian (2), J. Fleury (2), J.-D. Grange (2)

(1) Service d’Ophtalmologie, Hôpital Édouard Herriot,(2) Service d’Ophtalmologie, Hôpital de la Croix Rousse, Lyon.Correspondance : F. Rouberol, Service d’Ophtalmologie, Hôpital Édouard Herriot, 5, place d’Arsonval, 69003 Lyon.Reçu le 22 août 2003. Accepté le 24 novembre 2004.

Diffuse diabetic macular edema surgery: prospective study of seven cases followed up with optical coherence tomography

F. Rouberol, L. Kodjikian, J. Fleury, J.-D. Grange

J. Fr. Ophtalmol., 2005; 28, 5: 474-479

Introduction: A prospective study was performed in seven eyes of seven consecutive patientswho had vitrectomy for diffuse diabetic macular edema (DME) with ILM premacular delami-nation as part of this treatment.Patients and methods: All patients had retinopathy and DME. Only one patient had previousgrid photocoagulation. In all eyes, there was no ophthalmoscopic evidence of traction fromthe posterior hyaloid membrane or proliferative tissue, but all patients had no posterior vitreousseparation. A clinical examination and optical coherence tomography (OCT) were performedin preoperative and postoperative surgery (1 and 6 months). Pars plana vitrectomy with sep-aration of the posterior hyaloid was performed in seven cases.Results: Only three patients had vitreomacular traction observed on OCT. Statistical analysisrevealed a significant decrease in retinal thickness 6 months after surgery. Best corrected visualacuity improved in four patients.Conclusion: Vitreous surgery can improve the visual prognosis of some eyes with DME withor without posterior vitreous separation, whether combined or not with vitreomacular tractionobserved on OCT.

Key-words: Diffuse diabetic macular edema, vitrectomy, optical coherence tomography, visualacuity.

Chirurgie de l’œdème maculairer chez le patient diabétique : étude prospective de 7 cas suivis en tomographie par cohérence optique

Introduction : Le but de cette étude prospective est de préciser l’intérêt de la vitrectomiepostérieure avec pelage de la limitante interne prémaculaire dans le cadre du traitement del’œdème maculaire diffus chez le patient diabétique.Patients et méthodes : Cette étude a porté sur 7 patients diabétiques. Tous les patients pré-sentaient une rétinopathie diabétique et un œdème maculaire diffus chronique. Un traitementpar grille maculaire a été réalisé préalablement à la chirurgie chez un seul patient. Le fondd’œil préopératoire ne révélait aucune traction de la hyaloïde postérieure ou d’un tissu fibro-glial sur la macula. Aucun patient ne présentait un décollement postérieur complet du vitré.Un examen clinique et une mesure de l’épaisseur rétinienne en tomographie par cohérenceoptique (OCT) ont été réalisés en pré-opératoire et en postopératoire à 1 et 6 mois. Le traite-ment chirurgical comprenait une vitrectomie postérieure à 3 voies, une séparation de la hya-loïde postérieure et un pelage de la limitante interne.Résultats : Une adhérence de la hyaloïde postérieure sur la macula a été mise en évidenceen OCT chez trois patients. L’analyse statistique a montré une diminution significative del’épaisseur rétinienne à 6 mois postopératoires. Une amélioration de l’acuité visuelle a éténotée chez quatre patients.Conclusion : La vitrectomie peut être une alternative thérapeutique dans les œdèmes macu-laires du patient diabétique avec ou sans adhérence vitréo-maculaire.

Mots-clés : Œdème maculaire, vitrectomie, tomographie par cohérence optique, acuité visuelle.

INTRODUCTION

La rétinopathie diabétique repré-sente, après les dégénérescencesmaculaires liées à l’âge, la deuxièmecause de cécité légale dans les paysindustrialisés [1]. L’œdème macu-laire du diabétique est la principalecause de baisse d’acuité visuelle etest fortement corrélé avec l’ancien-neté du diabète [2-4]. Sa physiopa-thologie est discutée, mais la per-méabilité vasculaire anormale parrupture de la barrière hémato-réti-nienne interne et externe avec desmodifications des facteurs hémody-namiques (diminution du gradienentre les pressions oncotiques plas-matiques et tissulaires ; augmenta-tion de la pression hydrostatiquecapillaire) peut expliquer la forma-tion d’un œdème intrarétinien [5].Lorsque l’œdème maculaire est pré-sent, le traitement par photocoagu-lation laser peut être bénéfique.L’étude ETDRS a montré l’efficacitédu traitement laser focal sur lesœdèmes maculaires cliniquement si-gnificatifs. Cependant concernantles œdèmes maculaires diffus, letraitement laser par grille maculairea montré ses limites. Le principal ef-fet de ce traitement est de stabiliserl’acuité visuelle, voire de retarder sabaisse, mais rarement de l’amélio-rer. Dans certains cas d’œdèmesmaculaires du diabétique, plusieursauteurs ont observé aucune effica-cité du traitement par photocoagu-lation [6] et ont proposé comme

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hypothèse physiopathologique une traction de la hya-loïde postérieure, tendue et épaissie, sur la macula [6,7]. Tachi et Ogino [8] ont réalisé une vitrectomie avecablation de la hyaloïde postérieure sur 58 yeux ne pré-sentant pas de décollement postérieur du vitré (DPV)et ont observé une résolution de l’œdème maculairedans 57 cas après un an de suivi [8]. La vitrectomie per-mettrait ainsi de supprimer ces tractions vitréo-rétinien-nes et d’éliminer certains médiateurs vitréens favori-sant l’œdème maculaire. Nous avons réalisé une étudeprospective chez 7 patients diabétiques opérés de leurœdème maculaire diffus. Nous rapportons les résutatsafin d’évaluer l’efficacité de ce traitement et d’en pré-ciser les indications.

PATIENTS ET MÉTHODES

Cette étude comprend 7 patients dont 4 hommes et3 femmes, âgés de 54 à 75 ans : 4 patients étaient dia-bétiques non insulinodépendants et 3 patients étaientinsulinodépendants. La médiane de l’ancienneté dudiabète était de 19,5 ans. Six patients présentaient unehypertension artérielle associée. Pour tous les patients,une photocoagulation panrétinienne avait été réaliséeau moins 6 mois avant l’étude afin de traiter une réti-nopathie diabétique pré-proliférante ou proliférante.Les 7 patients présentaient un œdème maculaire diffusancien (> 6 mois) sans DPV, sans exsudat majeur aupôle postérieur, avec ou sans baisse d’acuité visuellerécente. Seul un patient avait eu un traitement parphotocoagulation en grille maculaire, qui n’avait paspermis d’améliorer la fonction visuelle. Un examenophtalmologique complet avec mesure de l’acuité vi-suelle, examen biomicroscopique du segment antérieuret du fond d’œil a systématiquement été réalisé en pré-opératoire. Une angiographie rétinienne, un examenpar tomographie en cohérence optique (OCT) et le do-sage de l’hémoglobine glyquée ont complété le bilaninitial. Les patients ont tous été opérés entre janvier etnovembre 2002 à l’Hôpital de la Croix Rousse. L’inter-vention chirurgicale a consisté en une vitrectomie pos-térieure à trois voies, par la pars plana, avec une abla-tion du vitré central et une séparation de la hyaloïdepostérieure. La limitante interne colorée à l’aide du vertd’infracyanine (0,2 ml à 0,125 % injecté dans la cavitévitréenne, puis retiré en moins de 10 secondes) a étépelée dans tous les cas à l’aide d’un couteau à scléro-tomie et d’une pince à membrane. La périphérie réti-nienne a été contrôlée en fin de chirurgie. En postopé-ratoire, les consultations de contrôle ont été effectuéesà 1 mois et 6 mois. Elles comprenaient la mesure del’acuité visuelle de loin et de près, un examen biomi-croscopique du segment antérieur et du fond d’œil auverre à trois miroirs, une angiographie rétinienne, uneOCT et un dosage de l’hémoglobine glyquée. Nousavons comparé l’épaisseur rétinienne et l’acuité visuelle

en pré-opératoire et en postopératoire à 6 mois. Lesclichés angiographiques maculaires ont été analysés5 minutes après l’injection de la fluorescéine. L’analysestatistique univariée a été réalisée à l’aide du test nonparamétrique de Mann-Whitney. Une valeur de p infé-rieure ou égale à 0,05 était considérée comme statis-tiquement significative.

RÉSULTATS

Parmi les 7 patients diabétiques, 6 avaient une hyper-tension artérielle normalisée sous traitement généralhypotenseur. Le diabète était bien équilibré chez 2 pa-tients (HbA1c < 6,5 %) ; un de ces deux patients présen-tait une adhérence maculaire de la hyaloïde postérieureà l’OCT. L’équilibre glycémique est resté inchangé aucours de l’étude. Une photocoagulation panrétiniennecomplète a été réalisée au minimum 6 mois avant la chi-rurgie dans tous les cas pour une rétinopathie pré-pro-liférante ou proliférante. L’œdème maculaire pré-exis-tait depuis au moins un an dans tous les cas.L’angiographie maculaire a confirmé le diagnosticd’œdème maculaire cystoïde sous forme d’imprégna-tion fovéolaire tardive délimitant des logettes, associéeà une diffusion fluorescéinique. Une amélioration del’œdème maculaire a été constatée au fond d’œil dèsle premier mois en postopératoire chez 6 patients. Dansun cas, la visualisation de la macula a été gênée par laprésence d’une endophtalmie postopératoire. À 6 moispostopératoires, l’examen biomicroscopique du seg-ment postérieur a montré une régression de l’œdèmemaculaire cystoïde dans tous les cas (7 yeux sur 7). Unenette amélioration angiographique a également étéconstatée pour tous les patients, avec une diminutionde la diffusion périmaculaire et du nombre des logettescystoïdes visibles.

L’OCT préopératoire a toujours mis en évidence unœdème maculaire : hyporéflectivité intrarétinienne avecprésence ou non de kystes, augmentation de l’épaisseurrétinienne et perte de la dépression fovéale. Elle a per-mis d’individualiser deux catégories d’œdème maculaire.La première était composée de 4 patients (groupe 1) quiprésentaient un œdème maculaire sans adhérencevitréorétinienne. La seconde a rassemblé 3 patients(groupe 2) qui avaient un œdème maculaire associé àune adhérence de la hyaloïde postérieure (fig. 1). Seulsdeux décollements séreux rétiniens ont été notés, et ce,uniquement chez des patients du groupe 1. La hyaloïdepostérieure, hyperréflective à l’OCT, était attachée ettendue sur toute la surface maculaire chez un seul pa-tient et seulement attachée partiellement en temporalchez les 2 autres patients du groupe 2 (fig. 1). La penterétinienne au point de raccordement de la hyaloïde pos-térieure suggérait la présence d’une traction vitréoma-culaire. La médiane de l’épaisseur rétinienne des 7 pa-tients était de 520 μm en préopératoire et de 282 μm

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à 6 mois postopératoires. Respectivement pour legroupe 1 et le groupe 2, la médiane était de 510 μmet 575 μm en préopératoire et de 286 μm et 184 μm à6 mois postopératoires. L’analyse statistique a montréune baisse significative de l’épaisseur rétinienne à6 mois dans le groupe 1 (p = 0,02) et le groupe 2(p = 0,05).

En ce qui concerne les résultats fonctionnels à6 mois (tableau I), une amélioration subjective a éténotée chez 5 patients. Aucune perte de ligne d’acuitévisuelle n’a été à déplorer. Pour le groupe 1, l’acuitévisuelle préopératoire était comprise entre 0,1 et 0,4,alors que pour le groupe 2, l’acuité visuelle était infé-rieure ou égale à 0,1 pour les 3 patients. À 6 mois,l’acuité visuelle de loin s’est améliorée dans 4 cas(3 cas sur 4 dans le groupe 1 et 1 cas sur 3 dans legroupe 2) et est restée stable dans 3 cas. Le gainmoyen en ligne était de 1 (1,5 ligne pour le groupe 1et 0,3 ligne pour le groupe 2). L’acuité visuelle de prèss’est améliorée chez 5 patients (3 sur 4 dans le groupe1 et 2 sur 3 dans le groupe 2) et est restée stable dans2 cas. Un patient a été opéré de sa cataracte 6 moisaprès la vitrectomie sans amélioration de son acuitévisuelle de loin. L’équilibre glycémique (HbA1c) estresté stable chez tous les patients.

En ce qui concerne les complications, nous avons notéchez un même patient une endophtalmie qui est surve-nue dans les quarante-huit heures postopératoires,rapidement maîtrisée par la mise en route d’une anti-biothérapie intravitréenne et intraveineuse, et l’aggra-vation d’une cataracte préexistante opérée au 6e mois.Aucun décollement de rétine ni hémorragie intravi-tréenne n’ont été observés. Contrairement à certainsauteurs [6, 8-11], nous n’avons pas observé en post-opératoire de membrane prémaculaire.

DISCUSSION

L’œdème maculaire diffus reste la première cause de dé-térioration de l’acuité visuelle chez les patients diabéti-ques et son traitement idéal reste incertain. Sa fréquenced’apparition chez l’adulte diabétique insulinodépendantest d’environ 8 % après 10 ans, 20 % après 15 ans et30 % au-delà de 25 ans de diabète. Les patients diabé-tiques non insulinodépendants, qui débutent leur dia-bète plus tardivement, présentent une fréquence del’œdème maculaire plus faible dans toutes les tranchesd’évolution [12]. Sa physiopathologie est multifactorielleet plusieurs auteurs ont démontré le rôle primordial duvitré dans son apparition, que ce soit par les médiateursqu’il contient [13, 14] ou par son rôle mécanique trac-tionnel. Certains auteurs [6, 9, 10, 15, 16] ont rapportéle bénéfice de la vitrectomie dans les œdèmes maculaires

Figure 1 : OCT pré-opératoire des 3 patients du groupe 2 présentantune adhérence vitréomaculaire.

1a 1b1c

Tableau IAcuité visuelle préopératoire, à 1 et 6 mois postopératoires.

Patient J-0 J+1 J+6

1 0,2/P5 0,3/P4 0,4/P3

2 0,1/P8 0,4/P5 0,3/P5

3 0,2/P10 0,1/P14 0,2/P4

4 0,4/P2 / 0,6/P2

5 < 0,1/P14 <0,1/P8 < 0,1/P8

6 < 0,1/P10 / 0,1/P10

7 < 0,1/P14 0,1/P14 < 0,1/P14

Groupe 1 : patients 1 à 4 ; groupe 2 : patients 5 à 7.

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diffus associés à une adhérence de la hyaloïde posté-rieure épaissie tandis que d’autres ont montré une amé-lioration significative des résultats fonctionnels et anato-miques après vitrectomie seule [7, 8, 17, 18]. Par ailleurs,le simple DPV, spontané, permet dans certains cas la ré-gression d’un œdème maculaire diffus [19]. Hikichi et al.[20] ont montré une résolution spontanée de l’œdèmemaculaire dans 55 % des yeux ayant un DPV et seule-ment dans 25 % des yeux sans DPV.

L’OCT est de nos jours l’outil le plus fiable pour ana-lyser objectivement l’interface vitréorétinienne. Plusprécise que l’examen biomicroscopique, elle permetnon seulement de mettre en évidence des adhérencesvitréomaculaires non visibles au fond d’œil, mais ausside suivre quantitativement l’évolution des œdèmes ma-culaires diffus avant et après chirurgie [15, 21-23]. Cetexamen, fiable, reproductible, non invasif et objectif estdevenu l’examen de référence dans l’étude des œdè-mes maculaires du diabétique et des autres pathologiesde l’interface vitréorétinienne du pôle postérieur. Il per-met de préciser l’épaisseur rétinienne qui est un bonreflet de niveau d’acuité visuelle et d’analyser précisé-ment la région maculaire où la hyaloïde postérieurepeut être épaissie et tendue, favorisant l’œdème macu-laire par traction mécanique. Dans les œdèmes macu-laires, l’OCT montre un épaississement rétinien avecune perte de la dépression fovéolaire, souvent associéà des logettes cystoïdes, voire un décollement séreuxrétinien. La hyaloïde postérieure, hyperéflective, peutêtre épaissie et tendue sur la macula avec un angle deraccordement triangulaire permettant de supposer unetraction, sans pouvoir néanmoins prouver son existencemécanique. Toutefois, cet examen ne permet pasl’étude dynamique de ces adhérences et/ou d’affirmerl’absence d’adhérence vitréomaculaire. Les futuresgénérations d’OCT permettront peut-être des coupesrétiniennes encore plus précises, améliorant notrecompréhension de la région maculaire. De nombreuxauteurs, ne disposant pas de l’OCT, ont montré l’effi-cacité de la vitrectomie sans pouvoir clairement démon-trer le rôle actif de la hyaloïde postérieure [7, 8, 17, 18].L’OCT a permis dans cette étude de séparer les patientsen deux groupes : le groupe 1 dont les 4 patients neprésentaient pas d’adhérence hyaloïdienne et le groupe2 dont les 3 patients avaient une adhérence de la hya-loïde postérieure sur la macula. Dans ce dernier groupe,l’OCT a bien montré sa supériorité sur l’examen biomi-croscopique dans l’analyse de l’interface vitréomacu-laire puisque l’étude du fond de l’œil n’avait objectiréaucune adhérence vitréorétinienne chez les trois pa-tients. Un des points forts de cette étude repose surl’homogénéité de ces deux groupes. En effet, tous lespatients ont eu une photocoagulation panrétiniennecomplète réalisée à distance de la chirurgie (> 6 mois)et aucune grille maculaire n’a été effectuée en préopé-ratoire, excepté pour un patient du groupe 2. Le pro-tocole thérapeutique a été le même pour tous les pa-tients. Une vitrectomie postérieure était réalisée, suivie

d’un pelage systématique de la limitante interne, àl’aide du vert d’infracyanine.

La comparaison des deux groupes est difficile devantl’effectif réduit des patients. Toutefois, nous avons ob-tenu dans tous les cas une réduction significative del’épaisseur rétinienne avec pour la majorité des patientsune acuité visuelle finale supérieure à l’acuité visuelleinitiale. Dans le groupe 1, la vitrectomie avec pelage dela limitante interne a permis la réduction de façon si-gnificative de l’épaisseur rétinienne à 6 mois, associéeà une augmentation de l’acuité visuelle chez 3 patients,sans qu’aucune adhérence de la hyaloïde postérieuren’ait été mise en évidence. Un seul patient n’a pas res-senti d’amélioration fonctionnelle après chirurgie, pro-bablement en rapport avec les séquelles d’une endoph-talmie postopératoire. Le décollement séreux rétinienn’a pas été un facteur péjoratif pour l’acuité visuelle fi-nale. Dans le groupe 2, 3 patients, dont un seul avaitété traité par grille maculaire sans amélioration anato-mique ou fonctionnelle, présentaient une hyaloïde pos-térieure adhérente à la macula. L’OCT a permis de bienpréciser la localisation et l’étendue de cette adhérence.Après la chirurgie, l’épaisseur rétinienne à 6 mois pos-topératoires a été réduite dans tous les cas de façonsignificative avec une amélioration de l’acuité visuellechez un seul patient. Dans le groupe 2, l’acuité visuellepré-opératoire (inférieure ou égale à 0,1 chez les troispatients) était inférieure à celles du groupe 1. L’adhé-rence de la hyaloïde postérieure ainsi que son ancien-neté sont probablement responsables du niveaud’acuité visuelle initiale et postopératoire, inférieure àcelle du groupe 1. Un diagnostic et une chirurgie pré-coce des œdèmes maculaires tractionnels pourraientprobablement permettre un meilleur résultat fonction-nel qui, comme dans le pelage des membranes épima-culaires idiopathiques, dépend de l’acuité visuelle pré-opératoire. En effet le gain postopératoire est de1,5 lignes dans le groupe 1 et seulement de 0,3 lignedans le groupe 2. Cependant, il ne faut pas oublier quel’acuité visuelle préopératoire était meilleure dans legroupe 1 (comprise entre 0,1 et 0,4) par rapport augroupe 2 ( 0,1 pour les 3 patients). La vitrectomie avecpelage de la limitante permettrait non seulement desupprimer les tractions antéro-postérieures, mais aussiles tractions tangentielles parfois favorisées par unephotocoagulation panrétinienne [7]. L’intérêt du pelagede la limitante pour relâcher ses tractions tangentiellesreste à confirmer, mais pourrait diminuer le risque derécidive de l’œdème et le risque d’apparition d’unemembrane prémaculaire postopératoire [24]. L’utilisa-tion du vert d’infracyanine, que nous avons laissé aucontact de la macula pendant une durée inférieure à10 secondes, est controversée. En effet, des études ontmontré une toxicité chimique et d’autres une toxicitémécanique qui pourraient limiter les résultats fonction-nels. Son utilisation facilite cette chirurgie en permet-tant d’une part, une meilleure visualisation de la limi-tante interne et d’autre part, en facilitant à lui seul le

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clivage spontané de la limitante interne [25]. Contraire-ment à certaines études, nous avons obtenu une amé-lioration de l’acuité visuelle finale (de loin et/ou de près)dans les deux groupes, qu’il y ait ou non une adhérencede la hyaloïde postérieure. La vitrectomie seule, en sup-primant les médiateurs angiogéniques et vasoproliféra-tifs, et en améliorant l’oxygénation prérétinienne peutexpliquer ce résultat [26, 27], et ceci même lorsque ledécollement postérieur du vitré est présent. L’intérêt dela vitrectomie dans le groupe 1 (absence d’adhérencevitreorétinienne) devra être comparé à l’efficacité desinjections intravitréennes de triamcilonone. En effet,l’utilisation de triamcilonone a montré son efficacité àmoyen terme dans le traitement des œdèmes réfra-ctaires [28, 29] et l’absence de toxicité rétinienne [30,31]. Cependant, les effets secondaires (cataracte ethypertonie oculaire difficilement contrôlable) de ce cor-ticoïde retard doivent nous inciter à la prudence dansle choix des différentes indications. Seule une étudeprospective, actuellement en cours en France, compa-rant l’efficacité de la grille maculaire versus vitrectomiepostérieure avec pelage de la limitante interne versusinjections intravitréennes de triamcilonone, pourra ré-pondre à cette question.

CONCLUSION

Actuellement, l’arsenal thérapeutique de l’œdème ma-culaire diffus du diabétique s’élargit. Bien que l’équili-bre de la glycémie reste le premier traitement, cetteétude apporte des arguments en faveur de la vitrecto-mie postérieure dans le traitement des œdèmes sansDPV chez les patients qui présentent ou non une adhé-rence de la hyaloïde postérieure mise en évidence enOCT. Cette chirurgie acquiert toute son efficacitélorsqu’elle est réalisée de façon précoce, avant quel’acuité visuelle ne soit trop basse, afin de permettreune récupération visuelle significative. Elle permet àmoyen terme (6 mois) de réduire l’épaisseur rétinienneet de stabiliser, voire d’améliorer, l’acuité visuelle dansla majorité des cas. Une étude à long terme restenécessaire pour confirmer ces premiers résultats. Lepelage de la limitante interne peut être associé à la vi-trectomie, mais son effet bénéfique n’a pas été formel-lement démontré. Si le vert d’infracyanine est utilisépour la coloration de la limitante interne, sa concentra-tion et son temps de contact devront être minimaux.L’examen en OCT reste l’outil complémentaire indis-pensable pour le suivi et l’analyse des résultats fonction-nels et anatomiques. Il permet non seulement de dia-gnostiquer des tractions vitréorétiniennes non visibles àl’examen biomicroscopique, mais aussi de préciser leurslocalisations maculaires, aidant à la compréhension dela physiopathologie des œdèmes maculaires. L’OCT estun outil de mesure fiable et reproductible de l’épaisseur

rétinienne permettant une surveillance objective desœdèmes maculaires du diabétique ainsi que l’évaluationde ses différents traitements.

RÉFÉRENCES

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