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Bull. Acad. Vét. de ance, 2001, 154, 277-287 Échographie de I 'œil et de l'orbite par Francis LESCURE* Il est classique d'admettre que les progrès de la médecine sont étroitement dépendants de ceux d'autres disciplines, notamment scienti- fiques. L'échographie fait partie de ces deières. Il s'agit d'une méthode d'exploration à l'aide d'un faisceau d'ultra- sons dont on recueille, à fin d'analyse, l'écho donné par l'interface des différentes surfaces de l'œil et de l'orbite. Cette méthode a l'avantage d'une parfaite innocuité et surtout de permettre l'exploration de l'œil lorsque les structures, normalement transpa- rentes, sont, par suite de lésions, devenues opaques. Après un bref rappel de généralités sur les ultra-sons, nous envisage- rons l'appareillage nécessaire, les techniques de mise en œuvre de cet exa- men, les résultats conceant le globe oculaire et l'orbite, leurs dimensions et la présence éventuelle de lésions. LES ULTRA-SONS - GÉNÉRALITÉS Le son est un mouvement vibratoire, d'allure sinusoïdale, des parti- cules d'un milieu, mouvement it de contractions et d'expansion autour d'une position d'équilibre [l , 9, 10, 16]. Ce mouvement est défini par : L a longueur d'onde À, distance entre deux sommets d'ondes consé- cutives. * Professeur honoraire - L' enteleckheia - 1, impasse des Peupliers - Route de Bou- conne - 31700 Cornebarrien.

Échographie de I 'œil et de l'orbite

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Page 1: Échographie de I 'œil et de l'orbite

Bull. Acad. Vét. de France, 2001, 154, 277-287

Échographie de I 'œil et de l'orbite par Francis LESCURE*

Il est classique d'admettre que les progrès de la médecine sont étroitement dépendants de ceux d'autres disciplines, notamment scienti­fiques. L'échographie fait partie de ces dernières.

Il s'agit d'une méthode d'exploration à l'aide d'un faisceau d'ultra­sons dont on recueille, à fin d'analyse, l'écho donné par l'interface des différentes surfaces de l'œil et de l'orbite.

Cette méthode a l'avantage d'une parfaite innocuité et surtout de permettre l'exploration de l'œil lorsque les structures, normalement transpa­rentes, sont, par suite de lésions, devenues opaques.

Après un bref rappel de généralités sur les ultra-sons, nous envisage­rons l'appareillage nécessaire, les techniques de mise en œuvre de cet exa­men, les résultats concernant le globe oculaire et l'orbite, leurs dimensions et la présence éventuelle de lésions.

LES ULTRA-SONS - GÉNÉRALITÉS

Le son est un mouvement vibratoire, d'allure sinusoïdale, des parti­cules d'un milieu, mouvement fait de contractions et d'expansion autour d'une position d'équilibre [l , 9, 10, 16].

Ce mouvement est défini par :

• L a longueur d'onde À., distance entre deux sommets d'ondes consé­cutives.

* Professeur honoraire - L' enteleckheia - 1, impasse des Peupliers - Route de Bou­conne - 31700 Cornebarrien.

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278 BULLEfIN DE I..:ACADÉMIE VÉfÉRINAIRE DE FRANCE

• La fréquence F, nombre de périodes par secondes ; elle se mesure en hertz F = l/X..

• La vitesse de propagation V = À x F.

• L'intensité 1 du flux d'énergie qui traverse perpendiculairement une surface de 1 cm2• On la mesure en watt/cm2 ou plutôt en décibel.

• Le décibel est le rapport logarithmique de l'intensité 1 à une valeur 1°

de référence.

La propagation du son exige un milieu de structure moléculaire. La transmission des ultra-sons dans un milieu dépend de l'impédance acous­tique Z, ou résistance au passage des ultra-sons laquelle e t fonction de la densité du milieu et de la vitesse du cheminement des vibrations.

Le faisceau d'ultra-sons, lorsqu'il franchit des milieux d'impédance acoustique différente, subit des modifications de parcour : une partie e t réfléchie, l'autre est réfractée.

L'onde réfléchie porte le nom d'écho. La réflexion e t d'autant plu importante que la différence d'impédance acoustique de milieux e t impor­tante et que l'angle d'incidence est grand. Lorsque la réflexion e produit ur une interface rugueuse le faisceau réfléchi subit une di per ion.

La pénétration du faisceau va permettre d'identifier de structure situées dans un même plan et des structures plus profonde .

L'aptitude à cette distinction porte le nom de résolution et l'on di -tingue deux sortes de résolution :

• La résolution latérale est fonction de la largeur de la onde et du dia­mètre du faisceau incident. Ce faisceau est conique dan a portion di tale ce qui donne une mauvaise résolution, laquelle est bien meilleure dans la portion proximale qui est cylindrique. L'interposition d'une lentille acous­tique ou électronique focalise le faisceau et donne une bonne résolution laté­rale.

• La résolution axiale est la distance séparant deux interfaces écho­gènes qui fournissent deux échos séparés. Cette résolution égale la moitié de la longueur d'onde. Plus la longueur d'onde est petite (et par voie de consé­quence, plus la fréquence est grande), meilleure est la résolution axiale. On utilise pour l'échographie de l' œil une fréquence de 8 à 10 mégahertz.

L'atténuation du faisceau est la perte d'énergie résultant de la réflexion, diffusion, réfraction et absorption par la matière. Cette atténuation dépend surtout de la fréquence de la sonde : plus celle-ci est grande, plus l'atténua­tion est importante. Il en résulte une diminution et un arrêt de pénétration du faisceau ultra-sonore.

RECUEIL ET TRAITEMENT DU SIGNAL

En mode A : l'écho est transformé en signal électrique dont on repré­sente l'amplitude sur l'axe des ordonnées et la di tance d'apparition ur l'axe des abscisses [7, 12-13).

Page 3: Échographie de I 'œil et de l'orbite

COMMUNICATIONS 279

En mode B : même position sur l'axe des X, mais le signal est repré­senté par un point dont la brillance est proportionnelle à l'amplitude de l'écho [8].

Le mode A et le mode B sont les seuls employés en ophtalmologie.

En mode C : fournit une coupe perpendiculaire à la direction du fais­ceau d'ultra-sons.

En mode D : réalise un balayage en secteur.

Traitement du signal

L'amplification est la modification imposée au signal et dont va dépendre la dynamique de visualisation à l'écran.

En mode A c'est la différence exprimée en décibels entre deux signaux dont l'amplitude est de 5 % et 95 % de l'amplitude maximum sur l'écran.

Amplification linéaire donne une représentation exacte de la réflectivi­té mais est rapidement saturée et ne peut dépasser 20 à 25 dB.

Amplification logarithmique fournit une dynamique très large, 60 à 80 dB. Deux inconvénients: apparition d'écho venant de structure normale­ment anéchogène et difficulté de différenciation de structures faiblement échogènes.

MISE EN ŒUVRE DE L'EXAMEN

L'appareillage

L'appareil est équipé à la fois d'une sonde de mode A et de mode B. Cette sonde appelée transducteur émet l'onde sonore, recueille l'écho et le transforme en signal. Les appareils modernes ont abandonné les transduc­teurs à immersion au profit des transducteurs de contact.

La qualité des résultats de l'examen sera essentiellement fonction de la qualité des réglages.

Les réglages

Ils concernent le temps, l'amplitude et les images [9, 10].

Réglage du temps : il doit tenir compte de deux éléments : la situation exacte du point zéro et la vitesse des ultra-sons selon la nature du milieu oculaire traversé.

Le point zéro ne correspond à la montée de l'impulsion que lors d'uti­lisation d'une sonde à immersion. Dans le cas d'une sonde de contact il se situe environ 0,45 mm après elle.

La vitesse des ultra-sons est estimée à :

• 1 532 mis dans l'humeur aqueuse et le vitré.

• 1 641 mis dans le cristallin.

• J 462 mis dans la graisse orbitaire.

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280 BULLETIN DE l:ACADÉMIE VÉTÉRINAIRE DE FRANCE

• 1 63 1 mis dans le muscle. • 1 6 1 5 mis dans le nerf optique. • 4 080 mis dans l'os.

Réglage de l'amplitude : le réglage de l'amplitude ou gain s'effectue au moyen d'un potentiomètre ou bien d'un atténuateur gradué en décibels.

Réglage de l'image: le seuil doit être réglé au minimum pour éviter en mode A l'apparition d'échos parasites de faible amplitude que l'on désigne sous le nom d'herbe.

On peut également régler la luminosité de l'image, sa focalisation et sa profondeur.

CONDUITE DE L'EXAMEN

L'animal est placé en décubitus latéral sur le côté opposé à l'œil exa­miné.

Il est contenu par deux aides, un tient les quatre membres, l'autre contient la tête: la main située vers l'avant empaume le museau, l'autre main est posée sur l'encolure, en arrière des oreilles.

L a cornée a été préalablement anesthésiée par instillation de novésine. L'opérateur, placé du côté opposé à celui de l'aide qui tient la tête,

couvre le transducteur d'une épaisse couche d'un gel conducteur, puis l'ap­plique sans presser sur la cornée pour une exploration axiale puis sur la sclè­re afin d'éviter le cristallin.

Il prendra soin de placer le transducteur dans une position rigoureuse­ment perpendiculaire à la paroi du globe et explorera ce dernier selon de nombreux axes.

RÉSULTATS BIOMÉTRIE OU OCULOMÉTRIE

C'est la mesure à la fois des différentes structures de l'œil et des dis-tances qui les séparent [3, 7, 1 3].

Les facteurs de précision comprennent : • L'utilisation d'un transducteur de 5 mm de diamètre. • Une amplification linéaire. • Un gain suffisant pour qu'apparaisse l'interface vitré rétine. • Un seuil abaissé pour dégager la face antérieure du cristallin, rédui­

sant l'amplification d'environ 16 dB sur les 6 premiers millimètres. • Un alignement correct du faisceau d'ultra-sons et de l'axe du globe. • Éviter toute dépression cornéenne. À cet égard l'immersion est une

garantie supérieure au contact. • Une mesure très précise des temps et des distances.

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COMMUNICATIONS 281

Application pratique

La biométrie, qui fournit une mesure exacte des dimensions du globe oculaire, est le seul moyen de diagnostic indiscutable des cas de micro­phtalmie et des cas de glaucome.

Elle permet de surcroît un calcul du pouvoir de réfraction que doit avoir une prothèse cristallinienne.

DIAGNOSTIC DES AFFECTIONS OCULAIRES CAUSES D'ERREUR ET ARTEFACTS

• Prise en enfilade d'une surface non plane donne des échos d'allure tumorale.

• Mauvais réglages. • Mauvaise tenue de la sonde.

Artefacts acoustiques

• Échos de répétition sur les faces du cristallin simulent des opacités du vitré.

• Réverbération de la paroi du globe donne série d'échos après l'écho scléral.

• Absorption due au cristallin donne baisse d'amplitude des échos.

Artefacts électroniques

Bruit de fond ou herbe peut être pris pour opacité du vitré.

EXAMEN DU GLOBE

1 Aspect normal 1 a b c d b c d

Figure/. mode A Figure 2. mode B a) cornée. b) cristalloïde ant. c) cristalloïde post. d) rétine.

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282 BULLETIN DE L:ACADÉMIE VÉTÉRINAIRE DE FRANCE

1 Cristallin

• Transparence

- échos du noyau

- ombre portée b c

Figure 3.

Cataracte épaississement considérable des cristalloïdes b et c.

• Dimensions

•Position

subluxation

luxation

aphasie b c

Figure 4. Cristallin luxé dans le vitré.

Page 7: Échographie de I 'œil et de l'orbite

COMMUNICATIONS

1 Vitré

• Dégénérescence

- rares échos de faible amplitude

• Hémorragie

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- échos variables en amplitude plus amples à l'interface sang vitré.

• Décollement du vitré postérieur

N'est visible que si l'hémorragie ou trouble inflammatoire du vitré; se traduit par un écho élevé.

Figure 5. Opacités et décollement du vitré postérieur.

• Synchisis étincelant

échos multiples

Figure 6. Synchisis étincelant et décollement de la choroïde.

•Persistance de l'artère hyaloïde.

opacités

décollement du vitré

synch.isis

décollement de la choroï1

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284 BULLETIN DE !.:ACADÉMIE VÉTÉRINAIRE DE FRANCE

JRétine

• Décollement

- en mode A : écho élevé saturé en amplification linéaire, atteint presque Je haut de l'écran en amplification logarithmique avec retour du tracé à la ligne de base.

- en mode B : décollement total en parapluie ou fleur de liseron.

!Choroïde 1

• Décollement

Figure 7. Décollement de rétine en fleur de liseron.

rétine décollée

papille

- en mode A: écho bifide dû aux réflexions successives sur les inter­faces vitré rétine choroïde.

- en mode B : soulèvements arrondis n'atteignant pas la papille et pou­vant se joindre au centre du globe.

TUMEURS INTRA OCULAIRES

•Mélanomes

- en mode A : écho antérieur assez haut.

- en mode B : saillie dans le vitré.

• Angiome plus réfléchissant donne un écho saturé.

CORPS ÉTRANGER INTRA OCULAIRE

- en mode A : écho saturé.

- en mode B : tâche limitée très réfléchissante.

Page 9: Échographie de I 'œil et de l'orbite

COMMUNICATIONS

Figure 8. Plomb dans le globe oculaire.

EXAMEN DE L'ORBITE

285

opacités du vitré

corps étranger fortement échogène

La voie trans-oculaire est la plus fructueuse ; la voie para-oculaire n' ex­plore que les structures antérieures en raison de la forte absorption par la graisse.

1 Muscles oculomoteurs 1 Ils se présente comme de petites zones très faiblement ou pas écho­

gènes, accolées au globe.

Figure 9. Myosite.

muscle très dilaté

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286 BULLETIN DE L'ACADÉMIE VÉTÉRINAIRE DE FRANCE

Ils sont très épaissis et très apparents lors de myosites ou d'endocrino­pathie.

Structures anormales

• Structures hétérogènes : Angiome caverneux - Abcès de lorbite.

• Structures denses : Tumeurs.

Figure 10. Tumeur de l'orbite.

Structures liquides

Peu ou pas réfléchissantes, homogènes, limites nettes.

Corps étranger

Plomb de chasse fortement échogène.

CONCLUSION

tumeur très échogène

L'échographie de l'œil et de l'orbite fournit des renseignements précis et précieux.

Elle créée l'obligation de sa mise en œuvre avant toute opération de cataracte sous peine d'engager la responsabilité de l'opérateur.

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