CHOPLIN_2007_La_rheologie_systemique_ou_une_rheologie_au_service_d_un_genie_des_procedes.pdf

Embed Size (px)

Citation preview

  • Choplin et Marchal, Rhologie, Vol. 12, 9-18 (2007) 9

    NB : Une partie importante de cet article a t prsente sous forme de confrence invite au 40me Colloque Annuel du Groupe Franais de Rhologie, Nice, en octobre 2005.

    La rhologie systmique ou une rhologie au service dun gnie des procds

    et des produits L. Choplin et P. Marchal

    Centre de Gnie Chimique des Milieux Rhologiquement Complexes (GEMICO, EA 1743), Ecole Nationale Suprieure des Industries Chimiques (ENSIC)

    Institut National Polytechnique de Lorraine (INPL) 1, rue Grandville, BP 20451 - F-54001 NANCY Cedex

    Correspondance : [email protected]

    Reu le 19 septembre 2007 - Version finale accepte le 23 novembre 2007

    -------------------------

    Rsum : La plupart des produits formuls sont htrognes, rhologiquement complexes et difficiles caractriser lissue de leur laboration. Qui plus est, leurs proprits rhologiques, qui conditionnent leurs performances lapplication, sont particulirement dpendantes du procd dlaboration. Lapproche "Rhologie Systmique" (et le dveloppement de rho-racteurs) constitue une alternative mthodologique originale au service du gnie de la formulation ou gnie des produits formuls. Plusieurs exemples dapplications, concernant diffrents secteurs industriels, illustrent les potentialits de cette approche.

    Mots cl : Rhologie, Gnie des procds, Gnie des produits, Rhologie systmique, Formulation

    [Abridged English version on last page]

    1. Introduction

    Au cours des dernires annes, de nombreux secteurs dapplications industrielles (chimie de spcialit, pharmacie, cosmtique, agro-alimentaire, peintures) ont volu vers une problmatique de synthse de fonctions et de proprits dusage. Cette volution a donn naissance ce quil est dsormais convenu dappeler une science et non plus un art, la formulation. La formulation se situe un carrefour de diffrentes disciplines quelle intgre : la chimie, la biochimie, la physico-chimie, la rhologie, la science des interfaces, la science des collodes Elle prsente plusieurs facettes et est hautement pluridisciplinaire. Elle consiste grer de faon optimale la complexit inhrente lassociation de plusieurs constituants (ingrdients), ventuellement incompatibles, en vue dlaborer ou de synthtiser un produit ayant une (ou des) proprit(s) ou fonction(s) dusage macroscopique(s) (par exemple agro-alimentaire, thrapeutique, organoleptique, cosmtique). On considre aujourdhui que le poids conomique des activits de formulation reprsente prs de la moiti de lensemble des

    activits industrielles. Ce simple constat montre quel point la formulation reprsente un domaine forts enjeux scientifiques et industriels.

    Toute activit industrielle sappuie sur une transformation de matire et dnergie. Cette transformation est un processus complexe dont la mise au point lchelle productive pose des problmes et des dfis difficiles, o se mlent ractions chimiques, changes de chaleur et de matire, circulations de fluides et de solides, tenue des matriaux Concevoir et dvelopper des procds performants, respectant les exigences drastiques de fiabilit des produits fabriqus performants ou de protection de lenvironnement, constitue lobjectif essentiel du gnie des procds, dont les concepts et mthodes ne sont en fait quune gnralisation de ceux du gnie chimique. La partie du gnie des procds qui concerne spcifiquement la formulation et les produits (dits formuls) sappelle le gnie de la formulation ou encore le gnie des produits.

  • 10 Choplin et Marchal, Rhologie, Vol. 12, 9-18 (2007)

    La plupart des produits formuls (produits alimentaires, produits de soins ou cosmtiques, peintures et vernis) exhibent un comportement rhologique complexe, en ce sens quils ne peuvent tre caractriss par une mesure unique de viscosit. En effet, la viscosit de ces produits est une fonction du type et de lintensit de la sollicitation mcanique impartie, de lchelle de temps considre, du niveau de structuration ou d'organisation des diffrents lments constitutifs du produit formul et de lquilibre des forces dinteraction entre ces diffrents lments. Dautre part, les produits formuls doivent prsenter des proprits et des fonctions dusage ou dapplication. Par exemple, dans le domaine des peintures industrielles, diffrentes formulations peuvent prsenter des viscosits Strmer semblables, mais un compor-tement visqueux fort diffrent sur une large plage de vitesses de cisaillement, ce qui peut conditionner le choix dune formulation en relation avec les modes dapplication ou dutilisation. Qui plus est, ces formulations doivent possder des proprits thixotropes bien doses pour viter les coulures ou traces de pinceau. Ces proprits sont souvent obtenues grce la prsence dadditifs, dits modificateurs de rhologie (polymres, additifs particulaires, surfactifs). Contrler laction de ces additifs, leur mode et leur protocole dincorporation au cours dun procd dlaboration de produits formuls est crucial pour lobtention des caractristiques ultimes de ces produits. Il existe des couplages forts et irrductibles entre formulation, rhologie et gnie des procds, quil est fondamental dapprhender et de matriser. Afin dtudier ces couplages, nous avons dvelopp ce quil est convenu dappeler une rhologie systmi-que, qui savre tre un outil mthodologique original, dont le principe repose sur une intgration de connaissances provenant de plusieurs disciplines (gnie des procds et rhologie, principalement), en fait un "macroscope" dans le sens o la rhologie permet de rendre compte, une chelle macros-copique, de phnomnes qui se produisent une chelle microscopique, voire molculaire [1].

    Cette approche mthodologique participe dun gnie des procds ou des produits assist par rhologie, et est complmentaire dune approche de type rho-physique.

    2. Le rho-racteur

    Les processus de transformation de matire et dnergie seffectuent gnralement dans des racteurs. Dans le contexte rhologie systmique, il sagit dadapter un mini-racteur (cuve munie dun

    systme dagitation-mlange) sur un rhomtre, afin dextraire des informations rhologiques pertinentes pendant et au terme dun processus de transfor-mation. Le mini-racteur ainsi "instrument" sappelle un rho-racteur. Le principe dobtention dinformations rhologiques dans ce rho-racteur est fond sur une analyse utilisant une analogie de Couette [2]. Elle consiste dterminer le rayon Ri du cylindre interne dun systme de Couette virtuel, ayant mme hauteur L que lagitateur, pour lequel, vitesse angulaire de rotation donne N, le couple C gnr dans la cuve (cylindrique de rayon Re) est identique celui gnr dans le systme rel cuve-agitateur (Fig. 1).

    Figure 1. Principe de l'analogie de Couette.

    La rsolution des quations de conservation dans cette gomtrie virtuelle pour un fluide en loi de puissance conduit :

    2//12241

    nne

    ei CRLK

    nNRR

    +=

    (1)

    o n est lindice de la loi puissance et K la consistance. Pour une srie de couples de valeurs (N, C), il savre que Ri est une fonction faible de lindice dcoulement n, si l'on excepte le cas limite o n tend vers 0, donc pour la trs grande majorit des fluides rels. Par consquent, Ri peut tre dtermin dans le cas o n = 1, cest--dire pour un fluide newtonien de viscosit connue.

    La contrainte de cisaillement sexprime par :

    22)(

    rLCr =

    (2)

    et la vitesse de cisaillement (toujours pour un fluide en loi de puissance) par :

  • Choplin et Marchal, Rhologie, Vol. 12, 7-16 (2007) 11

    =

    ne

    in

    i

    RR

    rR

    nNr

    /2/2

    14)( &

    (3)

    Lanalyse de cette dernire quation montre que, mme dans le cas dun entrefer large, il existe une position r = r* pour laquelle la vitesse de cisail-lement est essentiellement indpendante de n. Cette valeur r* peut donc tre calcule pour le cas particulier o n = 1. La vitesse de cisaillement cette position spcifique r = r* est donc proportion-nelle N : NK && = . En fait, &K nest autre que la constante Ks de Metzner-Otto, bien connue dans le domaine de lagitation-mlange en rgime laminaire, qui utilise le concept de vitesse de cisaillement effective et qui, jusquici, ne pouvait tre dtermine qu laide de corrlations empiriques [3]. Pour accder la viscosit apparente ou effective, il suffit donc deffectuer le rapport de la contrainte de cisaillement value r* la vitesse de cisaillement galement value r* et pour n = 1 laide des quations prcdentes. Cette analogie de Couette peut galement tre transpose pour des tests oscillatoires de faible amplitude de dformation. Dans ce cas, le module complexe est donn par :

    ieiGGG

    0"'* =+=

    (4)

    Les modules de conservation G et de perte G" peuvent tre calculs en connaissant les expressions de la contrainte et de la dformation 0 dans la gomtrie de Couette virtuelle, pour r = r* et n = 1. Cette dformation 0 est donne par :

    =

    22

    0 12* eii

    RR

    rR

    (5)

    o est langle de dformation. Les rsultats exprimentaux obtenus avec cette mthode ont montr une bonne correspondance (erreur infrieure 5%, ce qui correspond la norme des prcisions de mesure communment admise en rhomtrie) avec ceux obtenus avec des gomtries conventionnelles, en rgime permanent et oscillatoire et pour divers agitateurs et systmes fluides rhologiquement complexes [4]. Nous illustrons ci-aprs quelques exemples de rsultats sur les Figures 2 et 3.

    Le rho-racteur est cependant bien plus quun racteur dans lequel il est possible dextraire des informations rhologiques grce lanalogie de Couette. En effet, lopration unitaire de mlange est trs rpandue dans nombre de procds complexes de transformation. Elle peut consister mlanger des

    Figure 2. Exemples compars de rhogrammes obtenus

    dans des gomtries conventionnelles et dans des gomtries de rho-reacteurs 25C.

    a) solution aqueuse de carboxymthylcellulose (2 % en poids): comparaison cne/plan et ancre.

    b) sauce salade (MAILLE) : comparaison plan/plan et ruban hlicodal.

    produits miscibles, disperser des liquides non miscibles ou des solides dans un liquide, remettre en suspension des particules solides ayant sdiment... La mesure du couple C dans des conditions dagitation donnes permet laccs des grandeurs macroscopiques fondamentales, telles que la puissance consomme, les temps de macromlange (tm) et de circulation (tc) au sein du rservoir agit (Fig. 4).

    Elle permet galement dapprhender les dmarrages ou les conditions de rhomognisation (en particulier lorsque les milieux sont viscolastiques) et la dtermination des conditions dincorporation squentielle dadditifs modificateurs de rhologie. Ces informations sont particulirement utiles aux formulateurs pour la transposition de protocoles de

    cne/plan ancre

  • 12 Choplin et Marchal, Rhologie, Vol. 12, 9-18 (2007)

    1

    10

    100

    0.001 0.01 0.1 1 10 100 1000

    (rad.s-1)

    G', G"(Pa)

    G' parallelplatesG" parallelplatesG' helical ribbon

    G',G" (Pa)

    (rad.s-1)

    0.1

    1

    10

    100

    0.01 0.1 1 10 100 1000

    (rad.s-1)

    G', G"(Pa)

    G' cone plateG" cone plateG' anchorG" anchor

    G',G" (Pa)

    (rad.s-1)

    (a)

    (b)

    plan/plan

    ruban

    cne/plan

    ancre

    Figure 3. Exemples compars de spectres mcaniques

    obtenus dans des gomtries conventionnelles et dans des gomtries de rho-reacteurs 25C.

    a) solution aqueuse de carboxymthylcellulose (2 % en poids): comparaison cne/plan et ancre.

    b) sauce salade (MAILLE): comparaison plan/plan et ruban hlicodal.

    Figure 4. Dtermination des temps tm et tc par mesure du

    couple C. formulation. De plus, entre les diffrentes tapes dune formulation, on peut insrer des analyses rhologiques, directement au sein dudit racteur,

    sans chantillonnage, qui renseignent sur les volutions rhologiques, voire structurelles, ainsi que sur linfluence des conditions dincorporation des diffrents ingrdients constitutifs dune formulation donne. Lorsque les additifs modificateurs de rhologie agissent de faon plus profonde sur le milieu (ractions chimiques, modifications physiques ou physico-chimiques, par exemple), le suivi rhologique in-situ peut se rvler tre un outil fort intressant pour ltude cintique des mcanismes mis en jeu, condition bien entendu que la cintique dvolution rhologique soit relativement lente par rapport au temps dhomog-nisation des conditions propices la caractrisation rhologique, texp. Si F est la fonction rhologique que lon cherche suivre au cours du temps, le nombre de mutation Nmu dfini par [5] :

    tF

    Ft

    Nmu = exp

    (6)

    ne doit pas excder quelques pour-cents. Ceci ne peut cependant tre vrifi qua posteriori. Ce temps dhomognisation peut tre le temps de macro-mlange (sil sagit de disperser un ractif ou un catalyseur), le temps de mise en temprature dans le cas de certaines ractions chimiques (rticulation ) ou dun processus de glification. Dans ces derniers cas, les rho-racteurs, en raison de leur taille rduite, prsentent lavantage de permettre un contrle thermique relativement ais. De plus, grce la spectroscopie mcanique transforme de Fourier, on peut maintenant effectuer non seulement un suivi de cintiques dvolutions rhologiques relativement rapides, mais surtout tudier celles-ci sur une plage de frquences plutt qu une frquence unique, la frquence fondamentale,

    exp0 /2 tk = (7) o k est le nombre de cycles par mesure. Cette technique permet entre autres une dtermination prcise du point de gel [6, 7]. Qui plus est, il est possible danalyser linfluence des conditions dincorporation dadditifs sur les cintiques dvolution rhologique. Ceci est particulirement utile lorsque les interactions ou associations sont induites par des dformations ou des coulements.

    3. Applications de lapproche rhologique systmique

    3.1 Formulation de bitumes additivs (conso-lids) Lincorporation de polymres dans les bitumes est une pratique rpandue de renforcement de leurs

  • Choplin et Marchal, Rhologie, Vol. 12, 7-16 (2007) 13

    proprits grce la prsence dagents de rticulation [8]. Le protocole dincorporation peut tre tudi laide dun rho-racteur, tel que celui illustr sur la Figure 5a. Il consiste chauffer le bitume sous agitation jusqu une temprature dsire afin de faciliter la dispersion du polymre ajout. La cintique de dispersion, puis lincorpo-ration de lagent rticulant (du soufre en loccur-rence) et la cintique de rticulation peuvent tre suivies via la mesure in situ de la viscosit, une vitesse de rotation donne du systme dagitation (a)

    Figure 5. a) photographie du rho-racteur de 75 mL; b) volution de la viscosit effective lors du protocole

    opratoire; c) dtermination de la temprature dornirage SHRP.

    (correspondant une vitesse de cisaillement effective) comme le montre la Figure 5b. Au terme de la raction de rticulation, lagitation est stoppe et le produit de la raction peut tre analys par spectroscopie mcanique, directement dans le rho-racteur, en utilisant une procdure norme SHRP [9] une frquence = 10 rad/s, la quantit G*/sin = 103 Pa tant corrle la temprature dornirage (Fig. 5c). Mme lchelle du rho-racteur, pas ncessairement reprsentative de conditions relles, il est possible dtudier leffet des nombreuses variables de procd sur les caractristiques du bitume additiv, dgager des tendances et sapprocher rapidement et moindre cot de procdures et protocoles optimaux.

    3.2 Hydratation et prise des ptes de ciment [10, 11] Les proprits des ciments sont contrles par leur microstructure, laquelle se dveloppe au cours dune suite particulirement complexe dtapes telles que le mouillage, le mlangeage (gchage), lhydra-tation, la prise et le durcissement. Ces tapes intimement lies transforment un matriau granulaire, dense et non cohsif, en un matriau particulirement structur et cohsif, via lajout dune quantit contrle deau. Les tapes de mouillage et de gchage sont reconnues dtermi-nantes pour le dveloppement de la microstructure et de la prise. Si ces deux premires tapes sont ralises dans un rho-racteur, le suivi du couple permet de quantifier lnergie mcanique fournie, tout en assurant une reproductibilit de cette partie du procd.

    Le suivi in-situ de lvolution structurelle du ciment aprs ces deux tapes peut tre ralis grce la spectroscopie mcanique (dans le domaine de viscolasticit linaire, pralablement dtermin par une srie dexpriences). La Figure 6 montre, pour un systme donn (eau/ciment = 0,3 en poids), lvolution des modules de stockage G et de perte G" trs petite dformation et une frquence de 1 Hz. Le temps t = 0 correspond la fin de la priode de gchage.

    On remarque une volution rhologique rapide au cours de 2 3 minutes suivant le gchage, due au dveloppement dinteractions courte porte (de corrlations ioniques) entre les surfaces des grains de silicate anhydre (phase I). Puis, durant la phase II, se produit la formation dhydrates de nature collodale (de taille infrieure 60 nanomtres) aux points de "contact" entre les particules anhydres (observables par microscopie AFM) qui contribuent accrotre la connectivit et une volution plus

  • 14 Choplin et Marchal, Rhologie, Vol. 12, 9-18 (2007)

    lente des modules, sur une priode de plusieurs heures. Le temps de prise, dfini par pntromtrie Vicat (aux environs de 90 minutes ici), napparat pas comme pouvant tre associ une ventuelle transition structurelle.

    Figure 6. Evolution des modules de stockage G et de perte G" aprs les tapes de mouillage et de gchage.

    3.3 Etudes des processus dinversion de phase catastrophique dynamique dmulsions [12, 13]

    Linversion de phase dmulsions est un processus au cours duquel un systme mulsionn passe, par exemple, dune morphologie eau-dans-huile une morphologie huile-dans-eau ou vice versa. Parmi les processus dinversion, un des plus rpandus dans lindustrie (peintures base de rsine poxy ou alkydes, fabrication dmulsions cosmtiques huile-dans-eau (H/E), par exemple), mme si pas vraiment matris, est un processus dinversion catastrophique dynamique, produit par un changement de compo-sition en mode discontinu (semi-batch), et qui prsente lavantage de permettre lobtention de trs fines gouttelettes.

    Dune faon gnrale le protocole opratoire consiste ajouter lentement de leau une huile contenant un surfactant hydrophile. Mme si, en principe, on obtient dans les premiers instants du

    procd une dispersion eau-dans-huile (E/H), en ralit on a trs vite une mulsion (dispersion) multiple (ou anormale) de type H/E/H, sous leffet de lagitation continue et surtout dun conflit entre composition et formulation (la rgle de Bancroft nest pas suivie). Progressivement, sous leffet combin de lagitation et de lajout continu deau, les gouttes deau deviennent plus nombreuses et gonflent en raison de lincorporation de fines gouttes dhuile et ce, jusqu latteinte dune fraction volu-mique critique de la phase disperse fwc (en loccurrence, leau contenant les gouttelettes dhuile), o se produit linversion dite catas-trophique.

    La mthodologie "rhologie systmique" savre tre particulirement intressante pour suivre in-situ lvolution simultane de la viscosit et de la conductivit du systme et tudier ce type de procd dinversion, dans un rho-racteur transform en "rho-mulseur", comme lindique la Figure 7.

    N

    outil disperseur(Ultra-Turrax)

    gomtrie de procd

    (ancre)

    conductimtre

    addition de phases

    bain thermostat

    cuve tournante

    Figure 7. Rho-mulseur.

    Dans la cuve thermostate tournante ( une vitesse de rotation N donne) plonge un outil de macro-mlange qui transmet un couple pour une mesure de viscosit une vitesse de cisaillement effective

    NKeff && = . &K est pralablement dtermin via lanalogie de Couette et une procdure dtalonnage qui prend en compte lexistence dautres outils (un disperseur Ultra-Turrax et une sonde de conductivit lectrique), ainsi que laugmentation de volume d lajout deau.

  • Choplin et Marchal, Rhologie, Vol. 12, 7-16 (2007) 15

    (Pa.s)

    fwc

    valeur pour H/E

    mulsion multiple h/E/H

    H/E E/H

    fwc

    (mS/cm-1)

    valeur pour E/H

    valeur pour H/E mulsion

    multiple h/E/H

    w mulsion

    simple H/E

    Figure 8. a) volution de la viscosit effective ;

    b) volution de la conductivit lectrique.

    Les Figures 8a et 8b montrent les volutions de viscosit et de conductivit respectivement, dans le cas o le systme et les conditions opratoires sont les suivants :

    - surfactant : Tween 80 (1 %), - huile : Krosne, - vitesse de cisaillement effective de loutil de

    macromlange : eff& = 75 s-1, - temprature : 20C,

    - vitesse de rotation de lUltra-Turrax : 10 000 tr/min,

    - dbit dincorporation de la phase aqueuse : 1,15 mL/min.

    Sur ces figures, on a trac les volutions thoriques de viscosit et de conductivit qui correspondraient des mulsions simples H/E. Les suivis de ces deux proprits sont tout fait en accord avec le mcanisme sus-mentionn qui sappuie sur le passage par une mulsion multiple H/E/H, dailleurs confirm par microscopie optique.

    3.4 Prparation semi-batch de dispersions concentres [14] Dans de nombreuses applications industrielles (peintures, ptes et papiers, enduits,), on utilise des suspensions hautement concentres (en fait, la concentration en phase solide disperse peut largement dpasser 70 % en volume, en utilisant des distributions granulomtriques multimodales). Leur prparation, en mode discontinu (semi-batch), nest cependant pas triviale. La mthodologie "rhologie systmique" peut tre utilise pour effectuer un suivi en ligne in-situ du processus de prparation desdites suspensions.

    Considrons un rcipient de prparation illustr sur la Figure 9a, muni dune turbine "defloc" (VMI-Rayneri), ainsi que dun systme connect un viscosimtre, systme consistant en un tube de guidage contenant une vis dArchimde (Fig. 9b). La position de ce systme est choisie afin dassurer un renouvellement permanent de produit. Une procdure dtalonnage pralable permet de dterminer la viscosit du produit au sein du viscosimtre pour une vitesse de cisaillement effective (correspondant une vitesse de rotation spcifique de la vis).

    La Figure 10a illustre lvolution de la viscosit ainsi mesure au cours du processus de fabrication de la dispersion. Une viscosit trs bruite et croissante est observe tant et aussi longtemps que dure lincorporation discontinue des particules solides, puis la viscosit dcrot progressivement et devient moins bruite au fur et mesure que les agglomrats de particules sont dtruits et disperss, pour atteindre une valeur "dquilibre".

    Nous avons compar la viscosit ainsi obtenue (on-line) avec une viscosit mesure hors-ligne (off-line). Comme le montre la Figure 10b, laccord est excellent jusqu 50 s-1, acceptable jusqu 100 s-1. Le comportement rhofluidifiant, puis rho-paissi-

  • 16 Choplin et Marchal, Rhologie, Vol. 12, 9-18 (2007)

    turbine dfloculeuse

    vis d'Archimde et tube de guidage

    (a)

    (b)

    Figure 9. a) Dispositif exprimental ; b) Dtail photographique du tube de guidage et de sa vis

    dArchimde.

    sissant de la suspension concentre est tout fait classique pour ce genre de dispersion. Au-del de 100 s-1, un cart notable est observ, d un dbit trop important dans le tube de guidage, qui gave le systme et cre des coulements complexes (contre-courant notamment). Une vis dArchimde de pas plus faible doit remplacer la vis utilise pour viter ce phnomne dans cette plage de vitesse de cisaillement.

    0

    1

    2

    3

    4

    5

    6

    7

    8

    9

    10

    400 450 500 550 600 650 700 750Time (s)

    On-

    line

    visc

    osity

    (Pa.

    s)

    t (s)

    (Pa.s)

    (a)

    0,1

    1

    10

    1 10 100 1Shear rate (s-1)

    Vis

    cosit

    y (P

    a.s)

    Off-line Viscosity

    On-line Viscosity

    (Pa.s)

    & (s-1)

    (b)

    Phase dincorporation

    Phase de dispersion (Destruction

    progressive des agglomrats)

    Figure 10. a) Evolution de la viscosit effective (de procd) au cours de prparation discontinue dune

    suspension trs concentre ; b) Comparaison des viscosits en- et hors-ligne au terme de la prparation.

    3.5 Propergols [15, 16] Les propergols solides, agents de propulsion, sont, avant leur mise en forme, des produits liquides (suspensions trs concentres) constitus essentiel-lement dun liant polymre et de solides pulvrulents (appels charges), dont la fraction volumique est en gnral de lordre de 75 % (distribution de tailles bimodale). Le liant polymre contient un certain nombre dingrdients, dont un agent de rticulation responsable de la transformation du "propergol liquide" en un propergol solide.

    Llaboration des propergols donne lieu une srie doprations successives : mlangeage en cuve des ingrdients, transport de la cuve sur le site de latelier de remplissage des moteurs du lanceur, vidange de la cuve par coule gravitaire sous vide ( travers des vannes, des tubulures et une grille). Les tapes qui suivent ltape de mlangeage sont souvent responsables de pertes dhomognit de la suspension, qui peuvent perturber la propagation du front de combustion dans le lanceur.

    La mthodologie systmique peut tre utilise pour partiellement "simuler" (peut-tre faudrait-il dire "mimer") toutes les tapes du procd dlaboration

  • Choplin et Marchal, Rhologie, Vol. 12, 7-16 (2007) 17

    des propergols dans un rho-racteur (comme celui illustr sur la Figure 5a), afin dvaluer linfluence de divers paramtres (vitesse dagitation, vitesses de cisaillement lors des transferts et lors du passage travers la grille de coule) sur la cintique de rticulation et ainsi permettre de mieux apprhender ledit procd et, partant, la qualit du propergol solide final.

    Figure 11. Suivi rhologique des tapes de mlangeage (a), de transfert (b) et de rticulation (c) des propergols.

    La Figure 11a montre lvolution dune viscosit effective ( une vitesse de cisaillement effective de 5 s-1) lors de ltape de mlangeage o tous les ingrdients sont incorpors de faon squentielle. Les fluctuations enregistres et leurs dures permettent dvaluer des temps de macromlange (qui se sont rvls tout fait comparables aux valeurs obtenues sur site industriel). La Figure 11b

    montre la rponse en viscosit effective une srie de crneaux de vitesses de cisaillement corres-pondant ltape de vidange, tandis que la Figure 11c montre une cintique de rticulation du propergol, ralise in-situ dans le rho-racteur sous forme dun suivi des modules de stockage G et de perte G", valus une frquence de l rad/s dans le domaine de viscolasticit linaire, simulant lvolution des caractristiques rhologiques du propergol dans le lanceur.

    4. Conclusions

    Dans le contexte de la rhologie systmique, lutilisation de rho-racteurs permet dobtenir des informations rhologiques pertinentes grce une analyse base sur une analogie de Couette. Selon les cas, les informations rhologiques extraites sont compltes ou partielles et, de plus, intgrent des paramtres et conditions lis au procd dlabo-ration des produits. Ds lors, la rhologie systmique devient un outil daide efficace et il est possible de parler de gnie des produits assist par rhologie. Cette rhologie systmique se situe au carrefour entre la rhologie "classique" et la rho-physique.

    Remerciements

    Les auteurs souhaitent remercier les socits partenaires (passes ou prsentes) du Laboratoire GEMICO pour leur soutien au cours des dernires annes : Total, SNPE/SME, Lafarge, LVMH Recherches, Chanel, CEA, Eurovia, TA Instruments, Rhodia, Danone, Fromageries Bel, Arcelor, Schneider Electric.

    5. Rfrences [l] de Rosnay, J., Le macroscope. Vers une vision globale, Le Seuil, Paris (1975).

    [2] At-Kadi, A., Marchal, P., Choplin, L., Chrissemant A.S., Bousmina, A.S., Quantitative analysis of mixer-type rheometers using Couette analogy, Can. J. Chem. Eng., 80, 1166-1174 (2002).

    [3] Brito de la Fuente, E., Leuliet, J.C., Choplin, L., Tanguy, P.A., On the effect of shear-thinning behavior on mixing with a helical ribbon impeller, A.I.Ch.E. Symp. Series, 286, 28-32 (1992).

    [4] Choplin, L., Marchal, P., Rheo-reactor for in situ rheological follow-up of chemical or physical processes, Ann. Trans. Nordic Rheol. Soc., 7, 5-12 (1999).

    [5] Winter, H.H., Morganelli, P., Chambon, F., Stoichiometry effects on rheology of model polyurethanes at the gel point, Macromol., 21, 532-535 (1988).

    [6] In, M., Prudhomme, R.K., Fourier transform mechanical spectroscopy of the sol-gel transition in

  • 18 Choplin et Marchal, Rhologie, Vol. 12, 9-18 (2007)

    zirconium alkoxide ceramic gels, Rheol. Acta, 32, 556-565 (1993).

    [7] Doublier, J.L., Durand, S., Lefebvre, J., Application of Fourier transform mechanical spectroscopy to polysaccharide systems undergoing structural changes, Proc. XIIIth Intern. Congr. on Rheology (A. At-Kadi et al.eds.), Qubec, 843 (1996).

    [8] Lesueur, D., La rhologie des bitumes : principes et modification, Rhologie, 2, 1-30 (2002).

    [9] American Association of State Highway and Transportation Officials (AASHTO), AASHTO Standard T 315-02, Washington, USA (2002).

    [10] Jiang, S., Mutin, J.C., Nonat, A., Studies on mechanism and physico-chemical parameters at the origin of the cement setting II. Physico-chemical parameters determining the coagulation process, Cem. Concr. Res., 26, 491-500 (1996).

    [11] Nachbaur, L., Mutin, J.C., Nonat, A., Choplin, L., Dynamic mode rheology of cement and tricalcium silicate pastes from mixing to setting, Cem. Concr. Res., 31, 183-192 (2001).

    [12] Salager, J.L., Anton, R.E., Briceno, M.I., Choplin, L., Marquez, L., Pizzino, A., Rodriguez, M.P., The emergence of formulation engineering in emulsion making, Transferring know-how from research laboratory to plant, Polym. Int., 52, 471-478 (2003).

    [13] Tyrode, E., Allouche, J., Choplin, L., Salager, J.L., Emulsion catastrophic inversion from abnormal to normal morphology. 4: following the emulsion viscosity during inversion and extending the critical dispersed phase concept, Ind. Eng. Chem. Res., 44, 67-74 (2005).

    [14] Furling, O., Choplin, L,. Tanguy, P.A., On-line (in situ) viscosity follow-up of concentrated slurries during makedown, Trans. I. Chem. E., 79A, 915-920 (2001).

    [15] Davenas, A., History of the development of solid rocket propellant in France, J. Propulsion Power, 11, 285-291 (1995).

    [16] Davenas, A., Solid Rocket Propulsion Technology, Pergamon Press, Oxford (1993).

    [Abridged English version]

    Systemic rheology or a rheology-aided process and product engineering

    The demand from the market place for very sophisticated products combining several functions and properties is still significantly growing. In order to properly satisfy this need, appropriate formulations are required. Until now, formulation recipes have mainly resulted from experience and empirical tests, in other words from art. Recently, it has become more and more necessary to turn this art into a science, a multi-faceted science integrating chemistry, physical chemistry, rheology, chemical engineering, interfacial science... Among the numerous objectives of formulation engineering science, we have focused our interest on those that are related to the formulation of rheologically complex media. For instance, some of our specific objectives are :

    - to develop an integrated or systemic approach for studying the rheologically complex and evolving systems as a whole;

    - to develop a deep understanding of the physical and/or chemical underlying mechanisms and interactions behind the several steps of a specific product manufacturing process; We have developed an original methodological tool, the systemic rheology, which aims at studying complex and evolving systems as a whole with the help of rheology, in conditions that can mimic somehow some steps of a given chemical or physical process. This has been made possible by replacing conventional geometries used for traditional rheological characterisation by process geometries, for example an impeller-vessel combination, which is nothing but a rheo-reactor in which some chemical or physical processes can be carried out in both batch or semi-batch conditions. This is a powerful tool provided rheology can be seen, to some extent, as a macroscopic mirror of events or phenomena occurring at a microscopic scale Key words: Rheology, Process engineering, Product engineering, Systemic rheology, Formulation

    /ColorImageDict > /JPEG2000ColorACSImageDict > /JPEG2000ColorImageDict > /AntiAliasGrayImages false /DownsampleGrayImages false /GrayImageDownsampleType /Bicubic /GrayImageResolution 300 /GrayImageDepth 8 /GrayImageDownsampleThreshold 1.50000 /EncodeGrayImages true /GrayImageFilter /FlateEncode /AutoFilterGrayImages false /GrayImageAutoFilterStrategy /JPEG /GrayACSImageDict > /GrayImageDict > /JPEG2000GrayACSImageDict > /JPEG2000GrayImageDict > /AntiAliasMonoImages false /DownsampleMonoImages false /MonoImageDownsampleType /Bicubic /MonoImageResolution 1200 /MonoImageDepth -1 /MonoImageDownsampleThreshold 1.50000 /EncodeMonoImages true /MonoImageFilter /CCITTFaxEncode /MonoImageDict > /AllowPSXObjects false /PDFX1aCheck false /PDFX3Check false /PDFXCompliantPDFOnly false /PDFXNoTrimBoxError true /PDFXTrimBoxToMediaBoxOffset [ 0.00000 0.00000 0.00000 0.00000 ] /PDFXSetBleedBoxToMediaBox true /PDFXBleedBoxToTrimBoxOffset [ 0.00000 0.00000 0.00000 0.00000 ] /PDFXOutputIntentProfile (None) /PDFXOutputCondition () /PDFXRegistryName (http://www.color.org) /PDFXTrapped /False

    /Description >>> setdistillerparams> setpagedevice