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Edgar Andréani A Gauron Cinq esquisses de croissance pour 1985 In: Economie et statistique, N°15, Septembre 1970. pp. 21-44. Citer ce document / Cite this document : Andréani Edgar, Gauron A. Cinq esquisses de croissance pour 1985. In: Economie et statistique, N°15, Septembre 1970. pp. 21-44. doi : 10.3406/estat.1970.1980 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_0336-1454_1970_num_15_1_1980

Cinq esquisses de croissance pour 1985 - epsilon.insee.fr · économiques résultant de comportements et de ... tête dans les esquisses C et E, celle du taux de la croissance

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Edgar AndréaniA Gauron

Cinq esquisses de croissance pour 1985In: Economie et statistique, N°15, Septembre 1970. pp. 21-44.

Citer ce document / Cite this document :

Andréani Edgar, Gauron A. Cinq esquisses de croissance pour 1985. In: Economie et statistique, N°15, Septembre 1970. pp.21-44.

doi : 10.3406/estat.1970.1980

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_0336-1454_1970_num_15_1_1980

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ResumenCinco bosquejos sobre crecimiento para 1985 s por Edgar ANDREANI y André GAURON.La Division de Programas del I.N.S.E.E. ha realizado cinco bosquejos sobre crecimiento para 1985, loscuales intentan caracterizar diversos tipos de evolución económica por medio de un conjuntorelativamente limitado de magnitudes : parte de la inversion y del consumo, parte del consumocolectivo y privado, duración del trabajo y del entretenimiento, etc..Los bosquejos describen esquemáticamente las circunstancias económicas que resultarian de larealización de diversas hipótises sobre la evolución del progreso técnico y el ámbito internacional, ysobre la evolución del comportamiento económico de los obradores sociales.1. Los dos primeros bosquejos trazan la evolución económica caracterizada por una notabledisminución del crecimiento : En el bosquejo A esta disminución tiene su origen en una disminución delritmo de progreso técnico; en el bosquejo B, esta producido por un ámbito internacional desfavorable.2. Los tres demás bosquejos est ri ban sobre la hipótesis de se mantenga el actual ritmo de progresotécnico y de un ámbito internacional favorable. Describen equilibrios económicos que resultan decomportamientos y de politicas distintas; en el bosquejo C las ventajas mercantiles vienen en primerlugar y en el bosquejo D los bienes colectivos y el entretenimiento; en el bosquejo E se supone lapuesta por obra de una polftica de equipamiento industrial.

AbstractFive outlines of growth for 1985 by Edgar ANDREANI and André GAUR0N.The Division of Programs of the « I.N.S.E.E. » has drawn five outlines of growth for 1985 which try tocharacterize various types of economic evolution by a set relatively limited of magnitudes such as ratioof investment and consumption, ratio of collective and private consumption, hours of work and ofleisure... etc.The outlines describe schematically the economic situation which would result from the realization ofvarious assumptions about the evolution of the technical progress and international context and aboutthe evolution of the economic behaviour of the social agents.1. The two first outlines describe economic evolutions characterized by a slower rate of growth. In theoutline A, the slackening originated in a lower rate of technical progress; in the outline B it comes fromunfavourable international conditions.2. The three other outlines are based on the assumption of a maintenance of the actual rate of growth oftechnical progress and the durability of unfavourable international conditions. They describe economicbalance resulting from different behaviours and policies. In the outline C, priority is given to goods; inthe outline D to collective services and leisure. In the outline E a policy of industrial equipment issupposed to be carried out.

RésuméLa Division des Programmes de l'I.N.S.E.E. a tracé cinq esquisses de croissance pour 1985, quis'efforcent de caractériser divers types d'évolution économique par un ensemble relativement limité degrandeurs : part de l'investissement et de la consommation, part des consommations collectives etprivées, durées du travail et des loisirs, etc.Les esquisses décrivent schématiquement les situations économiques qui résulteraient de la réalisationde diverses hypothèses sur l'évolution du progrès technique et l'environnement international, et surl'évolution du comportement économique des acteurs sociaux.1. Les deux premières esquisses retracent des évolutions économiques caractérisées par unralentissement sensible de la croissance : Dans l'esquisse A, une diminution du rythme du progrèstechnique est à l'origine de ce ralentissement; dans l'esquisse B, il est produit par un environnementinternational' défavorable.2. Les trois autres esquisses reposent sur l'hypothèse d'une poursuite du rythme actuel du progrèstechnique et du maintien d'un environnement international favorable. Elles décrivent des équilibreséconomiques résultant de comportements et de politiques différentes, dans l'esquisse C la priorité estdonnée aux avantages marchands; dans l'esquisse D aux biens collectifs et aux loisirs; dans l'esquisseE est supposée mise en oeuvre une politique d'équipement industriel.

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Cinq esquisses de croissance pour 1985

par Edgar ANDREANI et André GAURON

Les perspectives économiques à long terme établies par l'I.N.S.E.E. en 1968 à la demande du Commissariat général du Plan viennent d'être reprises., La révision récente des évaluations de comptabilité nationale et la prise en compte des schémas de croissance pour 1975 étudiés par la Commission de l'économie générale et du financement dû VIe Plan enrichissent ce nouveau travail. La division des Programmes de l'Ï.N.S.E.E.^a ainsi tracé, cinq, esquisses de croissance pour 1985, qui s'efforcent de caractériser divers types d'évolution économique par un ensemble relativement limité de grandeurs : part de l'investissement et deJa consommation, part des consommations collectives et privées, durées du travail et des loisirs, etc. Offertes àla réflexion par référence à la structure actuelle de l'économie française, à celle envisagée par le VIe Plan et à divers exemples étrangers, elles sont certes loin de couvrir toutes les situations possibles et on peut* même leur reprocher de manquer d'imagination eu égard à la durée de quinze ans choisie. Ellësiaurontiau: moins le, mérite de montrer quelques implications ou incompatibilités dans l'évolution rdes grandeurs-étudiées.

Les cinq esquisses de croissance présentées ici décrivent schématiquement les- situations économiques qui résulteraient de la réalisation de diverses hypothèses sur l'évolution du progrès technique, de l'environnement international et sur l'évolution du comportement économique des acteurs sociaux :

1. Les deux premières esquisses retracent des évolutions économiques caractérisées par un ralentissement, sensible de la croissance : dans l'esquisse A, une diminution du rythme du progrès technique est à l'origine de ce ralentissement; dans l'esquisse B, il est produit par un environnement international défavorable;

2. Les trois autres esquisses reposent sur l'hypothèse d'une poursuite du rythme actuel du progrès technique et du maintien d'un environnement internationaLfavorable. Elles décrivent des équilibres économiques résultant de comportements et de politiques différents; dans l'esquisse C la priorité est donnée aux avantages marchands; dans l'esquisse D aux biens collectifset aux loisirs; dans l'esquisse E une politique d'équipement industriel est supposée être mise en œuvre.

Des hypothèses alternatives

Les esquisses reposent sur des hypothèses relatives aux facteurs de production : population active, durée du travail, productivité. Ces hypothèses déterminent le taux de croissance lié à l'esquisse; le modèle utilisé permet ensuite d'obtenir, compte-tenu de la structure de la demande finale, la répartition de la valeur ajoutée et de la population active entre les différentes branches productives \

La vraisemblance des esquisses ainsi élaborées dépend d'abord de la vraisemblance des hypothèses. Celles-ci ne

peuvent. pas être déterminées, en. prolongeant simplement les, tendances passées, ce qui sous-entendrait que les structures antérieures de production restent inchangées. Les projections doivent être « raisonnées », c'est-à-dire que l'évolution passée doit être étudiée par rapport aux conditions historiques qui lui ont donné naissance. La vraisemblance des hypothèses mène ainsi à l'analyse des mécanismes, du développement. Sans prétendre effectuer cette analyse nous nous efforcerons, avant de présenter les esquisses elles-mêmes, de relier les principales grandeurs que nous retiendrons aux évolutions historiques observées tant en, France que dans les principaux pays industriels. Ceci nous conduira dans la plupart des cas, non pas à une tendance future mais à plusieurs évolutions alternatives.

Conditions incomplètement définies

Les hypothèses élémentaires» ainsi définies, la construction d'une esquisse exige qu'un choix soit effectué entre les diverses combinaisons possibles, afin que la combinaison retenue soit elle-même vraisemblable. Le recours à un modèle semi-global définit un premier cadre de cohérence, même s'il reste extrêmement fruste. De* plus, outre la facilité de maniement qui résulte de la formalisation et de la mise sur ordinateur, ce modèle assure la cohérence d'une part entre la structure de la production et celle de la de-

1. Le modèle est une version simplifiée du modèle qui a été utilisé pour effectuer la première projection à moyen terme lors de la préparation du V* Plan : Cf. : « Méthodes de programmation dans le V* Plan », Études et conjoncture. décembre 1966 (Annexe II, p. 121-124). Il a été décomposé en huit branches de façon à ce que les résultats obtenus pour 1985 puissent être comparés à ceux produits par le modèle « FIFI » pour 1975. Les huit branches sont les suivantes : (1) Agriculture; (2) Industries agricoles et alimentaires; (3) Énergie; (4) Industrie; (5) Transports et Télécommunications; (6) Service du logement; (7) Bâtiment, travaux publics et services; (8) Commerces.

CINQ ESQUISSES POUR 1985 21

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mande finale (par le jeu d'un tableau d'échanges interindustriel agrégé), d'autre part entre la production et la structure de l'emploi.

Mais l'utilisation du modèle n'est pas purement mécanique et renvoie constamment à une réflexion sur les mécanismes du développement social : celle-ci, dans le cadre de cette étude, reste forcément limitée.

La réalisation effective d'une hypothèse donnée suppose la réalisation simultanée des conditions financières (financement des^investissements, équilibre de l'épargne,...). Elle suppose aussi que l'évolution des revenus et de la pression fiscale soit compatible avec les équilibres physiques. Or, l'évolution du taux de croissance de la consommation par tête dans les esquisses C et E, celle du taux de la croissance des investissements en logements supposent une croissance importante du revenu des ménages et par conséquent une- forte croissance soit du taux de salaire,; soit des transferts aux ménages., Le chiffrement même grossier; de; ces taux permettra de préciser dans quelles conditions de croissance < des revenus telle ou telle esquisse est vraisemblable.

Ce travail effectué, il conviendrait encore de s'interroger sur- les conditions socio-politiques à venir. Les problèmes que nous allons déceler, les hypothèses qui nous seront nécessaires, montrent clairement que celles-ci joueront un rôle déterminant dans le développement. S'il est vrai qu'à long terme il existe des choix importants, il est non moins vrai que ceux-ci ne peuvent pas être envisagés indépendamment des acteurs sociaux.

Une • réflexion < approfondie • permettrait sans - doute de percevoir les interdépendances fondamentales entre développement économique et rapports sociaux. La mise 'en évidence des tensions nous permettrait d'aller au-delà'dans notre connaissance des différentes voies de développement et de préciser la nature de la politique économique et sociale à mettre en œuvre. Mais il s'agirait là d'un travail d'une autre nature et d'une toute autre ampleur. En soulignant certaines des- cohérences \ globales ■ dont ■ le respect conditionne' la réalisation des objectifs, l'élaboration d'esquisses différenciées balise néanmoins le champ du devenir et apporte une contribution indispensable à l'explicitation des choix.

1

Les principales hypothèses

L'utilisation qui est faite de la production, varie sensiblement d'un pays à l'autre et d'une période à l'autre selon l'effort d'investissement productif et l'importance de la demande publique. Les comparaisons - effectuées sur la période 1956-1965 entre sept pays industrialisés permettent de les rattacher grossièrement à quatre groupes 2 :

1. Un premier groupe (France,- Italie,, Grande-Bretagne)

se caractérise par la part relativement faible de la demande publique et de l'investissement dans le Produit national brut (P.N.B.) et la part relativement forte accordée à la consommation privée (65% environ);

2. L'Allemagne et le Japon, avec des caractéristiques très différentes, accordent une place importante à l'investissement productif (plus de 20% en Allemagne; plus de 30% au Japon) et moindre à la consommation privée (moins de 60%). Mais la demande publique est comparable à celle des pays du premier groupe en Allemagne; elle est plus faible au Japon;

3. La Suède consent un effort soutenu en faveur de. la demande publique et de l'investissement productif simultanément;

4. Aux États-Unis, la part de la consommation privée est forte (65%)," celle de la demande publique civile relativement' faible, celle de l'investissement productif- faible.'.

D'importantes transformations sont possibles

Cette différence de structure entre pays s'accompagne aussi d'une différence d'évolution. Dans les pays où la part de la consommation privée est forte, elle s'est maintenue sur toute la période. Aux États-Unis la part de l'investissement est restée stable. Mais dans les trois pays du premier groupe l'effort d'investissement productif a été finalement réalisé au détriment de la demande publique. Au contraire, dans les pays où la part de la consommation privée est plus faible,- c'est à son détriment qu'a été accru l'investissement productif et la part de la dépense publique est restée stable sauf au Japon où, quoique faible, elle tend encore à diminuer.

L'objet de cet article n'est pas d'expliquer les différences observées ni la logique de ces évolutions. Une analyse approfondie des mécanismes du développement à long terme ainsi que de l'impact des choix politiques implicites ou explicites serait nécessaire. Nous retiendrons néanmoins de ces remarques deux conclusions :

— la structure de la demande finale n'est pas donnée une fois pour toutes; elle n'est pas non plus liée à la seule croissance même si celle-ci détermine le volume global des ressources à répartir; — par conséquent, on peut envisager en longue période des modifications importantes de cette structure. Ces modifications résulteraient, notamment de choix politiques (accélération ou freinage de l'accroissement des dépenses publiques; actions tendant à influencer le comportement des autres agents économiques et donc finalement le partage consommation-investissement):

Nos différentes esquisses pour 1985 vont donc se caractériser non seulement par une évolution différente des fac-

2. Source : O.C.D.E., Comptes nationaux 1956-1965. Les données françaises sont tirées des séries de comptabilité nationale établies sur la « base 1959 ». 22

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teurs physiques de la croissance mais aussi par des orientations différentes dans l'évolution de la demande finale. Pour préciser la nature et l'ampleur des besoins qui sont affectées par ces orientations, il est nécessaire d'analyser poste par poste la demande finale.

L'investissement : productif

A long terme, le taux d'investissement productif est une des grandeurs économiques- les pi us i difficiles, à évaluer. D'une part, la décision d'investir dépend du comportement des entrepreneurs,, des moyens dont ils, disposent- et des prévisions qu'ils font à un<moment donné. MaiSîd'autre part, le taux de croissance de la production est une fonction du taux de croissance du stock de capital productif. Dans les perspectives» d'une croissance régulière,, destinée à se poursuivre au-delà de l'année terminale de la projection, les investissements -à réaliser en 1985 afin de soutenir la croissance au-delà,, seront donc d'autant plus élevés que la croissance aura été rapide. Il aurait doncfallu examiner, le taux d'investissement productif pounl'année 1985 en fonction du taux de croissance de la valeur ajoutée. Le chiffrement de cette relation n'a pas- été résolu; elle aurait été de toutes façons difficilement utilisable dans le» cadre de notre modèle. Nous avons donc simplement retenu trois taux d'investissement productif en nous référant à l'évolution passée et à celles envisagées pour 1970-1975.

Investissement productif en % de la P. I. B.

1959

14,1

1965

15,7

1969 provisoire

16,7.

1975, (estimât, moyen.)

17,5

Dans les conditions d'une croissance faible, l'effort d'investissement se ferait à un rythme assez. lent. Le taux ne dépasserait pas 17,5 %;en .1985, pourcentage qui d'après les évaluations moyennes pour, la période du VI <v Plan, pourrait être atteint dès 1975.' Au contraire, une restructuration énergique, une diffusion rapide des techniques nouvelles permettrait une croissance plus forte mais exigerait un effort d'investissement plus soutenu. Nous avons admis que la hausse du taux d'investissement se poursuivrait dans ce cas, quoique plus lentement à partir de 1975 et que ce taux atteindrait 18,3 % en 1985. Enfin, dans le cas où une priorité absolue serait accordée au développement industriel, l'accélération marquée de la croissance, l'exode rural accéléré, la conquête de marchés étrangers exigeraient un surcroît d'investissement. Nous avons retenu dans ce cas pour 1985 le taux de 19,1 %. On pourra juger cette fourchette 17,5%-19,1% relativement étroite. On verra qu'elle suffit cependant à bien « typer » les esquisses selon qu'elles retiennent l'une ou l'autre de ces hypothèses.

La consommation publique

Une étude des aspects physiques de la croissance ne retient qu'une partie des dépenses publiques. Elle ignore l'ensemble des opérations de répartition et notamment : — les salaires versés par les administrations à leurs agents; — les transferts aux ménages et par conséquent le partage entre la redistribution et l'allocation de biens et services; — les subventions aux entreprises publiques et nationalisées et , par conséquent le degré de privatisation de certains équipements collectifs (téléphone...).

Il sera, nécessaire, dans une étude ultérieure, d'associer des opérations de répartition à nos esquisses de croissance, ce, qui "permettra en > particulier de mieux déterminer la nature des interventions publiques. Pour ce qui concerne seulement la consommation matérielle et les investissements desiadministrations nous retenons ici trois hypothèses :

• Ralentissement de la progression à partir de 1970. Cette hypothèse est associée à des hypothèses sur les

facteurs de production qui conduisent à un ralentissement de la croissance de la production intérieure brute (P.I.B.). La part des dépenses publiques dans la P.I.B. resterait alors à peu près constante de 1965 à 1985. Encore une fois, cela ne concerne que les opérations des administrations sur biens et services. Dans le passé, les dépenses de transfert se sont accrues plus rapidement que celles-ci. Le poids total des interventions de l'État dans l'économie pourrait donc augmenter malgré cette stabilité des opérations sur biens et services. L'hypothèse ne traduit pas une volonté délibérée de' libéralisme; elle correspond au fait qu'une croissance ralentie est de nature à rendre plus aigu le conflit entre consommation privée et consommation publique et à réduire ainsi la marge sociale de choix dans l'utilisation de la production. Il a été admis dans cette hypothèse que la consommation et la F.B.C.F. 3 des administrations croîtraient globalement au taux annuel moyen de 5 % de 1965 à -1985.

• Prolongation du taux 1965-1970 jusqu'en 1985. Les pouvoirs publics pourraient envisager de restructurer

leurs dépenses, en* privatisant certaines activités appartenant jusqu'ici à leur domaine. C'est ainsi que nombre d'équipements d'infrastructure (téléphone, autoroutes...) pourraient être concédés à des entreprises privées moyennant le respect d'un cahier de charges. Les dépenses de transfert seraient affectées au premier chef. Mais les dépenses en biens et services le seraient aussi : la part des revenus directs dans le revenu des ménages s'accroîtrait; de même dans la P.I.B. celle de la consommation privée par rapport à la consommation publique; l'importance des investissements publics devrait se réduire. Dans cette optique on a extrapolé le taux annuel moyen de croissance observé de 1965 à 1970 qui est l'un des taux les plus faibles mesurés sur la période récente : 5,4% par an.

3. Formation brute de capital fixe. CINQ ESQUISSES POUR 1985 23

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• Application du taux moyen. prévu dans le compte de base du VIe Plan à la période 1965-1985. On peut considérer au contraire l'hypothèse d'un renfo

rcement des interventions publiques par rapport à la période récente, soit que l'État supplée l'initiative privée dans des secteurs nouveaux dont la rentabilité n'est pas encore perçue, soit surtout que les pouvoirs publics privilégient les besoins collectifs que les mécanismes du marché ne peuvent satisfaire.

Parmi les trois comptes présentés en annexe du rapport sur les options du VIe Plan, le compte moyen table sur une croissance annuelle de 7,4 % de la demande publique entre 1970 et ' 1975. Ce taux. est nettement supérieur à celui observé entre 1965 et 1970; il est plus élevé aussi que celui de la P.I.B. Nous l'avons retenu comme troisième hypothèse en l'extrapolant à. toute la période 1965-1985, ce qui suppose une > accélération de la progression des dépenses publiques à partir de 1971 et une nouvelle accélération en 1975.

L'investissement en logement

Le raisonnement en matière de logement doit porter sur le parc de logement qui existera en 1985 en même temps que sur le rythme de la construction à cette époque4.

Deux hypothèses ont été retenues. L'hypothèse forte apparaîtra . certainement colossale puisqu'elle suppose le triplement du rythme de construction actuel. Mais la structure d'âge du parc ainsi obtenu serait comparable à celle qui existe actuellement au Pays-Bas, en Allemagne de l'Ouest ou en Suède;, cette hypothèse ne fait donc ! que souligner l'ampleur du. retard de la France par conséquent de l'effort à accomplir.

La détermination du parc «représente.' des besoins -normatifs en partie indépendants des problèmes de demande solvable et de conditions de financement. Nous ne pouvons pas; ici nous interroger sur les revenus des ménages, leurs utilisations possibles, ni sur la part de l'aide de l'État. Mais le réalisme de ces hypothèses est étroitement fonction de la capacité financière des ménages à consacrer une partie de leurs ressources à améliorer leur habitat, ainsi que de l'aide que l'État accordera aux ménages notamment sous la forme de programmes H.L.M. Par ailleurs, elle dépendra également de l'évolution des coûts relatifs de la construction dont la Commission de l'habitat prévoit à moyen terme la diminution, sans toutefois méconnaître les difficultés inhérentes à une telle baisse.

La hiérarchie qui s'établit entre les différents s besoins tend par ailleurs à déterminer la répartition de la consommation par produits. La diffusion des modèles de consommation et l'accès à de nouveaux biens à mesure que le revenu s'accroît permettent de lier l'évolution de la structure de la consommation par tête d'une part au taux de croissance de la consommation globale et d'autre part à la structure des prix relatifs des produits. La connaissance de la population totale, déterminée de façon cohérente avec la population active totale, permet d'obtenir le chiffre global et la structure de la consommation privée4.

Le modèle de répartition de la consommation1 ainsi utilisé prolonge l'évolution de la structure observée sur le passé ( indépendamment d'une ' analyse de la « demande sociale » qui résulte de l'évolution du mode de vie à. long terme. En particulier, elle accentue le déclin des produits alimentaires dans la consommation totale au profit > essentiellement de produits industriels. La croissance des services y «apparaît: relativement 'faible, ce qui pourra apparaître contradictoire avec l'idée > reçue * d'une croissance rapide des services consommés par les ménages 5. Seules des études détaillées intégrant une analyse sur la structure de la consommation des ménages dans des pays comme la Suède et les U.S.A. pourraient permettre de -lever cette incertitude.

Le rythme de la croissance

Les taux de croissance que connaît notre économie depuis la fin de là deuxième guerre mondiale semblent exceptionnellement élevés si on les replace dans l'évolution, de très longue période.' Ainsi,- le taux annuel de croissance de 5,3%~de la production intérieure brute, constaté de 1949 à 1959, correspond à un doublement en 14 ans; le taux de 6,2% constaté de 1959 à 1969, à un doublement en 12 ans (tableau 1).

Le phénomène d'accélération de la croissance depuis la fin de la deuxième guerre mondiale et d'ailleurs général à l'ensemble des pays industrialisés (tableau 2). Il semble être le résultat d'une part du rattrapage économique après la grande crise et la guerre et d'autre part à une intensification des applications du développement scientifique et technique au processus de production. Dans ces conditions, de tels rythmes de croissance vont-ils se maintenir au cours de prochaines années? Telle est la question centrale

La consommation des . ménages

Aucune hypothèse n'a été faite directement pour la consommation des ménages. Dans le modèle, celle-ci apparaît comme un solde résultant des arbitrages précédents. Sa valeur globale dépend seulement du taux de croissance de la production intérieure brute. Mais il a fallu examiner sa répartition en grands postes de manière à déterminer les grandes composantes de la demande finale.

4. Voir « Plan et Prospectives. Le Logement » Commissariat général du Plan Armand Colin 1970. 5. Le modèle utilisé a été estimé sur la nouvelle base de comptabilité nationale et les résultats systématiquement confrontés à ceux obtenus en appliquant les évolutions en base 59 à partir de l'année 1965 exprimée en nouvelle base. Des corrections n'ont été nécessaires que dans le cas de l'énergie et des transports collectifs. Voir G. Vangrevelinghe : « Modèles et projection de la consommation s», Économie et statistique, n" 4. 6. Cette idée reçue provient en partie d'une confusion entre la croissance des dépenses de services due à l'augmentation du prix relatif des services, et la croissance proprement dite du volume de services consommés. 24

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lescolieetwns Projections démographiques

de Vinseemw la France ££&£«. SERIE D " DEMOGRAPHIE ET EMPLOI " N° 6 Les projections de populations totale, de population active et scolaire et du nombre de ménages pré

sentées dans ce volume permettent d'apprécier les changements qui, en l'absence de migrations extérieures, affecteront la population française au cours des trente années à venir * Vieillissement croissant de la population, tant en nombres absolus qu'en valeur relative : le nombre des vieillards doit augmenter de plus de 50 % d'ici la fin du siècle alors que la population totale n'augmentera, selon l'évolution de la fécondité, que de, 19 à 28%* faible accroissement du volume de la population active qui ne. doit guère augmenter d'ici à 1972 — en l'absence de migrations extérieures — mais connaîtra une progression plus rapide au-delà * Croissance du nombre des ménages plus rapide que celle de la population totale (1.2% par an contre 0,5% à 0,8%).

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TABLEAU 1. Rythmes de croissance de la production française Taux annuel moyen en %

Périodes

Production intérieure brute

. Produit national brut

1896 1913 -

+ 1,9

+ 1.8

1913 1920

- 1.8

1920 1929

+ 4,5

+ 1,5

1896 1929

+ 1.8

+ 1.7

1929 1938

- 0,2

— 0,1

1938 1949;

+ 0,9

+ 1,1

1949 1959

+ 5,3

+ 5,0

1959 1969

+ 6,2

-f 5,9

1929 1969

+ 3,0

+ 2,9

Source : CARRÉ, DUBOIS, MALINVAUD, « Croissance française. Un essai d'analyse économique causale de l'après-guerre » (à paraître aux éditions du Seuil) et Comptes de la Nation.

TABLEAU 2. Taux de croissance annuels moyens en France et dans quelques autres pays

France Allemagne États-Unis Italie Royaume-Uni

'Production globale (*). 1896 à 1929...... 1929 à 1963 1949 à 1963

Production par habitant. ] 1896à1929

1929 à 1963 1949 à 1963.1....

1.7 2,4 5,0

1,5 2.0 4.1

(**) 7,8

1.3 2,1 6,1

4.2 3.0 3,8

2,1 1.7 2,1

2,1 2.7 5,8

1,3 2.0 5.1

1.0' 2,1 2,6

0,6 1.6 2,1

(*) Concept approchant du produit national brut. (♦♦) Sans signification du fait des modifications territoriales.

Source : CARRÉ. DUBOIS. MALINVAUD, op. cit. et Comptes de la Nation. CINQ ESQUISSES POUR 1985 25

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TABLEAU ~3. Perspectives de population active

Population totale

Scolarisation

Activité > des ' femmes

Activité des personnes âgées. ...

Immigration nette

Contingent

Militaires hors métropole

Population active intérieure disponible en 1 985

Chômage frictionnel 1,5%

Population active occupée en 1985.

Hypothèse basse

Fécondité constante. Mortalité décroissante. ,-

Scolarité obligatoire jusqu'à 1 8 ans.

Évolution de 'la tendance 1962- ' 1968.

Réduction des taux d'activité d'un tiers par rapport à la tendance 1962-1968.

40 000 actifs par an du 1€r janvier 1969 au 1er juillet 1985.

Durée du service? militaire égale à 1 an.

— 25 000 par rapport à 1 968.

23100 000

350 000

22 750 000

Hypothèse centrale

Fécondité constante. Mortalité décroissante.

Scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans + effet d'accroissement de la scolarité au-dessus de 16 ans.

Évolution selon la tendance 1962- 1968."

Évolution selon la tendance 1962- - 1968.

60 000 actifs par an du 1er janvier 1969 au 1er juillet 1985.

Durée du service militaire égale à 1 an.

— 25 000 par rapport à 1968.

25 000 000

375 000

24 625 000

Hypothèse haute

Fécondité constante. Mortalité décroissante.

Scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans sans effet d'accroissement de la scolarisation au-dessus de 16 ans.

Accroissement de 10%' de l'activité par rapport à la tendance dont une partie à temps partiel (politique en faveur, de l'emploi féminin).

Accroissement des taux d'activité d'un. tiers par rapport à la tendance dont une partie à temps partiel.

80 000 actifs par an du 1"" janvier 1969 au 1er juMIet 1985.

Suppression du service militaire.

— 25 000 par rapport à 1968.

26 900 000

490 000

26 500 000 "

à laquelle nous tenterons de répondre dans la suite. Pour ce faire, conjointement à la croissance de la productivité, il est nécessaire d'étudier l'évolution des autres ̂ facteurs physiques de la croissance que nous retiendrons : la population active et la durée du travail.

La population active

Depuis trois quarts de siècle, la croissance économique a été obtenue en France avec une population active totale pratiquement invariable. On comptait, en 1968, 780 000 personnes occupées de plus qu'en 1896 mais par rapport à 1 929, ' la population active avait légèrement diminué. Cette stabilité s'est accompagnée, il est. vrai, d'un important déplacement de population de l'agriculture vers les autres secteurs; la population active agricole est passée de 8 500 000 en 1896 à 2 950 000 en 1968.

La situation pourrait changer d'ici 1985. La population qui sera en âge de travailler à cette date est déjà connue à l'heure actuelle (hors les mouvements migratoij-es) : nous savons que la croissance de la population totale offre une possibilité de croissance de la population active.

Ce n'est qu'une possibilité. De grandes incertitudes pèsent en effet sur les taux d'activité par âge de la population. Nous avons donc retenu plusieurs évolutions

sibles (tableau 3). L'hypothèse moyenne prolonge l'évolution des taux d'activité observée de 1962 à 1968, après correction' de , la -différence -de. conjoncture entre ces deux années. L'hypothèse basse tient compte du fait que l'économie française n'a pas été accoutumée à pareille possibilité de croissance et pourrait se révéler incapable d'y faire face, faute en particulier de savoir dégager l'investissement nécessaire. L'hypothèse haute suppose au contraire que l'effort d'investissement et une politique de l'emploi encourageant l'immigration, favorisant le travail des femmes et des personnes âgées (aménagement du travail à temps partiel par exemple) parviennent à élever les taux d'activité.

La population active occupée était de 19 783 000 personnes en 1965. Elle passerait en 1985 à 22 750 000, 24 625 000 ou 26 500 000 suivant les hypothèses basse, moyenne ou haute. Cette fourchette d'estimation ne traduit pas seulement l'incertitude de toute prévision à long terme. Elle est aussi une façon de prendre en compte, hors modèle, le fait que la relation population active-production n'est pas à sens unique; la production est fonction de la population active occupée mais les taux d'activité dépendent (d'une façon mal connue) du rythme d'expansion.

Le croissance économique s'est faite en France avec une population active stagnante. Elle s'est poursuivie depuis la guerre grâce à une durée du travail élevée. A~très long terme, bien sûr, la tendance est i une réduction générale :

26

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réduction de la durée hebdomadaire, apparition et allongement des congés annuels. Mais en France, on a constaté depuis la fin de l'immédiat après-guerre et jusque vers 1963 une très grande stabilité de la durée annuelle du travail. L'augmentation de la durée hebdomadaire a compensé l'allongement des congés annuels et cela alors que l'on assistait depuis la fin des années 50 à une réduction de la durée hebdomadaire et annuelle dans la plupart des pays industrialisés. Bien qu'on connaisse mal les déterminants de l'évolution de longue période de la durée du travail, différents éléments donnent à penser qu'elle sera orientée à la baisse. L'évolution au cours des dernières années a déjà amorcé le mouvement dans ce sens 7.

La durée du travail et la productivité

Toutes nos hypothèses sur l'évolution possible de la durée du travail sont orientées à la baisse. La plus forte extrapole l'évolution de la durée hebdomadaire de ces dernières années; il en résulte une réduction d'environ 10%, entre 1965 et 1985 (soit 41 heures en moyenne à cette date). Nous y avons également supposé acquise à cette date la généralisation d'une semaine supplémentaire de congés payés.

L'hypothèse centrale tient compte de ce que la durée du travail dépend dans une certaine mesure (comme les taux d'activité) du rythme d'expansion. Au cas où la croissance se ralentirait, la réduction serait sans doute plus prononcée. Le relâchement des tensions sur le marché de l'emploi, la pression des salariés en faveur d'une répartition plus équitable du travail y contribueraient simultanément. Nous avons admis pour cette hypothèse, 40 heures de durée hebdomadaire moyenne et 5 semaines de congés payés.

L'hypothèse basse envisage une réduction encore plus forte, soit 36 heures de travail par semaine et 6 semaines de congés annuels. Cette réduction ne semble pas pouvoir être obtenue durablement dans un climat malthusien. Elle a un caractère ' volontariste qui suppose une économie dynamique mais aussi une économie qui s'orienterait vers la recherche d'avantages non marchands (satisfaction des besoins collectifs, développement des loisirs).

L'analyse de l'évolution des cinquantes dernières années montre une accélération des taux de croissance de la productivité, attribuée en général à la diffusion de l'innovation technologique. Dans ces conditions, il n'est pas évident

7. Voir à ce sujet : p. 5 « La baisse de la durée du travail », par Bruno Durieux.

TABLEAU 4. Différentes hypothèses d'évolution de la productivité de 1965 à 1985 En % annuel moyen d'accroissement

Croissance ralentie

' Croissance soutenue

Croissance accélérée

Branche

Industrie . Bâtiment, Services et Commerces.

Industrie Bâtiment, Services et Commerces.

Industrie Bâtiment, Services et Commerces.

Évolution 1975/1965

6,85 3,55

7,0 3,8

7,15 3,8

Évolution 1985/1975

A Ralentissement du pro

grès technique.

5,5 2.7

C • Léger fléchissement des

progrès de productivité.

6,5 3,7

B Environnement international défavorable.

6,5 3,2

D Réduction de la durée du

travail et mobilité professionnelle accrue

7,5 4.7

E Mobilité professionnelle et accroissement

de l'effort d'investissement productif

7,5 4,7

CINQ ESQUISSES POUR 1985 27

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que le rythme observé depuis la fin de la deuxième guerre mondiale puisse se maintenir à long terme. Réduisant notre ambition à l'élaboration de scénarios caractéristiques de situations économiques différentes,, nous avons greffé. nos hypothèses d'évolution de la productivité sur les hypothèses faites pour le VI* Plan, elles-mêmes fondées sur/l'extrapo- lation des tendances passées. Cinq évolutions ont été. retenues (tableau 4). Dans la perspective d'une croissance ralentie, nous avons retenu les hypothèses les plus prudentes à moyen terme et admis après 1975 soit un ralentissement assez brutah (éventualité d'un ralentissement du .progrès technique) soit seulement un léger ralentissement supplémentaire : c'est! l'environnement international* défavorable. et non les possibilités physiques de production qui freinent la croissance; ce freinage se réalise par une baisse des taux d'activité de la population et une réduction, de la durée du travail et non par un ralentissement des progrès de productivité,- sauf dans les services où la productivité apparente est réduite par la « fuite vers le tertiaire » d'une main- d'œuvre à la recherche d'emploi.

Dans la perspective d'une croissance. soutenue, ce sont les hypothèses moyennes qui ont été retenues jusqu'à 1975, après quoi nous avons supposé soit un léger ralentissement des progrès de productivité, soit une accélération (liée à une réduction de la durée hebdomadaire du travail et à un accroissement de la mobilité professionnelle). Dans la perspective d'une croissance accélérée, , les hypothèses à moyen terme les plus optimistes ont été choisies et nous avons admis qu'une nouvelle accélération des progrès de productivité se produirait après 1975, comme un résultat d'une mobilité professionnelle accrue (politique de: loge-, ment) et d'un effort d'investissement productif très impor- ■ tant (tableau 4).

La répartition par branches de la production

La façon dont se répartissent les « fruits de la croissance » dépend du taux de croissance réalisé. Mais elle influe aussi sur ce taux en déterminant l'importance relative des branches de production, puisque la productivité diffère d'une branche à l'autre. Quelle pourrait être cette importance relative en 1985? Le problème est d'autant plus important que la structure de la population active française, la faiblesse relative du taux de croissance pendant la première moitié du siècle, le manque de dynamisme sur les marchés extérieurs ont souvent fait conclure un peu hâtivement à une sous-industrialisation de l'économie française.

En fait, la comparaison de l'importance du secteur industriel par rapport aux autres secteurs, pour différents pays développés, montre une situation complexe. On constate : — qu'avec 40% du Produit intérieur- brut,- la part de l'industrie française (sans les transports, ni le bâtiment-travaux publics) est inférieure à celle de l'Allemagne (45 %), comparable à celle de la Grande-Bretagne et supérieure à celle des autres pays développés;

— mais que, par contre, l'industrie française emploie une part moins grande de travailleurs (30 %) que la plupart des autres pays développés à l'exception des. U.S.A. (28%) et du Japon (26 %) 8.

Sans que la part de l'industrie française soit plus faible qu'ailleurs celle-ci emploie donc une part moindre de travailleurs, ce qui implique que la productivité relative de l'industrie par rapport aux autres secteurs de l'économie est plus élevée en France que dans les autres pays.

Deux facteurs ont marqué l'évolution de la structure de la population française et de la répartition par branches de la population active : • Le taux de croissance de l'industrie pendant la première moitié du XXe siècle, analogue à celui de l'Angleterre mais notablement plus faible qu'aux États-Unis, n'a pas permis à l'industrie d'absorber rapidement la main-d'œuvre agricole, transfert que l'Angleterre avait déjà réalisé au XIX* siècle. En outre, la crise des années 30 puis la deuxième guerre mondiale ont contribué à ralentir l'exode rural,1 la terre fournissant une subsistance assurée aux travailleurs en ces périodes de chômage ou de rationnement. Il en est résulté une population active agricole surabondante étant donné le progrès technique rapide réalisé durant la période9. Dans la mesure où l'exode rural s'est tout de même effectué, il n'a pas contribué à accroître notablement les emplois industriels; les transferts de main-d'œuvre de l'agriculture vers l'industrie ont été compensés par des transferts de l'industrie vers les services; • Le poids relatif des échanges extérieurs est plus faible en France que chez ses concurrents de dimension comparable (les exportations de! produits industriels représentent 7,4% du Produit- national brut- en -France contre 9,2% au Japon, 11,2% en Grande-Bretagne, et 14,1 % en Allemagne). Surtout, le solde des échanges de produits manufacturés est plus faible aussi (France 2,1 % du P.N.B.; R.F.A. 6,7%; Grande-Bretagne, 4,9%; Japon 7,0%). Les débouchés de la production industrielle ont été plus restreints qu'ailleurs et n'ont pas de ce fait contribué autant qu'ailleurs à déterminer une croissance rapide.

Qn ne saurait donc, sans abus de langage, parler de la sous-industrialisation de la France mais plutôt de faiblesses et distorsions de la croissance industrielle. La croissance s'est réalisée par progrès de la productivité et non par accroissement de la main-d'œuvre; les producteurs ont principalement visé à satisfaire les besoins d'un marché protégé. Il faut en tenir compte pour prendre vue sur la croissance future.

La répartition par produits de la production dépendra bien entendu de la structure de la demande finale interne.

8. Cf. Économie et statistique, n° 14 : « Données essentielles sur l'industrie française ». 9. En même temps, les distorsions subies par les pyramides démographiques allaient peser sur l'exode rural de l'après-guerre, entraînant en particulier un vieillissement important des exploitants agricoles. Cf. « Perspectives d'évolution à long terme de la population active agricole masculine », M. Rainault. Ministère de l'Agriculture (document ronéoté) et Population.

28

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Mais les interdépendances dans cette structure sont telles qu'on ne peut s'attendre à de grandes variations de cette répartition en faisant varier la demande finale. On peut seulement s'attendre à ce que la part des produits industriels (à prix constants) s'accroisse, d'ici 1985, aux dépens des produits primaires.

L'évolution de la productivité, qui croît beaucoup plus vite dans l'industrie que dans les services fait que cet accroissement de la part des produits industriels dans la production devrait s'accompagner d'une réduction de la part de la population active employée dans l'industrie. Cette réduction n'est donc pas le signe d'un affaiblissement de l'industrie.

Il ne pourrait en aller autrement que s'il intervenait un changement structurel par rapport à la demande extérieure. La part de l'industrie dans l'économie dépend en effet de l'importance des échanges extérieurs de produits manufacturés, et surtout du solde de ces échanges. Nous avons donc été amenés à faire deux sortes d'hypothèses à propos des échanges extérieurs :

1. Une première projection commune à quatre de nos esquisses, définit les échanges nécessaires à l'équilibre de la balance des -payements, à partir des tendances -passées. A court terme, des mouvements compensatoires (or, devises, crédits à court terme) garantissent l'équilibre.* Mais à long terme. un. équilibre économique doit nécessairement correspondre à l'équilibre comptable de la balance. Le solde des échanges de produits industriels a donc été calculé de manière à équilibrer les autres postes, projetés directement, de la balance des payements;

2. La seconde projection, au contraire, tend à préciser dans quelles conditions pourrait être accéléré le développement industriel, ce qui aurait pour effet d'élever le taux de croissance et d'accroître davantage la part de l'industrie dans l'économie. Elle implique une limitation relative de la croissance de la consommation intérieure et une modification du comportement des entrepreneurs qui, face à une concurrence internationale plus âpre, diversifient leurs marchés et s'implantent plus, efficacement à- l'étranger. Le solde des échanges extérieurs de produits industriels est amélioré. On a supposé," à titre d'exemple; que l'excédent des échanges de produits industriels était égal pour la France en 1985 à celui de l'Allemagne en 1965 (soit 5,2% de la production intérieure brute). Cet excédent a pour contrepartie nécessaire un effort important d'investissement net à l'extérieur, lui-même générateur de débouchés.

2

Les esquisses à long terme Les esquisses qui résultent de certaines combinaisons des hypothèses qui viennent d'être posées sont loin de décrire les seules évolutions concevables; elles ne correspondent

pas non plus à des évolutions extrêmes, mais elles cherchent à donner de l'économie française en 1985 des « images- types ».

Cinq ce scénarios »

L'évolution économique durant le dernier quart de siècle s'est caractérisée par un rythme rapide du progrès technique accompagné, surtout dans les années récentes, d'un développement des échanges internationaux et de la concurrence.

Deux aléas majeurs donc pour la prévision : le rythme à venir du progrès technique, les conditions d'environnement international. La première esquisse part de l'hypothèse d'un ralentissement du rythme du progrès technique et de l'accroissement de la productivité. La deuxième esquisse suppose une évolution défavorable- de l'environnement international. Malgré leur interdépendance renforcée, les économies occidentales ne parviendraient pas à se mettre d'accord. sur des. rythmes de croissance compatibles; pour chacune, l'équilibre de la balance des payements deviendrait le souci primordial et l'on assisterait à une généralisation de la politique de Stop and go, qui consiste à faire se succéder périodes d'expansion, où l'emploi s'améliore et la balance commerciale devient déficitaire, et périodes d'austérité où les équilibres sont rétablis aux dépens de l'emploi. Les deux esquisses se ressemblent sur un point : dans les deux cas la faiblesse relative de la croissance réduit la marge de choix quant à l'emploi de la production.

Les trois autres esquisses correspondent à des évolutions structurelles différentes des comportements et rapports sociaux. Les aléas sont résolus dans un sens favorable; un environnement international dynamique et une diffusion continue des effets du développement de la science permettent la poursuite d'une croissance. rapide. L'ouverture des frontières n'est pas remise en cause. L'économie française est contrainte de poursuivre, voir d'intensifier l'effort de concentration et de rationalisation de son appareil productif, entrepris ces dernières années. Dans ce cadre général, l'hypothèse d'un effort d'investissement soutenu et celle du maintien ou de l'accélération des progrès de la productivité dominent les trois derniers scénarios de croissance. Mais le surcroît de ressources disponibles augmente la liberté de choix quant à leur affectation. D'importantes modifications de cette affectation sont envisageables à long terme, si elles résultent d'inflexions lentes qui devraient se dessiner dès maintenant. Dans la troisième esquisse, la priorité est accordée à la production pour le marché. Au contraire, la quatrième esquisse voit la priorité accordée aux avantages non marchands (loisirs et biens collectifs). La cinquième esquisse, enfin donne une image de ce que pourraît être l'économie en 1985 si l'on pratiquait d'ici là une politique donnant priorité à l'équipement industriel.

Nous avons rapproché ces cinq esquisses des projections à moyen terme du Plan afin d'en préciser la signification. Lors de la préparation des options du VI* Plan, le modèle

CINQ ESQUISSES POUR 1985 29

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TABLEAU 5. Structure de la demande

Répartition en %

Consommation des ménages. F.B.C.F. en logements F. B.C.F. productif/ Dépense des administrations et des institutions financières, Variation de stocks et solde extérieur

1965

65.6 7.3

15,7 8,3 3.1

1975

Compte à 5.5 %

64.3 7,4

16.4 8,6 3,3

1985

64,6 6,7

17.5 7,9 3,3

63.4 7,2

17.5 8.5 3,4

Consommation des ménages F.B.C.F. en logements F.B.C.F. productif Dépense des administrations et des institutions financières Variation de stocks et solde extérieur

1965

65,6 7,3

15.7 8,3 3.1

Compte à 6 %

63.3 7.2

17,4 8,6 3.5

C

65,3 6,0

18,3 7,5 2.9

60,2 7,9

18,3 10,7 2,9

Consommation des ménages F.B.C.F. en logements F.B.C.F. productif Dépense des administrations et des institutions financières. Variation de stocks et solde extérieur

1965

65,6 7,3

15,7 8,3 3,1

Compte à 6,5%

63.0 7,1

17,9 8,7 3,3

61,5 6,9

19,1 6,6 5,9

physico-financier • de . PI.N.S.E.E. , a > permis d'établir trois comptes de référence donnant! pour la croissance de la production intérieure brute de 1970 à 1975 des taux annuels égaux respectivement à 5,5 %, 6 % et 6,5 %. Nous avons donc, pour, chaque esquisse, décomposé l'évolution 1965- 1985 en deux sous-périodes 1965-1975 et 1 975-1 985. . Le point 1975, qui a été intercalé, est donné par le compte à

5,5 % pour les deux premières esquisses (ralentissement de la croissance), par le compte à 6% pour les esquisses trois et quatre, par le compte à 6,5 % pour la cinquième esquisse qui prévoit la croissance la plus forte. Nous pouvons voir ainsi si nos hypothèses à long terme nous maintiennent sur la voie des prévisions à moyen terme ou si elles impliquent des inflexions nouvelles (tableau 5).

30

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les collections

de Vinseë

SERIE D DEMOGRAPHIE ET EMPLOI" N° 7

Structures

de la

population

active

Résultats des enquêtes sur l'emploi 1962-1967 par François Michon

Les résultats de la série d'enquêtes sur l'emploi réalisée dans l'intervalle des recensements de 1962 et 1968 permettent non seulement de suivre les modifications des structures de la population .active habituellement observées, mais également de déceler des évolutions nouvelles que le recensement de 1968 est venu confirmer : accroissement de l'activité féminine de 30 à 50 ans ; stabilisation de la part des activités secondaires dans l'ensemble des emplois au bénéfice du secteur - tertiaire... Ces 'enquêtes permettent en outre un approfondissement de l'analyse de la population active et du chômage en introduisant notamment le concept de « population active marginale » et en précisant la notion de « population disponible à la recherche d'un emploi ».

PRIX DE CE VOLUME : 16 F

DANS LA MEME SERIE D 5 Données de démographie régionale 1962 : 16 F. D 6 Projections démographiques pour, la France : 12 F.

EN VENTE : A l'J.N.S.E.E. - 29, quai Branly, Paris-7* - C.C.P. Paris 9063-62. Dans toutes les Directions Régionales de N.N.S.E.E., et chez les libraires spécialisés.

SP 20

CINQ ESQUISSES POUR 1985 31

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Hypothèses

Esquisse A. — Ralentissement

Hypothèses sur les facteurs de production

Population active en 1985

Durée du travail en 1985

Évolution de la productivité horaire (1965- 1985)

(en milliers) Hypothèse moyenne: Population disponible 25 000 Population occupée 24 625 Population agricole 1 600

(— 3,7 % par an de 1969 à 1985.) Population dans le hors branches 1 . 4 600 (+ 2% par an de 1969 à 1985.)

. Hypothèse haute. Durée hebdomadaire moyenne. - 41 heures Congés annuels 5 semaines

Hypothèse basse. Ralentissement de progrès de productivité.

% par an

Industrie Bâtiment, services, com

merces

1975/1965 1985/1975

6,85

3,55

5,5

2,1

Hypothèses sur la demande finale

Investissement en s /o- gements

Investissement produc- f'f

Consommation et . investissement du hors branches '

Solde extérieur

Hypothèse basse. Logements construits :

800 000 en 1985; 560 000 en moyenne de 1965 à 1985.

Hypothèse basse. 17,5% de la P.I.B. en 1985.

Hypothèse basse. + 5,1 % par an de 1965 à 1985.

Hypothèse basse.

(1) Hors branches,: il s'agit des activités des administrations publiques et privées.

Équilibre emplois - ressources

Millions de francs 1965

1965 1985

Taux annuels moyens de croissance

1985/1965 1975/1965

compte à 5,5 % (*)

1985/1975

Production intérieure brute 438 748 1 246 580 5,3 % 5,6

% 5,0

Consommation des ménages F.B.C.F. en logements F.B.C.F. productif Dépenses des administrations et des institutions financières... Variation de stocks et solde extérieur

288 109 32297 68 990 36 530 12 822

805197, 84 000

218150 98 369 40 864

5,2 4,9 5,9 5,1

5,3 5,6 6.1 5,5

5,1 4,2 5.7 4,7

(♦) Soit 5,7 % par an de 1965 à 1970 et 5.5 % par an de 1970 à 1975.

32

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du progrès technique

Le taux de croissance de la productivité du travail est un aléa majeur de l'évolution à long terme. Ce taux moyen, mesuré sur les 25 dernières années apparaît comme exceptionnel si on le replace sur la tendance séculaire. La première esquisse part de l'hypothèse d'un ralentissement de cette croissance.

L'hypothèse n'est pas purement arbitraire et sa prise en considération n'est pas une concession élémentaire à la prudence. A l'heure actuelle, la plupart des projections à long terme internationales la tiennent pour l'éventualité la plus probable. Comment s'explique cette attitude alors que l'on peut tabler sur un progrès scientifique rapide?

Pour que le progrès technique suive le progrès scientifique, il faut que les découvertes fondamentales engendrent des applications pratiques. Pour que ce progrès se traduise par des gains de productivité, il faut et que les applications soient rentables et que leur diffusion soit rapide. Il est donc très concevable que le progrès technique apparent soit plus lent dans les années à venir, si le passage de la découverte à son application devient plus difficile et si les applications pratiques concernent davantage la satisfaction de besoins collectifs et la lutte contre les nuisances et moins la fabrication des biens susceptibles d'une production de masse. Dans cette hypothèse, le ralentissement serait général. Il resterait à la France à combler son retard technologique sur les États-Unis, mais au fur et à mesure que ce retard serait rattrapé, de nouveaux gains de productivité par simple diffusion de technologies avancées existantes seraient plus difficiles à réaliser. Non seulement l'hypothèse n'est pas invraisemblable mais l'exemple des < États-Unis montre que le développement d'une puissance économique peut se poursuivre en l'absence de gains de productivité exceptionnels.

Avec le ralentissement du progrès technique, les occasion d'investissement et de profit se feraient plus rares. Baisse du taux de croissance de la productivité du travail et ralentissement de l'effort d'investissement productif vont de pair dans cette esquisse. Nous avons admis que la part de la P.I.B. consacrée à cet investissement continuerait à croître maiside plus en plus lentement : 1959 : 14,1 %; 1965 : 15.7%; 1969, : .16,7%; 1985 : 17,5%.

En* revanche, la croissance plus faible de la productivité pourrait être! compensée, .partiellement au moins, par l'évolution des autres facteurs de production. Un ralentissement général du progrès technique ne devrait pas modifier profondément, la conjoncture internationale. La* concurrence internationale maintiendrait donc une certaine tension intérieure et la demande de travail des employeurs serait élevée, en face d'une population active voulant maintenir un certain rythme de croissance de sa consommation. La durée hebdomadaire du travail serait donc relativement forte et de même les taux d'activité par âge (se situant dans la poursuite de la tendance 1962-1968).

Peut-on penser que le ralentissement du progrès technique, dans la mesure où il n'affecte pas la situation relative de la France, n'aura pas de répercussion sur les comporte-

0 671107 5

UTILISATION DES ESQUISSES Ces esquisses présentent un double intérêt pour les travaux de planification, servir de support quantitatif global aux analyses sur le développement à long terme. A cet égard, l'élaboration de plusieurs esquisses évite d'enfermer ces réflexions dans un cadre étroit. Dans cet esprit, un travail antérieur avait été réalisé en 1968 1 et a été utilisé par les groupes long terme réunis au Commissariat général du Plan dans la phase préparatoire aux options du VI* Plan. Ce travail a servi à définir la cohérence nationale de projections régionales réalisées pour la Commission nationale pour l'aménagement du territoire. Parallèlement, les réflexions sur le long terme qui se sont développées dans différents domaines (consommation et mode de vie, mobilité et coût de l'adaptation, temps et espaces de loisirs, personnes âgées, logement, prospective urbaine...) sont venus enrichir notre propre réflexion sur la cohérence socio-économique des différentes esquisses et permis ainsi la mise au point de ce travail. Servir de référence quantitative globale aux orientations à moyen terme. L'articulation entre projections à moyen terme et projections à long terme fut donc une préoccupation constante. Elle s'est traduite dans J'élaboration du modèle par une harmonisation du découpage par produits, et par une comparaison systématique entre les évolutions retenues pour 1985 et celles envisagées dans le cadre des trois comptes présentés à la Commission de l'économie générale et du financement pour 1975. Mais c'est surtout dans la définition des esquisses et dans l'analyse des résultats que cette articulation devenait essentielle, bien que d'ailleurs difficile à assurer. De façon à éclairer au mieux les interactions entre le choix à moyen terme et les évolutions à plus long terme, nous avons systématiquement intercalé le point 1975 qui nous a semblé le plus compatible avec le scénario envisagé : les esquisses A et B ont été associées au compte à 5,5 %, les esquisses C et D au compte à 6 % et l'esquisse E au compte à 6,5%.

1. Publié dans Analyse et prévision, janvier 1969.

ments des agents nationaux (les équilibres se réalisant simplement à un niveau inférieur)? A notre avis, non. Dans ce climat, les comportements seront influencés par la comparaison avec les évolutions antérieures. Des tensions apparaîtront pour l'utilisation de la production intérieure brute. La même raison, qui conduit la population à accepter des niveaux d'activité relativement élevés, l'amène à marquer ses préférences en faveur de la consommation privée; il s'agit dans les deux cas de maintenir un certain rythme de croissance de cette consommation. Nous avons donc retenu une hypothèse faible pour l'investissement en logements. Pour les dépenses publiques, pas d'infléchissement sensible : Nous avons poursuivi sur 20 ans la tendance moyenne faible envisagée pour 1965-1975, soit +5% par an.

Au total, la croissance économique connaîtrait un net ralentissement sur l'ensemble de la période (+ 5,3 % par an seulement). En outre, ce ralentissement ne s'amorcerait pas dès 1970. A une croissance rapide de 1965 à 1970, succéderait une croissance plus faible de 1970 à 1975. Toutefois, pendant la durée du VIe Plan, l'économie française capitaliserait les gains de productivité de la mise en œuvre des techniques apparues au cours des années récentes. Après 1975, le ralentissement serait plus brutal.

CINQ ESQUISSES POUR 1985 33 3

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Esquisse B. — Stop

Hypothèses

Hypothèses sur les facteurs de production

Population active en 1985

Durée du travail en 1985

Évolution de la productivité horaire (1965-1985)

(en milliers) Hypothèse basse. Population disponible 23100 Population occupée 22 750 Population agricole 1 600 (_ 3,7 o/o par an de 1969 à 1985i)

Population dans le hors branches ' . 4 600 (+ 2% par an de 1969 à 1985.)

Hypothèse moyenne. Durée hebdomadaire moyenne. 40 heures Congés annuels 5 semaines

Hypothèse moyenne. Léger fléchissement des progrès de productivité, plus marqué dans les services.

Évolution dans les branches (4) et (7, 8) en % annuel d'accroissement.

Bâtiment, services, commerces

1975/1965

6,85

3,55

1985/1975

6,5

3,2

Hypothèses sur la demande finale

Investissement en logements

Investissement produc- t'f

Consommation et investissement du hors branches '

Solde extérieur

Hypothèse basse. Logements construits :

800 000 en 1985; 560 000 en moyenne de 1965 à 1985.

Hypothèse basse. ■ 17,5% de la P.I.B. en 1985.

Hypothèse basse. + 5,1 % par an de 1965 à 1985.

Hypothèse basse.

(1) Voir note esquisse A.

Équilibre emplois - ressources

Millions de francs 1965

1965 1985

Taux annuels moyens de croissance

1985/1965 1975/1965

compte à 5,5 % (1)

1985/1975

Production intérieure brute 438 748 1160294 % 5,0

% 5,6 4,4

Consommation des ménages F.B.C.F. en logements F.B.C.F. productif Dépenses des administrations et des institutions financières.. . Variation de stocks et solde extérieur

288109 32 297 68 990 36 530 12 822

734010 84 000

203 051 98 369 40 864

4.8 4.9 5,4 5.1

5,3 5.6 6.1 5.5

4,3 4.2 4.7 4,7

(1) Soit 5,7 % par an de 1965 à 1970 et 5.5 % par an de 1970 à 1975.

34

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and go international

Le deuxième aléa majeur concerne l'environnement international. Nous prenons ici encore l'hypothèse défavorable.

Des circonstances heureuses expliquent en partie la croissance des économies libérales et le développement des échanges entre elles. Économie ouverte signifie interdépendance; expansions et récessions tendent à se propager d'un pays à l'autre. Une croissance rapide s'accompagne de pressions de la demande interne et de tensions sur les prix qui, si elles sont plus fortes dans un pays que dans les autres, tendent à déséquilibrer sa balance des payements. Jusqu'ici, la conjoncture des pays occidentaux n'a pas été synchronisée; à chaque fois, les difficultés des uns ont été allégées par l'expansion des autres. Mais rien ne prouve que ce décalage doive se maintenir toujours; le contraire pourrait même se passer si l'économie dominante, celle des États- Unis, jugeait nécessaire de pratiquer une politique de déflation.

Tout en excluant l'éventualité d'une véritable crise, nous supposons que les difficultés extérieures s'aggravent sans qu'un accord international permette aux divers pays de définir des rythmes de croissance compatibles. L'arme des dévaluations périodiques s'émousse à l'usage, elle est dangereuse à long terme. L'ensemble des pays occidentaux entreraient donc dans une longue période de Stop and go. Aucun ne pouvant aller durablement plus vite que les autres et l'ensemble ne parvenant pas à un accord sur l'allure à adopter, l'effort de chacun pour ne pas dépasser les autres dans la hausse des prix aurait pour résultat un ralentissement général de la croissance.

Le comportement des agents économiques français serait profondément affecté par ce climat international. Des réactions malthusiennes seraient probables, entre autres un certain retour au protectionnisme. L'effort de concentration et d'assainissement des structures industrielles et commerciales fourni ces dernières années sous l'aiguillon des investissements américains et du Marché commun serait ■ freiné. Vivant sur les gains de productivité récemment acquis, l'industrie française: ne serait guère incitée à en obtenir de? nouveaux.

Cette réaction se traduit de la manière suivante dans le modèle. Une croissance ralentie et par à-coups décourage l'effort d'investissement : la part de la P.I.B. consacrée à l'investissement productif ne dépasserait pas 117,5%' en. 1985. Les taux de croissance de la productivité du travail fléchiraient légèrement par rapport aux tendances récentes mais fort peu : en effet, c'est l'incertitude des perspectives économiques et non le progrès technique qui serait responsable du ralentissement de la croissance 10. Par contre, l'offre d'emplois, faible, ne permettrait pas de tirer parti des possibilités d'accroissement de la main-d'œuvre. A la création d'emplois nouveaux qui suppose une croissance rapide, on préférerait une réduction des taux d'activité. La retraite à 60 ans, la réduction de l'activité féminine, voire

l'allongement de la scolarité apparaîtraient aux travailleurs comme un moyen de mieux se protéger contre le sous-emploi. -De même une réduction de la durée hebdomadaire du travail (40 heures en moyenne) apparaîtrait comme un moyen d'éviter le chômage. Cependant, une réduction beaucoup plus forte (par exemple la semaine de 36 heures) ne semble pas pouvoir être durablement instaurée dans un climat malthusien; l'exemple de 1936 montre qu'elle peut aggraver les problèmes d'emploi au lieu de les résoudre et qu'elle est rapidement remise en cause si elle ne s'accompagne pas d'une croissance rapide.

La croissance économique qui résulte de cette conjonction d'hypothèse est analogue à celle de l'esquisse précédente, un peu plus lente même. Nous avons admis que le rythme de croissance de l'investissement en logement et celui des dépenses des administrations ne variaient pas d'une esquisse à l'autre. L'ajustement se fait aux dépens de la consommation privée, ce qui se comprend aisément puisque les taux d'activité de la population sont plus faibles.

10. Cependant, le fléchissement du taux de progression de la productivité serait plus marqué dans le tertiaire. On a tenu compte ainsi de l'effet de fuite de la main-d'œuvre vers le tertiaire en cas de ralentissement de la croissance économique.

CINQ ESQUISSES POUR 1985 35 3.

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Esquisse C. — Croissance

Hypothèses

Hypothèses sur les facteurs de production !

Population active en 1985

Durée du travail en ■ 1985

Évolution de la productivité horaire (1965- 1985)

(en milliers) Hypothèse moyenne. Population disponible 25 000 Population occupée 24 625 Population agricole 1 425

(— 4,2 % par an de 1 969 à 1 985.) Population dans le hors-branches1.. 4 600 (+ 2% par an de 1969 à 1985.)

Hypothèse haute. ., Durée hebdomadaire moyenne. 41. heures Congés annuels 5 semaines

Hypothèse moyenne. Léger fléchissement des progrès de productivité.

Évolution dans les branches (4) et (7, 8) en % annuel d'accroissement.

Industrie Bâtiment, services, com

merces

1975/1965

7,0

3,8

1985/1975

6,5

3,7

Hypothèses sur la demande finale

Investissement en logements

Investissement produc- f<f

Consommation et investissement du hors branches '

Solde extérieur

Hypothèse basse. Logements contruits :

800 000 en 1985; 560 000 en moyenne de 1965 à 1985.

Hypothèse moyenne. 18,3% de la P.I.B. en 1985.,

Hypothèse moyenne. + 5,5 % par an de 1965 à 1985.

Hypothèse basse.

(1) Voir note esquisse A.

Équilibre emplois - ressources

Millions de francs 1965

1965 1985

Taux annuels moyens de croissance

1985/1965 1975/1965

compte à 6% (1)

1985/1975

Production intérieure brute 438 748 1 411 170 6,0 % 5,9

% 6,1

Consommation des ménages F.B.C.F. en logements F.B.C.F. productif Dépenses des administrations et des institutions financières.. . Variation de stocks et solde extérieur

288109 32 297 68 990 36 530 12 822

922 262 84 000

258 244 105 800 40 864

6,0 4,9 6,8 5.5

5,5 5.6 6,9 6,3

6,5 4,2 6,7 4,7 •

(1) Soit 5,7 % par an de 1965 à 1970 et 6,0 % par an de 1970 à 1975.

36

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à? tensions contrôlées

Cette fois, l'impératif de compétitivité n'est pas remis en cause. La modernisation de l'appareil productif français s'accompagne de la pleine utilisation de la force de travail. Le « choix » est fait par la « société » en faveur d'une croissance rapide consacrée par priorité à la production de biens marchands. Quand nous parlons de choix, nous serions bien en peine de désigner un centre de décision déterminé, responsable d'une orientation définie à un moment donné. Le terme est seulement destiné à faire image et à mettre en évidence l'interdépendance des comportements des agents économiques dans un environnement donné.

Collectivement, les entrepreneurs acceptent la concurrence. Individuellement, chacun la subit. Il faut admettre soit que la concurrence extérieure n'est jamais telle que ses inconvénients pour les entrepreneurs passent les avantages qu'ils peuvent obtenir de l'État en contrepartie de cette acceptation, soit que le poids de ceux qui tirent profit de cette ouverture au monde extérieur l'emporte sur celui de ceux qui en pâtissent. De même, les salariés acceptent la priorité à la croissance. Cela signifie notamment que les syndicats parviennent plus facilement à faire aboutir les revendications sur le taux de salaire que celles sur la durée du travail. Le développement de la production est soutenu par la création des besoins nouveaux et, dans ce système, on accroît plus aisément la consommation privée que les besoins ou les' biens collectifs. L'État, dans cette hypothèse, sans jamais remettre en cause l'impératif de compétitivité

et de priorité à la production marchande, se contente de réduire, de contrôler les tensions que cet impératif en

gendre. Les hypothèses sur les facteurs de la production et sur

l'utilisation de celle-ci se déduisent du postulat initial. Un effort d'investissement élevé s'accompagne de pro

grès rapides de la productivité et permet la création d'emplois nouveaux. Il est donc possible de tirer parti de l'arrivée des jeunes générations sur le marché du travail et la population active s'accroît. La structure de la population active se modifie légèrement;* d'une part* l'exode rural se poursuit au rythme moyen de 80 000 départs annuels; d'autre part, le développement du secteur administratif se fait par une meilleure utilisation du personnel plutôt que par une extension rapide du recrutement. La durée du travail reste assez élevée (41 heures par semaine en moyenne).

Pour l'affectation de la production, priorité est accordée à la consommation privée. Le taux d'augmentation retenu pour les dépenses publiques correspond au plus faible observé sur les années récentes (5,6% par an entre 1960 et 1970). De même, l'aide publique à la construction n'est pas jugée prioritaire; l'investissement en logement est relativement faible (560 000 logements par an en moyenne). L'expansion assez rapide de la P.I.B. s'accompagne d'une forte p croissance des investissements productifs et d'une croissance de la consommation des ménages nettement plus forte que par le passé.

CINQ ESQUISSES POUR 1985 37

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Esquisse D. — Priorité aux

Hypothèses

Hypothèses sur les facteurs de production

Population active en 1985

. Durée du travail en 1985

Évolution de la productivité horaire (1965- 1985)

(en milliers) Hypothèse haute. Population disponible 26 900 Population occupée 26 500 Population agricole 1 425 (_ 4,2 % par an de 1969 à 1985.)

Population dans le hors branches * 5 600 (+ 3,2% par an de 1969 à 1985.)

Hypothèse basse. Durée hebdomadaire moyenne. 36 heures Congés annuels 6 semaines

Hypothèse haute. Forts progrès liés à la réduction de la durée

hebdomadaire du travail et à l'accroissement de la mobilité des travailleurs.

% par an

Industrie Bâtiment, services, com

merces

1975/1965

7,0

3,8

1985/1975

7,5

4,7

Hypothèses sur la demande finale

Investissement en logements

Investissement productif

Consommation et investissement du hors

branches i

Solde extérieur

Hypothèse haute. Logements construits :

1 500 000 en 1985; 800 000 par an en moyenne de 1965 à 1985.

Hypothèse moyenne. 18,3% de la P.I.B. en 1985.

Hypothèse haute. + 7,3 % par an de 1965 à 1985.

Hypothèse basse.

(1) Voir note esquisse A.

Équilibre emplois - ressources

Millions de francs 1965

1965 1985

Taux annuels moyens de croissance

1985/1965 1975/1965

compte à6% (1)

1985/1975

Production intérieure brute 438 748 1 400 643 6,0 5,9 6,1

Consommation des ménages F.B.C.F. en logements F.B.C.F. productif Dépenses des administrations et des institutions financières.. . Variation de stocks et solde extérieur

288109 32 297 68 990 36 530 12 822

843 461 110 000 256 318 150 000 40 864

5,5 6,3 6,8 7.3

5,5 5,6 6,9 6,3

5,5 7,0 6,7 8,3

(1) Soit 5,7 % par an de 1965 à 1970 et 6,0 % par an de 1970 à 1975.

38

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avantages non marchands

Nous avions estimé tout à l'heure qu'un ralentissement de la croissance devrait accroître les pressions en faveur de la consommation privée et donc réduire la marge sociale de « choix » dans l'utilisation du produit. Au contraire, la poursuite d'une croissance rapide doit poser à plus ou moins longue échéance le problème de cette utilisation. Le choix en faveur de la consommation privée n'est pas le seul concevable. Nous considérons maintenant une politique qui ne remettrait pas en cause la contrainte de compétitivité mais affirmerait en même temps deux autres priorités (regroupées sous le nom d'avantages non-marchands) : — accroissement des loisirs; — développement des équipements collectifs sociaux et culturels.

L'effort d'investissement productif devrait rester élevé. La durée hebdomadaire du travail serait ramenée à 36 heures (en même temps que la durée des congés annuels atteindrait 6 semaines). Cette réduction serait partiellement compensée par une élévation de la productivité horaire (des calculs semblent montrer qu'une réduction de la durée hebdomadaire du travail n'entraîne qu'une réduction inférieure de moitié pour la production hebdomadaire). Elle serait compensée surtout par un accroissement de la population active, grâce à une immigration accrue et à une élévation des taux d'activité. Cela suppose une politique active de la main-d'œuvre, incitations à l'immigration, aménagement du travail à temps partiel pour les femmes. Une bonne partie de cette main-d'œuvre supplémentaire serait d'ailleurs employée dans les administrations, pour satisfaire la priorité accordée aux équipements collectifs.

Les évolutions divergentes des facteurs de .production se compenseraient ainsi peu après et la croissance se maintiendrait à un rythme analogue à celui de l'esquisse précédente.

Au contraire du rythme de croissance, l'utilisation de la production varie fortement par rapport à l'esquisse C. La santé, l'éducation, les équipements socio-culturels se voient affecter une part importante des ressources afin de créer les conditions favorables à l'utilisation des loisirs. Le rythme de croissance de la dépense des administrations doit s'accélérer par rapport à la tendance passée. Le rythme proposé dans le compte à 5,9% pour la période 1970-1975 pourrait être retenu pour l'ensemble de la période 1965-1985, ce qui suppose une accélération à partir de 1975 (1965-1970 : 5,7% par an; 1970-1975 : 7,3%; 1975-1985 : 8,3%). L'amélioration des conditions de logement, au besoin grâce à une aide massive de l'État, est aussi un objectif prioritaire et cela pour deux raisons. D'une part, la collectivité juge normal de subventionner une consommation mal satisfaite par le marché qui n'enregistre que les besoins solvables. D'autre part, les investissements en logements « constituent aussi de véritables investissements productifs qui permettent la mobilité des hommes et des entreprises sur le territoire, attirent les clients étrangers, élèvent le niveau moyen de la productivité nationale 1! ». Le rythme de la construction s'accélère de manière à améliorer quantitativement le parc de logements. La moyenne de 800 000 logements par an pourrait être retenue comme objectif nécessaire. La consommation privée croît naturellement moins vite dans cette esquisse que dans la précédente, mais plus rapidement pourtant que de 1965 à 1970. Le financement des opérations publiques risque cependant de présenter des difficultés.

11. Rapport du Comité de développement industriel.

CINQ ESQUISSES POUR 1985 39

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Esquisse E. —

Hypothèses

Hypothèses sur les facteurs de production

Population active en 1985

Durée du travail en ' 1985

• Évolution de la productivité horaire (1965- 1985)

(en milliers) Hypothèse moyenne. Population disponible 25 000 Population occupée 24 625 Population agricole 1 000

(Accélération de l'exode rural.) Population dans le hors branches.. 4 600 (+ 2% par an de, 1969 à. 1985.)

Hypothèse haute. Durée hebdomadaire moyenne. 41 heures Congés annuels 5 semaines

Hypothèse haute. Forts progrès liés à un accroissement de

l'effort d'investissement et de la mobilité des travailleurs.

Évolution dans les branches (4) et (7, 8) en % annuel d'accroissement..

Industrie Bâtiment, services, com

merces

1975/1965

7.15

3,8

1985/1975

7,5

• 4,7

Hypothèses sur la demande finale

Investissement en logements

Investissement productif

Consommation et investissement du hors branche

Solde extérieur

Hypothèse haute. Logements construits :

1 500 000 en 1985; 800 000 par an en moyenne de 1965 à 1985.

• Hypothèse haute. 19,1 % de la P.I.B. en 1985.

Hypothèse moyenne. + 5.5 % par an de 1965 à 1985.

Hypothèse haute. , En 1985, l'excédent réalisé par. l'industrie

est égal en % du P. N.B. à l'excédent réalisé par l'industrie de l'Allemagne fédérale en 1965.

Équilibre emplois - ressources

Millions de francs 1965

1965 1985

Taux annuels moyens de croissance

1985/1965 1975/1965

compte à 6,5% (1)

1985/1975

Production intérieure brute 438 748 1 593 585 % 6,7

% 6,1 7,3

Consommation des ménages F.B.C.F. en logements F.B.C.F. productif Dépenses des administrations et des institutions financières.. . Variation de stocks et solde extérieur

288109 32 297 68 990 36 530 12 822

979 346 110 000 304 375 105 800 94 064

6,3 6,3 7,7 5,5

5,6 6,3 8,7 6,6

7.0 6,3 6,7 4.4

(1) Soit 5.7 % par an de 1965 à 1970 et 6.5 % par an de 1970 à 1975.

40

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Volontarisme industriel

Priorité est accordée dans cette esquisse à l'impératif industriel. Pour que l'industrie obtienne cette priorité, il faudrait que l'ensemble du développement national soit orienté en fonction de la spécialisation industrielle de notre économie. On peut invoquer en ce sens quatre arguments :

1. La France doit, pour équilibrer sa balance des payements, réaliser un solde commercial excédentaire, en ce qui concerne les produits industriels; il faut mettre l'industrie en mesure d'affronter ses concurrents à l'étranger;

2. La contrainte de la concurrence étrangère s'impose à l'intérieur même de l'économie nationale; on ne peut s'en affranchir sans risquer de bloquer la croissance. Il n'y a donc pas de stratégie défensive; le choix est entre le progrès et le recul;

3. L'industrie est le lieu privilégié du développement du progrès technique. Encourager l'industrie, c'est encourager le progrès technique et permettre indirectement sa diffusion aux autres secteurs productifs;

4. Le développement industriel est le moyen de mieux employer la population en fournissant des emplois à productivité élevée à des travailleurs venus de secteurs où la productivité marginale est faible.

En supposant que notre pays adopte l'ensemble de ces objectifs, il lui resterait à mettre en œuvre une politique industrielle dont nous ne pouvons faire apparaître ici que quelques traits : — accélération de l'exode rural. , La production , agricole dépendant peu ou pas de la population active agricole, cette accélération réduirait la charge que représente l'agriculture tout en fournissant une main-d'œuvre supplémentaire aux autres branches; — effort en faveur de l'investissement productif; — effort pour la construction de logements, condition nécessaire d'un exode rural accéléré et d'une mobilité accrue des travailleurs;

— freinage des dépenses publiques non directement liées au développement industriel afin de laisser disponible le maximum pour la consommation privée mais surtout pour l'exportation.

Du côté des facteurs de production, il faut comparer cette esquisse à l'esquisse C. L'effort d'investissement productif y est plus prononcé. La population active totale est moyenne et la durée du travail élevée dans l'une comme dans l'autre. Mais ici, l'exode rural accéléré réduit la population active agricole à 1 000 000 de personnes en 1985. Grâce à l'investissement accru, la productivité du travail est plus élevée.

Du côté de l'utilisation de la production, c'est par l'importance de l'excédent commercial que se caractérise cette esquisse. En effet, l'industrie française suffit à son marché intérieur et les progrès de productivité attendus font qu'elle pourra continuer à y suffire même avec une main-d'œuvre réduite. Si elle doit se développer plus que les autres secteurs ce ne peut être que par la conquête de marchés extérieurs. Nous avons donc supposé qu'une politique d'exportation « agressive », un effort d'investissement direct à l'étranger, d'implantation d'un réseau commercial de vente et de service après vente, joints aux progrès de productivité, porteraient leurs fruits d'ici 1985. Le résultat serait que l'excédent commercial réalisé par l'industrie française à cette date serait égal à celui de l'industrie allemande en 1965 (en % du produit national brut). Cet excédent a pour contrepartie essentielle un fort investissement à l'étranger qui s'ajoute à l'investissement intérieur.

Fort excédent commercial, fort investissement productif, fort investissement en logements; les frais de ce triple effort sont supportés par la consommation publique et dans une certaine mesure par la consommation privée. Le sacrifice n'est que relatif puisque la production croît plus vite que dans n'importe quelle autre esquisse, mais le financement des investissements ne peut manquer de poser des problèmes délicats.

CINQ ESQUISSES POUR 1985 41

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TABLEAU 6. Classification des différentes esquisses de croissance

Pays présentant approximativement ces caractéristiques

en 1965

France, Italie, Grande-Bretagne....

Allemagne, Japon

• Suède

U.S.A

/

Critères de classification

Investissement (1) productif

Faible

Fort

Fort

Faible

Fort

Dépenses publiques (1)

Faible

Faible

Fort

Fort (en raison de

dépenses militaires)

Faible

Consommation privée (1)

Fort

Faible

Faible

Fort

Fort

Esquisses présentant

ces caractéristiques en 1985

A-B

E

D

/

C

(1) En pourcentage de la PIB et non pas en valeur absolue.

Indice % de

base la P.

Consommation

100 en 1965 I. B

TABLEAU

des ménages

7. la consommation

1965

100 65,6 %

A

279 64,6

des

%

ménages

B

255 63,4 %

1985

C

320 65,3 %

D

293 60,2 %

E

340 61,5 %.

3

Récapitulation

Les esquisses présentées ci-dessus ne nous autorisent pas à définir des ensembles d'objectifs de politique économique entre lesquels choisir. Seule une analyse des conditions socio-politiques nationales et internationales, dans lesquelles le développement économique s'effectuera, garantirait que les cinq esquisses soient également réalisables. Elles apportent néanmoins des éléments de réponse aux questions que nous nous posions à propos de la croissance à long terme de l'économie française. Nous avons défini des rythmes de croissance envisageables. Qu'en est-il de l'utilisation des fruits de la croissance et de l'importance relative des branches de production?

42

Taux de croissance et niveau de vie

La comparaison de l'emploi que différents pays font de leurs ressources, nous offre des critères pour classer les cinq esquisses (tableau 6). Mais il ne faut pas confondre évolution relative de la part des différents emplois de la P.I.B. et évolution en valeur absolue. La consommation des ménages est multipliée par 2,5 en 20 ans dans le cas le plus défavorable et par 3,4 dans le cas le plus favorable (tableau 7).

La progression de la consommation des ménages dépend donc avant tout du rythme de la croissance économique, même si le ralentissement de la croissance empêche une modification de la structure des emplois de la P.I.B. (esquisses A et B), même si, à l'extrême opposé, la priorité à la croissance est aussi une priorité aux investissements productifs et aux investissements à l'étranger (esquisse E). De ce point de vue, esquisse D occuperait une situation

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TABLEAU 8. Part de la population employée dans l'agriculture, l'industrie les services et commerces

1. Évolution entre 1896 et 1968

Agriculture Industries extractives et manufacturières Services, B.T.P., commerces

Total . .

1896

43,5 26.8 15,5 14,2

100,0

1913

37.5 31,0 18,1 15.4

100,0

1929

32,5 31,1 20.4 16,0

100,0

1938

31,4 29,1 22,3 18.2

100,0

1949

29,0 27,7 22.8 20,5

100,0

1954

26,6 29.3 25,3 18.8

100,0

1962

19.9 30.6 29,1 20,4

100,0

1968

15,0 31.7 33.4 19,9

100,0

2. Évolution possible entre 1965

Agriculture Industries extractives et manufacturières Services, B.T.P., commerces Transports et « hors branches »

Total..

1965^

16,8 30.2 31,7 21,3

100,0

1975

10.4 29,4 36,7 23.5

100,0

et 1985

1985

A

6.5 26,0 43,1 24.4

100.0

B

7,0 24,8 42,5 25,7

100,0

c

5,8 26.7 43,2 24,3

100,0

D

5,4 26,2 41,7 26,7

100.0

E

4,1 28,3 43,3 24,3

100,0

1 Agriculture 2. Industries agricoles et al:-

mentaires 3 Energie 4 Industrie 5. Transports, télécommunic

ations 6. Service du logement 7 et 8. B.T.P., services, com

merces Hors branches

Population active occupée

Chômage

Population active totale moins contingent

TABLEAU 9. Répartition de la

1965

En 1 000

3 316

689 374

4 907

1 027 38

6 277 3157

19 785

270

20 055

En%

16.8

3.5 1,9

24,8

5.2 0.2

31,7 15,9

100,0

population active

1985

A

En 1 000

1 600

676 288

5 453

1 347 60

10 601 4 600

24 625

375

25 000

En%

6,5

2.7 1.2

22.1

5.5 0.2

43,1 18,7

100,0

B

En 1 000

1 600^

636 256

4 741

1 186 60 ,

9 671 4 600

22 750

350

23100

En%

7,0

2,8 ' 1.1

20.9 ' 5.2

0.3

42,5 20,2

100,0

c

En 1 000

1 425

682 318

5 557

1 332 60

10 651 4 600

24 625

375

25 000

En%

5,8

2,8 1.3

22.6

5.4 0.2

, 43.2 18,7

100,0

D

En 1 000

1 425

736 322

5 876

1 418 60

11 063 5 600

26 500

400

26 900

En%

5.4

2.8 1.2

22.2

5,4 . 0,2

41,7 21.1

100,0

E

En 1 000

1 000

646 326

6 022

1 319 60 ,

- 10 652 4 600-

24 625

375

25 000

En%

4.1

2,6 1.3

24,4

5.4 0,2

43.3 18,7

100,0

CINQ ESQUISSES POUR 1985 43

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intermédiaire. Mais elle prévoit le développement des consommations collectives; elle suppose d'importantes mutations du mode de vie, dont l'évolution est dès lors mal mesurée par celle de la consommation privée.

Importance relative des branchés de production

Un accroissement sensible de la part de l'industrie dans la valeur ajoutée entre 1965 et 1985 est d'autant plus important que la croissance est plus rapide. La part des services est remarquablement stable entre 1965 et 1985, quelle que soit l'esquisse. C'est donc aux dépens de l'agriculture (et des industries agricoles et alimentaires) que se réalise la progression de l'industrie (tableaux 8 et 9).

On observe cependant une diminution relative de l'emploi industriel entre 1965 et 1985, qui devrait se produire surtout après 1975 et cela d'autant plus rapidement que la croissance est moins forte, plus orientée vers la réduction du temps de travail que vers un développement intensif de l'industrie. Selon le taux de croissance de la population active totale, cette diminution correspond tantôt à une diminution » nette du total des emplois, industriels (esquisse B) et tantôt à un accroissement net, parfois important (esquisse E). Il est de moins en moins probable que le renforcement du potentiel industriel de l'économie française s'effectue par un accroissement relatif de la main-d'œuvre employée dans l'industrie. Il se fera plutôt par la mise en œuvre de moyens de production de plus en plus efficaces. La diminution de la population agricole pourrait s'effectuer à un rythme relativement rapide, surtout si la croissance économique élevée rend plus facile l'abandon de la terre et si une politique de conversion! est mise en œuvre. Mais d'un point de vue global, le transfert de population s'effectuera de façon prioritaire vers le tertiaire et accessoirement vers l'industrie.

Les services et les commerces seront les plus grands demandeurs de i main-d'œuvre. , De nouveaux problèmes prendront une importance croissante à l'avenir. En particulier, le renforcement de la compétition internationale pèsera certainement sur le secteur tertiaire qui ne pourra pas rester à l'abri de la rationalisation, dans la mesure même où il représentera une part croissante du prix du produit offert sur le marché. La croissance du tertiaire n'est pas a priori un développement pléthorique ou parasitaire, mais il est certain que nos outils d'analyse ne nous permettent guère, à l'heure qu'il est, de distinguer dans ce développement ce qui est nécessité par la croissance économique et ce qui ne l'est pas.

André GAURON appartient à la division des Programmes de l'I.N.S.E.E. (Direction des Synthèses économiques). Edgar ANDRÈANI, professeur agrégé à la Faculté des Sciences économiques de Nantes, y est consultant.

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