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Imagerie de la Femme (2010) 20, 60—64 ÉCOLE D’ÉCHOGRAPHIE GYNÉCOLOGIQUE Cinquième lec ¸on de sémiologie échographique de la pathologie pelvienne Fifth lesson of sonographic features in pelvic diseases Érick Petit a,b a Centre d’imagerie médicale Italie (CIMI), 6, place d’Italie, 75013 Paris, France b Service d’imagerie médicale, groupe hospitalier Paris Saint-Joseph, 185, rue Raymond-Losserand, 75014 Paris, France Disponible sur Internet le 23 f´ evrier 2010 L’objectif de cette rubrique « École d’échographie gynécologique », centrée sur le thème de la sémiologie échographique de la pathologie pelvienne par voie endovaginale, est de montrer des images pathognomoniques concernant les annexes, l’endomètre, le myo- mètre, puis d’autre origine plus rare, devant conduire à une conclusion diagnostique [1] claire et ferme, basée sur une description sémiologique précise. Il s’agit, en somme et par analogie, de repérer et « distinguer immédiatement l’éléphant, la girafe ou le zèbre dans la savane ». Voici trois dossiers échographiques pelviens, par voie endovaginale (Fig. 1 et 3) et « par voie sus-pubienne » (Fig. 2). Qu’en pensez-vous et quelle conduite à tenir proposez-vous ? Adresse e-mail : [email protected]. 1776-9817/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.femme.2010.01.001

Cinquième leçon de sémiologie échographique de la pathologie pelvienne

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Page 1: Cinquième leçon de sémiologie échographique de la pathologie pelvienne

Imagerie de la Femme (2010) 20, 60—64

ÉCOLE D’ÉCHOGRAPHIE GYNÉCOLOGIQUE

Cinquième lecon de sémiologie échographique de lapathologie pelvienne

Fifth lesson of sonographic features in pelvic diseases

Érick Petit a,b

a Centre d’imagerie médicale Italie (CIMI), 6, place d’Italie, 75013 Paris, Franceb Service d’imagerie médicale, groupe hospitalier Paris Saint-Joseph, 185, rueRaymond-Losserand, 75014 Paris, France

Disponible sur Internet le 23 fevrier 2010

L’objectif de cette rubrique « École d’échographie gynécologique », centrée sur le thèmede la sémiologie échographique de la pathologie pelvienne par voie endovaginale, estde montrer des images pathognomoniques concernant les annexes, l’endomètre, le myo-mètre, puis d’autre origine plus rare, devant conduire à une conclusion diagnostique [1]claire et ferme, basée sur une description sémiologique précise. Il s’agit, en somme et paranalogie, de repérer et « distinguer immédiatement l’éléphant, la girafe ou le zèbre dansla savane ».

Voici trois dossiers échographiques pelviens, par voie endovaginale (Fig. 1 et 3) et « parvoie sus-pubienne » (Fig. 2).

Qu’en pensez-vous et quelle conduite à tenir proposez-vous ?

Adresse e-mail : [email protected].

1776-9817/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.femme.2010.01.001

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l’abdmm.

Figure 1. Femme de 56 ans, ménopausée depuis deux ans, sans tovarien gauche de 36 mm de découverte fortuite. Plans sagittal et

Figure 2. Femme de 33 ans, 0G-0P, augmentation du volume de(A), doppler couleur (B) et doppler pulsé (C), D1 = 210 mm ; D2 = 92

Réponse

Ces trois dossiers permettent de clore le chapitre destumeurs ovariennes les plus caractéristiques. Nous avons vu,dans les troisième [2] et quatrième lecons [3], le tératomekystique mature et le fibrothécome, illustrant respective-ment le groupe des tumeurs des cellules germinales etcelui des tumeurs des cordons sexuels et du stroma gona-dique, ainsi que les métastases. Le dernier groupe rassembleles tumeurs ovariennes les plus fréquentes : les tumeursépithéliales, soit 60 % des tumeurs ovariennes. Parmi celles-ci, trois se distinguent par leur fréquence et leur aspectéchographique caractéristique : le cystadénome séreux, lecystadénome mucineux et le cystadénocarcinome séreux[1,4].

Premier dossier (en réponse à la Fig. 1)

Chez cette femme de 56 ans, 2G-1P, avec une grossesseextra-utérine (GEU) dans ses antécédents personnels et descancers du sein et du rein familiaux, a été découvert, dans

ent hormonal substitutif (THS), contrôle à quatre mois d’un kysteversal : D1 = 30 mm ; D2 = 36 mm ; D3 = 28 mm, soit 16 ml.

omen, j25, ovaire droit, voie sus-pubienne, plan sagittal, mode BIndex de résistance (IR) = 0,51.

un contexte de cystites à répétition, un kyste ovarien gauchede 36 mm lors de l’échographie urinaire effectuée par voiesus-pubienne. Sur le contrôle à quatre mois par voie endova-ginale, attitude justifiée par la découverte fortuite, l’aspectuniloculaire liquidien pur du kyste, sa taille inférieure à 5 cmet la ménopause récente depuis deux ans, ce kyste confirmeson aspect liquidien pur, à paroi fine et régulière. Il estmesuré à 36 mm de plus grand axe, donc a priori stable maissans certitude en l’absence de volumétrie précise effec-tuée lors de la première échographie. Il faut donc prendre,cette fois ci, les trois dimensions pour obtenir le volumede 16 ml, qui servira de référence plus objective en vue dunouveau contrôle que l’on peut à nouveau proposer à troisou quatre mois, sans risque. En effet, l’échostructure sus-décrite signe la bénignité et il faut se souvenir que mêmeen post-ménopause, surtout récente de moins de trois ans,un kyste uniloculaire liquidien pur, jusqu’à 30, voire 40 mmpeut être encore fonctionnel. Par ailleurs, la disparitiond’un tel kyste, définissant ainsi son caractère folliculairefonctionnel, peut prendre du temps puisque 60 % seulementdisparaissent en trois mois, 75 % en six mois et 95 % en un

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62 É. Petit

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igure 3. Femme de 45 ans, 2G-1P, douleurs abdominopelviennes.1 = 96 mm ; ovaire gauche, plan transversal, mode doppler couleur (B1 = 16 mm ; D2 = 15 mm.space*-2pc

n. Dans notre cas, un deuxième contrôle échographiquear voie endovaginale (Fig. 4) est effectué, à huit mois de’échographie initiale, et permet cette fois ci d’objectiverne croissance réelle du kyste en se basant sur la compa-aison volumétrique puisqu’il passe de 16 à 24 mm pour unerogression de son diamètre maximal, moins significative de6 à 39 mm. Le diagnostic d’organicité est alors assuré etermet de discuter d’une intervention, sans urgence, quievient, cependant, plus licite car l’on peut s’attendre à laoursuite de la progression lésionnelle avec un risque de tor-ion bien supérieur à celui tout à fait théorique de malignité.n l’absence de tout autre examen complémentaire, notam-ent d’imagerie, parfaitement inutile dans ce contexte, si

e n’est le traditionnel dosage du CA 12.5 en règle normalt surtout rassurant, une annexectomie bilatérale par cœlio-copie a donc été réalisée. Celle-ci a permis de confirmere diagnostic préopératoire suggéré de cystadénome séreuxvarien gauche, sans signe histologique de malignité.

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igure 4. Nouveau contrôle à trois mois et demi du précédent. Plans4 ml. Cystadénome séreux ovarien gauche.

Ovaire droit, plan transversal, mode B et doppler couleur (A),) ; étude péritonéale périhépatique droite (C) et épiploïque (D),

euxième dossier (en réponse à la Fig. 2)

emme de 33 ans, 0G-0P, vue à j24 pour une augmentationu volume abdominal sans douleur, et perception clinique’une masse abdominopelvienne. L’échographie, initiale-ent effectuée par voie endovaginale, s’avère insuffisante

ompte tenu du volume de la masse. Dans ce cas, l’abordus-pubien est nécessaire, la vessie vide n’étant d’ailleursas un obstacle, puisqu’une vessie pleine éloignera la massee la sonde abdominale. Il s’agit donc d’un kyste parais-ant provenir de l’ovaire droit (Fig. 5a), à développementelvi-abdominal et mesuré au minimum à 210 mm de plusrand axe en hauteur. Ce kyste est multiloculaire à contenuiquidien, d’échogénéicité variable d’un locule à l’autre,es septa étant d’épaisseur variable, mais plutôt fins dans’ensemble et réguliers, sans végétation, réalisant ainsi unspect dit en nid d’abeille. L’étude en doppler couleurFig. 5b) est utile pour confirmer le caractère liquidien des

sagittal et transversal : D1 = 36 mm ; D2 = 32 mm ; D3 = 39 mm, soit

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gie

Cinquième lecon de sémiologie échographique de la patholo

Figure 5. Cystadénome mucineux ovarien droit (A) avec fins septa rég

plages les plus échogènes et peut détecter un flux dans cer-tains septa. L’étude en mode doppler pulsé (Fig. 5c) deces flux révèle ici un index de résistance (IR) à 0,51, cequi est plutôt favorable puisque classiquement il est consi-déré que le seuil de 0,4 sépare la bénignité (IR > 0,4) de lamalignité (IR < 0,4). Mais en fait, il existe un tel chevauche-ment des valeurs qu’aucun seuil fiable n’est validé et il nefaut donc pas s’appuyer sur le doppler pulsé pour conclureà la bénignité ou malignité d’un kyste ovarien. C’est l’étudefine en mode B qui donne les meilleurs arguments en faveurde la bénignité, comme le suggère l’aspect morphologiquedu kyste sus-décrit. Ces caractéristiques permettent mêmede proposer, avec une excellente fiabilité, le diagnostic decystadénome mucineux reposant « in fine » sur la triade :volumineux kyste, multiloculaire, d’échogénéicité variabled’un locule à l’autre. Cela conduit, après la réalisationd’un scanner abdominopelvien pour l’évaluation optimaledu péritoine et le dosage des marqueurs (CA 12.5 et CA 19.9),à une laparotomie compte tenu du volume tumoral. Ce n’estque l’analyse histologique qui permettra de conclure à la

Figure 6. Cystadénocarcinome ovarien séreux bilatéral (A et B), avec

pelvienne 63

uliers dont certains avec flux détectable en doppler (B et C).

bénignité et d’éliminer formellement une lésion borderline,voire maligne. Dans le cas présenté ici, la normalité du péri-toine au scanner, l’absence de signe tomodensitométriquede malignité et des marqueurs sériques normaux ont conduità la laparotomie qui a permis l’exérèse par annexectomiedroite d’un cystadénome mucineux, bénin, de plus de 2 kg.

Troisième dossier (en réponse à la Fig. 3)

Femme de 45 ans, 2G-2P, souffrant de douleurs abdomino-pelviennes depuis quelques mois. L’échographie pelvienneendovaginale effectuée à j10 révèle aisément un aspecttumoral ovarien bilatéral de grande taille (Fig. 6a et b).Ceskystes sont majoritairement tissulaires, avec de nombreuxflux détectables en doppler couleur au sein des portionssolides.

Il faut alors compléter l’étude par voie sus-pubienneafin de vérifier le péritoine (Fig. 6c et d). Ce qui permetde constater une ascite, notamment périhépatique et desnodules évidents de carcinose péritonéale. Le diagnostic

ascite, notamment périhépatique (C) et carcinose péritonéale (D).

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de l’ovaire ;• l’étude morphologique en mode B reste

fondamentale et prépondérante. Le doppler

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e carcinome ovarien au stade III est alors évident, à typee cystadénocarcinome séreux par argument de fréquence.l faut alors effectuer un dosage du CA 12.5, ici élevé à000, non pas tant à visée diagnostique que pour la sur-eillance ultérieure, ainsi qu’un scanner abdominopelvienour l’évaluation plus précise de la carcinose péritonéale,e l’envahissement ganglionnaire et du bilan d’opérabilitémoins fréquent en cas de lésion sus-mésocolique). Si lecanner n’est pas disponible, une cœlioscopie peut évaluera résécabilité au prix d’un risque d’essaimage de cellulesumorales par le pneumopéritoine crée lors de la laparo-copie, idéalement suivie d’une laparotomie pour exérèseomplète des lésions, et complétée par une chimiothérapiedjuvante. Cela fut le cas pour cette patiente, qui à ce jourst en rémission complète, soit à plus de deux ans du traite-ent chirurgical. Cette présentation du carcinome ovarienuel que soit son type histologique est, hélas, de loin lalus fréquente en pratique courante et ne pose donc pas deroblème diagnostique. L’étude morphologique en mode Beste la plus fiable : plus les portions tissulaires, en règleichement vascularisées en doppler couleur, sont impor-antes et la partie kystique minoritaire, plus la malignitést à craindre. L’ascite et les éventuels nodules de carci-ose déjà échographiquement perceptibles confirment, bienntendu, le diagnostic. Enfin, le contexte algique ou à typee simple gêne, mais devenant chronique, de l’abdomen estn règle présent, aussi toute patiente étiquetée colopatheais de novo, ainsi que toute accentuation ou modification’une colopathie fonctionnelle connue doit faire vérifier lesvaires d’une patiente habituellement adressée pour écho-raphie abdominale.

onclusion

es trois cas illustrent la présentation la plus typique desumeurs ovariennes du groupe épithélial les plus fréquem-ent rencontrées. Dans l’ordre de fréquence décroissante,eux bénignes : les cystadénome séreux et mucineux, la troi-ième maligne : le cystadénocarcinome séreux. L’analyse enode B reste prépondérante et permet d’effectuer le diag-

ostic avec une excellente fiabilité dans ces présentationslassiques.

Points à retenir

• un kyste (donc par définition supérieur à 30 mmen préménopause, et quelle que soit sa tailleen post-ménopause), uniloculaire, liquidien pur, àparoi fine et régulière, est bénin et correspond,soit à un kyste folliculaire, fonctionnel, soità un cystadénome séreux. Un contrôle à troisou quatre mois, éventuellement renouvelé, estimpératif et permettra de trancher, y comprisen post-ménopause de moins de trois ans. Unevolumétrie est à effectuer, plus objective quele diamètre maximal. La persistance du kyste

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É. Petit

signe l’organicité, donc le cystadénome séreux.Une exérèse cœlioscopique se discute alors enfonction de la taille (supérieure à 50 mm),l’évolutivité dimensionnelle éventuelle, l’âge etle terrain de la patiente. Sans autre imagerienécessaire, ni urgence ;

• un kyste multiloculaire, volumineux,à développement pelvi-abdominal etd’échogénéicité variable d’un locule à l’autrecorrespond à un cystadénome mucineux.L’exérèse, le plus souvent par laparotomie,compte tenu du volume, s’impose et seulel’histologie permettra d’affirmer la bénignité ;

• un kyste ovarien, éventuellement bilatéral,mixte, kystique et solide, à composantesolide majoritaire et richement vascularisée,éventuellement accompagnée d’uneascite, voire de nodules de carcinoseéchographiquement objectivables correspondà un cystadénocarcinome, séreux le plusfréquemment. C’est à ce stade déjà avancé quevous serez, le plus souvent, confrontés au cancerde l’ovaire, ce qui ne pose donc aucune difficultédiagnostique. Le scanner abdominopelvien restel’examen de référence pour le bilan d’extensionpréthérapeutique. Enfin, pensez toujours àvérifier les ovaires d’une patiente adressée pouréchographie abdominale dans un contexte detype colopathie, mais de novo ou modifiée danssa symptomatologie. C’est, en effet, le premiersymptôme, quasi constant, révélateur du cancer

couleur confirme l’aspect solide, suspect, parla vascularisation intralésionnelle détectée. Ledoppler pulsé n’a aucune valeur en l’absence devaleur seuil fiable entre bénignité et malignité.

onflit d’intérêt

ucun.

éférences

1] Hricak H. Diagnostic Imaging: Gynecology. Salt Lake City: Amir-sys; 2007.

2] Petit E. Troisième lecon. Sémiologie échographique de la patho-logie pelvienne. Imagerie de la Femme 2009;19:68—73.

3] Petit E. Quatrième lecon. Sémiologie échographique de la patho-logie pelvienne. Imagerie de la Femme 2009;19:209—15.

4] Ardaens Y, Guérin du Masgenêt B, Coquel P. Échographie en pra-tique gynécologique. Paris: Masson; 2007.