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Université des Sciences et Technologies de Lille Climat, mutations socio -économiques et paysages en Côte d’Ivoire Mémoire de synthèse des activités scientifiques présenté en vue de l’obtention de l’Habilitation à Diriger des Recherches par Yao Télesphore BROU Maître Assistant à l’Université de Cocody-Abidjan Enseignant-Chercheur à l’Institut de Géographie Tropicale d’Abidjan Membre extérieur de l’UMR Hydrosciences Montpellier Devant le jury composé de : Claude KERGOMARD, Professeur à l’Ecole Normale Supérieure de Paris, directeur recteur de Recherches à l’IRD (Hydrosciences Montpellier), rapporteur Eric SERVAT, Di Jean Jacques DUBOIS, Professeur à l’Université des Sciences et Technologies de Lille, rapporteur Jean Louis CHALEARD, Professeur à l’Université Paris 1, rapporteur Gérard BELTRANDO, Professeur à l’Université Paris 7, examinateur Alphonse YAPI-DIAHOU, Professeur à l’Ecole Normale Supérieure d’Abidjan, examinateur Soutenue le 30 novembre 2005 1

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Université des Sciences et Technologies de Lille

Climat, mutations socio - économiques et paysages

en Côte d’Ivoire

Mémoire de synthèse des activités scientifiques

présenté en vue de l’obtention

de l’Habilitation à Diriger des Recherches

par

Yao Télesphore BROUMaître Assistant à l’Université de Cocody-Abidjan Enseignant-Chercheur à l’Institut de Géographie Tropicale d’Abidjan Membre extérieur de l’UMR Hydrosciences Montpellier

Devant le jury composé de :

Claude KERGOMARD, Professeur à l’Ecole Normale Supérieure de Paris, directeur

recteur de Recherches à l’IRD (Hydrosciences Montpellier), rapporteur Eric SERVAT, Di

Jean Jacques DUBOIS, Professeur à l’Université des Sciences et Technologies de Lille, rapporteur

Jean Louis CHALEARD, Professeur à l’Université Paris 1, rapporteur Gérard BELTRANDO, Professeur à l’Université Paris 7, examinateur

Alphonse YAPI- DIAHOU, Professeur à l’Ecole Normale Supérieure d’Abidjan, examinateur

Soutenue le 30 novembre 2005

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AVANT-PROPOS Lorsque je décidais de travailler sur la problématique des relations environnement-population -développement, je ne savais pas que je m’engageais dans une aventure scientifique passionnante.

Mon incursion véritable dans cette thématique commence en 1994 avec le démarrage de la thèse de Doctorat 3ème cycle. Durant les trois années passées en thèse, mes travaux ont été orientés vers la recherche de relations entre les transformations climatiques et les dynamiques agricoles et démographiques. Les principaux résultats ont montré que le déplacement de la production cacaoyère et caféière semblait concomitant à celui des isohyètes au cours des dernières décennies en Côte d’Ivoire. Les variations de l’albédo et du gradient pluviométrique apparaissent alors comme liées aux considérables modifications apportées au couvert forestier.

La fin de ma thèse de 3ème cycle et mon recrutement à l’Université de Cocody en tant qu’enseignant-chercheur me donnaient l’opportunité d’explorer un autre axe de recherche au sein de la thématique. Le problème de l’impact des activités humaines sur le climat reste au cœur de mes préoccupations, mais il me semble tout aussi important d’analyser les incidences des modifications environnementales (variabilité climatique, dynamique des états de surface) sur les sociétés. Il ne fait, en effet, aucun doute que ces incidences doivent être prises en considération lors de la planification des activités humaines à court et long terme. Cette nécessité est très souvent mise en évidence dans ce document.

Ces travaux de recherche ont bénéficié du soutien scientifique, matériel, administratif et moral de plusieurs personnes. Qu’il me soit permis de les remercier !

Je voudrais tout d’abord exprimer ma profonde gratitude à M. Claude Kergomard, Professeur à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) de Paris et à l’Université de Lille1, qui a accepté que ce travail soit présenté comme une Habilitation à Diriger des Recherches en se portant garant pour mon inscription. Il a toujours montré à mon égard une bienveillante sollicitude. Il est aussi l’un des artisans de la coopération entre les universités de Lille1 et d’Abidjan grâce à laquelle j’ai effectué des séjours enrichissants au Laboratoire de Géographie des Milieux Anthropisés.

Je suis particulièrement reconnaissant à celui qui a suivi pas à pas le déroulement de ce long cheminement, M. Eric Servat, Directeur de Recherche à l’IRD et Directeur de l’UMR Hydrosciences Montpellier. Il a suscité et encouragé ce travail en me faisant bénéficier de plusieurs financements de l’IRD, à travers le programme du Département Soutien et Formation (DSF) des communautés scientifiques du Sud. Durant mon séjour à l’antenne Hydrologique d’Abidjan, entre 1994 et 1997, où je réalisais ma thèse de Doctorat 3ème cycle, sous sa co-direction, et plus récemment à la Maison des Sciences de l’Eau de Montpellier, il m’a enrichi de sa rigueur dans l’analyse des phénomènes hydro-climatiques. Mes remerciements vont également à Mme Hélène Neil qui m’a été d’une aide appréciable dans l’analyse des données statistiques. Je tiens de la même façon à remercier vivement Muriel Tapiau qui accepter volontiers de relire le manuscrit afin d’y corriger des fautes d’orthographe.

Remerciements et reconnaissances ne peuvent traduire exactement les sentiments que j’éprouve à l’égard de M. Hauhouot Asseypo, Professeur titulaire de Géographie à l’Université de Cocody-Abidjan. Il a manifesté tout au long de ce travail tant d’attention et de délicatesse. Au cours de nos entretiens, par ses observations et ses critiques, il m’a fait

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découvrir des aspects essentiels de la discipline. La gratitude et l’admiration que je porte à ce Maître de la Géographie sont très grandes.

Mes remerciements vont aussi à Gérard Beltrando, Professeur à l’Université Paris I, qui a bien voulu accepter, malgré ses nombreuses charges, de présider ce jury. Pour l’enthousiasme et la disponibilité qu’il a manifestés devant ce travail, je lui dis merci.

Je suis redevable aux professeurs Jean-Louis Chaléard de l’Université Paris 1, Jean Jacques Dubois de l’Université Lille 1 et Alphonse Yapi-Diahou de l’Ecole Normale Supérieure d’Abidjan, pour avoir lu entièrement mon manuscrit. Leurs remarques judicieuses m’ont été d’une aide précieuse. Qu’ils en soient remerciés.

Je n’oublierai pas M. Sylvain Bigot, Professeur à l’Université de Grenoble. Depuis 1998, Sylvain et moi avons entretenu un dialogue constant qui s’est traduit par la mise en place d’un accord de coopération entre les universités de Lille1 et Abidjan-Cocody. Sa disponibilité et son soutien sans détour m’ont été d’une grande utilité dans l’aboutissement de ce travail. Plus qu’un collègue, il est devenu un ami.

Je rends un hommage particulier à tous les maîtres qui m’ont formé aux disciplines de la géographie physique, notamment à MM. Koli Bi, Kra Yao et Augustin Touré, tous Maître-Assistants à l’Institut de Géographie Tropicale de l’Université de Cocody. Je pense également à mes collègues de l’IGT et mes amis qui m’ont apporté un soutien moral : Issa Ouattara, Sehran Nasser, Noufé Dabissi, Anho Paul, Celestin Hauhouot, Aphing Germain, Kablan Joseph, Celine Bikpo, Brou Emile, Junior Brou.

Enfin, toute ma gratitude va à ma femme qui m’a soutenu et encouragé tout au long de mes travaux de recherches, supportant, parfois, mes longues périodes d’absence. La confiance qu’elle a placée en moi ne pouvait rester sans suite.

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Résumé Pays de forêt et de savane, la Côte d’Ivoire, connaît, depuis maintenant plus de 40 ans, une variabilité importante de ses conditions bioclimatiques. L’analyse des données climatiques met, en effet, en évidence une diminution brutale des hauteurs pluviométriques à partir de la fin des années 60 et la persistance de ce phénomène au cours de la dernière décennie (1989-1999). D’un point de vue spatial, cette diminution se traduit par un glissement vers le Sud-Ouest des courbes d’iso-valeurs (de précipitation, de température, d’humidité, etc.). L’étude statistique des séries pluviométriques permet de déceler les dates de rupture qui se situent durant la décennie 60 et le début de la décennie 70. La baisse des précipitations n’a toutefois pas eu la même intensité partout. Par rapport au reste de la Côte d’Ivoire, l’ensemble des stations de l’Ouest et de l’Est l’ont faiblement ressentie.

Corrélativement à cette variabilité climatique, on observe une modification dans la dynamique du couvert végétal. En effet, quel que soit l’indicateur utilisé pour suivre l’évolution spatio-temporelle de la phénologie végétale, il apparaît que les années à pluviométrie exceptionnellement déficitaire comme 1982, 1983 et 1984 présentent une très faible production de biomasse. Inversement, les années de forte pluviométrie comme 1985 et 1986 enregistrent de fortes productions de biomasse. Les régions les moins affectées par cette dynamique interannuelle sont celles de l’Ouest du pays, marquées par la constance des fortes précipitations et la présence de grands massifs forestiers. La covariation entre les données climatiques et le NDVI est confirmée par la méthode STATIS, grâce à laquelle on a pu identifier des années exceptionnelles communes à ces deux variables. Le niveau de dépendance du NDVI par rapport aux paramètres climatiques varie de 60 % dans le Sud forestier à 80 % dans les savanes du Nord. En région de forêt dégradée, les valeurs avoisinent celles du Nord.

L’une des conséquences des modifications environnementales enregistrées depuis les années 60 est la forte mobilité spatiale des populations rurales. Le degré d’humidité et le niveau de réserve des terres faisant partie des conditions suffisantes pour les migrations agricoles, c’est vers les régions encore forestières de l’Ouest, à pluviométrie annuelle supérieure à 1 400 mm, que se dirige la grande partie des migrants. C’est ainsi que dans la région du Bas-Sassandra (Sud-Ouest), par exemple, près d’un habitant sur deux est migrant. Ces migrants proviennent principalement des régions de savanes ivoiriennes ou des pays limitrophes où la rentabilité de la mise en valeur des terres est limitée par la rigueur des conditions éco-climatiques. La forte pression foncière qui en résulte aboutit à d’inévitables modifications profondes du milieu forestier. Même si des signes de l’humanisation de la forêt ivoirienne sont perceptibles depuis bien des siècles, c’est à partir de la seconde moitié du 20ème siècle, et notamment après les indépendances des années 60, que commence la transformation véritable. Alors que les superficies dépassaient les 12 millions d’hectares en 1960, elles n’atteignent plus les 4 millions d’hectares en 1999. L’analyse diachronique des images récentes (1986-2001) à haute résolution spatiale (Spot SX) permet de se rendre compte de la poursuite du phénomène de la déforestation avec pour corollaire l’augmentation des surfaces en forêt dégradée et en culture jachère.

Dans ce contexte de raréfaction des ressources forestières, la protection des derniers massifs forestiers prend un sens particulier, invitant à l’évaluation des risques de déforestation totale. Des niveaux de vulnérabilité des massifs forestiers à la dynamique des populations rurales sont ainsi établis. Les régions forestières les plus exposées aux défrichements sont celles de l’Ouest à cause de l’existence d’importants fronts d’attaques aux limites des massifs forestiers. Cette situation ne concerne pas les parcs nationaux qui, contrairement aux forêts classées, bénéficient d’une protection intégrale de l’Etat. La survie de ces derniers massifs

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forestiers est liée à l’arrêt du système extensif de l’économie de plantation qui ne peut se développer que dans un environnement de forêt dense. Le passage de la culture extensive à la culture intensive apparaît aujourd’hui comme la seule alternative pour maintenir le potentiel de production agricole du pays. La mise en œuvre de cette politique agricole nécessite toutefois, en l’absence d’association élevage/culture, l’utilisation massive d’intrants chimiques importés dont le coût reste onéreux. La paupérisation de la masse paysanne, entretenue par la faiblesse des rendements agricoles et les fluctuations des cours des produits, constitue en fait l’un des principaux obstacles à l’intensification de l’agriculture, celle-ci ne pouvant accéder aux intrants pour améliorer la qualité des sols.

Face aux incertitudes du climat et à l’amoindrissement des terres forestières, les paysans adoptent des stratégies et des attitudes conservatoires et régulatrices. D’une manière générale, quelle que soit la région, celles-ci visent à : durcir les possibilités d’accès aux terres humides ; une meilleure disposition des cultures, la priorité étant accordée aux variétés précoces ; accorder la priorité aux bas de pente, aux bas-fonds non inondables et aux cuvettes à inondations peu fréquentes ; accorder une plus grande place aux cultures moins sensibles aux aléas. Dans les régions de savane du Nord, où les conditions éco-climatiques sont plus rigoureuses, les réponses adaptatives des paysans apparaissent beaucoup plus radicales. Les stratégies et les actions de l’Etat ont permis, quant à elles, à partir d’innovations technologiques, d’améliorer la productivité agricole. Au niveau de la protection de l’environnement, on note certes l’existence d’un cadre juridique et institutionnel, mais la mise en œuvre du plan d’action national a du mal à démarrer du fait de lourdeurs administratives, du manque de financement et de la complexité de la situation socio-politique actuelle.

L’ensemble de mes travaux se situe à l’interface du milieu physique et du milieu humain dans une démarche triptyque incluant l’écosystème, l’agro-système et le socio-système. Il s’agit, à partir de l’étude des interactions entre ces trois maillons de l’espace géographique, d’appréhender le milieu globalement, c’est-à-dire comme un ensemble dans lequel les éléments naturels et les éléments humains entretiennent des rapports dialectique. Cette conception est inspirée de l’espace géographique décrit par Bertrand G. et Bertrand C. (1975; 2002) dans lequel ils évoquent, dans une théorie baptisée GTP, les trois dimensions du milieu à savoir le Géosystème, le Territoire et le Paysage. Mes outils d’analyse rendent compte également de cette démarche intégrée à trois dimensions. Ils intègrent ainsi l’usage de la statistique pour l’analyse des données bioclimatiques, de la télédétection pour le suivi de la dynamique des états de surface et des enquêtes socio-économiques pour comprendre les actions et les réactions des populations face aux dynamiques environnementales.

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Glossaire

Agroforêt ou agroforesterie : système de cultures associées comportant plusieurs étages : grands arbres, petits arbres, arbustes, cultures herbacées annuelles ou pérennes ; une agroforêt imite la forêt naturelle et s’adapte très bien aux régions très humides. L’agroforesterie recouvre de nombreux aspects tels que agro-sylviculture, sylvo-pastoralisme, agro-sylvo-pastoralisme ; les agroforêts ne concernent donc qu’une petite partie de l’agroforesterie. Dupriez et de Leener (1993) notent que le terme agroforesterie " apparaît plus comme une tentative de reconstitution sémantique que comme une expression issue des réalités agraires tropicales ".

Culture de rente (café, cacao, arachide, riz) : culture qui peut générer des liquidités, souvent destinées à l'exportation, par opposition avec la culture vivrière de case, destinée habituellement à sa propre consommation.

Déforestation ou déboisement : réduction du couvert forestier à une densité inférieure à 10%. La déforestation est généralement le résultat des défrichements pratiqués par les paysans à des fins agricoles. Elle est également liée, mais pour une faible part, au développement des cultures agro-industrielles (Pomel et Salomon, 1998). L’action de l’homme sur la forêt se traduit par des processus physique, chimique ou biologique aboutissant à une perte du potentiel productif des ressources naturelles dans des zones couvertes de forêts et/ou utilisées par l'agriculture. La dégradation peut être permanente, bien que certaines zones forestières repoussent parfois naturellement ou avec l'aide de l'homme.

Développement durable : amélioration du niveau de vie et du bien-être des populations concernées, dans les limites de la capacité des écosystèmes, par la préservation du patrimoine naturel et de sa diversité biologique pour le bien des générations actuelles et futures.

Occupation du sol : mode d'affectation de l'étendue à des usages, des activités déterminés, à un moment donné (Roger Brunet et al). Mais, la prise en compte de l’action humaine conduit à distinguer cette notion, beaucoup plus rattaché aux aspects physiques et matériel du territoire, de celle de l’utilisation du sol quant à elle, la façon dont l’espace est utilisé. A ce niveau on peut encore distinguer les aspects techniques de l’utilisation des aspects relevant plus de l’affectation du sol qui est la fonction dévolue à une portion de territoire.

Phénologie: étude des variations des phénomènes périodiques de la vie végétale et animale en fonction du climat. En télédétection, l’Indice de Végétation Normalisé (NDVI en anglais) permet de suivre la phénologie. NDVI = (PIR-R) / (PIR+R), avec PIR : canal proche infrarouge ; R : canal rouge ; V : canal vert. Cet indice est très fortement corrélé à l'activité chlorophyllienne des feuilles. En effet, les pigments chlorophylliens absorbent fortement dans le rouge et les feuilles réfléchissent par contre fortement dans le proche infrarouge.

Reboisement : restauration d'un couvert arboré dans des zones récemment déboisées, au travers de plantations, du renforcement de la régénération naturelle, ou d'une combinaison de ces méthodes.

Représentations sociales, savoirs et pratiques traditionnelles: image que l’individu a de la réalité en fonction des savoirs qui lui ont été transmis (endogène et exogène) et des expériences qu’il a vécu. Le fondement ontologique (d'une culture donnée) réfère à ce qu'on nomme parfois: l'ontologie, la métaphysique, la Vision du monde d'une culture particulière.

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Cela veut dire que chaque culture comporte une vision particulière de la Réalité comme tout, et que ses mythes, symboles, croyances, intuitions, expériences, expressions sont le champ, la source, l'horizon, les postulats de toute sa connaissance et de sa pratique.

Saturation foncière : expression communément employée pour signifier une utilisation totale de l’ensemble des terres cultivables dans un espace donné (terroir, région, etc.).

Système de production : ensemble des moyens interdépendants mis en œuvre par l’agriculteur pour produire. La prise en compte de l’ensemble des moyens de production permet de préciser cette définition. Les moyens habituellement mobilisés sont : la terre, les instruments aratoires, les machines, la force de travail et, bien entendu, les végétaux et/ou les animaux. Le système de production est donc la combinaison de cultures et de moyens de production mis en œuvre au niveau de l’exploitation agricole (Tourte et Billaz, 1982 ; Gras, 1985 ; Chaléard 1988, Ndabalishye, 1995, etc.). Cette définition est plus large que celle de système de culture, ainsi que le fait remarquer les auteurs ci-dessus cités. En effet si le système de production fait référence à l’ensemble une exploitation, le système de culture est ramené au niveau de la parcelle (Norman, 1980 ; IRAM, 1985). Défini pour une surface de terrain traitée de manière homogène, par les cultures et leur ordre de succession et les itinéraires techniques, celui-ci est en fait un sous-ensemble du système de production. Il renvoi uniquement aux modes d’utilisation du sol. Pour l’agriculteur ouest-africain, le système de culture reste le niveau fondamental d’appréhension des problèmes techniques. Ses aspects essentiels sont : les cultures de bases, la durée de la jachère, la succession cultural, l’association culturale, les techniques culturales, les temps de travaux. C’est par ce biais qu’il modèle et fait évoluer le paysage.

Variabilité climatique : cette expression a été clairement définie par plusieurs auteurs dont Pagney (1990), cité par Tsalefac (1999), Beltrando et Chémery (1995). Elle fait pressentir la mobilité du schéma climatique moyen. Autant que possible, elle est analysée par rapport aux valeurs centrales (moyennes, normales) ou médianes des séries plutôt que par rapport aux valeurs moyennes ou normales, qui sous-entendent l’idée de fixité du climat. La variabilité climatique se distingue du changement climatique dont l’analyse nécessite l’observation d’une longue période de temps (au-delà de centaines et de milliers d’années). On arrive ainsi à mettre en évidence et à caractériser des tendances et des cycles (durée, ampleur, occurrence, forme, ...). La variabilité climatique s’établit en revanche à l’échelle de la vie des hommes. Elle se manifeste par des anomalies et des crises qui semblent aléatoires.

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Introduction

1 L’état des connaissances sur l’évolution des paysages en Côte d’Ivoire

La dynamique des paysages tropicaux a fait l’objet de nombreuses études. Les résultats qui en découlent s’organisent suivant deux axes principaux mettant en évidence soit l’influence des conditions naturelles, soit celle des activités agro-économiques. Très peu d’études abordent cette question sous l’angle de l’influence socio-économique et socioculturelle.

.1.1 L’interface nature / société dans le domaine de l’environnement

Parmi les modèles d’analyse de l’espace, la théorie du G(éosystème)- T(erritoire)- P(aysage), mis au point par Bertrand G. et C. (2002) constitue une référence significative pour une meilleure compréhension de l’espace géographique (Bravard et Lefort, 2004). Son modèle peut être présenté comme suit :

1. Une entrée " naturaliste ", le géosystème : état global d'un lieu à un moment donné, pour une durée donnée, sur une trajectoire représentée par une succession d'états – saisonniers, pluriannuels, pluriséculaires,...Comme Bertrand le remarque lui-même (Bertrand, 2002) : "d'inspiration géographique, le géosystème a d'abord été un concept spatial, à finalité naturaliste quoique anthropisé a priori. La dimension temporelle a toujours été présente mais comme en retrait. Aujourd'hui, devenue dominante, elle a fait évoluer l'ensemble du concept". Le Géosystème, ou milieu physique ou encore milieu naturel au sens strict, est l’environnement de l’écologiste. C’est donc l’espace physico-chimique d’un être vivant, ou d’une communauté d’êtres vivants, avec lequel ces derniers entretiennent des échanges permanents de matière et d’énergie. Il s’agit en fait de l’ensemble des éléments du milieu naturel : relief, climat, eaux, sol, végétaux, animaux, qui concourent à la structuration de l’espace. L’existence de ce milieu est conditionnée par un équilibre entre tous les éléments qui le composent. C’est un équilibre instable et donc évolutif (Bertrand, 1975). Lorsque cet équilibre atteint son plus haut niveau, c’est-à-dire quand le " potentiel " abiotique est entièrement saturé par l’exploitation biologique (il n’y a plus de place à prendre pour des êtres vivants extérieurs à la combinaison), on dit que le milieu est en état de climax. De ce point de vue, le climax est assimilé, en théorie, au point de départ de l’évolution des milieux, c’est-à-dire l’environnement écologique primaire.

2. Une entrée " socio-économique " : le territoire, c'est-à-dire l'environnement géographique mis en valeur par les sociétés et artificialisé par elles. Il peut être aussi défini comme une portion terrestre envisagée dans ses rapports avec des groupes humains qui l’occupent et l’aménagent en vue d’assurer la satisfaction de leur besoin. Comme le dit Bertrand (2002) : " C'est au travers du territoire, donc de la terre, que la nature devient une problématique sociale " . Le territoire intègre donc en son sein de multiple composantes : environnementale, sociale, économique, institutionnelle, etc.). Comprendre un territoire c’est mettre en évidence les interactions entre ses différentes composantes et non pas les considérer comme des couches successives dont la totalité constituerait un ensemble appelé territoire (Badie, 1995 ; Brunet et Dolfus, 1990 ; Le Berre, 1992). C’est à l’intérieur du territoire que se joue la complétion entre les acteurs à travers des stratégies différentes et éventuellement

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contradictoires, tous engagés dans un processus d’organisation territoriale. L’occupation humaine, des projets multiples, et des capacités variables à mener à bien des objectifs vont façonner et selon les échelles variables aménager les territoires. Le concept de territoire est intimement lié à celui de l’appropriation. Leffebre (1974) considérait l’appropriation comme la transformation d’un espace naturel afin de servir les besoins et les possibilité d’un groupe. Cette idée est souvent utilisée en anthropologie pour caractériser l’action des populations en vue de garantir l’accès , le contrôle et l’usage des ressources contenues dans une portion d’espace (Godelier, 1984). De cette définition découle une conception du territoire assimilable au résultat d’un processus de production, incluant des stratégies d’organisation, mais aussi de domination et d’exclusion.

3. Une entrée " socioculturelle ", le paysage, qui désigne à la fois un objet spatial, matériel et le regard que nous portons sur lui. Le paysage est donc aussi la manière de désigner et d'expliquer la relation culturelle/symbolique/identitaire qu'un individu/une société établissent avec un lieu. Le concept de représentation sociale désigne une forme de connaissance spécifique, le savoir de sens commun, dont les contenus manifestent l’opération de processus génératifs et fonctionnels socialement marqués. Selon Serge Briffaud (2004), ce concept est évoqué en premier par Emile Durkheim (1858-1917) à travers l’étude des religions et des mythes avant d’intéresser de nombreux chercheurs. Il s’agit des psychosociologues comme Chombart de Lauwe (1971), Farr (1977, 1984, 1987), Jodelet (1984) et Herzlich (1972), des anthropologues tels que Laplantine (1978, 1987), des sociologues comme Bourdieu (1982), des historiens - Ariès (1962) et Duby (1978), tous cités par Briffaud (2004). Dans le domaine de l’environnement, l’intérêt porté au concept de représentation sociale transparaît véritablement dès les années 80.

Il apparaît en effet que l’une des avancées les plus significatives de la communauté scientifique dans la production des connaissances relatives aux questions environnementales dans les deux décennies passées consiste dans la mise à jour des valeurs et des représentations sociales de l’environnement. A l’évidence, la prise en compte de ce concept est devenue indispensable dans la compréhension du jeu des acteurs autour de l’appropriation, de l’exploitation des ressources naturelles et des crises environnementales.

En fait, on ne peut concevoir l’histoire et le fondement du "milieu naturel" sans prendre en compte l’homme qui ne cesse de réorganiser l’espace pour ses propres besoins. A l’instar de l’Europe (profondément anthropisée depuis le Haut Moyen Age), très peu de régions en Afrique subsaharienne peuvent prétendre bénéficier actuellement d’un "milieu naturel" au sens strict de structure d’équilibre climacique, sans perturbation anthropique. En Côte d’Ivoire, seul l’Ouest concentre encore des massifs forestiers bien conservés. Mais l’ancienneté de l’installation des populations riveraines (des pièces et vestiges indiquant les traces de l’existence humaine au néolithique sont mis en évidence par Loucou, 1984) et les types d’activités pratiquées (agriculture, cueillette, chasse,…) par celles-ci invitent à s’interroger sur le caractère fondamentalement primaire de ces forêts.

A l’inverse, même s’il y a très peu de "milieu naturel" en tant que structure et système indépendant, les éléments naturels et leurs mécanismes propres participent toujours à la formation et à la dynamique des milieux humains. Il s’agit donc d’appréhender le milieu globalement, au sens d’espace géographique concept, c’est-à-dire comme un ensemble dans lequel les éléments naturels se combinent dialectiquement avec les éléments humains. Les travaux de Urlich Beck (1986) confirment cette vision de l’espace géographique. Pour lui, en effet, le monde naturel n’a aujourd’hui plus d’indépendance par rapport à la société, et la nature est strictement incluse dans le fonctionnement social et économique. Il existe bien entendu des phénomènes autonomes, des régularités physiques :

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mais l’influence des sociétés rend illusoire l’idée d’une autonomie globale du monde naturel. Pour Descola (2001), la nature n’existe pas comme une sphère de réalités autonomes pour tous les peuples. Ces théories permettent de démontrer les contradictions des modèles de " développement ou de protection de la nature " proposé par l’Occident aux pays en développement (Rossi, 2002). Ils sont souvent inapplicables parce que culturellement inadaptés.

C’est à partir des années 70, après le constat des graves accidents climatiques au cours de cette décennie et de la régression rapide des forêts tropicales, que renaît l’intérêt accordé aux problèmes environnementaux dans un contexte de dynamiques socio-économiques et démographique très vives. Cette prise de conscience est matérialisée par l’organisation, sous l’égide des Nations Unies, en 1972, du premier sommet de la terre à Stockholm et en 1979, de la conférence mondiale sur le climat à Genève, placée sous l’égide de l’OMM (Organisation Météorologique Mondiale). De la prise de conscience générale de la nécessité de préserver l’environnement, sans pour autant bloquer le développement économique et social, sont nés de nouveaux concepts tels que " le développement durable " ou " l’équité intergénérationnelle ". Mais, dans les faits, le succès médiatique de ce nouveau paradigme s’est accompagné de sérieuses difficultés d’application (Sandron et Sghaier, 2000). En effet, l’idée du développement durable dépasse de loin les points de vue qui ne considèrent les problèmes d’environnement que comme la projection de l’action de l’homme traduite par son impact sur le milieu. Même si le développement de théories beaucoup plus optimistes permettent de reconsidérer ce concept, la logique écologique en terme de " capacité de charge " est encore largement dominante. Ces contradictions dans les théories sur les relations entre croissance démographique et développement durable invite donc à mieux cerner le triptyque population / environnement / développement par le rejet des corrélations simplistes de causes à effets.

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.1.2 Le rôle des activités agro-économiques dans la dynamique de la végétation

La Côte d’Ivoire indépendante en 1960 a choisi comme axe majeur pour son développement économique et social la production agricole : cette priorité apparaît clairement dans les différents plans quinquennaux de 1960 à 1985 où l’agriculture est présentée comme le premier pilier du dispositif (cf. Ministère du plan 1983 cité par Hauhouot, 2002 ; Sawadogo, 1977). Cette priorité se traduit également par la mise en place d’un nombre important d’institutions agricoles, agro-industrielles et de développement rural, connues généralement sous le nom de SODE : SODEPLAM (Société de développement des plantations de palmiers), SODERIZ (Société de développement de la riziculture), etc. Il s’agit donc d’un modèle de développement basé sur l’agriculture. A partir de 1960, les actions conduites dans ce secteur par l’Etat, à travers ses institutions d’appui (Ministère technique, SODE et société d’économie mixte), ont pour objectif de hisser notre agriculture à des niveaux de performances élevés. Les programmes tendent à améliorer les systèmes de production en vue d’accroître les rendements, grâce à la formation des paysans.

Le programme Café-Cacao a permis d’améliorer les rendements de cacao de 350 à 536 kilogramme/hectare et du café de 250 à 330 kilogramme/hectare. Depuis 1980, la production moyenne a atteint 300 000 tonnes pour le café et 800 000 tonnes pour le cacao. Les superficies vont de 1,2 à 1,5 millions d’hectares pour environ 200 000 plantations en production. Le problème de la modernisation agricole réside toujours dans la faiblesse du nombre d’exploitants touchés par la vulgarisation : sur l’ensemble des 10 régions, 577 378 exploitants ont été recensés, mais seulement 277 552 sont en groupe de contact. Cette tendance risque de persister du fait de la faiblesse des appuis financiers en provenance des bailleurs de fonds internationaux, de la fragilité des COOPEC (Coopérative d’Epargne et de Crédit), de la chute des cours des produits et par conséquent de l’appauvrissement constant des paysans.

Traditionnellement, en Côte d’Ivoire comme dans de nombreux pays d’Afrique tropicale, la mise en culture des différents milieux reposait sur le brûlis de la végétation. Les techniques employées devaient donc paradoxalement assurer la destruction de la biomasse forestière et sa reconstitution à terme, la forêt étant exploitée comme une ressource renouvelable. Ce mode de production agricole est en fait basé sur la rotation entre culture (2 à 3 ans) et jachère (20 à 25 ans). Dans le cadre de l’économie de plantation basée sur la culture du café et du cacao, cette méthode culturale se maintient, mais a besoin de beaucoup d’espace pour augmenter les rendements et offrir du travail à une main d’œuvre sans cesse croissante, alimentée par un courant migratoire important. L'agriculture de plantation se pratique sur les terres de forêts vierges, au détriment de la forêt elle-même. C'est une agriculture extensive, anarchique, peu rationnelle, qui compense ses faiblesses par la conquête permanente de terres nouvelles (Kra, 1990). Pour contourner la tendance à la baisse de la productivité du travail liée au vieillissement des plantations, la société agraire s'est jusqu'à présent reproduite par le biais de la migration et le déplacement d'une partie de sa population sur la frontière agricole. En outre, la gratuité de la terre en économie de plantation (du moins pour les autochtones) a favorisé considérablement l’appropriation de vastes superficies de terres pour peu qu’un planteur ait pu disposer d’une force de travail suffisante. On peut ainsi dire que la rationalité de l’économie de plantation explique les défrichements massifs qui ont été opérés (Gastellu, 1978). Cette méthode culturale peut se maintenir dans le temps, tant que les densités de populations sont faibles (moins de 9 hab./km2), comme ce fut le cas dans le Sud-Ouest avant 1970. Mais maintenant, alors que les densités augmentent, l’équilibre du milieu devient de

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plus en plus difficile à maintenir : les périodes de jachères se réduisent, imposant ainsi une pression accrue sur le milieu. Entre 1960 et 2000, la superficie totale des zones non exploitées est passée de 12 millions d’hectares à moins de 2 millions d’hectares (BNETD/CCT, 2002).

Des situations similaires existent dans d’autres régions tropicales. C’est ainsi qu’en Amérique du Sud, grignotée par la culture du soja et les élevages bovins, l'Amazonie brésilienne a perdu 16,3% de sa superficie forestière depuis les années 1970, soit 653 000 km2 (FAO, 1997 ; 1999), correspondant à un territoire grand comme la France et le Portugal mis ensemble. Toutefois, le rythme de cette déforestation n’est pas homogène sur l’ensemble de ce sous-continent. Ainsi, à la différence du Brésil, en Guyane française, la forêt a longtemps été négligée, du fait des mises en valeur agricole historiques privilégiant les meilleures terres, non forestières de la bande littorale : les " basses terres " des savanes poldérisées, favorables à la culture de la canne à sure, du café, du coton, du cacao et du riz. Cette marginalité des espaces forestiers se manifeste également sur le plan administratif avec l’opposition d’une étroite frange côtière où se concentrait la population et un vaste ensemble intérieur presque vide (0,3 hab./km2). En Indonésie, c’est près de 20% des forêts protégées qui ont été détruites par les pilleurs de bois ou les paysans en quête de surfaces à cultiver. L'Indonésie, qui possède la deuxième forêt tropicale au monde après le Brésil, connaît une déforestation galopante. La forêt tropicale pourrait avoir disparu dans certaines îles d'ici 15 à 20 ans, selon les écologistes.

La surexploitation d’une ressource naturelle comme la forêt par des comportements " prédateurs "a pour conséquences les phénomènes d’appauvrissement, de fragilisation et de destruction des milieux et sociétés. Du fait de la diminution rapide du couvert forestier, du braconnage intensif, de la pratique incontrôlée des feux de brousse et des défrichements, la population de nombreuses espèces a régressé fortement et certaines d’entre elles sont menacées de disparition. En Côte d’Ivoire, par exemple, 59 des 89 espèces végétales endémiques sont en voie de disparition. Il en va de même pour certaines espèces animales, comme les oiseaux dont 20 des 756 espèces, dénombrées en Côte d’Ivoire, compte parmi les plus menacées (UICN 1990 ; East ; 1991 ; Martin 1996 in Le livre blanc de l’environnement de la Côte d’Ivoire, 1996).

En dehors des bouleversements liés aux activités humaines, l'impact des changements climatiques est également susceptible d'apporter des modifications importantes de la couverture végétale.

.1.3 Le rôle du climat dans la dynamique de la végétation La Côte d’Ivoire est caractérisée par des situations contrastées en matière d’écosystèmes naturels, avec notamment la présence de la forêt dense humide au Sud et de formations végétales dominées par la savane au Nord. Le déterminisme de ce partage entre types de végétation est essentiellement climatique, avec des corrections liées aux réserves en eau des sols. Les facteurs bioclimatiques sont l’eau, la lumière et la température. Dans le contexte de basse et moyenne altitude en zone intertropicale caractérisant la Côte d’Ivoire, ni la lumière ni la température ne peuvent être des facteurs limitants pour les raisons suivantes :

• étant donnée la faible obliquité des rayons solaires par rapport à la surface de la terre, l’apport calorifique est important et les températures moyennes mensuelles sont supérieures à 20°C ;

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• d’une amplitude annuelle inférieure à 1 heure, la durée du jour au fil des saisons ne peut pas induire de variations saisonnières des températures ; les amplitudes thermiques journalières sont modérées et supérieures aux amplitudes annuelles ;

• l’alternance au cours de l’année dans la position du soleil par rapport au zénith et les faibles modelés des reliefs ne peuvent créer de différences entre "adret" (versant d’une vallée tourné vers le Sud) et "ubac" (versant tourné vers le Nord).

Il reste l’eau, qui est donc le facteur clé pour déterminer la répartition des types de végétation naturelle, aussi bien par les quantités disponibles (précipitations et réserves en eau du sol) que par les variations mensuelles et inter annuelles de celles-ci. La pluviométrie (Pa) et la durée de la saison sèche sont les premiers paramètres mentionnés dans les travaux pionniers d’Aubréville (1938) qui considère que la forêt dense humide (f.d.h) exige une pluviométrie d’au moins 1 350 mm et une saison sèche ne dépassant pas deux à trois mois, un mois étant considéré comme sec par l’auteur si les précipitations restent inférieures à 30 mm. Mangenot (1951 ; 1960) note quant à lui que la f.d.h. ne semble pas compatible avec une pluviométrie inférieure à 1 100 mm, valeur minimale absolue qu’il a relevée en Côte d’Ivoire. Il apparaît facilement que la valeur absolue des précipitations annuelles ne fournit pas un critère suffisant de la répartition de la végétation, le Nord-Ouest de la Côte d’Ivoire (région d’Odienné) recevant plus de 1 500 mm de précipitations et étant couvert de savanes et de forêts sèches, alors que le Centre-Est (région d’Agnibilékro à Bondoukou et ancienne "boucle du cacao") reçoit moins de 1 300 mm et était couvert de f.d.h. (avant les défrichements pour l’agriculture). Mangenot (1951) précise ainsi son appréciation de la limite Nord de la f.d.h. en Côte d’Ivoire :

• Pa > 1 300 mm sur sols sableux mais Pa > 1 100 mm sur sols argileux ;

• au plus 4 mois reçoivent moins de 50 mm de pluie ;

• l’humidité relative n’est jamais inférieure à 50 %.

Il précise par ailleurs que le faciès sempervirent de la f.d.h. serait déterminé par :

• Pa > 1 700 mm ;

• un seul mois, ou au maximum 2 mais non consécutifs, recevant moins de 50 mm de pluie ;

• une humidité relative moyenne annuelle de 80 %. Pour Schnell (1971), le faciès sempervirent de la f.d.h. exige de 1 500 à 1 700 mm de précipitations annuelles. Utilisant des données climatiques plus complètes, Eldin, Guillaumet et Adjanahoun (1971) in Avenard et al. (1971) ont cherché à préciser et corriger la notion de mois sec ; ils ne se basent plus sur un simple montant pluviométrique, mais sur la notion de " déficit hydrique climatique " : d = ETP - P

ETP étant l’évapotranspiration potentielle et P la pluviométrie mensuelle

Si ETP > P d > 0 le bilan hydrique mensuel est déficitaire

ETP < P d < 0 on a un excédent hydrique

Sur cette base, l’existence de la f.d.h. correspondrait à un déficit hydrique cumulé inférieur à 600 mm avec une saison sèche d’au maximum 6 mois. Cette conception s’avère aussi relativement imprécise, à cause en particulier des erreurs de calcul de l’ETP liées aux insuffisances dans la saisie des données climatiques de base et à la faiblesse d’alors en moyens de traitement des données. Selon Trochain (1957), les différentes façons exposées d’exprimer la durée de la saison sèche négligent les réserves en eau du sol, qui peuvent

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permettre quand elles sont disponibles de compenser d’éventuels déficits pluviométriques. Ces réserves en eau du sol dépendent :

• de la "capacité de rétention en eau" de celui-ci, donc de sa texture liée à la nature de la roche mère (sol argileux sur schiste, sableux sur granite,…) ;

ce facteur explique en partie la remontée de la f.d.h. au Centre-Est du pays entre les isohyètes 1.300 mm (au niveau d’Abengourou) et 1 100 mm (au niveau de Bondoukou), sur des sols issus de schistes et, au contraire, la descente des savanes du V Baoulé vers le Sud jusqu’à Singrobo, sur des sols issus de granites ;

• de la pluviométrie des 30 jours précédents ;

ce facteur s’ajoute au premier pour expliquer la remontée de la f.d.h. au Centre-Est, le régime pluviométrique y étant bimodal jusqu’au Sud du Parc national de la Comoé ; bien que faibles, les précipitations sont plus étalées dans le temps, ce qui améliore les réserves en eau du sol ; à l’inverse, à l’Ouest du pays, la f.d.h. reste cantonnée à la région montagneuse de Man ; les précipitations annuelles sont supérieures, à une latitude équivalente, mais le régime pluviométrique est unimodal et la saison sèche plus longue.

Dans cette région de l’Ouest, il semble que l’influence défavorable d’un régime uninomodal sur l’économie de l’eau dans le sol soit contrebalancée par une atténuation des besoins hydriques de la végétation à la faveur de températures moyennes annuelles plus basses de quelques degrés, cela à cause de l’altitude, de la nébulosité saisonnière et de l’abondance des précipitations. Il en résulte une situation très particulière sur le plan phytogéographique, avec mélange des faciès ombrophile et mésophile et comme un "raccourci" du secteur sempervirent au domaine soudanais entre la région de Man – Danané et celle de Touba.

Or, depuis plus de 30 ans, le contexte hydro-climatique de l’Afrique de l’Ouest s’est considérablement dégradé. Plusieurs auteurs font en effet apparaître dans leurs travaux une diminution significative des ressources en eau au cours de ces dernières années. Ainsi dans une étude sur les tendances climatiques, Le Borgne (1990) rapporte que peu de pays de l'Ouest africain peuvent prétendre avoir totalement échappé à une baisse notable des précipitations ou à une perturbation dans leur répartition saisonnière. L'auteur indique que la Côte d'Ivoire, pays de forêt et de savane arborée, a également été touchée par ces modifications climatiques. Servat et al. (1997) puis Brou (1998) ont également mis en évidence cette variabilité climatique dans le cadre du programme ICCARE en 1995 (Identification et Conséquences d'une variabilité du Climat en Afrique de l'Ouest et centrale non sahéliEnne). Ils situent globalement le début de ce déficit pluviométrique entre 1965 et 1975. L'intérêt se porte aussi en plus de la durée, sur l'intensité et l'extension géographique de la variabilité pluviométrique actuelle. La baisse de la pluviométrie est alors mise en évidence par la translation, vers le Sud, des isohyètes. Le Borgne (1990) a estimé que dans la région sahélienne, par exemple, la distance parcourue par les isohyètes dans le sens Nord-Sud est de 200 à 300 km pour l'isohyète 100 mm, 100 à 150 km pour l'isohyète 500 mm et 100 km pour 1 000 mm. Morelle (1995) a fait ce même constat. Ce dernier souligne qu'en règle générale, les isohyètes de cette région se trouvent déplacés en moyenne de 100 à 200 km vers le Sud au cours de la sécheresse actuelle.

C'est dans cette même optique que Quincey (1987) a réalisé ses travaux sur le Sud forestier ivoirien en utilisant cette fois-ci les déficits hydriques moyens (état de manque en eau des couverts végétaux). Il arrive à la conclusion qu'au cours des dernières décennies, les conditions pluviométriques du Sud forestier ivoirien ont considérablement changé. L'étude montre en effet qu'à l'exception de la zone extrême Ouest et d'une zone Sud-Est, le déficit

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hydrique moyen a augmenté de 200 à 400 mm dans le Sud ivoirien entre 1950 et 1987. On peut mentionner aussi qu'au cours des années 70, le "V Baoulé" (zone de transition entre les domaines bioclimatiques Guinéen du Sud et Soudanien du Nord) s'évase et pénètre vers le Sud. Ces résultats confirment ceux obtenus par Servat et al. (1997) sur la période 1950-1994.

De la même façon L’ASECNA (1979), à partir de la comparaison des relevés pluviométriques de 15 années (1961-1975) aux normales pluviométriques calculées sur 30 ans (période 1931-1960) a tiré les conclusions suivantes sur l'évolution de la pluviométrie en Côte d'Ivoire : au cours de la période 1961-1975, la pluviométrie a été "normale" de 1961 à 1969, avec des courbes pluviométriques représentant une grande variation d'une année à l'autre. A partir de 1969, l'amplitude des courbes diminue et les valeurs sont en général nettement inférieures à la normale.

Il faut souligner toutefois que le total pluviométrique n'est pas le seul aspect de la pluviosité susceptible de connaître un changement notable. Dans ce sens, Sogbedji (1987) travaillant sur la pluviométrie du Togo méridional montre que contrairement à ce qui est couramment admis, le total pluviométrique annuel n'a pas varié. Selon l'auteur le changement climatique intervenu dans cette région se caractérise par un report, sur la grande saison des pluies de la petite saison. Dans ce cas il y a donc atténuation du régime pluviométrique bimodal vers un régime à tendance unimodale. Olivry et al. (1991) ont porté quant à eux leur attention sur les variations spatiales de cette tendance à la diminution des hauteurs de pluie en Afrique tropicale. Ils rapportent qu'il existe des nuances spatiales qui doivent être notifiées. Ainsi, affirment-ils que les zones côtières très arrosées, de la Guinée au Nigéria, paraissent en phase avec ce qui est observé dans la zone soudano-sahélienne (en valeur absolue, les déficits sont très importants). Plus à l'Est, vers l'Afrique Centrale, la tendance est d'abord beaucoup moins nette en bordure de l'Océan Atlantique puis s'accentue de nouveau vers l'intérieur du continent, sans toutefois retrouver l'ampleur des régions du Golfe de Guinée. Mahé et Citeau (1993) ont indiqué finalement que le déficit diminue en direction de l'Equateur pour n'être plus sensible en moyenne interannuelle dans le Sud du Gabon et du Congo.

La mise en évidence de la variation spatiale et temporelle de la pluviométrie est basée sur le développement de plusieurs méthodes. On peut ainsi dire avec Bernier (1977), cité par Hubert et Carbonnel (1987), que la stationnarité des séries hydrométéorologiques a beaucoup préoccupé les chercheurs. Ces auteurs se réfèrent dans leurs études à Buishand (1982, 1984), cité par Lubès et al. (1994), qui a étudié et comparé plusieurs méthodes permettant de tester l'homogénéité des séries chronologiques. Pour lui, la sécheresse qui perdure depuis une vingtaine d'années au Sahel d'Afrique de l'Ouest amène nécessairement à s'interroger sur la validité des hypothèses relatives à la stationnarité et à l'indépendance qui fondent le calcul des normes hydrologiques et météorologiques. Il arrive à la conclusion que la non-stationnarité des séries pluviométriques est admise. Vannisten et al. (1991) ont fait les mêmes réflexions. Pour arriver à ces résultats, ils ont mis au point une nouvelle méthodologie basée sur trois tests différents. Il s'agit : - du test de Mann-Kendall, qui permet de déceler l'existence d'une unique tendance globale au sein d'une série analysée; - du test de Lombard, à partir duquel on peut voir si le changement de moyenne au sein d'une série est significatif; - du test de Pettitt qui est, par contre, capable d'estimer la position d'un changement de moyenne dans une série ou sous-série, mais sans pouvoir en isoler plus d'un. Il existe bien entendu plusieurs autres méthodes permettant de déceler la non-stationnarité des séries chronologiques. Molinier et Cadier (1985), par exemple, ont utilisé dans le cas de la région Nord-Est du Brésil, la moyenne mobile classique pour détecter les tendances et les points de ruptures dans les séries pluviométriques. Demarée et Nicolis (1990), cité par Brou (1997), précisent que cette

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non-stationnarité se traduit plus par un changement abrupt de la moyenne au sein des séries que par une variation lisse (croissante ou décroissante) des valeurs prises par les événements qui la constituent. En ce qui concerne l'étude de la sécheresse proprement dite, Mohan et al. (1991), cité par Brou (1997), ont proposé une méthode d'approche basée sur l'analyse de ses caractéristiques comme le début, la durée, l'extension et la sévérité. Cette variabilité climatique est susceptible de fragiliser les écosystèmes de forêt et de savane, surtout à l’occasion des années anormalement sèches, comme ce fut le cas lors de la période 1982-1983. Ces années ont en effet été marquées par de grands feux de brousses, des incendies de forêt et de plantations, accompagnés d’une baisse drastique des productions agricoles. Par exemple, de décembre 1982 à mars 1983, on a enregistré 60 000 ha de forêts incendiées, 108 000 ha de plantations et de cultures détruites, une perte de 40 millions de $US pour 3 000 ha de plantations industrielles, 21 décès et 15 000 sinistrés (FAO, 1999). Ces nouvelles contraintes climatiques remettent ainsi en cause les projets de développement liés en particulier à l’agriculture, à la gestion des milieux de forêt et de savane, à l’alimentation en eau, aux propriétés physico-chimiques des sols, à la modification des processus biologiques et évidemment, sur le plan humain, au développement intégré régional.

Si l’impact de la variabilité climatique sur les écosysèmes de forêt et de savane est visible, les relations de cause à effet entre taux de déforestation et baisse du niveau des précipitations restent, en revanche, pour l’instant difficiles à quantifier.

.1.4 Interaction entre variabilité climatique et modification de la couverture végétale

Aucune étude scientifique ne permet d’établir des corrélations précises (Brou, 1997). Néanmoins, l’étude de l’évolution de certains paramètres d’interface (albédo, évapotranspiration) permet de mettre en évidence l’impact de la modification des états de surface sur le contenu en vapeur d’eau de l’atmosphère aux échelles régionales et locales. Selon Leroux (1995), depuis le travail pionnier de Charney (1975), l'importance des paramètres des surfaces continentales sur les modèles de circulation générale a été observée lors des expériences de sensibilité de ces modèles. Charney et al. (1977), Laval et Picon (1986), Mintz (1984), Sud et al. (1984), Walker et Rowntree (1977), cités par Leroux (1995), montrent que des changements d'albédo, de stock en eau du sol ou de rugosité de surface affectent l'évapotranspiration, et modifient les champs de précipitation, de température et de vent.

L'hypothèse maintenant bien connue de Charney fut lancée dans un climat de polémique (Otterman 1974, 1975; Ripley, 1976). Selon l'auteur, une décroissance du couvert végétal augmente l'albédo de surface et en conséquence réduit la température de surface, entraînant une subsidence supérieure compensatoire inhibant les précipitations, ce qui a pour effet d'augmenter le stress hydrique sur la végétation, amplifiant le forçage initial. Ripley (1976) note que la réduction de la végétation diminue la quantité d'énergie disponible en surface mais provoque surtout une augmentation du rapport de Bowen (flux de chaleur sensible/flux de chaleur latente) en réduisant les possibilités d'évapotranspiration.

Selon Flohn, cité par Munn et Machta (1979), l'augmentation de l'albédo depuis 6 000 ans devrait avoir provoqué une baisse de 0,13°C de la température d'équilibre de la surface du globe, tous les autres facteurs restant constants. Se basant sur le modèle de Hummel et Reck, Munn et Machta (1979) expliquent que si l'étendue des terres arables augmentait de 1%, l'albédo passant de celui de la terre noire (0,07) à celui des récoltes (0,25) pendant un tiers de

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l'année, la température superficielle de la terre diminuerait de 1°C. En tenant compte des modifications récentes du couvert végétal en Côte d'Ivoire et au Liberia, Gornitz et NASA (1985) ont calculé que l'albédo du Sud forestier ivoirien a augmenté d'environ 6%. Ces derniers auteurs n'ont cependant pas tenu compte des surfaces dénudées par des défrichements ou par des aménagements de routes et d'habitations. En outre, dans les calculs, la valeur d'albédo couramment utilisée pour un champ de cacao est de 16% contre 13% pour la forêt, sans tenir compte de l'âge et de la vigueur des plantations. Selon Van Rompaey (1994), une plus grande différence entre forêts et terres agricoles doit exister puisqu'elles apparaissent en teintes plus foncées sur images satellites. Pour toute l'Afrique occidentale, des valeurs indiquent une augmentation de l'albédo après la période qui a suivi l'intensification de l'agriculture (à partir des années 70). L'albédo des zones situées au Sud de la Côte d'Ivoire, du Ghana et du Nigeria est estimé à 11%, en se référant à l'état des forêts tropicales au cours du siècle passé, avant la grande vague d'exploitation agricole et forestière. En 1980, les modifications du couvert végétal dues à l'agriculture sont telles que l'albédo est passé à 17% (Gornitz, 1985).

Un autre problème important concerne les interactions entre la végétation et l'atmosphère. Les observations faites par Monteny (1986, 1988, 1989) et les modèles réalisés par Jousseaume et al. (1986) et Druyan et Koster (1989), cité par Brou (1997) ont bien montré l'importance du recyclage de l'eau dans l'alimentation du flux de mousson de vapeur d'eau. Monteny (1988, 1989), dans une étude en milieu tropical humide, indique que le Sud forestier ivoirien participe activement au maintien d'un équilibre climatique dont le moteur est la circulation atmosphérique. Selon l'auteur, la forêt dense crée des conditions favorables permettant un important recyclage de l'eau et son transport vers les régions situées plus au Nord en relation avec le mouvement de la Zone Intertropicale de Convergence (ZITC).

Les résultats des modèles réalisés prouvent que la forêt des milieux tropicaux humides de l'Afrique, par sa structure verticale aérienne et souterraine, injecte l'équivalent de 55 à 75% des précipitations annuelles dans l'atmosphère, ce qui permet aux paramètres physiques de la masse d'air (humidité et température) en provenance de l'océan de se reconstituer. Anhuf (1993) a tiré des conclusions semblables concernant les conséquences de la destruction de la végétation sur le bilan hydrique climatique à l'échelle régionale. Selon lui, la destruction ou la dégradation des forêts tropicales entraîne l'altération durable d'éléments importants de l'équilibre naturel : l'albédo, la température près du sol, l'humidité de l'air, le ruissellement superficiel et l'évapotranspiration. Des études comparatives, conduites par Cahan et Duval (1963) dans des zones forestières intactes et défrichées, ont mis en évidence une élévation significative de la température à 2 m du sol de 3 à 5°. Ceci est dû, pour ces derniers, à l'augmentation relative de la chaleur perceptible dégagée sous l'effet du rayonnement solaire, à cause de la moindre capacité d'évaporation du milieu.

Ainsi pour ces auteurs, toute modification de la surface forestière perturbe non seulement les échanges de chaleur et de vapeur d'eau au cours de l'année mais affecte également la répartition des eaux de pluie. La modélisation des paramètres physiques, même si elle permet de mettre en évidence les interactions entre les bioclimats et les états de surfaces, ne rend pas compte de la complexité des dynamiques environnementales intégrant l’influence socioculturelle des peuples. La question des dynamiques paysagères doit donc être abordée sous l’angle de l’interface nature/société.

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2 Le positionnement de ma recherche en géographie de l’environnement

Mes recherches sont fondées sur une vision triptyque du milieu rural à partir de trois systèmes différents et solidaires : l’écosystème, l’agrosystème et le socio-système. Ces systèmes sont différents parce qu’ils ont chacun leur propre fonctionnement. Le fonctionnement de l’écosystème obéit aux lois d’un milieu physique primaire, tandis que l’agro-système traduit le rythme de vie des cultures et des espaces non cultivés. Le socio-système montre, quant à lui, la logique du système social des populations dans sa relation avec le milieu. Mais ces systèmes évoluent ensemble, d’une façon déséquilibrée, la modification de l’un créant nécessairement des dysfonctionnements dans les deux autres et vice versa. Sur cette base, et en restant dans l’analyse systémique, " un système est un ensemble d’éléments différents les uns des autres mais solidaires dans l’accomplissement d’un but ", il me paraît inconcevable de chercher à comprendre séparément chacun des systèmes sans se mettre dans une vision d’interaction. Ces trois systèmes sont en réalité des sous-systèmes d’un système plus complet qui est l’espace géographique.

La figure 1 ci-après montre, à partir de l’exemple du modèle ivoirien, les relations entre les trois maillons de l’espace géographique. L’étude des rapports dialectiques entre l’évolution des sociétés rurales et l’évolution des milieux apparaît alors dans toute sa complexité. La variabilité bioclimatique actuelle, l’accroissement rapide de la population agricole et la course à l’appropriation des espaces encore favorables à l’agriculture rendent en effet de plus en plus complexe la gestion des milieux. Il est évident que ces phénomènes sont ressentis avec une très forte acuité dans les zones les plus dégradées et à fort déficit hydrique. L’incertitude de la bonne gestion des milieux et la nécessité de l’atténuation des effets des modifications environnementales interpellent sur les nouvelles stratégies à mettre en œuvre et les nouveaux comportements à adopter. On montre ainsi la sensibilité aux événements environnementaux du bien-être humain et des systèmes de production. Toutefois, ces incidences ne sont pas faciles à saisir du fait de la complexité des études intégrant les motivations humaines, ces dernières n’étant pas toujours clairement perceptibles.

L’espace géographique, vu sous cet angle, est pour moi le point de départ d’une géographie du développement. En effet, il s’avère de plus en plus que les résultats de recherche sur l’environnement ne peuvent devenir des instruments d’aide à la décision que mis en relation avec les perceptions locales et les représentations sociales. Ce sont de ces perceptions que découlent les stratégies des populations locales pour atténuer les contrecoups des modifications environnementales, remodelant ainsi le paysage. D’un autre côté, les modifications actuelles de l’environnement ont bouleversé les rapports homme-nature dans les paysanneries africaines, posant ainsi la question des mutations dans les représentations, les valeurs et les pratiques. Sortir de la compréhension des processus internes et chercher à comprendre les incidences des dynamiques environnementales sur les sociétés et leurs actions en retour sur le paysage, telle me semble être la priorité de la géographie de demain. La variabilité climatique, les modifications des états de surface, l’anthropologie des peuples ont été longuement et finement étudiées. Il reste aujourd’hui à faire interagir ces disciplines pour gérer durablement l’espace géographique. Pour moi, le géographe doit être au cœur de la pluridisciplinarité, c’est à dire qu’il doit assurer le lien entre toutes les sciences environnementales. Il s’agit de favoriser un enrichissement mutuel entre les sciences de la nature (météorologie, climatologie, hydrologie, géologie, botanique…) et les sciences humaines (sociologie, anthropologie, géographie humaine, économie,…).

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Figure 1 : Interactions entre les composantes de l’espace géographique en milieu rural

Milieu de savane- Stress hydrique plus marqué- Quasi disparition des espaces boisés- Quasi disparition des jachères dans les

secteurs humides- Paysage à dominance savane herbeuse,

culture et jachère- Préservation des bois sacrées

Mutations socio-économiques et socioculturelles :- Baisse des rendements agricoles- Changement dans l’utilisation du sol- Réorganisation / réordonnancement des paysages- Migrations- Conflits fonciers- Vision prospective des populations rurales- Changements d’habitudes alimentaires

Milieu de forêt- Risque de stress hydrique - Quasi disparition des forêts denses- Paysage à dominance jachère, culture et forêt secondaire

- Préservation des forêts sacrées- Utilisations des bas-fonds autrefois délaissés

Ecosystème

Variabilité bioclimatique

Contexte économiquenational

et international

Agrosystème Socio-système

Modification des paysages

Anthropisation Perceptions, valeurs, savoirs endogènes, mythes

Cette logique pluridisciplinaire a toujours guidé mes actions de recherche, comme en témoigne le cadre institutionnel et mes collaborations. Mes recherches se déroulent au sein de plusieurs équipes de recherches ivoiriennes. Il s’agit de l’Institut de Géographie Tropicale qui s’intéresse depuis plusieurs années à la dynamique des paysages (en terme d’occupation du sol), ainsi qu’aux impacts de la variabilité climatique sur la phénologie végétale. Pour conduire ces études, l’Institut s’appuie sur des équipes de chercheurs du LATIG (Laboratoire d’Analyse et de Traitement de l’Information Géographique) et du LAMINAT (Laboratoire d’Analyse des Milieux Naturels). Il s’agit également du Centre de Recherche en Ecologie de l’Université d’Abobo-Adjamé qui travaille actuellement, à partir de la station écologique de Lamto, en collaboration avec le CNRS et l’Université Paris 6, sur le fonctionnement et l’évolution des systèmes écologiques, en particulier sur l’évaluation de la quantité et de la qualité de la matière organique des sols ainsi que sur les processus de recolonisations et de régénérations du couvert forestier. Il s’agit enfin du Centre National Floristique (CNF) qui mène des recherches approfondies sur la diversité biologique ivoirienne depuis plusieurs années. Ce Centre de recherche, qui dispose d’un herbier, développe de réelles compétences pour assurer le suivi et l’inventaire de la flore ivoirienne.

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Par la thématique abordée, mes travaux s’inscrivent parfaitement dans quatre programmes de recherche menées à l’échelle internationale :

Le programme VAHYNE (analyse de la VAriabilité HYdrologique et impacts sur les ressources eN Eau) de l’IRD. Dans son axe 3, ce programme du Laboratoire HydroSciences Montpellier cherche à étudier les relations activités humaines, climat, ressource en eau et environnement. Dans ce thème, les impacts climatiques et anthropiques sont considérés comme des contraintes modifiant l’environnement, induisant une variabilité des hydrosystèmes. Les longs contacts entretenus avec les membres de cette équipe, notamment, au cours de ma thèse de doctorat à l’Antenne Hydrologique d’Abidjan (entre 1994 et 1997) et grâce à des séjours répétés au Laboratoire HydroSciences Montpellier (entre 2000 et 2004), en font un partenaire privilégié.

Le programme BIOTA (BIOdiversity monitoring Transect Analysis) de l’Université de Mannheim (Allemagne, Bioclimatic Monitoring Group, Surface Meteorological and Biophysical Data), soutenu par le Ministère allemand de l’éducation et de la recherche. La composante Afrique de l’Ouest de ce programme a pour but de définir, dans son axe 3, le rôle fonctionnel de la biodiversité dans certains des écosystèmes les plus importants d’Afrique. En côte d’Ivoire, ce programme s’intéresse aux aires protégées de Taï (massif de forêt dense humide au Sud-Est), de la station écologique de Lamto (au Centre, en zone de contact forêt savane) et de la Comoé (au Nord-Est, en zone de forêt claire). Dans le cadre du suivi écologique de ces forêts, un accord cadre a été signé entre l’Université de Mannheim, représenté par Jörg Szarzynski, et l’Institut de Géographie Tropicale de l’Université d’Abidjan, représenté par nous.

Le programme FRIEND (Flow Regimes from International Experimental and Network Data), dont le but est d'approfondir la connaissance de la variabilité spatiale et temporelle des régimes pluviométriques et hydrologiques au moyen d'ensembles de données régionales, et de replacer cette variabilité dans un contexte historique. Lancé par l’UNESCO, en 1984 dans le cadre du Programme Hydrologique International (PHI) VI, FRIEND ambitionne de mettre en place et développer des équipes de recherche afin d'accroître la coopération scientifique. A l'échelle du continent africain, l’existence de réseaux régionaux FRIEND, notamment en Afrique de l’Ouest et Centrale (FRIEND AOC), offre des opportunités d’échanges et de collaborations avec des équipes multidisciplinaires travaillant sur les questions environnementales.

Le programme international IHDP (International Human Dimension Programm), un des principaux programmes des Nations Unies travaillant sur les changements globaux. A travers sa composante LUCC (Land Use and land Cover Change), ce programme est orienté vers la recherche de relations homme/milieu, ainsi que de solutions permettant une gestion durable des ressources naturelles.

Mes outils d’analyse reflètent aussi cette interdisciplinarité et cette vision globale de l’espace géographique. Ces outils intègrent l’usage des statistiques et des mesures physiques pour l’étude des bioclimats. Il s’agit, à partir d’approches classiques de climatologue et de biogéographe (observations, mesures, traitements statistiques) de suivre la dynamique des écosystèmes. Il est alors possible de faire des modélisations statistiques et par suite des prédictions sur le long terme. L’analyse statistique ne suffit pas pour comprendre les dynamiques spatiales. En statistique, l’information est souvent localisée et on gère mal les problèmes d’échelles d’où l’usage de la télédétection, permettant ainsi d’étudier le milieu, à différentes échelles spatiales et temporelles. Plusieurs articles de synthèse présentent une liste des paramètres qui peuvent être dérivés des images. En général, ce sont des paramètres qui concernent l’environnement naturel : occupation du sol - type de

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végétation (Beck et al., 1994), température de surface de la mer (Lobitz,2000) ou du continent (Bavia, 2001), indices de précipitations (Linthicum, 1999), etc. En revanche, le potentiel de la télédétection pour le calcul de paramètres sociaux ou démographiques (l’environnement "humain") a pour le moment été peu exploré. La nécessité de valider les hypothèses éco-climatiques et le recours aux indicateurs socio-spatiaux pour comprendre les relations entre l’homme et le milieu imposent donc d’utiliser des données provenant de diverses sources. Il m’a semblé nécessaire d’intégrer, dans mes outils d’analyse, l’approche socio-économique et socioculturelle, basée sur des techniques d’enquêtes (collectives et/ou individuelles).

L’utilisation du Système d’Information Géographique, basé sur l’approche multicouche, idéal pour traiter un ensemble d’objets géographiques et les relations qu’ils entretiennent les uns avec les autres, facilite le croisement d’informations géographiques transversales. La hiérarchisation et l’établissement des niveaux de vulnérabilité des milieux résultant de l’intégration de toutes les contraintes d’origines naturelles et humaines est un outil méthodologique important pour l’aménagement et la gestion durable des ressources agro-forestières.

Mes méthodes et outils d’analyse, c’est aussi cette approche multiscalaire dont le but est la recherche d’échelles pertinentes pour le suivi des différents phénomènes environnementaux. C’est ainsi que je m’intéresse à l’échelle régionale (Afrique de l’Ouest) et zonale (zone intertropicale) pour l’étude du climat (flux de mousson, circulation atmosphérique tropicale) et des grands biomes végétaux (division forêt, savane). Mais pour comprendre l’effet de la variabilité bioclimatique sur les états de surface et les sociétés, l’échelle régionale n’est plus appropriée, si l’on veut tenir compte de la forte hétérogénéité des milieux. Les échelles auxquelles est caractérisée la variabilité du climat sont des petites échelles, alors que les dynamiques des milieux agraires, incluant les systèmes de productions et les pratiques paysannes, ne sont perceptibles qu’au niveau des terroirs villageois, donc à grande échelle. Il reste donc que l’une des finalités de mes recherches est d’arriver à mettre en évidence les échelles spatiales pertinentes dans les études portant sur les relations environnement-population-développement.

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3 Les questions majeures et les objectifs principaux de mes recherches

Mes recherches visent à analyser les incidences de la variabilité actuelle du climat de la Côte d’Ivoire sur le fonctionnement des écosystèmes de forêt et de savane, et leur mise en valeur par l’homme dans la perspective d’une gestion durable des ressources naturelles et agricoles. En plus de son rôle déterminant dans la dynamique des écosystèmes naturels, par le biais de la régulation de la ressource en eau, le facteur climatique conditionne aussi les mutations socio-économiques en milieu rural. Ces mutations dans les pratiques ont des actions en retour sur l’espace rural d’autant plus que la société ivoirienne contrôle largement la dynamique spatio-temporelle de la mosaïque forêt-savane. Elle modèle en effet le paysage par l’intermédiaire des feux de brousse et de la déforestation. L’objectif principal de cette étude est donc de mettre en évidence les interactions complexes qui existent entre variabilité climatique, dynamique agroforestières et mutations socio-économiques.

Les questions majeures auxquelles mes travaux veulent apporter des réponses sont les suivantes.

.3.1 La question de la poursuite des études touchant à la variabilité climatique

Le climat constitue la première entrée de mes études sur la dynamique des milieux tropicaux d’Afrique. Dans ces pays où l’agriculture constitue la principale source de revenu, la maîtrise de l’eau constitue encore la variable la plus déterminante pour la vie des sociétés. Même si la variabilité climatique a déjà été mise en évidence par plusieurs auteurs, il demeure utile d’actualiser ces études, les données utilisées s’arrêtant généralement en 1990 (Servat et al., 1996, Paturel et al., 1997, Brou Yao 1997). En plus, le paramètre le plus souvent étudié dans cette perspective est la pluviométrie annuelle dans son évolution spatio-temporelle. Les études donnant une vision synthétique du climat sous la forme d’indications régionales et typologiques sont assez rares. Celles qui existent présentent des résultats dépassés en raison des récentes évolutions du climat. Par exemple les cartes climatiques dans l’Atlas de Côte d’Ivoire de ELDIN, 1971 sont basées sur des séries d’observations des années 1945 à 1969. Dans le même ordre, on note que la cartographie climatique de la Côte d’Ivoire réalisée par l’ANAM (Agence Nationale de l’Aviation civile et de la Météorologie) en1987 s’appuie sur des données de 1950 à 1980.

Par ailleurs, l’apparition de quelques années excédentaires à la fin de la décennie 2000 amène à s’interroger sur la fin de la période sèche qui dure depuis le début des années 1970. Gil et Yann (2002, 2004) ont tenté d’apporter des réponses à ces incertitudes en rattachant la décennie 2000 aux décennies sèches antérieures. Mais leur étude est beaucoup plus limitée à la région sahélienne et ne permet donc pas de confirmer ou d’infirmer, dans les régions guinéennes, l’idée d’un retour à des conditions climatiques plus humides, comparable à la situation des années 1950 et 1960.

Il importe donc pour moi de donner une description synthétique et actualisée du régime climatique ivoirien qui réponde à l’attente des utilisateurs de ce type de données. Il s’agit dans cette analyse de réaliser une étude cartographique et statistique donnant une approche statique et dynamique du climat en Côte d’Ivoire. Le but visé est, d’une part, d’actualiser les cartes climatiques de Côte d’Ivoire et, d’autre part, de présenter sous une forme synthétique et cartographique, l’évolution des différents paramètres du climat de la Côte d’Ivoire. La mise en évidence des modifications des conditions climatiques est nécessaire, en raison de leurs

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impacts sur le fonctionnement des couverts végétaux naturels et cultivés, mais aussi sur les sociétés. Cette analyse consistera aussi à rechercher les structures spatio-temporelles des paramètres climatiques. Le découpage de la Côte d’Ivoire en régions climatiques à partir de données récentes est à comparer avec ceux déjà établis (Avenard, 1971 ; ASECNA, 1979) utilisant des données anciennes et des méthodes différentes. Cette discrimination spatiale, basée sur la définition d’espace ayant des caractéristiques lui conférant une certaine unité, peut permettre la reconnaissance de milieux critiques en terme de gestion des ressources agro-forestières. L’étude interannuelle des modifications des différents écosystèmes montrera l’effet des fluctuations climatiques sur la phénologie végétale, comme par exemple la mobilité spatio-temporelle de la zone de forte activité chlorophyllienne. Décrire et quantifier ces interactions entre le climat et la végétation permettra d’établir la vulnérabilité de certains milieux à la variabilité climatique actuelle, aux échelles saisonnière et interannuelle.

La question de la validité des seuils de pluviométrie, retenus pour décrire la correspondance entre types de végétation et paramètres climatiques, reste aussi posée. En effet, cette correspondance a été élaborée vers le milieu du XXème siècle, par comparaison d’un équilibre instable entre une végétation forestière en phase de progression des faciès humides sur les faciès les plus secs sous des climats dont les paramètres moyens correspondent à une phase humide (comme le prouve l’évolution de la végétation dans les savanes de Lamto, avec un accroissement des surfaces forestières en 25 ans malgré la pratique annuelle des feux de savane ; Gautier, 1992). Il est permis de penser que les seuils minima d’existence des divers types de forêts pourraient correspondre à des types climatiques plus secs, et qu’un certain temps de réponse soit nécessaire à la végétation pour réagir aux facteurs climatiques, les facteurs édaphiques et anthropiques venant de surcroît freiner ou contrer cette évolution. Mais, dans l’hypothèse d’une persistance de la dégradation des conditions climatiques, on peut se demander si les milieux de forêt dense humide subissent un stress hydrique, malgré la forte capacité de rétention en eau qu’on leur reconnaît. On cherche également à connaître l’ampleur spatio-temporelle du stress hydrique du couvert végétal ivoirien, surtout du milieu forestier.

.3.2 La question latente des relations entre dynamiques environnementales et mutations agro-économiques

La question des relations entre modifications environnementales et mutations agro-économiques apparaît à l’heure actuelle comme un problème majeur dans les études touchant au développement rural des milieux tropicaux comme la Côte d’Ivoire. L’importance de cette question tient au fait que les évolutions environnementales actuelles imposent de profondes mutations dans les communautés rurales. Celles-ci se rapportent à la mobilité spatiale de la population agricole, aux modes de gestion des terres, aux modes d’accès à la terre, aux méthodes culturales, aux types de cultures, etc. Ces processus sont pourtant à l’origine de la dynamique des formations forestières et savanicoles. D’un point de vue agro-économique, la disparition de l’écosystème forestier entraîne un blocage de nature structurelle du système agricole ivoirien. Léonard et al. (1996), indiquent en effet que l’épuisement des réserves forestières ne permet plus la reproduction de la société agraire par propagation des fronts pionniers. Celle-ci va devoir se faire dans un espace fermé, les paysans étant contraints de mettre en place des systèmes de production qui ne dépendent plus de l’existence d’un capital de " précédent-forêt ", aussi bien en ce qui concerne les cultures vivrières que les cultures pérennes.

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Des recherches approfondies doivent donc être entreprises sur les interactions qui existent entre la raréfaction des ressources naturelles, les dynamiques agro-démographiques et l’évolution de l’espace rural. Comprendre la réalité de la mobilité spatiale de la population agricole me paraît indispensable pour comprendre l’évolution du milieu rural. L’analyse des données de recensement de la population (à différentes dates) et les données d’enquêtes socio-économiques sont susceptibles de renseigner sur les niveaux d’attractivité des différentes régions. L’impact du dynamisme spatio-temporel de la population agricole sur le paysage se traduit par une pression foncière variable suivant le type de milieu et le type de culture. A l’échelle du massif forestier, l’étude de l’évolution de l’occupation du sol permet de comprendre la dynamique spatio-temporelle des relations entre forêt et agriculture. Basée sur une analyse diachronique d’images satellites multidates, l’étude permettra de se rendre compte de la poursuite du phénomène de la déforestation avec pour corollaire l’augmentation des surfaces en forêt dégradée et en culture ou jachère. L’évaluation du niveau de " réserve " des terres par habitant, aboutit à la mise en évidence de milieux différents en terme de vulnérabilité. En effet, devant la raréfaction des ressources forestières dans certaines régions, les réserves forestières ne suffiraient pas à combler les besoins des populations riveraines qui se verraient obligées de pratiquer une agriculture très destructrice, laissant peu de temps de jachère au milieu. Dans un contexte de raréfaction des ressources forestières qui est celui de la Côte d’Ivoire, le couplage des données agro-démographiques avec les données de télédétection sur les réserves forestières doit déboucher sur l’étude des risques de disparition des massifs forestiers. L’ampleur de ces risques est liée (entre autres facteurs) à l’implantation des villages, au poids de la population rurale en périphérie des îlots forestiers et aux aménagements et infrastructures.

.3.3 La question émergente du rôle des perceptions, des valeurs et des pratiques dans la compréhension des dynamiques paysagères

Une autre question émerge dès lors qu’on aborde l’étude des relations entre environnement et société : c’est la problématique du savoir local lié aux pratiques gestionnaires ou conservatoires, endogènes et exogènes, d’atténuation des effets des modifications environnementales. En effet, en dehors des stratégies mises au point par les politiques, les populations utilisent souvent des méthodes qui leur sont propres et dont les fondements proviennent de leurs compréhensions du milieu dans lequel elles vivent (Katz, Lammel, Goloubinoff, 2002). L’étude du savoir local suppose ainsi la prise en compte des connaissances empiriques de l’environnement et des diverses stratégies d’adaptations physiologiques et psychologiques développées par les sociétés. C’est dans les pays africains comme la Côte d’Ivoire, où l’oralité reste encore un mode important de transmission de la connaissance en milieu rural et où la portée des innovations technologiques est limitée, que ce type d’approche mérite le plus d’attention. Dans certains villages de Côte d’Ivoire, en effet, des populations, prenant appui sur des indicateurs naturels, ont une connaissance plus ou moins parfaite des sols, du calendrier agricole, arrivant parfois à prévoir le temps à court ou moyen terme. Malheureusement, le savoir des paysans est très souvent négligé dans les projets de développement destinés à ces populations.

Or, la prise en compte de la perception paysanne des modifications environnementales est un moyen de savoir si les populations tendent à privilégier le fait naturel comme principale cause de cette dynamique environnementale ou s’ils se considèrent eux-mêmes comme acteurs. Dans la première hypothèse, toute solution en vue de restaurer les agrosystèmes serait difficile

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à mettre en œuvre, les paysans n’ayant pas conscience de leur rôle majeur dans l’évolution des paysages.

Par ailleurs, il est important de préciser que le dynamisme du monde rural dépend certes des conditions bioclimatiques et des pratiques paysannes mais aussi du contexte économique national et/ou mondial fortement influencé par la loi du marché. En effet, l’augmentation du prix d’achat d’une matière première agricole est un véritable facteur d’incitation pour les paysans. C’est ainsi qu’en Côte d’Ivoire en plus d’un environnement socio-politique favorable, le cours mondial élevé et la fixation d’un prix minimum garanti du café et du cacao, par la Caisse de Soutien et Stabilisation des Prix des Produits Agricoles (CSSPPA), a permis une croissance rapide de la production cacaoyère entre 1970 et 1989 et l’occupation du premier rang mondial au niveau de cette spéculation. En revanche, dans des pays comme le Cameroun, où la caisse de stabilisation des prix avait du mal à faire face aux spéculations des cours mondiaux du cacao (comme en 1965), le monde rural fût très tôt affecté se traduisant souvent par l’abandon ou la destruction des plantations. Dans d’autres pays encore comme le Nigeria, la découverte du pétrole autour des années 70 a entraîné une baisse d’attrait pour les activités agricoles. Ces situations peuvent expliquer dans une certaine mesure pourquoi la déforestation est plus importante dans certaines régions que d’autres.

Autant que possible, nous ferons référence au contexte économique pour mieux comprendre les mutations socio-économiques en cours dans le monde rural. Mais, même si les populations rurales sont guidées par un souci de gains pécuniers, ils établissent leurs activités agricoles là où les conditions bioclimatiques sont les plus favorables. Or, la variabilité climatique actuelle et la saturation foncière liée à la forte pression anthropique sur les terres à haut rendement imposent de nouvelles méthodes culturales, de nouvelles variétés culturales, de nouvelles habitudes alimentaires, de nouveaux modes de gestion des milieux, etc. Nous analyserons donc ici, principalement, les conséquences socio-économiques des modifications environnementales ainsi que les stratégies des acteurs locaux et des politiques pour atténuer les effets de la variabilité climatique. Au niveau national, on peut se demander s’il s’agit d’une stratégie intégrée ou d’actions sectorielles.

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Chapitre 1 Cadre méthodologique et géographique La méthodologie générale de ce travail repose, d’une part, sur une analyse statistique des séries climatiques et géostatistiques des données spatiales, et d’autre part, sur une approche socio-économique à partir de l’exploitation de questionnaires d’enquêtes. Le suivi des relations entre variabilité climatique et écosystème est d’abord analysé pour comprendre les dynamiques naturelles du paysage. Pour mener cette étude, il importe d’actualiser au niveau local la connaissance des paramètres du climat, en particulier la quantité de pluie et sa répartition au long de l’année. Tout aussi importante est l’étude de l’évolution tendancielle et fréquentielle des données climatiques pour les plus longues séries d’observations disponibles dans chaque écosystème. Ces analyses doivent être réalisées en parallèle avec des observations régulières sur l’état de surfaces. La méthode des bilans hydriques est alors utilisée comme moyen pour estimer l’état hydrique des couverts végétaux. En plus des données au sol, les données de télédétection sont également exploitées pour mettre en évidence l’effet des fluctuations climatiques sur les écosystèmes. Celles-ci permettent, à partir des mesures du rayonnement électromagnétique, de caractériser les états de surfaces : densité de feuillage et activité chlorophyllienne. Ce paramètre phénologique varie en fonction du climat, mais aussi en fonction du type d’occupation du sol. Pour une même région, les effets du climat peuvent différer au cours de l’année en fonction du type de paysage.

Pour évaluer l’impact des pressions humaines sur les milieux, plusieurs méthodes géostatistiques sont utilisées. Ces méthodes permettent de mettre en relation des données environnementales (sols, altitude, pente, etc.) et socio-économiques (agglomérations, densité de populations, voies de communication, activités agricoles, etc.).

L’analyse du rôle des connaissances endogènes et des représentations sociales dans le façonnement du paysage est basée sur des enquêtes, auprès des populations, associant passage de questionnaires (par échantillonnage) et " focus groups " (entretien collectif). L’étude part de deux hypothèses. La première : les perceptions locales de l’environnement ont un impact sur la dynamique de l’environnement. La seconde : les changements environnementaux (variabilité climatique, déforestation, saturation foncière,) induisent une diversité d’expériences collectives d’adaptation repérables au niveau des pratiques culturales, de la gestion des ressources et des styles alimentaires.

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1 Méthodes et données

.1.1 Le rôle important de la géostatistique dans mes recherches L’analyse quantitative effectuée dans mes recherches repose dans une première approximation sur la statistique classique. Il s’agit de méthodes statistiques basées sur l’exploitation d’une seule série de données : les statistiques descriptives (moyenne, coefficient de variation, fréquence, …), les tests de détection de rupture basée sur les probabilités de changements de moyenne au sein de la série. Ce type d’analyse est qualifié d’analyse ponctuelle. L’analyse multivariée, du type ACP ou STATIS, permet de comparer plusieurs séries et de synthétiser l’information de base sur des axes principaux dont l’importance est fournie par le pourcentage de la variance exprimée. Mais, même si cette statistique classique apporte certains éléments de réponses en ce qui concerne l’analyse des données, elle ne prend pas en compte la position géographique des observations et les hypothèses sur lesquelles elle se base " les valeurs mesurées sont des réalisations indépendantes d’une même variable aléatoire" sont rarement vérifiées dans le cas d’observation spatialisée. En fait, les méthodes classiques ne prennent pas en compte l’information fondamentale que les données sont situées dans l’espace géographique et, en général ne sont pas indépendantess (Michel et xavier, 2000) : il est intuitif que les valeurs prises en des sites proches ont tendance à être voisines, tandis que des sites éloignés tendent à présenter des valeurs peu corrélées entre elles. En faisant abstraction de la position spatiale des observations, la statistique ne permet pas de différencier les diverses régions du champ et est limitée à la seule estimation globale.

Pour analyser des données spatialisées dont les propriétés sortent du champ d’étude de la statistique classique, il est impératif d’utiliser des outils plus élaborés, telle la géostatistique (Cressie, 1993 ; Chauvet, 1994 ; Goovaerts, 1997 ; cités par Xavier et Michel, 2000), qui prennent en compte la dépendance entre les observations et permettront ainsi de réaliser des estimations locales. Appliquée à des observations repérées par leurs coordonnées géographiques et sur lesquelles on a mesuré une ou plusieurs variables, la géostatistique permet de répondre à un certain nombre de questions que se posent le géographe, l’écologue, l’agropédologue, le spécialiste du milieu naturel mais aussi de la télédétection, de l’analyse d’images, etc.

.1.2 Mes techniques d’approche du terrain La principale contrainte est l’étendu du territoire national. Ma méthode d’approche est donc celles des sites tests. L’idée consiste à échantillonner le territoire ivoirien en zones ateliers représentatifs des grandes régions écologiques, agroforestières et socio-économiques. Dans ce travail, les zones ateliers ont été choisies dans trois régions (figure 2) en tenant compte de l’histoire de l’économie de plantation.

- La région des savanes du Nord avec comme zone atelier le milieu rural de la localité de Tengrela. Cette contrée qui se trouve à l’extrêmité Nord du pays subit sans nul doute avec plus de rigueur les effets de la crise climatique, à l’image des localités des régions soudano-sahéliennes ;

- La région du Sud-Est et de l’Est avec comme zone ateliers les milieux ruraux des localités d’Agnibilekrou, de Bongouanou et de l’Agneby. Ces sites ont été choisies du fait qu’elles ont joué, par le passé, un rôle important dans l’histoire de l’économie cacaoyère ;

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- La région du Sud-Ouest et du Centre-Ouest avec comme zone atelier les milieux ruraux des localités de Soubré et de Daloa. Le dynamisme agricole de cette région est beaucoup plus récent que dans les régions de l’Est. On leur donne le nom de nouvelle boucle du cacao en raison de leur position de premier plan dans la production agricole.

Figure 2 : Localisation des sites d’enquêtes

AGBOVILLE

AGNIBILEKROU

BONGOUANOU

DALOA

SOUBRE

TENGRELA

6° 5° 4°7°8° 3°

10° 10°

9° 9°

8° 8°

7° 7°

6° 6°

5° 5°

8° 7° 6° 5° 4° 3°

Burkina Faso

Mali

Guinée

Libéria

Océan Atantique

Ghana

0 50 100 Km

NZone forestièreZone de savane arborée et de savane herbeuse

Sites d'enquêtes

Sur le terrain, mes enquêtes consistent dans l’observation des terroirs villageois, dans la réalisation d’interviews directes et de questionnaires rédigés (annexe 1) soumis aux populations des localités choisies. Dans ma quête de l’information, je privilégie autant que possible la forme d’entretien collectif ou " focus groupe ". Cette stratégie qui permet d’interroger, en une seule fois, l’ensemble des personnes représentatives de classes sociales (chefs du village et les notabilités, responsables de jeunes, chefs de groupes ethniques, allogènes) a l’avantage de fournir une position commune de l’assemblée.

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Il reste toutefois que, dans certains cas, certaines catégories de la population ont du mal à donner leur position dans l’assemblée. C’est ainsi que le mutisme des femmes lié à la tradition, a rendu certaines fois les enquêtes difficiles. De même, certains étrangers ont souhaité ne s’exprimer qu’en présence des membres de leur communauté. Il est donc indispensable d’associer à cette méthode d’entretien collectif, un passage de questionnaire. Pour chaque région, 70 personnes ont été choisies dans trois villages. En vue d’avoir un recul relativement important dans l’analyse des données historiques, l’échantillon choisi dans chaque village est composé de personnes âgées d’au moins 60 ans.

.1.3 Les données utilisées et leurs limites Ma démarche méthodologique implique l’utilisation d’un grand nombre de données géographiques. Deux types sont privilégiés : d’une part les données issues de mesures in situ et d’autre part, les données de télédétection. Les données in situ regroupent surtout l'ensemble des données climatiques issues des réseaux météorologiques nationaux, écologiques (phénologie végétale, biodiversité,…) et humaines (socio-économiques et socioculturelles) provenant de campagnes de terrains.

1.3.1 Les données climatiques

1.3.1.a Les mesures conventionnelles ou données au sol Ces données sont issues du réseau de mesure de la Direction de la Météorologie Nationale de la Côte d’Ivoire. Les premières mesures ont commencé au début du siècle passé, soit en 1921. On dispose donc de séries suffisamment longues (plus de 30 ans) pour des études de suivi à long terme. La critique et la correction de ces données font référence aux études antérieures menée par Brou (1997) et par le Laboratoire d’Hydrologie de l’IRD Montpellier, dans le cadre du projet ICCARE (Identification et Conséquences d’une variabilité du climat en Afrique de l’Ouest non sahélienne) et du programme VAHYNE (analyse de la Variabilité HYdrologique et impact sur les ressources eN Eau). Les stations climatiques retenues dans cette études sont donc celle qui dispose d’au moins 30 années d’observation et qui présente un nombre limité de données manquantes et de valeurs erronées.

L’une des faiblesses de ce réseau de mesure, c’est la faible densité des stations, à l’instar de ceux rencontrés dans la plupart des pays africains. Sur l’ensemble de ses 322 000 km2, la Côte d’Ivoire ne dispose que de 109 stations (figure 3), soit une densité de un poste pour 3 000 km2. Sur les 109 stations, seules 14 sont des stations synoptiques, ayant donc la capacité de fournir des données climatiques complètes. A titre de comparaison, on peut noter que la France compte 1 poste pour 80 km2. Cette situation pose un problème pour l’analyse des données climatiques à des échelles spatiales fines quand on sait que l’une des caractéristiques principales du climat tropical c’est sa très forte variabilité spatiale, surtout en ce qui concerne le paramètre pluviométrique.

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Figure 3 : Localisation des 109 stations pluviométriques disponibles en Côte d’Ivoire

ABIDJAN ADIAKE

BONDOUKOU

BOUAKE

DALOA DIMBOKRO

FERKESSEDOUGOU

GAGNOA

KORHOGO

MAN

ODIENNE

SAN PEDROSASSANDRA

TABOU

YAMOUSSOUKRO

-8 -7 -6 -5 -4 -3

5

6

7

8

9

10

Poste pluviométrique

Station agrométéorologique

Station climatologique

Station synoptique

Burkina Faso

Mali

Guinée

Libéria

Golfe de Guinée

Ghana

0 110 km

N

Les données au sol sont complétées par des données de télédétection dont celles du satellite METEOSAT.

1.3.1.b Les mesures climatiques à champs larges Parmi les satellites les plus utilisés pour la fourniture des données météorologiques figure METEOSAT. Placés sur orbite géostationnaire, ils conservent toujours la même position par rapport à la terre et permettent donc d’observer en continu la même portion du globe. L’archivage et le pré-traitement, depuis le début des années 1980, des données quotidiennes permettent de mettre à la disposition de l’utilisateur des informations pour le suivi à long terme du climat de la planète.

Les données que nous avons exploitées dans le cadre de nos travaux proviennent du Centre IRD de Lannion. Elles sont stockées depuis l’année 1986 et sont au pas de temps décadaire. Avec une résolution spatiale de 5 km, elles permettent d’établir le suivi de la convection, du contenu en vapeur d’eau, de la saison des pluies et de la température maximum du sol.

D’autres types de données à champs larges existent. Il s’agit de fichiers en points de grille de données de températures, d’humidité, de vent à l’échelle quotidienne sur plusieurs niveaux d’altitude depuis la surface jusqu’environ 20 km d’altitude permettant de caractériser les conditions atmosphériques sur l’ensemble du globe. Ces fichiers de données, appelés " réanalyses " sont utilisables sur l’Afrique de l’Ouest depuis 1968 jusqu’à nos jours, et ont

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fait l’objet de nombreux travaux pour mieux comprendre le fonctionnement de la variabilité pluviométrique sur cette région (Diedhiou et al., 1999).

1.3.2 Les données de végétation

Il existe plusieurs types de données satellites permettant de suivre l’évolution du couvert végétal. En fonction des objectifs, on s’intéressera soit à la haute résolution spatiale, soit à la haute résolution temporelle. Parmi les images à haute résolution spatiale les plus utilisées, figurent celles issues du satellite SPOT.

1.3.2.a Les données de télédétection haute résolution : l’imagerie SPOT Sept scènes SPOT (tableau 1 ci-dessous) correspondant à différents écosystèmes ont été acquises. Elles permettent de faire l’état de l’occupation du sol.

Tableau 1 : Scènes SPOT retenues K-J Date de prise de vue Type Coordonnées du centre de l’image Localité

45-336 30 /01 /2001 XI 07° 00’ 49’’ N; 07° 03’ 38’’ W Haut Sassandra

45-336 01/01/1986 07° 00’ 49’’ N; 07° 03’ 38’’ W Haut Sassandra

47-338 25 /04 /1999 XS 06° 00’ 43’’ N; 06° 11’’ 28’’ W Soubré

53-337 09 / 02 / 1999 XI 06° 30’ 46’’ N; 03° 19’’ 13’’ W Abengourou

53-337 01 / 02 / 1986 XI 06° 30’ 46’’ N; 03° 19’’ 13’’ W Abengourou

51-335 02/ 02/ 2000 XI 07° 30’ 52’’ N; 03° 45’’ 41’’ W Agnibilékrou

44-330 15/ 01 1998 XS 10° 01’ 05’’ N; 06° 43’ 05’’ W Boundiali / Tengrela

Afin de faciliter le repérage des entités géographiques et le calcul surfacique, les images sont géoréférencées en projection UTM (Mercator Transverse Universel). Le géoréférencement est effectué à l’aide de points de contrôle d’une part localisés sur les cartes de base au 1/20 000 et d’autre part, mesurés sur le terrain par GPS. Le calcul de l’erreur quadratique moyenne, six mètres, permet de donner la fiabilité de l’opération. Le ré-échantillonnage des images a été réalisé à l’aide d'une fonction quadratique de type du plus proche voisin afin d’éviter d’introduire de nouvelles distorsions radiométriques.

Sur chacun des canaux des images utilisées des corrections atmosphériques ont été effectuées à l’aide du modèle 5S (Simulation du signal satellitaire dans le spectre solaire) mis au point par le LOA (Laboratoire d’Optique Atmosphérique) de l’Université de Lille 1 et le CNES (Centre National d’Etude Spatiale). Ce programme prédit le signal satellitaire entre 0,25 et 4,0 µ pour une atmosphère sans nuage. Les principaux effets atmosphériques (absorption par vapeur d’eau, le dioxyde de carbone, l’oxygène et l’ozone, la diffusion par les molécules et les aérosols) sont pris en compte (Robin, 1998). On obtient au résultat des images corrigées partiellement des effets atmosphériques et aux réflectances égalisées permettant de comparer différents canaux de différentes dates.

Afin d’aboutir à une cartographie thématique des états de surfaces des images satellites SPOT-XI, une classification supervisée est mise en œuvre à partir des trois canaux radiométriques fournis par SPOT (XS1, XS2 et XS3, c’est-à-dire le vert, le rouge et le proche infrarouge) ; la méthode retenue est la méthode dites de " classification par maximum de vraisemblance ". Cette méthode, par la règle d’affectation de chaque pixel, permet de réduire les risques d’erreur, en utilisant au mieux les probabilités d’appartenance. L’appartenance d’un pixel à une classe est déterminée suivant la probabilité plus ou moins importante d’y être

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intégrée. La règle bayesienne permet d’affecter le pixel à la classe pour laquelle la probabilité d’appartenance est la plus forte. Il s'agit de la méthode jugée la plus performante par de nombreux auteurs (Bonn et Rochon, 1993).

Les images SPOT, grâce à leur haute résolution spatiale conviennent pour décrire l’occupation du sol. En effet, le pixel d’une image SPOT est de 0,04 ha (20X20 m) alors que la taille moyenne d’une exploitation agricole n’est que de l’ordre de 5 ha avec une masse de 2ha et une minorité de 20 à 100ha (chaléard, 1979 ; Ministère de l’Agriculture, 1984). Des informations de détails peuvent ainsi être fournies par l’image SPOT, une parcelle agricole pouvant être renseignée par près de 10 pixels. Mais le problème de ce type de satellite est leur faible répétitivité temporelle. La fréquence d’acquisition est de 1 image par cycle de 26 jours. Cette faible répétitivité des images SPOT rend difficile le suivi temporel de la phénologie végétale surtout aux échelles saisonnières. L’apport des images à haute résolution temporelle s’est donc avéré nécessaire.

1.3.2.b Les données de télédétection basse résolution spatiale La résolution spatiale minimum des données basses résolutions est de 1 km2. Celles-ci sont donc peu appropriées pour des études à des échelles spatiales fines. Au contraire des images SPOT, elles donnent des informations grossières sur le contenu d’un paysage rural. A cette échelle spatiale, on distingue plutôt la forêt des milieux dégradés, de la savane et des surfaces en eau. Mais la forte répétitivité temporelle (au moins 4 images par jour) de cette catégorie d’images les rend très intéressantes pour le suivi de phénomène sur des pas de temps très courts (journaliers, décadaire, saisonnier). Grâce à l’archivage de synthèses journalières depuis le début des années 1980, notamment par la NOAA et depuis 1998 par SPOT végétation, il est possible de disposer de données permettant le suivi de la variabilité saisonnière à long terme de la végétation.

Mais d’une façon générale, les chroniques provenant de la télédétection satellitaire sont particulièrement sensibles aux artefacts liés aux problèmes d’instrumentation (changement de capteur, dérive des radiomètres, dérive orbitale, obsolescence, …). Ainsi, Fuller et Prince (1996) notent que les dérèglements instrumentaux des capteurs AVHRR embarqués à bord des satellites NOAA peuvent aboutir à des erreurs importantes lors du calcul de certains indices de végétation et introduire en conséquence des tendances arbitraires. Après vérification statistique des séries de type NOAA-AVHRR, il est par exemple possible d'observer au moins cinq sous-périodes homogènes entre 1983 et 1992, période au cours de laquelle les satellites NOAA7, NOAA9 et NOAA11 se sont succédés en enregistrant des modifications brutales de leur stationnarité (Bigot, 1997). L’utilisation de ces données nécessite donc des corrections inter-capteurs afin de rendre les données comparables entre elles.

1.3.3 Les données socio-économiques et socioculturelles

Il s’agit d’indicateurs permettant de comprendre les relations entre les hommes et le milieu naturel. Sur le terrain, les informations recherchées ont porté sur : la perception locale de la variabilité climatique et ses conséquences, les activités agricoles, les problèmes liés à l’approvisionnement en eau, les habitudes alimentaires, les techniques d’adaptation, les stratégies des acteurs locaux (migrations, gestion de l’espace, nouvelles variétés), les politiques d’interventions. Ces données d’enquête ont reposé sur un questionnaire, rempli auprès des populations rurales. Le questionnaire a constitué en réalité pour nous un prétexte pour l’ouverture de discussion, les interrogations closes n’apportant pas parfois de résultats satisfaisants. Les difficultés d’accès à certains villages, liées à l’état des routes ont rendu cette

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entreprise beaucoup plus longue que nous l’avons prévu. Dans certains cas, il a fallu passer plusieurs jours dans le même village compte tenu de l’indisponibilité des personnes ressources. L’intérêt de ces données qui restent, pour une bonne part, qualitatives est qu’elles permettent d’approfondir la réflexion et de dégager des tendances. Elles doivent être manipulées avec beaucoup de précautions tant le discours des populations africaines est souvent imagé.

Ces données d’enquêtes terrains sont complétées et validées par les données des annuaires des statistiques agricoles et forestières (de 1960 à 1990). Cet annuaire, établit par la Direction des statistiques du Ministère de l’Agriculture (MINAGRA), fourni pour chaque circonscription administrative et pour chaque année, l’état de l’activité agricole et forestière. Les données disponibles portent notamment sur la production, les superficies, les rendements, la taille des exploitations, le nombre d’exploitations, les prix, etc,. Il permet donc de suivre à partir de données fiables l’évolution spatio-temporelle des différentes activités agricoles du pays. Malheureusement, depuis le début des années 1990, cette source n’est plus disponible, ce qui rend difficile la collecte des données agricoles. Même si les bases de données existent, au niveau des circonscriptions administratives, celles-ci ne sont plus systématiquement centralisées par le Ministère de l’Environnement et ne font plus l’objet de diffusions annuelles.

D’autres sources d’informations sur les données agricoles sont disponibles. Il s’agit notamment de la base de données agricoles et forestières de la FAO et de celles de certains réseaux internationaux, comme l’" Alliance des Pays Producteurs de Cacao ". Celles-ci permettent d’avoir des tendances lourdes. Mais, il reste que, ces données sont généralement produites à partir de models statistiques, et ne restituent donc pas souvent toute la réalité. Le tableau 2 (ci-dessous) qui compare les données agricoles fournies par le Ministère ivoirien de l’Agriculture et celles de la FAO, met en évidence les écarts (souvent très prononcés) qui peuvent exister entre les sources nationales, constituées à partir de l’information de base, et celles des organisations internationales comme la FAO qui ne sont en fait que des estimations. De plus, ces données restent limitées à l’échelle nationale et sont, de ce fait, peu pertinentes pour les études aux échelles fines.

Tableau 2 : Comparaison entre les données agricoles des statistiques nationales et celles de la FAO (en milliers de tonnes)

Année 1988 Année 1992

MINAGRA FAO Variation % MINAGRA FAO Variation %Cacao 654 674 -3 761 747 2Riz 534 610 -14 787 660 16Mil 90 43 52 106 47 56Igname 1933 2421 -25 2583 2750 -6Maïs 482 460 5 573 514 10Manioc 1387 1306 6 1603 1502 6

Source : Ministère de l’agriculture, 1992 ; FAO, 2005

Les données du Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH) constitue une autre source d’information capitale pour l’analyse de la dynamique des milieux ruruax. Il

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existe très peu de recensements généraux de la population. On en compte, en moyenne un tous les dix ans (1965, 1975, 1988, 1998). Il est donc difficile de trouver des données de populations contemporaines aux études actuelles. En l’absence de données plus récentes, les chiffres du dernier recensement (1998) seront utilisés comme référence pour l’analyse des phénomènes démographiques récents. Selon ce recensement, la population ivoirienne compte 15 Millions d’habitants dont 8 millions de ruraux. On distingue au sein de cette population quatre grands groupes (Loucou, 1984):

- le groupe Mandé, divisé d’une part en Mandé du Sud, comprenant notamment les Yacouba, les Gouros, Toura, et les Gagous qui occupe la région des montagnes de l’Ouest et la zone qui borde le lac de Kossou autour de Bouaflé, d’autre part en Mandé du Nord, représentés par les Malinké installés dans le Nord-Est du pays.

- le groupe Akan regroupe les Baoulé, les Abron, le Agni, les Abé, les Akié, et les peuples lagunaires (Alladian, Abidji, Abouré, Abrié, etc,.). Ils occupent tout le quart Sud-Est du pays ;

- les Krous comprennent à la fois les krou anciens qui se sont installés le long du cavally, et les groupes linguistiquement apparentés comme les bakwé, les Godiés, les Dida, les Neyo, les Bété, les Guérés, etc., qui sont davantage implantés dans l’Ouest et le Centre-Ouest.

- le groupe Gur (Voltaïque), essentiellement composé de Sénoufo et de Koulango issus d’anciens peuplements de la savane, mais aussi d’arrivants plus récents comme les Lobis dont l’habitat se situe à la charnière du Ghana et du Burkina faso.

A côté des autochtones, les étrangers représentent, aujourd’hui, environ le tiers de cette population (4 000 000 habitants). De plus en plus d’étrangers vivant en Côte d’Ivoire y sont nés (deuxième génération). Selon le recensement de 1998, près de la moitié des étrangers (47,3%) sont nés sur le territoire ivoirien. Parmi ces étrangers, les Burkinabès représentent en 1998 56%, les Maliens en constituent 19% et les Guinéens 5,7%.

L’ensemble des données et méthodes de mes recherches s’applique à un cadre géographique qu’il est nécessaire de présenter pour mieux apprécier le niveau d’influence des conditions physiques et des conditions humaines, dans la dynamique des paysages.

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2 Le cadre géographique de mes études La Côte d’Ivoire, espace de mes recherches, fait partie des pays du Golfe de Guinée. Elle s’étend sur une superficie de 322 463 km2, environ 1% du continent africain. Ses frontières dessinent approximativement un carré s’inscrivant entre les coordonnées de 2°30 et 8°30 de longitude Ouest, 4°30 et 10°30 de latitude Nord avec, au Sud, une façade littorale de 550 km. La figure 4 ci-dessous montre la situation de la Côte d’Ivoire en Afrique de l’Ouest.

Figure 4 : Localisation de la Côte d’Ivoire en Afrique de l’Ouest

Source : Atlas de la côte d’Ivoire (Jeune Afrique), 1983

Par sa position en bordure du Golfe de Guinée la Côte d’Ivoire a un climat sensible aux modifications de l'Océan Atlantique : de septembre à mai, les températures de surface de la mer sont très élevées ; les basses pressions permanentes qui y règnent autorisent une importante évaporation ; - la circulation atmosphérique au niveau de la mer draine les masses d'air humide vers le continent ;- de juillet à août, on observe des remontées d'eau froide, les vents s'intensifient pendant cette période.

Le but de ce chapitre est de mettre en évidence les mécanismes qui président à la formation des régimes climatiques et des saisons en Côte d'Ivoire. Pour comprendre et expliquer le temps qu'il fait dans la zone d'étude, il est indispensable de se placer à l'échelle de l'Afrique de l'Ouest et d'étudier le système synoptique de la succession des types de temps qui affectent cette vaste région. Nous faisons ici référence aux travaux de Pagney (1973), Dhonneur (1955) et Leroux (1983, 1988).

Mais ces dispositions atmosphériques générales peuvent subir des modifications régionales ou locales, liées à des conditions biogéographiques spécifiques. Il s’agit notamment du relief (effet orographique), de la végétation (rôle de la forêt dense humide dans le recyclage des eaux de pluie), de l’hydrographie (évaporation directe des eaux de surface) et des sols (réserve en eau variable). Nous décrirons ces éléments du milieu naturel qui apportent une compréhension à la formation des bioclimats et aux interactions surface/atmosphère en Côte d’Ivoire.

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.2.1 Les conditions atmosphériques

2.1.1 Le Front intertropical (FIT)

Comme dans toute l’Afrique de l’Ouest, le rythme des précipitations est réglé par la lutte d’influence que se livrent une masse d’air humide d’origine maritime : la Mousson (alizé frais et humide de l’hémisphère austral, soufflant du Sud-Ouest) et une masse d’air continental sec : l’Harmattan (alizé chaud et sec de l’hémisphère boréal, soufflant du Nord-Est). Sous l’effet des gradients de pressions, la surface de contact entre ces deux masses d’air, le Front intertropical (FIT), se déplace au cours de l’année selon un axe Nord-Sud (Rougerie, 1977). Ces déplacements déterminent plusieurs grandes zones dont les climats se répartissent selon un gradient à saison sèche croissant du Sud au Nord. Ce sont donc la pluviométrie (900 à 2 300 mm) et, surtout, la répartition des pluies, qui déterminent les zones climatiques de Côte d’Ivoire, avec le passage progressif d’un climat subéquatorial à quatre saisons, au Sud, à un climat tropical plus sec à deux saisons au Nord (Berron, 1983).

Tableau 3 : Caractéristiques de la zone de convergence intertropicale (d’après Eldin, in Avenard et al., 1971)

Désignation

et épaisseur

Caractéristiques

des masses d'air

Type de temps

provoqués

Type de saison en

Côte d'Ivoire

ZONE A Forte subsidence

des basses couches

Alizés boréaux continentaux

Air sec chaud le jour, froid

la nuit Brume sèche

Intérieur de la grande saison sèche.

Période d'Harmattan

F R O N T I N T E R T R O P I C A L

ZONE B

300 à 350 Km

Convergence très

faible

Beau temps, bonne visibilité, brouillards matinaux.

Stabilité atmosphérique.

Grande saison sèche

ZONE C

500 à 550 Km

Forte convergence Averses orageuses.

Formation des lignes de

grains. Coups de vent.

Intersaison

ZONE D

450 à 550 Km

Convergence

modérée

Forte humidité

Ciel chargé de nuages bas

et moyens.

Pluies continuelles

Saison des pluies

(grande et petite)

ZONE E Divergence faible Ciel gris, homogène

pluies rares

Petite saison sèche

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Figure 5 : Les flux en janvier et en juillet sur l’Afrique occidentale

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Le balancement du système des alizés est lié à une variation d'énergie de ces centres d'action, elle-même liée au mouvement apparent du soleil, de part et d'autre de l'Equateur. Ainsi, la haute pression de Sainte Hélène pendant l'hiver austral (juin-juillet), envahit le littoral de l'Afrique occidentale repoussant la convergence des alizés, le FIT, vers le Nord aux latitudes 20-25°N (figure 5 ci-avant). En décembre, janvier et février les hautes pressions boréales (anticyclones des Açores et de Libye) envahissent l’Afrique tropicale, rejetant la zone de convergence vers le Sud à la latitude 5°N (figure 5).

On peut distinguer schématiquement, au Sud du FIT, 4 zones de convergence variable. Avec la zone située au Nord du FIT où règnent les alizés boréaux, ce sont donc cinq zones principales qui se déplacent parallèlement au FIT lui-même et qui par leur défilement sur la région vont engendrer la succession des différents types de temps ou saisons. Les caractéristiques de différentes zones (A, B, C, D ,E) sont données dans le tableau 3 (ci-avant).

En janvier, quand le FIT atteint sa position la plus méridionale, entre 5° et 6° de latitude Nord, la Côte d'Ivoire entière est soumise à un régime d'Harmattan, vent de secteur Nord-Est (zone A). La trace au sol du FIT n'atteint le littoral (5° 20') qu'une dizaine de jours par an. Dans le Sud, ce vent ne séjourne donc pas longtemps. Si sa durée se prolonge, au delà d’un mois, il devient nuisible pour les plantes qui se dessèchent, notamment le café et le cacao.

Pendant les mois de février et mars, lorsque le FIT est plus au Nord entre 6° et le 8° N, compte tenu de sa pente faible, l'épaisseur de la mousson reste peu importante et il est courant dans le Sud forestier ivoirien d'observer de la "brume sèche" en altitude. La présence de la zone B sur la région est nette ; c'est toujours la saison sèche, avec quelques pluies et surtout des brouillards matinaux. Ensuite, on assiste à une remontée progressive du Front intertropical en latitude pour atteindre, pendant le mois d'avril, les voisinages du 11° parallèle Nord. La Côte d'Ivoire forestière est alors dans la zone C. C'est une zone de forte convergence caractérisée par des averses orageuses, des coups de vent et par le passage de grains.

Le défilement de cette zone correspond à la période d'avril, mois intermédiaire entre la saison sèche et la saison des pluies : on parle d'intersaison orageuse. Les pluies sont très abondantes et généralement excédentaires si bien que, cette période est rattachée en partie à la grande saison des pluies. Cette saison est en effet caractérisé par l’arrivée de puissants nuages convectifs, mais avec un ensoleillement encore important, des averses nocturnes accompagnés de passages de grains avec fortes rafales de vent ( 55à 75 km/h). Le passage de ces véritables tornades provoque des dégâts considérables dans les plantations de bananes particulièrement vulnérables, comme le fait remarquer Chaléard (1979).

De mai à juillet, la région forestière ivoirienne subit le passage de la zone D, caractérisée par une convergence modérée, génératrice, avec le concours de la mousson chargée de vapeur d'eau, de pluies quasi continuelles, qui malgré des intensités moins fortes qu'en zone C, finissent par être très abondantes. Cette saison est caractérisée par une très forte nébulosité avec des pluies fréquentes et abondantes, et souvent durables (24 h ou plus) sous forme de pluies continues (modérées à fortes), quelques fois sous forme d’averses violentes. (présence d’orages au sein des masses nuageuses). Le FIT continue ensuite sa remontée vers le Nord pour atteindre en août sa position la plus septentrionale entre 19° et 22° de latitude Nord. Du mois d'août au mois de septembre, la zone E s'étend sur notre région. C'est une zone de convergence nulle ou même légèrement négative (divergence). De ce fait, la présence de la mousson ne se traduit que par quelques rares pluies et peu abondantes, c'est ce qui explique en partie l'existence de la petite saison sèche. Entre le mois d'août et celui de janvier, le FIT redescend en latitude, plus vite que la remontée, provoquant un deuxième passage de la zone C et D sur la région forestière ivoirienne : c'est la petite saison des pluies pendant les mois d'octobre et de novembre.

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2.1.2 Le jet d’Est d’Afrique occidentale

Un facteur, d'ordre météorologique, lié à la circulation générale de l'atmosphère, va intervenir et modifier le régime pluviométrique quant à la répartition et à l'intensité des précipitations. Il s'agit du courant d'Est qui circule sur l'ensemble de l'Afrique Occidentale dans les couches moyennes de l'atmosphère (approximativement entre 800 et 500 hPa). Ce courant d'Est présente un noyau de vents forts, désigné par les météorologistes sous le nom de Jet d'Est d'Afrique Occidentale, en abrégé J.E.A.O. La valeur maximale moyenne de ce noyau de vents forts est de l'ordre de 14 mètres/seconde (moins de 60 kilomètres/heure), ce qui ne lui donne pas à proprement parler la qualité de jet. Cependant son importance est évidente lorsque nous savons que les masses nuageuses à fort développement vertical se forment dans les couches moyennes de l'atmosphère. En cours d'année, le Jet d'Est d'Afrique Occidentale subit des variations en latitude et en longitude, ainsi que des modifications de vitesse. La migration du J.E.A.O. est comparable à celle de la trace au sol du F.I.T. avec quatre périodes :

- période de stagnation au Sud du littoral ivoirien, de décembre à février;

- période de remontée lente et traversée de la Côte d'Ivoire du Sud vers le Nord, de mars à juin;

- période de stagnation, de juillet à septembre, sur les pays du Sahel;

- période de retrait rapide et traversée de la Côte d'Ivoire du Nord vers le Sud, en octobre et novembre.

Ainsi, nous voyons la première influence de ce mécanisme d'altitude sur le climat de la Côte d'Ivoire : pendant la migration du Jet d'Est d'Afrique Occidentale à travers le pays, principalement de mars à mai, mais également en octobre et novembre, les phénomènes atmosphériques se déplaceront d'Est en Ouest. Il pourra s'agir de phénomènes isolés (orages ou tornades) ayant pris naissance sur les reliefs togolais ou ghanéens ou sur la Côte d'Ivoire elle-même ou de phénomènes plus amples (lignes de grains, zone orageuse) ayant une origine plus lointaine (Afrique Centrale, par exemple). Les quantités de pluies seront très variables en fonction, d'une part de la vitesse du déplacement (liée à celle du J.E.A.O.), d'autre part des reliefs rencontrés. Il a été établi une relation incontestable entre le Jet d'Est d'Afrique Occidentale et la quantité des précipitations. Tout renforcement du jet traduit une subsidence accrue et a un effet négatif sur les précipitations. Au contraire tout affaissement du jet entraîne une augmentation de l'épaisseur de mousson et favorise une activité pluvio-orageuse plus intense. En réalité, l'intensité du Jet d'Est d'Afrique Occidentale est liée aux centres d'action d'Afrique et de l'océan, et la variation de cette intensité n'est que l'effet d'une migration moindre ou amplifiée de ces centres d'action. En définitive, c'est une conséquence de la modification de la circulation générale de l'atmosphère. Lors des années sèches, l'amplitude de la migration vers le Nord du J.E.A.O. est affaiblie, comme celle de la trace au sol du F.I.T., et le fait que les poussées de mousson soient moins rigoureuses s'explique par la faiblesse de l'anticyclone de Sainte Hélène.

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.2.2 Les conditions géographiques Il s’agit ici de présenter les grandes caractéristiques du milieu physique autres que les données bioclimatiques qui peuvent soit influencer directement ou discriminer les conditions bioclimatiques.

2.2.1 La morphologie : un pays au modelé peu contrasté

2.2.1.a Description du modelé La Côte d'Ivoire, présente un modelé peu contrasté (figure 6 ci-après). Le Sud du pays présente l’allure générale d’une plaine constituée, en fait, d’un moutonnement de petites collines de très faible hauteur. Le Nord, succession de plusieurs plateaux de 200 à 500 mètres d’altitude, est caractéristique de cette planéité d’ensemble du paysage. Ces deux types d’horizons voient leur relative monotonie rompue par la présence de reliefs isolés, les inselbergs, prenant la forme d’alignements de collines, de buttes tabulaires ou de dômes granitiques. Seul l’Ouest et le Nord-Ouest du pays, qui constituent l’extrémité orientale d’une région montagneuse, la " dorsale guinéenne " se différencient de ce schéma général par un contraste plus net du relief et la présence de sommets dépassant 1 000 m d’altitude (Arnaud, 1983).

Au-delà de cette relative monotonie, 5 types de reliefs se partagent la zone d'étude (Avenard, 1971) :

2.2.1.a.1 La retombée orientale de la dorsale guinéenne

Les massifs montagneux de l’Ouest de la Côte d’Ivoire constituent l’avancée orientale d’un vaste ensemble montagneux, désigné par les Géographes sous le nom de dorsale guinéenne. C'est une chaîne montagneuse dont les altitudes culminent à plus de 1000 m. Ce bloc montagneux comporte deux massifs :

- le massif du Nimba et sa bordure qui forment la frontière entre la Côte d'Ivoire, la Guinée et le Liberia. Il s’élève à 1 750 m;

- le grand ensemble du massif de Man qui inclut les massifs des Dans et des Touras. Son altitude varie de 500 à 1 000 m avec quelques surélévations comme le Mont Tonkui, 1 189 m.

2.2.1.a.2 Les plateaux du Nord

D’allure souvent tabulaire, les reliefs du Nord de la Côte d’Ivoire peuvent être rattachés à la famille des plateaux. Le caractère général est la planéité et le trait qui se dégage ensuite est l’étagement de ces plateaux (Rougerie, 1960) : plutôt que d’un plan unique, le paysage est fait d’une superposition de surfaces individualisées les unes par rapport aux autres; les versants au regard d’elles sont une forme mineure. Ils n’en constituent pas moins un élément original. Ce sont davantage des escarpements que des versants, car leur développement est minime et leur profil rigide. Ce monde de glacis peut être divisé grossièrement en deux grands ensembles par une limite remarquable qui court du Nord-Est au Sud-Ouest sur plus de 400 Km, depuis la Haute-Comoé jusqu’entre le Sassandra et Bandama inférieur (Rougerie, 1960), donc au-delà de la zone des glacis proprement dits. La différence est d’ordre pétrographique : pays granitique à l’Ouest, pays essentiellement schisteux à l’Est.

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2.2.1.a.3 Les glacis méridionaux et les marches centrales

Les glacis se développent approximativement entre les 6° et 8° de latitude Nord (exception faite de la région Ouest). Le trait dominant de ce relief est l'abaissement sensible en direction de la mer, de 300 m vers 200 m d'altitude. Les surfaces restent à peu près tabulaires, mais les interfluves s’effilochent et les collines et vallonnements deviennent plus fréquents au fur et à mesure que l'on va vers le Sud. Les surfaces subhorizontales sont dominées par des buttes ou reliefs résiduels (hautes buttes cuirassées comme l’Orumbo-Boka, chapelet de collines du Centre et de l’Ouest). Ces glacis s'établissent principalement sur des surfaces granitiques, aplanies, gravillonnaires à l'Ouest et schisteux à l'Est. La limite Sud de cet ensemble se situe au niveau de la courbe d'altitude 200 m. Si les bas-plateaux (glacis) se prolongent sur les bordures Ouest et Est, au Centre de la Côte d’Ivoire le relief prend la forme de gradin ou de longues " marches " d’où l’appellation de " marches centrales ". Les glacis du Nord s’abaissent progressivement de 400 m jusque vers moins de 100 m au confluent de Nzi-bandama. Un autre trait marquant qui domine le paysage de cette zone est l’importance relative des reliefs qui permet de dégager plusieurs unités en relations d’ailleurs avec les formations géologiques :

- le horst granitique de Bouaké ;

- la longue bande granitique, déprimée, qui s’étend de Toumodi vers M’Bathiakro ;

- l’ensemble des collines birimiennes du Yaouré et de Marabadiassa ;

- la chaîne qui s’étire du Kokumbo-Boka à Fétékro.

2.2.1.a.4 Les Bas-pays Intérieurs

C’est le pays des collines, des vallons, des buttes avec des plateaux mal élaborés qui s’élèvent entre 150 et 120 m. Le caractère de grande monotonie est accentué par le couvert forestier. Cet ensemble se localise au Sud du 6ème parallèle Nord. Les altitudes varient entre 0 et 200 m. On note ici la faible importance du volume des modelés. Les bossellements n’engendrent en effet pas de dénivellations importantes puisque les zones en reliefs ne dominent que rarement de plus de 20 m les zones déprimées. Les accidents ne sont que des exceptions trouant ce paysage ouaté. Le socle essentiellement schisteux est parfois parsemé de couleurs granitiques.

2.2.1.a.5 La frange littorale

Elle se compose de bas plateaux, de petites baies et plages de sables ainsi que des principales lagunes. Elle repose sur un substrat en majeure partie schisteuse à l'Est, et granitique à l'Ouest. A l’ouest, le socle en majeure partie granitique parvient jusqu’à la côte en une série de bas plateaux finement disséqués par l’érosion. Au Centre et à l’Est, un alignement de bas-plateaux correspond à la nappe de sédiments tertiaires argilo-sableux recouvrant le socle. Ces bas-plateaux s’étagent en deux ensembles, l’un vers 100 m d’altitude, l’autre autour de 40 ou 50 m.

2.2.1.b L’importance des bas-fonds En Côte d’Ivoire, on rencontre les bas-fonds dans les différentes zones climatiques, sur différents types de roche mère. Le bas-fond se caractérise par une hydromorphie résiduelle temporaire ou permanente toute l’année avec des sols mal drainés. On y rencontre des sols avec une accumulation de matières organiques mal décomposées en surface. Les faciès de bas-fonds se présentent dans la zone forestière comme une zone de dépression et dans la zone des savanes du Nord et de l’Ouest comme une plaine alluviale.

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Figure 6 : Hypsométrie

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ABIDJAN

BOUAKE

DALOA

MAN

YAMOUSSOUKRO

DIVO

TOUBA

KATIOALA

ADZOPE

SAN-PEDRO

GAGNOA

GUIGLO

KORHOGOODIENNE

DANANE

BEOUMI

ABENGOUROU

AGBOVILLE

DABOU

LAKOTA

ISSIA

SINFRA

ABOISSO

BOUAFLE

TENGRELA

DUEKOUE

TOUMODIDIMBOKRO

MANKONO

OUME

SEGUELA

SOUBRE

BOUNDIALI

BOUNA

VAVOUA

ADIAKE

DAOUKROBANGOLO

GRAND-BASSAM

AGNIBILEKROU

FERKESSEDOUGOU

TANDA

SASSANDRA

DABAKALA

M'BAHIAKRO

TIASSALE

ZUENOULA SAKASSOU

ALEPE

BONGOUANOU

JACQUEVILLE

BOCANDA

BIANKOUMA

TIEBISSOU

GRAND-LAHOU

6° 5° 4°7°8° 3°

10°

10°

8° 7° 6° 5° 4° 3°

G U

I N

E E

L I

B E

R I

A

M A L IB U R K I N A F A S O

G H

A N

A

O C E A N A T L A N T I Q U E

PEU ACCIDENTE: 101-200 m

FAIBLEMENT ONDULE < 50 m

ONDULE: 51- 100m

ACCIDENTE: 201-500 m

MONTAGNEUX > 500 M

N

1:4000000Ec he lle100 0 Kilomètres100

VILLE

Limite de bassin versant

Limite d'état

PR ESIDENCE DE LA REPUBLI QUE

BUREAU NATION AL D 'ETUDES TECHNI QUES ET DE DEVELOPPEMENTCENTRE DE C ARTOGR APH IE ET DE TELED ETECTION

Fond cartographique numérisé à 1/500 000Copyright BNETD/CCT

-Interprétation de la carte topographique à 1/50 000 et 1/200 000

SOURCE:

CARTE MORPHOLOGIQUEREPUBLIQUE DE CÔTE D'IVOIRE

CONSORTIUM BAS-FONDSCARACTERISATION DE RECONNAISSANCE DE LA CÔTE D'IVOIRE

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L’étendue quant à elle, varie de 1 à 10, voire 25 ha. Il s’agit, dans ces cas, de bas-fonds de petites et moyennes tailles, car certains excèdent largement les 25 ha.

Les bas-fonds ont un potentiel important pour l’intensification et la diversification de la production agricole et sont un lieu pour la conservation de la biodiversité. Ceci en raison de leurs caractéristiques spécifiques : zone de concentration des eaux, sols relativement fertiles, risques de dégradation écologique assez faibles (Wongbe 2002). Cependant, malgré ces potentialités, l’utilisation des bas-fonds reste encore limitée, dans le temps (faible exploitation en saison sèche) et dans l’espace (de nombreux bas-fonds sont encore non exploités). Différentes contraintes expliquent cette faible exploitation des bas-fonds : problèmes fonciers, difficultés d’aménagement et de travail du sol, enherbement, risques sanitaires, etc. L’occupation et la mise en valeur des bas-fonds datent des années 60 avec la coopération chinoise de Taiwan. C’est la SATMACI (Société d’Assistance Technique pour la Modernisation de l’Agriculture en Côte d’Ivoire), qui la première, va réaliser les premiers aménagements : Dabou, San-Pédro, etc.,. D’autres sociétés vont être, par la suite créées par l’Etat qui s’occuperont, entre autre, de l’aménagement et de la mise en valeur des bas-fonds sur l’ensemble du territoire. Il s’agit de la SODERIZ (Société de Développement du Riz), de la CIDV (Compagnie Ivoirienne pour le Développement des Cultures Vivrières), de l’ANADER (Agence Nationale d’Appui au Développement Rural).

Selon les données du Consortium Bas-fond, en 2002, les bas-fonds et les plaines alluviales aménagés couvraient une superficie de l’ordre de 42 000 ha, essentiellement cultivée en riz (34 000 ha), en banane poyo (6 000 ha) Maraîchers (1 500 ha). La pisciculture y est également pratiquée.

2.2.2 La végétation : un pays à cheval sur la forêt guinéenne et les savanes soudanaises

2.2.2.a Les grands ensemble biogéographiques Deux grands types de paysages végétaux se partagent le territoire ivoirien (figure 7 ci-après) : un paysage forestier et un paysage de savane. En principe, le premier correspond à la moitié Sud du pays et appartient au domaine guinéen; le second occupe la moitié Nord de la Côte d’Ivoire et se rattache au domaine soudanais (Monnier, 1983).

2.2.2.a.1 Le domaine guinéen Le domaine guinéen a un climax prépondérant de forêt dense humide. On y distingue 4 secteurs caractérisés par des groupements végétaux particuliers répondants à des conditions écologiques différentes (Guillaumet, 1979) :

Le secteur ombrophile Au Sud de l’isohyète 1600 mm s’étend la forêt ombrophile caractérisée par la présence de géants (Lophira alata, azobé) atteignant 50 mètres, de structures originales - contreforts, racines palettes, racines échasses (Uapaca guinéensis), fût très droit des arbres de première et deuxième grandeur, cauliflorie -, une abondance de lianes et d’épiphytes, la rareté des herbes en sous-bois. Cette formation fermée entretient un microclimat chaud, humide et sombre. On distingue un type hyperombrophile, exigeant des sols finement texturés et doués d’une bonne capacité de rétention en eau, dans les régions climatiques les plus favorables (1800 mm de pluie et saison sèche réduite).

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La forêt mésophile ou sémi-décidue Elle s’inscrit entre l’isohyète 1600 mm et la ligne Man-Séguela-Bouaflé-Sangrobo-Dimbokro- le N’zi-la confluence Comoé-Bélé Fina. Elle existe également au Nord de cette ligne sous forme de lambeaux plus ou moins grands. C’est la forêt à Triplochyton scleroxylon (Samba), Mansonia altissima (bété), Celtis sp. Certaines essences qui y existent perdent leurs feuilles en saisons sèches, chaque essence ayant un rythme spécifique.

La forêt montagnarde Le secteur montagnard, d’altitude supérieure à 1000 m, se limite à la région de Man. La strate supérieure de la forêt montagnarde est constituée essentiellement de parinari excelsa, et le sous-bois parfaitement dégagé abrite par endroit Cyathea manniana, grande fougère arborescente. Une prairie altimontaine couvre le sommet du mont Nimba.

Les savanes de basse côte Elles occupent de vastes étendues entre Grand-Lahou et la lagune Aby (brachiaria à brachylopha). A l’Ouest, les savanes de Néro-Mer ont un tapis graminéen à Loudetia phragmotoïdes ou Hyparrrhenia chrysargyrea selon que le sol est inondable ou non.

Les mangroves C’est une formation monotone, pauvre en espèces, qui ourle les rives des estuaires et les bords des lagunes. Rhizophora racemosa et Avicennia africana. Elle cède par endroit la place à une pelouse à Paspalum vaginatum piquetée des buissons d’Acrostichum aureum.

La zone de contact forêt-savane C’est la zone de transition entre les deux domaines guinéen et soudanais. La caractéristique principale est la présence de lambeaux de forêt mésophile, et de larges mailles de savane séparées par des forêts-galeries.

2.2.2.a.2 Le domaine soudanais La zone soudanaise en Côte d’Ivoire septentrionale se subdivise en deux secteurs : le secteur sub-soudanais et le secteur soudanais (Guillaumet, 1971). Le secteur sub-soudanais plus important, s’étend de la limite Nord de la zone guinéenne aux frontières du Mali et du Burkina Faso. Ce secteur est soumis au climat tropical sub-humide (sub-soudanien de transition). Le déficit hydrique annuel cumulé varie entre 700 et 800 mm. La pluviosité oscille entre 1 000 et 1 600 mm.

Le secteur soudanais est très limité et ne concerne que l’extrême Nord du pays, suivant une ligne Férédou (au Nord d’Odiénné), Ferkessédougou, Nassian (au Sud de la réserve de Bouna), Farko. Le climat est tropical semi-aride (soudanien) ; l’unique saison sèche est comparable à celle du secteur sub-soudanais, mais le déficit hydrique annuel peut être supérieur à 900 mm. Sur l’ensemble de ces deux secteurs, la végétation se présente comme une juxtaposition de formations forestières et de formations savanicoles, la localisation de ces formations dépendant des facteurs climatiques, édaphique et anthropique (Monnier, 1983).

La forêt claire La forêt claire est une formation à deux strates, l’une arborescente à cimes plus ou moins jointives, l’autre herbacée comportant surtout des graminées en touffes (Andropogon tectorum, Hyparrhenia chrysagyrea) mais également des géophytes.

Les savanes Celles-ci sont de moins en moins épaisses au fur et à mesure que l’on monte en latitude et se présentent souvent en plages discontinues. L’importance du peuplement ligneux définira la savane boisée, arborée ou arbustive.

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Figure 7 : Les grandes formations végétales

6° 5° 4°7°8° 3°

8° 7° 6° 5° 4° 3°

10°

10°

ODIENNEKORHOGO

MAN

SEGUELA

BOUNA

BONDOUKOU

ABENGOUROUDIMBOKRO

YAMOUSSOUKRO

DIVOAGBOVILLE

ABIDJAN

DALOABOUAFLE

BOUAKE

SAN-PEDRO

ABOISSO

TAI

G U

I N

E E

L I

B E

R I

A

M A L IB U R K I N A F A S O

G H

A N

A

O C E A N A T L A N T I Q U E

PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE

CENTRE DE CARTOGRAPHIE ET DE TELEDETECTION

BUREAU NATIONAL D'ETUDES TECHNIQUES ET DE DEVELOPPEMENT Rédigée par l'UTSIG, août 1999.

SOURCE : Atlas de Côte d'Ivoir e, ORSTOM-IGT, 19 79. carte à 1 /2 000 000.

1:4000000Echelle20 0 20 40 Kilomètres

N

CARTE DE VEGETATION

REPUBLIQUE DE CÔTE D'IVOIRECONSOTIUM BAS-FONDS

CRACTERISATION DE RECONNAISSANCE DE LA CÔTE D'VOIRE

Savane mésophileForêt défrichée mésophileForêt dense humide semi-décidue

C- SECTEUR MESOPHILE

Forêt et prairiesD- SECTEUR MONTAGNARD

Forêt défrichée ombrophile

Forêt dense humide sempervirenteForêt marécageuse

Savane ombrophile

B- SECTEUR OMBROPHILE

Forêt et zone agricole

MangroveSavane littorale

A- SECTEUR LITTORAL

I- DOMAINE GUINEEN

Forêt claire sèche et/ou savane boisée soudanaiseSavane arborée et /ou arbustive soudanaise

B- SECTEUR SOUDANAIS

Forêt dense sècheA- SECTEUR SUB-SOUDANAIS

II- DOMAINE SOUDANAIS

Forêt claire sèche et/ou savane boisée sub-soudanaiseSavane arborée et /ou savane arbustive sub-soudanaise

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2.2.2.b Importance de la forêt dense humide dans le maintien des caractéristiques du potentiel d’eau précipitable de l’atmosphère

La quantité de vapeur d'eau contenue dans l'atmosphère ivoirienne provient pour partie de l'évaporation physique de l'Océan Atlantique, et pour partie de l'évapotranspiration réelle de la forêt ivoirienne. En ce qui concerne les apports océaniques, il existe une relation tout à fait significative entre les températures de surface de la mer et les phénomènes de précipitations des régions côtières d'Afrique Occidentale. Dans les années où les courants froids ascendants (upwelling) sont rares, voire inexistants, l'eau de mer reste chaude (Anhuf, 1993). On peut alors observer dans les régions côtières d'Afrique occidentale des précipitations importantes. C'est ainsi qu'en 1949 et 1968 par exemple, des pluies abondantes et constantes ont été enregistrées de juillet à septembre en Côte d'Ivoire. De la même façon l'année 1984, année pratiquement sans upwelling, la Côte d'Ivoire a vu sa petite sécheresse estivale se réduire d'un mois. L'apport continental quant à lui se compose essentiellement de la transpiration de l'écosystème forestier.

Des travaux (Aubreville, 1949) portant sur le bilan hydrologique annuel entre la quantité de vapeur d'eau apportée par la mousson et la quantité totale d'eau précipitée sur le territoire de la Côte d'Ivoire ont été effectués. Les conclusions montrent que les 2/3 des précipitations proviennent de l'évapotranspiration du système forestier et 1/3 seulement des précipitations proviennent de la vapeur d'eau océanique. Des résultats similaires (Bernard, 1945 et 1953) sur le bilan hydrologique de la cuvette congolaise ont été trouvés. On mentionne que l'apport extérieur de vapeur d'eau (convergence des masses d'air humides) ne représente que 22% des précipitations et correspond approximativement à la quantité drainée par les fleuves et 78% des précipitations expriment "l'activité d'un cycle intérieur générateur de grains orageux : évapotranspiration et précipitation de convection". Plus récemment, des études (Samba-Kimbata, 1991) sur les interactions forêt/atmosphère congolaises arrivent à la conclusion que l'Océan Atlantique austral fournit à l'atmosphère 45 à 53% de sa vapeur d'eau et le binôme sol/végétation du bassin versant congolais 47 à 55%.

2.2.3 Les sols et leurs ressources en eau variables

Les réserves en eau du sol dépendent de la capacité de rétention en eau de celui-ci, donc de sa texture liée à la nature de la roche mère (sol argileux sur schiste, sableux sur granite …). Le socle ivoirien est un ensemble essentiellement cristallin de granites et migmatites couvrant plus des deux tiers du pays, traversé de bandes d’orientation Sud/Nord-Est de flyschs, schistes, quartzites et roches vertes basiques (Monnier, 1983 ; Arnaud, 1983). Le pourcentage d’eau disponible dans le sol étant considérablement plus élevé dans les sols argileux que dans les sols sableux, c’est dans les régions schisteuses que les réserves en eau sont les plus importantes. Celles-ci varient entre 100 et 150 mm.

En basse Côte d’Ivoire (zone de forêt dense humide sempervirente ; cf. figure 7 ci-avant), les sols sont caractérisés par une très grande épaisseur (de 10 à 40 m) et par la présence d’un horizon d’argile tachetée épais (plusieurs mètres) qui traduit des conditions de drainage médiocres et quelque fois imparfaites en profondeur. L’épaisseur du matériau originel est toujours très importante.

En moyenne Côte d’Ivoire (zone de forêt dense humide semi-décidue ; cf. figure 7), l’épaisseur des sols est beaucoup plus variable. Des fragments de matériau originel reconnaissables apparaissent souvent à moins de 2 m de profondeur dans un horizon bariolé qui se distingue de l’argile bariolée des sols de basse Côte d’Ivoire par un meilleur drainage. Enfin, la durée de la saison sèche se traduit par des phénomènes d’induration qui affectent les

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taches rouges (concrétions) et les fragments de roche altérée (pseudo concrétions) de l’horizon bariolé, une carapace peut alors se former.

En Côte d’Ivoire préforestière, et au Sud de la ligne Kani-Nassian (dans le Nord), l’horizon bariolé est assez souvent induré en particulier dans le V baoulé. Dans la région de Séguela et Nassian (Centre-Nord-Ouest), de nombreux inselberg et affleurement de granite réduisent l’épaisseur du sol, et l’induration en profondeur est plus rare.

Dans le Nord de la Côte d’Ivoire (zone de savane soudanaise, cf. figure 7), le développement est toujours important et comparable à celui de la moyenne Côte d’Ivoire, mais l’horizon bariolé est plus proche de la surface, plus induré et se transforme souvent en carapace et en cuirasse (saison sèche unique et plus longue). De nombreux affleurements et inselberg de granite existant dans le Nord-Ouest (entre Odienné et Boundilali) et au Nord (vers Korhogo), donnent des sols moins développés qui présentent des phénomènes d’induration faibles et irréguliers. Dans l’extrême Nord et le Nord-Est sur granite, de vastes recouvrements sableux plus ou moins épais reposent sur un horizon bariolé qui contient une fraction importante de matériau originel et même de roche mère plus ou moins altérée en voie de carapacement et de cuirassement. Le développement du sol devient faible (2-3 m) sur les affleurements granitiques assez nombreux (sol ferrugineux, peu lessivé, jeune).

Avec la réduction progressive de l’épaisseur des sols, du Sud au Nord, par suite de la diminution de la teneur en argile et de l’augmentation du concrétionnement lié à l’allongement de la saison sèche, le pourcentage en eau de ces sols devient de moins en moins important pour entretenir une couverture végétale luxuriante. On comprend évidemment la localisation de la forêt dense humide dans le Sud et son remplacement par les savanes dans la moitié Nord (figure 7). Cette différence de capacité de rétention en eau du sol explique également la remontée de la forêt dense humide au Centre-Est du pays entre les isohyètes 1 300 mm (au niveau d’Abengourou) et 1 100 mm (au niveau de Bondoukou), sur des sols issus de schistes et, au contraire, la descente des savanes du " V Baoulé " vers le Sud (en dessous de Dimbokro), sur des sols issus de granites.

2.2.4 L’hydrographie : un pays au réseau de cours d’eau dense

Quatre grands fleuves divisent le pays du Nord au Sud (figure 8 ci-après) : Comoé, Bandama, Sassandra, Cavally tandis qu’une série de lagunes longe la Côte. Le réseau hydrographique également constitué de plusieurs fleuves côtiers (le Tabou, le San-Pedro, le Niounirou, le Boubo, la Mé et la Bia et l'Agneby) et de quelques affluents du Niger, assurent des apports en eau très importants mais l’irrégularité saisonnière est grande (Avenard et al., 1971).

2.2.4.a Les bassins principaux

Le bassin du Cavally

Le cavally prend sa source en Guinée, au Nord du Mont Nimba, à une altitude voisine de 600 m. Long de 700 Km, son lit sert de frontière entre le Liberia et la Côte d’Ivoire dans son cours moyen (un peu au Sud de Toulepleu) et dans son cours inférieur. Le bassin versant a une superficie de 28 800 Km2 à Taté, station hydrométrique situé à 60 Km de l’embouchure. La Côte d’Ivoire ne possède que 15 000 km2 environ de versant.

Le bassin de Sassandra

Le Sassandra prend sa source dans la région de Beyla en Guinée, sous le nom de Féroudougouba. Son bassin couvre une superficie d’à peu près 75 000 Km2. Long de 650 km, le Sassandra reçoit deux affluents importants en rive droite : le Bafing et le N’zo.

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Le Bassin du Bandama

Le Bandama est formé du Bandama blanc et du Bandama rouge ou Marahoué. Ils prennent leur source dans la région de Boundiali. Le Bandama a une longueur de 1 050 km Son versant total est de 97 000 km2 environ, dont 24 300 pour le Marahoué et 35 500 pour le N’zi.

Le Bassin de la Comoé

La Comoé prend sa source dans la région de Banfora (Burkina faso). Avec un cours de 1160 km, c’est le plus long fleuve de la Côte d’Ivoire. Son lit draine un bassin versant de 78 000 km2 environ.

2.2.4.b Les régimes hydrologiques Les débits des cours d'eau sont essentiellement liés au régime des précipitations. On distingue 4 régimes hydrologiques principaux.

2.2.4.b.1 Le régime tropical de transition

Il s’étend sur la partie septentrionale de la Côte d’Ivoire (approximativement au Nord de l’axe Ferkéssedougou-Touba) c’est à dire une région de savane plus ou moins boisée suivant la pluviométrie annuelle. Ce régime comporte généralement une crue unique en août, septembre, octobre, suivie d’un tarissement rapide en novembre et décembre, puis d’une longue période de basses eaux de janvier à mai, pendant laquelle le débit tombe à une très faible valeur.

2.2.4.b.2 Le régime équatorial de transition

Le domaine de ce régime s’étend sur la partie méridionale de la Côte d’Ivoire, au Sud de la ligne Abengourou-Toumodi-Soubré. La végétation y est du type forestier (forêt dense humide sempervirente, secteur ombrophile du domaine guinéen). Le régime équatorial de transition présente 2 pointes de crues annuelles. La première, la plus importante, se situe en juin et la seconde en septembre. Une période de basses eaux est identifiable quant à elle en août-septembre et une autre, plus marquée, de décembre à mars.

2.2.4.b.3 Le régime équatorial de transition atténué

Il est observé dans la région centrale de la Côte d’Ivoire, entre l’axe Ferkessedougou-Touba et Abengourou-Soubré. Cette région est couverte par la savane boisée sauf à ses extrémités Sud-Ouest et Sud-Est (de part et d’autre du " V Baoulé ") où domine la forêt (savane guinéenne et forêt dense humide, secteur mésophile du domaine guinéen). Dans ce régime la saison des moyennes et des hautes eaux s’étale de mai à novembre, mais le dédoublement de la crue annuelle n’est plus toujours nettement marqué. Il est nécessaire que la pluviosité de la deuxième saison des pluies soit très faible pour que la pointe de juin-juillet devienne prédominante par rapport à celle de septembre-octobre.

2.2.4.b.4 Le régime de montagne

Le régime de montagne s'observe dans l'extrême Ouest, dans la région de Man. La saison des moyennes et hautes eaux s'y installe d'avril à octobre. Les crues sont maximales en septembre et les étiages, qui restent soutenus, ont lieu en janvier-février.

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Figure 8 : Hydrographie

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Chapitre 2 Variabilité climatique et dynamique des écosystèmes de forêt et de savane

Dans ce chapitre nous proposons une analyse des observations bioclimatiques, au sens d'une évolution spatiale et temporelle. Les conditions climatiques habituelles sont d’abord étudiées à travers la cartographie des valeurs moyennes. Les variables analysées sont les hauteurs pluviométriques et le nombre de jours de pluie, au pas de temps annuel et mensuel. Des différences spatiales éventuelles pourront être ainsi mises en évidence sur la base de plusieurs paramètres climatiques. Un premier panorama climatique de la Côte d’Ivoire pourra être ainsi dressé. Une cartographie des valeurs décennales est ensuite proposée afin de mettre en évidence les dynamiques spatio-temporelles des courbes d’isovaleurs des données climatiques. L'analyse de la variabilité climatique repose également sur des méthodes statistiques de détection de ruptures au sein des séries chronologiques. Ces méthodes statistiques permettent, pour chaque station étudiée, de mettre en évidence une fluctuation climatique éventuelle. La connaissance de l’évolution spatio-temporelle du climat est nécessaire pour comprendre l’évolution phénologique du couvert végétal. L’utilisation de la méthode STATIS a permis de comparer les structures spatio-temporelles de ces deux paramètres bioclimatiques. La comparaison des résultats et l’établissement de relations de dépendances (corrélations multiples) a confirment l’évolution conjointe des deux phénomènes. Une analyse multivariée est enfin utilisée pour établir le poids des différents éléments du climat dans la dynamique de la phénologie végétale des grands biomes ivoiriens.

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1 L’analyse des données climatiques La démarche consiste à proposer une analyse cartographique et statistique des observations climatiques à travers les mesures conventionnelles et satellitales. L’étude de la dynamique du climat revêt deux aspects :

- un aspect analyse de la dynamique spatiale du climat à partir de la cartographie des champs moyens et la régionalisation des paramètres climatiques, d’une part ;

- un aspect étude de la variabilité climatique à partir de la cartographie des valeurs décennales, la recherche de tendance et la détection de rupture dans les séries, d’autre part.

L’analyse des paramètres climatiques autres que la pluviométrie ne porte essentiellement que sur la température, la durée d’insolation, l’humidité relative, la convection (à partir des données METEOSAT). Un accent particulier sera mis sur la variable pluviométrie qui est l’élément climatique le plus déterminant à nos latitudes.

.1.1 Les conditions climatiques moyennes

1.1.1 La pluviométrie

Comme pour l’ensemble des pays de la zone intertropicale, la pluviométrie est l’élément climatique le plus important compte-tenu de sa très grande variabilité spatio-temporelle.

1.1.1.a La pluviométrie moyenne interannuelle L’analyse des valeurs moyennes (1950-1998) fait apparaître une inégalité dans la distribution spatiale de la pluviométrie en Côte d’Ivoire (figure 9 ci-après). Une décroissance des hauteurs annuelles et du nombre de jours de pluie annuelle est observée, du littoral vers le Nord, suivant un axe (ou gradient) Sud-Ouest/Nord-Est. Cette distribution spatiale s’explique par l’effet de continentalisation, du fait de l’appauvrissement en eau de la masse d’air porteuse de précipitation au fur et à mesure de son avancée à l’intérieur des terres. Liée à la présence de reliefs prépondérants dans l’Ouest du pays, on note l’existence d’un second axe de décroissance Ouest-Est. En effet, à latitude égale, les régions montagneuses de l’Ouest reçoivent plus de hauteurs d’eau (de l’ordre de quelques centaines de millimètres) que celles situées à l’Est.

Deux grandes régions pluviométriques peuvent être distinguées de part et d’autre de l’isohyète 1 400 mm qui marque généralement la limite Nord des climats tropicaux pluvieux. Pour Lauer, 1991 cité par Anhuf, 1993, la frontière Nord de la forêt dense humide est atteinte à un niveau de précipitations annuelles égal à environ 1400 mm.

1.1.1.a.1 Distribution spatiale de la pluviométrie moyenne annuelle au sud de l’isohyète 1 400 mm (Sud forestier)

Les régions les plus arrosées (hauteur moyenne annuelle supérieure à 1 800 mm) sont : la bande littorale Est s’étendant de Dabou à la frontière ghanéenne, la côte Ouest de San Pedro à Tabou et l’arrière pays forestier le long de la frontière libérienne. La partie du littoral comprise entre Sassandra et Jacqueville reçoit en revanche des hauteurs moindres (entre 1 600 et 1 800 mm). Sur le reste de la région les hauteurs vont en décroissant du Sud vers le Nord (de 1 600 à 1 400 mm par an).

50

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Cette répartition inégale des précipitations à l’échelle du Sud de la Côte d’Ivoire est principalement due à l’influence positive du plateau d’Ashanti sur la bande littorale Sud-Est (ASCENA, 1979). De la même façon, dans le Sud-Ouest du pays, les reliefs de la dorsale guinéenne, en s’opposant à la pénétration du flux de mousson et en provoquant le soulèvement des masses d’air humide, entretiennent la forte pluviométrie enregistrée sur ces territoires. L’orientation de la côte est également un facteur à prendre en compte dans l’explication de la distribution spatiale des précipitations sur le littoral. En effet contrairement au littoral Centre, les secteurs Ouest et Est du littoral sont orientés perpendiculairement au flux de mousson et reçoivent proportionnellement plus de précipitations (Eldin., 1971).

Figure 9 : Hauteur pluviométrique moyenne par an de 1950 à 1997

-9 -8 -74

5

6

7

8

9

10

11

Abidjan

Abengourou

AboissoAdiaké

Adzopé

Agnibilekro

Azaguié

Béoumi

Bocanda

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Cechi

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Grand_lahou

Guiglo

Katiola

Korhogo

Lakota

Man

Mankono

M'bahiakro

Niakaramadougou

Odienné

Ouangolo

Oumé

Sassandra

Seguela

Soubré

Tabou

Tafiré

Taï

Tengrela

Tiassalé

Touba

Toulepleu

Vavoua

800

1000

1200

1400

1600

1800

2000

2200

2400

mm

N

0 110 Km

La cartographie des événementscours d’une année (figure 10 cides activités pluvio-orageuses. C’est toujours sur les côtes Est plus abondantes. Dans ces deupeuvent dépasser largement les les plus arrosée du pays enregispeuvent atteindre dans cette régpays immédiat des espaces côtirégulièrement jusqu’à la latitude

-6 -5 -4 -3 -2

pluviométriques les plus importants observée en 24 heures au -après) donne une idée de la répartition spatiale de l’intensité Cette répartition reste proche de celle des hauteurs annuelles. (Adiaké) et Ouest (Tabou) que les pluies de 24 heures sont les x secteurs, les hauteurs de pluies enregistrées en une journée 150 mm. La région montagneuse de l’Ouest qui compte parmi tre également des valeurs importantes. Les pluies journalières ion des hauteurs comprises entre 100 et 130 mm. Sur l’arrière ers, les pluies journalières maximales annuelles s’affaiblissent de Tiassalé-Gagnoa-Cechi où elles ne dépassent plus 80 mm.

51

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Figure 10 : Hauteur pluviométrique journalière extrême au cours d’une année – moyenne de la période 1950 à 1997

-9 -8 -7 -64

5

6

7

8

9

10

11

Abidjan

Abengourou

AboissoAdiaké

Adzopé

Agnibilekro

Azaguié

Béoumi

Bocanda

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Cechi

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Grand_lahou

Guiglo

Katiola

Korhogo

Lakota

Man

Mankono

M'bahiakro

Niakaramadougou

Odienné

Ouangolo

Oumé

Sassandra

Seguela

Soubré

Tabou

Tafiré

Taï

Tengrela

Tiassalé

Touba

Toulepleu

Vavoua

50

60

70

80

90

100

110

120

130

140

150

mm

N

110 Km

Le nombre total annuel de jours de pluie d’eau précipitées annuellement. Il est doncEst (Adiaké) avec des valeurs supérieures jours de pluies de la côte vers l’intérieur dans le cas des hauteurs moyennes annrencontrées par endroit. Le gradient plul’approche de la station de Gagnoa (Sud-Onombre annuel de jours de pluie, puis à nolocalité. Ces particularités spatiales liées àobservées autour de la station de Cechprécipitation dans l’année alors que Aben(au moins 100 jours de pluie).

La cartographie du nombre total annuel deniveau de pluviosité d’une région. En effecompte dans le décompte, le nombre peut des pluies dépasse à peine 0,1 mm (valeévénement pluvieux). Pour donner une idédu nombre de jours de pluie, on n’a tenuNous avons retenu 50 mm comme valeur s

0

-5 -4 -3 -2

(figure 11 ci-après) est proportionnel aux hauteurs maximal dans les coins Sud-Ouest (Tabou) et Sud-à 170 jours de pluies. La diminution du nombre de des terres ne se fait pas de façon régulière comme uelles. Des discontinuités spatiales sont en effet viométrique décroissant est en effet perturbé à uest) où on note au contraire une augmentation du

uveau une baisse continuelle des valeurs après cette des conditions climatiques locales sont également i à l’Est qui enregistre moins de 70 jours de

gourou et Bocanda plus au Nord en reçoivent plus

jours de pluies peut dans certains cas surestimer le t, dans la mesure où toutes les pluies sont prises en être important même si une partie non négligeable ur seuil retenue par l’OMM pour enregistrer un e beaucoup plus réaliste de la distribution spatiale compte que des événements pluvieux importants. euil.

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Figure 11 : Nombre de jours de pluie par an sur la période 1950-1997

-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -24

5

6

7

8

9

10

11

Abidjan

Abengourou

AboissoAdiaké

Adzopé

Agnibilekro

Azaguié

Béoumi

Bocanda

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Cechi

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Grand_lahou

Guiglo

Katiola

Korhogo

Lakota

Man

Mankono

M'bahiakro

Niakaramadougou

Odienné

Ouangolo

Oumé

Sassandra

Seguela

Soubré

Tabou

Tafiré

Taï

Tengrela

Tiassalé

Touba

Toulepleu

Vavoua

50

60

70

80

90

100

110

120

130

140

150

160

170

nbre de jours

0 110 Km

N

L’analyse de la carte du nombre annuelle de jours de pluies supérieure à 50 mm (figure 12 ci-après) permet de distinguer trois secteurs dans le Sud forestier ivoirien :

- le premier secteur concerne le littoral (limité à l’espace côtier), à l’exception du littoral Centre. Dans cette région, le nombre d’événements pluvieux supérieurs à 50 mm est le plus important du pays. Le nombre de jours dépasse largement 9 dans l’année, le maximum étant atteint sur le littoral Sud-Ouest à Tabou avec plus de 11 jours de pluies supérieures à 50 mm. Par sa proximité à la mer, le littoral est une zone très favorable aux précipitations de forte intensité de type orageux. Les plus fortes valeurs sont toujours enregistrées aux extrémités Ouest et Est du littoral, là où l’orientation perpendiculaire de la côte par rapport aux flux rentrant est le plus net.

- le deuxième secteur est le secteur montagneux Ouest dans son ensemble avec un prolongement vers le Centre-Ouest à la latitude de Daloa. Les valeurs annuelles sont inférieures à celles du secteur précédent. 4 à 9 jours de fortes précipitations sont enregistrées en moyenne sur ces élévations.

- sur le reste du territoire, marquée par l’absence de relief dominant, le nombre d’événements pluvieux supérieurs à 50 mm est faible. Ce nombre est compris en 3 et 4. Le secteur Centre-Est, enregistre les plus faible valeur autour de M’bahiakro, Bocanda, Dimbokro. Le relief en forme de cuvette de ce secteur est certainement à l’origine des faibles niveaux de précipitations qui y tombent.

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Figure 12 : Nombre de jours de pluie supérieure à 50 mm au cours d’une année- moyenne de la période 1950-1997

-9 -8 -7 -64

5

6

7

8

9

10

11

Abidjan

Abengourou

AboissoAdiaké

Adzopé

Agnibilekro

Azaguié

Béoumi

Bocanda

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Cechi

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Grand_lahou

Guiglo

Katiola

Korhogo

Lakota

Man

Mankono

M'bahiakro

Niakaramadougou

Odienné

Ouangolo

Oumé

Sassandra

Seguela

Soubré

Tabou

Tafiré

Taï

Tengrela

Tiassalé

Touba

Toulepleu

Vavoua

0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

nombre de jours

N

0 110 Km

1.1.1.a.2 Distribution spatiale l’isohyète 1400 mm (dan

Dans cette région, la distribution dgradient Ouest-Est. En effet, on paNord-Est (entre 1 000 et 1 200 mmmontagneux de l’Ouest, avec 1 600 des précipitations est régulière jusquVavoua, puis elle s’accentue rapidemligne Touba-Daloa. Cette influence ple Centre du pays. En effet sur la resserrement des isohyètes entre Bou

La distribution spatiale des événemesuivant ce même gradient Ouest-Estimportante de l’année qui atteint à pedépasse largement les 100 mm au nCette évolution spatiale se fait lentemde la distribution spatiale du nombrcette croissance de la pluviosité d’Eeffet observé sur le quart Nord-Est dqui sont comprises dans cet espace nLes valeurs les plus faibles (moins dpar les stations de Bouna, Dabak

-5 -4 -3 -2 de la pluviométrie moyenne annuelle au Nord de

s le Centre et le Nord)

es pluies annuelles se fait principalement suivant un sse progressivement des secteurs faiblement arrosés du à Bouna), aux ambiances plus humides des milieux mm par an en moyenne à Odienné. Cette augmentation ’aux premiers reliefs des environs de Touba, Séguéla et ent sur les espaces montagneux situées à l’Ouest de la

ositive des accidents de reliefs, s’observe également dans carte des isohyètes moyennes annuelles, on observe un aflé et Tiébissou, provoqué par la chaîne Baoulé.

nts pluviométriques journaliers les plus importants se fait . En effet, la hauteur pluviométrique journalière la plus ine les 80 mm dans le Nord-Est et le Centre-Est du pays, iveau des confins Nord-Ouest à la longitude d’Odienné.

ent, les courbes iso valeurs étant très lâches. L’analyse e annuel de jours de pluie (figure 11 ci-avant) confirme st en Ouest. Un faible nombre de jours pluvieux est en u pays. Les stations de Bouna, de Dabakala et de Tafiré ’enregistrent pas plus de 80 jours de pluies dans l’année. e 60 jours pluvieux) sont atteintes dans un espace limité ala et Ouangolodougou. Contrairement aux hauteurs

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annuelles, on observe au niveau du nombre d’événements pluvieux deux types d’évolution spatiale d’Est en Ouest. Jusqu’à Boundiali, les isohyètes sont assez lâches, ce qui dénote d’une évolution spatiale peu rapide. Cette évolution spatiale est également irrégulière dans la mesure où elle est marquée par des baisses et des remontées du nombre de jours de pluies, comme c’est le cas entre les stations de Tafiré et de Korhogo. A partir de Boundiali et à l’approche des massifs montagneux du Nord-Ouest (à Odienne), une croissance régulière et rapide du nombre de jours de pluie est observée, le caractère beaucoup resserré et régulier des isohyètes l’indique bien.

En ne considérant que le nombre d’événements ayant une hauteur d’au moins 50 mm, on note des variations spatiales Est-Ouest peu significatives, marquées par une légère augmentation d’Ouest en Est. Le nombre de jours de pluies supérieures à 50 mm ne dépasse pas 6. Les valeurs les plus faibles (moins de 3 jours) sont obtenues dans le Centre autour des stations de Dimbokro, de Bocanda et de M’bahiakro, marquées par une topographie de cuvette localisée à l’Ouest des chaînes de collines Baoulé. C’est dans le Nord-Ouest, où les effets orographiques des massifs montagneux de la région sont susceptibles d’influencer positivement les phénomènes pluvieux orageux, que les valeurs sont les plus importantes. Dans un espace compris entre Odienné, Korhogo, Mankono, Seguela et Touba, les valeurs atteignent 5 et sont proches de 6 dans certains cas comme à Boundiali.

1.1.1.b Pluviométrie mensuelle

La distribution spatiale des pluies mensuelles (figure 13, 14 et 15 ci-après) suit globalement un gradient décroissant Sud/ Nord d’octobre à juin. Au cours de cette période, les pluies les plus importantes sont enregistrées dans le Sud de la Côte d’Ivoire. Par exemple pendant le mois de juin, les hauteurs pluviométriques dépassent les 500 mm sur la côte, alors qu’ils atteignent à peine les 125 mm dans le Nord. A partir du mois de juillet, le gradient s’inverse (gradient croissant Sud-Est / Nord-Ouest). Les valeurs les plus fortes sont enregistrées en ce moment dans le Nord. Au mois d’août par exemple, de faibles hauteurs de précipitations sont enregistrées sur la côte (inférieures à 50 mm) tandis que le maximum est atteint dans les stations de Tengrela et Odienné à l’extrême Nord.

Ce comportement spatial de la pluviométrie mensuelle au cours de l’année (décrit ci-dessus) autorise une division de la côte d’ivoire en deux régimes pluviométriques. Ces deux régimes correspondent en fait au régime équatorial de transition à quatre saisons en Côte d’Ivoire forestière (au Sud) et au régime tropical humide à une saison en région de savane soudanienne (au Nord).

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Figure 13 : Hauteurs pluviométriques mensuelles de quelques mois caractéristiques- moyenne de la période 1950-1997

-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -24

5

6

7

8

9

10

11

Abidjan

Abengourou

Adiaké

Adzopé

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Guiglo

Katiola

Korhogo

Man

Odienné

Sassandra

Seguela

Soubré

Tabou

Taï

Tengrela

Touba

Toulepleu

Janvier-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -2

4

5

6

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Abidjan

Abengourou

Adiaké

Adzopé

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Guiglo

Katiola

Korhogo

Man

Odienné

Sassandra

Seguela

Soubré

Tabou

Taï

Tengrela

Touba

Toulepleu

mars

-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -24

5

6

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Abidjan

Abengourou

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Adzopé

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Guiglo

Katiola

Korhogo

Man

Odienné

Sassandra

Seguela

Soubré

Tabou

Taï

Tengrela

Touba

Toulepleu

Juin

-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -24

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Abidjan

Abengourou

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Adzopé

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Guiglo

Katiola

Korhogo

Man

Odienné

Sassandra

Seguela

Soubré

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Taï

Tengrela

Touba

Toulepleu

-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -24

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11

Abidjan

Abengourou

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Adzopé

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Guiglo

Katiola

Korhogo

Man

Odienné

Sassandra

Seguela

Soubré

Tabou

Taï

Tengrela

Touba

Toulepleu

septembre octobre

-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -24

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Abidjan

Abengourou

Adiaké

Adzopé

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Guiglo

Katiola

Korhogo

Man

Odienné

Sassandra

Seguela

Soubré

Tabou

Taï

Tengrela

Touba

Tiassalé

Toulepleu

Août

0255075100

125

150

175

200

225

250

275

300

325

350

375

400

425

450

475

500

mm

0 110 KmN

56

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Figure 14 : Hauteur pluviométrique journalière extrême de quelques mois caractéristiques - moyenne de la période 1950- 1997

-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -24

5

6

7

8

9

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11

Abidjan

Abengourou

Adiaké

Adzopé

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Guiglo

Katiola

Korhogo

Man

Odienné

Sassandra

Seguela

Soubré

Tabou

Taï

Tengrela

Touba

Tiassalé

Toulepleu

janvier

-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -24

5

6

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11

Abidjan

Abengourou

Adiaké

Adzopé

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Guiglo

Katiola

Korhogo

Man

Odienné

Sassandra

Seguela

Soubré

Tabou

Taï

Tengrela

Touba

Tiassalé

Toulepleu

juin

-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -24

5

6

7

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9

10

11

Abidjan

Abengourou

Adiaké

Adzopé

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Guiglo

Katiola

Korhogo

Man

Odienné

Sassandra

Seguela

Soubré

Tabou

Taï

Tengrela

Touba

Tiassalé

Toulepleu

août-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -2

4

5

6

7

8

9

10

11

Abidjan

Abengourou

Adiaké

Adzopé

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Guiglo

Katiola

Korhogo

Man

Odienné

Sassandra

Seguela

Soubré

Tabou

Taï

Tengrela

Touba

Tiassalé

Toulepleu

octobre

0102030405060708090100

110

120

mm

N

0 110 Km

1.1.1.b.1 Distribution spatiale des pluies moyennes mensuelles dansd’Ivoire

Les moyennes pluviométriques mensuelles permettent de distinguer trois cette partie du pays :

- Les mois à faible pluviométrie (hauteur moyenne mensuelle inférieure à 1

Il s’agit des mois de décembre, janvier, février. Ces mois marquent la gdans le Sud de la Côte d’Ivoire. Le nombre de jours de pluie reste faible, (figure 15 ci-après). Au cours de ces mois, les événements pluvioméenregistrés sont également insignifiants. La hauteur journalière maximalmois n’atteint pas les 20 mm (figure 14 ci-dessus).

Le mois d’août est également un mois à faible pluviométrie dans le Sud dCette période de l’année correspond en fait à la petite saison sèche. En deh

le Sud de la Côte

types de mois dans

00 mm).

rande saison sèche ne dépassant pas 4 triques journaliers e pour chacun des

e la Côte d’Ivoire. ors du secteur Sud-

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Ouest et du milieu montagnard, avec un prolongement vers le Centre-Ouest, la hauteur moyenne mensuelle est inférieure à 100 mm (figure 14). Les secteurs les plus touchés par ces faibles précipitations sont ceux situés à l’Est et sur la partie du littoral allant de Adiaké à Sassandra. Globalement, cette distribution spatiale est également observée au niveau du nombre mensuel de jours de pluie. De faibles valeurs (moins de 8 jours) enregistrées sur la majeure partie de l’Est de la zone forestière, on passe progressivement à de fortes valeurs en direction de l’Ouest, le maximum étant atteint dans l’Ouest montagneux à Man et sur le littoral Sud-Ouest à Tabou. Dans ces stations, le nombre de jours de pluie excède 20 jours (figure 15 ci-après). Mais, en fait, toutes ces pluies sont des pluies légères. En effet, en dehors des stations de Man et de Danané dans l’Ouest montagneux, aucune station n’enregistre un événement pluvieux-orageux supérieur à 50 mm. Sur la majeure partie du Sud forestier, la pluie journalière maximale de ce mois reste comprise entre 30 et 50 mm.

- Les mois à pluviométrie intermédiaire (hauteur moyenne mensuelle entre100 à 200 mm).

Les mois de mars et avril sont des mois intermédiaires qui annoncent généralement l’arrivée de la grande saison pluvieuse. L’augmentation du niveau des précipitations est sensible sur l’ensemble de la zone forestière. Seul le littoral Ouest de Sassandra à Tabou enregistre encore au mois de mars des précipitations inférieures à 100 mm. Au cours de ces mois, le nombre de jours de pluie connaît également une hausse, comparativement au mois précédent. Au cours du mois de mars, cette hausse est limitée au secteur montagnard avec les stations de Man, Danané, à quelques stations du Sud-Ouest dont celle de Gagnoa, et au coin Sud-Est du littoral avec les stations d’Abidjan et Adiaké. Le nombre de jours de pluie atteint dans ces secteurs plus de 8 (figure 15 ci-après). C’est surtout à partir du mois d’avril que l’augmentation du nombre de jours de pluie devient véritablement sensible sur la quasi-totalité du Sud forestier ivoirien. Au cours de ce mois, la courbe d’iso valeur du nombre de jours de pluie inférieure à 8 et l’isohyète 100 mm sont rejetés au Nord de la zone forestière. Les événements pluviométriques journaliers commencent également à devenir importants. Les hauteurs pluviométriques journalières au cours de ces mois peuvent dépasser les 40 mm. Au mois de mars cette situation reste principalement localisée à l’Ouest.

Les mois de septembre et d’octobre comptent également parmi les mois de pluviométrie modérée. Cette période de l’année correspond à l’installation de la deuxième saison des pluies (ou petite saison des pluies) dans le Sud forestier ivoirien. La majeure partie de cette zone reçoit des précipitations comprises entre 100 et 200 mm par mois. Le nombre mensuel de jours de pluie confirme l’installation de cette saison des pluies. La quasi-totalité des stations enregistre au moins 8 jours de pluie, alors qu’au mois d’août, très peu d’événements pluvieux étaient notés à l’Est du pays (figure 15 ci-après). L’importance de ces événements pluvieux journaliers varie d’Est en Ouest. Dans le quart Sud-Est du pays, les hauteurs journalières dépassent à peine les 40 mm alors qu’elles atteignent 60 mm à l’Ouest. Pour la partie de la côte allant d’Abidjan à Sassandra, la petite saison sèche du mois d’août se prolonge durant le mois de septembre, les hauteurs précipitées restant encore inférieures à 100 mm.

- Les mois de forte pluviométrie (hauteur moyenne mensuelle entre 200 et 600 mm).

Les mois de mai, juin et juillet, sont les plus pluvieux de l’année en région forestière ivoirienne. Les hauteurs de pluie les plus importantes sont enregistrées sur la côte. Cette situation est plus remarquable au mois de juin où les pluies enregistrées dans cette région excèdent les 500 mm. Sur le reste de la zone forestière, ces hauteurs de pluies diminuent progressivement suivant un axe Nord Sud. Le caractère très pluvieux de ces trois mois ainsi que l’étendue de la période, comparativement à la saison pluvieuse de septembre-octobre, permet de qualifier cette première saison pluvieuse de " grande saison pluvieuse ". Mais la durée de cette saison pluvieuse n’est pas la même partout. Si elle dure 3 mois sur une grande

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partie du Sud forestier, un groupe de stations localisées au Sud-Ouest (Gagnoa), au Centre (Dimbokro, Bouaflé) et à l’Est n’ont que deux mois de fortes précipitations, celles-ci étant faibles au mois de juillet (moins de 100 mm). Le nombre d’événements pluvieux est un fait marquant de cette saison de pluie. Au moins 10 jours de pluie sont enregistrés sur la presque totalité du Sud forestier ivoirien. Le record est détenu par le mois de juin, mois le plus pluvieux de l’année, où l’on observe un nombre d’événement pluvieux allant de 14 dans l’arrière pays forestier à plus de 20 sur la côte. L’ampleur des événements pluvieux constitue également une caractéristique de cette saison. En effet, si au cours de la saison pluvieuse de septembre octobre, très peu de stations enregistraient des pluies de 24 h supérieures à 50 mm, au cours de celle de mai à juillet, ce seuil est largement atteint quelle que soit la station. C’est sur le littoral, pendant les mois de juin et de juillet que les événements pluviométriques journaliers sont les plus importants. Ils excèdent facilement les 80 mm, approchant les 120 mm par endroit.

1.1.1.b.2 Distribution spatiale des pluies moyennes mensuelles dans le Nord de la Côte d’Ivoire

Les moyennes pluviométriques mensuelles permettent de distinguer trois types de mois dans cette partie du pays :

- les mois de très faible pluviométrie (hauteur moyenne inférieure à 50 mm).

Les mois de novembre, décembre, janvier, février et mars sont les mois les moins arrosés dans le Nord de la Côte d’Ivoire. Les hauteurs pluviométriques enregistrées sont, dans la plus part des cas, inférieures à 50 mm. Les valeurs les plus basses sont observées en décembre et janvier. Au cours de ces mois, aucune station n’enregistre plus de 25 mm de précipitation. Les mois de février et de mars sont caractérisés par une légère augmentation de ces quantités d’eau suivant un gradient décroissant Sud-Nord. Proportionnellement aux hauteurs d’eau précipitées, le nombre de jours de pluies reste faible au cours de ces mois. Pratiquement aucun événement pluviométrique n’est signalé sur l’ensemble de la région Nord au cours des mois de décembre et janvier. Cette situation reste valable en février sur la moitié Nord de la région des savanes. Même si au cours du mois de mars, le nombre de jours de pluie peut atteindre 6, notamment dans la partie Sud de la région des savanes, il s’agit principalement de pluies très légères, pluies dont les hauteurs ne dépassent guère 30 mm.

- Les mois à pluviométrie faible (hauteur moyenne entre 50 mm et 100 mm).

Le mois d’avril est marqué par une légère augmentation des précipitations. La propagation de cette hausse se fait du Sud au Nord. En effet, si au mois de mars, l’isohyète 100 mm est localisé en dessous du 8ème degré de latitude, au mois d’avril, il est balancé à plus de 100 km au Nord. Au Nord de cette limite, au-dessus du 9ème degré de latitude, les hauteurs de précipitations restent inférieures à 100 mm. Le nombre de jours de pluie témoigne aussi du faible niveau de pluviosité observé au cours du mois d’avril. Très peu de jours sont, en effet, pluvieux. Leur nombre total ne dépasse pas 8 dans le mois, surtout dans l’extrême Nord où ils sont limités à 6. Ces rares événements pluvieux qui se produisent au cours du mois d’avril sont de faible importance, les quantités journalières observées étant inférieures à 40 mm.

- Les mois de pluviométrie intermédiaire (hauteur moyenne entre 100 mm et 150 mm).

La migration de l’isohyète 100 mm vers le Nord, observé au mois d’avril, est encore accentuée au cours des mois de mai et de juin, ce qui a pour effet d’augmenter le niveau des précipitations sur l’ensemble de la région de savane. Le nombre de jours de pluie est également en nette progression au cours de cette période de l’année. Insignifiants au cours des mois antérieurs, les événements pluvieux dépassent maintenant 6 dans le mois, surtout dans le secteur semi-montagneux de Nord-Ouest. L’ampleur de cet événement pluvieux reste tout de

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même peu important, aucune journée n’enregistrant une pluie supérieure à 50 mm. Cette situation est beaucoup plus remarquable au Nord-Ouest où la pluie la plus importante enregistrée au cours du mois de mai ne dépasse pas 10 mm. Le mois d’octobre est également un mois intermédiaire. Il marque la fin de la seule saison humide qui a lieu de juillet à septembre. Il est marqué par le retour vers le Sud de l’isohyète 100 mm. En dehors de l’extrême Nord, l’ensemble de la région de savane bénéficie encore de précipitation supérieure à 100 mm.

Figure 15 : Nombre mensuel de jours de pluie au cours de quelques mois caractéristiques – moyenne de la période 1950-1997

-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -24

5

6

7

8

9

10

11

Abidjan

Abengourou

Adiaké

Adzopé

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Guiglo

Katiola

Korhogo

Man

Odienné

Sassandra

Seguela

Soubré

Tabou

Taï

Tengrela

Touba

Tiassalé

Toulepleu

janvier-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -2

4

5

6

7

8

9

10

11

Abidjan

Abengourou

Adiaké

Adzopé

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Guiglo

Katiola

Korhogo

Man

Odienné

Sassandra

Seguela

Soubré

Tabou

Taï

Tengrela

Touba

Tiassalé

Toulepleu

juin

-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -24

5

6

7

8

9

10

11

Abidjan

Abengourou

Adiaké

Adzopé

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Guiglo

Katiola

Korhogo

Man

Odienné

Sassandra

Seguela

Soubré

Tabou

Taï

Tengrela

Touba

Tiassalé

Toulepleu

octobre-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -2

4

5

6

7

8

9

10

11

Abidjan

Abengourou

Adiaké

Adzopé

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Guiglo

Katiola

Korhogo

Man

Odienné

Sassandra

Seguela

Soubré

Tabou

Taï

Tengrela

Touba

Tiassalé

Toulepleu

août

02468101214161820

Nom

bre

de jo

urs

N

0 110 Km

- Les mois de moyenne et forte pluviométrie (hauteur moyenne entre 150 mm et 400 mm).

Dans la moitié Nord de la Côte d’Ivoire, les mois les plus pluvieux sont ceux de juillet, août et septembre. Ces mois sont au cœur de la saison pluvieuse. Contrairement aux autres mois, la

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répartition spatiale des hauteurs de pluie se fait suivant un gradient décroissant Nord-Ouest/ Sud-Est. Les stations de Odienné, Tengrela, Boundiali et Korhogo sont celles qui reçoivent le plus de précipitations. Les valeurs observées au mois d’août, mois le plus pluvieux avoisinent les 400 mm. Ces mois sont aussi caractérisés par un nombre de jours de pluie important, surtout dans le Nord-Ouest où les valeurs mensuelles dépassent facilement les 14 jours de pluie. Sur le reste de la zone de savane le nombre de jours de pluie va en décroissant du Nord-Ouest au Centre-Est où on ne compte plus que 10 jours de pluie au maximum. Ces événements pluvieux sont de moyenne importance, les hauteurs d’eau enregistrées au cours d’une journée étant supérieures par endroit 50 mm. Cette situation est surtout observée dans le quart Nord-Ouest en août et septembre.

1.1.2 Les autres paramètres du climat

Les paramètres du climat autre que la pluviométrie, analysés ici, concernent l’humidité relative, la température, la durée d’insolation, l’évapotranspiration potentielle et les champs convectifs (par télédétection). Contrairement au réseau de collecte des données pluviométriques, densément constitué (plus de 200 postes pluviométriques), celui des autres paramètres climatiques est très lâche n’étant composé que de 14 stations principales sur l’ensemble du territoire. Ce faible nombre de stations synoptiques, combiné au caractère onéreux des informations qui y sont relevées, limite l’accès à ces types de données.

1.1.2.a Les températures et la durée d’insolation Le gradient thermique est orienté grossièrement du Sud vers le Nord (figure 16a ci-après). Un échauffement de l’air est en effet observé au fur et à mesure que l’on progresse vers le Nord. Les températures annuelles les plus basses sont toutefois observées dans la zone montagneuse, à l’Ouest de la Côte d’ivoire, autour de la station de Man. Les températures les plus fortes sont enregistrées dans l’extrême Nord à Korhogo, mais également dans le secteur Sud-Est de la cuvette de Dimbokro. Les mois les plus chauds de l’année sont ceux de février, mars et avril où, à l’exception du quart Sud–Ouest du pays, toutes les localités connaissent des températures mensuelles supérieures à 27 °c (tableau 4 ci-après). Le pays enregistre ses températures les plus basses en juillet et en août. Sur l’ensemble du pays, celles-ci descendent souvent à 23°C.

La carte des cumuls annuels moyens du nombre d’heure d’insolation (figure 16b ci-après) est proche de celle des températures. Elle montre une répartition suivant le gradient climatique Sud-Nord déjà mis en évidence. La durée annuelle d’insolation varie de 1 700 heures sur le littoral Ouest à San Pedro à plus de 2 700 heures au Nord-Ouest à Odienné. On note une hétérogénéité dans la distribution des valeurs sur le littoral. La partie centrale, comprise entre Abidjan et Sassandra, enregistre des valeurs plus élevées (2 100 heures) que le reste du littoral. Cette distribution spatiale rappelle celle de la pluviométrie évoquée ci-dessus.

La durée d’insolation est plus importante au cours des quatre premiers mois de l’année. On enregistre en effet plus de 240 heures d’insolation pour chacun des mois. Comme pour les températures, c’est en juillet et août que l’on observe les durées d’insolation les plus basses dans l’année (tableau 4 ci-dessous). A l’exception du coin Nord-Ouest, elles sont inférieures à 140 heures par mois. Celles-ci descendent jusqu’à 80 heures dans la majeure partie des stations du Sud au mois d’août. Ces deux mois correspondent à la petite saison sèche dans le Sud marquée par des basses températures de surface de la mer et un ciel couvert.

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Figure 16 : Nombre d’heure d’insolation et température annuelle

a- Nombre d’heures totales d’insolation annuelle b- Température moyenne annuelle

moyenne de la période 1960-1997 moyenne de la période 1960-1997

-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -24

5

6

7

8

9

10

11

Abidjan Adiaké

Bondoukou

Bouaké

DaloaDimbokro

Gagnoa

Korhogo

Man

Odienné

San pedroSassandra

Tabou

Yamoussokro

-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -24

5

6

7

8

9

10

11

Abidjan Adiaké

Bondoukou

Bouaké

DaloaDimbokro

Gagnoa

Korhogo

Man

Odienné

San pedroSassandra

Tabou

Yamoussokr17

00

1800

1900

2000

2100

2200

2300

2400

2500

2600

2700

2424.5

2525.5

2626.5

27

nom

bre

d'he

ures

dégr

é C

0 110 KmN

Tableau 4 : Température (°C) et insolation (heures) moyenne de1977 à 1999 Stations Paramètres J F M A M J Jt At S O N D année

Température 26,7 27,5 27,8 27,9 27,5 26,1 24,9 24,0 24,5 26,0 27,3 27,0 26,4

Abidjan Insolation 212 206 218 216 202 130 133 110 134 197 221 207 2191

Température 25,7 27,2 27,3 26,9 26,4 25,5 24,5 24,4 24,9 25,4 25,6 24,9 25,7

Daloa Insolation 212 204 201 210 209 162 116 111 140 183 181 177 2111

Température 26,6 28,9 29,3 28,7 27,5 25,9 24,9 24,7 24,9 26,0 26,8 26,2 26,7

Korhogo Insolation 273 243 230 225 244 209 160 162 183 240 256 258 2690

1.1.2.b L’humidité relative Lié à l’effet de continentalisation observé dans la distribution spatiale de la pluviométrie, l’humidité relative diminue du Sud vers le Nord (figure 17 ci-dessous). Les valeurs moyennes annuelles varient de 90 % au Sud à 55 % au Nord. Le faible nombre de stations de mesures (15) utilisé dans l’analyse cartographie ne permet pas de comparer avec précision le gradient hygrométrique à celui de la pluviométrie. Au niveau mensuel, le maximum est atteint au cours des mois de juin, juillet et août avec des valeurs dépassant 75 %. Ces valeurs diminuent considérablement au cours des mois de décembre, janvier et février, où, en dehors de

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l’extrême Sud, elles sont inférieures à 70 %. Celles-ci descendent jusqu’à 35 % dans les confins Nord.

Figure 17 : Humidité relative moyenne par an sur la période 1950-1997

-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -24

5

6

7

8

9

10

11

Abidjan Adiaké

Bondoukou

Bouaké

DaloaDimbokro

Gagnoa

Korhogo

Man

Odienné

San pedroSassandra

Tabou

Yamoussokro

50

55

60

65

70

75

80

85

90

%

0 110 KmN

1.1.2.c L’évapotranspiration potentielle L'ETP est définie comme la demande climatique de vapeur d'eau. Son estimation est faite à partir des formules basées sur un ou plusieurs éléments climatiques. Parmi ces formules, les plus utilisées sont celles de Turc, de Thonrthwaite et de Penman. La méthode de Penman, reconnue comme la plus complète d’entre elles dans la mesure où elle intègre toutes les caractéristiques climatiques (Brou, 1997 ; Kimbata, 1991), est celle retenue dans ce travail. Les valeurs interannuelles sont estimées sur l’ensemble du territoire entre 1 200 et 1 800 mm (tableau 5 ci-après). Les valeurs les plus faibles sont enregistrées dans le Sud forestier, notamment sur le littoral et son arrière pays immédiat. Dans cette région, l’ETP annuelle représente 60 à 85 % des quantités d’eau précipitées annuellement, les bilans climatiques annuels y sont donc généralement excédentaires. Liées à l’augmentation des températures et du rayonnement global avec la latitude, de fortes valeurs annuelles sont enregistrées dans la moitié Nord du pays où elles excèdent généralement le total pluviométrique annuel. La variation mensuelle de l’ETP présente, comme les températures, deux maxima plus ou moins nets et deux minima, dont un bien marqué. Les maxima se produisent, pour le principal, presque uniformément en mars (quelques fois en avril) et pour le secondaire en novembre selon qu’on est au Sud ou décembre selon qu’on est au Nord. Les minima s’installent, quant à eux, en août pour le plus marqué et en décembre pour le moins marqué. Le maximum principal varie entre 122 mm à Tabou sur le littoral Ouest et 176 mm à Korhogo dans la région de savane du Nord, Le maximum secondaire entre 109 mm à Gagnoa dans le Sud-Ouest forestier et 142 à Korhogo. Le creux principal est compris entre 89 mm à Adiaké sur le

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littoral Est et 124 mm à Korhogo. Cette période de l’année correspond à la petite saison sèche du mois d’août dans le Sud du pays marqué de faibles températures (inférieure à 25 °) et au pic de précipitations dans les régions de savanes

Tableau 5 : Evapotranspiration potentielle moyenne de 1977 à 2000 Régions Stations J F M A M J Jt At S O N D Tot.

Abidjan 118 128 135 138 124 101 96 90 101 120 126 116 1393

Littoral Adiaké 109 123 129 128 115 92 86 84 89 108 116 105 1284

Tabou 109 117 123 122 104 92 92 87 92 111 113 105 1267

Abengourou 116 132 144 137 129 112 101 99 105 112 113 109 1409

Intérieur Daloa 120 129 134 131 124 108 98 97 104 111 110 101 1367

Gagnoa 106 116 102 122 109 95 87 88 97 109 102 94 1227

Ouest Man 110 123 128 127 119 105 95 96 104 111 108 101 1327

Savane Korhogo 152 166 176 173 156 145 127 124 128 138 139 142 1766

1.1.2.d Les champs convectifs moyens Le graphique (figure 18 ci-après) de la variation saisonnière moyenne de la convection, réalisé à partir des données METEOSAT sur la période 1992-1999, fait apparaître deux types de régime en Côte d’Ivoire : un régime bimodal dans la moitié Sud du pays et un régime quasi-unimodal au Nord. L’analyse est basée sur l’indicateur " 7 % d’occurrence de nuage à sommet froid ". L’occurrence de nuages à sommets froids, c’est la somme des occurrences horaires sur chaque pixel dont la température est inférieure à - 40 degrés C, et normalisée en fonction du nombre d’acquisitions traitées. Dans le Sud, on distingue deux saisons où l’intensité de la convection est forte. 80 à 90 % des orages en Afrique de l’Ouest proviennent de ces nuages à sommet froid, notamment dans la zone soudano-sahélienne (Guillot et al. 1994). La première saison débute en mars et prend fin en juin, tandis que la deuxième s’installe en novembre. Les mois de décembre à février, ainsi que les mois de juillet à septembre sont des mois de faible convection. Sur la côte (Abidjan, Adiaké, Tabou, Sassandra), les valeurs sont quasi nulles en août et septembre. Dans le Nord, le régime est unimodal. La convection est intense sur la période de l’année allant du mois d’avril au mois d’octobre.

Figure 18 : Variation saisonnière moyenne de la convection, 1992-1999

Bouaké

05

1015

J F M A M J Jt At S O N D

Daloa

0

5

10

15

J F M A M J Jt At S O N D

Tabou

0

5

10

15

J F M A M J J t A t S O N D

Korhogo

05

1015

J F M A M J Jt At S O N D

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.1.2 Les dynamique spatio-temporelle récentes des paramètres climatiques

L’objectif de cette étude est de faire le point sur l’évolution spatio-temporelle des paramètres climatiques en Côte d’Ivoire. Deux types d’approche sont privilégiés dans cette analyse. Les approches cartographiques d’une part, donnant un panorama "régional" ou "zonal", c'est-à-dire impliquant plusieurs postes pluviométriques, font l'objet d'une analyse spatialisée. Les méthodes statistiques d'analyse climatique d’autre part, utilisées dans ce travail concernent l'exploitation d'une seule série de données. Ce type d'analyse est qualifié d'analyse ponctuelle. Ces éventuelles fluctuations climatiques détectées seront ensuite confrontées à la dynamique de la couverture végétale.

1.2.1 Cartographie des valeurs moyennes annuelles

1.2.1.a Pluviométries annuelles décennales Au cours des 5 dernières décennies, la pluviométrie annuelle a baissé de façon notable. Les cartes de la figure 18 (ci-après) décrivent l'évolution des classes délimitées par les courbes isohyètes 800 mm, 1 000 mm, 1 400 mm et 2 400 mm. On s’intéressera à l’isohyète 1400 et 1000 mm qui marquent respectivement la limite Nord des climats équatoriaux et la limite Nord des climats tropicaux humides.

La décennie 1950-1959 est assez pluvieuse. La Côte d’Ivoire est limitée par les courbes isohyètes 2 400 mm sur la position la plus méridionale (à la latitude de Tabou) et 1 400 mm dans le Centre et le Nord-Est. Seules quelques stations du Centre (Dimbokro, Bouaké, Katiola), avec un prolongement vers l’Est, enregistrent des précipitations inférieures à 1 200 mm. Les autres régions intérieures et le compartiment montagneux Ouest reçoivent des précipitations comprises entre 1400 et 2000 mm. Sur le littoral et son arrière-pays immédiat, à l'exception de Sassandra, les hauteurs annuelles dépassent largement 2 000 mm.

La décennie 1960-1969 reste humide; une légère diminution des quantités de pluies annuelles est observée. Cependant, certaines stations enregistrent une augmentation : Guiglo et Toulepleu à l'Ouest, Adiaké au Sud-Est et Abengourou à l'Est. Elle est aussi marquée par un élargissement de la zone de pluviométrie inférieure à 1 200 mm. Celle-ci occupe au cours de cette décennie une bande allant du Nord-Est au Centre. La zone de pluviométrie inférieure à 1 400 mm s’est, elle aussi, légèrement évasée, se prolongeant vers l’Ouest et vers le Nord.

Au cours de la décennie 1970-1979 la baisse de la pluviométrie prend une importance particulière en Côte d’Ivoire. Cette diminution concerne la quasi-totalité des stations. La zone de pluviométrie inférieure à 1 400 mm s'évase fortement et occupe plus des 3/4 du pays. Cette translation vers le Sud-Ouest de l'isohyète 1 400 mm s'accompagne de l’apparition dans le Nord-Est d’une zone de pluviométrie inférieure à 1 000 mm (valeur seuil qui indique le passage du climat tropical humide au tropical sec), mais aussi de la disparition presque totale de l'isohyète 1 800 mm. Désormais, seul le littoral Sud-Ouest (Tabou) et Sud-Est (Abidjan, Adiaké) reçoivent des précipitations supérieures à 1 800 mm. Plus au Nord à la latitude de Vavoua, Bouaflé, Cechi, Abengourou et Agnibilekrou, les hauteurs annuelles atteignent rarement 1 200 mm.

Cette diminution de la pluviométrie s’accentue au cours de la décennie 1980-1989. La zone de pluviométrie inférieure à 1 400 mm s'élargit encore plus et atteint le littoral Centre au niveau de Sassandra. La zone de pluviométrie inférieure à 1 000 mm connaît au cours de cette période une avancée vers le Centre à la latitude des stations de Bouaké et de Katiola. L'exception vient de l'extrême Sud-Ouest (Tabou et Taï et de l’Ouest montagneux (Danané).

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Ces secteurs connaissent une augmentation de leur pluviométrie. A Tabou, par exemple, on a enregistré au cours de cette décennie 2 400 mm contre 2 200 mm au cours de la décennie précédente.

La décennie 1990-1999 n’est que la continuité de la période sèche des années 70 et 80, comme le montrent les cartes de la figure 18 (ci-dessous). Le schéma pluviométrique reste en effet quasi identique. La modification majeure vient du rétrécissement de la zone de pluviométrie inférieure à 1 000 mm. Cette zone se limite désormais aux confins Nord (Tengrela) et Nord-Est (Bouna) et quelques stations du Centre (Bouaké et Dabakala).

Figure 19 : Hauteurs pluviométriques moyenne interannuelle au cours des décennies 1950-1959, 1960-1969, 1970-1979, 1980-1989, 1990-1999

-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -24

5

6

7

8

9

10

11

Abidjan

Abengourou

Adiaké

Adzopé

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Guiglo

Katiola

Korhogo

Man

Odienné

Sassandra

Seguela

Soubré

Tabou

Taï

Tengrela

Touba

Tiassalé

Toulepleu

-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -24

5

6

7

8

9

10

11

Abidjan

Abengourou

Adiaké

Adzopé

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Guiglo

Katiola

Korhogo

Man

Odienné

Sassandra

Seguela

Soubré

Tabou

Taï

Tengrela

Touba

Tiassalé

Toulepleu

-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -24

5

6

7

8

9

10

11

Abidjan

Abengourou

Adiaké

Adzopé

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Guiglo

Katiola

Korhogo

Man

Odienné

Sassandra

Seguela

Soubré

Tabou

Taï

Tengrela

Touba

Tiassalé

Toulepleu

-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -24

5

6

7

8

9

10

11

Abidjan

Abengourou

Adiaké

Adzopé

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Guiglo

Katiola

Korhogo

Man

Odienné

Sassandra

Seguela

Soubré

Tabou

Taï

Tengrela

Touba

Tiassalé

Toulepleu

-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -24

5

6

7

8

9

10

11

Abidjan

Abengourou

Adiaké

Adzopé

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Guiglo

Katiola

Korhogo

Man

Odienné

Sassandra

Seguela

Soubré

Tabou

Taï

Tengrela

Touba

Tiassalé

Toulepleu

800

1000

1200

1400

1600

1800

2000

2200

2400

1950-1959 1960-1969

1970-1979 1980-1989 1990-1999

mm

0 110 Km

N

1.2.1.b Pluviométrie moyenne annuelle avant et après la décennie 70

Les cartes de la figure 18 (ci-dessus) qui viennent d’être décrites mettent bien en évidence le fait que la décennie 70 est une décennie charnière entre la période humide des années 50 à 60 et la période déficitaire des années 80 à 90. L’analyse statistique des séries chronologiques permettra, dans les paragraphes suivants, de détecter, pour chaque station, la date de rupture. Mais avant de procéder à cette analyse, il nous paraît nécessaire d’examiner d’un point de vue spatiale, le contraste entre ces deux périodes.

La figure 19 (ci-dessous) révèle, à la suite de la figure 18 (ci-avant), une différence notable dans les hauteurs d’eau précipitées annuellement de part et d’autre de la décennie 70. La période antérieure à la décennie 70 (1950-1969) est marquée par des niveaux de

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précipitations annuelles nettement supérieures à 1 000 mm sur l’ensemble du territoire. A l’exclusion du quart Nord-Est, ces hauteurs d’eau dépassent les 1 200 mm, allant fortement au-delà de 1 400 mm dans tout le Sud forestier et les secteurs montagneux de l’Ouest.

Figure 20 : Hauteurs pluviométriques moyenne annuelle avant et après la décennie 70

00000

200

400

600

800

000

200

400

-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -24

5

6

7

8

9

10

11

Abidjan

Abengourou

Adiaké

Adzopé

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Guiglo

Katiola

Korhogo

Man

Odienné

Sassandra

Seguela

Soubré

Tabou

Taï

Tengrela

Touba

Tiassalé

Toulepleu

Avant la décennie 70 Après la décennie 70-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -2

4

5

6

7

8

9

10

11

Abidjan

Abengourou

Adiaké

Adzopé

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Guiglo

Katiola

Korhogo

Man

Odienné

Sassandra

Seguela

Soubré

Tabou

Taï

Tengrela

Touba

Tiassalé

Toulepleu

0 110 KmN

811111222

mm

Cette situation contraste énormément avec ce qui est observé après la décennie 70 où la plupart des stations enregistre des niveaux de précipitation plus faible que par le passé. En effet, initialement confinée au quart Nord-Est, la zone de précipitation inférieure à 1 200 mm atteint désormais le Centre-Sud (à la latitude de Tiassalé) et le Centre-Ouest (incluant les stations de Bouaflé, de Daloa et de Séguela). C’est dans le coin Nord-Est autour de Dabakala et de Bouna que la situation est la plus préoccupante. Dorénavant, dans ces stations, les pluies annuelles restent inférieures à 1 000 mm. L’ambiance climatique y est donc de plus en plus proche de celle des climats tropicaux secs. Cette diminution brutale de la pluviométrie touche aussi les stations du Sud, notamment une partie du Sud-Ouest à la limite de soubré et Gagnoa ainsi que le littoral centre à Sassandra. Dans ces stations, qui comptaient parmi les plus pluvieuses, les hauteurs d’eau ne dépassent plus les 1 400 mm. Quelques stations échappent à cette situation de baisse généralisée des quantités d’eau précipitée annuellement. Il s’agit de la station de Tabou, la plus arrosée du territoire, où les hauteurs annuelles restent supérieures à 2 400 mm.

1.2.1.c Les températures moyennes annuelles Au cours des 4 dernières décennies, les températures moyennes annuelles ont connu une augmentation brutale (figure 20 ci-dessous). L’aire d’occupation de l’isotherme 26°C, par exemple, traduit bien cette évolution. Durant la décennie 1960-1969, en dehors du quart Sud-Est et du littoral, les températures moyennes annuelles sont inférieures à 26°C. Les plus

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basses températures sont enregistrées dans l’Ouest montagneux (entre 24° et 24,5°). La décennie 1970-1979 est marquée par une modification du régime des températures. Bien que le faible nombre de stations utilisées dans l’étude rende difficile l’analyse spatiale, on note au cours de cette décennie, une augmentation à certains endroits et une diminution ailleurs. Les plus fortes hausses ont lieu dans le Nord autour de Korhogo. Les baisses de température notées, ont lieu quant à elles sur le littoral Sud-Ouest. La hausse des températures se traduit par un élargissement de l’aire occupée par l’isotherme 26° C. Celui-ci couvre au cours de cette décennie plus des 2/3 du pays. La hausse des températures est accentuée au cours des décennies 1980-1989 et 1990-1999. Ces décennies se caractérisent surtout par l’avancée de l’isotherme vers l’Ouest. Au cours de la décennie 1990-1999, la zone température inférieure à 26° C est circonscrite à l’Ouest montagneux. Ce glissement des isothermes vers l’Ouest a entraîné la disparition de l’isotherme 24°C.

Figure 21 : Température moyenne inerannuelle au cours des décennies 1960-1969, 1970-1979, 1980-1989 et 1990-1999

-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -24

5

6

7

8

9

10

11

Abidjan Adiaké

Bondoukou

Bouaké

DaloaDimbokro

Gagnoa

Korhogo

Man

Odienné

San pedroSassandra

Tabou

Yamoussokro

1960-1969

-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -24

5

6

7

8

9

10

11

Abidjan Adiaké

Bondoukou

Bouaké

DaloaDimbokro

Gagnoa

Korhogo

Man

Odienné

San pedroSassandra

Tabou

Yamoussokro

1980-1989

-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -24

5

6

7

8

9

10

11

Abidjan Adiaké

Bondoukou

Bouaké

DaloaDimbokro

Gagnoa

Korhogo

Man

Odienné

San pedroSassandra

Tabou

Yamoussokro

1970-1979

-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -24

5

6

7

8

9

10

11

Abidjan Adiaké

Bondoukou

Bouaké

DaloaDimbokro

Gagnoa

Korhogo

Man

Odienné

San pedroSassandra

Tabou

Yamoussokro

1990-1997

N

24

24.5

25

25.5

26

26.5

27

Dégré °C

0 110 Km

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1.2.2 Détection de rupture dans les séries climatiques

Le but de cette analyse est de détecter pour chaque station la survenance éventuelle d’un accident climatique. Sur le plan statistique, la fluctuation climatique est marquée à une date donnée par une rupture ou un changement de moyenne au sein de la série chronologique. Cette étude est réalisée à l’aide du logiciel Khronostat d’analyse statistique de séries chronologiques, mis au point par l’équipe Hydrologie UMR GBE de l’Université Montpellier II et de l’Ecole des Mines de Paris (Boyer, 1998). L’ensemble des auteurs cités dans ce paragraphe fait référence aux études de Lubès et al (1994).

Le traitement statistique des séries chronologiques se résume bien souvent à l'étude de la stationnarité et à la synthèse des données sous forme de calcul des paramètres statistiques classiques (moyenne, écart type, etc.). Plusieurs méthodes, disponibles dans la littérature, permettent l’analyse de phénomènes hydro-météorologiques dans une série chronologique. Les tests utilisés dans ce travail sont ceux retenus dans le cadre du programme ICCARE (Identification et Conséquences d'une variabilité du Climat en Afrique de l'Ouest et centrale non sahElienne). Ils sont extraits de l'étude de Lubès et al. (1994). Leur choix se justifie par la robustesse de leur procédure et du fait qu'ils ont déjà été appliqués à des séries hydrométéorologiques observées en Afrique soudano-sahélienne.

On cherche à vérifier le caractère aléatoire des séries de variables et à détecter une éventuelle rupture dans les séries chronologiques de ces variables. L'analyse du caractère aléatoire des séries s'appuie sur l’examen de l'autocorrélogramme (Yevjevitch, 1972) et sur le test de corrélation sur le rang (Kendall et Stuart, 1943 ; WMO, 1966). Une "rupture" peut être définie par un changement dans la loi de probabilité d'une série chronologique à un instant donné (Lubès et al., 1994). L’absence de rupture dans une série pluviométrique ne signifie pas qu’il n’y pas de variation du niveau des précipitations dans le temps, mais que cette variation, si elle existe, reste peu significative. La détection de rupture dans les séries de données de pluie repose sur le test de Pettitt (Pettitt, 1979), la statistique U de Buishand, (Buishand, 1982, 1984), la procédure bayésienne de Lee et Heghinian (Lee et al., 1977) et la segmentation de Hubert (Hubert et al., 1989). Pour l'ensemble de ces méthodes, la non-stationnarité des séries chronologiques est recherchée au niveau de l'existence d'une singularité traduite par un changement de moyenne. Toutefois l'approche d'Hubert repose sur la partition de la série initiale en "m" segments (procédure de segmentation des séries hydrométéorologiques). Elle peut proposer de ce fait, des segmentations optimales à plusieurs ordres et pose le problème du choix du niveau de segmentation à retenir.

Le tableau 6 (ci-après) présente les résultats des tests en indiquant la date de rupture probable ou deux dates délimitant une plage durant laquelle il a pu y avoir rupture, dans le cas où les méthodes statistiques ne sont pas en accord. L'examen des résultats des tests de détection de rupture, dans le tableau 6, montre d'une manière générale un changement de moyenne dans la série pluviométrique pour la plupart des stations étudiées. Cela se traduit par une baisse de la pluviométrie depuis une trentaine d'années. Toutefois, si la plupart des auteurs (Le Borgne, 1990 ; Paturel et al., 1995) s'accordent à reconnaître que cet accident climatique s'est produit globalement autour de l'année 1970, on note que ce n'est pas toujours le cas pour les stations de la Côte d’Ivoire. La rupture s'est produite pour certaines stations soit avant, soit après.

1.2.2.a Périodes de rupture La diminution de la pluviométrie est observée au début des années 1960. Cette situation intéresse quelques stations de l’intérieur du pays, notamment Bouna dans l’extrême Nord-Est, Béoumi dans le Centre et Alépé dans le Sud-Est. La fin des années 60 et le début des années 70 correspondent à une baisse des précipitations sur la majeure partie de la région

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intérieure du pays. Le phénomène est observé en 1966-1969 à Adzopé et Lamé (Sud-Est), Bongounou (Est), Ouangolodougou (Nord) et en 1970-1972 à Divo, Daloa, Bouaflé, Lakota, Soubré, Vavoua (Sud-Ouest et Centre-Ouest). Deux stations du littoral sont également concernées : Adiaké (1970) et Grand-Lahou (1971). Il faut attendre la dernière moitié des années 70 pour observer une baisse de la pluviométrie sur le littoral ivoirien, à Abidjan (1976), Dabou (1976) et Azaguié (1976). Cette situation concerne aussi les stations de Oumé (1976) et de Odienné (1980), situées respectivement au Centre-Ouest et au Nord-Ouest du pays. Certaines stations ne connaissent pas de rupture dans les séries pluviométriques de 1950 à 1999. Il s'agit de la station de Tabou (région la plus arrosée de la Côte d'Ivoire) située sur le littoral, dans le Sud-Ouest. La plupart des stations de l’Est du pays (Abengourou, Agnibilekrou, Bondoukou, Aboisso, Bocanda) et de l’Ouest (Man, Guiglo, Duekoué) n’ont elles aussi pas connu de rupture au cours de la période d’observation .

Tableau 6 : Date de Rupture au sein des séries pluviométriques

Stations Date de rupture Stations Date de rupture Abengourou Pas de rupture Gd Lahou 1971 Abidjan 1976 Guiglo Pas de rupture Aboisso Pas de rupture Katiola 1980 Adiaké 1970 Korhogo 1972 Adzopé 1968 Lakota 1971 Agnibilékro Pas de rupture M’bahiakro 1975 Alépé 1963 Lamé 1968 Azaguié 1976 Man Pas de rupture Bondoukou Pas de rupture Mankono Pas de rupture Béoumi 1964 Niakaramadougou Pas de rupture Bocanda Pas de rupture Odienné 1982 Bongouanou 1966 Ouangolo 1969 Bouaflé 1972 Ouellé Pas de rupture Bouaké Pas de rupture Oumé 1976 Bouna 1963 Sassandra 1974 Boundiali 1975 Soubré 1970 Cechi 1976 Tabou Pas de rupture Dabaka 1968 Vavoua 1971 Dabou 1976 Tafiré 1970 Dimbokro Pas de rupture Tengrela 1971 Daloa 1972 Touba Pas de rupture Danané 1966 Toulepleu Pas de rupture Divo 1972 Duekoué Pas de rupture Gagnoa 1966

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1.2.2.b Ampleur de la baisse des précipitations

Il importe de savoir si la réduction des quantités d'eau précipitées a eu la même ampleur partout. La variation relative ( )( Χ Χ Χ2 1 1- / ) , entre les 2 sous-séries obtenues par partition des séries initiales (de part et d’autre du point de rupture) indique que le territoire ivoirien a ressenti la diminution des précipitations à des degrés divers (tableau 7 ci-dessous).

Tableau 7 : Ampleur des variations dans les séries pluviométriques

Stations Série 1 Série2 Var. (%) Stations Série 1 Série2 Var. (%)Abengourou - - - Gd Lahou 1877 1523 19 Abidjan 2164 1665 23 Guiglo - - - Aboisso - - - Katiola 1171 979 16 Adiaké 2112 1728 22 Korhogo 1401 1213 13 Adzopé 1513 1271 16 Lakota 1611 1173 27 Agnibilékro - - - M’bahiakro 1170 1026 12 Alépé 2035 1470 29 Lamé 2064 1465 29 Azaguié 1827 1438 21 Man - - - Bondoukou - - - Mankono - - - Béoumi 1314 1055 19 Niakara - - - Bocanda - - - Odienné 1595 1265 20 Bongouanou 1315 1094 17 Ouangolo 1319 1014 23 Bouaflé 1396 1105 20 Ouellé - - - Bouaké - - - Oumé 1383 1092 21 Bouna 1282 1070 24 Sassandra 1783 1279 28 Boundiali 1677 1288 23 Soubré 1638 1185 12 Cechi 1394 1071 23 Tabou - - - Dabaka 1202 974 21 Vavoua 1305 1108 15 Dabou 1974 1614 18 Tafiré 1638 1313 19 Dimbokro - - - Tengrela 1417 16016 28 Daloa 1466 1201 18 Touba - - - Danané 2299 2003 12 Toulepleu - - - Divo 1743 1224 30 Duekoué - - - Gagnoa 1607 1328 17

La situation se présente comme suit :

- à l'Ouest du pays, les variations sont inférieures à 17% : Danané (9%), Man (14%), (Daloa 16%), Toulepleu (16%) ;

- sur le littoral et les secteurs avoisinants, la diminution des précipitations est plus brutale. Les valeurs calculées tournent autour de 20% : Abidjan, Adiaké, Dabou, Grand-Lahou. Elles atteignent parfois 24% : Azaguié. Cependant la variation n'est que de 13% à Sassandra ;

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- au niveau de l’arrière pays forestier, la réduction est variable. Elle est faible à certains endroits : Aboisso (12%), Gagnoa (11%), Adzopé (13%), Divo (14%), Oumé (15%), Tiassalé (18%) ; moyenne en d'autres points : Vavoua (20%), Bouaflé (20%), Soubré (21%) ; et forte ailleurs, Alépé (26%), Cechi (27%), Lakota (28%) ;

- dans les régions de savanes du Centre et du Nord, la variation est supérieure à 20 %. Elle est de 20 % à Odienné (Nord-Ouest) et à Bouna (Nord-Ouest) et atteint les 28 % à Tengrela dans l’extrême Nord.

Il ressort de ce qui précède que la pluviométrie de la zone d'étude a subi une baisse effective dans le temps entre 1950 et 1999. L'examen des résultats obtenus sur les séries longues (qui remonte à avant 1950) permet d'affirmer que cet accident climatique est le seul ou, tout du moins, le plus sévère à avoir été observé depuis le début des enregistrements aux postes pluviométriques étudiés (Servat et al., 1996 ; Brou, 1997). Le phénomène n'a pas eu la même intensité partout. Les localités situées à l'Ouest l'ont ressenti faiblement. On note même une absence de rupture à l'Est (Agnibilekrou, Abengourou, Bondoukou), dans l’Ouest montagneux (Man, Toulepleu, Touba), sur le littoral Ouest (Tabou) et dans quelques localités en région de savanes. Partout ailleurs le décrochage de la pluviométrie a été brutal et estimé dans plusieurs cas à plus de 20%. L'analyse régionale montre d'une manière générale, et durant les décennies 1970-1979 et 1980-1989 l'important glissement vers le Sud-Ouest des différentes courbes d'isovaleurs et l'apparition des zones extrêmement déficitaires au cours de la dernière décennie (1990-1999). Cette diminution des hauteurs pluviométriques s’accompagne d’une hausse des températures amorcée depuis la décennie 1970-1979 et accentuée au cours des dernières décennies.

Ce phénomène s’inscrit à l'échelle de l'Afrique de l'Ouest puisque l'étude des séries longues (avant 1950) montre que, contrairement aux sécheresses anciennes qui n'avaient touché que des régions précises, celle des décennies récentes s'étendent à toute la région (Masson, 1997).

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2 Les évolutions phénologiques détectées à partir du NDVI dans le contexte de la variabilité climatique

La mesure de la variabilité des paramètres phénologiques est basée sur le suivi d’indicateurs de changement. Plusieurs méthodes (Robin, 2002 ; Lambin, 1997 ; Lambin et al.,1994, Ehrlich et al., 1996) existant dans la littérature permettent, en télédétection, de détecter un changement dans le fonctionnement de la végétation. La procédure adoptée dans ce travail consiste à établir un suivi de la productivité végétale, un suivi du contraste saisonnier et une quantification du changement

.2.1 Variabilité de la productivité végétale annuelle Les cartes qui suivent (figure 21 ci-dessous) présentent, pour quelques années la somme des NDVI (Normalised Diference Vegetation Index ou indice de végétation normalisé), issus du satellite NOAA-AVHRR. Calculé à partir de la combinaison des canaux dans la gamme du visible et du proche infrarouge, le NDVI exprime l’activité chlorophyllienne, la densité du feuillage et par effet indirect le stress hydrique d’une surface végétale. La résolution spatiale de ces données est de 8 km x 8 km, tout à fait adaptée à l’étude phénologique des grands ensembles biogéographiques de Côte d’Ivoire. Le seuillage des valeurs a permis de constituer des classes. Les fortes valeurs de NDVI (couleurs vertes) expriment une forte production de biomasse. Inversement la baisse progressive de production de biomasse est représentée par des faibles valeurs de NDVI (couleurs bleues, violet et jaune). On remarquera que sur la côte, de très faibles valeurs de NDVI sont enregistrées à cause de la forte nébulosité qui perturbe les valeurs radiométriques des pixels. Figure 22 : Variation du NDVI au cours de quelques années

Fort FaibleNDVI annuel

0 110 Km

N

73

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Les cartes indiquent une variabilité temporelle de la productivité végétale sur l’ensemble du pays. Si les années 1985, 1986 par exemple ont connu une forte productivité végétale, d’autres années ont été marquées par une faible productivité végétale. C’est surtout au cours des années 1983 et 1984, que l’on a enregistré les plus faibles productions de biomasse annuelles.

Dans le détail, deux composantes peuvent être dégagées (figure 22 ci-dessous) :

- la composante Nord-Sud permet d’individualiser deux ensembles : le premier, situé dans le Sud du pays en zone de forêt dense humide, est marqué par une forte production de biomasse annuelle. Le deuxième ensemble est localisé dans la moitié Nord du domaine soudanien ; il connaît de faibles productions de biomasse annuelle. La limite entre les deux zones est indiquée par une inflexion sur les graphiques de la figure 22 qui représentent le tracé d’un transect Nord/ Sud des images de 1984 et 1996. Cette figure montre les variations spatiales latitudinales que peut subir la limite Nord de la zone de forte productivité végétale. Contrairement à l’année 1986, l’année 1984, considérée comme déficitaire sur le plan pluviométrique (cf. chapitre ci-dessus), est marquée par un recul vers le Sud de la zone de forte productivité végétale.

- la composante Ouest-est exprime une différence entre l’Ouest et l’Est du pays. En effet à latitude égale, les milieux situés à l’Ouest enregistrent une biomasse annuelle supérieure aux secteurs situés à l’Est. Cette situation est plus remarquable en zone de forêt dense humide où le secteur Ouest reste encore forestier tandis que le secteur Est est dominé par des formations végétales de type jachères et cultures. Comme l’indiquent les cartes ci-dessus, au cours des années déficitaires (comme 1982 et 1983), les secteurs encore forestiers du Sud-Ouest du pays présentent une situation moins alarmante que les milieux de vieilles jachères du Sud-Est.

Figure 23 : Variation inter annuelle de la limite de la zone de forte activité végétale au cours de 2 années

550057005900610063006500670069007100

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15Sud ---------> Nord

ND

VI to

tal a

nnue

l (C

N)

1986

1983

La variabilité spatio-temporelle de la productivité végétale annuelle qui vient d’être décrite rappelle celle de pluviométrie annuelle déjà bien connue (cf. chapitre ci-dessus). La distribution spatiale de la pluviométrie annuelle se fait en effet suivant un gradient principal Nord-Sud et un gradient secondaire Est-Ouest. Aussi note-t-on que les années de faibles productions de biomasse correspondent aux années déficitaires sur le plan pluviométrique.

74

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.2.2 Suivi du contraste saisonnier Les valeurs annuelles ne suffisent pas pour caractériser un couvert végétal. Il faut également s’intéresser au cycle saisonnier. L’idée est que la variation temporelle du signal au cours de l’année peut donner une information complémentaire pour la caractérisation des milieux. On calcule ainsi sur les images décadaires de NDVI le coefficient de variation pour chacune des années de la série. Le coefficient de variation annuelle exprime l’importance du contraste saisonnier. Pour un couvert végétal régulièrement alimenté en eau au cours de l’année, le coefficient de variation est faible, le NDVI étant faiblement différent tout au long de l’année. Il en sera de même pour un milieu continuellement sec. En revanche dans les milieux où le contraste saisonnier est marqué, le coefficient de variation sera élevé en raison de la forte variation entre le NDVI des types de mois. Le coefficient de variation constitue un indice pour la détection des milieux à contraste saisonnier marqué dans le contexte de la variabilité pluviométrique actuelle. Au cours d’une année particulièrement sèche par exemple, on peut s’attendre à avoir de forts coefficients de variation dans des milieux situés en zone de forêt dense humide. Or ceux-ci, du fait de leur position en zone humide, présentent habituellement de faibles variations dans leur dynamique annuelle. Le suivi du coefficient de variation annuelle permet donc d’établir la vulnérabilité de certains milieux à la variabilité climatique actuelle.

Le graphique suivant (figure 23) montre que contrairement aux valeurs de cumul annuel de NDVI, le passage des formations non saisonnières des régions du Sud aux savanes saisonnières du Nord se fait de façon brutale.

Figure 24 : distribution spatiale latitudinale du cumul annuel et du coefficient de variation

0123456789

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

sud ------> nord

Coe

ffici

ent d

e va

riatio

n

5800

6000

6200

6400

6600

6800

7000

7200

ND

VI a

nnue

lle (s

omm

e)

Coef. varNDVI annuelle

Le suivi spatio-temporel de la limite Nord de la zone à faible coefficient de variation apparaît comme un bon indice pour identifier les milieux ayant subi un long stress hydrique au cours de l’année. La valeur seuil 5 (cinq) a été fixée en considérant la valeur minimum atteinte dans les régions connaissant habituellement des variations saisonnières marquées. On admet donc que tout milieu ayant un coefficient de variation supérieur ou égal à cinq (5) subit un contraste saisonnier important. L’examen des cartes ci-après (figure 24) permet de noter deux situations :

- Au cours des années sèches (exemple de 1983, 1984, 1989), marquées par une diminution de la productivité végétale (figure 24 ci-dessous), on note une quasi-

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disparition de la limite entre le Nord et le Sud en terme de contraste saisonnier. On observe, en effet, une tendance à l’homogénéisation (surtout en 1984) de la dynamique intra-saisonnière sur l’ensemble du pays. De fortes valeurs de coefficient de variation sont enregistrées sur la presque totalité du pays. Comme les savanes du Nord, certains milieux en zone de forêt dense humide connaissent au cours de ces années particulièrement sèches des contrastes saisonniers importants, synonyme de stress hydrique. Les paysages de l’Est du pays, composés de jachères et de cultures sont concernées par cette situation.

- Au cours des années humides (exemple de 1995, 1999), la limite entre la zone forestière et la zone de savane reste nette, même si les valeurs sont faibles sur l’ensemble du pays. Dans la mesure où la réduction de la durée de la saison sèche au cours des années humides permet un démarrage rapide de la végétation, on doit s’attendre à avoir un contraste saisonnier moins marqué.

Figure 25 : Suivi de la variabilité interannuelle de la dynamique intra saisonnière de la productivité végétale à partir du coefficient de variation

Coefficient de variation N

.2LmCc

FortFaible

.3 Analyse du vecteur de c nt ’étude de l’ampleur des modifications éthode du vecteur de changement. ontrairement aux méthodes classiqueomparent les images entre elles (figure

0 110 Km

hangeme

temporelles de la végétation sera menée à partir de la Cette méthode est empruntée à Lambin (1994).

s de détection de changement en télédétection qui 24, ci-avant), la méthode du vecteur de changement

76

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est basée sur la comparaison de chaque année de la série avec une année normale. L’intérêt de cette procédure est qu’elle permet de déterminer la magnitude c’est-à-dire l’intensité du changement et la direction du changement qui exprime le gain ou la perte.

L’indicateur de changement est mesuré de la façon suivante : c(i) = p (i, ref) – p (i, y). Dans cette formule c(i) est le vecteur de changement pour le pixel i entre l’année de référence (ref.) et l’année courante (y). La magnitude du changement du vecteur ⎥ c⎥ mesure l’intensité du changement de la couverture végétale (Lambin, 1997). Il exprime la distance euclidienne entre la position du pixel de l’année courante et celle de l’année de référence. La direction est donnée par l’angle des valeurs radiométriques. La méthode du vecteur de changement utilise généralement deux bandes spectrales (Robin, 2002).

La magnitude s’écrit alors : Mc : √(b1dn-b1d1)2-(b2dn-b2d1)2

Où B1, b2 = Bandes spectrales

et d1, dn = dates

La direction du changement s’écrit : Dc = arctan ((b1dn-b1d1)/ (b2dn-b2d1))

Où Dc = direction du vecteur de changement multitemporel,

et Arctan = arctangent

Figure 26 : principe de l’analyse du vecteur du changement

Source : Robin, 2002

2.3.1 L’indicateur utilisé

Les deux bandes spectrales utilisées dans ce travail sont la température de surface (Ts) et l’Indice de Végétation Normalisé (NDVI). Les relations biophysiques existant entre ces deux paramètres sont décrites par Carlson et al. (1990), Goward et Hope (1989), Nemani et al. (1993) cités par Lambin et al. (1997) : suivi du stress hydrique à partir de la relation entre température du sol et NDVI

Les auteurs montrent comment la combinaison de ces deux paramètres physiques permet de discriminer clairement les types de milieux en Afrique. Sur la figure 26 ci-après, les points A et B indiquent respectivement un sol sec et un sol humide, les variations de la température de surface étant très corrélées au contenu en eau du sol. La densification de couverture végétale est suivie d’une diminution de la température, entraînant ainsi une relation négative Ts-NDVI. Liée à une température du sol plus basse, le point C de la figure 26 correspond à une végétation continue, mais avec absence d’évapotranspiration. En revanche le point D, avec des conditions optimum d’alimentation en eau représente une végétation continue avec un maximum d’évapotranspiration.

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Figure 27 : Suivi du stress hydrique à partir de la relation entre NDVI et température du sol

Source : Lambin, 1996

2.3.2 Le choix de l’année de référence

La mise en œuvre de la méthode du vecteur de changement nécessite le choix d’une année de référence. Celle-ci est considérée comme l’année présentant des conditions biophysiques les plus favorables sur l’ensemble de la série d’observation. Il s’agit de l’année où l’on a enregistré les plus basses températures de surface et les plus forts Indices de végétation. Dans ce travail, nous avons identifié l’année de référence en ne tenant compte que du NDVI. Cette procédure a permis d’éviter le biais lié à l’interprétation des signes (- ou +) dans les calculs sur la direction du changement. Ce calcul procédant du rapport entre les Ts et les NDVI, il était important de fixer le signe (c’est-à-dire la direction du changement) par rapport au numérateur ou au dénominateur. La direction du changement est donc donnée suivant le signe (- ou +) des Ts. En ne considérant donc que les NDVI, on a recherché pour chacun des pixels le maximum observé durant la période d’observation. L’image de sortie représente ainsi l’année de référence.

La mise en œuvre de la formule du vecteur de changement décrite dans les paragraphes ci-dessus s’est effectuée par paires d’images (Ts et NDVI). Deux catégories d’informations sont produites. La première exprime la magnitude (l’intensité) du changement et la deuxième la direction du changement. L’intersection et le seuillage de ces deux catégories d’information permettent d’obtenir une seule image composée de 10 classes permettant de suivre l’intensité de la variation inter-annuelle de la productivité végétale au cours de la saison sèche du mois de janvier. Sur les cartes de la figure 27 ci-dessous, les classes décrivent les évolutions suivantes :

- 1- changement négligeable

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- 2- changement faible avec perte de biomasse

- 3- changement moyen avec perte de biomasse

- 4- changement important avec perte de biomasse

- 5- changement très important avec perte de biomasse

- 6- changement négligeable

- 7- changement faible avec gain de biomasse

- 8- changement moyen avec gain de biomasse

- 9- changement important avec gain de biomasse

- 10- changement très important avec gain de biomasse

De façon générale le vecteur de changement indique une variabilité inter-annuelle de la production de biomasse avec une intensité variable d’un milieu à un autre. Ainsi l’année 1983 par exemple est marquée par des pertes de biomasse par rapport à la normale sur la presque totalité du territoire ivoirien. La perte de biomasse affecte, en effet, au cours de ces années, aussi bien la zone forestière que la zone de savane. Toutefois, dans le Sud forestier l’intensité de la diminution de biomasse est relativement faible, avec par endroit des variations faiblement positives. A côté de ces années déficitaires, certaines années connaissent des gains de biomasse sur la majeure partie du pays. Il s’agit notamment de l'année 1985. Certaines années sont en revanche marquées par des situations proches de la normale. C’est l’exemple de l’année 1987 où les déficits et les excédents enregistrés ne le sont que faiblement (à l’exception du secteur Nord-Ouest). Les gains les plus forts sont enregistrés dans le Sud-Ouest et l’Est.

Figure 28 : Intensité du changement de production de biomasse au cours de quelques années

0 110 Km

10 123456789

Intensité

N

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L’analyse du vecteur de changement permet de distinguer 3 types de milieux ayant des évolutions écologiques différentes :

• une zone régulièrement marquée par des forts déficits

Sur l’ensemble de la période d’observation, à l’exception de l’année 1997, des variations fortement négatives par rapport à la normale sont observées sur une bande allant du Centre-Ouest au Nord-Ouest du pays. Cette situation traduit la constance dans la faiblesse de la production de biomasse interrompue quelquefois par des années de forte production de biomasse.

• une zone régulièrement marquée par des excédents

Ces milieux connaissent de façon générale des gains de biomasse durant la période d’observation. L’exception vient des années 1983, 1984 et 1988, fortement déficitaires sur le plan pluviométrique, au cours desquelles l’on a enregistré des variations faiblement négatives. Les milieux concernés sont pour la plupart situées à l’Ouest du pays, là où de grands massifs forestiers sont encore existants.

• des milieux de fortes fluctuations

Sur le reste du pays, surtout sur les marges de la zone forestière, à l’Est et au Nord-Est du pays, les milieux alternent fort gain et forte perte de biomasse en fonction du contexte pluviométrique.

De ce qui précède, on peut dire que le suivi spatio-temporel de la phénologie du couvert végétal ivoirien, à partir des trois méthodes ci-dessus indiquées, laisse apparaître de façon générale, une forte variabilité inter-annuelle. Cette dynamique de la végétation qui suit celle de la pluviométrie se manifeste entre autre par l’alternance d’années de faibles productions ou de fortes productions de biomasse avec des contrastes saisonniers marqués dans le premier cas et des faibles variations saisonnières dans le deuxième cas. L’intensité des changements détectés varie d’une région à une autre. Les changements sont, en effet, généralement de faible intensité dans la partie Sud-Ouest du pays, tandis qu’ils sont forts au Nord-Ouest. Les autres parties du territoire connaissent plutôt d’importantes fluctuations.

80

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3 La co-variation et les relations de dépendance entre les données climatiques et la phénologie végétale

.3.1 L’existence d’une structure spatio-temporelle commune aux données climatiques et à la phénologie végétale

L’objectif de cette étude est de caractériser les évolutions spatio-temporelles saisonnières du climat et de la phénologie végétale au cours des deux dernières décennies, entre 1980 et 1999. La méthode utilisée couramment pour étudier ces structures spatio-temporelles est l’Analyse en Composantes Principales. L’ACP est une analyse à deux dimensions mais ne prend en compte que les variables (moyennées) et les individus. Elle n’est donc pas probante pour détacher à la fois les stations, les années et les variables étudiées. On ne peut pas, par exemple, apprécier le poids des mois ou des saisons dans les anomalies climatiques survenues dans les différentes stations étudiées.

Pour mieux caractériser les décennies 1980-1989 et 1990-1999, nous avons utilisé une méthode d’analyse plus approfondie, la méthode STATIS. L’étude ne porte que sur les données bioclimatiques des décennies 1980-1989 et 1990-1999 : la pluviométrie, les autres éléments du climat (humidité relative, insolation, température) et l’Indice de végétation (NDVI). Afin d’éviter des confusions dans l’analyse des résultats, nous avons systématiquement séparé le Sud forestier, ayant un régime pluviométrique bimodal (climat équatorial de transition), de la région de savane du Nord marquée par un régime pluviométrique unimodal (climat soudano-guinéen et soudanien). Dans cette étude, les individus sont les années, les variables les mois ou groupes de mois (saisons), et les tableaux les stations.

3.1.1 La méthode STATIS, un outil de recherche des structures spatio-temporelle commune aux variables

Cette méthode a été introduite par Y. Escouffier et H. L'Hermier des Plantes en 1976 et développée par C. Lavit et al. (1994). Elle permet l'exploration de plusieurs tableaux de données en simultané, et s'applique à des données quantitatives, selon T tableaux de mesures recueillies en différentes occasions sur les mêmes n individus, les p variables pouvant être éventuellement différentes selon les tableaux. Il s'agit de l'analyse selon la méthode STATIS des T triplets (Xt, Qt, D), t=l, 2, .., T.

Cette méthode privilégie les positions relatives des individus.

L'idée essentielle de la méthode est la recherche d'une structure commune aux études, appelée intrastructure. Cette recherche peut se reformuler ainsi : "les distances entre individus sont-elles stables d'un tableau à l'autre ?"

La méthode se décompose en plusieurs étapes successives :

• L'étude de l'interstructure. C'est l'étude des relations entre les différents tableaux. Elle consiste en une comparaison globale de la structure des T matrices de données. Pour cela, il va falloir définir une distance entre deux objets, donc entre deux tableaux, et trouver une représentation euclidienne des tableaux dans laquelle la proximité de deux points correspondra à une ressemblance des tableaux au sens de la distance considérée.

81

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• La recherche d'un compromis. Elle résume les T tableaux de données en un seul, appelé "compromis". Le compromis devra être représentatif de l'ensemble des tableaux selon certains critères.

• L'étude de l'intrastructure. Le compromis déterminé au cours de l'étape précédente va nous permettre de représenter les positions-compromis des individus tels qu'ils sont décrits par l'ensemble des tableaux. Ce sont des positions moyennes des individus sur la période d'étude. Si ces distances entre tableaux sont faibles, alors on peut affirmer qu'il existe une structure commune aux tableaux.

Etude de l'interstructure : L'objet Wt considéré est défini par Wt = XtQtXt

' comme étant l'élément représentatif de l'étude t et de taille (n x n).

A chaque tableau on associe la métrique Q des variables (en général Q = Idp) et la métrique

D des individus ( ).1 nIdnD =

La méthode STATIS utilise le produit scalaire d'Hilbert Schmidt pour induire une distance entre objets représentatifs Wt

)( '' ttHS

tt DWDWTrWW =

où Tr(A) est la trace de la matrice A, c’est-à-dire la somme de ses éléments diagonaux.

A partir de ce produit scalaire, la norme d'un objet Wt et la distance entre deux objets Wt et Wt' sont alors définies comme suit :

2

1

)('

2 )(∑=

==n

l

tlHS

ttHSt WWW λ

où est la l)(tlλ ième valeur propre de WtD.

Ce produit scalaire permet de déterminer la matrice des produits scalaires entre les tableaux représentés par Wt ; elle est notée S et est de taille TxT . La diagonalisation de cette matrice nous permettra d'obtenir une image euclidienne des T tableaux. Dans le cas d'objets normés :

⎥⎥⎦

⎢⎢⎣

⎡==

HStHS

t

HStt

tt WWWW

SS'

'

'

L'image euclidienne des objets de l'interstructure est déterminée à partir du calcul des T valeurs propres (τ ) et des T vecteurs propres (γ ) de dimension T associés à la matrice S. Les coordonnées des points At sur le ième axe associés aux objets W, sont les composantes du ième vecteur: ( ) ii γτ (vecteur de dimension T).

Compromis et intrastructure : Le compromis des T études est défini comme une moyenne pondérée des objets Wt. Dans le cas d'objets normés :

∑=

⎥⎦

⎤⎢⎣

⎡⎟⎠⎞

⎜⎝⎛=

T

t HSt

tt

WWW

1

)(1

1

1 γλ

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La matrice W compromis est de taille (nxn). C'est la diagonalisation de cette matrice qui permet d'obtenir une image euclidienne compromise des individus par le calcul des vecteurs propres(ε ) associées à W.

Les coordonnées des points B associés aux individus compromis dans l'image euclidienne sur l'axe k, sont obtenues dans le cas d'objets normés par l'expression (C. Lavit 1988) :

k

HStk

WDW

εµ

11

kµ = valeurs propres de la matrice WD.

Il est possible de tracer alors les trajectoires des individus en les intégrant en tant qu'objets supplémentaires dans l'étude. Ils n'interviennent pas par définition, dans la détermination de l'intrastructure, ni dans la définition du compromis. Leurs coordonnées sont dans le cas d'objets normés :

kt

HStk

DWW

εµ

11

3.1.2 Analyse des données du Sud forestier

3.1.2.a STATIS sur la pluviométrie des stations du Sud

Les variables utilisées dans cette analyse sont les suivantes :

Variable 1 : cumul des pluies mensuelles de mai à juillet ;

Variable 2 : cumul des pluies mensuelles de septembre à octobre ;

Variable 3 : cumul du nombre pluie mensuel de jours de mai à juillet ;

Variable 4 : cumul du nombre de jours de pluie de septembre à octobre ;

Variable 5 : cumul de pluie maximale journalière du mois de mai à juillet ;

Variable 6 : cumul de pluie maximale journalière du mois de septembre à octobre.

3.1.2.a.1 Analyse de l’interstructure

L’image euclidienne (figure 29 ci-après) des stations pluviométriques du Sud est satisfaisante puisqu’elle exprime 87,06% de l’inertie. On peut de ce fait considérer qu’il existe une structure commune aux stations du Sud forestier ivoirien, même si certaines stations sont mal représentées. Les stations les mieux représentées sont celles du littoral (Abidjan, Dabou, Adiopodoumé, Grand Lahou, Adiaké, Aboisso, Alépé), de l’Est (Abengourou, Adzopé, Bongouanou), auxquelles s’ajoutent les stations de Gagnoa et de Lakota dans le Centre-Ouest. Celles qui sont les moins bien représentées dans l’interstructure sont généralement situées à l’Ouest. Il s’agit de Tabou dans l’extrême Sud-Ouest, Toulepleu et Man dans l’Ouest montagneux, Sassandra sur le littoral centre, Vavoua, Oumé et Soubré dans le Sud-Ouest et le Centre-Ouest.

L’interstructure de cette étude permet de distinguer 5 sous-ensembles. La carte qui suit présente les limites spatiales de ces sous-ensembles.

1- le littoral Sud-Est et son arrière pays immédiat : Adiaké, Alépé, Adiopodoumé,

Abidjan, Grand-Lahou, Dabou ;

2- le littoral centre : Sassandra ;

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3- le littoral Sud-Ouest : Tabou ;

4- le Sud-Est avec un prolongement vers le Centre-Ouest : Aboisso, Cechi, Agboville,

Bongouanou, Abengourou ; Gagnoa, Lakota ;

5- les marges de la zone forestière (sur la limite Nord) : Man, Vavoua, Daloa, Guiglo,

Agnibilekrou, Bondoukou.

Figure 29 : Représentation de l’interstructure des postes pluviométriques du Sud forestier (échantillon de toutes les années de 1980 à 1997)

Ce découpage basé sur l’analyse des données mensuelles et saisonnières ne diffère pas significativement de ceux réalisés dans des études antérieures (Brou, 1997 ; ASCNA, 1979 ; Avenard, 1970 ; etc.) utilisant des valeurs annuelles. On note tout de même que dans ce découpage, les stations de l’Ouest montagneux qui habituellement constituent un ensemble géographique spécifique, ont un comportement proche des autres stations des marges forestières.

3.1.2.a.2 Analyse du compromis

L’analyse du compromis repose sur l’exploitation de l’information contenue dans le plan 1- 2 qui représente 40% de l’inertie totale (figure 30 ci-dessous). La figure permet d’isoler des années particulières qui s’opposent entre elles. On note en effet que les années 1982 et 1983 s’opposent à l’année 1987 sur l’axe 1 (27,8% de l’inertie). L’année 1983 s’oppose également aux années 1995 et 1996 sur l’axe 2 (11,26% de l’inertie).

L’analyse du compromis met ainsi en évidence les situations extrêmes observées durant les décennies 80 et 90. Les années 1982 et 1983, marquées par des déficits pluviométriques

84

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importants (Servat et al., 1997 ; Brou, 1997), apparaissent comme les plus sèches des deux dernières décennies. Ces années qui correspondent à l’apparition du phénomène El niňo dans le Pacifique (Augin, 2001) ont été marquées en Côte d’Ivoire par d’importants stress hydriques entraînant de nombreux feux de végétation et une baisse drastique de la production agricole. L’opposition de ces années particulièrement sèches, avec l’année 1987 sur l’axe 1 et avec les années 1995 et 1996 sur l’axe 2, montre que ces dernières sont les plus humides de la période 1980-1997.

Figure 30 : Position compromis des individus dans le plan 1-2 pour les postes pluviométriques du Sud forestier

L’intrastructure donne pour chaque station les variables et la période de l’année qui caractérisent le mieux ces années.

3.1.2.a.3 Analyse de l’intrastructure

Le graphique (annexe 2a) des corrélations des axes principaux avec les variables (cumul de mois) permet de comprendre la caractéristique de chaque axe. Sur l’ensemble des stations les mieux représentées dans l’interstructure, l’axe 1 (27,8% de l’inertie) est fortement corrélé avec :

- la variable 2 (cumul des pluies mensuelles de septembre et octobre) ;

- la variable 4 (cumul du nombre de jours de pluie de septembre et octobre).

L’intensité des phénomènes extrêmes (forte sécheresse ou fort excédent pluviométrique) est donc liée dans une certaine mesure au niveau de pluviosité enregistrée au cours de la deuxième saison de pluies de septembre à octobre. Les fortes différences observées sur l’axe 1 du compromis entre les années 1982-1983 et l’année 1987 exprime la faible intensité des

85

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précipitations, dans le premier cas, et la forte intensité dans le deuxième cas, des mois de septembre et d’octobre.

L’axe 2 (11,26% de l’inertie) est fortement corrélé avec les variables ci-dessous pour les stations de l’Est. Il s’agit généralement des stations de l’Est. Ces corrélations concernent :

- la variable 1 (cumul des pluies mensuelles de mai à juillet) ;

- la variable 3 (cumul du nombre de jour de pluie mensuel de mai à juillet) ;

Ainsi, pour les stations de l’Est ivoirien, les pluies des mois de mai à juillet sont tout aussi déterminantes (du moins secondairement) pour la caractérisation des années extrêmes.

En tenant compte de la signification des axes principaux, on peut caractériser les groupes de stations en fonction de l’apparition d’années exceptionnelles et de la période de l’année au cours de laquelle se produit le phénomène. L’analyse consiste à indiquer, à partir des coordonnées des individus dans le premier plan du compromis, les variables et les individus qui s’éloignent le plus du point moyen (annexe 2b).

Région Est Les anomalies pluviométriques enregistrées dans la région de l’Est concernent :

- 1982 sur le cumul de mai à juillet ; les stations touchées sont : Abengourou, Adzopé, Agboville, Bongouanou, Cechi ;

- 1983 sur le cumul de mai à juillet ; les stations touchées sont : Adzopé, Agboville, Bongouanou, Cechi ;

- 1987 sur le cumul de septembre à octobre ; les stations touchées sont : Abengourou, Adzopé ;

- 1996 sur le cumul de mai à juillet ; les stations touchées sont : Bongouanou.

Région Ouest Les stations de la région Ouest présentant de faibles coordonnées dans le premier plan du compromis, on ne peut donc pas les caractériser du point de vue de l’évolution spatio-temporelle. On peut simplement mentionner qu’elles évoluent différemment des stations les mieux représentées.

Marges de la zone forestière Dans cette région les stations situées à l’Ouest ne connaissent généralement pas d’années particulières. Les années se regroupent au centre du plan 1-2. Les anomalies pluviométriques concernent :

- 1982-1983 sur le cumul de mai à juillet ; elle ne touche que la station d’Agnibilekrou ;

- 1995, sur le cumul de mai à juillet ; elle ne touche que la station de Vavoua.

Région Littoral Est Sur cette partie du littoral, les anomalies pluviométriques notées concernent :

- 1982 sur le cumul de septembre à octobre ; seule la station d’Adiopodoumé est touchée par cette anomalie ;

- 1983 sur le cumul de septembre à octobre ; cette situation touche les stations d’Abidjan, Adiaké ;

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- 1987, sur le cumul de septembre à octobre ; cette anomalie touche les stations d’Abidjan, Adipo, Dabou, Lakota.

Littoral centre Sur le littoral centre, les anomalies pluviométriques ne sont observées qu’au cours de l’année 1987 sur le cumul de mai à juillet, à la station de Sassandra.

La représentation des individus en étoile (annexe 2c) montre une relative homogénéité dans le comportement des stations sur la plupart des années étudiées. Dans le détail on note des différences significatives entre stations au cours de certaines années. En effet, l’opposition entre les années apparaît mieux pour les stations les mieux représentées dans l’interstructure. Cette situation est plus marquante si l’on s’intéresse aux années exceptionnelles. Les années sèches de 1982- 1983 du tableau compromis sont proches de celles des stations de l’Est (Abengourou, Adzopé, bongouanou, Cechi, Agboville) et s’écartent significativement de celles des stations des autres régions. Les années humides de 1987 et de 1996 sont en revanche mieux expliquées par le comportement des stations du littoral (Abidjan, Adiopodoumé, Aboisso, Alépé, Grand-Lahou) et quelques stations de l’intérieur comme Lakota et Abengourou.

En conclusion du STATIS sur la pluviométrie du Sud de la Côte d’Ivoire, on peut dire qu’il existe une structure commune à toutes les stations du Sud forestier en dépit de la mauvaise représentation de certaines stations. En dehors de l’Est du pays, cette structuration se fait principalement suivant la deuxième saison des pluies. La méthode STATIS a permis également de mettre en évidence des années exceptionnellement sèches (1982 et 1983) et des années exceptionnellement humides (1987, 1995 et 1996). Rare dans la région Ouest du pays, ce phénomène est ressenti différemment du littoral à l’Est du pays. Les années sèches sont en effet plus marquées à l’Est, tandis que sur le littoral ce sont les années humides qui s’individualisent le mieux.

STATIS sur les autres éléments du climat des stations du Sud

Les variables de l’analyse sont :

Variable 1 : moyenne de l’humidité relative maximale de mai à juillet ;

Variable 2 : moyenne de l’humidité relative maximale de septembre à octobre ;

Variable 3 : moyenne de l’humidité relative minimale de mai à juillet ;

Variable 4 : moyenne de l’humidité relative minimale de septembre à octobre ;

Variable 5 : cumul de la durée d’insolation de mai à juillet ;

Variable 6 : cumul de la durée d’insolation de septembre à octobre ;

Variable 7 : moyenne des températures de mai à juillet ;

Variable 8 : moyenne des températures de septembre à octobre.

Nous rappelons que les individus sont les années et les tableaux les stations.

3.1.2.a.4 Analyse de l’interstructure

L’étude ne porte que sur les stations principales du Sud de la Côte d’Ivoire pour lesquelles l’on dispose de données climatiques autres que la pluviométrie. Pour améliorer le résultat de l’interstructure, nous avons extrait de l’analyse la station de Tabou qui se trouvait mal représentée au cours des tests préliminaires. L’échantillon retenu comporte 7 stations : Abidjan, Adiaké, Sassandra, Man, Gagnoa, Daloa et Bondoukou.

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Figure 31 : Représentation de l’interstructure des stations climatiques du Sud forestier (échantillon de toutes les années de 1980 à 1997)

Les stations retenues sont toutes assez bien représentées dans le plan 1-2 qui retranscrit 94,30% de l’information (figure 31 ci-avant). On peut de ce fait considérer qu’il existe une structure commune à ces stations climatiques du Sud forestier ivoirien. Toutefois leur position dans le plan 1-2 impose que l’on détermine des sous-ensembles :

1- Extrémité Est du littoral et littoral centre : Adiaké, Sassandra ;

2- Littoral Est : Abidjan ;

3- Ouest montagneux : Man ;

4- Régions intérieures : Gagnoa, Bondoukou, Daloa.

3.1.2.a.5 Analyse du compromis

Le plan 1-2 qui renferme 43,34% de l’information permet d’individualiser certaines années (figure 32 ci-dessous).

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Figure 32 : Position compromis des individus dans le plan 1-2 pour les stations climatiques du Sud forestier

Figure 33 : Position compromis des individus dans le plan 1-3 pour les

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stations climatiques du Sud forestier L’axe 1 (28,44% de l’inertie) met en évidence l’opposition entre deux groupes d’années. Il s’agit, d’une part, des années de 1980 à 1983 et d’autre part, des années 1987, 1995, 1996. Cette opposition est plus nette entre les années 1980, 1982 et 1987. Les années 1982 et 1983 qui correspondent bien à l’apparition d’El niňo dans le pacifique montre bien que ce phénomène est perceptible autant sur les paramètres de pluviosité (déjà évoqué ci-dessus) que sur les autres paramètres. Ces années exceptionnelles, marquées par des déficits hydriques importants, s’accompagnent ainsi d’autres types d’anomalies climatiques.

Les cercles de corrélation de l’annexe 2d indiquent de fortes corrélations entre l’axe1 et les variables 5 et 7. Les facteurs de discrimination les plus importants sont donc la durée d’insolation de mai à juillet et la température moyenne de mai à juillet. Des contrastes importants sont également observés entre d’autres années. Il s’agit notamment de l’opposition entre les années 1985 et 1997 indiquée par l’axe 2 (14,9% de l’inertie). Cet axe est, pour quelques stations, corrélé avec la variable 8 (annexe 2d). Il représente donc, dans ces cas, la température moyenne de septembre à octobre.

3.1.2.a.6 Analyse de l’intrastructure

L’analyse est faite à partir de l’axe 1 et de l’axe 2 dont les caractéristiques ont été précédemment décrites dans les paragraphes ci-dessus. Pour chacune des stations faisant partie de l’étude, les années extrêmes se démarquent par rapport aux autres années (annexe 2e).

Extrémité Est du littoral et littoral centre Les anomalies climatiques notées dans cette région ont eu lieu en :

- 1982 sur la durée d’insolation et la température moyenne de mai à juillet ; les stations touchées sont : Adiaké, Sassandra ;

- 1985 sur la température moyenne de septembre à octobre à Adiaké ;

- 1987 sur la durée d’insolation et la température moyenne de mai à juillet ; les stations touchées sont : Adiaké, Sassandra ;

Littoral Est Dans le secteur d’Abidjan, les anomalies climatiques sont observées en 1980, 1982 et 1983 sur la température moyenne de mai à juillet à Abidjan.

Ouest montagneux

Les anomalies climatiques observées dans la région Ouest du pays se déroulent au cours des années :

- 1982 sur la durée d’insolation et la température moyenne de mai à juillet à Man ;

- 1987 sur la durée d’insolation et la température moyenne de mai à juillet à Man ;

- 1997 sur la température moyenne de septembre à octobre à Man .

Région intérieure

Le nombre d’années exceptionnelles est ici plus important que dans les autres régions du Sud du pays. Ces anomalies climatiques concernent les années :

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- 1980, 1981 sur la durée d’insolation et la température moyenne de mai à juillet ; les stations atteintes sont : Bondoukou Gagnoa ;

- 1982 sur la température moyenne de mai à juillet ; les stations touchées sont : Bondoukou, Gagnoa, Daloa ;

- 1983 sur la température moyenne de mai à juillet à Daloa ;

- 1985 sur la température moyenne de septembre à octobre ; les stations touchées sont : Bondoukou, Gagnoa ;

- 1992 sur la durée d’insolation de mai à juillet à Daloa et Gagnoa ;

- 1997 sur la température moyenne de septembre à octobre à Daloa et Gagnoa.

Le graphique en étoile (annexe 2f) montre, une homogénéité entre les stations, pour la plupart des années de la série étudiée. Les années exceptionnelles (indiquées ci-dessus) s’isolent assez bien dans le graphique. Le comportement des stations au cours de ces années est hétérogène. L’année 1982 du tableau compromis (déficitaire) est plus proche de celle d’Abidjan sur le littoral Est et s’écarte significativement de celles d’Adiaké sur l’extrémité Est du littoral, de Gagnoa, Man, Bondoukou, Daloa dans la région intérieure. En revanche, l’année 1987 du tableau compromis (opposée à l’année 1982 sur l’axe 1), s’écarte fortement de celle d’Abidjan. Elle est plutôt représentative du comportement des stations Adiaké, Sassandra, Bondoukou et Gagnoa. Des situations semblables sont observées si l’on s’intéresse aux années 1985 et 1997 qui s’opposent sur l’axe2. En effet l’année 1985 (déficitaire) du tableau compromis caractérise mieux la station de Gagnoa et s’éloigne fortement de celle d’Abidjan. La situation inverse est observée en 1997 (excédentaire).

3.1.2.b STATIS sur les NDVI dans le Sud forestier

L’analyse repose sur des données Ascii (valeur numérique) d’indice de végétation que nous avons extraites sur les séries d’images mensuelles du Sud ivoirien avec une résolution 8 km x 8 km. L’échantillon constitué ne prend pas en compte le littoral et son arrière pays immédiat. Dans ces régions, la forte fréquence des nuages est susceptible de perturber la qualité des données.

Pour chacun des tableaux ou stations, les variables d’analyse sont les mois et les individus les années.

3.1.2.b.1 Analyse de l’interstructure

La représentation graphique des résultats de l’interstructure (figure 34 ci-après) montre une forte homogénéité en ce qui concerne le comportement de la végétation du Sud de la Côte d’Ivoire, exprimé ici par le NDVI. En effet, 99, 61% de l’information est retranscrite dans le plan 1-2, l’axe 1 expliquant à lui seul 99,35% de l’inertie. Toutes les stations sont très bien représentées. On peut donc logiquement affirmer qu’il existe une structure commune à toutes les stations du Sud forestier ivoirien.

Des groupes de stations peuvent toutefois être constitués dépendamment de leur emplacement dans le plan 1-2. On distingue ainsi :

1- l’Est : Abengourou, Agnibilekrou, Bondoukou, Bouna ;

2- le Sud-Est et le Centre-Sud : Adzopé, Bouaflé, Oumé ;

3- l’Ouest, subdivisé en deux groupes : a) Taï, Daloa, Toulepleu, Man, Gagnoa Vavoua ; b) Danané, Guiglo, Soubré.

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Figure 34 : Représentation de l’interstructure des pixels de NDVI du Sud forestier (échantillon de toutes les années de 1982 à 1999)

3.1.2.b.2 Analyse du compromis

Nous analyserons le compromis dans le plan 1-2 qui représente 50,28% de l’inertie totale (figure 35 ci-après). L’axe 1 est marqué par l’opposition entre les années 1983, 1984 et 1989 avec les années 1990,1995, 1996, 1997, 1998 et 1999. Ce contraste est plus net entre les années 1983, 1989 et les années 1995, 1996. Ces années ont déjà été identifiées dans l’analyse climatique ci-dessus où elles caractérisent respectivement des situations exceptionnellement sèches d’une part et des situations exceptionnellement humides d’autre part.

L’étude des corrélations axes principaux / variables, dans l’intrastructure (annexe 2g), indique que les mois les plus discriminants dans cette opposition sont ceux de janvier et février. Ces mois qui appartiennent à la grande saison sèche dans le Sud constituent donc la période de l’année où les variations inter annuelles de la productivité végétale sont les plus importantes. L’axe 2 caractérise, quant à lui, les mois de juillet, août et septembre (annexe 2g). Des études antérieures (Avenard, 1970, ICCARE, 1997) indiquent que dans le Sud de la Côte d’Ivoire ces mois correspondent en moyenne à la période de l’année allant de la fin de la grande saison pluvieuse (juillet) au début de la petite saison pluvieuse (septembre), avec une petite saison sèche centrée sur le mois d’août. Les auteurs soulignent aussi les fluctuations inter annuelles dans l’apparition de la petite saison sèche. Comme l’indique l’axe 2 (19,36% de l’inertie), les mois de juillet, août et septembre, opposent fortement les années 1982, 1991 et l’année 1984. L’axe 3 qui renferme 14,28 % de l’information, confirme le caractère exceptionnel de l’année 1991 (figure 36).

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Figure 35 : Position compromis des individus dans le plan 1-2 pour les pixels de NDVI du Sud forestier

Figure 36 : Position compromis des individus dans le plan 1-3 pour les pixels de NDVI du Sud forestier

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3.1.2.b.3 Analyse de l’intrastructure

Les résultats de l’intrastructure (annexe 2h) sont assez proches de ceux du tableau compromis. Toutes les années exceptionnelles précédemment identifiées, en rapport avec les axes 1 et 2, s’isolent bien sur la quasi-totalité des stations. On note toutefois que les corrélations des axes principaux et des années sont variables d’un groupe de stations à un autre. En effet, les plus fortes relations entre l’axe 1 (représentant les mois de janvier et de février) et les années 1983, 1989, 1995-1999 sont observées principalement dans les stations de l’Est. Les valeurs dépassent largement 1,5 et souvent proches de 2 (en valeur absolue) dans certains cas (Agnibilekrou, Bondoukou, Bouna). En revanche ces stations enregistrent des corrélations moins fortes entre l’axe 2 et les années 1982, 1991. La situation contraire est observée dans les stations de l’Ouest du pays. En effet, c’est dans cette région que sont observées les plus fortes corrélations axe 2 (caractérisant les mois de juillet, août, septembre) et les années 1982, 1991, 1984, 1987. Les valeurs y excèdent 1,5 (en valeur absolue) dans la plupart des cas.

La représentation en étoile (annexe 2i) confirme l’homogénéité des résultats de l’intrastructure et du compromis. En effet, le graphique montre de faibles différences entre les années du tableau compromis et celles des stations de façon générale.

3.1.2.c Synthèse des résultats du STATIS sur les données bioclimatiques du Sud de la Côte d’Ivoire

L’étude a permis d’établir, pour chacun des paramètres, l’existence d’une structure commune à toutes les stations du Sud forestier ivoirien. On peut considérer de ce fait cette région comme une entité homogène. Sur cet espace, sont mises en évidence des années exceptionnelles communes aux trois types de variables étudiés (pluie, autres variables climatiques et NDVI). Il s’agit des années 1982, 1983, 1987, 1995, 1996, 1997. Ces années sont cependant moins marquées dans les régions de l’Ouest.

Ces résultats confirment au niveau annuel la co-variation entre des phénomènes bioclimatiques. Au niveau mensuel et saisonnier, les périodes critiques varient d’un paramètre bioclimatique à un autre, des relations de causes à effets existant entre eux. Toutefois, les mois de l’année où l’on observe les variations bioclimatiques inter-annuelles les plus marquées dans le Sud ivoirien varient d’une variable à une autre. Pour la pluviométrie, les anomalies se manifestent surtout au cours de la petite saison pluvieuse (cumul de septembre à octobre) et de manière moindre sur la grande saison pluvieuse (cumul de mai à juillet). Les variations temporelles des autres variables du climat sont, quant à elles, plus sensibles au cours des mois de mai à juillet. Pour discriminer les années à partir des données NDVI, la saison sèche (en particulier les mois de janvier et de février) apparaît comme la période de l’année la plus déterminante. La mise en évidence de ces périodes critiques est un indice important pour la recherche de relations de dépendance entre les paramètres étudiés.

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3.1.3 Analyse des données de la moitié Nord du pays

3.1.3.a STATIS sur la pluviométrie du Nord Les variables d’analyse sont les suivantes :

- variable 1 : cumul des pluies de juillet à septembre ;

- variable 2 : cumul du nombre mensuel de jours de pluie de juillet à septembre ;

- variable 3 : cumul des pluies maximales journalières de juillet à septembre.

3.1.3.a.1 Analyse de l’interstructure

Un premier test a d’abord été réalisé sur les données pluviométriques des stations du Nord. Les résultats permettent de distinguer des groupes de stations.

- la zone de contact forêt-savane ou " V " Baoulé : Dimbokro, Bouaké, Béoumi, Katiola, Dabakala, Mankono, Niakaramadougou ;

- les marges Est de la zone forestière : M’bahiakro ;

- la région Nord avec des variations spatiales importantes d’Ouest en Est :Odienné, Boundiali, Korhogo, Ouangolodougou, Bouna.

Figure 37 : Représentation de l’interstructure des postes pluviométriques de la moitié Nord (échantillon de toutes les années , 1980 - 1997)

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Figure 38 : Représentation de l’interstructure des postes pluviométriques de la moitié Nord (échantillon de toutes les années de 1982 à 1999)

Les résultats de cette première analyse (figure 37 ci-dessus) mettent ainsi en évidence la grande hétérogénéité entre les stations du Nord de la Côte d’Ivoire, hétérogénéité qui se traduit par des distances importantes entre les stations sur le graphe de l’interstrucure dont l’axe 1 restitue seulement 76,97 % de l’information. Pour améliorer les résultats de l’interstructure, nous avons retenu un échantillon composé uniquement des stations de la zone de contact forêt-savane en raison de l’homogénéité de leur comportement. Le pourcentage d’information traduit par l’axe 1 atteint 89, 29% (figure 38 ci-avant). On peut considérer qu’il existe une structure commune aux stations de l’échantillon. On note toutefois que les normes sont faibles. Seules les stations de Bouaké et de Béoumi (les mieux représentés) dépassent 0,8 dans le plan 1. La station de Niakaramadougou a la norme la plus faible.

3.1.3.a.2 Analyse du compromis

Cette analyse est basée sur l’interprétation de l’information du plan 1-2 qui traduit 63,97% de l’information totale (figure 39 ci-après). L’axe 1 (54,41% de l’inertie) permet d’identifier les oppositions entre les années 1982, 1983 et l’année 1985. L’étude des corrélations entre les axes principaux et les variables indique que sur l’axe 1, cette opposition se manifeste principalement sur les hauteurs de pluies et le nombre de jours de pluie de juillet à septembre (annexe 2j). Les graphiques qui suivent montrent les différences importantes, en terme de niveau de précipitation sur la période de l’année allant de juillet à septembre, qui existent entre les années 1982, 1983 d’un côté et l’année 1985 de l’autre.

L’axe 2 (9,56% de l’inertie) qui représente mieux la variable pluie maximale journalière de juillet à septembre (annexe 2j) fait ressortir, quant à lui, le contraste entre les années 1980, 1986, d’une part, et l’année 1997 d’autre part. Le graphique ci-après indique que

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contrairement à l’année 1997, les années 1980 et 1986 sont marquées par de fortes valeurs de pluies maximales journalières au cours de la saison des pluies de juillet à septembre.

L’analyse du compromis s’est étendue à l’axe 3 en raison du fait que celui-ci apporte une information supplémentaire. Cet axe confirme la particularité de l’année 1986 (déjà identifiée sur l’axe 2), mais permet surtout d’isoler l’année 1984.

Figure 39 : Position compromis des individus dans le plan 1-2 pour les postes pluviométriques de la moitié Nord

3.1.3.a.3 Analyse de l’intrastructure

Les caractéristiques des axes principaux (1 et 2) ont été indiquées ci-dessus. Pour chaque station, on peut donc identifier les variables et les individus qui se détachent le plus (annexe 2k). Les anomalies climatiques observées dans le Nord du pays touchent différemment les stations. Ces différences portent à la fois sur l’année et le paramètre de pluviosité. Ces anomalies ont eu lieu au cours des années :

- 1980 sur la hauteur de pluie et le nombre de jours de pluies pour les stations de Béoumi et de Bouaké ;

- 1982 sur la hauteur de pluie et le nombre de jours de pluies pour les stations de Béoumi, Katiola ;

- 1983 sur la hauteur de pluie et le nombre de jours de pluies pour les stations de Béoumi, Bouaké, Dabakala, Dimbokro et Katiola ;

- 1985 sur la hauteur de pluie et le nombre de jours de pluies pour les stations de Béoumi, Bouaké, Dabakala et Katiola ;

- 1985 sur la pluie maximale journalière pour les stations de Bouaké et Dabakala ;

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- 1986 sur la pluie maximale journalière à la station de Bouaké ;

- 1997 sur la hauteur de pluie et le nombre de jours de pluies à la station de Bouaké ;

- 1997 sur la pluie maximale journalière à la station de Bouaké.

3.1.3.b STATIS sur le NDVI du Nord de la Côte d’Ivoire L’échantillon utilisé comprend 16 stations couvrant assez bien l’espace Nord ivoirien. On rappelle que dans cette analyse les individus sont les années, les variables correspondent aux mois et les tableaux aux stations.

3.1.3.b.1 Analyse de l’interstructure

Figure 40 : Représentation de l’interstructure des pixels de NDVI de la moitié Nord (échantillon de toutes les années de 1980 à 1997)

Le graphique des distances entre les stations exprime une forte homogénéité entre celles-ci (figure 40 ci-dessus). Le plan principal exprime en effet 98,76 % de l’inertie. Toutes les stations sont bien représentées. Sur cette base on peut affirmer qu’il existe une structure commune aux stations du Nord de la Côte d’Ivoire en terme de NDVI. Malgré cette homogénéité, des sous groupes se dégagent :

- marges Est du " V " Baoulé dans la zone de contact forêt-savane : M’bahiakro, Bocanda, Dimbokro ;

- région Centre et Nord-Est : Béoumi, Bouaké, Seguela, Dabakala, Mankono, Touba, Niakaramadougou, Bouna ;

- région Nord et Nord-Ouest : Odiénné, Boundiali, Korhogo ;

- Extrémité Nord : Tengrela, Ouangolodougou.

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3.1.3.b.2 Analyse du compromis

Le plan 1-2 qui traduit 52,17% de l’information (figure 41 ci-dessous) permet d’isoler les années 1983, 1989 (sur l’axe 1). Ces années sont marquées par de faibles valeurs de NDVI par rapport aux autres années comme l’indiquent les graphiques ci-dessous. L’étude des corrélations station par station de l’axe 1 avec les mois (annexe 2l) indiquent que cette situation est plus marquée en début de saison sèche au cours des mois d’octobre, novembre et parfois décembre.

Figure 41 : Position compromis des individus dans le plan 1-2 pour les pixels de NDVI de la moitié Nord

Sur l’axe 2 on note une opposition entre les années 1982, 1991 d’une part, et d’autre part l’année 1984. L’axe 2 est fortement corrélé avec le mois d’août et de septembre (graphiques de l’intrastructure). C’est donc au cours de ces mois que les valeurs de NDVI s’opposent le plus. Les graphiques qui suivent montrent le faible niveau de NDVI en 1982 et 1991 contrairement à celui de l’année 1984.

Le plan 1-2 n’exprimant que 52,71% de l’inertie nous avons étendu l’analyse à l’axe 3 avec 12, 02% de l’inertie en plus. Cet axe fait ressortir un contraste entre les années 1991, 1982 d’une part et les années 1984, 1985, 1988 d’autre part (figure 42 ci-après).

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Figure 42 : Position compromis des individus dans le plan 1-3 pour les pixels de NDVI de la moitié Nord

3.1.3.b.3 Analyse de l’intrastructure

Les graphiques de l’intrastructure (annexe 2m) confirment l’homogénéité de la région Nord en terme de NDVI. Toutes les stations font apparaître les années exceptionnelles déjà identifiées dans l’analyse du compromis (1982, 1983, 1984, 1985, 1988, 1991). Toutefois des différences de comportement sont notées entre le groupe de stations de l’extrême Nord et celui du " V " Baoulé, plus au Sud. Certains milieux portent en effet mieux la marque d’une année particulière que d’autres. Sur l’axe 1 qui traduit le NDVI des mois d'octobre, novembre et décembre, l’année 1989 est par exemple mieux représentée dans l’extrême Nord que partout ailleurs. Les valeurs excèdent –2. En revanche les stations du " V " Baoulé sont marquées par l’opposition entre les années 1982, 1991 d’un côté et 1984 de l’autre sur l’axe 2 (fortement corrélé avec les mois d’août et septembre).

Cette analyse est confortée par la représentation en étoile. Ce graphique confirme aussi l’homogénéité du comportement des stations du Nord en terme de NDVI. Dans l’ensemble de faibles distances sont notées entre les années du tableau compromis et celles des stations. Les écarts les plus importants sont rencontrés au cours des années exceptionnelles qui s’isolent bien. L’année 1989 du tableau compromis par exemple s’écarte plus de celle des stations du " V " Baoulé, tandis qu’en 1991, ce sont les stations de l’extrême Nord qui s’éloignent plus du tableau compromis.

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3.1.3.c Synthèse des résultats du STATIS sur les données bioclimatiques de la moitié Nord de la Côte d’Ivoire

L’étude de la pluviométrie dans le Nord de la Côte d’Ivoire indique une forte hétérogénéité en ce qui concerne la variable pluviométrie. La recherche d’une région homogène a conduit à limiter l’analyse à la zone du " V " Baoulé, les autres stations du Nord ayant des comportements singuliers. En revanche, le paramètre NDVI présente une forte homogénéité dans l’espace Nord de Côte d’Ivoire. L’interstructure étant en effet très bonne (98%), on peut considérer les stations de cette région comme une même entité. La comparaison des résultats obtenus sur l’analyse des deux variables (Pluie sur le " V Baoulé " et NDVI) montre une co-variation entre celles-ci. Des années exceptionnelles communes ont été en effet mises en évidence. Il s’agit des années 1982, 1983, 1984, 1985. La période de l’année la plus sensible aux variations inter annuelles diffère d’une variable à une autre. Les fluctuations importantes de la pluviométrie ont lieu au cours de la saison pluvieuse de juillet à septembre. La sensibilité du NDVI en terme de variation inter annuelle s’apprécie, quant à elle, principalement au cours des mois d’octobre, novembre et décembre et, à un degré moindre, au cours des mois de d’août et septembre.

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.3.2 Les relations de dépendance entre la végétation et les paramètres climatiques

Pour chaque région, représentant un ensemble biogéographique, des coefficients de corrélation linéaire ont été calculés entre le NDVI et des variables climatiques au pas de temps mensuel. Ces corrélations peuvent être calculées pour des variables mesurées le même mois ou des variables combinant des mesures du même mois et/ou des mois antérieurs (jusqu’à 2 mois). En effet, les valeurs mensuelles de NDVI ont été successivement corrélées aux valeurs mensuelles de différents paramètres climatiques du mois en cours (colonne 0), du premier mois avant (colonne 1), du cumul du premier mois avant et du mois en cours (colonne 1+0), du cumul des deux mois avant et du mois en cours (colonne 2+1+0) et du cumul des 3 mois avant (2+1). Les résultats sont présentés dans les tableaux 8, 9 et 10. Seuls les coefficients de corrélation sont présentés, le but étant de mettre en évidence, dans cette première analyse, le niveau de dépendance entre le NDVI et les données climatiques.

Tableau 8 : Relations entre NDVI et Pluie 0 1 1+0 2+1+0 2+1 Korhogo (Nord) 0.67 0.74 0.79 0.84 0.76 Odienné (Nord-Ouest) 0.65 0.70 0.75 0.76 0.68 Bouaké (Centre) 0.56 0.61 0.73 0.76 0.74 Daloa (Centre-Ouest) 0.40 0.62 0.61 0.69 0.64 Agnibilekrou (Ouest) 0.60 0.58 0.66 0.66 0.55 Gagnoa (Sud-Ouest) 0.38 0.48 0.54 0.51 0.40

Les meilleures corrélations mensuelles sont obtenues en comparant le cumul des hauteurs pluviométriques des deux mois avant et du mois courant au NDVI du mois en cours. Bien évidemment, les plus fortes corrélations enregistrées dans les régions de savane du Nord à Korhogo (0,84) et à Odienné (0,76) et du Centre à Bouaké, traduisent bien la sensibilité de ces formations végétales aux variations saisonnières pluviométriques. Ces fortes corrélations entre NDVI et pluies mensuelles diminuent quand on descend en latitude. En effet, plus au Sud, dans la zone forestière à deux saisons humides, où les réserves hydriques du sol sont permanentes sur la quasi-totalité de l’année, en dehors des années très sèches, la corrélation entre NDVI et pluies mensuelles sont moyennes. Ainsi sur les marges de la zone forestière, ces corrélations ne sont que de 0,69 à Daloa et de 0,66 à Agnibilekrou. Les plus faibles corrélations sont obtenues à l’intérieur de la zone forestière (0,54 à Gagnoa), là où la pluviosité est la plus abondante du pays et réparties sur un plus grand nombre de mois dans l’année (au moins 8).

Tableau 9 : Relations entre NDVI et Nombre de jours de pluie 0 1 1+0 2+1+0 2+1 Korhogo (Nord) 0.66 0.70 0.73 0.73 0.65 Odienné (Nord-Ouest) 0.78 0.79 0.84 0.82 0.71 Bouaké (Centre) 0.68 0.71 0.77 0.75 0.63 Daloa (Centre-Ouest) 0.33 0.51 0.50 0.52 0.48 Agnibilekrou (Ouest) 0.49 0.56 0.58 0.54 0.51 Gagnoa (Sud-Ouest) 0.49 0.53 0.60 0.54 0.42

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Des résultats similaires sont obtenus, en comparant les valeurs mensuelles (tous mois confondus) du nombre de jours de pluie et du NDVI (tableau 9). Les meilleures corrélations s’établissent toutefois en comparant le cumul des hauteurs pluviométriques du premier mois avant et du mois courant au NDVI du mois en cours. Les régions de savane du Nord et du Centre enregistrent toujours les plus fortes corrélations. Celles-ci sont estimées entre 0,73 et 0,84.

En dehors de la pluviosité, d’autres paramètres du climat entretiennent des relations fortes avec la végétation. Les tests ont été limités à l’évapotranspiration potentielle (ETP), à la température et à l’insolation. Les résultats sont contenus dans le tableau 10 (ci-dessous). On observe que sur les trois paramètres climatiques étudiés, l’ETP est la mieux corrélée avec le NDVI pour les mêmes mois. Comme pour la pluviosité, c’est dans le Nord que la dépendance de la végétation à l’ETP est la plus remarquable. Les coefficients de corrélation négatifs varient en effet de –0,80 dans les savanes du Nord à Korhogo à –0,61 dans les savanes pré-forestières de Bouaké.

Tableau 10 : Relations entre NDVI et les autres paramètres du climat ETP Température Insolation 0 1 0 1 0 1 Korhogo (Nord) -0.80 0.68 -0.56 -0.38 -0.43 -0.63 Odienné (Nord-Ouest) -0.74 -0.43 -0.2 - -0.19 -0.34 Bouaké (Centre) -0.61 -0.35 -0.56 -0.29 -0.21 -0.24 Daloa (Centre-Ouest) -0.53 -0.26 -0.42 -0.18 -0.15 -0.19 Agnibilekrou (Ouest) -0.48 -0.32 -0.30 -0.12 -0.005 -0.1 Gagnoa (Sud-Ouest) -0.45 -0.1 -0.18 - - -0.007

En considérant l’ensemble des paramètres climatiques étudiés, nous avons essayé à partir de régressions multiples d’expliquer les variations mensuelles de l’indice de végétation dans chaque région. Dans les calculs, nous avons tenu compte des déphasages mentionnés dans les tableaux ci-dessus. Les résultats contenus dans le tableau 11 (ci-dessous) indiquent une forte dépendance du NDVI vis-à-vis des conditions climatiques du moment. Les variances exprimées oscillent entre 60% et 80%, les plus fortes valeurs étant enregistrées dans les régions de savane du Nord. On peut donc dire que toutes les variations significatives des conditions climatiques sont susceptibles de modifier profondément les surfaces végétales.

Tableau 11 : Régression multiple entre NDVI et les paramètres du climat

Dégré de liaison 4 Paramètres de prédictionRégions R R2 Cste P Nb J P ETP Temp. Inso. Korhogo (Nord) 0.89 0.80 136.52 0.0214 0.0523 - 1.6184 0.0748Odienné (Nord-Ouest) 0.88 0.78 150.05 - 0.9229 - 1.884 0.0956Bouaké (Centre) 0.82 0.68 199.91 0.0174 0.7649 - - 0.0783Daloa (Centre-Ouest) 0.79 0.63 230.17 0.0370 - - - 0.1191Agnibilekrou (Ouest) 0.77 0.59 25874. -1.971 - 14.53 - - Gagnoa (Sud-Ouest) 0.78 0.61 228.09 - 0.6558 -0.356 - 0.1630

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La prise en compte des paramètres climatiques dans le modèle de régression multiple varie d’une région à une autre. Certains paramètres climatiques ont en effet moins de poids que d’autres dans l’explication de la variance des états de surfaces. C’est ainsi que par exemple pour les stations Bouaké, Daloa, Agnibilekrou et Gagnoa, situées dans la moitié Sud, la température n’est pas prise en compte dans le modèle de régression linéaire.

A partir de ces paramètres de prédiction, il est ainsi possible d’estimer le NDVI en fonction des données climatiques (figure 43 ci-dessous). Les variances calculées (déjà évoquées), indiquent que l’estimation est plus ou moins satisfaisante suivant les régions. Dans les régions des savanes du Nord, avec une variance de 0,78 à 080, le NDVI est bien estimé par les données climatiques. Dans les autres régions, le modèle d’estimation se dégrade. Le NDVI estimé n’est proche du NDVI observé que dans 68% des cas dans la zone de savane pré-forestière du Centre (Bouaké). Dans la zone forestière, ce pourcentage ne dépasse pas 63.

Figure 43 : Comparaison entre le NDVI observé et le NDVI prédit

Prédiction du NDVI à Bouaké

Valeurs observées (Compte Numérique)

Val

eurs

pré

dite

s (C

ompt

e N

umér

ique

)

150

160

170

180

190

200

210

220

230

140 150 160 170 180 190 200 210 220

Prédiction du NDVI à Korhogo

Valeurs observées (Compte numérique)

Val

eurs

pré

dite

s (C

ompt

e nu

mér

ique

)

150

155

160

165

170

175

180

185

190

195

200

205

210

215

130 140 150 160 170 180 190 200 210 220

Prédiction du NDVI à Odienné

Valeurs observées (Compte Numérique)

Val

eurs

pré

dite

s (C

ompt

e N

umér

ique

)

140

150

160

170

180

190

200

210

220

140 150 160 170 180 190 200 210 220 230

Prédiction du NDVI à Daloa

Valeurs observées (Compte Numérique)

Val

eurs

pré

dite

s (C

ompt

e N

umér

ique

)

160

170

180

190

200

210

220

230

150 160 170 180 190 200 210 220 230

104

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5 Conclusion L’analyse des données bioclimatiques a permis de mettre en évidence la diminution brutale des hauteurs pluviométriques à partir des années 70 et la persistance de ce phénomène au cours de la dernière décennie (1990-1999). En règle générale, les différentes procédures statistiques utilisées mettent en évidence, l'existence d'une rupture survenue durant la décennie 60 ou au début de la décennie 70. Ce phénomène semble s'être manifesté plus tardivement pour les stations du littoral, la rupture dans les séries pluviométriques n’étant identifiée dans cette région qu’à partir des années 80. Cette situation perdure donc depuis plus de trois décennies. Elle semble s'être intensifiée durant la décennie 80. La baisse de la pluviométrie est aussi mise en lumière par la nette tendance au glissement des isohyètes vers le Sud-Ouest à partir de la décennie 70. Ce phénomène s'est installé d'abord sur le quart Nord-Est du pays et se prolonge par la suite vers le Sud-Ouest. Cette baisse des précipitations n'a pas eu la même intensité partout. Par rapport au reste de la Côte d’Ivoire, l'ensemble des stations de l'Ouest et de l'Est l'ont ressenti faiblement.

Le suivi spatio-temporel de la phénologie du couvert végétal permet de tirer des conclusions similaires sur la variabilité interannuelle des conditions bioclimatiques. En effet, quel que soit l’indicateur utilisé (NDVI annuel, coefficient de variation, vecteur de changement), les années à pluviométrie exceptionnellement déficitaire comme 1982, 1983 et 1984 apparaissent comme des années de très faible production de biomasse. Inversement, les années de forte pluviométrie comme 1985 et 1986 enregistrent de forte production de biomasse. Les régions les moins affectées par cette dynamique interannuelle sont celles de l’Ouest du pays, marquées par la constance des fortes précipitations et la présence de grands massifs forestiers.

L’utilisation de la méthode STATIS a permis de confirmer au niveau annuel la co-variation entre ces phénomènes bioclimatiques. En effet, dans les deux milieux étudiés (forêt et savane), on a pu identifier des années exceptionnelles communes aux variables climatiques et aux NDVI entre 1980 et 1999. Il s’agit pour le Sud des années 1982, 1983, 1987, 1996 et 1997 (ces années sont moins marquées à l’Ouest), et pour le Nord des années 1982, 1983, 1984 et 1985. Les variations mensuelles du NDVI, en rapport avec les données climatiques, ont été expliquées à partir d’une régression multiple. Les résultats indiquent une forte dépendance du NDVI vis-à-vis des données climatiques, surtout dans les savanes du Nord, la variance expliquée atteignant 80%. La région des savanes est donc bien évidemment celle qui subit le plus les effets des fluctuations climatiques. Cette vulnérabilité du couvert végétal aux incertitudes du climat est aussi perceptible (mais dans une moindre mesure) dans certaines régions du Sud du pays (Daloa dans le Centre-Ouest avec 63 % de variance) où la forêt a été remplacée par une mosaïque de culture et de jachère.

L’aménagement des massifs forestiers doit donc tenir compte des incidences des critères éco-climatiques. Dans les régions où le déficit hydrique est le plus sensible, la fragilité relative de certaines formations forestières selon le contexte régional peut influencer un certain nombre de décisions d’aménagement portant notamment sur :

- le choix de l’objectif d’aménagement – conservation plutôt que production – ; des formations à caractère plus humide que celles de la région environnante seraient à exclure des ‘séries de production’ pour éviter leur affaiblissement par ouverture du couvert, que ce soit lors d’exploitations ou d’éventuels travaux sylvicoles ;

- l’établissement des critères d’exploitabilité des espèces commercialisables ; certaines sont à protéger, là où elles se trouvent à la limite " sèche " de leur aire, soit partiellement, en rehaussant leur diamètre d’exploitabilité par rapport à leur région

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d’optimum écologique, soit totalement en les plaçant sur la liste des espèces protégées interdites d’exploitation pour la forêt concernée ;

- les mesures préventives de lutte contre les feux : surveillance et entretien de pare feux ; les lisières des massifs doivent être particulièrement surveillées, notamment le long des axes routiers ou en cas de nouveaux défrichements en bordure de forêt ; une certaine attention doit être apportée au calendrier des travaux, afin d’éviter d’en réaliser certains (fauchages d’entretien sur layons de délimitation ou en bord de piste et de route, éventuels délianages, etc.) à des périodes sèches.

Par ailleurs, les inquiétudes existant sur le plan de l’évolution des climats et de son incidence sur la végétation rendent indispensable leur prise en compte dans un suivi écologique (éco-climatique) régionalisé :

- il importe d’actualiser au niveau local la connaissance des paramètres moyens du climat, en particulier la quantité de pluie et sa répartition au long de l’année ;

- tout aussi importante est l’étude de l’évolution tendancielle et fréquentielle de la pluviométrie pour les plus longues séries d’observations disponibles dans chaque région forestière ;

- réalisé en parallèle avec des observations régulières sur l’état des peuplements forestiers naturels, la mortalité des espèces et leur régénération, le suivi dans le temps d’éventuels accidents climatiques (stress hydriques trop forts ou répétés) pourraient permettre d’améliorer la connaissance du fonctionnement de l’écosystème ‘forêt dense humide’ en liaison avec les climats.

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Chapitre 3 Dynamique agro-démographique et amenuisement des ressources forestières dans un contexte de variabilité climatique

L’un des faits marquant de l’histoire post-coloniale du peuplement de la Côte d’Ivoire est celui des migrations agricoles. Le mouvement des populations a toujours été favorisé par plusieurs causes. Nous citerons entre autres les potentialités offertes par le milieu d’accueil, la saturation des terres dans les régions d’origine. Les migrants se dirigent en priorité vers les espaces forestiers du Sud du pays, considérées comme des terres à hauts rendements agricoles. Afin de discriminer les régions fortement attractives de celles qui le sont faiblement, les données des recensements de 1988 et de 1998 sont analysées en rapport avec les réserves forestières et la pluviométrie annuelle qui leur sont contemporaines. La mise en relation de ces couches d’informations à partir des méthodes géostatistiques débouche sur l’évaluation du niveau de pression foncière et l’analyse du risque de disparition de la ressource forestière encore préservée. Nous analysons également dans ce chapitre, les risques de blocage structurel du système agricole de plantation basée essentiellement sur la mise en culture des terres forestières.

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1 La ruée vers les terres forestières humides

.1.1 Des taux d’accroissement de la population rurale fortement dépendant du niveau de réserve forestière

La figure 44 qui suit fait apparaître des variations spatiales dans la localisation et l’accroissement de la population entre 1988 et 1998 en rapport avec les ressources forestières et les conditions hydriques. En effet, l’Est du pays (à l’exception du coin Sud-Est), marqué par l’absence de grands massifs forestiers et où la pluviométrie annuelle est inférieure à 1 400 mm, apparaît comme un milieu peu habité avec les taux d’accroissement les plus faibles. La quasi-disparition du couvert forestier dans cette région est le résultat d’un dynamisme agricole ancien. En fait jusqu'en 1965, l'immigration de la force du travail pour la culture du café et du cacao se dirige en priorité dans le Sud-Est du pays. C'est surtout dans le Centre-Est aujourd'hui appelé ancienne "boucle du cacao", qu'on assiste à l'expansion de la production du café et du cacao. Dans cette région, le comportement des planteurs face à la forêt peut se structurer en 3 phases (Gastellu, 1978). Dans un premier temps, la forêt étant disponible, les chefs d'exploitation se sont appropriés la terre, de façon anarchique. Dans un deuxième temps, la forêt commençant à disparaître, les planteurs ont fait pression pour obtenir le déclassement de celle qui subsistait (dans le temps, ils remettaient en activité d'anciennes plantations à l'abandon, et ils s'installaient délibérément dans les forêts classées). Enfin, avec l'épuisement des terres, la seule solution pour avoir accès à la forêt est l'exode en direction des contrées voisines, soit d'Abengourou à l'Est, soit de Tiassalé plus au Sud.

Les régions encore forestières de l’Ouest, à pluviométrie annuelle supérieure à 1400 mm concentrent, quant à elles, plus des deux tiers des lieux habités (figure 44). Les taux d’accroissement entre 1988 et 1998 y sont les plus importants. Ce mouvement de colonisation des terres fertiles est d'autant plus impressionnant qu'à la différence des autres régions, la nouvelle ceinture agricole couvre une zone qui englobe les espaces forestiers les plus importants du pays. Les paysans entament ainsi aujourd'hui les dernières réserves forestières du pays. Commencés à partir de 1970, le peuplement et la mise en valeur de cette région sont à mettre en rapport avec une volonté politique de rééquilibrage régional (Hauhouot et al.,1984 ; Koli Bi, 1990). L'Etat ivoirien s'est attaché à mettre en place un environnement juridique et des infrastructures permettant la mise en valeur rapide de ces régions par l'exploitation forestière et agricole. Ces dispositions visaient à laisser pleinement jouer les dynamiques paysannes : politique d'immigration non restrictive de la main-d’œuvre - établissement d'un système de commercialisation et de prix qui permettait le maintien du pouvoir d'achat des planteurs sur le long terme - cadre juridique garantissant l'accès aux terres forestières et incitant même les populations autochtones à les céder aux migrants, comme l'impliquait le slogan " la terre appartient à celui qui la met en valeur ". En réalité, la terre était cédée aux migrants, avec la bénédiction des autochtones, et contre des dons symboliques (alcool, coq, modique somme d’argent). S’installait alors un système de tutorat entre l’accueillant et l’arrivant dont l’un des fondement est l’entraide.

Le calcul du coefficient de corrélation permet de connaître d’un point de vue statistique le facteur du milieu (niveau de pluviométrie, réserve forestière) qui explique le plus le taux d’accroissement de la population agricole. L’analyse statistique révèle bien que les réserves forestières humides jouent, un rôle important dans la mobilité spatiale de la population. La figure 45 (ci-après) indique en effet que les réserves forestières disponibles en 1998 sont fortement corrélées aux variations spatiales du taux d’accroissement de la population agricole. Le coefficient de corrélation est de 0,65. Ce chiffre est d’autant plus remarquable

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qu’il doit être replacé dans le contexte des études en sciences sociales où les relations de causes, à effet, sont assez rares. L’attrait exercé par les terres forestières sur les populations agricoles s’explique par le fait que ces terres sont considérées comme les plus propices à la culture de plantation. Dans une agriculture utilisant peu d’intrants, les jachères et les forêts secondaires apparaissent peu fertiles et sont de ce fait reléguées au second plan des facteurs de production agricole. L’extension et/ ou la création d’une exploitation ne peut se faire que par défrichement de la forêt.

Figure 44 : Relations spatiales entre niveau de pluviométrie, couverture forestière et taux d’accroissement

N

4° 3°

6° 5°

Massifs forestiers en 1998

Taux d'accroissement de la population de 1988 à 1998

Isohyète 1400 mm au cours de la décennie 90

Isohyète 1400 mm au cours de la décennie 50

100 0 100 200 Kilomètres

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Figure 45 : Relations statistiques entre réserves forestières et taux d’accroissement de la population rurale

Sud forestier ivoirien

R = 0.65

-10

0

10

20

30

40

50

60

0 10 20 30 40 5

Forêt en 1998 (%)

taux

d'a

cc. D

e la

pop

ulat

ion

rura

le19

88-9

8

0

En revanche, les relations statistiques entre le niveau de pluviométrie des années 90 et celle du taux d’accroissement de la population rurale ne sont pas clairement établies. Le coefficient de corrélation entre ces deux paramètres est de 0,4 (figure 46 ci-dessous). Ce faible niveau de relation est lié à la relative homogénéité dans la diminution de la pluviométrie dans le Sud forestier ivoirien. Très peu de stations ont en effet échappé à la baisse généralisé des précipitations qui s’est amorcé depuis la fin des années 70 et qui se poursuit aujourd’hui (cf. chap. 1). La variabilité pluviométrique ne constitue donc pas un facteur déterminant dans la mobilité spatiale de la population rurale. Mais elle y contribue indirectement dans la mesure où elle conditionne la dynamique des couverts végétaux et des sols par le biais de la régulation des réserves d’eau.

Figure 46 : Relations statistiques entre hauteurs pluviométriques annuelles et taux d’accroissement de la population rurale

Sud forestier ivoirien

R = 0.4

0

10

20

30

40

50

60

800 1300 1800 2300Pluie annuelle en mm

taux

d'a

cc. d

e la

pop

ulat

ion

rura

le19

88-9

8

110

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.1.2 Un courant migratoire nettement dominé par les flux en direction des zones encore forestières

Le tableau 12 (ci-après) et la figure 47 (ci-dessous) indiquent pour chaque région la structure de la population en fonction du lieu d’origine. Les chiffres font apparaître, des inégalités inter-régionales dans les échanges migratoires. La proportion de migrants varie en effet de 6 % dans la région du Zanzan (Nord-Est) à 43 % dans la région du Bas Sassandra (Sud-Ouest). Ces données confirment la situation de 1988 qui classe le Sud-Ouest, avec 35 %, en première position pour son taux d’immigration.

Le Sud-Ouest et l’Ouest sont ainsi la destination privilégiée des migrants. Cette région est en effet l’une des plus arrosées de la Côte d’Ivoire et où les massifs forestiers sont les mieux conservés. Elle attire de ce fait les agriculteurs des autres régions et les sociétés agro-industrielles à la recherche de terres fertiles. Ces motivations sont aussi valables pour les régions du moyen Cavally et du Fromager, situées à l’Ouest, qui attirent respectivement 35 et 31 % de migrants. Avec 6% de taux d’immigration, le Nord-Est est la région la moins attractive. A l’évidence, le faible niveau de précipitation (inférieur à 1 400 mm) et l’existence d’une végétation de savane, en réduisant fortement les potentialités agricoles, contribuent à réduire l’attractivité de la région. Cette situation est aussi valable pour les régions des Savanes et du Denguélé qui enregistrent les plus faibles proportions d’immigrants. Certaines régions, peu attractives, constituent au contraire des foyers importants de départ. C’est ainsi que les régions de la vallée du Bandama, des Lacs, et du Nzi-Comoé en zone de savane sont les principales pourvoyeuses d’immigrants pour l’ensemble les régions du Sud-Ouest et de l’Ouest.

Figure 47 : Niveau d’attractivité des différentes régions de Côte d’Ivoire

Structure de la population dans le sud-ouest (Bas Sassandra) en fonction de la provenance

Est

Nord

autres régions de l'ouest

Bas-Sassandra (sud-ouest)

Structure de la population dans l'est (N'zi Comoé) en fonction de la provenance

N'zi Comoé (est)

nordouest

Autres régions de l'est

88%

4,90% 4%

3,30%57%

16,70%

16,90%

9,60%

Structure de la population dans l'ouest (Moyen Cavally) en fonction de la provenance

Estnord

Moyen-Cavally (ouest)

autres régions de l'ouest

65%

9,60%12,50%

13%

Structure de la population dans le nord (Savanes) en fonction de la provenance

Savanes (nord)

ouest

autres régions du nordEst

91%

4,20%2,80%

2,20%

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Cette attractivité des régions de forêt est clairement mis en évidence dans le tableau 12 ci-dessous

Tableau 12 : Poids démographique des migrants dans les principales zones de production agricole en zone forestière

Régions Population Autochtones % Migrants ivoiriens %

Etrangers %

Est (ancienne boucle du cacao)

Moyen-comoé 394 758 41,5 15,1 43,4

Sud-Comoé 459 487 39,8 15,2 45,0

Centre-Ouest (nouvelle boucle du cacao)

Sud-Bandama 682 021 22,0 41,5 36,5

Haut-Sassandra 1 071 977 24,4 40,7 34,9

Sud-Ouest (nouveau front pionnier)

Bas-Sassandra 1 395 251 11,8 45,3 42,9

Moyen-Cavally 508 733 28,2 35,8 36,0

Ensemble 4 512 727 23,6 36,9 50,4

Source : RGPH, 1998

La région de l’Est est une région d’immigration ancienne (comparativement aux régions du Sud-Ouest et du Centre-Ouest), en rapport avec l’essor de l’économie de plantation cacaoyère et caféière du début des années 50. Ces migrants à en croire les habitants seraient originaires du Nord et des pays limitrophes de la Côte d’Ivoire. Duchemin (1979) précise que ces migrants sont principalement issus du Burkina-Faso et, secondairement, du Mali. Nombre d’entre eux, le plus souvent à la recherche de travaux champêtres, racontent qu’ils ont été attirés par la prospérité de la région. Cette prospérité est liée à des productions agricoles importantes permises par l’abondance des précipitations et l’écosystème forestier. L’arrivée de ces migrants s’est faite, parfois, sur l’invitation des parents installés dans la région (oncle, grand frère, cousin). Ces migrations sont à la fois temporaires et définitives. Elles sont temporaires pour les commerçants venus acheter, lors des traites, le café et le cacao, ainsi que les vivriers et les maraîchers. Les migrations sont aussi temporaires à cause de la dégradation des conditions éco-climatiques de mise en culture : récession pluviométrique, déforestation et dégradation des sols. Ainsi, les populations immigrées se tournent lors d’une deuxième étape vers d'autres régions capables de leur procurer des terres à haut rendement agricole. Les immigrations définitives concernent les personnes installées dans la localité depuis de nombreuses années. Celles-ci se sont intégrées au système socio-économique et culturel Agni. Ces populations allochtones et allogènes possèdent des exploitations et des biens immobiliers. Il leur est difficile de retourner dans leur région ou pays.

Cette immigration est actuellement peu importante comparativement à celle en cours dans le Sud-Ouest et le Centre-Ouest. En 1998, dans les régions du Moyen-Comoé et du Sud-Comoé, la part des migrants dans la population totale n’est que de 58% (dont seulement 15 % de migrants ivoiriens), alors qu’elle avoisine les 90 % dans les régions de l’Ouest (tableau 12).

Si cette région est devenue peu attractive du fait du vieillissement de son verger et de l’épuisement des sols, elle constitue en revanche un foyer de départ. 60 % des personnes

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enquêtées affirment qu’il y a départ de la population vers d’autres horizons. Ces départs concernent très peu les populations autochtones. En effet, tous affirment que très peu d’autochtones ont quitté la région à la recherche de terres plus humides au Sud. La raison en est que les autochtones ne sont pas dans un processus un migratoire. Ils sont pour la plupart propriétaires de plantations : à Abengourou et Agnibilekrou, par exemple, 90% des plantations appartiennent aux planteurs Agni. De plus, les enfants anciennement scolarisés grâce aux revenus du cacao, constituent, aujourd’hui, un soutien potentiel pour les parents.

Par contre, dans la zone Centre, le déplacement de la boucle du cacao s’est fait avec un mouvement massif de la population Baoulé à la recherche de zones humides et de terres arables. Les enquêtes révèlent aussi qu’une partie de la migration rurale s’effectue vers les autres régions du pays, en l’occurrence vers Soubré, Divo, Lakota. Ces réponses soulignent le fait que cette zone de grande immigration n’est plus attrayante pour les agriculteurs ivoiriens et étrangers à la recherche de travail dans les plantations de café et de cacao. La raison fondamentale qui explique ces mouvements de populations est la quête d’un mieux être social à travers d’une part, la recherche de terres fertiles et d’autre part, la prestation de services (ouvriers agricoles) dans les plantations (café, cacao, hévéa, palmier). Des départs, il en résulte un manque de main d’œuvre agricole.

Le Centre et le Nord constituent également d’importantes sources d’émigration vers le Sud et surtout l’Ouest. Cette migration touche toutes les tranches d’âge, exception faite des classes de vieillards. Dans les villages, les populations restantes aujourd’hui sont moins nombreuses que celles vivant dans la moitié Sud du pays. De nombreux arguments justifient ces départs : ces migrants sont guidés par le souci de réduire leur état de pauvreté. Ces populations ont également pour souci de résoudre le problème de la saturation foncière qui commence à se poser comme une difficile équation dans certains villages. En dehors des campagnes du Sud, les grandes villes constituent aussi des pôles d’attraction de migrants. Dans ces régions connues pour la force de leur émigration rurale, c’est peut-être la nouvelle émigration urbaine qui compense le traditionnel déficit migratoire (Beauchemin, 2001).

Les régions de savanes sont très peu attractives en terme d’immigration. En 1988, la population était composée de plus de 80% de natifs selon le RGPH. En 1998, ce taux dépasse les 90%. Le phénomène d’immigration reste donc faible dans l’ensemble mais d’amplitude variable d’un village à un autre. Il ressort en effet de nos investigations que certains villages sont des zones d’accueil des populations étrangères, principalement du Mali. C’est l’exemple de Néguépié, à une vingtaine de kilomètres au Sud Ouest de Tengrela où l’on enregistre une proportion importante d’étrangers. Ces Maliens dont le nombre va grandissant sont, à l’exception de ceux installés depuis plusieurs années (30 ans au moins), soit des bergers, soit des manœuvres agricoles. Ceux-ci expliquent leur venue dans la région par la recherche d’un mieux être. Beauchemin (2001) lie aussi cette croissance migratoire relativement importante dans le Nord-Ouest au retour des émigrants.

Contrairement aux autres régions du pays, les régions du Centre-Ouest et du Sud-Ouest sont des bassins de grande immigration. Plusieurs villages en portent la marque. La région compte en effet de nombreux villages entièrement peuplés par des allochtones (baoulé et malinké) et des allogènes (burkinabé et malien). Ce constat reste conforme aux données du RGPH, citées ci-dessus. En effet, entre 1988 et 1998, le RGPH indique que seule 58 % de la population était considérée comme des autochtones de la région. Ce faible taux de natifs dans la population de la nouvelle zone agricole montre la recomposition actuelle de la population sur ce territoire. Le peuplement et la mise en valeur de la région à partir de 1970 est à mettre en rapport Schwartz (1977), avec une volonté politique de rééquilibrage régional (Schwartz 1977 ; Hauhouot et al., 1984). L’Etat ivoirien s’est attaché, à cette époque, à mettre

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en place un environnement juridique et des infrastructures permettant la mise en valeur rapide de ces régions par l’exploitation forestière et les cultures du café et de cacao. Aujourd’hui, avec l’épuisement des terres dans les anciennes régions de production agricole, le Sud-Ouest et le Centre-Ouest constituent les seuls espaces où la culture du café et du cacao est susceptible de bénéficier de conditions écologiques optimales. Ces migrations sont pour la plupart définitives. 88% des enquêtés répondent en effet en faveur d’une installation définitive.

L’analyse du dynamisme de la population agricole ne saurait se limiter aux flux migratoires inter ruraux. En effet, ces mouvements de populations ne se font pas seulement entre pays ruraux mais aussi ville et campagne. En fait, les relations ville-campagne ont été longtemps dominées par l’exode rural, dans les études sur les migrations. Ce flux était alors perçu comme une composante essentielle de l’urbanisation dans les théories de modernisation. Dans ces théories, il était exclu l’idée d’un mouvement de désurbanisation qu’alimenterait un flux dominant d’émigration urbaine (migration ville-campagne). Or, depuis quelques années, plusieurs études montrent, dans les pays du Sud, l’importance croissante des flux d’émigration urbaine, c’est-à-dire des migrations qui conduisent les individus des villes vers les campagnes (Champion, 1998). Dans le contexte africain en particulier, ce flux prend de l’ampleur, au point de devenir dominant dans certaines régions ou certains pays, tels que la Zambie ou la Côte d’Ivoire (Potts, 1995 ; Beauchemin, 2001).

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2 De la mise en valeur agricole au tarissement des ressources forestières

Avant l’époque coloniale, les populations rurales ivoiriennes pratiquaient un système de gestion des terres, basé sur des temps de repos suffisamment long (plus de 25 ans), qui permettait à la terre de retrouver son capital de production après sa mise en culture. Les défrichements n’étaient pas systématiques et épargnaient les arbres utiles. L’agroforesterie était donc déjà connue en tant que méthode de gestion des forêts. A cette époque, les faibles densités de populations rurales et l’économie de subsistance autorisaient de telles pratiques gestionnaires. Avec le passage à l’économie monétaire et la mise en place d’une agriculture marchande, la forêt est devenue un enjeu économique. La mise en valeur rapide des espaces forestiers qui s’en est suivie aboutit nécessairement à une modification des paysages. L’ampleur de ces modifications reste variable d’un milieu à un autre, dépendamment de l’histoire de l’économie de plantation. Mais quel que soit le milieu considéré, la raréfaction des terres forestières marque la fin progressive du système de l’économie de plantation dévoreur d’espace, étant de ce fait contraint à évoluer vers des systèmes culturaux de plus en plus intensifs.

.2.1 L’état actuel du couvert végétal L’étude ne concerne que trois régions où l’histoire de l’occupation du sol est fondamentalement différente. Il s’agit : de l’ancienne boucle du cacao situé à l’Est ; de la nouvelle zone agricole dans le Centre-Ouest et le Sud-Ouest et des savanes du Nord.

L’acquisition de sept scènes SPOT permet de faire l’état de l’occupation du sol en 2000 dans ces différentes régions (figure 48). Même si la résolution spatiale des images SPOT (20 m x 20 m) reste inférieure à celle des photos aériennes (environ 1 m x 1 m), ce type d’image est classée parmi les images à haute résolution spatiale et permet, de ce fait, de faire l’étude du paysage à grande échelle (les échelles cartographiques équivalentes sont de l’ordre de 1/25 000 à 1/ 50 000. De plus, l’utilisation de plusieurs canaux permet une approche plus efficace de l’occupation du sol. Les principaux thèmes cartographiés sont les suivants :

- Forêt : sol occupé principalement par la forêt primaire ou secondaire ;

- Forêt dégradée : sol occupé par la forêt à canopée discontinue avec présence de cultures, jachères, recrus sur jachère et culture sous forêt ;

- Savane boisée ou forêt dense sèche ;

- Savane arborée ou arbustive ;

- Zone de cultures ou jachères ;

- Cultures pures (rizières de bas-fonds, café/cacao, palmier, hévéa, manguier, citronnier, oranger) ;

- Sol nu.

L’analyse des images SPOT montre, de façon générale, que le processus de déforestation est presque achevé. La demande en terre cultivable pour une population toujours croissante conjuguée à l’exploitation forestière conduit à la disparition quasi totale de la forêt. Aujourd’hui, l’essentiel du paysage est composé de jachères d’âges différents, de cultures et d’îlots forestiers. Cette combinaison paysagère est le signe du recul de la forêt

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sous l’effet d’une forte emprise humaine. L’importance du processus de déforestation détermine la physionomie de la végétation dans les différentes régions ivoiriennes.

Figure 48 : Localisation des fenêtres SPOT étudiées

6° 5° 4°7°8° 3°

10° 10°

9° 9°

8° 8°

7° 7°

6° 6°

5° 5°

8° 7° 6° 5° 4° 3°

Burkina Faso

Mali

Guinée

Libéria

Océan Atantique

Ghana

Tengrela

Forêt Classée du Haut Sassandra

Forêt Classée de la Bossemeatié

Soubré

Agnibilekrou

0 50 100 Km

NZone forestièreZone de savane arborée et de savane herbeuse

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2.1.1 Les paysages de vieilles plantations de la région Est 2.1.1.a a- Occupation du sol dans le secteur d’Abengourou La région offre un paysage constitué en grande partie de mosaïque culture / jachère (figure 49 ci-après, photo 1 et 2). Ce thème occupe en effet 74% de l’espace étudié. Cette mosaïque culture/jachère est un mélange de friches et de vieilles plantations de café-cacao quasi abandonnées. Cette région a connu, au cours des années 50 et 60, un dynamisme agricole important, surtout dans la culture du cacao, qui lui a valu le nom de boucle du cacao. Au plan de la superficie, la région détenait entre 22 et 28 % des surfaces totales de cacaoyers cultivés en Côte d’Ivoire, de 1950 à 1968. De 1969 à 1972, cette proportion tombe à moins de 22 % sans faire perdre à la région son premier rang. Pour le caféier, la boucle du cacao occupait également la première place en ce qui concerne les superficies, de 1950 à 1952 et de 1955 à 1977, avec une part oscillant entre 12 et 22 % des superficies totales cultivées. Au plan de la production, la boucle du cacao se situait en tête de toutes les régions en détenant, jusqu’en 1968, plus de 28 % de la production du cacao (Affou, 1982). Au niveau de la production caféière, jusqu’en 1969, cette région conservait encore sa première place avec une part se situant entre 21 et 24 %. Liés à la saturation foncière, à l’épuisement des sols, aux conditions hydriques peu propices, on a assisté depuis les années 70 à un exode de populations vers l’Ouest et le Centre-Ouest plus favorable à l’agriculture de plantation. La conséquence est l’abandon des vieilles plantations, favorisant l’existence des jachères à faibles rendements

Photo 1 : Paysage de jachère à Abengourou avec, par endroit, des vieilles plantations de café-cacao, en arrière plan, on observe une forêt dégradée.

Le dynamisme actuel de l’agriculture est très peu marqué. Les espaces en culture pure occupent en effet moins de 1 %. Il s’agit de nouveaux vergers de caféier, cacaoyer, manguier, citronnier et oranger. Des espaces en forêt dégradée existent également dans de faibles proportions. Ces milieux, constitués d’îlots de forêt, de vieilles jachères et de forêt secondaire, de cultures pérennes ou vivrières n’occupent en effet que 6% la zone étudiée. A côté de ces milieux humanisés, subsistent encore quelques îlots de forêt dense. Ce sont des sols occupés à

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plus de 90% par la forêt primaire ou secondaire y compris les forêts galerie. Ces secteurs ne représentent que 16% de l’espace étudié et sont pour la plupart des forêts classées (FC Bossematié par exemple).

Figure 49 : Occupation du sol dans le secteur d’Abengourou

N

440000

440000

450000

450000

460000

460000

470000

470000

7000

00

700000

7100

00

710000

7200

00

720000

7300

00

730000

7400

00

740000

7500

00

750000

ForêtForêt dégradéeCulture ou Jachère

HabitatRetenue d'eaucours d'eau

4 0 4 8 Kilomètres

2.1.1.b Occupation du sol dans le secteur d’Agnibilekrou Agnibilekrou est localisé au Nord d’Abengourou. La végétation naturelle est dominée par les savanes arbustives surtout dans la moitié Nord (figure 50 ci-dessous). Cette formation

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végétale occupe environ 64% de la zone étudiée. La population pratique dans ces milieux une agriculture vivrière (riziculture, cultures maraîchères et autres cultures vivrières). Ces thèmes sont peu perceptibles sur l’image. Le Sud d’Agnibilekrou appartient à la zone de forêt mésophile. L’histoire de l’occupation du sol y est similaire à celle d’Abengourou. On note en effet, des espaces occupés par des mosaïques de vielles plantations, de jachères et de cultures. Comme à Abengourou, la présence de ces milieux est liée aux migrations de populations, vers l’Ouest du pays, à la recherche de terre à hauts rendements pour l’agriculture de plantation. Les espaces en forêt dense sont assez rares. Ils représentent moins de 1% de l’image. Dans cette région les forêts existent plutôt sous le faciès dégradé.

Figure 50 : Occupation du sol dans le secteur d’agnibilekrou

N

380000

380000

400000

400000

420000

420000

440000

440000

8000

00

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8200

00

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8400

00

840000

8600

00

860000

ForêtForêt dégradéeSavane boiséeSavane arborée ou arbustive

Culture ou JachèreHabitatRetenue d'eauCours d'eau

4 0 4 8 Kilomètres

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2.1.2 Les paysages de "front de défrichement " de l’Ouest

2.1.2.a Occupation du sol dans le secteur de Soubré (Sud-Ouest) La région de Soubré est marquée par un dynamisme agricole important. Elle est considérée comme la nouvelle ceinture agricole, ses productions étant actuellement les plus fortes au niveau national.

Figure 51 : Occupation du sol dans le secteur de Soubré

N

780000

780000

800000

800000

820000

820000

840000

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ForêtForêt dégradéeCulture ou JachèreRizière dans les bas-fondsHabiat

Retenue d'eau

PalmierHévéaCacaoyer

4 0 4 8 Kilomètres

Liée aux méthodes culturales extensives sur brûlis, l’augmentation des productions agricoles est fonction de l’accroissement des superficies cultivées ou défrichées. Les paysages dans la

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région de Soubré sont de ce fait en majorité composés de forêts dégradées (figure 52 ci-avant). En effet 69% des paysages de cette région est composés d’une mosaïque d’îlots forestiers, culture sous bois, de friches ou de jachères. La pression exercée sur les espaces forestiers est d’autant plus forte que cette région enregistre depuis les années 70, une arrivée massive de populations en provenance de milieux, soit en déclin (régions de l’Est, à cause de la saturation foncière et du vieillissement du verger café-cacao), soit peu favorables à l’économie de plantation cacaoyère (région des savanes et étrangères). Le dynamisme agricole de cette région est également marqué par la présence de paysages composés de culture ou de jachère. Ce paysage représente 18% de la zone étudiée. La riziculture de bas-fonds est aussi une classe d’occupation de sol révélatrice de l’intense activité agricole. Avec 5% de la superficie de la zone étudiée (18 000 ha en valeur brute), elle montre l’intérêt grandissant des bas de pente, autrefois négligés et considérés comme des secteurs insalubres, dans la mise en valeur agricole. Des blocs agro-industriels sont également présents dans la région. Il s’agit du palmier et de l’hévéa. Occupant respectivement 1% et 0,5% de la zone étudiée, ces cultures arborent, de façon mono-spécifique, de vastes étendues de terres et d’un seul tenant. Ce dynamisme agricole consommateur d’espace aboutit à un recul de la forêt. Les espaces en forêt dense n’occupent plus que 4% des terres. Ces lambeaux de forêt sont contigus aux espaces de cultures et sont en permanence susceptibles d’être défrichés.

2.1.2.b b- Occupation du sol dans le secteur de Daloa-Guiglo (Ouest) L’Ouest de la Côte d’Ivoire est la seule région où les massifs forestiers (photo 3) sont encore dominants. La forêt dense y représente en effet environ 25% des terres (figure 52 ci-après). Ces forêts appartiennent pour la plupart au domaine permanent de l’Etat (forêt classée du Haut Sassandra, forêt classée du Mont Peko).

Photo 3 : Vue aérienne de la forêt dense humide de l’Ouest ivoirien. Vue d’un point de perspective haute très occasionnelle ou d’avion, le toit de cette végétation est continu ; aucune protubérance ou aucune déchirure ne peut servir de repère ; mis à part les sillons laissés par les fleuves et par les très grandes pistes. L’aspect grumeleux du paysage semble partout le même, que les cimes soient par endroit des feuillages verts ou rouges ou encore qu’elles se réduisent à quelques branches grises et noueuses. (Koli bi, 1981)

121

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Figure 52 : Occupation du sol dans le secteur de Daloa-Guiglo

N

680000

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700000

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800000

ForêtForêt dégradéeCulture ou jachère

Habitat et/ou sol nuCours d'eauAffleurement rocheux

4 0 4 8 Kilomètres

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Photos 4 : Jeune plantation de caféiers-cacaoyers associés à des cultures vivrières . à Daloa. La destruction de la forêt est totale, comme en témoigne les troncs d’arbre mort.

Photo 4 : Les bas-fonds humides sont de plus en plus aménagés pour la culture du riz. Des digues ou casiers sont réalisés pour contenir l’eau.

A la différence des forêts classées des autres régions qui présentent des faciès très dégradés, celles-ci sont bien conservées. Les limites de ces forêts constituent tout de même des fronts de défrichement. On note parfois des infiltrations : c’est le cas dans le Nord de la forêt classée du Haut Sassandra. Ces forêts représentent aujourd’hui un enjeu pour les paysans en quête de

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terres neuves pour la culture du café et du cacao, mais aussi pour les cultures vivrières comme le riz (photo 4). En effet pour ces paysans, les terres à haut rendement sont celles où l’on trouve encore de la forêt. La création de nouvelles plantations ne peut procéder du remplacement de la forêt par des cultures. Les pressions foncières sur ces derniers bastions de la forêt ivoirienne iront croissant, d’année en année, avec l’arrivée massive de migrants issus des régions sans forêt et touchées par des stress hydriques répétés. Comme le Sud-Ouest, cette région est aussi caractérisée par un dynamisme agricole important. Cela se traduit par la présence de paysages composés d’espaces en culture sous bois et d’îlots forestiers. Le taux d’occupation de ces forêts dégradées est d’environ 43%. Les milieux marqués par l’exploitation agricole décrivent également un paysage où alternent des cultures et des jachères. Ceux-ci représentent 27% de la zone étudiée.

2.1.3 Le paysage peu humanisé des régions soudaniennes

La végétation naturelle dans la région de Tengrela est composée en grande partie par la savane arborée ou arbustive et boisée par endroit (photo 6). Ce type de paysage occupe un peu plus de la moitié de la surface totale de la zone étudiée. L’agriculture occupe également une place importante dans le paysage du Nord (44%). Le surcroît démographique a entraîné un raccourcissement des jachères, la mise en culture des bas-fonds autrefois jugés insalubres et le défrichement des îlots forestiers (Filleron, 1990). Les pressions humaines exercées sur le couvert végétal dans cette région sont liées à l’introduction pourtant encore timide de la culture attelée et à la vulgarisation des cultures commerciales comme le riz, le maraîchage, le coton, l’anacardier, etc.

Photo 5 : Paysage de savane arborée du Nord. Au premier plan, une savane herbeuse et en arrière plan, une forêt galerie.

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Figure 53 : Occupation du sol dans le secteur de Tengrela

N

760000

760000

780000

780000

800000

800000

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820000

1060

000 1060000

1080

000 1080000

1100

000 1100000

Cours d'eau et bas-fonds humidesSavane boiséeSavane arborée ou arbustiveCulture ou jachère

Habitat

4 0 4 8 Kilomètres

2.1.4 La place du vivrier marchand dans le paysage rural La baisse des rendements consécutive à la surexploitation des terres, a consacré l’essor de certaines cultures vivrières peu exigeantes d’un point de vue écologique. C’est, en effet, sur les terres peu fertiles des jachères ou d’anciennes plantations abandonnées que se développent des cultures vivrières marchandes peu exigeante écologiquement. Le manioc en offre un bel exemple. Cette plante, qui connaît une impulsion remarquable dans le Sud-Est à partir de la fin des années 70, est une des rares qui réussissent sur les sols épuisés des vieilles caféières abandonnées. Par ailleurs, le manioc présente bien des avantages : il

125

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s’accommode de façons culturales rudimentaires, peut rester en terre plusieurs mois, ce qui permet de le récolter selon les besoins.

Sur l’ensemble du Sud forestier, la culture du manioc a connu un fort développement ; les superficies ont augmenté de 28% entre 1975 et 1983, alors que pendant la même période, celles de l’igname stagnaient et celles de la banane plantain ou du riz diminuaient (Ministère de l’agriculture, 1984) ; cette croissance s’est poursuivie ensuite, même si l’absence de données statistiques précises ne permet pas d’en mesurer l’ampleur (Chaléard, 1996). L’essor du manioc répond pour une bonne part à l’augmentation de la demande urbaine. Celle-ci provient de la diffusion en milieu urbain de la consommation d’attiéké, sorte de couscous de manioc, et de l’explosion démographique des villes, singulièrement Abidjan. Autour des grandes villes comme Abidjan, passée de 46 000 habitants en 1945 à 951 000 en 1975 et 3 millions en 1998, la demande se traduit par une extension considérable de la culture. Dans les régions de savane aussi, les campagnes connaissent également une transformation sous l’influence d’un marché urbain en expansion. C’est l’exemple de Bouaké dans le Centre où sous l’effet de la demande urbaine, les agriculteurs ont accru la production de manioc à partir des années 80, au point de concurrencer la principale production agricole qui est l’igname.

L’ampleur du marché urbain, découlant du nombre important de ses consommateurs (près de 50 % de la population de la Côte d’Ivoire) conditionne donc énormément le développement de la production vivrière. Il s’agit, actuellement, pour les ruraux de répondrent à la demande alimentaire quasi quotidienne des villes en expansion. L’agriculture vivrière n’est plus une agriculture de subsistance, mais une agriculture commerciale. Cultivées autrefois en association avec les cultures pérennes, on assiste à une séparation dans l’espace et dans le système de production des cultures vivrières et des cultures arbustives, avec développement d’une rotation vivrier-jachère dans les bas-fonds et sur les jachères impropres au café et au cacao (Chaléard, 1996).

Des tendances lourdes de comportements peuvent être mises en évidence qui marquent d’une empreinte importante les processus de mise en valeur et les paysages ruraux.

L’Est de la Côte d’Ivoire offre l’image d’un espace d’agriculture ancienne, où la saturation foncière est avancée, mais où les cultivateurs sont engagés dans un processus de reconversion vers une agriculture plus intensive et où les productions vivrières prennent une place importante. Dans cette région, le café et le cacao l’emportent encore nettement dans les revenus et dans les superficies cultivées (plus de la moitié dans les deux cas). Les cultures vivrières tiennent néanmoins une place secondaire, mais représentent déjà un peu plus de 26 % du revenu agricole paysan jusqu’en 1990. L’importance des cultures vivrières dans le paysage agricole de la région apparaît plus clairement au niveau des superficies cultivées. En 1984, elles représentaient plus de la moitié de la surface totale cultivée. Dans tous les cas, le bilan des échanges vivriers avec les autres régions est nettement positif, ce qui signifie que les agriculteurs de l’Est sont capables de nourrir les villes proches et de produire des denrées alimentaires pour les cités plus lointaines. La figure 54 (ci-après) présente pour chaque département les principales cultures (plus de 10 000 t/an). Elle confirme l’intérêt porté aux cultures vivrières à l’Est. En effet, en dehors des départements d’Abengourou et d’Agniblilekro, où les cultures pérennes font encore partie des plus importantes, la plupart des départements de l’Est concentrent leurs efforts de production sur les cultures vivrières. Cette situation est plus remarquable pour les départements de Bongouanou, Daoukro, Dimbokro, ancienne boucle du cacao, où la production agricole est aujourd’hui dominée par le cheptel.

L’Ouest et le Sud-Ouest, nouvelle boucle du cacao, fournissent également de grandes quantités de vivres (figure 54) mais, restent marqués par la prédominance absolue de

126

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l’économie de plantation. Les cultures vivrières ne constituent pas les spéculations commerciales prioritaires des producteurs de cette région : les riziculteurs et les maraîchers spécialisés sont relativement peu nombreux ; dans plus de 85 % des cas, les cultures arbustives l’emportent et ceux qui tirent leurs revenus des vivres attendent en réalité que leurs plantations soient productives, tels les jeunes planteurs de cacao ou ceux qui se sont lancés depuis peu dans la culture de l’hévéa. Les cultures vivrières, dont la place est donc très secondaire, fournissent ici à peine 10 % des revenus agricoles.

Sur la majeure partie du territoire ivoirien qui correspond à la Côte d’Ivoire septentrionale, l’agriculture de plantation arbustive est absente (figure 54). Dans cet ensemble, ouvert depuis moins longtemps et de manière réduite que le Sud à l’économie marchande, les mutations provoquées par la croissance urbaine sont particulièrement sensibles. Le coton, qui a été développé à partir des années soixante, n’y a ni l’ubiquité ni l’importance économique du café et du cacao en zone forestière. Pour cette raison, l’apparition d’une production alimentaire destinée aux villes joue un rôle primordial dans l’augmentation des revenus agricoles et la transformation des campagnes. L’agriculture vivrière qui procure la subsistance des populations locales et une bonne part des revenus monétaires l’emportent largement dans le Nord. En 1980, les cultures alimentaires fournissent 84 % de la valeur de la production paysanne totale et près de 50 % de la part commercialisée.

127

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Figure 54 : Carte des principales productions vivrières en Côte d’Ivoire

Regions18 MONTAGNESAGNEBYBAS SASSANDRADENGUELEFROMAGERHAUT SASSANDRALACSLAGUNESMARAHOUEMOYEN CAVALYMOYEN COMOEN'ZI COMOESAVANESSUD BANDAMASUD COMOEVALLEE DU BANDAMAWORODOUGOUZANZAN

#

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0 - 25002500 - 80008000 - 1600016000 - 25000

# 25000 - 60000

Productions en tonnes

Maïs

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Riz

Ignam

Manioc

Banane

100 0 100 200 Km

N

128

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.2.2 L’évolution du couvert forestier

2.2.1 La rapidité de l’évolution des surfaces forestières ivoiriennes

La figure 55 ci-dessous met en évidence les zones forestières non soumises à l’agriculture en 1955 selon Guillaumet et les espaces occupés par la forêt dense en 1999 selon la NOAA. Sur la base de ces informations, on a calculé que la forêt dense humide a régressé de 6,8 millions d'hectares en Côte d’Ivoire, passant de 8,3 à 1,5 millions d'hectares entre 1955 et 1999.

Figure 55 : Déforestation au cours des 40 dernières années

N

Evolution de la Forêt dense Humide entre 1955 et 1999

8° 8°

7° 7°

6° 6°

5° 5°

8° 7° 6° 5° 4° 3°

Massifs forestiers en 1955 (selon Guillaumet, 1971)Massifs forestiers en 1999

100 0 100 200 Kilomètres

La forêt ivoirienne est vouée à une disparition rapide, à la fois qualitativement et quantitativement. Les essences les plus recherchées, telles le Sipo et l'Assamela sont en voie d'épuisement mais surtout les surfaces occupées par les massifs forestiers n'ont cessé de diminuer depuis une vingtaine d'années (DCGTx, 1993). En effet en 1955, les surfaces occupées par les massifs forestiers étaient évaluées à environ 12 millions d'ha, dix ans plus tard, on estimait que seuls 8 millions d'ha étaient intacts, soit une disparition moyenne de 400 000 ha par an. En 1974, les massifs forestiers ne couvraient plus que 5,4 millions d'ha. De 1974 à 1982, la forêt ivoirienne régressait encore de 3 millions d'ha. Aujourd'hui, il reste moins de 2 millions d'ha, pour la plupart, contrôlés et protégés par

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l'Etat. En dehors des rares lambeaux de forêts classées, il n'existe aucun secteur qui n'ait été touché par l'activité humaine. L'examen au niveau local permet de le constater. Le tableau 13 (ci-dessous) présente pour quelques localités les zones occupées par la forêt dense en 1999.

Tableau 13 : Evolution par région des zones forestières sous emprise humaine entre 1955 et 1999

Régions géographiques Département forêt dégradée forêt primaire

Adzopé 1955 56% 44% Sud-Est et 1999 94% 6%

Centre-Est Bongouanou 1955 49% 51%

1999 100% 0%

Daloa 1955 42% 58% Centre-Ouest 1999 91% 9%

Gagnoa 1955 62% 38%

1999 100% 0%

Soubré 1955 24% 76% Sud-Ouest 1999 87% 13%

San-Pedro 1955 16% 84%

1999 85% 15%

Ouest Guiglo 1955 26% 74% 1999 61% 39%

D’après les cartes de : Guillaumet, 1971 (1955 : zones forestières non soumises à l'agriculture); DCGTx, 1993 et image NOAA, 1999 (zones occupées à plus 90% par la forêt).

L'analyse du tableau 13 et de la figure 55 montre que la déforestation est importante dans les régions du Sud-Est et du Centre-Est. Dans cette partie du pays connue sous le nom ancien de "Boucle du Cacao", les défrichements ont commencé très tôt. Déjà en 1955, les terres sous emprise humaine atteignent 56% à Adzopé et 49% à Bongouanou. Le mouvement se poursuit jusqu'à l'épuisement presque total de la forêt primaire. Aujourd'hui, en dehors de quelques portions de forêt dense (6% à Adzopé), localisées essentiellement dans le domaine permanent de l'Etat, l'espace est occupé en priorité par des vieilles plantations, des friches, des jachères et des recrûs sur jachères. Une étude (Kra, 1990) sur le pays Akyé (Adzopé) confirme ce processus d’épuisement des terres. L’auteur situe le point culminant de ces défrichements autour de 1971 et il estime que jusqu'à cette date, c'est en moyenne près de 1 000 ha de forêt qui ont disparu chaque année.

On trouve une situation comparable dans le Centre-Ouest. Le pourcentage de forêts soumises à l'agriculture est déjà important en 1955. L'anthropisation du milieu se renforce dans le temps ici aussi jusqu'à l'épuisement presque total des ressources forestières. A Daloa seulement 9% des superficies forestières échappent à l'agriculture en 1999.

Dans le Sud-Ouest, l'emprise humaine est faible en 1955. A cette époque à Soubré et à San-Pedro, seulement 24% et 16% des terres sont occupées par les activités agricoles. Le caractère naturel de la forêt sera bien préservé jusqu'en 1965. C'est au cours des années 70 que la mise en valeur des espaces forestiers de ce territoire prend de l'importance. Le dynamisme du front pionnier aboutit au cours de la décennie 1980-1989 à inverser les rapports de proportions entre espace forestier et espace agricole dans le Sud-Ouest ivoirien. La récente colonisation

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des espaces forestiers de l’Ouest est rendue facile par la politique de désenclavement de la région mise en œuvre par le gouvernement à cette époque avec l’ouverture des routes la construction d’infrastructures économiques (port de San Pedro par exemple). A présent, l'emprise humaine s'est stabilisée dans l'espace ; contrainte de limiter sa progression vers l'Ouest (forêt classée de Taï), elle ne peut que s'intensifier dans les territoires déjà conquis sur la forêt.

L'Ouest constitue la seule région où les espaces forestiers sont encore impressionnants. C'est principalement autour des secteurs de Guiglo et de Taï que la forêt a été mieux préservée. De 74% en 1955, on compte encore aujourd'hui 39% de forêt intacts. A l'échelle de l’Afrique tropicale humide, la Côte d'Ivoire fait partie des pays qui ont connu les déforestations les plus importantes. Le tableau 14 (ci-dessous) donne la régression (en pourcentage) des couverts forestiers dans les pays bordiers du Golfe de Guinée.

Tableau 14 : La déforestation en Afrique tropicale (de 1900 à 1994) Etats Extension Originelle de la forêt Extension Actuelle de la forêt Diminution (Millions d’ha) (Millions d’ha) %

Cameroun 22 16,4 - 25 Congo 10 9 - 10

Gabon 24 20 - 16

Côte d'Ivoire 16 1,6 - 90

Nigeria 72 28 - 61

Zaïre 124,5 100 - 19 Source : Myers (1991) cité par Moron (1994).

On constate clairement que la Côte d'Ivoire (90%) occupe la première place, suivie du Nigeria (61%). Cette déforestation continue encore actuellement sous la poussée démographique et de nombreux programmes d'aménagements. Par contre, le phénomène apparaît plus limité sur le bassin versant du fleuve Congo.

Sur l’ensemble de la zone tropicale, selon les données de la FAO, le déboisement a été de 15,4 Millions d’ha/an entre 1981 et 1991, mais d’autres sources donnent des chiffres supérieurs. On peut ainsi admettre que chaque année, entre 15 et 20 Millions d’ha de forêts disparaissent dans les pays tropicaux, et ce malgré le Plan d’Action Forestier Tropical. La dégradation forestière affecte de façon différentielle les forêts tropicales humides et les espaces boisés de l’Afrique sèche ou de Madagascar. Elle se manifeste par une régression des espaces boisés, un défrichement complet de toutes les formations arborées, denses ou ouvertes, et leur remplacement par une autre utilisation des terres, quelquefois pastorale, mais le plus souvent agricole. Plus des 2/3 de la surface boisée ont disparu en Afrique de l’Ouest entre 1980 et 1990, soit 4,1 Millions d’ha par an (Singh, 1993), le couvert forestier étant passé de 568,6 à 527,6 Millions d’ha. Les forêts denses d’Afrique ont été les plus touchées et ont perdu 16% de leur surface au profit de formations végétales herbeuses ou arbustives de substitution (16 %), de forêts fragmentées (19 %), de forêts dégradées ou de forêts claires (25 %), et d’espaces agricoles à jachère longue (5,4 %) ou courte (34 %). Les forêts denses sont ainsi passées de 24 à 22,6 % de la surface totales des terres. Des situations similaires sont trouvées dans les autres régions tropicales.

131

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2.2.2 Les forêts protégées au cœur des dynamiques récentes

L’étude de l’évolution de l’occupation du sol est basée sur une analyse diachronique d’image SPOT à deux dates. Les scènes utilisées ont été enregistrées en saisons sèches. Les classifications qui ont été réalisées sur les images de l’année 2000, en vue de faire l’état de l’occupation du sol, ont permis de dégager cinq types d’occupation du sol qui sont : forêt, forêt dégradée, mosaïque de culture jachère, culture, habitat, eau. Nous analysons ici, l’évolution de ces types d’occupation du sol entre 1986 et 2000, avec un accent particulier sur la déforestation. Dans l’impossibilité de prendre en compte l’ensemble des massifs forestiers du pays (au nombre de 87), l’étude n’a porté que sur les forêts classées du Haut Sassandra (Ouest) et de la Bossematié (Est). L’histoire de l’emprise humaine sur les paysages forestiers dans ces deux régions est différente. Comme nous le mentionnons ci-dessus, les modifications importantes du paysage ont en effet commencé beaucoup plutôt dans la région de l’Est du pays et notamment autour de la forêt classée de Bossematié. Les premiers défrichements commencent en effet dans cette région au début des années 50 sous l’impulsion de l’économie cacaoyère et se poursuivent jusqu’aujourd’hui, avec une intensification au cours des années 60 et 70. En revanche, l’installation du front pionnier est beaucoup plus récente autour de la forêt classée du Haut Sassandra. Les transformations physionomiques importantes de ce massif et de son espace avoisinant commencent véritablement, comme les autres espaces de l’Ouest du pays, à la fin des années 70 et s’étendent au long des années 80 avec l’épuisement des terres dans l’Est du pays.

Quelle que soit la forêt classée considérée, la comparaison des images de 1986 et de 2000 permet de noter la poursuite du phénomène de la déforestation avec pour corollaire l’augmentation des surfaces en forêt dégradée et en culture ou jachère. Pour mieux appréhender les changements survenus, les images classifiées des deux dates sont croisées pixel par pixel en 6 x 6 classes porteuses en elles-mêmes de l’information diachronique. Ce croisement permet la génération d’une matrice de détection des changements offrant des statistiques sur le devenir des classes de l’image de 1986 en 2000 (tableaux 15, 16 et figures 54 à 59 ci-après).

2.2.2.a Dynamique de l’occupation du sol dans la forêt classée de Bossematié et les espaces environnants

L’analyse diachronique des deux images met en évidence une évolution des paysages entre 1986 et 2000. Cette évolution se fait principalement de la forêt vers les paysages de jachère et/ou culture et vers la forêt dégradée. La figure 56 (ci-après) et le tableau 15 atteste ces observations. Seuls 22% de la forêt de 1986 sont restés intacts en 2000. Entre ces deux dates, elle est passée de 89 900 ha à 19 500 ha, soit un taux de déforestation annuel de 10%. Le taux de déforestation est la proportion de forêt qui disparaît chaque année. Il est calculé selon la formule suivante :

T = (1- (S2/S1)1/n) X 100 Où t = taux de déforestation ; S1 = superficie forestière à la date 1 ; S2 superficie forestière à la date 2 ; n = nombre d’année entre les deux dates.

La carte (figure 57 ci-après) permet de noter que ce recul de la forêt dense est exclusivement localisé à l’extérieur des limites de la forêt classée de la Bossematié. Les défrichements sont situés dans l’Est de la zone d’étude, où en 1986 le couvert forestier était encore important. Cette déforestation entre les deux dates s’est effectuée principalement au profit des cultures qui peuvent être pérennes (cacao, café) ou annuelles (riz, banane plantain) et/ou des jachères. 24 000 ha (47%) de forêt en 1986 sont ainsi passés en paysage de culture ou

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jachère. Les mutations de la forêt dense se font également vers les paysages de forêt dégradée. Ce type de transformation, qui concerne près de 24 000 ha (27%), correspond en fait au premier stade de l’emprise humaine où le paysage est caractérisé par une forêt à canopée ouverte et des cultures sous forêt. Dans cette logique, plus de 45 000 ha de forêt dégradée en 1986 sont devenus culture ou jachère en 2000. Ces défrichements s’opèrent dans le Sud-Ouest de la zone considérée mais aussi en bordure de la forêt classée. Contraintes à limiter leur avancée à cause de la présence de cet espace protégé, les populations riveraines grignotent ainsi l’un des derniers massifs forestiers de la région, arrivant quelques fois à s’installer au cœur de la forêt, soit clandestinement, soit avec la complicité des autorités forestières. L’augmentation des superficies cultivées est un fait tout aussi marquant de la dynamique de l’occupation du sol dans la zone d’étude. Indissociables des jachères, les paysages de cultures, qui peuvent être pérennes ou saisonnières totalisent en effet plus 120 000 ha en 2000 contre moins de 70 000 ha. Dans le même temps très peu d’espaces en culture ou en jachère ont évolué vers des paysages de forêts dégradées qui sont dans ce cas des vieilles jachères à l’abandon : 14 % seulement des cultures ou jachères ont connu ce type d’évolution (figure 58 ci-après).

Tableau 15 : Résultat du croisement des images (en hectares)

1986---2000 Forêt Forêt dégradée Culture ou jachère Culture Sol nu et ou habitat Total 1986

Forêt 18 592,52 23 859,24 45 372,28 1 060,52 1 065,28 89 949,84

Forêt dégradée 580,48 4 614,2 19 627,04 1 476,84 1 171,64 27 470,2

Culture ou jachère 276,24 3 904,6 28 037,12 7 771,08 2 119 42 108,04

Culture 51,12 5 71,6 8 876,28 7 995,32 1 934,6 19 428,92

Sol nu et ou habitat 0,2 282,92 1 716 750,72 1 269,52 4 019,36

Total 2000 19 500,56 33 232,56 103 628,72 1 9054,48 7 560,04 18 2976,36

Figure 56 : Etat de la forêt classée à Abengourou

18592.52

23859.24

45372.28

1060.52Forêt dense invariant(22%)Forêt dense devenue forêtdégradée (27%)Forêt dense devenueculture ou jachère (47%)Forêt dense devenueculture (1%)

133

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Figure 57 : Evolution du massif forestier de la Bossematié et de ses espaces environnants entre 1986 et 2000

N

450000

450000

480000

480000

6900

00690000

7200

00720000

7500

00750000

Forêt restée forêtForêt devenue forêt dégradéeForêt devenue culture ou jachèreForêt devenue cultureForêt devenue sol nu ou habitatAutres types d'évolution

1344 0 4 8 Kilomètres

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Figure 58 : Evolution des relations culture / forêt dans la forêt classée du Haut Sassandra et ses environs entre 1986 et 2000

Rapport culure forêt Forêt densedevenue culture oujachère (48%)Forêt densedevenue culture(1%)Forêt dégradéedevenue culture oujachère (70%)Forêt dégradéedevenue culture(4%)Culture ou jachèreinvariante (49%)

culture invariante(38%)

Culture ou jachèredevenue forêtdégradée (10%)Culture devenueforêt dégradée(4%)

-10000

0

10000

20000

30000

40000

50000

1

2.2.2.b Dynamique de l’occupation du sol dans la forêt classée de Haut Sassandra et les espaces environnants

Tableau 16 : Résultat du croisement des images (en hectares)

1986-----2000 Forêt Forêt dégradée Culture ou jachère Culture

Sol nu et ou habitat Total 88

Forêt 68 038 3 591 3 4130 2 900 255 10 8914

Forêt dégradée 1 256 2 277 78 956 3 583 1020 87 092

Clture ou jachère 237 622 46 703 4 607 1 205 53 376

Culture 155 295 5 401 4 745 451 11 047

Sol nu et/ ou jachère 0 1 187 175 236 599

Total 2000 69 687 6 786 16 5377 16 011 3 167 261 028

L’analyse diachronique des images SPOT met en exergue des changements importants de l’occupation des sols aux abords de la forêt classée du Haut Sassandra. Toutefois, les évolutions surfaciques les plus significatives ont lieu dans les deux enclaves agricoles de Ggbeuly et du V12. L’enclave de Gbeuly, située au Nord, est mise en culture depuis les années 1970. Cependant, la présence des services de la SODEFOR a permis la sauvegarde des

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espaces forestiers limitrophes. De ce fait, entre 1986 et 2001, cet espace subit alors une profonde mutation interne de sa couverture végétale (tableau 16 et figure 59 ci-après). On ne constate pas d’extension, par effet de grignotage, des espaces périphériques protégés. Les tentatives d’implantation ont échoué grâce à une surveillance efficace de la zone. Les nouveaux migrants se sont donc dirigés vers d’autres zones en reconversion, notamment vers l’enclave V12. En 1986, le Sud de cette enclave est déjà anthropisé par des populations nouvellement installées. A cause de la pression foncière et malgré les interdictions des instances officielles, cet espace a été, en une quinzaine d’années, complètement défriché et mis en culture, notamment avec des cultures pérennes. Les seuls espaces conservés au sein de l’enclave correspondent à des forêts se développant sur des sols rocheux, dont la mise en culture est difficile. L’analyse globale des images met en évidence un recul de la forêt et une augmentation des cultures sur la période 1986 à 2000 (figure 60 ci-après).

Figure 59 : Etat de la forêt dans le Haut Sassandra

68038.363590.52

34130.12

2900.08

Forêt dense invariant(62%)

Forêt dense devenueForêt dégradée (3%)

Forêt dense devenueculture ou jachère(31%)Forêt dense devenueculture (3%)

Cette évolution est moins importante que celle constatée dans l’Est du pays. En effet, la figure 59 et le tableau 16 (ci-dessus) indiquent que 62 % des espaces en forêt en 1986 sont restés indemnes en 2000. En 14 ans la forêt dense n’a diminué que de 30 000 ha, passant de 108 000 à 70 000 ha avec un taux de déforestation annuel de 3%.

Cette déforestation s’est faite presque essentiellement au profit des cultures. Disséminés sur l’ensemble de la zone d’étude, à l’exception de la forêt classée, les lambeaux de forêt (estimés à 230 ha) qui existaient encore en 1986 ont été ainsi mis en cultures (pérennes ou saisonnières cf. figure 59 ci-dessus). Cette situation consacre la disparition presque totale des reliques de forêt dans le domaine rural.

Les transformations physionomiques de la forêt dans cette région concernent aussi les mutations vers la forêt dégradée. Ce sont en effet près 3 500 ha de forêt, principalement localisés dans la périphérie Sud de la forêt classée (figure 59), en 1986 qui se transforment ainsi en forêt dégradée. Le grignotage des limites de la forêt classée apparaît comme la seule alternative pour ces populations riveraines à la recherche de terres neuves. Dans un tel contexte, on assiste à l’augmentation des superficies cultivées. Elles totalisent plus de 178 000 ha en 2000 contre moins de 66 000 ha en 1988.

Si le phénomène de la déforestation est clairement établi dans cette région, celui de la reforestation reste presque inconnu. En effet en 14, ans très peu d’espaces en culture ou en jachère se sont embroussaillés en vue d’une évolution vers une forêt dégradée ou secondaire. Cette situation est le signe d’un dynamisme agricole très important laissant peu de chance à la régénérescence et à la reconstitution du potentiel agronomique.

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Figure 60 : Evolution du massif forestier du Haut Sassandra et de ses espaces environnants entre 1986 et 2000

V12

Gbeubly

Parcnationaldu Mont Péko

#

ZuenoulaFleuve Sa ssandra

690000

690000

720000

720000

750000

750000

7500

00

750000

7800

00

780000

8100

00

810000

NForêt restée forêtForêt devenue forêt dégradéeForêt devenue culture ou jachère

Forêt devenue cultureForêt devenue sol nu ou habitatAutres types d'évolutionFeuve Sassandra

4 0 4 8 Kilomètres

137

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Figure 61 : Evolution des relations culture / forêt entre 1986 et 2000 dans la forêt classée de la Bossematié et ses environs

Rapport culure forêt Forêt dense devenueculture ou jachère(31%)

Forêt dense devenueculture (3%)

Forêt dégradéedevenue culture oujachère (91%)

Forêt dégradéedevenue culture (4%)

Culture ou jachèreinvariante (87%)

Culture invariante(43%)

Culture ou jachèredevenue forêtdégradée (1%)

Culture devenueForêt dégradée (3%)

-10000

0

10000

20000

30000

40000

50000

60000

70000

80000

90000

1

2.2.3 Le rôle des modifications des états de surface dans les évolutions phénologiques détectées par le NDVI

La réponse du couvert végétal aux effets du climat peut être appréciée par l’analyse du NDVI (Indice de Végétation Normalisé). Comme nous l’avons indiqué au chapitre 2, le NDVI est calculé à partir de la combinaison de canaux satellitaires (rouge et proche infra rouge). On rappelle également qu’il permet de caractériser les états de surface : densité de feuillage, activité chlorophyllienne et stress hydrique du couvert végétal. Les calculs ont été réalisés sur l’image SPOT de la forêt classée du Haut Sassandra (Ouest). Un seuillage a permis ensuite d’obtenir une image en 3 classes de NDVI : faible, moyenne et forte. Le croisement de la carte NDVI avec celle de l’occupation du sol permet d’apprécier l’état phénologique des types de paysages rencontrés dans la zone d’étude (figure 62 ci-après) du couvert végétal au cours de la saison sèche de l’année 2000. Les relevés pluviométriques montrent une quasi-absence de précipitations dans cette région au cours de la saison sèche de 1999-2000 : 0 mm en décembre 1999, 24 mm en janvier 2000 et 15 mm en février 2000.

Les plus fortes valeurs (supérieur à 0,60) correspondent aux pixels en forêt. Ce qui signifie que l’activité chlorophyllienne de la forêt et donc sa production de biomasse reste forte pendant la saison sèche. En revanche, les sols nus et/ou habités et les milieux en cultures pures qu’elles soient vivrières ou pérennes connaissent au cours de la saison sèche de très faibles valeurs de NDVI. Ceux-ci sont respectivement de 0 à 0,30 et 0,30 à 0,60. Entre ces deux extrêmes, on trouve les mosaïques de culture/jachère qui présentent des niveaux moyens de NDVI.

L’intérêt de ce type d’analyse serait de suivre l’évolution du phénomène étudié non seulement dans l’espace mais aussi dans le temps, par exemple à l’échelle saisonnière. Or la faible

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répétitivité temporelle des images SPOT XI et XS (une image tous les 26 jours) est un obstacle à ce genre d’étude. On ne peut pas suivre, par exemple, les changements phénologiques progressifs qui ont lieu à l’échelle décadaire.

Figure 62 : Occupation du sol et indice de végétation dans la forêt classée du Haut Sassandra et ses environs

0 4 Km

N

Pour suivre l’évolution phénologique sur l’ensemble de la saisodécembre 1999 à mars 2000, nous avons eu recours aux images SPont une acquisition journalière. En se référant à la carte d’occupatdistinguer clairement, sur l’image SPOT végétation du mois de (figure 63 ci-après), les formations végétales en forêt et ses faciès dCôte d’Ivoire. Sur cette image, nous avons sélectionné un transectforêts classées du mont Peko (au Sud-Ouest de l’image, cf. figue 5Les figures 62 et 63 qui suivent montrent l’évolution de la phénologsaison sèche pour les forêts et les formations dégradées qui les jouxte

C’est au cours des mois de janvier et de février que des différences entre ces deux types de formations végétales. Les graphiques metforte sensibilité des milieux humanisés à la saison sèche. Les valeurdistance en km, avec point d’origine les secteurs situés à l’Ouest du sont notées les valeurs de NDVI en compte numérique.

n sèche, c’est-à-dire OT végétation 1 km

ion du sol, on peut aijanvier de l’année 20égradés de l’Ouest de

Ouest-Est qui coupe 3) et du haut Sassand

ie au cours des mois dent.

notables sont enregistrtent ainsi en évidences en abscisse indiquenmont Peko. En ordonnLes pics correspond

1

de qui nsi 01 la les ra. la

ées la t la ée, ent

39

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respectivement au parc national du mont Peko et à la forêt classée du Haut Sassandra. Quant aux creux, ils correspondent aux faciès dégradés de la forêt (mosaïque de jachère, culture, friche, habitat). En effet, contrairement au milieu de forêts denses, ces faciès sont marqués par une chute importante du NDVI.

Cette différence de sensibilité à la saison sèche entre la forêt et ses faciès dégradés peut être également appréciée à partir du coefficient de variation spatiale en saison sèche. La saison sèche est vue comme un facteur induisant une plus grande hétérogénéité dans les couverts végétaux. En effet, dans le contexte d’une quasi-absence des pluies et de l’épuisement consécutif de la réserve hydrique du sol qui est celui des mois de décembre à février, le couvert végétal va subir des transformations : jaunissement, dessèchement, chute des feuilles. Ce sont les herbacés qui se modifient le plus rapidement alors que les arbres peuvent garder leur feuillage plus longtemps, ceux-ci utilisant des horizons de sol plus profonds. Il en résulte des paysages moins homogènes qui se traduisent par des caractéristiques spectrales plus variables pour une même unité de paysage.

Figure 63 : NDVI calculé à partir des images de SPOT végétation

NDVI annuel

Fort Faible

0 4 Km

N

140

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Toutefois, la saison sèche n’a pas le même impact sur tous les milieux. La réponse spectrale est différente selon qu’il s’agit d’une forêt dense ou d’une forêt dégradée. Des groupes de pixels appartenant à différents paysages ont été sélectionnés en vue de juger de leur hétérogénéité ou de leur homogénéité. Des fenêtres sont ainsi extraites sur les forêts denses (F) du Mont Peko et du Haut Sassandra, sur les milieux de forêts dégradées (FD) et sur les milieux à dominante de cultures (FC). Le graphique ci-dessous (figure 64) présente l’évolution des coefficients de variation mensuelle de ces différents milieux au cours de la saison sèche 1999-2000.

Figure 64 : Variation spatiale de l’indice de végétation des surfaces forestières et de leurs faciès dégradés au cours de la saison sèche

février

150

160

170

180

190

200

210

1 8 15 22 29 36 43 50 57 64 71

distances en Km

ND

VI (C

N)

janvier

150

160

170

180

190

200

1 8 15 22 29 36 43 50 57 64 71Distances en Km

ND

VI (C

N)

décembre

150

170

190

210

230

1 9 17 25 33 41 49 57 65 73

distance en Km

ND

VI (C

N)

Figure 65 : Coefficient de variation spatiale de la forêt et de ses faciès dégradés au cours de la saison sèche

CV par type de milieu

02468

10

D J F M A

Forêt DenseForêt DégradéeForêt DenseForêt / Culture

Les courbes ci-dessus (figure 65) indiquent que les plus forts coefficients de variation spatiale sont enregistrés dans les milieux à dominante de culture (FC). Les mois de janvier et février sont les plus marqués. En revanche, les milieux de forêt dense restent très peu hétérogènes au cours de la saison sèche, avec une légère hausse du coefficient de variation en fin de saison sèche. On peut comprendre qu’avec l’addition successive des mois secs, certaines espèces en forêt dense peuvent subir un stress hydrique, favorisant ainsi une forte hétérogénéité. L’impact de la saison sèche sur les types de milieux se manifeste également à travers le niveau du contraste saisonnier. On apprécie ici la vitesse de la baisse de l’indice de végétation suite à l’arrêt des pluies.

141

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La figure 66 (ci-après) montre une baisse plus rapide du NDVI des milieux humanisés par rapport à la forêt dense entre le mois de décembre et le mois de février. Le calcul du coefficient de variation temporelle atteste cette différence de comportement de ces types de milieux au cours de la saison sèche. Celui-ci est de 6 % pour la forêt, 17 % pour la forêt dégradée et 25 % pour la mosaïque culture-forêt. Le faible coefficient de variation enregistré par la forêt dense, contrairement aux milieux humanisés exprime le fait que celle-ci ne manque pas d’eau en saison sèche pour assurer son bon fonctionnement, le NDVI étant faiblement différent d’une décade à une autre au cours de cette période. L’évolution d’un milieu de forêt en espace de forêt dégradée ou en mosaïque culture-forêt entraîne nécessairement une augmentation de son coefficient de variation, donc de sa sensibilité aux variations saisonnières du climat. Figure 66 : Evolution du NDVI au cours de la saison sèche de décembre à

février

100

120

140

160

180

200

220

Janvier

CFFFDF

142

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3 L’avenir incertain des derniers massifs forestiers ivoiriens

Dans la mesure où la Côte d’Ivoire est soumise à un rythme intense de déforestation depuis la fin des années 1960, la notion de risque pourrait paraître inappropriée pour prédire le devenir de la forêt ivoirienne. On peut toutefois noter que l’espace forestier ivoirien est divisé en deux parties correspondant à des gestions différentes : le domaine rural et le domaine permanent de l’Etat. Le premier a une vocation agricole et est entièrement contrôlé par la logique paysanne. Le deuxième (forêt classée et parc nationaux) est défendu par l’Etat ; son occupation est donc illégale. Mais devant la raréfaction des terres forestières (très prisées par les paysans) et l’augmentation de la population agricole, ces forêts, surtout les forêts classées sont devenues la convoitise des paysans. Elles subissent de nombreuses attaques et certaines d’entre elles n’existent plus que par leur nom. Dans un tel contexte, la question de leur avenir se pose avec acuité.

.3.1 Des risques de déforestation liés à la proximité des foyers de peuplement agricole et des voies de communication

Un moyen d’analyser la pression foncière des populations sur les massifs forestiers existants, est d’étudier la distance entre les limites de ceux-ci et les éléments qui peuvent être considérés à priori comme des facteurs qui incitent la déforestation. Il s’agit de données environnementales (sols, altitude, pente, etc.) et socio-économiques (agglomérations, voies de communication, activités agricoles, etc.). Dans ce travail, nous montrons l’influence négative de ces facteurs sur la forêt à travers l’exemple des relations entre celle-ci et les données socio-économiques. Pour y arriver, nous avons réalisé à l’aide d’un SIG des zones tampons ou classes de distance autour des différents îlots forestiers. Cette opération permet de diviser l’espace d’étude en sous-régions équidistantes. La figure 67 par exemple représente les zones d’influence autour des massifs forestiers ivoiriens.

Figure 67 : Zone d’égale distance des localités par rapport à la forêt

5000 0 5000 10000 Mètres

143

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Les localités situées dans une même zone d’influence appartiennent au même rang de distance à la forêt. On peut ainsi faire une typologie des villages en fonction de leur proximité par rapport à la forêt, le but étant de voir l’attrait exercé par les massifs forestiers sur les populations rurales. De la même façon, en intersectant la couche des classes de distance autour des localités avec celle des réserves forestières, on pourra estimer l’évolution spatiale du taux de boisement à l’approche des terroirs villageois. Il sera ainsi possible d’établir des cartes de risques de déforestation liés à la proximité d’un foyer de peuplement ou d’un aménagement.

3.1.1 L’augmentation du nombre de villages et des densités rurales à l’approche des massifs forestiers

La pression exercée par les populations sur les massifs forestiers est tout de suite perceptible par la distance entre ceux-ci et les agglomérations rurales. Les distances étudiées sont de 0-500 m, de 500-1000 m ; de 1 000-1 500 m et 1 500-2 000m. Le tableau 17 (ci-dessous) fait apparaître quatre types de villages périphériques correspondant aux distances indiquées ci-dessus. Les chiffres indiquent qu’un nombre plus important de villages se concentrent dans les 500 premiers mètres des massifs forestiers. Le poids de la population y est également le plus important. Plus on s’éloigne de la forêt et plus le nombre d’habitants diminue. En effet, de 383 villages entre 0 et 500 m, on tombe à 96 villages quand on se situe entre 1500 et 2 000m. On observe cette même logique au niveau de l’accroissement des populations riveraines des massifs forestiers. Ainsi entre 1988 et 1998, c’est dans les 500 premiers mètres de la périphérie que la population s’est plus accrue. Il apparaît donc clairement que la proximité de la forêt est un facteur important dans la localisation de la population rurale. En 1998, sur les 6,5 millions de ruraux que comptait la Côte d’Ivoire 1,5 (environ un sur quatre) habitaient à moins de 2 000 m des îlots forestiers, pour la plupart classés dans le domaine permanent de l’Etat.

Tableau 17 : Typologie des villages en fonction de la distance par rapports aux limites des massifs forestiers

Distance village /massifs forestiers

Nombre de villages

Population

en 1988

Population

en 1998

Taux d’accroissement ( %)

500 m 383 814092 1207091 32 1000 m 111 118799 158532 25 1500 m 118 130918 180919 28 2000 m 96 96869 128962 25 Cumul 708 1160678 1559404 25

L’analyse des cartes de densités rurales (figure 68 ci-après) établies à partir des données des RGPH des années 1988 et 1998 permet également de mettre en évidence la pression exercée sur les derniers massifs forestiers. Les calculs n’ont concerné que les zones couvertes par les massifs forestiers du Haut Sassandra et de la Bossematié ainsi que leurs espaces avoisinants. La méthode consiste pour chacune des fenêtres d'images SPOT étudiées précédemment, à extraire l’ensemble des localités concernées. Sur la population des villes, nous avons appliqué le pourcentage de la population agricole indiqué dans les statistiques du RGPH. En considérant qu’en Côte d’Ivoire les terroirs des villages ont un rayon de 4 km en moyenne dans le Sud, une grille régulière correspondante a été établie. Les densités de population

144

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rurale sont alors calculées pour chaque point de la grille à partir d’un cercle représentant la limite théorique des terroirs villageois. La méthode d’interpolation par krigeage est ensuite utilisée pour la construction de plage d’iso densité. Des cartes de densités de population des années 1988 et 1998 ont ainsi été établies pour les secteurs Daloa (à l’Ouest) et Abengourou (Sud-Est).

Figure 68 : Evolution des densités rurales autour des aires protégées dans l’Est et l’Ouest de la Côte d’Ivoire entre 1988 et 1998

Forêt ClasséeBossematié

Forêt ClasséeBossematié

Forêt ClasséeHaut sassandra

Parc NationalMont Peko

Forêt ClasséeHaut sassandra

Parc NationalMont Peko

Abengourou 1988 Abengourou 1998

Daloa 1988 Daloa 1998hbts/km2

0 10 Km

N

Ces cartes montrent, quelle que soit la région considérée, une répartition inégale des densités de peuplement. Celles-ci vont de 0 à 240 hbts/km2. Les valeurs les plus faibles sont rencontrées à l’intérieur des espaces protégés. Dans la région de Daloa, le Parc National du mont Peko semble être mieux protégé que la forêt classée du Haut Sassandra dont les limites sont peu nettes. On note même quelques tâches de densité en son sein. Ces remarques sont tout aussi valables pour la forêt classée de Bossematié qui présente des limites diffuses à cause de l’émiettement d’une partie de sa surface, surtout sur les bords, par des foyers de peuplement. C’est justement sur les bords des forêts classées qu’on rencontre les plus fortes densités rurales. A Daloa, les densités rurales sont maximales à la périphérie de la forêt classée du Haut Sassandra et du parc du Mont Péko. Il en va de même pour Abengourou où

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les limites de la forêt classée de la Bossematié coïncident avec de grandes concentrations humaines. L’analyse diachronique met en évidence un renforcement des densités rurales entre 1988 et 1998. Celui-ci s’opère principalement à la lisière des massifs forestiers. Cette densification est nette à l’Ouest, tandis qu’à l’Est elle n’est marquée que sur la façade Est. La présence de ces grands foyers de peuplement, essentiellement agricoles, dans la périphérie de ces forêts, est un danger permanent pour la conservation de celle-ci.

3.1.2 La régression du taux de boisement à l’approche des foyers de peuplement agricole

En tenant compte de la localisation des agglomérations rurales, on peut établir une carte de risque d’exploitation des derniers massifs forestiers ivoiriens. Ce risque est d’autant plus important que la distance de la forêt par rapport à la localité est courte. Le tableau 18 (ci-dessous) met en évidence l’influence négative de la localisation de la population agricole sur les surfaces forestières. Pour chaque classe de distance, dans un rayon de 10 km, on a évalué la superficie forestière restante.

Tableau 18 : Relation entre la distance par rapport aux localités et la déforestation

Distance par rapport au village Superficie forestière en pourcentage 0 à 2 km 9 % 2 à 4 km 11 % 4 à 6 km 13 % 6 à 8 km 14 % 8 à 10 km 16 %

Les valeurs les plus faibles se trouvent dans la périphérie immédiate des villages. A un kilomètre des villages le taux boisement n’est que de 9 %. Au fur et à mesure qu’on s’éloigne du Centre des villages, ce taux de boisement augmente progressivement, mais dans de faible proportion pour atteindre 16 % entre 8 et 10 kilomètres. Les valeurs obtenues dans cette dernière classe restent proches du taux de boisement actuel de la zone forestière. En effet sur une superficie d’environ 12 millions ha, la zone forestière ivoirienne ne compte aujourd’hui que 2,2 millions d’hectares, soit un taux d’occupation de 18 %. Le taux de boisement est encore plus faible autour des villages de plus de 3000 habitants (tableau 19 ci-après). Ces grosses agglomérations agricoles conservent en effet très peu d’espaces forestiers en périphérie. A la lisière (de 0 à 2 km) de ces agglomérations les espaces boisées ne représentent que 4 % des terres. Ce taux évolue très peu avec la distance, car entre 5 et 6 km il atteint à peine 7 %.

Tableau 19 : Relation entre la distance par rapport aux localités de 3000 à 6000 habitants et la déforestation

Distance par rapport au village Superficie forestière en pourcentage 0 à 2 km 4 % 2 à 4 km 5 % 4 à 6 km 6,6 % 6 à 8 km 9 % 8 à 10 km 10,7 %

146

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3.1.3 La régression du taux de boisement à l’approche des voies de communication

En plus du poids de la population, l’ouverture des routes constitue un des moteurs essentiels de la déforestation. C’est en effet à partir des chemins et pistes laissés par les exploitants forestiers et plus généralement des routes de désenclavement que les paysans s’introduisent dans la forêt en vue d’installer leurs plantations. Le passage d’une route à l’intérieur ou à proximité d’un massif forestier représente un risque pour la survie de celui-ci. Le tableau 20 (ci-après) atteste ces affirmations. Il montre, sur une distance avoisinante de 8 kilomètres, un plus faible taux de boisement entre 0 et 2 km (12%), l’éloignement des routes d’accès étant marqué par des taux de plus en plus importants (plus de 17 % à partir de 6 km).

Tableau 20 : Relation entre la distance par rapport voie de communication et la déforestation

Distance par rapport route (voies à pratiquabilité permanente)

Superficie forestière en pourcentage

0 à 2 km 12 % 2 à 4 km 15,5 % 4 à 6 km 17,6 % 6 à 8 km 17,6 %

3.1.4 La cartographie des risques de déforestation liés à la proximité des localités et des voies de communication

Les cartes qui suivent présentent les risques de déforestation liés à la distance par rapport à l’ensemble des agglomérations rurales, à celles de plus de 3000 habitants et aux voies de communications.

La figure 69 (ci-après) qui suit, permet d’identifier des zones à risques importants. Il s’agit des massifs forestiers de l’Ouest montagneux dont une partie importante se trouve à moins de 2 km des foyers de peuplement et des voies d’accès. Cette situation touche également une grande partie des massifs forestiers du Sud-Est et du littoral. Liées à leurs petites tailles, certaines forêts présentent des risques de disparition presque totale, parce qu’entièrement inscrites dans l’aire d’influence immédiate des villages riverains. Il s’agit de lambeaux de forêt dans le Centre-Ouest, des forêts classées du Nizoro dans le Sud-Ouest et de la Beki à l’Est. La plupart des massifs forestiers du Sud-Ouest et du Centre-Ouest présentent quant à eux des risques de défrichement moyen. Les parcs nationaux de Taï et du mont Peko, ainsi que certaines forêts classées comme celle du Haut Sassandra semblent être bien protégées, même s’il est à craindre des risques de grignotage sur les bords. Ce grignotage apparaît souvent comme une première étape dans l’infiltration clandestine. Sur certains massifs forestiers, les risques d’agression sont quasi-nuls, aucune localité n’étendant son aire d’influence (ou très faiblement dans quelques cas) sur ceux-ci. Ces massifs sont pour la plupart situés à l’Ouest (forêt classée du Goindébé, du Cavally, parc de la Marahoué) auxquels on peut ajouter la forêt classée de Mopri au Sud.

147

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Figure 69 : Risques de déforestation liés à la proximité d’une agglomération

8° 8°

7° 7°

6° 6°

5° 5°

8° 7° 6° 5° 4° 3°Parcnationaldu Mont Sangbe

Haut SassandraParcnationalde la MarahouePN Mont Peko

V 12 Marahoue

Duekoue

BossematieIssiaGoin-Debe

Parc national de Tai

DivoNizoroLoviguie

Niegre Okromodou

Haute DodoFresco

Agnibilekro

Arrah

Beki

Adzope

Mabi

Davo

AgnebiTanoe

Ehania

N

100 0 100 200 Kilomètres

Forêts à plus de 10 km d'une localité

Forêts à moins de 10 km d'une localité

Forêts à moins de 8 km d'une localité

Forêts à moins de 6 km d'une localité

Forêts à moins de 4 km d'une localité

Forêts à moins de 2 km d'une localité

L’analyse de la carte des risques de déforestation liée aux chemins et aux pistes (figure 70 ci-après) montre une situation d’incertitude beaucoup plus importante pour la plupart des massifs forestiers. Ceux-ci sont dans l’ensemble desservis par un réseau de chemins et de pistes relativement denses. Ces réseaux de pistes se trouvent dans bien des cas au cœur des massifs forestiers. Leur aire d’influence immédiate s’étend sur une grande partie des massifs forestiers, à l’exception des parcs nationaux de Taï, du Mont Peko, de la Marahoué et des forêts classées de Gouindebé et du Cavally. Les secteurs qui présentent le plus de dangers de déforestation sont, comme dans le cas de l’influence des agglomérations rurales, ceux du Sud-Est et de l’Ouest montagneux ainsi qu’une série de lambeaux de forêts localisés soit sur la côte, soit à l’Est.

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Figure 70 : Risques de déforestation liés à la proximité d’une voie d’accès

8° 8°

7° 7°

6° 6°

5° 5°

8° 7° 6° 5° 4° 3°

Agnibilekro

Arrah

Beki

Adzope

Mabi

Davo

AgnebiTanoe

Ehania

Parcnationaldu Mont Sangbe

Haut SassandraParcnationalde la MarahouePN Mont Peko

V 12Marahoue

DuekoueBossematieIssiaGoin-Debe

Parcnationalde Tai

DivoNizoroLoviguie

Niegre Okromodou

Haute DodoFresco

N

Forêts à plus de 8 km d'une voie d'accès

Forêts à moins de 8 km d'une voie d'accès

Forêts à moins de 6 km d'une voie d'accès

Forêts à moins de 4 km d'une voie d'accès

Forêts à moins de 2 km d'une voie d'accès

100 0 100 200 Kilomètres

.3.2 Le blocage du système agricole basé sur la mise en valeur des

terres forestières En 1990, une évaluation faite par le BNETD (Bureau National d’Etude Technique et de Développement), des superficies agricoles installées dans le domaine forestier permanent de l’Etat, permettait d’identifier 150 000 ha de caféiers et près de 350 000 ha de cacaoyers. Ces chiffres correspondent, en 1990, respectivement à 15 % et 19 % du potentiel total de production des vergers. En l’absence d’une intensification marquée des techniques culturales, le potentiel de production caféière et cacaoyère dépend essentiellement des superficies cultivées et de la structure d’âge des vergers. La création de nouvelles plantations, généralement sous forêt en raison de son sol jugé meilleur par les planteurs, est donc le seul

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moyen pour augmenter la productivité. Ce mode de culture augmente la pression exercée sur les massifs forestiers protégés (Brou, 1997).

L’avenir de ces massifs forestiers est inséparable de l’extension des cultures vivrières dont certaines ont une plus grande chance de réussite dans un environnement de forêt dense humide. En fonction des exigences écologiques, on peut regrouper les cultures vivrières en deux catégories. Le premier groupe concerne des cultures qui se développent à l’Est du pays, là où la forêt a été remplacée par des jachères et des vieilles plantations de cacao et café. Il s’agit principalement des cultures du manioc et de l’igname. Elle s’accommode parfaitement de l’écologie des forêts dégradées dont les sols sont peu riches en matières organiques avec des pluviométries annuelles ne dépassant pas 1 400 mm. L’extension de ces cultures n’est donc pas rattachée à l’évolution du front pionnier. Le deuxième groupe concerne principalement la banane plantain et le riz pluvial. Le plantain a une écologie qui correspond à celle de la forêt dense sempervirente. Le régime pluviométrique idéal est celui qui apporte entre 120 et 160 mm d’eau / mois, durant l’année. Les bananiers bien qu’héliophiles sont des plantes qui une fois sorties à la lisière de la forêt, ont des difficultés d’adaptation. Les sols forestiers, sablo-limoneux et sablo-argileux, riches en matières organiques conviennent parfaitement à son développement (Ndabalishye, 1995).

C’est donc dans la périphérie des îlots forestiers, et parfois à l’intérieur, que se trouvent les principaux terrains de production de cette plante hygrophile. Comme l’indique la figure 71 (ci-après), les aires de production se localisent ainsi prioritairement dans l’Ouest du pays qui concentre aujourd’hui la majeure partie des massifs forestiers. En fait l’extension de la banane plantain en zone forestière est liée à son système de culture. En effet, bien que sa culture soit possible sur jachère, la complantation du bananier plantain avec le café et le cacao demeure de loin le mode de production dominant. Dans la pratique, il sert de plante d’ombrage aux jeunes plants de caféier et au cacaoyer. La densité préconisée en complantation est de un pied de bananier pour deux pieds de cacaoyer, mais ces normes sont rarement respectées par les paysans (Osseni et al., 1993). Sur cette base, il apparaît clairement que l’extension de cette culture, qui suit le déplacement de la zone de production du binôme café-cacao, est tout aussi responsable du recul de la forêt.

La consommation des espaces forestiers par cette spéculation sera d’autant plus élevée d’année en année que la demande est très forte sur le marché. La banane plantain fait partie de l’alimentation de base d’une grande partie des Ivoiriens. En 1997 sa production est estimée, dans le Centre-Ouest du pays, à près de 600 000 tonnes contre seulement 40 000 dans l’Est (tableau 21 ci-dessous).

A côté de la banane plantain, le riz occupe une place importante parmi les cultures pratiquées dans les régions forestières de l’Ouest. Il existe deux types de riz : le riz irrigué et le riz pluvial. La production de riz irriguée se fait à partir de barrages hydro-agricoles et de bas-fonds humides aménagés. La gestion de ces bas-fonds humides représente aujourd’hui un enjeu important pour la production rizicole, du fait que l’agriculture ivoirienne est encore basée sur les systèmes agraires pluviaux et donc toujours tributaire des aléas climatiques, rendant la production incertaine. C’est pourquoi, très tôt (à partir des années 60), les pouvoirs publics se sont intéressés aux aménagements hydro-agricoles en créant des périmètres irrigués par diverses méthodes. Ces aménagements ont pour but d’assurer une meilleure maîtrise des eaux, une meilleure gestion des terres et une amélioration du rendement des cultures. Mais les succès de cette politique rizicole dans les bas-fonds sont encore maigres. La production nationale de riz irrigué atteint à peine les 10% de la production totale de riz. Le riz pluvial reste donc prédominant.

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Le riz pluvial est cultivé sur les plateaux, dans les régions où la bonne répartition des pluies et le couvert végétal permettent d’entretenir un sol humide durant le cycle de développement de la plante. Ce type de culture est généralement pratiqué en région forestière. Comme la banane plantain, il s’agit d’une plante hygrophile qui exige 160 à 300 mm d’eau par mois, soit environ 1 000 à 1 800 mm au cours de son cycle de 6 mois. L’écosystème de forêt dense humide est donc très propice à son développement. Sur la figure 71, les principales zones de production sont localisées dans l’Ouest forestier. En 1997 la production était estimée à plus de 116 000 tonnes dans le Sud-Ouest et de 162 000 tonnes dans le Centre-Ouest. Dans le même temps, l’Est n’en produisait que 14 000 tonnes.

En plus des conditions éco-climatiques, des facteurs ethno-culturelles peuvent contribuer à expliquer les différences de production entre l’Ouest et l’Est. En effet, si le riz est considéré chez les Akan, peuples de l’Est comme un aliment secondaire, il constitue chez les Krou de l’Ouest la base de l’alimentation. Le riz fait partie du patrimoine socioculturel de ces populations qui ont de ce fait développé depuis des lustres des pratiques culturales permettant de satisfaire leur besoin de consommation.

Tableau 21 : Production de banane plantain et de riz au Centre-Ouest et à l’Est de la Côte d’Ivoire

Banane plantain (en tonnes) Riz (en tonnes) Années Centre-Ouest Est Centre-Ouest Est 1 997 579 488 14500 162 122 6655,8 1 998 273 918 37301 146 475 6063,8 1 999 119 690 38745 152 473 8537 2 000 88570 40000 97 851 12666 Source : Ministère de l’Agriculture et des Ressources Animales, 2001.

Un autre moyen d’apprécier l’incertitude de l’avenir des derniers grands massifs forestiers est d’estimer le niveau de " réserves " des terres par habitant. Il est défini comme le rapport des espaces forestiers non défrichés à l’effectif de la population rurale (DCGTx, 1993). En ne considérant que les populations vivant à la lisière des îlots forestiers, ce niveau de " réserve " forestière est de 1,4 ha en 1998 contre 1,8 en 1988. Une valeur proche de " 0 " signifie une demande en terre suffisante pour détruire presque totalement les massifs forestiers, sachant qu’au niveau national la superficie de culture pour nourrir une personne est de 0,5 ha (Filleron, 1990 ; Koli Bi, 1992).

Ces réserves forestières auraient été suffisantes pour nourrir ces populations rurales riveraines si l’on était en culture intensive. Or dans un système traditionnel, comme c’est généralement le cas en Côte d’Ivoire, où quasiment aucun apport ne compense les ponctions, une parcelle après abandon se régénère naturellement mais lentement. Un long temps de jachère est nécessaire pour la reconstitution du potentiel agronomique. Dans la mesure où une parcelle reste en culture pendant en moyenne 4 ans, la durée du temps de mise en jachère est de 16 ans au minimum. Soit un rapport de 1 à 4, c’est à dire que pour 0,5 ha cultivé, il faut 2 ha en jachère. Dans l’hypothèse d’une appropriation effective des réserves forestières par les populations riveraines, le rapport champs/jachère serait de 1 à 2 en 1998, c’est à dire que pour 4 années de culture, la jachère ne serait plus que de 8 ans. Avec la croissance rapide de la population dans la périphérie des îlots forestiers, ce temps de jachère devrait largement régresser d’année en année.

Les chiffres de la figure 72 (ci-après) mettent en évidence le blocage du système agricole basé sur la conquête permanente de terres neuves. Actuellement, la mise en culture de

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toutes les réserves forestières ne suffirait pas pour combler les besoins des populations riveraines qui se verraient obliger de pratiquer une agriculture très destructrice, laissant peu de temps de jachère au milieu (moins de 8 ans). Il devient donc illusoire de résoudre les problèmes de potentiels agricoles, posés par les paysans aux autorités politiques, en terme de manque de terre, en procédant à des déclassements de forêts. Cela revient à dire que dans les prochaines années, on devrait au niveau des cultures vivrières, viser l’adoption de méthodes semi-intensives sur des parcelles de 0,5 à 1 ha. Il reste clair qu’entre l’itinérance des cultures (extensives) et la stabilisation des cultures, il devient plus rationnel de trouver des solutions économiquement supportables par les paysans et qui appellent de leur part une prise en charge et une responsabilité dans la gestion de leur environnement.

Figure 71 : Principales zones de production de la banane plantain et du riz

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Burkina FasoMali

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Golfe de Guinée

Forêt Forêt

0 50 100 Km

N

Production de banane en tonnes Production de riz en tonnes

54164 - 82981#34985 - 54163#19112 - 34984#6432 - 19111#

0 - 6431# # 0 - 3541# 3542 - 9051# 9052 - 20041# 20042 - 40611

# 40612 - 68892

Données CCT-BNETD, 2002

L’analyse au niveau régional montre une grande disparité dans la distribution spatiale des réserves en terres. Les plus fortes valeurs se retrouvent à l’Ouest. En effet, dans les départements de Guiglo et de Daloa, les populations riveraines pourraient disposer chacun, en 1998, de 7 à 9 ha, Cette situation est liée à la présence de grands massifs bien conservés, notamment le parc national de Taï qui s’étend à lui seul sur 425 000 ha, soit plus de 20% du patrimoine forestier ivoirien actuel. Sur le reste du pays, la réserve terre pour les populations riveraines des îlots forestiers diminue rapidement d’Ouest en est, avec l’épuisement de la ressource forestière dans cette dernière région. Les rares îlots forestiers, qui subsistent comme

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ceux du Sud-Est, subissent une pression foncière importante. Dans ces régions, la réserve des terres est estimée en 1998, en moyenne, à moins de 1 ha par habitant. En prenant en compte l’ensemble des populations rurales habitant un département, cette tendance reste la même, avec 1,5 ha/ habitant en moyenne à l’Ouest et moins de 0,5 à l’Est.

Figure 72 : Évolution théorique de la réserve des terres forestières par habitant

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

1.2

1.4

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2.0

1988 1998 2008 2018 2028 2038 2048 2058Années

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4 Conclusion La modification des conditions bioclimatiques, notée au cours de ces trois dernières décennies, s’accompagne d’une mobilité spatiale importante des populations rurales. Le degré d’humidité et le niveau de réserve en terre forestière faisant partie des conditions suffisantes influençant les migrations agricoles, c’est vers les régions encore forestières de l’Ouest, à pluviométrie annuelle supérieure à 1 400 mm, que se dirige la grande partie des migrants. Dans la région du Bas-Sassandra (Sud-Ouest), par exemple, plus de 9 habitants sur dix sont migrants. Ces migrants proviennent principalement des régions de savanes ivoiriennes ou des pays limitrophes où la rigueur des conditions éco-climatiques rend de plus en plus difficile la mise en valeur des terres. Certains d’entre eux ont transité, entre 1960 et 1980, par l’ancienne boucle du cacao dans l’Est de la Côte d’Ivoire aujourd’hui région de vieilles plantations, la terre y étant devenue peu fertile à cause de sa surexploitation. La forte pression exercée par ces populations sur les ressources forestières depuis maintenant plus de 40 ans aboutit à d’inévitables modifications profondes du milieu forestier ivoirien.

En effet, depuis les années 60, les superficies forestières de la zone dense humide (en grands massifs et en boisements diffus) n’ont cessé de reculer, passant de plus de 12 millions d’hectares à moins de 4 millions d’hectares à l’heure actuelle. L'Ouest est la seule région où les massifs forestiers sont encore importants. Sur le reste de la zone forestière, de très grandes superficies sont désormais occupées par des jachères et des cultures principales dont le binôme café-cacao.

A l’échelle du massif forestier, l’étude de l’évolution de l’occupation du sol permet de comprendre la dynamique spatio-temporelle des relations entre forêt et agriculture. La comparaison des images de 1986 et de 2001 permet de mesurer la poursuite du phénomène de la déforestation avec pour corollaire l’augmentation des surfaces en forêt dégradée et en culture ou jachère.

Dans ce contexte de raréfaction des ressources forestières, le couplage des données agro-démographiques avec les données de télédétection sur les réserves forestières permet d’appréhender les risques de disparition des derniers massifs forestiers. Des niveaux de vulnérabilité des massifs forestiers à la dynamique des populations rurales sont ainsi établis. Les régions forestières les plus exposées aux défrichements sont celles de l’Ouest à cause de l’existence d’importants fronts d’attaques aux limites des massifs forestiers. Cette situation ne concerne pas les parcs nationaux qui, contrairement aux forêts classées, bénéficient d’une protection intégrale de l’Etat.

L’une des conséquences qui accompagne la raréfaction des réserves forestières est le blocage du système extensif de l’économie de plantation qui ne peut se développer que dans un environnement de forêt dense. Le passage de la culture extensive à la culture intensive apparaît aujourd’hui comme la seule alternative pour maintenir le potentiel de production agricole du pays. La mise en œuvre de cette politique agricole nécessite toutefois, en l’absence d’association élevage / culture, l’utilisation massive d’intrants chimiques importés dont le coût reste onéreux. La paupérisation de la masse paysanne, entretenue par la faiblesse des rendements agricoles et les fluctuations des cours des produits, constitue en fait l’un des principaux obstacles à l’intensification de l’agriculture, ceux-ci ne pouvant accéder aux intrants pour améliorer la qualité des sols.

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Chapitre 4 : Mutations socio-économiques et socioculturelles dans le contexte actuel des modifications environnementales

Les modifications environnementales constatées ces dernières années en Afrique de l’Ouest, ont considérablement affecté le monde rural. La dégradation des sols lié à leur surexploitation et les nouvelles contraintes climatiques rendent en effet vulnérables certaines cultures, conduisant à des baisses importantes de rendement agricole. C’est ainsi qu’au cours de la saison sèche de l’année 1983, par exemple, on a enregistré 60 000 ha de forêts incendiées, 108 000 ha de plantations et de cultures détruites, une perte de 40 millions de $US pour 3 000 ha de plantations industrielles, 21 décès et 15 000 sinistrés (FAO, 1999). De 1983 à 1996, on a dénombré 89 paysans morts dans les feux de brousse. Par ailleurs, chaque année, les feux détruisent 1 000 à 3 000 ha de forêts du domaine rural, 500 à 1 000 ha d’espaces de reboisement, 500 à 2 000 ha de café-cacao et 5 à 20 villages sont touchés par les feux de brousse.

Cette situation impose aux populations une modification des stratégies de gestion de l’espace rural, ainsi que des comportements sociaux. Des enquêtes socio-économiques réalisées dans des régions test en Côte d’Ivoire révèlent que l’on assiste à de nouvelles utilisations du milieu. Avant l’époque coloniale les populations rurales ivoiriennes pratiquaient un système de gestion des terres, basé sur des temps de repos suffisamment long (plus de 25 ans), qui permettait à la terre de retrouver son capital de production après sa mise en culture. Les défrichements n’étaient pas systématiques et épargnaient les arbres utiles. L’agroforesterie étaient donc déjà connu entant que méthode de gestion des forêts. A cette époque les faibles densités de populations rurales et l’économie de subsistance autorisaient de telles pratiques gestionnaires. La gestion des milieux par ces peuples allait de pair avec une perception animiste et une connaissance empirique ancienne de l’environnement. Mais les modifications actuelles de l’environnement ont bouleversé les rapports homme-nature dans les paysanneries ivoiriennes. On se pose, en effet, la question de savoir si cette nouvelle donne entraîne des mutations dans les représentations, les valeurs et les pratiques. Existe t-il plusieurs types d’évolutions, selon les éléments de l’environnement auxquels on s’intéresse : climat, végétation, sol ?

Cette analyse vise donc à comprendre les relations entre l’homme et son milieu dans le nouveau contexte environnemental.

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1 Des rendements agricoles fortement perturbés par les risques climatiques

Il existe plusieurs zones agro-écologiques en rapport avec les besoins hydriques des cultures, référence étant faite aux travaux Guillaumet et Adjanahoun (1971) dans " le milieu naturel de la Côte d’Ivoire ".

Le Sud de la Côte d'Ivoire où il tombe plus de 1500 mm d’eau par an avec une faible durée de la saison sèche (pas plus de 4 mois), est favorable à des cultures pérennes comme le palmier, l’hévéa, le caféier, le cacaoyer, le kolatier et des cultures vivrières comme l’igname, le taro, le manioc, le maïs, le riz sur des sols ferrallitiques fortement désaturés. En moyenne Côte d’Ivoire, la pluviométrie annuelle est comprise entre 1200 et 1500 mm. Avec des sols de type ferrallitique fortement désaturés sous pluviométrie atténuée, les aptitudes culturales sont proches de celles de la région Sud. Sur le reste de la Côte d’Ivoire, la pluviométrie annuelle est généralement inférieure à 1 300 mm avec des sols ferralltiques moyennement désaturés. Le nombre de mois secs est élevé, mais ne dépasse pas 5 au cours de l’année. L’horizon gravillonnaire est plus important et les concrétionnements sont fréquents. On relève également de nombreuses zones cuirassées. Les cultures annuelles occupent la grande partie de l’espace agricole (coton, maïs, riz, igname). Les cultures pérennes pratiquées concernent principalement l’anacardier, le manguier.

.1.1 Le risque climatique en agriculture L’étude du risque climatique encouru par la production agricole consiste à évaluer, dans une certaine mesure, la probabilité d’occurrence de facteurs climatiques défavorables et susceptibles d’entraîner la perte partielle ou totale d’une récolte (Eldin, 1985). Ce risque climatique ne représente, bien entendu, qu’une partie des risques encourus par l’agriculteur. Suivre l’alimentation hydrique d’une culture, c’est comparer deux grandeurs homogènes (même unité) exprimant d’une part les besoins de la culture et d’autre part la disponibilité de l’eau pour cette culture. Les besoins en eau des cultures non irriguées dépendent de la contrainte climatique, exprimée par exemple par l’évapotranspiration potentielle (ETP) et le stade de développement de la culture. La disponibilité en eau de la plante peut s’exprimer quant à elle par la pluie tombée (P) et la réserve en eau du sol (RU). Mais, pour une approche macroscopique régionale, comme c’est le cas dans cette étude, on considère que la pluie est le terme prépondérant de ce bilan et on assimile les disponibilités en eau à celle des précipitations.

Il s’agit donc (figure 73 ci-après) de comparer la pluie (P) à l’évapotranspiration potentielle (ETP). Ce terme du bilan hydrique représente un majorant de la consommation hydrique de n’importe quelle culture à n’importe quel moment. Obtenir pour un mois donné, des pluies supérieures à l’ETP, c’est avoir l’assurance que les végétaux ne manqueront pas d’eau (Eldin, 1985). De la même manière, mais de façon plus arbitraire cette fois, le rapport ETP/2 représente un besoin hydrique moyen qui doit permettre à un couvert végétal de démarrer son cycle de végétation (phase de germination, levée, début de croissance) et de le terminer (phase de maturation) dans des conditions d’alimentation hydrique à peu près convenables.

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Figure 73 : Détermination de la période culturale

mm

Source : Ndabalishye, 1995.

Sur cette base théorique, nous avons calculé les fréquences (approche probabiliste) avec lesquelles les pluies mensuelles atteignent ou dépassent les valeurs mensuelles de l’ETP. Le choix d’une probabilité (P) traduisant le risque de perte plus ou moins complète de la récolte du fait des déficits hydriques, acceptables par l’agriculteur, permet de définir la période de culture non irriguée correspondante. Dans ce travail, nous avons supposé que cette probabilité est de P = 0,30, soit une perte partielle ou totale de la récolte acceptée environ une année sur trois. La probabilité complémentaire P = 1 - p = 0,70 exprime donc les chances, en termes statistiques, de sauver la récolte.

Les graphiques 63, 65, 66, et 67 ci-après permettent d’établir, à partir des taux de satisfaction mensuelle des besoins en eau des plantes, les périodes de culture pour différentes régions agro-écologiques sur les années 1950-1969 et 1971-1997. Ceux-ci montrent de façon générale un raccourcissement de la période pendant laquelle les besoins des plantes sont satisfaits quand on passe des années 70, 80 par rapport aux années 50 et 60. Les modifications portent également sur les dates début et fin de saisons. Cette situation rend vulnérable la culture de certaines plantes (en absence d’irrigation), surtout celles à cycle long. Les tableaux 22 et 23

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(ci-dessous) donnent la durée du cycle et l’importance des besoins hydriques de chaque phase du cycle de différentes cultures vivrières.

Tableau 22 : Durée (en jours) du cycle de différentes cultures annuelles Culture Précoce Variété intermédiaire Tardive Arachide 90 105-110 120 Maïs 90 105 120 Riz 90-105 120 130-150 Sorgho 90 105-130 125 Mil 60-90 105 110-130 Coton 166 205 Source : Sangare, Y., M. Kabala, et al. 1989. Productivité des savanes de Côte d'Ivoire.

Tableau 23 : Sensibilité de différentes phases du cycle cultural de différentes cultures vivrières

Culture Semis-croissance Floraison Remplissage Maturation Arachide faible Très forte faible forte Maïs faible Très forte faible forte Riz faible Très forte faible faible Sorgho faible Très forte faible faible Mil faible Très forte faible faible Coton faible Très forte faible faible Source : Sangare, Y., M. Kabala, et al. 1989. Productivité des savanes de Côte d'Ivoire.

Pour les cultures pérennes, on s’intéressera à la phase de floraison qui s’étend sur les mois de mai, juin et juillet (grande saison humide) pour le café, le cacao et l’hévéa et sur les mois de septembre octobre pour le palmier. Au cours de cette période critique, ces cultures exigent de très forte quantité d’eau. L’importance de la récolte dépend de ces quantités d’eau. L’analyse du risque climatique pour les cultures pérennes portera plus particulièrement sur l’étude fréquentielle de la phase très humide de la saison pluvieuse (P-ETP) des deux périodes (1950-1969 et 1970-1997).

.1.2 La variabilité régionale des saisons culturales

1.2.1 Le Sud-Ouest, une région affectée par le raccourcissement de sa saison culturale malgré sa forte pluviométrie

Dans le Sud-Ouest (Gagnoa), considéré comme la nouvelle ceinture agricole, la première saison culturale qui commençait de la première décade du mois de mars à la deuxième décade du mois de juillet au cours de la période 50-69, débute tardivement au cours de la période actuelle. Elle est en effet identifiable seulement à partir de la première décade du mois d’avril et prend fin la première décade du mois de juillet. Celle-ci ne dure donc que 3 mois 10 jours contre 4 mois 10 jours par le passé. La prise en compte de l’ETP/2 est pertinente pour le démarrage et la fin du cycle végétatif, pas pour la phase de floraison et de formation des

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grains, où les besoins en eau sont plus importants. Or on note que la phase très humide est passée de 2 mois 10 jours à 1 mois. Cette situation peut avoir des conséquences rédhibitoires sur la récolte.

En ce qui concerne la deuxième saison culturale, les modifications de la date du démarrage induisent une réduction de la durée du cycle de la première période à la deuxième. On situe le début au cours de la période passée à la troisième décade du mois d’août et la fin à la troisième décade du mois d’octobre. Au cours de la période récente, la deuxième saison végétative débute 20 jours plus tard. La phase très humide de ce cycle connaît une réduction de 10 jours. De 1 mois 10 jours on est en effet passé à 1 mois.

Figure 74 : Saisons de croissance théoriques sur les périodes 1950-69 et 1970-96- à Gagnoa (Sud-Ouest du pays)

Gagnoa

0102030405060708090

100

1 5 9 13 17 21 25 29 33

Décades

Prob

abili

tés

(P)

P>=ETP (50-69)P>=ETP (70-96)P>=ETP/2 (50-69)P>=ETP/2 (70-96)

M

Conséquence sur la production

Dans ce contexte de réduction de la période culplus en plus important pour les cultures (en se100 jours. Etant devenue plus brève (70 jours)n’est plus adaptée aux cultures vivrières (sauf leles cultures pérennes dans la mesure où les bespendant la période de floraison (entre le mois detrès humide est passée de 2 mois 10 jours à 1 mo

L’analyse temporelle des données de rendemenmontre assez bien les fluctuations importantes1970.

Données SODEXA

turale, le risque de perte de récolte devient de c) de vivriers dont les cycles vont au-delà de , la deuxième saison des pluies, quant à elle, mil précoce). Le risque existe également pour oins en eau sont de moins en moins satisfaits mai et celui de juin). La durée de cette phase is (cf. supra).

t de quelques spéculations (figure 75 et 76) de la production subies à partir de l’année

159

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Figure 75 : Rendement du Café et du Cacao dans le Sud-Ouest

0

200

400

600

800

1000

1200

60 63 66 69 72 75 78 81 84 87

Années

Kg/

ha cafécacao

Données MINAGRA 1984

Figure 76 : Rendements du riz dans le Sud-Ouest de 1965 à 1984

0

500

1000

1500

2000

65 67 69 71 73 75 77 79 81 83

Années

Kg/

ha SassandraGagnoa

Données MINAGRA 1984

1.2.2 Les marges de la zone forestière, une région marquée par des réductions de grande amplitude des saisons culturales

Sur les marges de la zone forestière à Daloa, la première saison culturale connaît une réduction importante au niveau de la durée, de la période passée à celle actuelle. De 4 mois on est passé à 2 mois 20 jours. En effet, si pour la période 50-69, cette saison culturale s’étendait de la troisième décade du mois de mars à la deuxième décade du mois de juillet, celle-ci débute désormais (70-97) à partir de la deuxième décade du mois d’avril et prend fin beaucoup plus précocement, c’est à dire la troisième décade du mois de juin. Dans ce contexte de modification du régime des précipitations, un phénomène important est à signaler, celui des " faux départs ", qui donne l’impression d’un démarrage de la saison pluvieuse. Cette situation est observée au cours de la deuxième décade du mois de mars de la période 1970-1997 où les besoins hydriques minimum des plantes sont satisfaits. Mais elle est suivie d’une décade sèche susceptible d’affecter la croissance des végétaux. La saison de pluie ne commence véritablement qu’à la deuxième décade du mois d’avril, même si de légères baisses sont observées par la suite.

160

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Le raccourcissement des saisons, noté ici, ne touche pas la phase très humide, qui subit toutefois un décalage. Cette période qui ne dure que 10 jours s’installe actuellement au cours de la première décade du mois de juin alors que par le passé, elle avait lieu au cours de la deuxième décade du mois de juin.

La deuxième saison humide quant à elle, est diminuée de 20 jours. Son début se situait par le passé à la troisième décade du mois d’août et sa fin à la troisième décade du mois d’octobre. Actuellement elle commence 10 jours plus tard et finit 10 jours plus tôt. La phase très humide de la petite saison pluvieuse généralement plus importante en durée et en intensité que celle de la grande saison subit également une réduction considérable. De un mois 20 jours au cours de la période passée, celle-ci ne dure plus que 20 jours.

Figure 77 : Saisons de croissance théoriques sur les périodes 1950-69 et 1970-96 à Daloa (Centre-Ouest du pays)

Daloa

0102030405060708090

100

1 4 7 10 13 16 19 22 25 28 31 34

Décades

Prob

abili

tés

(P)

P>=ETP (50-69)

P>=ETP (70-96)

P>=ETP/2 (50-69)

P>=ETP/2 (70-96)

M

Dans l’Est, ancienne boucle du cacao, commeprécipitations connaît une modification. Mmodifications semble être beaucoup plus importpar le passé s’étendait sur 5 mois 10 jours (ddeuxième décade du mois d’août), ne dure pdémarrage de cette saison n’a lieu désormais d’avril pour finir plus précocement, c’est à dire que le changement est le plus sensible. De 2 mpassé à 10 jours actuellement. Des évolutionshumide. Celle-ci est, contrairement à la graremarquable ici, c’est la quasi-disparition de la pdes cas, on n’enregistre pas d’excédent pendant

Données SODEXA

les autres régions forestières, le régime des ais dans cette région l’ampleur de ces ante. En effet, la grande saison des pluies qui e la deuxième décade du mois de mars à la lus que 4 mois 10 jours actuellement. Le qu’à partir de la deuxième décade du mois 10 jours avant. C’est sur la phase très humide ois au cours de la période ancienne, on est

sont également notées sur la petite saison nde saison rallongée de 20 jours. Le fait hase très humide. Cela signifie que dans 70%

la petite saison humide.

161

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Figure 78 : Saisons de croissance théoriques sur les périodes 1950-69 et 1970-96 à Agnibilekrou (Est du pays)

Agnibilekro

0102030405060708090

100

1 4 7 10 13 16 19 22 25 28 31 34

Décades

Prob

abili

tés

(P)

P>=ETP (50-69)P>=ETP (70-96)P>=ETP/2 (50-69)P>=ETP/2 (70-96)

Conséquences sur la production

A Daloa, dans le Centre-Ouest, il y a des conséquences sur les cultures surtout celles à cycles intermédiaires et longs. Le semis précoce (début mars) n’est plus possible ; ce qui induit un risque de perte de récolte dans la mesure où la grande saison humide se prolonge de moins en moins jusqu’à la fin du mois de juillet. Comme dans le Sud-Ouest, la deuxième saison pluvieuse est devenue également inadaptée aux cycles des cultures vivrières, la durée de celle-ci n’étant plus que de 50 jours. Des risques de perte de récoltes existent également au niveau des cultures pérennes dans la mesure où de forts excédents pluviométriques (P-ETP) ne sont enregistrés plus qu’une seule décade pendant la période de floraison de ces cultures (café, cacao, hévéa). A Agnibilekrou, dans l’Est, les cultures vivrières à cycle long (riz tardif) ont peu de chance de réussite, si on s’en tient à la période de culture qui y est de 120 jours pendant la grande saison pluvieuse. La réduction significative de la phase très humide (de 60 à 10 jours) risque également d’affecter énormément la floraison des cultures pérennes et vivrières. Les graphiques ci-dessous indiquent une tendance générale à la baisse des rendements agricoles depuis le début des années 70 pour le café, cacao et le riz à Daloa.

Figure 79 : Rendements du Café et du Cacao à Daloa de 1960 à 1989

0

200

400

600

800

1000

1200

60 63 66 69 72 75 78 81 84 87

Années

Kg/h

a cacaocafé

Données SODEXAM

Données MINAGRA 1984

162

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Figure 80 : Rendements du riz à Daloa de 1965 à 1964

0200400600800

100012001400160018002000

65 67 69 71 73 75 77 79 81 83

Années

Kg/h

a

1.2.3 Le Centre et le Nord savraccourcissement des saison

Dans ces régions où la période de culturepluviométrique uni modal et de la lonl’installation de la saison pluvieuse sont be

Dans le Nord-Ouest à Odienné, la réductioancienne à celle plus récente, elle est pastroisième décade du mois de mai à la trhumide est également réduite de un mois, le secteur de Korhogo (Nord), la situation4 mois par le passé ne dure plus que 3 moielle, de 2 mois 10 jours à 2 mois.

Figure 81 : Saisons de croissance1970-96 à Korhogo et O

Korhogo

0102030405060708090

100

1 5 9 13 17 21 25 29 33

Décades

Prob

abili

tés

(P)

Données MINAGRA 1984

anicoles, des régions marquées par un s culturales déjà préoccupantes.

est déjà courte du fait de l’existence d’un régime gueur de la saison sèche, les incertitudes dans aucoup plus préoccupantes.

n de la saison pluvieuse est notable. De la période sée de 5 mois à 4 mois. Celle-ci durait en effet la oisième décade du mois d’octobre. La phase très passant de 3 mois 20 jours à 2 mois 20 jours. Dans est semblable. La saison humide qui s’étendait sur s 10 jours. La phase très humide est passée, quant à

théoriques sur les périodes 1950-69 et diénné

P>=ETP (50-69)P>=ETP (70-96)P>=ETP/2 (50-69)P>=ETP/2 (70-96)

Données SODEXAM

163

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Odienné

0102030405060708090

1001 4 7 10 13 16 19 22 25 28 31 34

Décades

Prob

abili

tés

(P)

P>=ETP (50-69)P>=ETP (70-96)P>=ETP/2 (50-69)P>=ETP/2 (70-96)

Données SODEXAM

Conséquence sur la production

La saison pluvieuse se produisant d’un seul tenant, sans interruption (contrairement au Sud), les cultures vivrières à cycles longs s’y développent bien. La longueur de la période culturale a certes varié de 140-160 à 130-120 jours, mais elle permet encore la culture des différentes variétés de vivriers en dehors du riz tardif. La culture du coton à cycle supérieur à 160 jours comporte, quant à elle, des risques importants de perte de récolte dans le Nord.

Dans ces régions de savanes où les conditions éco-climatiques sont déjà rigoureuses, l’analyse des rendements doit tenir compte des innovations technologiques apportées pour améliorer la productivité agricole. Le maïs, par exemple, comme le fait remarquer Chaléard (1996), accompagne, en général, l’essor du coton (remarquable de 1964 à 1997, figure 82) dont le cycle s’achève en décembre-janvier. Cette succession préconisée par la CIDT au début des années 1980 est à l’origine d’un grand essor de la production du maïs. Déconseillée par la suite, pour des raisons de calendrier agricole et les risques de maladies, elle a été souvent maintenue par les exploitants. La culture du coton, qui nécessite l’emploi d’engrais, permet l’année suivante une nouvelle succession maïs-coton, avec de bons rendements céréaliers, grâce à l’effet rémanent de l’engrais coton.

Figure 82 : Rendements des principales cultures à tengrela de 1965 à 1998

0200400600800

10001200140016001800

64 67 70 73 76 79 82 85 88 91 94 97

Années

Kg/

ha

cotonMaïsRiz

Données MINAGRA 1984

164

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.1.3 La forte sensibilité de la production agricole aux effets du climat : l’exemple de la variabilité du poids moyen d’une fève fraîche de cacao

Le cacao, souvent associé à la culture du café, constitue la principale production agricole de la Côte d’Ivoire. Cette production, qui représente plus de 40% de la production mondiale, est la première richesse du pays. Une variation importante de la production aura, de ce fait, une incidence directe sur son économie. Afin d’optimiser cette production, les autorités gouvernementales se sont donc employées depuis l’indépendance à développer des structures nationales de recherche agronomique et d’encadrement, notamment l’Agence Nationale pour le Développement Rural (ANADER) et l’Institut des forêts (IDEFOR) transformé à partir de 1996 en Centre National de la Recherche Agronomique (CNRA). Des variétés à haut rendement et résistantes à la sécheresse ont donc été mises au point par le CNRA. Ces nouvelles avancées biotechnologiques grâce auxquelles la productivité peut atteindre 2,5 t/ha favoriseront l’augmentation, en milieu paysan, des rendements agricoles encore faibles (500 à 800 kg/ha). Malgré ces performances potentielles, la production cacaoyère connaît une variabilité interannuelle importante.

Le climat est l’un des facteurs primordiaux qui explique cette variabilité. Plante ombrophile (i.e. aimant l’eau), le cacaoyer exige en effet, pour son développement, des conditions climatiques humides. Les hauteurs pluviométriques annuelles doivent atteindre au minimum 1 200 à 1 500 mm, avec un nombre limité de jours secs. La réserve utile étant limitée à cause du faible enracinement, 20 jours sans pluie suffisent pour perdre la récolte. Pour Lachenaud (1992), les conditions optimales sont atteintes lorsque la pluviométrie annuelle est comprise entre 1 500 et 2 000 mm. Le cacao exige également une humidité relative importante. Celle-ci doit être supérieure à 80% tout au long de l’année, au risque d’assister à un arrêt de la photosynthèse, de l’évapotranspiration et par conséquent, à un assèchement des feuilles. D’autres facteurs climatiques, comme la température et le rayonnement solaire peuvent également avoir une influence non négligeable sur la phénologie du cacao et ses rendements.

On note malheureusement depuis les dernières décennies une modification des régimes climatiques sur l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest, cette évolution se traduisant entre autre par une diminution des pluies annuelles dans le Sud forestier jugées favorables à la cacaoculture (cf. chapitre 2).

L’analyse est réalisée sur une composante de la production, à savoir le poids moyen de la fève de cacao. Contrairement au rendement qui est lié, en plus de la disponibilité en eau, à d’autres facteurs (entretien et âge de la plantation par exemple), ce paramètre physiologique traduit mieux le stress hydrique de la plante en rapport avec les situations climatiques antérieures à la récolte. Lachenaud (1992) montre, en effet, que les facteurs gouvernant la floraison et donc le poids moyen des fèves fraîches par cabosse sont essentiellement les régimes hydriques et thermiques. Ces variations du poids moyen des fèves fraîches peuvent aussi être accentuées par la concurrence entre cabosses à cause des problèmes de répartition de l’eau entre elles.

Les données proviennent de trois stations expérimentales du CNRA situées dans le Sud forestier : Bingerville (Sud-Est, à proximité d’Abidjan), Divo (Sud-Ouest, dans la nouvelle zone de production) et Abengourou (à proximité de l’ancienne boucle du cacao). Ces régions sont jugées a priori favorables à la culture du cacao grâce à une pluviométrie annuelle moyenne supérieure à 1 300 mm.

Si les données citées dans la littérature (annuaires de statistiques agricoles par exemple) ne font pas de distinction entre les différentes variétés (qui possèdent des performances

165

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différentes), celles fournies par les parcelles des stations expérimentales sont plus précises. Pour rendre comparables les données provenant de parcelles des différentes stations étudiées, les arbres ont été plantés dans les mêmes conditions de densité, d’ombrage et d’éclairement. Ils ont également subi les mêmes entretiens sur des sols très peu différents. Seules les conditions climatiques restent aléatoires selon les années et pour les différents sites. Créé en 1979, les récoltes y ont été effectuées, pour chaque site variété par variété de 1983 à 1994. Quatre variétés ou hybrides sont utilisés dans cette étude afin de comparer leur dépendance aux différentes variations du climat régional. Ces hybrides sont tous issus du croisement entre le Haut-Amazonien (d’introduction récente) et l’Amelonado (d’introduction ancienne) : le P7 X c1c2c5, le T79/501 X c1c2c5, le T63/971 X c1c2c5 et le T79/467 X c1c2c5.

1.3.1 Une variabilité conjointe du poids moyen de la fève de cacao et de la pluviométrie au cours de la période expérimentale (1982-1994)

Les données analysées ici sont des moyennes annuelles (sur la campagne qui part d’octobre à mars) de poids moyen d’une fève fraîche par cabosse. Les courbes de production des différentes variétés cacaoyères étudiées à Divo et à Abengourou montrent d’importantes variations entre 1983 et 1994 (figure 83 ci-dessous). Les plus faibles poids de fèves sont enregistrés en 1983-84 et 1984-85, la taille des fèves augmentant pendant les campagnes suivantes. L’année 1991-92 a toutefois été marquée par une chute considérable du poids des grains.

Figure 83 : Variabilité du poids moyen d’une fève fraîche de cacao (en g) pour 4 variétés au cours de la période expérimentale 1983-94 dans le Sud-Ouest (Divo) et l’Est (Abengourou) de la Côte d’Ivoire.

Evolution du poids moyen d'une fève de cacao à Divo de 1983 à 1984

60708090

100110120130

83/8

4

84/8

5

85/8

6

86/8

7

87/8

8

90/9

1

91/9

2

92/9

3

93/9

4

Années

Poid

s m

oyen

P7T79/501T79/467T63/971

g

Evolution du poids moyen d'une fève de cacao à Abengourou de 1983 à 1984

60708090

100110120130

85/8

6

86/8

7

90/9

1

91/9

2

92/9

3

93/9

4

Années

Poid

s m

oyen

P7

T79/501

T79/467

T63/971

g

166

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Les données pluviométriques observées sur les stations étudiées durant la période d’essai présentent également une grande variabilité interannuelle (figure 84 ci-dessous). On distingue en effet des groupes d’années faiblement arrosées et des groupes d’années à forte pluviosité. Les années 1982, 1983 et 1992, par exemple, ont enregistré de très faibles niveaux de précipitations. Cette situation est beaucoup plus marquée au cours de l’année 1983 où le total annuel n’était que de que 881 mm à Divo et de 1095 à Abengourou. Dans ces deux stations, ces valeurs sont nettement inférieures à la moyenne à long terme (1950-1997) qui est respectivement de 1 460 mm et de 1 313 mm. Les années les plus arrosées, sont celles de 1985 et 1989. Au cours de ces années, le nombre de mois à pluviométrie supérieure à 100 mm est important et le maximum mensuel dépasse largement les 250 mm. Les totaux annuels excèdent, dans ce cas les 1 500 mm (supérieur à la moyenne à long terme), allant jusqu’à 1 900 mm en 1989 à Abengourou.

Figure 84 : Variabilité de la pluviométrie (en mm) au cours de la période expérimentale (1982-1994) dans le Sud-Ouest (station de Divo) et l’Est (station d’Abengourou) de la Côte d’Ivoire.

Pluviométrie annuelle entre 1982 et 1994 à Abengourou (écart à la moyenne de 1950 à 1997)

200

500

800

1100

1400

1700

2000

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

Années

Hau

teur

s pl

uvio

mét

rique

s

mm

Pluviométrie annuelle entre 1982 et 1994 à Divo (écart à la moyenne de 1950 à 1997)

200

500

800

1100

1400

1700

200019

82

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

Années

Hau

teur

s pl

uvio

mét

rique

s

mm

1.3.2 Des variations du poids moyen de la fève de cacao fortement dépendante de la pluviométrie et de la durée d’insolation

Pour comprendre l’effet des variations climatiques sur la production cacaoyère, les valeurs annuelles de poids moyens de fèves fraîches par cabosse ont été corrélés avec des données mensuelles climatiques antérieures à la récolte de l’année en cours. Des relations linéaires significatives sont établies entre le poids moyen de la fève (par hybrides) et les conditions climatiques des mois antérieurs, comme l’attestent les statistiques du tableau 24 (ci-après) qui présente les résultats les plus importants. Les pluies et le rayonnement global des mois de juin et de décembre sont en effet corrélés significativement au poids moyen de la fève par cabosse au cours de la campagne de l’année en cours, comme l’attestent les coefficients de détermination.

Les résultats de la régression multiple calculée entre le poids des fèves de cacao de quatre hybrides et certains paramètres climatiques (pluviométrie et durée d’insolation) en juin et décembre dans le Sud de la Côte d’Ivoire indiquent ainsi que la variation du poids d’une fève de cacao est expliquée dans plus de 57% des cas (79% dans le cas de l’hybride T63/971) par le niveau des précipitations et la durée d’insolation au cours des mois de juin et de décembre (tableau 24 ci-dessous). Les poids de fèves de cacao les plus faibles (respectivement élevés)

167

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sont enregistrés au cours des années présentant des précipitations et des durées d’insolation faibles (respectivement importantes). C’est ainsi que, par exemple, la pluviométrie de l’année 1984, anormalement basse en juin (85 mm à Abengourou) et en décembre (21 mm à Abengourou et 8 mm à Divo) a considérablement affecté le poids moyen de la fève de cacao au cours de la campagne 1984-85. En revanche, l’abondance des pluies en juin 1990 (264 mm à Abengourou et 200 mm à Divo) et surtout au mois de décembre de la même année (167 mm à Abengourou et 296 mm à Divo) a entraîné une forte augmentation du poids de la fève de cacao lors des récoltes de 1990-91.

Tableau 24 : Résultats d’une régression multiple entre le poids moyen annuel d’une fève de cacao par cabosse (de quatre hybrides) et certains paramètres climatiques (pluviométrie et durée d’insolation) en juin et décembre dans le Sud de la Côte d’Ivoire.

Degré de liaison Paramètres de prédiction Hybrides

R R2 Cste P juin P déc. I juin. I déc..

T63/971 0,88 0,78 38,01** 0,0297** 0,0268 0,120* 0,226**

P7 0,82 0,67 50,64** 0,0188 0, 043* 0,106 0,210**

T79/501 0,83 0,69 46,64** 0,0135 0,057** 0,195** 0,134*

T79/467 0,76 0,57 51,12** 0,009** 0, 043* 0,123* 0, 220*

NB :P = pluviométrie ; I = durée d’insolation, Significativité : ** =1%, * =5%

Après analyse de la contribution des variables, il apparaît qu’en moyenne, les conditions climatiques du mois de décembre sont celles qui modulent le plus, d’un point de vue statistique, le poids moyen de la fève de cacao, comme l’indiquent les coefficients des droites de régressions (tableau 24 ci-dessus). Ces résultats confirment ainsi l’effet des fluctuations des conditions climatiques du mois de décembre (en début de saison sèche) sur le poids moyen de la fève de cacao, aspect déjà évoqué par Lachenaud (1992). Ainsi, de l’ampleur de la récession pluviométrique, et plus généralement du niveau de la sécheresse agroclimatique, dépendra le poids moyen de la fève fraîche au cours des récoltes. L’interprétation de la relation linéaire permet d’affirmer que, par exemple, une diminution des précipitations au cours du mois de juin de 100 mm et de 50 mm en décembre a pour conséquence une diminution significative du poids moyen de la fève de 7,5 g pour l’hybride T63/971, soit une perte de 65 kg/tonne. Il est important de noter que l’estimation du poids moyen de la fève, à partir des paramètres de la régression multiple, prend aussi en compte une constante qui représente en fait tous les paramètres non pris en compte dans le modèle statistique. Il peut notamment s’agir des paramètres biologiques, phytosanitaires, pédologiques, etc.

Les graphiques de la figure 85 ci-après ont été réalisés à partir des paramètres de prédiction du tableau 24. Ces graphiques révèlent que l’estimation du poids moyen d’une fève en fonction de la pluviométrie et de la durée d’insolation en juin et en décembre est plus satisfaisante pour l’hybride T63/971 que pour les trois autres étudiés. Cette plus grande sensibilité aux variations climatiques de l’hybride T63/971 rend sa culture plus difficile, dans

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les milieux marqués par des déficits hydriques importants, comme les marges de la zone forestière (Brou et al. 1997).

Figure 85 : Estimation du poids moyen d’une fève fraîche à partir du modèle statistique : données observées et données calculées

Valeurs observées et valeurs prédites par le model pour l'hybride P7 (poids en g)

8090

100110

00

80 90 100 110 120 130 140Valeurs observées

1213

g

Valeurs observées et valeurs prédites par le model pour l'hybride T63/971 (poids en g)

8090

100110120130

80 90 100 110 120 130 140Valeurs observées

g

Valeurs observées et valeurs prédites par le model pour l'hybride T79/501 (poids en g)

80900000

80 90 100 110 120 130 140Valeurs observées

10111213

g

Valeurs observées et valeurs prédites par le model pour l'hybride T79/467 (poids en g)

8090

100110120130

80 90 100 110 120 130 140Valeurs observées

g

Les fluctuations pluviométriques importantes enregistrées ces dernières décennies en Côte d’Ivoire risquent d’affecter considérablement, à terme, la production cacaoyère, surtout qu’elles concernent aussi le Sud-Ouest, considéré comme la principale zone de production. Toutefois, le nombre limité de données analysées dans ce travail (par exemple seulement 9 années d’étude expérimentale) ne permet pas de se prononcer définitivement sur la validité des résultats. L’utilisation d’échantillons plus large doit permettre à l’avenir de confirmer les différents modèles statistiques et de réaliser des études régionales plus fines.

Des résultats similaires ont été obtenus pour la production du palmier à huile. En effet, Yao et al. (1995) ont montré que les variations du poids du régime sont expliquées en partie par le déficit hydrique enregistré trente six mois avant la récolte. Quincez (1987), quant à lui, observe une diminution de quatre tonnes de régimes à l’hectare quand le déficit hydrique moyen passe de 200 mm à 400 mm. Ces auteurs font remarquer qu’à cause des déficits hydriques de plus en plus importants, la culture du palmier n’est plus propice en Côte d’Ivoire que dans une zone réduite au Sud-Ouest et au Sud-Est. De la même façon, Dea et al. (1993), pour la culture de l’hévéa, ont mis en évidence l’incidence néfaste de la baisse de la pluviométrie et de l’évolution de la longueur de la saison sèche sur la production de caoutchouc en Côte d’Ivoire. En plus des fluctuations pluviométriques, la dégradation des sols (en milieu paysan) est un autre facteur qui risque d’affecter la productivité. En effet, l’arrivée massive de populations à la recherche de sols fertiles a entraîné avec la méthode de

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l’agriculture extensive une quasi-disparition de la forêt (Brou, 1997) dont l’importance dans la conservation des sols n’est plus à démontrer (Schnell, 1971).

Pour comprendre le fonctionnement de l’agriculture extensive, il faut s’intéresser à la théorie de la " rente forêt " développée par Ruft (1995), à partir de l’exemple de la culture du cacaoyer. Il apparaît clairement dans cette théorie que la forêt apporte des avantages à l’agriculture, lesquels expliquent le système universel de " culture itinérante " souvent accusé de déforestation alors que son principe originel dépend au contraire de la régénération. Loin d’être un seul avantage de fertilité du sol, la forêt empêche la prolifération des adventices et des insectes, constitue un facteur d’humidité, limite l’effet du vent et de l’érosion, etc. Ces privilèges sont systématiquement perdus dès lors qu’on se trouve dans une région totalement déforestée. La rente forêt est en fait la différence entre le coût de production d’un kilogramme de cacao produit sur une plantation après défrichement de forêt et le coût de production d’un kilogramme de cacao produit sur une plantation créée en replantation. Il peut s’agir d’une replantation sur une vielle cacaoyère ou sur une jachère dominée par des espèces herbacées, faiblement ligneuses. La replantation étant difficile, les risques de mortalité sont élevés, les coûts d’installation et d’entretien augmentent et les rendements restent faibles. Paradoxalement, la forêt tropicale abaisse les coûts de production du cacao. Même si le cacaoyer n’a pas le " monopole " de la rente forêt, Ruft (1995) explique que cet arbre y est particulièrement sensible et donc particulièrement dépendant de cette rente forêt. La mise en culture dune plantation de cacaoyer ne peut donc se faire que sur une parcelle nouvellement déforestée. Dans un tel processus, les paysans sont donc obligés, pour augmenter leur production ou renouveler les anciens vergers, d’être en perpétuel déplacement vers les fronts de défrichement.

Mais, aujourd’hui, avec la fin du " précédent forêt ", il devient évident de renoncer au système de culture extensif pour s’orienter progressivement vers des stratégies agricoles peu consommatrices d’espace. Il s’agit donc d’amener les paysans à pratiquer une agriculture beaucoup plus intensive. L'intensification de la production suppose l'amélioration des plants (mieux résistants à la sécheresse), le rajeunissement des plantations, l'entretien des vergers et le recours aux intrants. Toutes ces opérations ont un coût et pose le problème de la contribution financière du paysan, qui malheureusement, ne cesse de s’appauvrir avec la chute continuelle des prix des produits agricoles. Il reste aussi posé la question de savoir s’il est possible de réussir une opération d’intensification avec le cacaoyer. En effet, même si, au cours des quatre derniers siècles de marché du cacao, l’homme a identifié des progrès techniques adaptés à cette plante, Ruft (1995) fait remarquer que ceux-ci sont insuffisants pour se substituer durablement et complètement à la rente forêt. L’agroforesterie peut constituer une voie de salut, dans la mesure où elle tente de reconstituer l’écosystème forestier. En effet, l'introduction d'éléments ligneux judicieusement choisis peut améliorer de plusieurs façons la productivité et la stabilité des systèmes agricoles sur les jachères: en accroissant la production de matière organique, en entretenant la fertilité du sol. en diminuant l'érosion, en conservant l'eau et en créant un micro-climat plus favorable pour les spéculations végétales et animales associées.

Les développements précédents ont montré, à partir de l’exemple du cacao, l’effet des modifications environnementales (modification du régime climatique, disparition de la forêt) sur la production agricole. Mais ces résultats de recherche ne peuvent devenir des instruments d’aide à la décision que mis en relation avec la perception paysanne (savoir de sens commun) de ces changements environnementaux et, en fonction de celle-ci, les réponses ou les stratégies des acteurs (moyens mobilisés par les acteurs pour atteindre un but) mises en oeuvre pour en atténuer les effets.

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2 Un réajustement des pratiques et des représentations sociales de l’environnement

Cette étude s’appuie sur une enquête menée auprès d’un échantillon de villages choisis dans différents contextes agro-climatiques : la nouvelle zone de colonisation agricole du Sud-Ouest ; l’ancienne boucle de cacao à l’Est ; la zone des savanes du Nord. Centrée sur des terroirs villageois, l’enquête a associé passage de questionnaires (Pour chaque région, 70 personnes échantillonnées dans trois villages) et " focus groups " (entretiens collectifs), à raison de trois par région. Il s’agit, à travers ces deux instruments, de rechercher les significations socialement construites des changements environnementaux et, à partir de celles-ci, de comprendre les relations nature-hommes qu’elles ordonnent. L’étude part de deux hypothèses. La première : les perceptions locales du changement climatique s’expriment avant tout à travers les difficultés d’accès aux ressources naturelles vécues de façon diverse selon les milieux écologiques. La seconde : les modifications environnementales induisent une diversité d’expériences collectives d’adaptation repérables au niveau des pratiques culturales, de la gestion des ressources et des styles alimentaires.

.2.1 Des conceptions anciennes de l’environnement fondées sur l’empirisme et le mythe

Avant la pénétration européenne, les populations rurales ivoiriennes, comme celles des autres régions d’Afrique, pratiquaient un système de gestion des terres, basé sur des temps de repos suffisamment longs (plus de 25 ans), qui permettaient à terme de reconstituer le potentiel de production de la terre après sa mise en culture. Les défrichements n’étaient pas systématiques et épargnaient les arbres utiles. La gestion des milieux par ces peuples était basée sur une perception animiste et une connaissance empirique ancienne de l’environnement.

2.1.1 Une conception empirique et divinatoire du climat

Parmi les composantes de l’environnement, le climat est sans doute celui qui passionne le plus les populations rurales, certainement à cause de son caractère abstrait et insaisissable.

2.1.1.a Les connaissances empiriques du climat La conception ancienne du temps chez les peuples de Côte d’Ivoire a fait l’objet de nombreuses études (Arnaud, 1987 ; Augé, 1968 ; Etienne, 1968; Schwartz, 1968). Ces travaux mettent en évidence l’existence de deux systèmes superposés de découpage du temps. Un système à référence météorologique et un autre système qui se réfère aux activités agricoles. Augé (1968) fait cependant remarquer, à partir de l’exemple de la société Alladjan (Basse Côte d’Ivoire), qu’en général c’est moins l’activité agro-économique que les conditions météorologiques qui fournissent les grandes divisions du temps.

Comme l’ont déjà fait remarquer les auteurs ci-dessus mentionnés, il n’existe pas de termes exacts dans les langues locales pour désigner le climat. Il est perçu comme l’alternance entre une ou deux périodes de pluie et une ou deux périodes sèches, chacune pouvant elle-même être divisée. Dans les savanes du Nord ivoirien, le rythme annuel du climat tropical à deux saisons, est bien connu par les populations. En langue Malinké, la saison sèche, qui se nomme "samian", s’étend de novembre à avril. La saison pluvieuse désignée par le terme "cléman", occupe les autres mois de l’année (de mai à octobre). Le début de celle ci se nomme "traba" et celui de la saison sèche "yéwôhô". Au Centre du pays, les Baoulé comptent, comme les Malinké, deux grandes saisons (Etienne, 1968) : wawa, la saison sèche, qui va sensiblement

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de novembre-décembre à février, et mõgu, qui est la saison des pluies et qui va de mars-avril à octobre-novembre ; ces deux grandes saisons se subdivisent chacune en sous-saisons correspondant à différentes phases entre le début et la fin de la saison.

A l’image des peuples des savanes, ceux des forêts ont une bonne connaissance du déroulement du cycle annuel du climat. Les caractéristiques des régimes pluviométriques sub-équatoriaux sont bien mises en évidence par les Krou du Sud-Ouest et les Agni de l’Est. Les quatre saisons pluviométriques sont décrites avec un accent particulier sur les deux grandes. On note par exemple que " Yoroba–Guido" chez les Bété ou " Pepehe " chez les Bakwé désigne la grande saison sèche, allant de décembre à février. La grande saison des pluies (Dodo ou Gnougossou) s’installe quant à elle au début du mois de mars pour prendre fin en juillet. La petite saison sèche du mois d’août est désignée par " Koyoro ". Ces découpages de l’année en saison basés sur l’empirisme restent proches de ceux déjà connus (Avenard et al, 1979 ; Brou, 1997) utilisant des méthodes statistiques. Toutefois, dans certaines régions, comme en pays Guéré, on ne s’en tient qu’aux deux grandes saisons (Schwartz, 1968). Chaque saison comporte ici six mois, mais en revanche, chacun des 12 mois de l’année (à commencer par décembre), correspond à une phase spécifique du déroulement du cycle annuel.

Comme ailleurs en Afrique, l’imminence de l’une ou de l’autre saison de l’année peut se lire dans le comportement de la nature. Ainsi, il est toujours vérifié que lorsque le vent souffle de façon continue d’Ouest en Est, toute une journée, en fin de saison sèche, cela annonce l’arrivée des pluies les jours suivants. Cette observation fait penser à la remontée du F.I.T (Front Inter Tropical) que les villageois ressentent à leur façon. Un autre indicateur permettant de prévoir les divisions pluviométriques de l’année est l’observation du déplacement d’une étoile particulière qui part de l’Est en saison sèche pour atteindre l’Ouest en saison pluvieuse. Le rythme annuel de la végétation et de la faune est également utilisé comme indicateur pour prévoir l’arrivée imminente d’une saison. Pour les peuples de savane du Nord, la saison pluvieuse intervient avec le début de la refoliation de gros arbres en saison sèche. Il s’agit du baobab (sira en malinké) et surtout d’un arbre nommé "boumouhou" qui serait le kapokier. Inversement, la saison sèche débute avec la perte progressive des feuilles de ces arbres.

De la même façon, chez les Krou du Sud-Ouest, peuple de forêt, la grande saison sèche est annoncée en novembre par la défoliation de certains arbres, la disparition des escargots, l’arrivée du coton sauvage. C’est à cette période que le raisin sauvage (pèh) arrive à maturité, pendant que le fromager jaune produit ses premières toupies (kpawèlè) et que les hirondelles font leur réapparition. Ces signes sont proches de ceux avancés par les peuples de l’Est vivant également dans un environnement forestier. Il s’agit comme dans le Sud-Ouest de l’évocation de la réapparition ou de l’hibernation de l’escargot, de l’arrivée ou du départ des oiseaux migrateurs (gnamien sô akôtia) comme marqueur du temps.

2.1.1.b La reconnaissance d’une évolution récente du climat Au-delà du rythme annuel du climat, l’observation de la nature permet également, aux paysans âgés de 60 ans et plus, par comparaison des époques, de mettre en évidence la variabilité du climat. En effet, comme le font remarquer les anciens dans les régions de savane, certains signes dans la nature indiquent que le climat s’est asséché de nos jours. Il s’agit par exemple, de la disparition des oiseaux migrateurs qui annonçaient l’arrivée de la saison pluvieuse. Il s’agit aussi de certains vers de terre dont l’apparition dans les villages en saison sèche était un indicateur de l’imminence de la saison pluvieuse. Ces vers se seraient déplacés au bord des rivières. Ce qui laisse penser que les sites actuels de ces villages de savane avaient des sols plus humides en saison sèche par le passé que maintenant. Enfin, autrefois, la fin de la saison sèche enregistrait le déménagement des fourmis magnan de leur

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fourmilière. Aujourd’hui l’observation de ce phénomène ne traduit plus cette réalité climatique.

Sur l’ensemble des trois zones d’étude, tous les paysans sont unanimes pour dire que la pluviométrie a baissé en intensité et en durée. D’après les personnes interrogées " maintenant il ne pleut plus comme avant, car avant il pleuvait tout le temps et on ne voyait pas le soleil pendant des jours ". Dans l’Est par exemple, le terme utilisé pour désigner cette anomalie climatique est "n’zue satchi" (qui signifie littéralement : " l’eau est gâtée "). Les avis quant à la date exacte du début de cette crise, sont très divers. Dans le Nord, 25 % des personnes interrogées, dans la classe d’âge de 60 ans et plus, ignorent la date. Dans l’Est, c’est un enquêté sur deux (toujours parmi les personnes de plus de 60 ans) qui ignore la date du début de la récession pluviométrique dans sa région. Assez souvent les réponses traduisent les difficultés qu’ont les hommes à se souvenir des événements climatiques lointains. Dans le meilleur des cas ils font référence à l’événement climatique le plus récent. C’est ainsi que dans le Nord par exemple, 42 % des personnes interrogées (dans la classe d’âge de 60 ans et plus) font remonter le début de la récession pluviométrique au début des années 80. Cette date est à mettre en rapport avec la grande sécheresse des années 1982 à 1983 qui a occasionné de grands feux de brousse et des pertes importantes de récoltes voire, dans le Sud, de plantations.

2.1.1.c La baisse des précipitations : sanction divine ? Pour la plupart des populations rurales, la pluie est un don de Dieu. Nombreux sont donc ceux qui s’imaginent que la diminution progressive de "l’eau venant du ciel " est liée au non-respect des valeurs ancestrales telles que la profanation des lieux sacrés, les relations sexuelles discrètes en brousses, etc. C’est dans le Nord que cette idée est la plus répandue. Au moins un enquêté sur deux perçoit les choses de cette façon. Si la cause divine de la variabilité pluviométrique est souvent privilégiée dans les réponses données par les paysans du Nord, elle est moins systématique retenue par les peuples de la forêt notamment chez les Krou de l’Ouest et les Agni de l’Est. En effet, très marqués par la disparition rapide du couvert forestier à partir des années 60, ces paysans indexent en priorité (à 80 %) la surexploitation des terres arables et la disparition de l’écosystème forestier.

Quelle que soit la cause avancée et quel que soit le village, les populations n’hésitent pas à organiser des rituels d’imploration religieux pour faire revenir la pluie. Il s’agit de demander pardon aux dieux et d’invoquer leur clémence, leur secours contre les puissances démoniaques. Il existe diverses pratiques. A l’Est dans le village de Damé par exemple (préfecture d’Abengourou), la danse des femmes nues, tard dans la nuit, jusqu’à l’aube est censée faire revenir la pluie. Cette pratique est appelée « Gbekangnan « ou «Adjaï « dans les langues locales. Un autre rite consiste à laver le visage d’un bouc. A Soubré dans le Sud-Ouest, pour faire revenir la pluie, les Bakwé procèdent à l’adoration du fleuve Sassandra, dans une section marquée par des chutes appelées "nawa". Une biche noire est donnée en offrande aux dieux de ce fleuve. De telles pratiques existent également chez les Malinké et les Sénoufo du Nord.

Très anciens, ces rites se pratiquent encore aujourd’hui, même si la ferveur s’est amoindrie à cause de l’influence de plus en plus grande des religions monothéistes (chrétienne ou musulmane) sur la vie des populations. Le fait que ces pratiques se perpétuent de génération en génération est le signe que les agriculteurs croient ne pas avoir de prises sur le climat du fait de son caractère abstrait et insaisissable. Cette situation est différente en ce qui concerne les ressources pédologiques et foncières.

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2.1.2 Une connaissance fine des ressources foncières basée sur le vécu

Dans les milieux ruraux, les paysans ont une profonde connaissance des sols. Celle-ci, qui reste empirique, est basée sur l’observation des qualités agricoles des différents sols. Plusieurs auteurs ont identifié les aspects très organisés des savoirs paysans, en ce qui concerne par exemple les catégories de terres et les unités de paysages (Diallo et al., 1995 ; Blanc-Pamard, 1990) ou la gestion conservatoire de la fertilité des sols (Roose et al., 1994). En Côte d’Ivoire, nos enquêtes montrent que les ruraux observent qu’un bon sol est celui de couleur noire en surface et rouge en profondeur avec très peu de gravillons, composé en majorité de matériaux en décomposition (humus). Cette catégorie de terre, qui porte le nom de "n’gbon blé" chez les Agni de l’Est, "nagbataré" chez les Sénoufo du Nord et de "dodozalo" chez les Bété de l’Ouest est très favorable, selon les paysans à tout type de culture. Ce sont des sols forestiers de plateaux ou de galeries forestières. En fait, pour implanter leurs cultures, les paysans tiennent compte de la propension du sol à contenir de l’argile, des gravillons et du sable. C’est ainsi qu’à l’Ouest par exemple, les Bété distinguent le " dièzra", terre rouge qui affleure, sans gravillon, propice à la culture du cacaoyer et de l’hévéa ; le " diédodo ", terre rouge, avec peu de gravillons, propice à la culture du caféier et du palmier ; le "dodozalo ", terre noire en surface et rouge en profondeur, avec très peu de gravillons, propice à toutes les cultures et le "blododo" ou "dodokpobo", terre noire avec déjections de verres de terre, propice aux vivriers. Quelle que soit la région, les sols argileux, gravillonnaires ou sableux sont classés dans la catégorie des sols à qualité physique et chimique moyenne selon les paysans. Les mauvais sols sont ceux indurés, concrétionnés ou avec une forte proportion de cuirasse. Ce type de sol est souvent rencontré en pays sénoufo (dominé par un paysage de savane) et porte le nom "tchiangué"1.

Cette classification utilitaire variée, comme le font remarquer Blanc-Pamard et al. (1986), est basée sur les qualités physiques des sols au sens que tout sol cultivable est bon ; meilleur encore s’il retient bien l’eau et est susceptible d’être irrigué, même si, pour les paysans, en agriculture manuelle, un sol léger et facile à travailler va avoir leur préférence. La classification paysanne s’appuie donc sur des critères reconnus par les agronomes tels que le taux de matière organique, la texture, la structure et enfin la capacité de rétention en eau dont on sait l’importance pour les riziculteurs. Texture et structure sont deux propriétés qu’ils savent reconnaître mais aussi corriger par les pratiques.

Mais la conception des types de sol chez les paysans tient aussi compte de la vision qu’ont ceux-ci de l’espace. Comme pour le climat, la terre a un caractère mythique pour les populations. C’est pourquoi avant l’essor de l’agriculture d’exportation, il était interdit de vendre une portion de terre à un tierce personne, celle-ci étant la propriété de Dieu ou elle-même sacralisée (la terre " nourricière " étant souvent la déesse mère). Cette vision exclut de leur domaine d’intervention certains lieux, bien que présentant des potentialités agricoles plus ou moins importantes. Il en a été ainsi des bas-fonds humides, des jachères et des lieux sacrés.

A ce titre les forêts sacrées et arbres sacrés ont un caractère inviolable. Les forêts sacrées sont des îlots forestiers naturels préservés par les populations d’un village donné à des fins rituelles ; ce sont des lieux inviolables. Généralement, la chasse, les activités agricoles et

1 On pourrait retrouver des observations du même type chez de nombreuses populations de Côte d’Ivoire, que ce soit chez les Malinké du Nord-est (Arnaud, 1988) ou les Abé du sud-est (Chaléard, 1996).

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l’abattage des arbres y sont formellement interdits. C’est à l’intérieur de ces forêts que les populations s’adonnent aux actes d’adoration, de sacrifices et aux rites initiatiques. Dans l’ensemble des sites enquêtés, les villages autour de Béoumi/Sakassou (Centre) et d’Abengourou (Est) comptent le plus grand nombre de forêts sacrées. Hormis le chef du village de Sandoh dans la sous préfecture de Sakassou (Centre) qui se dit prêt à vendre certaines essences de la forêt sacrée de son village, mais à des prix très élevés, les autres chefs dont les villages disposent de forêts sacrées ont réaffirmé le caractère inviolable de ces forêts. " Pour preuve, dans le village d’Amiankouassikro (Abengourou), où la population est en majorité musulmane, des exploitants forestiers ont dû payer une amende après avoir abattu des arbres dans la forêt sacrée sans pouvoir les emporter ".

On note également la présence de quelques forêts sacrées à Daloa (Centre-Ouest) et à Soubré (Sud-Ouest) qui font également l’objet d’une protection rigoureuse. Dans certains villages de Béoumi/Sakassou (Centre) et d’Abengourou (Est), l’Iroko est un arbre sacré pour certaines familles. En général, un paysan peut prendre pour "allié ou pour ami" un Iroko qui se trouve sur sa portion de terre. Il adore cet arbre et ses descendants en feront de même. Mais il s’agit d’une pratique qui est propre à une famille donnée et non à l’ensemble de la communauté villageoise. Les autres membres du village peuvent abattre l’Iroko. Il convient toutefois de préciser que compte tenu de l’intérêt financier que représente cette essence, certains jeunes ont de plus en plus tendance à les vendre aux exploitants forestiers, quitte à consentir des sacrifices plus tard en guise de pardon aux génies. Le chef du village de Zébénou dans le département d’Abengourou (Est) déplore et condamne ainsi le comportement de certains jeunes déscolarisés qui n’hésitent pas à brader le patrimoine sacré aux exploitants forestiers. Le respect du principe de l’inviolabilité tient surtout à l’autorité du chef du village qui par sa permissivité ou non détermine les rapports de la communauté considérée à la forêt sacrée.

.2.2 Des difficultés d’accès aux ressources naturelles variables suivant les zones agroclimatiques

La raréfaction progressive des ressources foncières consécutive à la forte pression anthropique actuelle couplée et à la variabilité climatique de ces vingt dernières années conduisent à une véritable crise sociale. D’ampleur variable selon la région, celle-ci se manifestent de façon directe par les problèmes d’accès à l’eau potable et par des litiges fonciers.

2.2.1 Les difficultés d’accès à l’eau potable, premier signe de l’impact social des modifications environnementales

Dans le Sud-Ouest, malgré la faible intensité des variations pluviométriques, accéder à l’eau potable devient de plus en plus difficile pour une catégorie d’habitants au cours de la saison sèche. Avec plusieurs fleuves côtiers dont les principaux sont le Lobo, le Brimé et le Davo, la région dispose de grandes potentialités en eau. Sur l’ensemble des personnes interrogées, 30 % affirment bénéficier des réseaux d’adduction d’eau tandis que 27 % s’approvisionnent grâce à l’hydraulique villageoise. 43% s’approvisionnent encore aux puits et aux marigots (photos 7 et 8). Cette dernière frange de la population exprime mieux les effets des déficits pluviométriques occasionnant l’assèchement de certaines nappes et rendant de plus en plus difficile l’accès à l’eau, surtout au cours de la saison sèche. Les populations s’approvisionnant aux puits affirment " racler souvent les fonds des puits " au cours de cette période de l’année. La situation est plus préoccupante au cours des années particulièrement sèches comme ce fut le cas en 1983 où les populations furent contraintes de parcourir de longues distances, à la recherche de cours d’eau permanents. Dans certains cas (comme à

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Zobeéa dans le département de Daloa), les populations prélèvent de l’eau en creusant le lit des cours d’eau.

Ce puits est une cavité profonde, étroite etmaçonnée atteignant une nappe souterraine. Ilest couvert de vieilles tôles et de planches. Leprélèvement de l’eau se fait à l’aide d’un seaumuni d’une corde. Les abords sont cimentés pouréviter les chutes accidentelles ainsi que lapollution par l’eau du ruissellement.

La population s’approvisionneégalement en eaux de surface tels lesmarigots et les rivières pendant lasaison sèche. Photo 7 et 8 : Sources traditionnelles d’approvisionnement en eau (marigots et puits).

A l’Est, l’accès à l’eau potable reste inégal malgré les efforts publics d’approvisionnement. Les sources d’approvisionnement en eau de la région enquêtée sont tout aussi multiples. On distingue plusieurs cours d’eau dont les principaux sont le Mafou, La Me et l’Agneby. La région dispose de puits et forages en quantités importantes. La presque totalité des villages en possède. Les agglomérations de grandes tailles telles que Agboville, Rubino et Grand Morié bénéficient quant à elles d’un réseau d’adduction d’eau fournie par la SODECI (Société de Distribution d’Eau en Côte d’Ivoire). Ce réseau moderne a permis d’améliorer les conditions d’accès à l’eau à usage domestique pour 69% des populations de la région. Pour 31 % la seule source d’approvisionnement reste encore l’eau de puits, du marigot, dont la disponibilité dépend de la bonne pluviométrie. Au titre des signes de changements pluviométriques localement perçus, cette frange de population défavorisée évoque le tarissement des rivières et marigots pendant la saison sèche et constate qu’elle est plus longue maintenant que par le passé.

La durée de plus en plus longue du tarissement des rivières rend de plus en plus difficile l’accès à l’eau au cours de cette période de l’année. Il en résulte une compétition dans l’accès à l’eau. Celle-ci amène les femmes à écourter leurs nuits pour rechercher les puits ou les rivières encore pourvus d’eau. Aussi, contrairement à ceux qui habitent les bas-fonds, l’accès à l’eau s’avère plus difficile pour les populations qui habitent les interfluves, et les versants des pentes. Cette situation impose à ces derniers de longs déplacements vers les bas-fonds pour s’approvisionner. Pour remédier à ce problème d'accès à l’eau, deux autres stratégies alternatives sont également déployées. Il s’agit, d’une part, du recreusement des puits pendant la saison sèche. Mais celle-ci présente l’inconvénient de rendre les puits plus profonds (10 à 30 mètres de profondeur) ; d’autre part du creusement des puits dans le lit des rivières.

Dans les régions de savane du Nord la récession pluviométrique vient accentuer l’inégalité naturelle d’accès à l’eau potable, en comparaison avec les régions du Centre et du Sud ; inégalité faiblement compensée par les efforts publics de modernisation du

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réseau d’approvisionnement. Le puits est la principale source d’alimentation des ménages en eau. En dehors de cette principale source, les marigots, les rivières, les fleuves et le recueillement d’eaux de pluies dans des bassines en période pluvieuse sont également des sources d’approvisionnement. Quelques villages comme Néguépié, par contre, sont dotés d’aménagements hydrauliques villageois (photos 9 et 10 ci-aprèst).

Elles sont installées généralement dans les villages qui ne sont pas desservis parl’adduction d’eau. Pour des raisons d’hygiène, ces pompes sont clôturées de murs enciment.

Photos 9 et 10 : Pompe à pédale ou hydraulique.

Du fait de l’irrégularité actuelle des cours d’eau, les populations des villages de Diamakani et de Ziékoundougou, par exemple, déclarent être confrontées à d’importantes difficultés d’approvisionnement en eau au cours de la sécheresse qui dure au moins 5 mois. Face à la dureté de la sécheresse, la population d’un village comme Nguépié s’est déplacée volontairement pour s’installer dans une zone plus humide. Les longues sécheresses rendent tout aussi difficile l’abreuvage du bétail. Les seuls points d’eau restants en saison sèche sont les barrages agropastoraux et les fleuves comme la Bagoé. Pour les éleveurs des zones déshéritées, il en résulte un allongement des distances à parcourir pour satisfaire aux besoins des bêtes en eau.

2.2.2 L’accroissement des litiges fonciers, un signe visible de la saturation foncière

Face à une pression démographique forte et à une demande sans cesse accrue, l’offre de superficies forestières se réduit. Créant ainsi tensions et affrontements. Le foncier est aujourd’hui une vraie bombe à retardement. En effet, sur l’ensemble de la zone concernée par l’économie de plantation, la plupart des travaux, à savoir ceux de Léonard & al. (1994), Chaléard (1979), Kindo (1978), Gastellu (1978) et Schwartz (1977), signalent de nombreux conflits qui opposent soit, individuellement, des autochtones entre eux, soit des autochtones et des migrants, soit, collectivement, des villages voisins.

D’autres types de conflits opposent les exploitants forestiers « nomades « à la recherche des dernières essences ‘hors forêt classée’ aux agriculteurs dont ils détruisent sans compensation

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les plantations. Les origines de ces conflits sont à rechercher dans l’évolution du droit exercé par les paysans sur la parcelle cultivée. Kindo (1978) indique en effet qu’en économie d’autoconsommation, l’occupation de la terre donnait droit à l’usufruit. Avec l’économie de plantation, cette occupation est indéterminée dans le temps voire définitive. Pour Schwartz (1977), le processus de l’appropriation par la mise en place de cultures industrielles a toujours été, depuis l’introduction de celles-ci, tacitement reconnu et accepté par tout le monde. Toutefois, précise l’auteur, la raréfaction progressive des terres disponibles, qui dans les zones particulièrement peuplées a déjà commencé à susciter une relative inquiétude, ne manquera certainement pas, dans les années à venir, d’être une source de conflits.

La " course à la forêt " est l’une des conséquences qui accompagne le droit de propriété reconnu sur la terre mise en valeur par des cultures industrielles. Il s’en suit de nombreux conflits. Dans le Moronou, Gastellu (1978) mentionne que les litiges fonciers se produisent en particulier aux frontières forestières qui séparent le Moronou des groupes voisins. Un exemple est donné par l’auteur, celui de la forêt d’Agbossou où la rivière Agbo marquait la limite entre Agni et Akyé. Des planteurs de la sous-préfecture de Bongouanou l’ont cependant franchie pour créer de nouvelles parcelles. Cette situation a suscité de violents conflits. Affou (1982), rapporte dans le même sens le conflit entre les planteurs Akyé d’Akoupé et ceux du pays Agni d’Arrah. Dans le Sud-Ouest, Léonard & al. (1996) soulignent la saturation foncière liée à l’extrême "violence" du processus migratoire ainsi que les conflits engendrés par cette situation. De nombreux articles de journaux (par exemple ivoir’ soir du 13 décembre 1999) ainsi que Akindès (1991, 1994) mentionnent également que de manière cyclique, des litiges fonciers éclatent aux quatre coins de la Côte d’Ivoire. Les plus récents sont les sempiternels conflits éleveurs-agriculteurs dans le Nord; les affrontements Baoulé-Wê à Duékoué, Baoulé-Bété à Soubré, Baoulé-Gnaboua à Zoukougbeu, Baoulé-Bété à Gagnoa, Attié-M’Batto à Alépé, Abouré-M’Batto à Bonoua, Burkinabè-Dida à Lakota.

Pour le règlement de tous ces conflits, les populations ont recours à plusieurs instances. Les litiges qui surgissent au sein d'un même village trouvent leur solution auprès des autorités coutumières. Dans le Sud-Ouest par exemple, comme le fait remarquer Léonard & al.(1996), quand un agriculteur allochtone a un contentieux foncier, même si cela l’oppose à un autre allochtone, il s’adresse bien attendu, par l’intermédiaire du chef de son campement, au chef du village de son installateur. Les affaires dépassant les compétences des chefs de village et des chefs de canton sont transférées au niveau du sous-préfet. Il en est ainsi de l’intervention des autorités politiques et administratives des sous-préfectures d’Akoupé et d’Arrah, rapportée par Affou (1986), dans le conflit foncier opposant les communautés villageoises des deux localités. Le tribunal est l’instance suprême de règlement des conflits.

Les contraintes agroclimatiques ont conduit les communautés à développer une pluralité de réponses.

.2.3 Face aux contraintes : typologie des réponses locales La capacité de résilience des communautés pourrait se résumer en trois catégories de stratégie, à savoir : les politiques conservatoires qui résultent d’une prise de conscience de la raréfaction de la ressource foncière ; les politiques adaptatives qui tiennent dans une rationalisation de la gestion de l’espace, des intrants et du temps de travail ; la politique de sécurisation alimentaire qui consiste à ajuster les besoins aux disponibilités alimentaires et à diversifier les sources de revenus.

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2.3.1 Les stratégies conservatoires dans les régions d’immigration massive

Le Sud-Ouest et le Centre-Ouest constituent en Côte d’Ivoire les deux zones de colonisation agricole relativement récente. Pour cette raison, ils accueillent une importante population d’immigrés agricoles estimée à plus de plus de 40% de la population totale (INS, 1999 ; Balac, 2002). Les changements agro-écologiques résultant à la fois de la surexploitation de la ressource forestière (WWF, 1998 ; Verdeaux, 1998 ; Léonard, 1996) et des modifications climatiques engendrent progressivement des stratégies conservatoires qui trouvent leurs justifications dans la modification même de la vision que les populations autochtones ont de la forêt. En effet longtemps considérée comme un bien communautaire, la forêt est désormais défendue par les familles. Elle ne se donne plus avec la même facilité que par le passé. Aussi, la colonisation d’importantes superficies de terre à des fins agro-industrielles2 dans le cadre des politiques nationales de développement du palmier à huile et de l’hévéa justifie également la stratégie conservatoire de ces populations.

Dans certains cas, comme dans le Sud-Ouest et le Centre-Ouest, les jeunes bété, niaboua et bakwé ont tendance à revendiquer les parcelles familiales que leurs parents auraient vendues à des prix dérisoires ou attribuées contre des dons symboliques et qui ne sont pas encore mises en valeur. Ils vont même plus loin dans leurs revendications dans la mesure où ils envisagent de récupérer les terres des allochtones et allogènes qui ne seraient pas en mesure de leur présenter des conventions écrites.

Cette stratégie conservatoire ne se limite pas aux terres forestières. En effet, étant donné que, dans la plupart des villages, les réserves forestières sont quasiment épuisées, les populations autochtones commencent à poser des conditions pour l’exploitation des jachères à des fins agricoles. Ainsi, dans les régions de Soubré (Sud-Ouest), Daloa (Centre-Ouest) et d’Abengourou (Est), les autochtones procèdent désormais à la mise en location des jachères pour des cultures annuelles (riz, igname, maïs, arachide). Ces contrats de location sont renouvelables. Dans le village de Gnakoradji (Daloa), par exemple, l’allogène ou l’allochtone qui veut implanter des cultures pérennes devra louer la parcelle pour 20 ou 30 ans. Il convient cependant de préciser que les autochtones d’Abengourou sont moins favorables à la cession (ou la vente) définitive des jachères que ceux de Soubré et de Daloa. Les premiers développent, en effet, des stratégies de préservation face à l’extrême rareté des terres, tandis que les seconds semblent développer une stratégie monétaire. La cession d’une jachère est désormais assortie d’un ensemble de conditionnalités qui montrent que la terre n’est plus une ressource abondante comme elle l’était, il y a 2 ou 3 décennies. Il s’agit en effet de réduire au maximum la durée d’occupation des terres par les migrants.

2.3.2 Les stratégies adaptatives de production

2.3.2.a Modifications du calendrier et des options culturales Pour les paysans du Sud-Ouest, les temps des travaux champêtres ont connu de grandes modifications. Pour la culture du riz par exemple, les paysans identifient les effets du changement climatique dans le fait que, par le passé, les travaux de préparation des champs

2 Dans le secteur de Soubré, par exemple, ce sont plus de 16 000 ha de palmier à huile qui sont détenus par la SIPFCI (Société Internationale de Plantation Forestière en Côte d’Ivoire). La SAPH et la SOGB possèdent des superficies semblables.

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commençaient tôt, en attendant l’arrivée précoce des premières pluies, c’est-à-dire au mois de novembre – décembre, suivi du défrichage et de l’abatage des gros arbres en janvier-février. Cette opération prenait fin avec la mise à feux des anciennes rizières. Le riz précoce et le riz pluvial étaient respectivement semés en février et en mars pour être récoltés en mai et en juillet.

Cette tradition culturale est aujourd’hui perturbée par le fait que, selon les paysans, l’arrivée tardive de la saison des pluies et la quasi-disparition de l’écosystème forestier entraînent la suppression du riz précoce dont le semis se faisait en février. La culture du riz ne se fait désormais, au cours d’une année, que d’avril à juillet.

A l’Est, les nouvelles conditions climatiques ont imposé aux paysans un auto-ajustement de leur calendrier cultural. C’est ainsi que la période de préparation du sol et de défrichement qui va du mois de décembre à la deuxième décade de mars, connaît un prolongement jusqu’à la mi-avril voire la fin d’avril. Cette prolongation se justifie par les paysans par le fait qu’il faut attendre les premières pluies pour brûler les champs. Aussi, la période des semis qui suivait directement la période de préparation du sol connaît-elle un décalage : les premiers semis se faisaient dès les premières pluies, c’est-à-dire dans le courant du mois de mars. Mais, depuis les trois dernières décennies, ces pluies connaissent un retard. De plus, de peur de voir mourir les semis et pour éviter les re-semis3, les paysans attendent donc la saison effective des pluies qu’ils situent au mois de mai au lieu d’avril comme par le passé. En ce qui concerne le café et le cacao, les récoltes qui se faisaient à partir du mois d’octobre jusqu’au mois de décembre pour le cacao et de septembre à janvier pour le café, connaissent aussi des bouleversements, de sorte que les récoltes effectives se font maintenant en décembre.

Toutefois, dans certaines zones de l’Est, notamment dans région de l’Agneby, devant la nouvelle donne pluviométrique, nombre de paysans semblent avoir maintenu leur calendrier agricole. En effet dans la zone de l’Agneby, 68% des enquêtés n’ont pas changé leur calendrier agricole. La raison en est que, dans la logique de ces paysans, il faut semer en attendant la venue des premières pluies. Ainsi, défrichent-ils et sèment-ils, même lorsqu’il ne pleut pas encore. Les semences qui n’arrivent pas à germer, sèchent sous l’effet brûlant du soleil. Ainsi, à la venue des pluies, le paysan est obligé de remettre d’autres plants en terre.

Dans le Nord, les innovations induites par la récession pluviométrique sont également remarquables au niveau du calendrier agricole. Afin d’éviter les conflits parfois sanglants entre agriculteurs et éleveurs, à cause de la compétition pour l’accès à l’eau devenue de plus en plus difficile surtout en saison sèche (tableau 25), les premiers ont pris l’habitude d’écourter l’activité agricole. Par conséquent, les cultures de très long cycle telles que les tubercules (igname et manioc) disparaissent progressivement de l’activité agricole de la région parce qu’elles se révèlent être de plus en plus inadaptées à cette nouvelle régulation calendaire. L’accent est désormais mis sur les cultures à cycle court ou moyen et le gain de temps dans l’exécution des travaux. Les variétés de plantes cultivées les plus convoitées sont celles qui exposent moins le paysan aux incertitudes des débuts de saison pluvieuse ainsi que ses interruptions brutales. Désormais, dans les villages en zone savanicole, les dates des semis des cultures sont connues avec précision de tous les paysans. Le calendrier pastoral officiel de la région en 2001 se présentait, quant à lui, de la façon suivante : la sortie des animaux de leur préfecture d’origine est autorisée à partir du 1ier janvier. Obligation est alors faite aux paysans, dès ce jour, de prendre toutes les dispositions pour assurer la protection de leurs récoltes de

3 L’igname par exemple pourrit quand elle n’a pas un apport pluviométrique de 400 mm entre les 14ème et les 20ème semaines de végétation.

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coton, riz pluvial, maïs et ignames. Le retour des animaux dans leur préfecture d’origine doit avoir lieu avant le 30 avril.

Tableau 25 : Dégâts officiels de culture par la transhumance dans la région des savanes

Année 1996 1997 1998 1999 2000 2001 Nombre de cas 1003 1225 1538 1246 1234 1009 Superficie (ha) 552 436 559 407 450 337 Source : MINAGRA, 2002

2.3.2.b Concentration du temps de travail et des intrants sur les spéculations majeures

Dans le Nord par exemple, les paysans privilégient les cultures de coton et de maïs pour lesquelles les techniques de production se sont améliorées. Ainsi, du fait du passage de la culture traditionnelle à la culture attelée et mécanisée, on assiste d’année en année à une augmentation considérable des superficies cultivées. Dans notre espace d’enquête, les superficies du coton ont été multipliées par 100 entre 1965 et 1998 (MINAGRA, 2002). La seconde cause de l’augmentation des productions de coton et de maïs est l’utilisation croissante de fertilisants industriels ou même traditionnels comme le fumier, devenus incontournables. Les autres cultures (igname, riz, mil, etc.) quant à elles, connaissent une chute de production. Celles-ci n’occupent qu’une superficie moyenne de 0,5 ha parmi l’ensemble cultivé. En plus elles n’intéressent qu’une population âgée.

Dans la région de l’Est, pour contourner la faiblesse des revenus liée à la baisse des rendements du café et du cacao, la solution trouvée par certains agriculteurs a été de se tourner vers les cultures maraîchères : tomates, choux, concombre, etc. La vulgarisation de ces cultures est très récente aussi les données obtenues portent seulement sur deux années, 2001 et 2002 (tableau 26 ci-dessous). Néanmoins, un tableau des prix en période de production et en contre-saison comparée au rendement peut nous permettre de percevoir le poids économique que revèle cette culture pour les paysans dans le moyen comoé. Ces prix sont généralement multipliés par trois sur le marché des grandes villes comme Abidjan.

Tableau 26 : prix de vente de quelques vivriers dans l’Est de la Côte d’Ivoire entre 2001 et 2002

Production Prix en saison (cfa/kg) Prix contre saison (cfa/kg) Rendement Tomate 100 250 20 t/ha Aubergine 75 200 20 t/ha Gombo 75 250 7 t/ha Choux 60 150 15 t/ha Piment 30 100 10 t/ha Source : MINAGRA, 2002.

Dans le Sud-Ouest, la diversification des activités économiques est utilisée comme stratégie de sécurisation des revenus par les paysans. Ainsi, certains se sont tournés vers de nouvelles cultures telles que l’hévéa, le coton et l’anacarde. D’autres encore se sont tournés vers de

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nouvelles activités comme la pisciculture qui commence par être une alternative économique4, pour les populations du Sud-Ouest et du Centre-Ouest.

La perception des modifications environnementales a induit également des mécanismes de résilience dont l’objectif est la sécurité alimentaire.

2.3.3 Les stratégies de sécurisation alimentaire et des revenus

Celles-ci sont de natures diverses. Elles vont du développement de technologies de valorisation de nouvelles ressources pour diversifier les sources de revenus et garantir l’auto-approvisionnement à l’adaptation des styles alimentaires aux nouvelles disponibilités alimentaires.

2.3.3.a Mise en valeur de nouvelles ressources foncières Autrefois, les bas-fonds étaient perçus comme des milieux impurs. En effet, à cause des marécages, les populations les imaginaient insalubres et ne trouvaient aucun avantage à leur mise en valeur. De façon plus radicale, certains peuples comme les Attié (à l’Est) les considèrent comme la loge des génies. Sur cette base, les autochtones les ont exclus pendant longtemps des espaces exploitables. La mise en valeur des bas-fonds humides a donc été jusqu’à une époque récente le seul fait des allochtones, surtout dans le Sud forestier, la riziculture de bas-fonds étant une pratique ancienne chez les peuples de la savane du Nord.

En fait, dans le Sud forestier, la pérennité du système de production excluant les bas-fonds a été favorisée, pendant longtemps, par l’abondance des terres libres et par le fait que les cultures arbustives d’exportation, café et cacao, prospèrent mal dans les bas-fonds. Mais, la rapidité de la progression du front pionnier et donc des défrichements, à cause de la course à la forêt, a eu comme conséquence la saturation des terres dans le Sud-forestier à partir des années 70. Cette situation est plus marquée dans les régions de vieilles colonisations. La région de l’Est par exemple, anciennement grande productrice de cacao, entre 1955 et 1969, apparaît aujourd’hui comme un espace de vieilles plantation. Dans les départements d’Agboville ou de Dimbokro par exemple, il est pratiquement impossible depuis la fin des années 1980 (voire début des années 1970 dans certains secteurs) de créer de nouvelles plantations. De plus, dans le contexte actuel de variabilité climatique, les bas-fonds humides sont apparus comme une solution pour répondre aux besoins hydriques de certaines cultures exigeantes en eau (photos 11 et 12).

Dans le Sud-Ouest, les populations qui ont une tradition de culture du riz sur les plateaux5, exploitent de plus en plus les bas de pentes (généralement humide) à des fins rizicoles. Au cours des enquêtes, l’observation de plusieurs finages à Yacolidaouo à Soubré et à Zobéa dans le département de Daloa, a abouti au constat que les cultures pérennes occupent toujours les plateaux et les versants alors que les rizières descendent progressivement vers les bas-fonds humides. Nos enquêtes n’ont pas permis d’estimer l’ampleur du phénomène qui mérite cependant d’être mieux documenté.

4 Dans la sous-préfecture de Soubré par exemple, on compte près de 1000 étangs pour 445 pisciculteurs. 12 barrages ont été construits à cette fin.

5 Représente 90 % du riz produit en Côte d’Ivoire en raison du faible coût de sa production

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A l’Est également, les bas-fonds et les points d’eau sont désormais utilisés pour la production des cultures maraîchères (tomate, choux, salade, aubergine, etc). Le recours à ces ressources permet de réduire la dépendance de ces cultures vis-à-vis de la pluviométrie, grâce à l’irrigation, soit avec des arrosoirs, soit avec une motopompe pour les exploitants qui disposent de plus de moyens financiers.

Photos 11 et 12 : Bas-fonds aménagés pour les cultures. Les bas-fonds sont aménagés pour la culture du riz et des maraîchers pour palier les effets de la longue saison sèche. Les banquettes de cultures sont justes à côté du cours d’eau pour faciliter l’arrosage des cultures

De façon plus précoce que dans l’Est et dans le Sud-Ouest, les paysans du Nord, plus sensibles aux effets de la récession pluviométrique, ont mis en place des stratégies de gestion de l’espace sous contrainte pluviométrique. En effet, la localisation des terres de culture intègre de plus en plus ce facteur climatique. Les cultures sensibles aux stress hydriques comme le riz pluvial sont de plus en plus cultivées dans les bas-fonds et aux abords des rivières. Aussi, observe t-on de moins en moins d’espace affecté à la culture de riz de plateau pratiquée par les hommes. Par ailleurs, dans la gestion des sols, le riz est généralement suivi par le maïs. Les exploitants justifient cela par une double intention : prendre le moins de risque possible par rapport à une sécheresse biologique des plantes cultivées et éviter les excès d’humidité du sol néfaste à d’autres plantes comme le cotonnier.

2.3.3.b Les associations des cultures et l’émergence de nouvelles spéculations Sur l’ensemble de la région forestière, les paysans procèdent à de nouveaux modes d’association des cultures. Le bananier par exemple, plante hygrophile est associé désormais au cacaoyer, en l’absence de l’écosystème forestier. Elle profite ainsi de l’ombrage des vergers de cacaoyer, permettant ainsi de réduire son évapotranspiration. Des cultures moins sensibles à l’aridité climatique et aux feux de brousse sont également introduites. C’est ainsi que dans l’Est et le Nord, l’anacardier par exemple commence à devenir une spéculation majeure.

Il en est de même pour le développement de l’élevage dans la région de l’Agnéby au Sud-Est, anciennement hostile à cette pratique. En effet, autrefois l'abondance de pluies et l’existence d’une forêt dense humide favorisaient le développement des insectes vecteurs des maladies comme la trypanosomiase, les parasitoses pseudo peste aviaire. La forte mortalité qui en découlait décourageait les exploitants les mieux disposés. La région était donc particulièrement difficile pour la réussite de l'élevage. L'élevage en milieu rural était réduit à l'entretien de quelques moutons, chèvres et volailles, par un petit nombre d'exploitants. L'élevage de bovins était, quant à lui, pratiquement inexistant. Et de plus, la vie du paysan partagée entre les champs et le village était perçue comme un frein au développement de l'élevage. Cette double activité ne permettait pas, selon les paysans, une bonne surveillance du

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cheptel, et les activités champêtres incitent à la capture du gibier, viande assez rare recherchée par les populations. A cela s'ajoute une autre cause tout aussi capitale, résultant de la comparaison par l'exploitant du revenu procuré respectivement par l'élevage et par le café ; notamment à cette époque (1963), un mouton se vendait à trois mille francs (3 000 F CFA) ce qui correspond à 33 kilogrammes de café au prix de (6 364 F CFA). Aujourd’hui, du fait de la diminution importante des hauteurs d’eau précipitées et du recul de la forêt, cette activité est en nette progression dans la région de l’Agnéby. En dehors de ces facteurs écologiques la fluctuation des cours nationaux et mondiaux des produits agricoles peuvent certainement contribuer à expliquer la croissance de cette activité.

Figure 86 : Les productions animales dans la région de l’Agnéby

0100002000030000400005000060000

1990 1991 1992 1993

têtes

années

caprins

ovins

bovins

2.3.3.c la lutte contre les feux de brousse La lutte contre les feux de brousses fait partie des stratégies à mener pour réduire les effets des longues sécheresses. Dans la plupart des villages en région de savane et sur les limites septentrionales de la zone forestière où le problème de feu de brousse se pose avec acuité, les paysans s’organisent en comité de défense. Par exemple à l’Est dans les villages d’Assuamé, d’Yobuakro, de Bangoua dans le département d’Agnibilekro des mesures ont été prises en accord avec les autorités administratives (préfet, sous-préfet) et judiciaires (juges, commissaires) de la ville pour lutter contre les feux de brousses. Elle stipule une interdiction de traiter le vin de palme et d’apporter des braises ou une boîte d’allumette dans les plantations au cours des mois secs tels que décembre, janvier, février, mars. Aussi, une interdiction de brûler les champs après défrichement dans cette même période. L’interdiction sera levée si l’on constate des pluies consécutives sur quatre jours. De manière pragmatique, il est demandé à chaque agriculteur de créer une zone de sécurité autour de son exploitation, celle-ci consiste au déblayage d’une surface d’environ dix mètres de largeur autour de leurs exploitations de sorte d’éviter la propagation des feux de brousses. Pour veiller au respect de toutes ces règles, un comité est mis en place pour dénoncer tout contrevenant à la cour, et alerter les villageois aux premiers signes du feu.

2.3.3.d L’adaptation des styles alimentaires

La vulnérabilité des cultures à la variabilité climatique, traduite par les risques de perte de récoltes de plus en plus élevés surtout pour les cultures vivrières à cycle végétatif long (au cours des années exceptionnellement sèches) contribue aussi à faire évoluer les habitudes alimentaires.

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Dans le Sud-Ouest, le riz est aujourd’hui l’aliment de base. La banane et le manioc viennent au second plan. Les enquêtes de perception des effets des modifications environnementales sur les comportements révèlent la substitution du riz à la banane comme étant un indicateur essentiel. Chez les Bété, population autochtone du Centre-Ouest, l’alimentation de base était composée autrefois de taro blanc et de banane plantain. Aujourd’hui, l’ampleur de la sécheresse, la forte fréquence des feux de végétation et la déforestation sont autant de facteurs qui rendent difficiles la culture de la banane et du taro. Face à la vulnérabilité de ces cultures aux conditions écologiques actuelles, le riz, de plus en plus cultivé dans les bas-fonds humides, est devenu l’aliment le plus consommé.

Dans l’Est du pays, le changement du style alimentaire apparaît comme étant une réponse locale aux effets des incertitudes pluviométriques. Près de la moitié des personnes enquêtées estiment avoir modifié leur alimentation. Contrairement au Centre (Bouaké, Yamoussokro, etc ) où la consommation principale est l’igname, dans l’Est de la Côte d’Ivoire, pour la majorité des personnes interrogées (95%), l’alimentation principale est la banane. Aujourd’hui, 75% des personnes enquêtées affirment avoir réduit considérablement leur consommation de banane pour se tourner de plus en plus vers le riz et le maïs ou encore associent la banane à d’autres produits.

Dans la région de l’Agneby au Sud-Est, le riz n’était consommé qu’à des occasions exceptionnelles. Et lorsqu’il était consommé, c’était plutôt sous forme de bouillie. Il était plutôt considéré comme étant " l'aliment des oiseaux " . Dans le système de référence des populations de l’Est, consommer du riz était synonyme de frôler la disette. Autre indice culturel de sa disgrâce : ceux qui en mangeaient se plaignaient de n'avoir rien consommé puisque aucune signification positive n’était endo-culturellement attaché à ce produit alimentaire. Il était plutôt cultivé et consommé par les " étrangers " en occurrence les " Dioulas ". Quant au maïs, il est consommé braisé épi frais et, sous la forme de farine, il sert à la fabrication du kabato, également nourriture des étrangers et des Dioulas. On l'utilise pour la fabrication de la bière de maïs (Tchapalo). Face à la raréfaction actuelle de la banane et à son prix sur le marché, proportionnel à cette rareté, et compte tenu de la centralité du produit dans la culture alimentaire du terroir considéré, un compromis s’est socialement construit. Ce compromis alimentaire dans le processus de confection d’un plat de foutou banane tient dans le mélange de manioc et de banane. Aussi, sous les contraintes de la baisse de revenus liée aux effets climatiques sur les systèmes de production, le riz a pris de la valeur dans le système de représentation. De " l'aliment des oiseaux ", qu’il était, le riz est devenu l'aliment de base de la population.

Dans le Nord, la dynamique de production agricole est liée aux habitudes alimentaires. En pays sénoufo (Départements de Tengrela et de Korhogo), le maïs qui bénéficie, avec le coton, de meilleures techniques d’encadrement, apparaît aujourd’hui comme l’aliment qui assure une relative sécurité alimentaire dans ces régions de savane du Nord. Ainsi le "toh" de maïs, "dezro" en sénoufo (repas à base de farine de maïs) est devenu la nourriture la plus consommée dans la région, relayant au second plan le foutou igname ("Fosro" en sénoufo).

La très grande consommation du riz à l’époque actuelle sur l’ensemble du territoire s’explique également par la politique de l’autosuffisance alimentaire menée par l’Etat depuis les années 1970. En effet, la politique rizicole au Nord constituait l’un des signaux de la politique nationale d’autosuffisance alimentaire (Hauhouot, 2003). Dans les années 70, la Côte d’Ivoire importait 140 000 tonnes de riz, soit l’équivalent de 10 milliards de francs CFA. Pour mettre fin à cette hémorragie financière consécutive aux importations massives de cette denrée, le gouvernement de Côte d’Ivoire décide de moderniser et d’intensifier la riziculture, notamment par l’irrigation. Le milieu physique, surtout des régions du Nord de la Côte d’Ivoire, s’est bien

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prêté à cette innovation du fait de la présence de nombreux bas-fonds humides. Dans les marigots permanents, des barrages de dérivation simple furent aménagés. Mais c’est la fixation en 1966, par décret, d’un prix garanti du paddy, sur l’ensemble du territoire qui fut la plus grande mesure incitatrice. Toutes ces actions ont eu pour effet d’augmenter la production intérieure et de baisser sensiblement le volume des importations passées de 10 000 tonnes mensuelles à 3 000 tonnes, alors que les livraisons aux usines passaient de 26 000 tonnes à 100 000 tonnes (de 1966 à 1976). En 1976, le pays était devenu pratiquement auto-suffisant lorsque des transferts massifs de riz furent orchestrés en direction d’autres pays (Hauhouot, 2003).

Devant les fluctuations importantes de certaines productions comme la banane plantain, l’igname et le taro, le riz, avec une production importante à bon marché, s’est donc présenté comme une alternative pour l’alimentation de base d’une population sans cesse croissante.

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3 Les contradictions dans les politiques de gestion durable de l’environnement

La difficile équation à résoudre pour une gestion durable des ressources forestières est sans nulle doute d’arriver à concilier la productivité, la conservation et l’aménagement écologique des écosystèmes de forêt et savane. Il existe bien un cadre politique et institutionnel consacré à la lutte contre la dégradation de l’environnement. Mais la portée des actions émanant de ces institutions n’est pas encore perceptible du fait de nombreux blocages.

.3.1 L’existence d’un cadre politique et institutionnel en matière de gestion de l’environnement

Au niveau de l’Etat, la prise de conscience des changements environnementaux de grande ampleur est marquée, par la création des Ministères de l’Environnement et des Eaux et Forêts et d’institutions techniques comme la SODEFOR, par l’existence d’un cadre politique, juridique et institutionnel d’atténuation des effets de ces modifications environnementales. Cette prise de conscience est renforcée par la ratification de nombreuses conventions sur la protection de l’environnement initiées par l’Organisation des Nations Unies depuis la conférence de Rio en 1992. Mais, lié à des difficultés de financement et à une situation socio-politique trouble, le Programme d’Action National pour l’environnement (en application des recommandations de Rio), élaboré pour la période 1996-2010 est resté pratiquement au stade de projet. Sa mise en œuvre devrait permettre une action concertée de tous les acteurs de la filière environnement en Côte d’Ivoire. Cette vision d’ensemble est d’autant plus urgente à mettre en pratique qu’il existe des contradictions importantes entre les différents acteurs. On a d’un côté ceux qui considèrent le milieu naturel uniquement comme un système de production, et de l’autre, ceux qui, au contraire, le considèrent comme un écosystème fragile à préserver.

La maîtrise des préoccupations environnementales, en vue d’assurer une gestion rationnelle des ressources naturelles et de l’environnement, exige l’adoption d’une politique nationale conçue et mise en oeuvre par le Ministère de l’environnement et de la Forêt et fixant les grandes orientations à suivre. Les idées fortes de la politique et les stratégies mises en oeuvre par le Gouvernement en matière de gestion de l’environnement sont définies dans le PNAE-CI (Programme National d’Action Environnemental) élaboré en 1990.

3.1.1 Le Programme National d’Action Environnemental (PNAE)

Les orientations générales de la politique environnementale s’articulent pour l’essentiel autour des points suivants :

- l’approche " programmes " qui détermine le cadre cohérent des actions sectorielles pertinentes à mener pour protéger les ressources naturelles et valoriser l’environnement, privilégiant ainsi une vision à long terme plutôt qu’une approche " projets " ;

- la rationalisation du cadre de l’action environnementale est basée sur le renforcement institutionnel et la mise en cohérence des instruments juridiques et la définition de procédures réglementaires consensuelles exhaustives ;

- L’accroissement de la productivité des ressources disponibles au niveau national en améliorant les compétences et les capacités des ressources humaines pour affronter les

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défis environnementaux en veillant surtout à consacrer les moyens financiers à des problèmes d’échelle et d’ampleur locale et nationale ;

- La mobilisation des ressources financières additionnelles ciblées pour résoudre des préoccupations environnementales de portée internationale nécessitant des financements de niveau important et une implication effective aux mécanismes juridiques de régulation de l’action environnementale notamment, les Conventions internationales pertinentes ;

- Des mécanismes d’évaluation de la politique nationale de gestion de l’environnement fondés principalement sur un système d’information environnementale renforcé et des réseaux d’observation de la qualité des milieux.

Au total, la politique nationale de gestion de l’environnement est fondée sur une démarche méthodique avec l’approche " programmes " qui préconise la mise en cohérence des projets et détermine un cycle quinquennal de la planification indiquant ainsi les opportunités de révision intermédiaire démontrant la flexibilité inhérente à cette politique. Le PNAE, a été pour le décideur ivoirien, l’occasion d’opter pour une approche programme qui rompt avec les projets sectoriels adoptés sans une mise en cohérence effective des stratégies spécifiques aux différents secteurs du développement.

3.1.2 Le Plan Directeur Forestier

Ce plan est mis en oeuvre par le Ministère de l’Environnement et de la Forêt. Prenant en compte la double mission de l'Administration forestière de sauvegarder l'équilibre écologique du pays et de gérer rationnellement les ressources irremplaçables que sont la forêt et les espaces protégés, le plan directeur forestier 1988-2015 constitue un schéma d'action pour conserver et mettre en valeur le patrimoine forestier et faunique. Il s'agit de :

- maintenir le potentiel exploitable de la forêt naturelle ;

- restaurer le couvert végétal en priorité en zone pré-forestière et de savane ;

- reboiser et aménager les superficies classées ;

- augmenter les rendements d'exploitation ;

- améliorer la transformation et la commercialisation du bois.

Sous une forme condensée, la stratégie de mise en œuvre de la réhabilitation du secteur forestier s’exprime par quelques principes directeurs qui visent à l’atteinte d’un ou plusieurs des objectifs énoncés plus hauts. Le schéma d’action regroupant ces principes est le suivant :

- sensibilisation des populations à la protection de la forêt et à la reforestation ;

- intensification de la présence sur le terrain de l’Administration forestière aussi bien en tant qu’agent de surveillance qu’agent d’animation et de coordination des activités sylvicoles et d’aménagement de l’espace rural à la périphérie des massifs forestiers (participation à l’identification et à l’attribution des jachères) ;

- concentration des efforts sur l’aménagement de massifs forestiers déterminés qui, par une approche globale incluant amélioration des peuplements naturels, traitements d’enrichissement, plantations industrielles complémentaires et exploitation contrôlée, contribuera à la fois à la restauration et à la valorisation de la forêt résiduelle ;

- orientation des plantations industrielles vers la restauration des superficies dégradées et l’enrichissement de la forêt naturelle, tout en apportant une contribution à l’amélioration du milieu physique (notamment dans les zones critiques) ;

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- prolongement des actions de l’Etat par une participation du secteur privé (intéressement des industriels du bois aux aménagements) et des collectivités rurales (reboisement populaire) ;

- adaptation du régime de l’exploitation forestière ainsi que de la fiscalité et des incitations à la raréfaction des ressources forestières ;

- renforcement de la protection des parcs nationaux avec la participation des populations riveraines à leur surveillance et aux actions d’aménagement de zones tampons et de promotion touristique ;

- concertation entre les administrations intervenant en milieu rural pour prendre en compte dans l’aménagement de l’espace rural tous les impératifs de développement tant agricole, pastoral que forestier en cherchant à les concilier au mieux des intérêts des populations locales concernées.

3.1.3 Le cadre institutionnel

En Côte d’Ivoire, c’est le Ministère de l’Environnement et de la Forêt qui assure la politique pour la protection de l’Environnement et des Forêts. Il a mis en place des structures chargées des problèmes de lutte contre la déforestation, la dégradation des terres, l'atténuation des effets de la sécheresse dès le début des années 1970. En 1972, il sera créé, pour la première fois, un Ministère de la protection de la nature et de l’Environnement. Puis, les prérogatives en matière de gestion durable, principalement, conjointement, aux ministères chargés respectivement de l’agriculture et de l’environnement. Aujourd’hui, le Ministère de l’Environnement et de la Forêt assure, outre la mise en oeuvre des conventions internationales pertinentes, la gestion de la lutte contre la désertification ; ses attributions en la matière sont notamment les suivantes :

- mise en oeuvre et coordination des actions en Environnement prévues par le PAN (Programme d’action National) ;

- promotion et suivi des actions de conservation du patrimoine forestier, des parcs nationaux et des réserves de faune et de flore ;

- constitution, classement, conservation, aménagement, gestion et enrichissement du patrimoine forestier, des parcs nationaux et des réserves de faune et de flore ;

- réglementation et contrôle de la chasse ;

- promotion des conditions d’exploitation rationnelle des ressources forestières ;

- gestion et promotion des ressources cynégétiques et de la chasse ;

- défense de la forêt et lutte contre les feux de brousse ;

- protection des sols, des eaux et de la végétation.

Pour ce faire, le Ministère de l’Environnement et de la Forêt s’appuie sur des services opérationnels suivants dont :

La SODEFOR, initialement Société de Développement des Plantations Forestières, avait pour mission de réaliser d’importants programmes de reboisements industriels. Ces plantations ont été financées par le budget de l’Etat, avant que les bailleurs de fonds ne prennent la relève (la Banque Mondiale, la Caisse Danoise de Coopération et la Caisse Centrale de Coopération Economique). Depuis 1995, ces financements extérieurs sont arrêtés et l’ensemble des projets exécuté sur fond propre.

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Le Comité National de Lutte contre les Feux de Brousse. En 1984, le Gouvernement ivoirien a mis en place au niveau institutionnel un Comité Interministériel et Interinstitutionnel de Lutte Contre les Feux de Brousse rattaché jadis au Ministère de l'Agriculture et des Ressources Animales, et actuellement au Ministère de l’Environnement et de la Forêt. Ce comité a été créé à l'effet de réduire et de supprimer les feux de brousse par l'information, la sensibilisation, l'équipement des populations afin de prévenir les feux. Mis à part les structures du Ministère de l’Environnement et de la Forêt et du Ministère chargé de l’Agriculture, d’autres départements ministériels² interviennent. Ce sont le Ministère de l’énergie, le Ministère des transports, le Haut Commissariat à l’hydraulique, le Ministère de la programmation et du développement, Le Ministère de la communication, le Haut commissariat des savanes, etc.

3.1.3.a Organisations non gouvernementales En Côte d’Ivoire, on assiste à un véritable foisonnement du nombre des ONG d’Environnement dont les plus actives sont : Côte d’Ivoire – Ecologie, la Croix Verte de Côte d’Ivoire, SOS - Forêts, Côte d’Ivoire – Nature, la LIEPS, le WWF, CRECER, l’Institut AMI, etc. Ces organisations sont regroupées pour la plupart en collectifs : Collectif des ONG actives en Côte d’Ivoire (CONGACI) ; Réseau des ONG d’environnement (RECI) ; Réseau ivoirien des organisations féminines (RIOF) ; WWF et Conservation Internationale sont les ONG internationales les plus impliquées dans la protection de l’environnement.

Malgré leur nombre croissant et l’ampleur des tâches, les ONG n’ont pas encore pris leur véritable essor. Il reste beaucoup à faire notamment au niveau de la coordination de leurs activités, de l’analyse des stratégies et des moyens juridiques et financiers à utiliser . Les ONG sont confrontées à des problèmes d’organisation et à de réelles difficultés financières, matérielles, juridiques, etc. La plupart d’entre elles n’ont pas d’existence légale. Elles ne peuvent donc véritablement jouer leur rôle de soutien, de complémentarité, de critique saine et constructive de l’action gouvernementale.

.3.2 La portée limitée des actions de l’Etat

3.2.1 L’échec des politiques de reboisement Puisque la dégradation du couvert végétal apparaît si néfaste, l'idée d'une interdiction ou d'une réglementation vient aussitôt à l'esprit. C’est dans ce sens qu’en Côte d’Ivoire, depuis 1992, la SODEFOR (Société de développement des Forêts), dont la mission est de gérer le domaine forestier permanent de l’Etat, a entrepris des actions en vue d’un arrêt de l’extension des superficies des vergers. Des " séries " sont définies avec pour chacun un objectif spécifique. Il s’agit de la série agricole, de la série de reboisement et de la série de conservation. La complantation est alors utilisée comme méthode de restauration du couvert forestier dans les milieux de forêts dégradées non classés comme une série agricole (SODEFOR, 1995). Il s’agit de reboiser les plantations installées dans les séries de reboisement sans détruire les plantes, mais en densifiant l’espacement des jeunes arbres forestiers afin qu’ils envahissent progressivement les cultures.

En fait, la reforestation a été le principal programme de plusieurs organisations internationales en Afrique tropicale durant les décennies passées et le restera à l'avenir (MUTHOO, 1985 cité par Pomel et Salomon, 1998) avec le Tropical Forestry Action Plan. Par exemple, entre 1975 et 1985, la F.A.O. a investi en Afrique 8 Millions de dollars dans des plantations industrielles et 5 Millions dans la foresterie pour le bois de feu. En Côte d’Ivoire, plusieurs projets d’aménagement ont été initiés par la SODEFOR et les ONG sous la houlette des bailleurs de fonds internationaux. C’est l’exemple du projet du Projet de reboisement et d’aménagement

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forestier dans la zone de savane et de contact forêt-savane (Région Centre-Nord et Nord). Le projet devrait contribuer à l’atteinte des objectifs fixés dans le Plan Directeur Forestier. Il s’agit de prendre en compte la double mission de l’administration Forestière qui est la sauvegarde de l’équilibre écologique du pays et la gestion rationnelle des ressources. Le projet a débuté en 1991 et s’est achevé en 1997. C’est aussi l’exemple du projet d’Aménagement du secteur forestier de l’Orumbo Boka en région de savane du Centre. Le projet est censé contribuer à la gestion des forêts associant une régénération naturelle et des actions de reboisement en Teck. Les résultats de ces opérations restent dans l’ensemble encore difficilement perceptibles compte tenu des constantes infiltrations occasionnant souvent de nouveaux défrichements clandestins. Le ratio surfaces reboisées/ surfaces cultivées reste de ce fait encore très faible : le ratio de reboisement/déboisement entre 1981 et 1985, pour 37 pays d'Afrique, était de 1/29. En Inde le ratio est tellement faible qu'il est déficitaire de 1,3 Millions d’ha par an. Même les parcs naturels, théoriquement protégés, subissent de nombreuses atteintes. En Asie tropicale (dans 16 pays) le ratio est de 1/4,5 et en Amérique tropicale (dans 23 pays) de 1/10,5. Cette tendance se poursuit au cours de la décennie actuelle. Le tableau 27 (ci-dessous) reprend les statistiques relatives aux superficies reboisées de 1987 à 1995 en Côte d’Ivoire. Au cours de cette période, 42 926 ha ont été reboisés sur l’ensemble du territoire national, soit moins de 10 % des surfaces plantées en café-cacao.

Tableau 27 : Activités de reboisement en Côte d’Ivoire de 1987 à 1995 en hectare

Essence 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995

Reboisement industrie (SODEFOR) – superficie en ha

Teck 1987 1433 1653 944 302 2 164 761 651 4261

Tiama 104

Aboudikro 16

Acacia 19 8

Acajou 14

Badi 20

Cedrela 259 93 152 197 204 69 77 63

Eucalyptus 421

Framiré 292 943 776 343 221 234 167 100

Niangon 8 48

Fraké 1659 549 615 462 59 58

Pin 294

Sao 52 8 3

Samba 112 20 43 184 234 16 87 63 20

Gmelina 491 756 701 109 302 619 577 476 315

Divers 225 157 176 64 33

S/Total 5 025 3 951 4 116 2 303 1 150 3 345 2 403 1 425 4 825

Reboisement villageois – superficie en ha

Toutes 226 10 670 2 600 364 144 144 80 80 75

Total national 5 251 14 621 6 716 2 667 1 294 3 489 2 483 1 505 4 900 Source : Rapport d’activité SODEFOR,1995 Direction du Domaine Forestier et du Reboisement

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Les politiques de reboisement ne sont pas simples à mettre en oeuvre pour des raisons de coût, d'acceptation des populations et de choix des espèces, surtout en zone sèche. Les eucalyptus et les filaos, grands consommateurs d'eau sont des échecs dans les tentatives d'afforestation en zone sèche. Pire, les phréatophytes sont susceptibles d'assécher les nappes phréatiques subaffleurantes comme l'ont montré les malheureuses tentatives de boisement du Nord chilien. En Tanzanie, l'Eucalyptus a échoué parce qu'il n'avait qu'une seule utilisation pour les Massaï (le bois de feu) et que les villageois étaient peu associés (MNZAVA, 1985 ; cité par Pomel et Salomon 1998). Même les arbres d'implantation ancienne, comme le Nem sahélien à usages multiples (Azadirachia indica) introduit de l'Inde et du Myanmar, demeurent fragiles malgré leur intérêt. Les pépinières forestières sont délicates à maintenir, mais on observe des réussites dans les villages de pêcheurs du Malawi, avec des espèces prisées pour leur combustion lente ou leur fumet (Albizia zimmermanni, Pericopsis angolensis ou Acacia seyal). Le projet mené entre 1989 et 1992 était intégré à la pêche et à l'aquaculture et avait pour garanties une gestion communautaire (MILLS, 1994 ; cité par FAO, 1997).

L’une des solutions pour réussir ces politiques de reboisement est l’intégration des populations locales dans les projets de gestion. Ces stratégies dites participatives impliquent que les populations concernées y trouvent un intérêt matériel, soit immatériel. L’intérêt matériel peut consister dans la récolte de produit ligneux pour des besoins médicaux, alimentaires et techniques. Mais ici encore, la réussite du projet dépendant de l’attitude des populations locales.

Sur l’ensemble des quatre régions étudiées, les comportements sont variables d’une communauté à une autre.

3.2.1.a Attitudes des allochtones/allogènes

De façon générale, pour ces populations déplacées, le reboisement ne présente aucun intérêt économique mobilisateur. Ayant immigré avec comme objectif de cultiver le cacao ou le café, elles ne perçoivent leurs intérêts économiques que par rapport à ces deux cultures. Le statut de ce type de populations et leur logique économique les prédisposent à une réticence vis-à-vis du reboisement dont la rentabilité est lointaine et particulièrement en contradiction avec leur logique de rente à court terme. Toujours dans la logique de ces populations, les jachères et îlots de forêt ne peuvent non plus être exploités à des fins de reboisement. Dans l’immédiat, les jachères sont destinées aux cultures vivrières, tandis que les îlots de forêt sont réservés aux générations futures. Cette catégorie de paysans ne cache donc pas son opposition aux reboisements incompatibles selon eux avec les activités de plantation en culture pure. A Kafonandougou dans le département de Daloa, par exemple, les allochtones Baoulé n’envisagent un éventuel reboisement que dans leurs villages d’origine où ils disposent de terres. Selon eux, la végétation de savane serait plus adaptée à ce type de projet.

De plus, les paysans ne semblent pas rassurés quant à la propriété de ces investissements, dans la mesure où ils intègrent dans leur manière de voir l’avenir la logique de récupération des terres mises en valeurs par les autochtones. C’est le problème de la sécurité de leurs investissements dans les zones d’accueil qui est ainsi posé. Celui-ci apparaît comme un facteur explicatif majeur de la précarité de l’habitat d’allochtones et d’allogènes dans les villages d’accueil.

3.2.1.b Attitudes des autochtones

Chez les autochtones aussi bien Baoulé (Centre) et Agni (Est) que Bété, Bakwé et Niaboua (Ouest), la question du reboisement s’est toujours posée en terme d’investissements à rentabilité non immédiate. La longueur du cycle (20 à 25 ans) de

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maturation de certaines essences (teck) vulgarisées demeure un facteur peu encourageant. Aussi n’hésitent-ils pas à rétorquer " si on plante des arbres sur une partie de nos terres, on va manger quoi ? Et même si ces arbres seront bien payés plus tard, nous allons récolter les fruits de ces investissements quand ? ". On note ici un sentiment d’immobilisation de la ressource foncière peu profitable à la génération qui a la charge actuellement de la gestion foncière.

Ces interrogations montrent l’état d’esprit des populations devant le reboisement. Le besoin d’argent liquide dans l’immédiat éclipse la rentabilité économique même avérée à long terme. Les paysans de Koréa II dans le département de Daloa (Centre-Ouest), par exemple, n’ont pas caché leur manque d’intérêt pour les plantations d’arbres, individuelles ou collectives. Pour eux, ce reboisement doit être fait par ceux qui abattent les arbres et qui en tirent profit, c’est-à-dire les exploitants forestiers. La réticence des paysans s’explique également par la faible perception des avantages liés à l’exploitation forestière. S’estimant dépossédés au profit de l’Etat, les paysans manifestent en général peu d’intérêt pour le reboisement. A Gripazo dans le département de Soubré (Sud-Ouest), les populations ignoraient même que l’arbre pouvait être planté. La réticence au reboisement est alimentée à Dioulabougou-Mayo (Soubré) par des préjugés fondés sur le caractère ombrageux des arbres, donc peu propice à la culture du cacao, sur la propension des arbres à attirer les rongeurs néfastes pour les cultures vivrières. Pour les paysans de Gueyo (Centre-Ouest), les essences ligneuses telles que le teck, le fraké qui ont une longue période de croissance, n’ont pas de fruits qui pourraient faire l’objet d’exploitation commerciale en attendant la croissance complète. Ceci explique l’empressement avec lequel ces paysans citent toujours l’hévéa, le kolatier et l’anacardier lorsqu’on évoque la question du reboisement.

Par ailleurs, l’échec de certaines expériences en la matière a fini de convaincre les populations sur le fait que le reboisement ne puisse pas constituer une alternative économique viable. Le cas cité est celui du chef du village de Gregbeu (Daloa) en 1978 portant sur 1 ha de fraké qui aurait été un échec en raison, selon l’intéressé, de la permanence des feux de brousse, mais aussi et surtout du manque de soutien de l’Etat à travers un encadrement et un suivi.

Malgré la réticence quasi générale exprimée par rapport à la rentabilité économique du reboisement, il existe des villages qui envisagent une opération de reboisement ou qui ont déjà fait l’expérience avérée. Les projets sont sous-tendus par un ensemble de conditions qui posent de façon globale le problème du financement du reboisement compte tenu des moyens financiers et matériels limités des paysans.

Dans le Centre, à Nzuéda (Béoumi), il existe un espace communautaire susceptible d’être reboisé. Il en est de même à Ayaou-Sokpa dans la sous-préfecture de Sakassou (Centre) où sous l’impulsion des cadres du village, un projet de reboisement de 200 ha est en cours. Des projets de plantations individuelles sont également en cours dans la région est à Abengourou. Par exemple, à Appoisso, sous les effets conjugués des campagnes de sensibilisation et de la présence de la SODEFOR (Sociétés des Forêts), chaque paysan se dit prêt à affecter un ha de sa propre parcelle au reboisement. Les populations de Fitabro qui, dans la sous-préfecture de Béoumi (Centre) ont été déplacées dans le cadre de l’AVB (Aménagement de la Vallée du Bandama), projettent de reboiser l’ancien site de leur village qui est en bordure du fleuve Bandama et dont elles continuent de revendiquer la propriété. Il s’agit donc de présenter le reboisement comme un marqueur supplémentaire de leur droit sur la terre. A côté de ces projets, d’autres villages connaissent des expériences en matière de reboisement. Sur l’initiative d’un ressortissant du village de Gripazo (soubré), dans le Sud-Ouest, formé pour les pépinières, les paysans se sont intéressés au reboisement. Des séances d’initiation sont

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organisées par les agents de la SODEFOR à l’intention des paysans. Actuellement un villageois posséderait 10 ha de teck en culture. Aujourd’hui, les villageois qui entendent poursuivre l’opération attendent environ 60.000 plants de teck. Cette opération est d’autant plus aisée que les plants sont livrés gratuitement par la SODEFOR.

Le village de Gnanmagui (Méagui), dans le Centre-Ouest, du fait de la présence d’organismes de protection et de conservation de la nature s’initie à la culture de l’acajou et du samba. A Gueguigbeu, le chef du village a tenté une expérience de reboisement en fraké en 1991. Cela, sur l’initiative de la SODEFOR qui se serait portée acheteuse du bois qui sera produit. De même le chef du canton Ahua du village d’Anuassué (Abengourou) possède 9 ha de fraké et de framiré et 1 ha d’iroko depuis 1986. Cette initiative a été favorisée par la fourniture gratuite des plants à cette époque. A Gbalagoua-Lagoguhé (Daloa). Avec la sensibilisation des cadres du village, et dans le cadre des traditionnelles journées de l’environnement, des arbres ont été plantés autour et dans le village grâce toujours à l’apport de la SODEFOR

De façon générale, les projets et expériences de reboisement sembleraient motivés plus par les intérêts environnementaux qu’économiques selon les populations. Les paysans pour l’instant, ne croient guère a l’intérêt économique d’une telle opération. Ces initiatives sont fondées sur la prise de conscience de " l’avancée de la savane ", de la multiplication des feux de brousse, de la rareté des précipitations, de la croissance de la déforestation et de son corollaire la sécheresse. Rares sont les paysans, qui comme le chef du canton de Anuassué, dans l’Est, expliquent leur initiative par une association de l’idée de retombés économiques et de l’idée du développement durable.

Mais, dans toutes les zones visitées, les communautés villageoises ont souligné les conditions qui pourraient faciliter une adhésion véritable des populations à une politique de reboisement. Il s’agit en priorité :

1- de la fourniture gratuite des pépinières et des intrants ;

2- de la formation des jeunes aux techniques de culture d’arbres ;

3- de l’encadrement et du suivi des exploitants agricoles par l’Etat ;

4- de l’octroi de fonds sociaux aux jeunes ou de l’orientation partielle de l’opération " plantations clé en mam " vers les plantations d’arbres ;

5- de la vulgarisation et la promotion d’essences ligneuses à cycle de croissance court (6 à 7 ans comme l’hévéa) ou ayant des fruits exploitables avant terme ;

6- de l’implication des industriels du bois dans la politique de reboisement par l’aide matérielle et financière qu’ils pourraient apporter aux paysans ;

7- de la sécurisation des terres des populations allogènes exerçant un droit de propriété sur d’importantes superficies cultivées. Ainsi que le note le Ministère de l’Economie, des Finances et du Plan (in Hauhouot, 2003), nombreux sont les immigrés qui, après avoir rempli (plus ou moins longtemps selon leurs origines) un rôle de salarié sur les plantations des autochtones ou des premiers immigrants, sont devenus planteurs à leur tour.

3.2.2 Les politiques de protection intégrale limitées par les difficultés de mise en place d’une agriculture intensive

La mise en œuvre d’une véritable politique forestière passe également par la mise en œuvre de mesure visant à la protection des espaces protégés. Ces mesures sont basées tant sur la sensibilisation que sur la coercition. C’est pour ces raisons que les administrations forestières

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entreprennent régulièrement des travaux de délimitation claire, sous la forme de pistes bien entretenues. Celles-ci agissent comme barrières psychologiques, freinant l’envie de vouloir cultiver dans les aires protégées.

Mais, les politiques d’aménagement des forêts se heurtent, en Côte d’Ivoire comme dans de nombreux pays d’Afrique tropicale, au problème de l’occupation illégale des forêts classées qui alimente le phénomène de la pression foncière. Bien que protégées par l’Etat, ces forêts répondent, dans bien des cas, à des besoins de production agro-forestière. En 1990, celles-ci produisaient, respectivement, 15 % et 19 % du potentiel total de production des vergers de café et de cacao (cf. chapitre 3). Au départ enjeu économique, les forêts classées deviennent aussi un véritable enjeu politique, surtout en période de démocratie multipartite. Il y a pour l’organisme public chargé de gérer les massifs forestiers (SODEFOR), un facteur supplémentaire de risque socio-politique dont il doit tenir compte. Il s’agit pour lui de concilier des contraires (Akindès, 1994) : aménager les massifs forestiers infiltrés sans décomposer l’électorat politique qui y est constitué, concéder à l’Etat le contrôle informel de l’un des instruments de fidélisation de sa clientèle politique et, pour certains rentiers dans l’appareil étatique (personnalités du régime au pouvoir), conserver le bénéfice de l’exploitation des domaines classés. Il s’agit également de préserver la production agricole issue de terres qui représente une part non négligeable dans la production nationale. La politique de gestion sociale des forêts classées est, de ce fait, partagée entre la répression et la concession participative dont l’originalité tient dans la volonté d’associer les paysans aux stratégies de réhabilitation et d’aménagement des forêts classées. Les résultats de cette co-gestion ne sont pas encore nettement perceptibles sur le terrain du fait de la complexité des enjeux économiques et de la persistance de nombreuses incompréhensions sur la perception du patrimoine forestier. Par exemple, certains habitants considèrent toujours que la forêt dite classée est la propriété des ancêtres et non de l’Etat.

Ces difficultés de gestion sont à mettre également à l’actif de la vision que les populations riveraines ont des massifs de forêts classées. En effet, bien que ces forêts fassent partie du domaine permanent de l’Etat, ceux-ci n’ont jamais cessé de considérer ces massifs forestiers comme une partie de l’héritage de leurs ancêtres. Ils le revendiquent en cas de nécessité, surtout là où la pression foncière est devenue trop forte. C’est l’exemple des habitants de Belleville (Daloa) et Gnamagui (Soubré) qui, dans un contexte de saturation foncière généralisée, souhaitent qu’une partie des forêts classées de leur village leur soit attribuée. Les villageois s’appuient sur une promesse que leur aurait faite l’ancien président Houphouët Boigny de leur restituer ces forêts au bout d’un certain nombre d’années s’ils continuaient à accueillir les " frères " venus d’ailleurs (c’est-à-dire des migrants) pour travailler la terre. Il n’est guère possible de vérifier l’exactitude de ces propos. Mais ils traduisent la volonté des populations d’obtenir des déclassements et leurs stratégies pour faire pressions sur les politiques. Les villageois sont d’autant plus amers que jusqu’à la fin des années 1980, des déclassements ont eu lieu pour attribuer des pans entiers des forêts " classées " à des soutiens du régime, fonctionnaires, notables locaux et hauts dignitaires désirant les mettre en plantation, dans le cadre d’une politique clientéliste destinée à renforcer la base du régime (Léonard et Ibo, 1994). En fait, de nombreux gouvernements encouragent ou laissent faire les déboisements, car cela représente une échappatoire temporaire aux difficultés économiques.

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Quel que soit le type d’action menée par l’Etat et/ou par les ONG en matière de gestion de l’environnement, on ne peut aménager l’espace agro-forestier de façon durable que si la pression démographique environnante est maîtrisée. Un contrôle de l’occupation agricole à l’intérieur des massifs n’est pas suffisant si la population rurale environnante n’est pas stabilisée. La protection stricte de l’environnement forestier sans intensification de l’agriculture contraindrait une population rurale de 1 270 000 personnes en provenance du front pionnier et de la nouvelle ceinture du cacao à ne pas s’installer dans cette zone. (BNTD, 1993). Mais, l’urgence de l’intensification de l’agriculture pose le problème de la prise en compte des différentes composantes indispensables à sa mise en oeuvre, telles que la sécurité foncière, l’accès au crédit, les différents aspects liés à la formation des exploitants agricoles.

Or dans un contexte socio-économique défavorable, marqué par la baisse des cours mondiaux des principaux produits d’exportation et donc par la paupérisation de la masse paysanne, une telle politique aura nécessairement une portée limitée. C’est ainsi que, par exemple pour le cacao, malgré les innovations technologiques apportées par le CNRA (Centre National de la Recherche Agronomique), permettant d’atteindre des rendements importants (2,5 t/ha), les rendements en milieu paysan restent encore faibles (500 à 800 kg / ha). La raison en est que ni l’Etat, ni les paysans ne peuvent accepter de supporter le surcoût de production lié à l’intensification du fait de la baisse des revenus. Les difficultés d’accès à la terre dans certaines régions où la pression foncière est trop forte, en condamnant une catégorie d’agriculteurs à des occupations précaires et ou illégales, éloignent ces derniers de l’objectif de l’intensification.

L'utilisation d'engrais se présente actuellement comme la seule alternative susceptible de fixer les paysans sur une parcelle donnée pour une longue durée de manière à pouvoir permettre une régénération du capital forestier. Elle leur permettra également d’améliorer leur rendement. Si tous les paysans reconnaissent à l'unanimité la baisse de la fertilité des sols, rares sont ceux qui utilisent ou envisagent l'utilisation d'engrais minéraux comme alternative. La raison est que les paysans préfèrent coloniser les quelques rares forêts vierges restantes. Les habitants de Belleville (Daloa) et ceux de Gnamagui (Soubré), n'envisagent pour l instant pas d'autre solution que la restitution d'une partie d'une forêt classée par l'Etat pour faire face au problème de la rareté des terres et de la baisse de la fertilité des sols.

Dans la région de Soubré, seuls quelques rares paysans maliens et malinké ont timidement amorcé l'utilisation d'engrais sur leurs parcelles de riz avec des résultats satisfaisants. Pour le chef du canton Aniansué (Abengourou), l'utilisation d'engrais est la seule alternative qui pourrait à la fois permettre aux paysans d'augmenter leur rendement, de stabiliser leur culture et de mettre un terme au "gaspillage de la terre". Mais la principale entrave à l'utilisation des engrais est d'ordre financier. En effet, tous les paysans affirment qu'ils ne peuvent supporter sur le long terme la croissance exponentielle des prix des intrants, tandis que les cours des produits agricoles stagnent ou chutent par moment. Cette variation en raison inverse constitue le principal obstacle à l'accessibilité des paysans aux engrais minéraux. De plus, il convient de rappeler que dans le cadre des mesures d'incitation mises en place par le gouvernement ivoirien, ces facteurs de production ont longtemps été distribués aux paysans dans le but de les encourager à produire du café et du cacao. Ces derniers plaident donc pour une (re)distribution gratuite ou à moindre coût des engrais. Pour des paysans qui opèrent dans un environnement macro-économique marqué par l'incertitude - désengagement de l'Etat, absence de crédit agricole, désorganisation des réseaux de commercialisation - et qui, dans la plupart des cas, ne sont pas affiliés à des organisations professionnelles agricoles, le recours aux engrais onéreux apparaît quasiment impossible et hypothétique.

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3.2.3 La difficile mise en place de l’Agroforesterie

D’autres solutions originales existent qui doivent être mises en oeuvre. Elles conduisent à limiter les plantations mono spécifiques instaurées par la colonisation, à s’appuyer sur certains systèmes traditionnels dans la perspective de changements progressifs et à responsabiliser les villageois. Ces pratiques s’inscrivent dans le concept d’agroforesterie qui désigne l’association d’espèces ligneuses arborescentes avec les cultures de plein champ. La foresterie entre dans une nouvelle ère où il n'est plus simplement question de restaurer le milieu et les capacités de régénération des sols, mais avant tout de restaurer le tissu social avec l'introduction d'espèces, si possible locales, adaptées aux potentialités et aux besoins. L'aménagement des forêts pourrait même être envisagé pour piéger et conserver le CO2 atmosphérique. On estime que le reboisement dans les régions tropicales a valeur de rétention moyenne du carbone de 65 t C/ha, contre 56 en zone tempérée, avec un coût moyen de 450 $/ha contre 357 ; l'agroforesterie tropicale produirait une moyenne de 95 t C/ha pour un coût de 454 $/ha SCHROEDER et al., 1993 ; cité par FAO, 1999).

L’agroforesterie est un concept nouveau en tant que science et technique d’exploitation des terres incluant la culture des arbres et arbustes pour la production de fruits, noix, fibres, substances médicinales et bois. Cependant, il faut noter que les pratiques sont plus anciennes (Pomel et al., 1998). En Côte d’Ivoire, et dans plusieurs régions tropicales, existent de magnifiques systèmes de cultures associées. L’introduction ou la réintroduction de l’arbre sur les terres du domaine rural peut se faire en association avec les cultures pérennes et/ou vivrières. Cette technique d’association est d’ailleurs favorisée par la nouvelle loi ivoirienne sur le foncier (adoptée par le gouvernement en 1999) qui encourage l’investissement à plus long terme en spéculation forestière et aide à garantir la propriété de l’arbre.

La mise en œuvre de dispositifs agroforestiers ne peut réussir sans le consentement du monde rural dont elle va modifier profondément le mode de vie par le biais des pratiques culturales nouvelles. Le constat est que l’agroforesterie n’est pas toujours le premier souci du paysan qui, de ce fait, ne s’approprie pas les technologies mises à sa disposition. Selon le rapport d’activité de l’année 2003 de la Direction du reboisement du Ministère des Eaux et Forêts, la réticence du paysan à l’égard des innovations agroforestières trouve son fondement dans plusieurs contraintes :

- économiques - baisse de rendements de production, de revenu monétaire liée surtout à la densité ;

- techniques – difficultés d’approvisionnement en semences et en plants, production de certains types de matériel végétal non maîtrisée, itinéraires techniques mis en œuvre mal maîtrisés ;

- sociales – âge moyen des agriculteurs souvent avancé, fortes pressions démographiques, souci de solutions immédiates à certains problèmes sociaux (santé, éducation, …) ;

- financières – difficultés d’accès aux moyens financiers, absence d’autres mécanismes de financement, etc.

Il importe donc d’inscrire la vulgarisation dans un cadre de développement intégré. La saturation foncière, du fait qu’elle exclut toute possibilité de mobilisation de la terre sur le long terme constitue obstacle à toute idée de reboisement en milieu paysan. Dans un tel contexte, l’agroforesterie, en associant culture et sylviculture apparaît comme étant l’une des alternatives les plus importantes pour la restauration l’équilibre des écosystèmes et agro-

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systèmes, dans la mesure où plusieurs objectifs lui sont généralement assignés. Il s’agit, entre autres, d’assurer une gestion durable des sols et des ressources végétales à usages multiples. Mais, la mise en place effective de cette stratégie agroforestière nécessite de profondes modifications au niveau politique, économique et social. Le nouveau cadre de politique forestière, adopté par le gouvernement en 1999, vise à donner la propriété de l’arbre aux paysans (non plus exclusivement à l’Etat). L’objectif de cette nouvelle politique est, en fait, de permettre aux paysans d’être un des maillons essentiels de la filière bois, dans le cadre de la création de forêt privé. Mais cette nouvelle loi n’est pas encore en vigueur et l’on voit difficilement comment les paysans, longtemps exclus de la filière de commercialisation du bois pourront jouer un rôle de premier plan dans la dynamisation de ce secteur.

D’un point de vue économique, des mesures d’incitation doivent être prises par l’Etat. Il s’agit par exemple de la mise en place d’une véritable agence pouvant aider les paysans dans les différentes phases du processus d’acquisition d’une forêt privée. La mission de cette agence serait, entre autre, de procéder à la mise en œuvre d’un Centre national de semences et de plants agricoles et forestiers ; identifier les sources et les mécanismes de financement dans le cadre de la création de forêts communautaires ; définir les opérations techniques pluridisciplinaires à engager. Sur le plan social, devant la baisse des revenus de café et de cacao, les paysans ont du mal à comprendre comment la culture de l’arbre, rentable à plus long terme, selon eux, pourrait contribuer à lutter contre la pauvreté en milieu rural. La prise de conscience de ces enjeux économiques et sociaux portant sur l’utilité de l’arbre en milieu paysan constitue un des obstacles majeurs à lever avant la mise en place effective de toute politique agro-forestière.

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4 Conclusion Le mode de vie des populations rurales ivoiriennes ne cesse de changer du fait de la variabilité climatique. Ces changements sont perceptibles à plusieurs niveaux.

Au niveau agricole, les quantités d’eau nécessaires à une bonne croissance des plantes sont de moins en moins disponibles depuis le début des années 70. Les risques de perte de récoltes deviennent plus importants surtout pour les cultures vivrières à cycle végétatif long (plus de 120 jours). Les cultures pérennes comme le cacao, le café et le palmier sont également affectées par les modifications des régimes climatiques à cause de la faiblesse des hauteurs d’eau au cours des phases de floraison. La région des savanes du Nord où les conditions éco-climatiques sont déjà rigoureuses à cause de l’existence d’un régime pluviométrique unimodal et de la faiblesse des hauteurs pluviométriques annuelles, est apparue comme la région la plus vulnérable aux incertitudes du climat. Dans cette région, l’igname, le riz et à un degré moindre le maïs, connaissent des problèmes de développement. La variabilité pluviométrique impose également un nouveau calendrier agricole. En effet, avec le raccourcissement de la saison végétative, les paysans se sont vus obligés de modifier les dates de semis et de récolte ainsi que d’utiliser des variétés à cycle court. Dans cette région, le calendrier agricole doit désormais tenir compte des éleveurs en provenance des régions plus sèches : par arrêté prefectoral, la sortie des animaux de leur territoire d’origine est autorisée à partir du 1ier

janvier. Obligation est alors faite aux paysans, dès ce jour, de prendre toutes les dispositions pour assurer la protection de leurs récoltes de coton, riz pluvial, maïs et ignames. Le retour des animaux dans leur espace d’origine doit avoir lieu avant le 30 avril.

Parallèlement aux modifications climatiques, les conditions d’accès à la terre sont devenues difficiles du fait de la saturation foncière dans les zones encore très favorables à l’agriculture. L’afflux de population en provenance des autres régions et des pays limitrophes débouche nécessairement sur de nouvelles modalités de gestion des terroirs. Des stratégies de préservation sont de plus en plus développées face à l’extrême rareté des terres fertiles. Il arrive même que certains étrangers soient dépossédés de leurs terres, les autochtones remettant parfois en cause les anciennes clauses établies en période d’abondance. Cette situation engendre de nombreux conflits fonciers. Ces difficultés d’accès à la terre, en créant la nécessité de mettre en valeur des espaces anciennement délaissés parce que jugés peu rentables pour l’agriculture de plantation, ont entraîné l’émergence d’une agriculture vivrière peu exigeante d’un point de vue écologique. Cette émergence est soutenue par le développement spectaculaire du marché urbain grand consommateur de vivriers.

Au niveau de l’Etat, la prise de conscience des changements environnementaux de grande ampleur est marquée, par la création des Ministères de l’Environnement et des Eaux et Forêts et d’institutions techniques comme la SODEFOR, par l’existence d’un cadre politique, juridique et institutionnel d’atténuation des effets de ces modifications environnementales. Cette prise de conscience est renforcée par la ratification de nombreuses conventions sur la protection de l’environnement initiées par l’Organisation des Nations Unies depuis la conférence de Rio en 1992. Mais, lié à des difficultés de financement et à une situation socio-politique trouble, le Programme d’Action National pour l’environnement (en application des recommandations de Rio), élaboré pour la période 1996-2010 est resté pratiquement au stade de projet. Sa mise en œuvre devrait permettre une action concertée de tous les acteurs de la filière environnement en Côte d’Ivoire. Cette vision d’ensemble est d’autant plus urgente à mettre en pratique qu’il existe des contradictions importantes entre les différents acteurs. On a d’un côté ceux qui considèrent le milieu naturel uniquement comme un support de production, et de l’autre, ceux qui, au contraire, le considèrent comme un écosystème fragile à préserver.

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Conclusion générale 1. Bilans L’histoire récente de la Côte d’Ivoire est marquée par d’importants mouvements de population en vue de la colonisation agricole des terres. Cette mobilité spatiale de la population agricole est fortement rythmée par des crises de production, elles-mêmes liées aux modifications des conditions bioclimatiques. Sans négliger les très anciennes occupations humaines (à l’échelle du millier d’années), la mise en valeur agricole rapide des milieux forestiers ivoiriens commence véritablement à partir des années 1950 dans le Centre-Est avec le développement de l’économie cacaoyère et caféière. Les fortes précipitations (plus de 1 400 mm/an) et l’existence d’un écosystème forestier ont permis à cette époque de faire de cette région la principale zone de production agricole et surtout cacaoyère. A partir des années 70, la baisse de fertilité des terres, liée à la saturation foncière et la réduction du niveau des précipitations de l’ordre de 25 %, entraîne des départs de population en direction du Centre Sud et plus tard (à partir des années 80) vers le Centre-Ouest et le Sud-Ouest. C’est donc vers ces dernières régions qui concentrent les derniers grands massifs forestiers ivoiriens et à pluviométrie annuelle supérieure à 1 400 mm que se dirigent aujourd’hui en priorité les migrants.

Les effets de ces mouvements de populations pratiquant une agriculture dont l’expansion est liée à la recherche permanente de terres vierges sur l’occupation du sol sont remarquables. En effet, depuis 1960, les superficies forestières de la zone dense humide (en grands massifs et en boisements diffus) n’ont cessé de reculer, passant de plus de 12 millions d’hectares à moins de 4 millions d’hectares en 2004. L'Ouest est la seule région où les massifs forestiers sont encore importants. Sur le reste de la zone forestière, de très grandes superficies sont désormais occupées par des jachères et des cultures principales dont le binôme café-cacao. Rien n’indique, à l’heure actuelle, la stabilisation de la situation, des changements plus récents dans l’occupation du sol ayant été mis en évidence entre 1986 et 2001 à l’échelle des massifs forestiers du Haut Sassandra et de la Bossematié. Dans un tel contexte, des risques de disparition des derniers massifs forestiers sont à envisager. Ces risques sont liés à l’existence d’importants fronts pionniers aux limites des massifs forestiers de l’Ouest. Cette situation ne concerne pas les parcs nationaux qui, contrairement aux forêts classées, bénéficient d’une protection intégrale de l’Etat.

L’une des conséquences qui accompagne la raréfaction des réserves forestières est le blocage du système extensif de l’économie de plantation qui ne peut se développer que dans un environnement de forêt dense. Le passage de la culture extensive à la culture intensive apparaît aujourd’hui comme la seule alternative pour maintenir le potentiel de production agricole du pays. Liée au caractère onéreux des intrants, cette nouvelle méthode culturale ne peut connaître un succès que dans un contexte économique national et international favorable aux cours des matières premières. Les stratégies d’adaptation à l’évolution des conditions environnementales sont tout aussi liées aux techniques modernes qu’aux savoirs endogènes des populations rurales. Ces pratiques conservatoires ou de sécurité alimentaire consistent à procéder à une meilleure gestion de l’espace pour limiter les effets de la variabilité climatique et de la saturation foncière. La priorité est donc accordée aux bas de pente, aux bas-fonds non inondables et aux cuvettes à inondation peu fréquentes, sous exploités par le passé dans un contexte d’abondance. Cette adaptation aux nouvelles conditions environnementales est apparue finalement comme une nécessité pour résoudre les problèmes d’approvisionnement en vivriers de la société ivoirienne qui s’urbanise de plus en plus.

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2- Perspectives Le problème des interactions entre les changements environnementaux et les sociétés alimente encore de nombreux débats dans de multiples études qui mettent en jeu des modélisations physiques à différentes échelles (globales, régionales et locales). Les résultats progressent énormément dans la connaissance des phénomènes physiques. La variabilité climatique et les tendances climatiques à plus long terme sont, par exemple, aujourd’hui clairement établies. Dans le contexte de l’Afrique de l’Ouest et centrale, la plupart des travaux (Samba-Kimbata, 1991 ; Diop, 1996 ; Paturel et al., 1995 ; Servat et al., Brou et al., 1999 ; Bigot et al, 2002 ; etc.) s’accordent sur le raccourcissement des saisons et la diminution des hauteurs d’eau annuelle depuis la fin des années 60. Il s’avère de plus en plus que ces résultats de recherche ne peuvent devenir des instruments d’aide à la décision que mis en relation avec la perception qu’ont les populations vivant concrètement ces changements climatiques et, en fonction de celle-ci, les stratégies qu’elles déploient pour en atténuer les effets.

En effet, si certaines composantes physiques des changements environnementaux sont de mieux en mieux connues, leurs incidences sur les sociétés et les stratégies développées par celles-ci pour y faire face le sont moins, en raison de la complexité des paramètres à prendre en compte. Les modèles d’explication ou de prédiction de phénomènes environnementaux, intégrant des données socio-économiques, restent, en effet, toujours difficiles à mettre en œuvre du fait de l’imprévisibilité de l’Homme. Dans les sociétés rurales africaines, les méthodes des paysans pour s’adapter aux nouvelles contraintes bioclimatiques sont encore mal connues. Par exemple, en Côte d’Ivoire et dans plusieurs régions tropicales, les paysans pratiquent traditionnellement l’agroforesterie en tant système de cultures associées. Par ailleurs la saturation foncière et la forte pression humaine qui en résulte entraînent dans certaines régions une dégradation rapide des sols.

Il apparaît ainsi que la poursuite des études intégrant paramètres environnementaux et données socio-économiques demeure nécessaire pour mieux comprendre les interactions atmosphères / état de surface. Tout en approfondissant les axes de recherches déjà développés, mes efforts à moyen terme seront orientés vers la thématique émergente " environnement et santé ". Cette thématique n’est en fait qu’un volet de mes travaux antérieurs portant sur les incidences des modifications environnementales sur la vie des sociétés. Il ne s’agira pas pour moi de me lancer dans des études épidémiologiques, mais de chercher à comprendre, à partir des données spatiales et de mesures in situ, l’environnement physique et social des populations touchées par les maladies émergentes. Cette nouvelle orientation de mes recherches fait l’objet d’un projet de recherche qui porte sur :

" Analyse spatialisée des relations climat, environnement et santé aux échelles régionales et locales : étude de cas de maladies infectieuses en Afrique de l’Ouest et Centrale ".

Depuis de nombreuses années, les chercheurs intéressés au domaine médical tentent de mettre en évidence les liens entre la santé et l’environnement. On sait actuellement que des changements climatiques globaux mettent en danger le devenir de la planète et posent de grands problèmes de santé humaine. La région tropicale est l’une des zones les plus touchées par ce changement planétaire.

Les recherches scientifiques ont montré les conséquences des modifications des écosystèmes naturels ou du climat sur l’altération des interactions entre les populations humaines et leur environnement augmentant les risques de transmission de maladies infectieuses. Au niveau mondial, l’OMS estime en 2003 que presque un tiers de la charge mondiale de morbidité est imputable aux facteurs de risques liés à l’environnement. Ce fardeau pèse de façon disproportionnée sur les enfants de moins de cinq ans. Les maladies

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liées à des environnements malsains et dangereux tuent des millions d’enfants chaque année. Les statistiques sont plus effrayantes en ce qui concerne l’Afrique ; on estime qu’un enfant sur cinq dans la région ne vivra pas jusqu’à son cinquième anniversaire principalement à cause des maladies liées à l’environnement.

Consciente de l’ampleur de la situation, la communauté scientifique internationale se mobilise pour améliorer la compréhension des relations complexes entre santé et environnement afin de mieux gérer les foyers des maladies infectieuses. Cette prise de conscience de la nécessité d’accroître les recherches sur les interactions santé/environnement a été soulignée dans les conclusions du Sommet Mondial de la Terre sur le Développement Durable (Johannesburg, septembre 2002). Le sommet insiste en effet sur l’urgence de comprendre les causes des maladies, incluant les causes environnementales et leurs impacts sur le développement. Cette prise de conscience se manifeste également par le rapprochement, à travers le Partenariat Earth System Science Patnership (ESSP), des différentes disciplines, traditionnellement isolées, travaillant d’une part sur les changements environnementaux et d’autre part sur la santé. L’ESSP regroupe les programmes internationaux sur le changement global de l'ICSU (Conseil International pour la Science), DIVERSITAS, IGBP ou PIGB (Programme International Geosphère-Biosphère), IHDP (International Human Dimension Programme on global environmental change) et WCRP ou PMRC (Programme Mondial de Recherche sur le Climat). Ces quatre programmes de changement global ont en commun l'ICSU comme organisme fondateur. Ce partenariat a pour objectifs d'une part de développer une science plus intégrative entre les disciplines et d'autre part, de proposer, dans un contexte de développement durable, des solutions aux problèmes environnementaux globaux. L'ESSP met donc en place des projets ciblés sur une thématique : l'eau (GWSP: Global Water System Project), l'alimentation (GECAFS : Global Environmental Change and Food Systems), le carbone (GCP : Global Carbon Project) et la santé (Global Environmental Change and Human Health).

Malgré les efforts accomplis dans la mise en place des mécanismes de concertations et les progrès accomplis dans la compréhension du fonctionnement du couple environnement/santé, beaucoup reste à faire. En effet, les conséquences de la variabilité climatique sur les dynamiques épidémiques, les migrations de vecteurs et de réservoirs sont très mal connues, et ce pour plusieurs raisons essentiellement liées à la diversité des phénomènes impliqués et des échelles spatio-temporelles à prendre en compte. Ainsi les échelles auxquelles est caractérisée la variabilité du climat sont souvent incompatibles avec les échelles des études épidémiologiques ou de biologie des populations de vecteurs. Parallèlement à ce problème d’échelle, la caractérisation de l’impact du forçage climatique sur les facteurs épidémiologiques est rendue difficile par un certain nombre d’éléments masquants ou confondants, au premier rang desquels les actions sanitaires (amélioration de l’hygiène, campagnes de vaccination, développement des centres de santé…) et l’évolution des milieux écologiques (disparition des écosystèmes primaires, évolution des pratiques culturales et des systèmes agraires). Pour la zone intertropicale, il faut ajouter à ces éléments un déficit d’observations pertinentes conjointes sur les modifications environnementales et sur l’épidémiologie. Dans ce contexte de relative ignorance, plusieurs questions restent à élucider : quelle est, actuellement, la situation structurelle (couverture végétale, composition en espèces, ressources en eau...) et le fonctionnement des écosystèmes naturels de la région ? - Quelles sont les causes des changements historiques et récents de ces écosystèmes ? - Quels sont les pratiques d'utilisation des terres qui sont liées à ces changements ? - Quels sont les liens entre la biodiversité, richesse et composition en espèces, et le risque d'émergence de maladies? - Des émergences ou des réémergences de maladies infectieuses ont-elles eu lieu

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durant les dernières décennies dans les différentes régions étudiées ?- Quels sont les systèmes de surveillance et de "monitoring" opérationnels dans ces régions ?

L’analyse spatialisée des connaissances en environnement est susceptible d’apporter des réponses à ces questions. Les problèmes de santé étant l’expression des relations entre l’homme et son environnement (Cadot et al., 1998), la télédétection et le Système d’Information Géographique (SIG) sont tout à fait adaptés pour les appréhender de façon globale en intégrant la dimension spatiale et tous les facteurs potentiels.

Les objectifs principaux de l’utilisation de la télédétection dans le domaine de la santé sont l’identification des zones et des périodes à risques pour la mise en place de modèles prédictifs d’une part, et une aide à la compréhension de la maladie d’autre part. L’hypothèse sous-jacente est que la maladie étudiée est liée à l’environnement, et que cet environnement peut être caractérisé, de manière directe ou indirecte, par des images de télédétection. Différentes approches peuvent être distinguées en fonction du degré de connaissances que l’on a sur la maladie étudiée. Lorsque l’épidémiologie de la maladie est bien connue, la télédétection est utilisée comme un outil de cartographie. L’exemple le plus courant dans la littérature est la cartographie des régions favorables à la prolifération des insectes vecteurs dont l’habitat est connu : zones inondées (Hayes et al., 1985; Pope et al., 1992), marais (Rejmankova et al., 1995), rizières (Wood et al., 1992), etc. L’intérêt de l’usage des images satellitales est particulièrement pertinent pour le suivi temporel des changements du paysage ou dans des régions pour lesquelles la cartographie est obsolète ou inexistante. Dans le cas où les connaissances sur la maladie sont incomplètes, la télédétection constitue une source d’information supplémentaire pour comprendre les mécanismes de transmission, en particulier pour préciser le lien existant entre l’environnement et la maladie. Dans ce cas, des paramètres sont dérivés des images et leur relations statistiques avec des paramètres épidémiologiques ou entomologiques sont testées afin d’établir un modèle statistique de risque. Au Canada et dans bien d’autres pays du Nord, le SIG et la télédétection sont progressivement utilisés comme un outil épidémiologique. En Afrique, où les populations sont les plus vulnérables aux maladies infectieuses, du fait de la faiblesse du dispositif des soins de santé primaire, quelques pays expérimentent le SIG. C’est l’exemple de Madagascar où des SIG sont déjà constitués sur les schistosomiases et le paludisme en collaboration avec l’Institut Pasteur de Madagascar (IPM), le Ministère de la santé, l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) et la coopération italienne (Randreamanana et al., 2001).

L’ objectif principal poursuivi est la spatialisation du risque d’émergence de certaines maladies en relation avec les changements environnementaux à partir de la télédétection spatiale et des données in situ. Le but final d’une telle étude est la compréhension des processus d’émergence des épidémies, abordée sous l’angle de la modélisation, que ce soit aux courtes échelles spatiales et temporelles, comme par exemple pour obtenir une prévision régionale ou à plus grande échelle temporelle, pour les changements climatiques. Au travers de la modélisation numérique de l’évolution du climat et des états de surface, il est possible d'évaluer la pertinence d'une variation environnementale moyenne ou extrême dans la propagation ou la disparition des (ou de certaines) souches bactériennes dans les populations humaines. La modélisation climatique permettra également d’établir une surveillance des populations animales intermédiaires vecteurs (singes, rongeurs…) dont le rythme de prolifération est certainement lié à des conditions climatiques particulières.

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Table des Matières AVANT-PROPOS ..................................................................................................................... 1

Résumé ....................................................................................................................................... 3

Introduction ................................................................................................................................ 7

1 L’état des connaissances sur l’évolution des paysages en Côte d’Ivoire....................... 7

.1.1 L’interface nature / société dans le domaine de l’environnement.......................... 7

.1.2 Le rôle des activités agro-économiques dans la dynamique de la végétation...... 10

.1.3 Le rôle du climat dans la dynamique de la végétation ......................................... 11

.1.4 Interaction entre variabilité climatique et modification de la couverture végétale 15

2 Le positionnement de ma recherche en géographie de l’environnement .................... 17

3 Les questions majeures et les objectifs principaux de mes recherches ........................ 21

.3.1 La question de la poursuite des études touchant à la variabilité climatique ........ 21

.3.2 La question latente des relations entre dynamiques environnementales et mutations agro-économiques............................................................................................ 22

.3.3 La question émergente du rôle des perceptions, des valeurs et des pratiques dans la compréhension des dynamiques paysagères ................................................................ 23

Chapitre 1 Cadre méthodologique et géographique........................................................... 25

1 Méthodes et données .................................................................................................... 26

.1.1 Le rôle important de la géostatistique dans mes recherches ................................ 26

.1.2 Mes techniques d’approche du terrain ................................................................. 26

.1.3 Les données utilisées et leurs limites ................................................................... 28

1.3.1 Les données climatiques............................................................................... 28

1.3.1.a Les mesures conventionnelles ou données au sol .................................... 28

1.3.1.b Les mesures climatiques à champs larges ................................................ 29

1.3.2 Les données de végétation............................................................................ 30

1.3.2.a Les données de télédétection haute résolution : l’imagerie SPOT........... 30

1.3.2.b Les données de télédétection basse résolution spatiale............................ 31

I

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1.3.3 Les données socio-économiques et socioculturelles .................................... 31

2 Le cadre géographique de mes études.......................................................................... 34

.2.1 Les conditions atmosphériques ............................................................................ 35

2.1.1 Le Front intertropical (FIT).......................................................................... 35

2.1.2 Le jet d’Est d’Afrique occidentale ............................................................... 38

.2.2 Les conditions géographiques .............................................................................. 39

2.2.1 La morphologie : un pays au modelé peu contrasté ..................................... 39

2.2.1.a Description du modelé ............................................................................. 39

2.2.1.b L’importance des bas-fonds ..................................................................... 40

2.2.2 La végétation : un pays à cheval sur la forêt guinéenne et les savanes soudanaises................................................................................................................... 42

2.2.2.a Les grands ensemble biogéographiques................................................... 42

2.2.2.b Importance de la forêt dense humide dans le maintien des caractéristiques du potentiel d’eau précipitable de l’atmosphère ...................................................... 45

2.2.3 Les sols et leurs ressources en eau variables................................................ 45

2.2.4 L’hydrographie : un pays au réseau de cours d’eau dense........................... 46

2.2.4.a Les bassins principaux ............................................................................. 46

2.2.4.b Les régimes hydrologiques....................................................................... 47

Chapitre 2 Variabilité climatique et dynamique des écosystèmes de forêt et de savane ... 49

1 L’analyse des données climatiques .............................................................................. 50

.1.1 Les conditions climatiques moyennes.................................................................. 50

1.1.1 La pluviométrie ............................................................................................ 50

1.1.1.a La pluviométrie moyenne interannuelle................................................... 50

1.1.1.b Pluviométrie mensuelle ............................................................................ 55

1.1.2 Les autres paramètres du climat ................................................................... 61

1.1.2.a Les températures et la durée d’insolation................................................. 61

1.1.2.b L’humidité relative................................................................................... 62

1.1.2.c L’évapotranspiration potentielle .............................................................. 63

II

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1.1.2.d Les champs convectifs moyens ................................................................ 64

.1.2 Les dynamique spatio-temporelle récentes des paramètres climatiques.............. 65

1.2.1 Cartographie des valeurs moyennes annuelles............................................. 65

1.2.1.a Pluviométries annuelles décennales ......................................................... 65

1.2.1.b Pluviométrie moyenne annuelle avant et après la décennie 70................ 66

1.2.1.c Les températures moyennes annuelles ..................................................... 67

1.2.2 Détection de rupture dans les séries climatiques.......................................... 69

1.2.2.a Périodes de rupture................................................................................... 69

1.2.2.b Ampleur de la baisse des précipitations ................................................... 71

2 Les évolutions phénologiques détectées à partir du NDVI dans le contexte de la variabilité climatique............................................................................................................ 73

.2.1 Variabilité de la productivité végétale annuelle................................................... 73

.2.2 Suivi du contraste saisonnier................................................................................ 75

.2.3 Analyse du vecteur de changement ...................................................................... 76

2.3.1 L’indicateur utilisé ....................................................................................... 77

2.3.2 Le choix de l’année de référence.................................................................. 78

3 La co-variation et les relations de dépendance entre les données climatiques et la phénologie végétale.............................................................................................................. 81

.3.1 L’existence d’une structure spatio-temporelle commune aux données climatiques et à la phénologie végétale ............................................................................................... 81

3.1.1 La méthode STATIS, un outil de recherche des structures spatio-temporelle commune aux variables................................................................................................ 81

3.1.2 Analyse des données du Sud forestier.......................................................... 83

3.1.2.a STATIS sur la pluviométrie des stations du Sud ..................................... 83

3.1.2.b STATIS sur les NDVI dans le Sud forestier ............................................ 91

3.1.2.c Synthèse des résultats du STATIS sur les données bioclimatiques du Sud de la Côte d’Ivoire.................................................................................................... 94

3.1.3 Analyse des données de la moitié Nord du pays.......................................... 95

3.1.3.a STATIS sur la pluviométrie du Nord....................................................... 95

III

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3.1.3.b STATIS sur le NDVI du Nord de la Côte d’Ivoire .................................. 98

3.1.3.c Synthèse des résultats du STATIS sur les données bioclimatiques de la moitié Nord de la Côte d’Ivoire ............................................................................. 101

.3.2 Les relations de dépendance entre la végétation et les paramètres climatiques. 102

4 Paramètres de prédiction ............................................................................................ 103

5 Conclusion.................................................................................................................. 105

Chapitre 3 Dynamique agro-démographique et amenuisement des ressources forestières dans un contexte de variabilité climatique ............................................................................. 107

1 La ruée vers les terres forestières humides................................................................. 108

.1.1 Des taux d’accroissement de la population rurale fortement dépendant du niveau de réserve forestière ....................................................................................................... 108

.1.2 Un courant migratoire nettement dominé par les flux en direction des zones encore forestières............................................................................................................ 111

2 De la mise en valeur agricole au tarissement des ressources forestières ................... 115

.2.1 L’état actuel du couvert végétal ......................................................................... 115

2.1.1 Les paysages de vieilles plantations de la région Est................................. 117

2.1.1.a a- Occupation du sol dans le secteur d’Abengourou.............................. 117

2.1.1.b Occupation du sol dans le secteur d’Agnibilekrou................................. 118

2.1.2 Les paysages de "front de défrichement " de l’Ouest ................................ 120

2.1.2.a Occupation du sol dans le secteur de Soubré (Sud-Ouest)..................... 120

2.1.2.b b- Occupation du sol dans le secteur de Daloa-Guiglo (Ouest) ............. 121

2.1.3 Le paysage peu humanisé des régions soudaniennes ................................. 124

2.1.4 La place du vivrier marchand dans le paysage rural .................................. 125

.2.2 L’évolution du couvert forestier......................................................................... 129

2.2.1 La rapidité de l’évolution des surfaces forestières ivoiriennes .................. 129

2.2.2 Les forêts protégées au cœur des dynamiques récentes ............................. 132

2.2.2.a Dynamique de l’occupation du sol dans la forêt classée de Bossematié et les espaces environnants......................................................................................... 132

2.2.2.b Dynamique de l’occupation du sol dans la forêt classée de Haut Sassandra et les espaces environnants..................................................................................... 135

IV

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2.2.3 Le rôle des modifications des états de surface dans les évolutions phénologiques détectées par le NDVI........................................................................ 138

3 L’avenir incertain des derniers massifs forestiers ivoiriens ....................................... 143

.3.1 Des risques de déforestation liés à la proximité des foyers de peuplement agricole et des voies de communication....................................................................................... 143

3.1.1 L’augmentation du nombre de villages et des densités rurales à l’approche des massifs forestiers.................................................................................................. 144

3.1.2 La régression du taux de boisement à l’approche des foyers de peuplement agricole 146

3.1.3 La régression du taux de boisement à l’approche des voies de communication ........................................................................................................... 147

3.1.4 La cartographie des risques de déforestation liés à la proximité des localités et des voies de communication................................................................................... 147

.3.2 Le blocage du système agricole basé sur la mise en valeur des terres forestières 149

4 Conclusion.................................................................................................................. 154

Chapitre 4 : Mutations socio-économiques et socioculturelles dans le contexte actuel des modifications environnementales........................................................................................... 155

1 Des rendements agricoles fortement perturbés par les risques climatiques ............... 156

.1.1 Le risque climatique en agriculture.................................................................... 156

.1.2 La variabilité régionale des saisons culturales ................................................... 158

1.2.1 Le Sud-Ouest, une région affectée par le raccourcissement de sa saison culturale malgré sa forte pluviométrie ....................................................................... 158

1.2.2 Les marges de la zone forestière, une région marquée par des réductions de grande amplitude des saisons culturales..................................................................... 160

1.2.3 Le Centre et le Nord savanicoles, des régions marquées par un raccourcissement des saisons culturales déjà préoccupantes. .................................... 163

.1.3 La forte sensibilité de la production agricole aux effets du climat : l’exemple de variabilité du poids moyen d’une fève fraîche de cacao ................................................ 165

1.3.1 Une variabilité conjointe du poids moyen de la fève de cacao et de la pluviométrie au cours de la période expérimentale (1982-1994)............................... 166

1.3.2 Des variations du poids moyen de la fève de cacao fortement dépendante de la pluviométrie et de la durée d’insolation ................................................................. 167

2 Un réajustement des pratiques et des représentations sociales de l’environnement .. 171

V

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.2.1 Des conceptions anciennes de l’environnement fondées sur l’empirisme et le mythe 171

2.1.1 Une conception empirique et divinatoire du climat ................................... 171

2.1.1.a Les connaissances empiriques du climat................................................ 171

2.1.1.b La reconnaissance d’une évolution récente du climat............................ 172

2.1.1.c La baisse des précipitations : sanction divine ?...................................... 173

2.1.2 Une connaissance fine des ressources foncières basée sur le vécu ............ 174

.2.2 Des difficultés d’accès aux ressources naturelles variables suivant les zones agroclimatiques .............................................................................................................. 175

2.2.1 Les difficultés d’accès à l’eau potable, premier signe de l’impact social des modifications environnementales............................................................................... 175

2.2.2 L’accroissement des litiges fonciers, un signe visible de la saturation foncière 177

.2.3 Face aux contraintes : typologie des réponses locales ....................................... 178

2.3.1 Les stratégies conservatoires dans les régions d’immigration massive ..... 179

2.3.2 Les stratégies adaptatives de production.................................................... 179

2.3.2.a Modifications du calendrier et des options culturales............................ 179

2.3.2.b Concentration du temps de travail et des intrants sur les spéculations majeures 181

2.3.3 Les stratégies de sécurisation alimentaire et des revenus .......................... 182

2.3.3.a Mise en valeur de nouvelles ressources foncières.................................. 182

2.3.3.b Les associations des cultures et l’émergence de nouvelles spéculations183

2.3.3.c la lutte contre les feux de brousse .......................................................... 184

2.3.3.d L’adaptation des styles alimentaires ...................................................... 184

3 Les contradictions dans les politiques de gestion durable de l’environnement ......... 187

.3.1 L’existence d’un cadre politique et institutionnel en matière de gestion de l’environnement ............................................................................................................. 187

3.1.1 Le Programme National d’Action Environnemental (PNAE) ................... 187

3.1.2 Le Plan Directeur Forestier ........................................................................ 188

3.1.3 Le cadre institutionnel................................................................................ 189

VI

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3.1.3.a Organisations non gouvernementales..................................................... 190

.3.2 La portée limitée des actions de l’Etat ............................................................... 190

3.2.1 L’échec des politiques de reboisement....................................................... 190

3.2.1.a Attitudes des allochtones/allogènes ....................................................... 192

3.2.1.b Attitudes des autochtones....................................................................... 192

3.2.2 Les politiques de protection intégrale limitées par les difficultés de mise en place d’une agriculture intensive................................................................................ 194

3.2.3 La difficile mise en place de l’Agroforesterie............................................ 197

4 Conclusion.................................................................................................................. 199

Conclusion générale ............................................................................................................... 200

Bibliographie.......................................................................................................................... 204

VII

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Liste des Figures FIGURE 1 : INTERACTIONS ENTRE LES COMPOSANTES DE L’ESPACE

GEOGRAPHIQUE EN MILIEU RURAL....................................................................... 18 FIGURE 2 : LOCALISATION DES SITES D’ENQUETES .............................................. 27 FIGURE 3 : LOCALISATION DES 109 STATIONS PLUVIOMETRIQUES

DISPONIBLES EN COTE D’IVOIRE............................................................................ 29 FIGURE 4 : LOCALISATION DE LA COTE D’IVOIRE EN AFRIQUE DE L’OUEST. 34 FIGURE 5 : LES FLUX EN JANVIER ET EN JUILLET SUR L’AFRIQUE

OCCIDENTALE.............................................................................................................. 36 FIGURE 6 : HYPSOMETRIE............................................................................................. 41 FIGURE 7 : LES GRANDES FORMATIONS VEGETALES............................................ 44 FIGURE 8 : HYDROGRAPHIE .......................................................................................... 48 FIGURE 9 : HAUTEUR PLUVIOMETRIQUE MOYENNE PAR AN DE 1950 A 1997.. 51 FIGURE 10 : HAUTEUR PLUVIOMETRIQUE JOURNALIERE EXTREME AU

COURS D’UNE ANNEE – MOYENNE DE LA PERIODE 1950 A 1997 .................... 52 FIGURE 11 : NOMBRE DE JOURS DE PLUIE PAR AN SUR LA PERIODE 1950-1997

53 FIGURE 12 : NOMBRE DE JOURS DE PLUIE SUPERIEURE A 50 MM AU COURS

D’UNE ANNEE- MOYENNE DE LA PERIODE 1950-1997........................................ 54 FIGURE 13 : HAUTEURS PLUVIOMETRIQUES MENSUELLES DE QUELQUES

MOIS CARACTERISTIQUES- MOYENNE DE LA PERIODE 1950-1997................. 56 FIGURE 14 : HAUTEUR PLUVIOMETRIQUE JOURNALIERE EXTREME DE

QUELQUES MOIS CARACTERISTIQUES - MOYENNE DE LA PERIODE 1950- 1997 57

FIGURE 15 : NOMBRE MENSUEL DE JOURS DE PLUIE AU COURS DE QUELQUES MOIS CARACTERISTIQUES – MOYENNE DE LA PERIODE 1950-1997 60

FIGURE 16 : NOMBRE D’HEURE D’INSOLATION ET TEMPERATURE ANNUELLE..................................................................................................................... 62

FIGURE 17 : HUMIDITE RELATIVE MOYENNE PAR AN SUR LA PERIODE 1950-1997 63

FIGURE 18 : VARIATION SAISONNIERE MOYENNE DE LA CONVECTION, 1992-1999 64

FIGURE 19 : HAUTEURS PLUVIOMETRIQUES MOYENNE INTERANNUELLE AU COURS DES DECENNIES 1950-1959, 1960-1969, 1970-1979, 1980-1989, 1990-1999 66

FIGURE 20 : HAUTEURS PLUVIOMETRIQUES MOYENNE ANNUELLE AVANT ET APRES LA DECENNIE 70 ....................................................................................... 67

FIGURE 21 : TEMPERATURE MOYENNE INERANNUELLE AU COURS DES DECENNIES 1960-1969, 1970-1979, 1980-1989 ET 1990-1999 .................................. 68

FIGURE 22 : VARIATION DU NDVI AU COURS DE QUELQUES ANNEES............ 73 FIGURE 23 : VARIATION INTER ANNUELLE DE LA LIMITE DE LA ZONE DE

FORTE ACTIVITE VEGETALE AU COURS DE 2 ANNEES..................................... 74 FIGURE 24 : DISTRIBUTION SPATIALE LATITUDINALE DU CUMUL ANNUEL

ET DU COEFFICIENT DE VARIATION ...................................................................... 75 FIGURE 25 : SUIVI DE LA VARIABILITE INTERANNUELLE DE LA DYNAMIQUE

INTRA SAISONNIERE DE LA PRODUCTIVITE VEGETALE A PARTIR DU COEFFICIENT DE VARIATION................................................................................... 76

FIGURE 26 : PRINCIPE DE L’ANALYSE DU VECTEUR DU CHANGEMENT ........ 77

I

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FIGURE 27 : SUIVI DU STRESS HYDRIQUE A PARTIR DE LA RELATION ENTRE NDVI ET TEMPERATURE DU SOL............................................................................. 78

FIGURE 28 : INTENSITE DU CHANGEMENT DE PRODUCTION DE BIOMASSE AU COURS DE QUELQUES ANNEES ............................................................................... 79

FIGURE 29 : REPRESENTATION DE L’INTERSTRUCTURE DES POSTES PLUVIOMETRIQUES DU SUD FORESTIER (ECHANTILLON DE TOUTES LES ANNEES DE 1980 A 1997)............................................................................................. 84

FIGURE 30 : POSITION COMPROMIS DES INDIVIDUS DANS LE PLAN 1-2 POUR LES POSTES PLUVIOMETRIQUES DU SUD FORESTIER....................................... 85

FIGURE 31 : REPRESENTATION DE L’INTERSTRUCTURE DES STATIONS CLIMATIQUES DU SUD FORESTIER (ECHANTILLON DE TOUTES LES ANNEES DE 1980 A 1997)............................................................................................. 88

FIGURE 32 : POSITION COMPROMIS DES INDIVIDUS DANS LE PLAN 1-2 POUR LES STATIONS CLIMATIQUES DU SUD FORESTIER ............................................ 89

FIGURE 33 : POSITION COMPROMIS DES INDIVIDUS DANS LE PLAN 1-3 POUR LES STATIONS CLIMATIQUES DU SUD FORESTIER ............................................ 89

FIGURE 34 : REPRESENTATION DE L’INTERSTRUCTURE DES PIXELS DE NDVI DU SUD FORESTIER (ECHANTILLON DE TOUTES LES ANNEES DE 1982 A 1999) 92

FIGURE 35 : POSITION COMPROMIS DES INDIVIDUS DANS LE PLAN 1-2 POUR LES PIXELS DE NDVI DU SUD FORESTIER............................................................. 93

FIGURE 36 : POSITION COMPROMIS DES INDIVIDUS DANS LE PLAN 1-3 POUR LES PIXELS DE NDVI DU SUD FORESTIER............................................................. 93

FIGURE 37 : REPRESENTATION DE L’INTERSTRUCTURE DES POSTES PLUVIOMETRIQUES DE LA MOITIE NORD (ECHANTILLON DE TOUTES LES ANNEES , 1980 - 1997) .................................................................................................. 95

FIGURE 38 : REPRESENTATION DE L’INTERSTRUCTURE DES POSTES PLUVIOMETRIQUES DE LA MOITIE NORD (ECHANTILLON DE TOUTES LES ANNEES DE 1982 A 1999)............................................................................................. 96

FIGURE 39 : POSITION COMPROMIS DES INDIVIDUS DANS LE PLAN 1-2 POUR LES POSTES PLUVIOMETRIQUES DE LA MOITIE NORD..................................... 97

FIGURE 40 : REPRESENTATION DE L’INTERSTRUCTURE DES PIXELS DE NDVI DE LA MOITIE NORD (ECHANTILLON DE TOUTES LES ANNEES DE 1980 A 1997) 98

FIGURE 41 : POSITION COMPROMIS DES INDIVIDUS DANS LE PLAN 1-2 POUR LES PIXELS DE NDVI DE LA MOITIE NORD........................................................... 99

FIGURE 42 : POSITION COMPROMIS DES INDIVIDUS DANS LE PLAN 1-3 POUR LES PIXELS DE NDVI DE LA MOITIE NORD......................................................... 100

FIGURE 43 : COMPARAISON ENTRE LE NDVI OBSERVE ET LE NDVI PREDIT104 FIGURE 44 : RELATIONS SPATIALES ENTRE NIVEAU DE PLUVIOMETRIE,

COUVERTURE FORESTIERE ET TAUX D’ACCROISSEMENT............................ 109 FIGURE 45 : RELATIONS STATISTIQUES ENTRE RESERVES FORESTIERES ET

TAUX D’ACCROISSEMENT DE LA POPULATION RURALE .............................. 110 FIGURE 46 : RELATIONS STATISTIQUES ENTRE HAUTEURS

PLUVIOMETRIQUES ANNUELLES ET TAUX D’ACCROISSEMENT DE LA POPULATION RURALE.............................................................................................. 110

FIGURE 47 : NIVEAU D’ATTRACTIVITE DES DIFFERENTES REGIONS DE COTE D’IVOIRE 111

FIGURE 48 : LOCALISATION DES FENETRES SPOT ETUDIEES .......................... 116 FIGURE 49 : OCCUPATION DU SOL DANS LE SECTEUR D’ABENGOUROU ..... 118

II

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FIGURE 50 : OCCUPATION DU SOL DANS LE SECTEUR D’AGNIBILEKROU 119 FIGURE 51 : OCCUPATION DU SOL DANS LE SECTEUR DE SOUBRE ............... 120 FIGURE 52 : OCCUPATION DU SOL DANS LE SECTEUR DE DALOA-GUIGLO 122 FIGURE 53 : OCCUPATION DU SOL DANS LE SECTEUR DE TENGRELA.......... 125 FIGURE 54 : CARTE DES PRINCIPALES PRODUCTIONS VIVRIERES EN COTE

D’IVOIRE 128 FIGURE 55 : DEFORESTATION AU COURS DES 40 DERNIERES ANNEES......... 129 FIGURE 56 : ETAT DE LA FORET CLASSEE A ABENGOUROU ............................ 133 FIGURE 57 : EVOLUTION DU MASSIF FORESTIER DE LA BOSSEMATIE ET DE SES

ESPACES ENVIRONNANTS ENTRE 1986 ET 2000................................................. 134 FIGURE 58 : EVOLUTION DES RELATIONS CULTURE / FORET DANS LA FORET

CLASSEE DU HAUT SASSANDRA ET SES ENVIRONS ENTRE 1986 ET 2000 .. 135 FIGURE 59 : ETAT DE LA FORET DANS LE HAUT SASSANDRA......................... 136 FIGURE 60 : EVOLUTION DU MASSIF FORESTIER DU HAUT SASSANDRA ET

DE SES ESPACES ENVIRONNANTS ENTRE 1986 ET 2000 .................................. 137 FIGURE 61 : EVOLUTION DES RELATIONS CULTURE / FORET ENTRE 1986 ET

2000 DANS LA FORET CLASSEE DE LA BOSSEMATIE ET SES ENVIRONS.... 138 FIGURE 62 : OCCUPATION DU SOL ET INDICE DE VEGETATION DANS LA FORET

CLASSEE DU HAUT SASSANDRA ET SES ENVIRONS........................................ 139 FIGURE 63 : NDVI CALCULE A PARTIR DES IMAGES DE SPOT VEGETATION140 FIGURE 64 : VARIATION SPATIALE DE L’INDICE DE VEGETATION DES

SURFACES FORESTIERES ET DE LEURS FACIES DEGRADES AU COURS DE LA SAISON SECHE ..................................................................................................... 141

FIGURE 65 : COEFFICIENT DE VARIATION SPATIALE DE LA FORET ET DE SES FACIES DEGRADES AU COURS DE LA SAISON SECHE..................................... 141

FIGURE 66 : EVOLUTION DU NDVI AU COURS DE LA SAISON SECHE DE DECEMBRE A FEVRIER............................................................................................. 142

FIGURE 67 : ZONE D’EGALE DISTANCE DES LOCALITES PAR RAPPORT A LA FORET 143

FIGURE 68 : EVOLUTION DES DENSITES RURALES AUTOUR DES AIRES PROTEGEES DANS L’EST ET L’OUEST DE LA COTE D’IVOIRE ENTRE 1988 ET 1998 145

FIGURE 69 : RISQUES DE DEFORESTATION LIES A LA PROXIMITE D’UNE AGGLOMERATION..................................................................................................... 148

FIGURE 70 : RISQUES DE DEFORESTATION LIES A LA PROXIMITE D’UNE VOIE D’ACCES 149

FIGURE 71 : PRINCIPALES ZONES DE PRODUCTION DE LA BANANE PLANTAIN ET DU RIZ................................................................................................ 152

FIGURE 72 : ÉVOLUTION THEORIQUE DE LA RESERVE DES TERRES FORESTIERES PAR HABITANT................................................................................ 153

FIGURE 73 : DETERMINATION DE LA PERIODE CULTURALE ........................... 157 FIGURE 74 : SAISONS DE CROISSANCE THEORIQUES SUR LES PERIODES 1950-

69 ET 1970-96- A GAGNOA (SUD-OUEST DU PAYS) ............................................ 159 FIGURE 75 : RENDEMENT DU CAFE ET DU CACAO DANS LE SUD-OUEST..... 160 FIGURE 76 : RENDEMENTS DU RIZ DANS LE SUD-OUEST DE 1965 A 1984...... 160 FIGURE 77 : SAISONS DE CROISSANCE THEORIQUES SUR LES PERIODES

1950-69 ET 1970-96 A DALOA (CENTRE-OUEST DU PAYS) ................................ 161 FIGURE 78 : SAISONS DE CROISSANCE THEORIQUES SUR LES PERIODES 1950-

69 ET 1970-96 A AGNIBILEKROU (EST DU PAYS)................................................ 162

III

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FIGURE 79 : RENDEMENTS DU CAFE ET DU CACAO A DALOA DE 1960 A 1989 162

FIGURE 80 : RENDEMENTS DU RIZ A DALOA DE 1965 A 1964............................ 163 FIGURE 81 : SAISONS DE CROISSANCE THEORIQUES SUR LES PERIODES 1950-

69 ET 1970-96 A KORHOGO ET ODIENNE .............................................................. 163 FIGURE 82 : RENDEMENTS DES PRINCIPALES CULTURES A TENGRELA DE

1965 A 1998 ................................................................................................................... 164 FIGURE 83 : VARIABILITE DU POIDS MOYEN D’UNE FEVE FRAICHE DE

CACAO (EN G) POUR 4 VARIETES AU COURS DE LA PERIODE EXPERIMENTALE 1983-94 DANS LE SUD-OUEST (DIVO) ET L’EST (ABENGOUROU) DE LA COTE D’IVOIRE. ............................................................. 166

FIGURE 84 : VARIABILITE DE LA PLUVIOMETRIE (EN MM) AU COURS DE LA PERIODE EXPERIMENTALE (1982-1994) DANS LE SUD-OUEST (STATION DE DIVO) ET L’EST (STATION D’ABENGOUROU) DE LA COTE D’IVOIRE.......... 167

FIGURE 85 : ESTIMATION DU POIDS MOYEN D’UNE FEVE FRAICHE A PARTIR DU MODELE STATISTIQUE : DONNEES OBSERVEES ET DONNEES CALCULEES................................................................................................................. 169

FIGURE 86 : LES PRODUCTIONS ANIMALES DANS LA REGION DE L’AGNEBY 184

IV

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Liste des tableaux TABLEAU 1 : SCENES SPOT RETENUES....................................................................... 30 TABLEAU 2 : COMPARAISON ENTRE LES DONNEES AGRICOLES DES

STATISTIQUES NATIONALES ET CELLES DE LA FAO......................................... 32 TABLEAU 3 : CARACTERISTIQUES DE LA ZONE DE CONVERGENCE

INTERTROPICALE (D’APRES ELDIN, IN AVENARD ET AL., 1971)..................... 35 TABLEAU 4 : TEMPERATURE (°C) ET INSOLATION (HEURES) MOYENNE DE1977 A

1999 62 TABLEAU 5 : EVAPOTRANSPIRATION POTENTIELLE MOYENNE DE 1977 A 2000

64 TABLEAU 6 : DATE DE RUPTURE AU SEIN DES SERIES PLUVIOMETRIQUES.... 70 TABLEAU 7 : AMPLEUR DES VARIATIONS DANS LES SERIES

PLUVIOMETRIQUES .................................................................................................... 71 TABLEAU 8 : RELATIONS ENTRE NDVI ET PLUIE................................................... 102 TABLEAU 9 : RELATIONS ENTRE NDVI ET NOMBRE DE JOURS DE PLUIE....... 102 TABLEAU 10 : RELATIONS ENTRE NDVI ET LES AUTRES PARAMETRES DU

CLIMAT 103 TABLEAU 11 : REGRESSION MULTIPLE ENTRE NDVI ET LES PARAMETRES DU

CLIMAT 103 TABLEAU 12 : POIDS DEMOGRAPHIQUE DES MIGRANTS DANS LES

PRINCIPALES ZONES DE PRODUCTION AGRICOLE EN ZONE FORESTIERE 112 TABLEAU 13 : EVOLUTION PAR REGION DES ZONES FORESTIERES SOUS

EMPRISE HUMAINE ENTRE 1955 ET 1999 ............................................................. 130 TABLEAU 14 : LA DEFORESTATION EN AFRIQUE TROPICALE (DE 1900 A 1994)

131 TABLEAU 15 : RESULTAT DU CROISEMENT DES IMAGES (EN HECTARES)... 133 TABLEAU 16 : RESULTAT DU CROISEMENT DES IMAGES (EN HECTARES)... 135 TABLEAU 17 : TYPOLOGIE DES VILLAGES EN FONCTION DE LA DISTANCE

PAR RAPPORTS AUX LIMITES DES MASSIFS FORESTIERS.............................. 144 TABLEAU 18 : RELATION ENTRE LA DISTANCE PAR RAPPORT AUX

LOCALITES ET LA DEFORESTATION .................................................................... 146 TABLEAU 19 : RELATION ENTRE LA DISTANCE PAR RAPPORT AUX

LOCALITES DE 3000 A 6000 HABITANTS ET LA DEFORESTATION ................ 146 TABLEAU 20 : RELATION ENTRE LA DISTANCE PAR RAPPORT VOIE DE

COMMUNICATION ET LA DEFORESTATION ....................................................... 147 TABLEAU 21 : PRODUCTION DE BANANE PLANTAIN ET DE RIZ AU CENTRE-

OUEST ET A L’EST DE LA COTE D’IVOIRE .......................................................... 151 TABLEAU 22 : DUREE (EN JOURS) DU CYCLE DE DIFFERENTES CULTURES

ANNUELLES 158 TABLEAU 23 : SENSIBILITE DE DIFFERENTES PHASES DU CYCLE CULTURAL

DE DIFFERENTES CULTURES VIVRIERES............................................................ 158 TABLEAU 24 : RESULTATS D’UNE REGRESSION MULTIPLE ENTRE LE POIDS

MOYEN ANNUEL D’UNE FEVE DE CACAO PAR CABOSSE (DE QUATRE HYBRIDES) ET CERTAINS PARAMETRES CLIMATIQUES (PLUVIOMETRIE ET DUREE D’INSOLATION) EN JUIN ET DECEMBRE DANS LE SUD DE LA COTE D’IVOIRE. 168

TABLEAU 25 : DEGATS OFFICIELS DE CULTURE PAR LA TRANSHUMANCE DANS LA REGION DES SAVANES........................................................................... 181

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TABLEAU 26 : PRIX DE VENTE DE QUELQUES VIVRIERS DANS L’EST DE LA COTE D’IVOIRE ENTRE 2001 ET 2002..................................................................... 181

TABLEAU 27 : ACTIVITES DE REBOISEMENT EN COTE D’IVOIRE DE 1987 A 1995 EN HECTARE ...................................................................................................... 191

II