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Climatologie - Le cycle de l'eau dans la biosphère Bilan hydrique et bilan d'énergie des surfaces continentales Benoît GABRIELLE, Département SIAFEE, AgroParisTech E-mail : [email protected] Septembre 2014 1.Introduction à la bioclimatologie La bioclimatologie est une discipline scientifique qui étudie des interactions entre les organismes vivants et les phénomènes atmosphériques (ensoleillement, pluie, température de l'air, vent, ...). Elle s'applique à différentes échelles, mais est centrée sur plante/parcelle/paysage. Elle fait appel à un ensemble de disciplines & concepts (météorologie, climatologie, écophysiologie, physique du sol). La Figure 1 illustre l'application de l'un de ces concepts, le bilan d'énergie, pour déterminer la température de différentes composantes d'un écosystème par une belle journée d'été. Figure 1: Températures de différents organismes ou composants d'un écosystème soumis aux mêmes conditions atmosphériques (Source : JF Castell, SIAFEE). La bioclimatologie est une branche relativement récente de la climatologie, dont elle s'est distinguée à partir du milieu du XXème siècle. Néanmoins, elle trouve ses origines bien avant cette séparation, au siècle des Lumières, avec les premiers travaux de de Réaumur. Ce dernier avait observé une relation entre les chroniques de température de l'air à Paris et la date des moissons, qui préfigurait la notion de temps thermique (ou biologique). En effet, les vitesses de développement et de croissance Ecosystèmes continentaux – bioclimatologie 1

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Climatologie - Le cycle de l'eau dans la biosphère

Bilan hydrique et bilan d'énergie des surfacescontinentales

Benoît GABRIELLE, Département SIAFEE, AgroParisTechE-mail : [email protected]

Septembre 2014

1.Introduction à la bioclimatologieLa bioclimatologie est une discipline scientifique qui étudie des interactions entre lesorganismes vivants et les phénomènes atmosphériques (ensoleillement, pluie,température de l'air, vent, ...). Elle s'applique à différentes échelles, mais est centréesur plante/parcelle/paysage. Elle fait appel à un ensemble de disciplines & concepts(météorologie, climatologie, écophysiologie, physique du sol). La Figure 1 illustrel'application de l'un de ces concepts, le bilan d'énergie, pour déterminer latempérature de différentes composantes d'un écosystème par une belle journée d'été.

Figure 1: Températures de différents organismes ou composants d'un écosystème soumis aux mêmes conditions atmosphériques (Source : JF Castell, SIAFEE).

La bioclimatologie est une branche relativement récente de la climatologie, dont elles'est distinguée à partir du milieu du XXème siècle. Néanmoins, elle trouve sesorigines bien avant cette séparation, au siècle des Lumières, avec les premierstravaux de de Réaumur. Ce dernier avait observé une relation entre les chroniques detempérature de l'air à Paris et la date des moissons, qui préfigurait la notion de tempsthermique (ou biologique). En effet, les vitesses de développement et de croissance

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des végétaux sont en première approximation directement reliées à leur température,avec une relation quasi-linéaire entre une température seuil (base) et un optimum(Figure 2). D'autres applications ont concerné le phénomène d'échaudage thermiquedu blé (dans les années 1930), puis la détermination des besoins en eau des cultures,la lutte contre le gel (notamment en viticulture), ou encore l'effet de la suppressiondes brise-vents sur le micro-climat des cultures. Des progrès importants ont étépermis par la mise au point de capteurs physiques à acquisition automatique, quiautorisent un suivi des paramètres climatiques avec une fréquence compatible avecl'échelle de temps des phénomènes en jeu (inférieure à l'heure). De nos jours, lesméthodes satellitales apportent un complément intéressant par leur capacité à fournirdes informations à haute résolution spatiale (métrique) sur les caractéristiquesphysiques des écosystèmes (température de surface, réflectance) qui permettentd'inférer des variables concernant leur fonctionnement et leur productivité. Enparallèle des progrès sur les techniques de mesure, des avancées sur la modélisation,basée sur la mécanique des fluides dans la couche limite au-dessus des surfacesvégétales / sols (années 1930), et la compréhension des régulations exercées par lessols et les végétaux (années 1960) ont permis de modéliser avec une précisioncroissante les échanges de masse et d'énergie entre sol, végétation et atmosphère(voir suite du cours).

Figure 2: Variation de la vitesse de croissance d'un végétal avecla température (De Parcevaux et Huber, 2007). T0 varie entre 0 et 11°C, et l'optimum entre 25 et 35°C.

Outre celles qui sont mentionnées ci-dessus, les applications actuelles de labioclimatologie concernent l'agriculture et la forêt (prévision de la production enquantité & qualité, modélisation et gestion des épidémies, résistance aux tempêtes...),la météorologie et la climatologie (mesure et modélisation des flux d'énergie desurface, échanges de gaz à effet de serre entre écosystèmes et atmosphère, rétro-action atmosphère-biosphère), la chimie atmosphérique (émissions biogéniques &dépôts de polluants), l'écologie (échanges de carbone) et l'hydrologie (évaporation etbilan hydrique des écosystèmes).

2. Eléments de climatologie

Qu'est-ce qu'un climat ?

Le temps (latin tempest) correspond au 'ressenti' de l'état atmosphérique (court-

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terme), tandis que le climat (grec klima, inclinaison du soleil) implique une mise enmémoire des conditions atmosphériques (long-terme, typiquement plusieurs dizainesd'années au moins). Les caractéristiques atmosphériques sont les mêmespluviométrie, rayonnement, température, pression, humidité, composition chimique(teneur en gaz à effet de serre entre autres). Ils ont donné naissance à 2 disciplinesscientifiques différentes :

La météorologie: observation régulière des phénomènes météorologiques et surl'étude des lois qui régissent les gaz de l'atmosphère, leurs changements d'état etleurs mouvements (Kohler, 1995).

La climatologie: vise à caractériser et à classifier les différents types de climats, leurlocalisation géographique, l'étude des causes de leur diversification et l'analyse deleur variabilité temporelle (Guyot, 1999).

Figure 3: Géométrie terre/soleil (d'après Lutgens & Tarbuck, 1995). En un point donné delaTerre, la latitude détermine l'angle d'incidence du rayonnement solaire (déclinaison, θ), et l'épaisseur d'atmosphère traversée.

La diversité des climats sur la Terre provient de l'inclinaison de l'axe des pôles parrapport au plan de l'écliptique, qui détermine les variations saisonnièresd'ensoleillement (Figure 3). En un point donné du globe, c'est donc la latitude quidétermine la quantité d'énergie reçue par la surface. Cette quantité est maximaledans la bande tropicale (latitudes inférieures à 30°), et minimale au niveau des pôles(Figure 4). La conséquence en est une redistribution d'énergie entre les latitudesexcédentaires (tropiques) et déficitaires (septentrionales), via des circulations marines(courants) mais surtout atmosphériques (circulation générale). Ces mouvementslatitudinaux (horizontaux) sont représentés sur la Figure 5. Ils jouent « un rôle fortdans les grands systèmes climatiques à l’échelle du globe, et sont structurés parbande de latitude (zone) :

– (i) Les fortes instabilités générées au niveau de l’équateur par l’énergie solaire,avec un balancement lié au mouvement apparent du soleil par rapport àl’équateur, induisent une une ascendance convective et des pluies qui

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assèchent l’air) : c’est une zone de dépression, vers laquelle convergent lesalizés ; cette zone est appelée front intertropical de convergence (FITC).

– (ii) De part et d’autre l’air froid et sec d’altitude descend vers les tropiques,provoquant des zones de hautes pressions assez stables, avec peu de pluies etalimentation en masse d’air sec des vents d’est ou alizés. Ainsi se créent lesdeux cellules intertropicales dites de Hadley.

– (iii) Du pôle nord où règnent de fortes pressions liées à la forte stabilitéthermique, l’air froid s’écoule vers les zones tempérées nordiques, écoulementsouvent accentué par la gravité (vent Katabatique) sur les pentes des grandsglaciers.

– (iv) Dans la zone tempérée l’air chaud des zones tropicales montent vers leslatitudes nord et l’air froid du pôle descend; de nombreuses ondes cycloniquesse créent induisant de grands déplacements de fronts froids et chauds dontdépend une grande partie du système pluvieux de la zone tempérée, avec desdifférences marquées dues aux effets continentaux et océaniques très visiblesdans la différence entre façades ouest et est d’un continent. » (Perrier, 2006)

Cette circulation a lieu essentiellement dans la partie basse de l'atmosphère(troposphère – d'une hauteur variant entre 6 à 10 km), qui est caractérisée par desconditions instables du fait du gradient vertical de température qui y règne: l'air estplus chaud au voisinage de la surface de la Terre, qui dissipe ainsi l'énergie solairequ'elle reçoit, et est propulsé par la poussée d'Archimède au-dessus des couches d'airfroid (et donc plus dense) qui sont situées plus haut en altitude.

Figure 4: Distribution du rayonnement solaire incident à la surface de la terre ((c) Yuvanoe).

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Figure 5: Fonctionnement zonal de la planète, et phénomènes liés à la circulation générale (Perrier, 2006).

Caractérisation des climats

Climat Dimensions caractéristiques Types de phénomènes

Zonal >1000 km ; décades à décennies Alizé/mousson , cellules de convection

Régional 100 à 1000 km ; journées à décades Perturbations d'Ouest

Local 10 à 100 km ; heure à journée Brise de mer ; ilôt urbain

Micro-climat <100 m ; minute à heure Gel ; évaporation

Tableau 1: Echelles de temps et d'espace pour les climats (Beltrando, 2004).

Les climats peuvent être caractérisés à plusieurs échelles d'espace, allant d'une bandede latitude (climat zonal) à l'échelle locale (Tableau 1). A ces échelles sont couplés desphénomènes météorologiques plus ou moins rapides, qui déterminent les paramètresatmosphériques : des cellules de convection tropicales à l'évaporation d'une forêtavoisinante pour le micro-climat d'une parcelle agricole.

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L'échelle visée détermine le système d'observation. Pour déterminer l'effet del'atmosphère sur le fonctionnement d'un écosystème, c'est le micro-climat qui estpertinent et constitue la base des réseaux d'observation, avec des stationsmétéorologiques au sol. Les paramètres mesurés permettent de suivre l'état del'atmosphère (pluie, rayonnement solaire, température et humidité de l'air, vitesse duvent), mais également calculer la demande climatique en eau, le bilan d'énergie et lebilan hydrique des écosystèmes. Ces stations sont regroupées en réseau avec unmaillage plus ou moins dense en fonction des paramètres suivis : la pluie est ainsibeaucoup plus variable spatialement que le rayonnement solaire, et impose unmaillage d'une dizaine de kilomètres. Des organismes comme MétéoFrance, le serviceClimatik de l'INRA (dédié à l'agro-météorologie) en France, ou la NASA au niveauinternational, centralisent ces données sur de longues séries temporelles.

D'autres moyens d'observation sont disponibles à plus grande échelle : radars (pour lapluie), satellites, ballon-sondes, ou encore mesures aéroportées.

Une fois ces séries de mesures collectées, à l'échelle spatiale voulue, lacaractérisation du climat est une affaire de statistiques ou de construction d'indicesfonctionnels. Les grandeurs statistiques utilisées sont les moyennes des variablesmétéorologiques (ou 'normales', sur des séries de 30 ans minimum), et desparamètres des distributions de ces variables (écart-types, bornes,...). Notez que lesdistributions de ces variables sont rarement 'normales' au sens d'une distributiongaussienne (courbe en cloche), et sont plutôt asymétriques voire bimodales (Figure 6).

Les indicateurs statistiques permettent de quantifier la probabilité d'un événementmétéorologique pertinent par rapport au fonctionnement des végétaux, par exempled'une gelée au printemps ou d'une période de sécheresse. Néanmoins ces probabilitésne caractérisent que partiellement l'impact du climat sur les écosystèmes et leuraptitude à la croissance des végétaux. Des indices 'fonctionnels' (ou bioclimatiques)ont fait leur apparition pour pallier ce manque. Ils synthétisent en général ladisponibilité en eau pour les plantes, l'eau étant le premier facteur déterminant lacapacité des espèces à se développer sous un climat donné. Cette disponibilités'approche par le bilan des apports d'eau (pluviométrie) et des pertes (par évapo-transpiration). Parmi les nombreux indices utilisés, 3 sont particulièrement fréquents :

1. L'indice ombrothermique de Gaussen

Un mois est sec si le rapport Pluie(mm)/Tair (°C) est inférieur à 2

2. L'indice d'aridité de Martonne (1926)

IM = Pluie (mm) / [ T (°C) + 10 ]

3. Le « Moisture Index » de Thornwaite (1948)

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Figure 6: Histogramme de fréquence de la pluie journalière à Versailles, et des températures de l'air au mois de Mai à Avignon (Guyot, 1999)

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Cet indice est lié au bilan [ Pluie – Evapotranspiration potentielle (ETPc) ]. Il est moinsempirique que les 2 premiers, et constituait pour l'époque une avancée importante.ETPc est calculée en fonctionnement de la température et de la durée d'insolation (ieune approximation du rayonnement solaire incident).

L'évolution de ces indices dans le temps (sur une base mensuelle, typiquement),combiné avec la température de l'air permet de caractériser différents types declimats, au niveau local (station météorologique; Figure 7). Ces indices peuventégalement être calculés sur l'ensemble du globe en interpolant les mesuresmétéorologiques, pour délimiter des grandes zones géographiques connaissant unclimat homogène. Le zonage du géographe Köppen (1920) est couramment employé.Il correspond au grands biomes1 de la planète. Actuellement, étant donné notrecapacité à suivre les variables météorologiques de façon continue dans le temps etdans l'espace, les zonages ne sont plus forcément utiles. Les indices bioclimatiquessont également complétés par des modèles de fonctionnement permettant de prendreen compte de façon plus précise d'autres facteurs influençant la production végétale(rayonnement solaire, disponibilité en nutriments etc...) et leurs interactions.

Figure 7: Diagrammes ombrothermiques pour différentstypes de climats: océanique, montagnard, méditerranéen,saharien, de mousson (Guyot, 1999).

1 Un biome est un ensemble d'écosystèmes caractéristiques d'une aire géographique (voir cours sur les Biomes).

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3. Le cycle de l'eau planétaire L'eau, 'or bleu', est indispensable à la vie et au fonctionnement des écosystèmes, oùelle jour de multiples rôles :

• Constituant de tous les organismes vivants (80-90% des végétaux et 70-80%des animaux), et assurant la tenue mécanique des cellules (turgescence)

• Vecteur transportant les nutriments du sol vers les cellules)

• Solvant (pour électrolytes et nutriments)

• Facteur de régulation des échanges de masse et d'énergie avec l'atmosphère

En retour, la biosphère purifie l'eau et rend par la-même un service écosystémiquemajeur à nos sociétés. Le stock d'’eau planétaire est fixe, et représente environ 1.4milliards de km3 ; ce stock se répartit en océans 96,5%, en glaces 1,75%, en réservesfossiles de profondeur 1,7%, en eaux de surfaces dont les mers intérieures, les lacs etrivières 0,035% et l’atmosphère 0,001% (Tableau 2).

Le temps de résidence de l'eau dans les différents réservoirs est inversementproportionnel à leur taille. Ainsi le réservoir le plus faible, la biosphère, correspondaussi au temps de résidence (ou de renouvellement) le plus court, soit quelquesheures (Tableau 2). Même si la biosphère contient en moyenne très peu d'eau, cettequantité à un rôle énergétique et climatique considérable, dû à cette dynamiqued'échanges avec l'atmosphère qui est très rapide. « L’eau demeure pour la biosphèrecontinentale un élément souvent rare et en tout cas mal réparti dans l’espace et dansle temps. Rappelons que les flux de transferts dans le système sol - plante -atmosphère (Figure 8) sont considérables vis à vis des stocks relatifs à ces troismilieux. A titre d’exemple, alors que les flux d’évaporation peuvent atteindre 1 à 8 kg

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Tableau 2: Caractéristiques des réservoirs d'eau sur la planète (Delmas et al., 2005).

Rivières

Eau des sols

Lacs d’eau douce

Mers intérieures

Eaux souterraines

Glaciers

Qq h0,000081,1Biosphère

8j0,0009413Atmosphère

16j0,001,7

1a0,1970

1-17a0,28100

250a0,29105

1400a22,882001600-9700a76,427500

2,635977Eaux continentales

2500a97,41350000Océans

Temps de résidence%Stocks (103 km3)

Réservoirs

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d’eau par m2 et par jour, notons que par unité de surface de sol (m2) le stock d’eaudu sol exploitable par le couvert végétal pour alimenter cette évaporation peut varierde 50 à 250 kg seulement (environ 10 à 100 jours de réserve). Face à ces flux, lecontenu en eau du couvert n’est que de 5 à 20 kg (jusqu’à 100 kg au maximum pourune forêt dense) et celui de toute la colonne d’eau de l’atmosphère, d’environ de 10 à60 kg. Il est clair que, sans alimentation en eau continue de la plante à partir du sol, lecouvert utiliserait son stock disponible (eau interne aux plantes) et se dessécherait enun à trois jours (cas de la plupart des couverts, avec cependant une plus grandevaleur du stock pour la forêt, soit une vingtaine de jours); c’est le temps nécessairepour le séchage du foin en plein champ. De plus, sans réalimentation du sol par lespluies ou les irrigations, la continuité du fonctionnement hydrique du couvert nepourrait pas être assurée pour toute la période de végétation puisqu’il faudrait aumoins 3 à 5 kg d’eau par m2 et par jour pendant une période de végétation, soitenviron cent jours : c’est donc 200 à 600 kg d’eau par m2 qui seraient nécessaires,alors que le stock du sol n’est que de 50 à 250 kg d’eau par m2' (extrait de Perrier,2006).

Le cycle de l'eau implique des échanges annuels entre les grands réservoirs parchangement d'état (évaporation/transpiration et précipitation) et transport parl'atmosphère ou les eaux de surface (Figure 8). Les flux montrent une disparité forteentre continents et océans. L'océan occupe 79% de la surface du globe, mais reçoitproportionnellement plus de pluie que les continents. Le rapport pluie/évaporation estinférieur à 1 pour les océans et supérieur pour les continents : la capacitéd'évaporation des continents est limitée par la sécheresse des sols et le fait qu'unepartie importante de l'eau de pluie rejoint l'hydrosystème (lacs, rivières, nappes). Cecicorrespond au bilan entre précipitation et évaporation/transpiration par lesécosystèmes, soit 40 km3 d'eau par an, qui rejoignent les océans. A l'inverse,l'excédent de vapeur d'eau résultant de l'évaporation des océans (soit 40 km3) est

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Figure 8: Stocks et flux annuels d'eau à la surface de la planète (Delmas et al, 2006).

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transporté vers les continents.

L'eau arrivant sur les surfaces continentales est en majeure partie reprise par l'évapo-transpiration et renvoyée vers l'atmosphère. Cette eau qui retourne directement àl'atmosphère est qualifiée de verte dans la mesure où elle passe par les écosystèmessans venir alimenter l'hydrosystème. Par opposition, le reste de cet apport correspondà l'eau bleue car elle est disponible pour d'autres usages, en particulier agricoles(irrigation), ménagers et industriels. L'utilisation d'eau bleue en agriculture estsusceptible de générer des conflits entre usages, à la différence de l'eau verte quin'est pas disponible de fait. A noter que tout aménagement ou changement de modede production qui conduirait à augmenter (ou diminuer) l'évapo-transpiration desvégétaux va tout de même impacter la part des précipitations qui fournira de l'eaubleue. Parmi les différentes utilisations de l'eau, l'agriculture est le premierconsommateur (2,5 km3/an), suivie par l'industrie et les besoins ménagers.

L'eau est répartie de façon très inégale dans le monde (Figure 9), pour des raisons soitde disponibilité physique (quantité de précipitations et réservoirs disponibles), ouéconomiques (infrastructure d'accès à l'eau potable, assainissement). La répartitionentre usages dépend aussi fortement du développement économique et de ladémographie des différentes régions du monde. Dans les continents à dominanterurale comme l'Afrique, l'agriculture est le premier consommateur d'eau, alors quedans les pays développés, la part de l'industrie domine. Une gestion durable de l'eaudoit donc se faire à l'échelle régionale, sur des bassins hydrographiques2, en tenantcompte des apports, pertes et consommations d'eau sur l'ensemble du bassin, demême que du temps de renouvellement de ses aquifères. Ce principe a été adopté enFrance pour la loi sur l'eau. Il implique un suivi fin des flux et stocks d'eau, mobilisantdifférents moyens d'observation et de prédiction (imagerie satellite, piezzomètres,débits des rivières, modèles hydrologiques et de bilans hydriques des écosystèmes).

2 Territoire drainé par des eaux souterraines ou superficielles qui se déversent dans un collecteur principal (cours d'eau, lac) et délimité par une ligne de partage des eaux (source :Encyclopédie Actu-Environnement).

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Eau et agriculture : les surfaces irriguées fournissent 45% de la production agricole avec 28% des surfaces cultivées (ie avec 1 productivité double). D'ici 2050, les besoins en eau pour les cultures pourraient augmenter de 60 à 90% (aboutissant à une consommation totale de 13 km3, et générer des conflits d'usage (IWMI, 2007). Il est donc nécessaire d'augmenter l'efficience d'utilisation de l'eau pour les cultures irriguées ET en sec.Différents scénarios sont possibles (extension des surfaces cultivées, part de l'irrigation, espèces cultivées, évolution des régimes alimentaires utilisant moins de protéines animales...)

La disponibilité en eau pour la culture dépend de deux déterminants principaux: la pluviométrie et la demande climatique en eau. Ruissellement et drainage rechargent l'hydrosystème (eau bleue).

Pour conclure : • Les écosystèmes (dont les végétaux) interagissent fortement avec le climat,

pour leur croissance et leur développement, • Ils régulent les flux d'énergie et d'eau à l'interface avec l'atmosphère.• L'étude de ces relations fait l'objet de la bioclimatologie.• L'agrométéorologie permet d'en dériver des concepts et outils utiles pour la

gestion de l'eau et des écosystèmes cultivés.• La ressource en eau est variable et limitée et doit faire l'objet d'une gestion au

cas par cas – ce qui nécessite une bonne compréhension des processus de base : bilan d'énergie et bilan hydrique des surfaces continentales.

4. Les processus de base Les écosystèmes continentaux sont à l'interface entre la géosphère et l'atmosphère,

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Figure 9: Disponibilité en eau dans le monde, telle que déterminée par des raisons physiques ou écononiques (Molden, 2007).

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et constituent en fait un lieu de régulation des échanges d'énergie et de masse (eau,CO2, azote,...) entre ces 2 compartiments. Ces échanges sont pilotés par l'absorptionde l'énergie fournie par le soleil par les écosystèmes, et sa dissipation par destransferts sous différentes formes (convective, conductive, radiative) et le passagel'eau du sol de l'état liquide à l'état vapeur. Le bilan d'énergie d'un écosystème –assimilé à une surface d'échange – exprime les équilibres entre ces différents termes,qui dépendent des conditions locales, en particulier de l'état hydrique des plantes. Lebilan d'énergie est en effet fortement couplé au bilan hydrique via l'évaporation del'eau du sol et sa diffusion vers l'atmosphère.

Le bilan d'énergie, un concept multi-échellesL'équation du bilan d'énergie exprime tout simplement la conservation de l'énergie(premier principe de thermodynamique) pour un système ouvert. L'équation est doncsimplement : Δ S t=Fe−F s où ∆St est la variation d'énergie sur une période detemps t, et Fe et Fs sont les flux absorbés et perdus (entrants et sortants) par lesystème pendant cet intervalle, respectivement.

Les échanges d’énergie se font sous différentes formes :

radiative (ondes électromagnétiques)

conductive (pas de déplacement du support : dans ma matrice solide du sol)

convective (déplacement du support : air au dessus de la surface du sol)

changement d’état (évaporation de l'eau liquide ou condensation)

Le terme de stockage est négligeable à l'échelle de la journée (ou de l'année), saufpour les couverts forestiers. Il comprend la photosynthèse, qui correspond à une puitsd'énergie chimique, mais représente en général moins d'un pour cent de l'énergieabsorbée par l'écosystème.

Le bilan peut s’appliquer à toutes les échelles de temps et d ’espace (du bourgeon devigne jusqu'à la planète), et ses applications varient en fonction de ces échelles. Ellesincluent la conduite de parcelles (pour lutter contre le gel ou piloter l'irrigation descultures), la définition de zones homogènes par rapport à un potentiel de productionvégétale à l'échelle régionale, ou encore l'étude des rétroactions entre lefonctionnement des écosystèmes, leur gestion et le climat au niveau régional ouglobal.

La Figure 10 représente ainsi un exemple d'application d'un modèle de bilan d'énergiepour la gestion du risque de gelée de printemps, qui peut être fatale aux bourgeons devigne en Champagne. A partir d'un relevé des conditions atmosphériques en fin dejournée (18h), un modèle de refroidissement de la masse d'air permet de prédirel'évolution nocturne de la température de l'air au dessus de la vigne (courbe bleue). Apartie de là, la modélisation des échanges d'énergie des bourgeons permet de calculerla température du bourgeon et de déclencher une alerte si celle-ci descendsignificativement en dessous de 0°C (courbe rouge).

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Pour un couvert végétal dont on peut négliger l'accumulation de chaleur (le terme ∆stde l'équation précédente), le bilan d'énergie s'écrit :

Rn=L E+ H+ G

où Rn correspond au rayonnement net reçu par l'écosystème, c'est-à-dire au bilan destermes de transferts radiatifs, L E à l'énergie perdue par évaporation de l'eau (chaleurlatente), H aux transferts convectifs d'énergie avec l'air au-dessus du couvert (chaleursensible), et G au transfert conductif vers la profondeur du sol. Ces différents termessont détaillés dans la partie suivante.

Transferts d'énergie et de masseRappel sur les unités d'énergies :

l'unité Système International est le Joule. 1 J = 1 Newton-mètre = F x d (kg m2 s-2)

Puissance: 1 Watt = 1 J par seconde

Les flux par unité de surface s'expriment en J m-2 (de surface normale au rayonnementpour les transferts radiatifs).

Les transferts radiatifs

Ces transferts sont détaillés lors du TD 1. Le cours n'introduit ici que des rappelsd'électromagnétisme nécessaires à la compréhension des TD.

Tout corps porté à une température supérieure au 0 absolu (-273,15 °C) émet unrayonnement, sous forme d'ondes électromagnétiques ou de photons, dont l'énergiedépend de la longueur d'onde (λ, en m), à travers la relation de De Broglie : E = c/λ,avec c est la vitesse de la lumière (~300 000 km/s).

Les photons émis par ce corps n'ont pas tous la même énergie, et suivent un spectrecaractéristique de ce corps (le spectre correspond à la répartition de l'énergie émiseen fonction de la longueur d'onde des photons). La plupart des objets qui nousentourent peuvent être assimilés à des corps noirs, objets modèles qui absorbenttoute l'énergie radiative qu'ils reçoivent. Par exemple, une cavité fermée percée d'unpetit orifice est un corps noir, et le rayonnement émis par l'orifice est décrit par la loide Planck (voir Figure 11 pour l'allure des spectres).

Ecosystèmes continentaux – bioclimatologie 13

Figure 10: évolution des températures de l'air et d'un bourgeonde vigne simulés par un modèle de bilan d'énergie au cours d'une nuit de printemps présentant un risque de gelée, en Champagne (Brun et Cellier, 1993).

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Le soleil et la surface de la Terre se comportent comme des corps 'gris' : le spectre durayonnement qu'ils émettent, quel que soit la direction, est celui du corps noir. Parcontre ils n'émettent pas toute l'énergie du corps noir. En effet leur émissivité (notéeε), qui est le quotient du rayonnement émis par rapport à celui du corps noir, estlégèrement inférieure à 1.

La loi de Wien donne la longueur d'onde correspondant au pic d'émission du spectre:λmax = 2897 / T (λmax en mm et T = température du corps en degrés Kelvin)

La loi de Stefan-Boltzmann donne l'énergie totale émise par le corps (qui correspond àl'aire sous courbe du spectre):

E = ε σ T4 (W m-2), ou ε est l'émissivité (1 pour un corps noir), et σ la constante deStefan-Boltzmann: σ = 5,67 10-8 W m-2 K-4.

La Figure 11 fait apparaître deux grands domaines de longueur d'onde (et doncd'énergie) pour les transferts radiatifs : les courtes longueurs d'onde, correspondantaux photons émis par le soleil, incluant l'ultra-violet, le visible (0.4 – 0.7 µm) et leproche infra-rouge, et les grandes longueurs d'onde (ou thermique), dans l'infra-rouge,correspondant aux photons émis par la terre ou l'atmosphère. Le bilan radiatif de lasurface fait intervenir ces 2 domaines de longueur d'onde (voir TD2).

Les transferts convectifs,

Le terme 'convection' recouvre en fait des phénomènes de diffusion (liés à un gradientde concentration ou de température), et de transport par un fluide en mouvement(l'air qui s'écoule au-dessus du couvert). Le bilan d'énergie d'un écosystème faitapparaître deux termes convectifs : le flux de chaleur sensible (H), qui correspond àaux échanges entre le sol, la végétation et l'air qui est au-dessus du couvert, et le fluxde chaleur latente (L E) qui correspond à la perte de chaleur de la surface parévaporation de l'eau liquide et diffusion de la vapeur d'eau vers l'atmosphère. Cestransferts de chaleur sont pilotés respectivement par des gradients de température etde vapeur d'eau, qui déterminent le sens des échanges (Figure 12). Pendant la

Ecosystèmes continentaux – bioclimatologie 14

Figure 11: spectres du rayonnement solaire (courtes longueurs d'onde, à gauche), et terrestre (grandes longueurs d'onde, à droite).

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journée, la surface est plus chaude et plus humide que l'air, et lui cède donc de lachaleur sensible et de la vapeur d'eau.

Les flux se font à contre gradient, et peuvent être approchés par une loi de type flux-gradient (de façon analogue à la loi de Fick pour le diffusion moléculaire ou la loi deFourrier pour la conduction de la chaleur). L'expression générale en est :

Flux=−Dδcδ z

où le Flux est de la grandeur considérée exprimé par unité de temps

et de surface, D est le coefficient de diffusion (m2 s-1), c la concentration de lagrandeur considérée, et z la coordonnée d'espace dans la direction du gradient.

L'application de cette expression aux termes du bilan d'énergie donne :

H=−ρCp DδTδ z

pour la chaleur sensible, avec H en W m-2 , ρ masse volumique de

l'air (1,16 kg m-3 à 20 °C) et Cp sa capacité calorifique à pression constante (1005 J kg-1 K-1 à 1 atm)

L E=−Dδρwδ z

pour la chaleur latente, avec E : évaporation en kg eau/m2/s, L :

chaleur latente de vaporisation de l'eau (2,5 MJ kg-1 à 0°C), ρw masse volumique devapeur d'eau dans l'air (kg eau m-3 air).

Le coefficient de diffusion est le même pour les échanges de chaleur sensible et de

Ecosystèmes continentaux – bioclimatologie 15

Figure 12: Profils de température, concentrations en CO2 et vapeur d'eau au-dessus d'un couvert végétal de hauteur h (Hallaire et al., 1970).

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vapeur d'eau, et cette similarité peut être étendue à tous les gaz échangés entre lesécosystèmes et l'atmosphère. Ce coefficient reste néanmoins l'inconnue principale deséquations ci-dessus. L'utilisation de valeurs de diffusion moléculaire, que l'on peutdériver de la théorie de la cinétique des gaz conduit à des estimations de flux bientrop faibles. En fait ces valeurs sont valables en l'absence de mouvements d'air, ou enrégime laminaire (quand le fluide s'écoule en filets rectilignes). Au-dessus descouverts végétaux, l'écoulement se fait dans un autre régime, dit turbulent, qui estbeaucoup plus efficace pour la diffusion que le régime laminaire. Les tourbillonsverticaux provoqués par la turbulence entraînent les molécules en suspension et leséjectent vers le haut. Les tourbillons d'air sont schématiquement d'autant plus grandsque l'on s'éloigne de la surface, et le physicien Prandtl a postulé que l'on pouvaitdéfinir leur taille comme l'analogue du libre parcours moyen de la cinétique des gaz.Ce concept permet de modéliser le profil de vitesse de vent horizontal (u, en m s -1)audessus d'une surface par une relation logarithmique (Figure 13):

u(z) = k u* log (z/z0)

avec

k: constante de Karman (~ 0,41)

u*: vitesse de frottement (m s-1), caractéristique de l'écoulement turbulent.

z0: longueur de rugosité (m) de la surface. Valeurs typique: 1 mm (gazon), 10 cm (blé),5 m (ville).

La modélisation du profil de vitesse de vent permet de calculer les transferts dequantités de mouvement entre la surface et la couche d'air qui balaie la surface, et quise met progressivement en équilibre avec celle-ci. Cette couche d'air sous l'influencede la surface est appelée 'couche limite', à l'interface entre la surface et l'air quis'écoule sans être perturbé quelques dizaines centaines de mètre plus haut. Si lasurface est suffisamment grandes et homogène (une parcelle de cultures ou de forếtde plusieurs hectares par exemple), on peut faire l'hypothèse que dans la couchelimite les flux verticaux sont constants. Cela permet d'intégrer donnant les flux H et LEà une cote z entre 2 niveaux de référence (z1 et z2), pour lesquels on dispose demesures de température, de vitesse du vent ou d'humidité de l'air.

Le flux de chaleur sensible s'exprime alors comme :

H=ρC p(T (z1)−T ( z2))

r a avec r a=∫

z1

z2

dzD

avec T(z1) et T(z2) températures de l'air aux

cotes z1 et z2 (K).

Ecosystèmes continentaux – bioclimatologie 16

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Figure 13: Profil de vitesse horizontale du vent (u, en ms-1) au dessus d'un sol nu (Hallaire et al., 1970)

Cette expression du flux est l'analogue de la loi d'Ohm pour l'électricité, latempérature correspondant au potentiel électrique, et le flux H à l'intensité ducourant. Le coefficient de diffusion D (que nous appellerons désormais diffusivitéturbulente) a été transformé en l'analogue d'une résistance, ra (s m-2).

Cette analogie est très utile puisqu'elle permet de décrire les échanges entre les sols,la végétation et l'atmosphère avec des schémas électriques, reliant des points de

potentiel connus (le sol, le haut de lacouche limite, les feuilles) à traversdes réseaux de résistances. Cesschémas sont à la base de tous lesmodèles de transfert sol-végétation-atmosphère, utilisés par exemple dansles modèles de circulation généralepour simuler l'évolution du climat.

Ces résistances au transfert de l'eauou de la chaleur sont de naturesphysiques ou biologiques. Lesrésistances physiques correspondent àla diffusion à travers la couche limitequi se développe au-dessus descouverts (résistances aérodynamiques)ou au voisinage de la surface du sol oudes feuilles. Elles peuvent êtrecalculées à partie de la théorie de laturbulence (Figure 15).

Les résistances biologiques traduisentl'action de régulation des plantes sur leflux de transpiration, et par là-mêmesur la température du couvert et le fluxde chaleur sensible. Elles sont liées aufranchissement de la surface desvégétaux (stomates, cuticules). Larésistance stomatique est fortement

Ecosystèmes continentaux – bioclimatologie 17

Figure 14: Comparaison des bilans d'énergie et températures d'apex entre une culture de pois irriguée et en sec (Lecoeur et Guilioni, 1998).

sec

irrigué

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régulée en fonction des conditions du milieu (disponibilité en eau, éclairement, autresformes de stress). Même quand les stomates sont pleinement ouverts, ils opposentune résistance aux transferts gazeux qui varie selon les espèces (Tableau 3).

Type de végétation Résistance minimum du couvert(s/m)

Prairie tempérée 59

Forêt de conifères 47

Forêt d'eucalyptus 59

Forêt tempérée décidue 48

Forêt tropicale humide 77

Céréales 31

Plantes herbacées 32

Tableau 3: Valeurs de résistances minimales des couverts végétaux pour différentes espèces ou biomes (Monteith et Unsworth, 2008).

Les résistances biologiques sont souvent supérieures aux résistances physiques,notamment en cas de manque d'eau et d'apparition d'un stress hydrique – ce sontdonc les plantes qui pilotent les termes H et LE du bilan d'énergie. Malheureusementle déterminisme de la résistance stomatique est encore mal connu. Différents facteurssont connus pour leur influence sur celle-ci, en particulier l'état hydrique des feuilles,que traduit le potentiel foliaire. Plus ce potentiel est élevé (ie plus les feuilles sontdéshydratées), plus la résistance stomatique est importante.

Ecosystèmes continentaux – bioclimatologie 18

Figure 15: expression de la résistance aéodynamique pour différents types de végétation.

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La Figure 14 illustre les conséquences de l'état hydrique d'une culture de pois sur lestermes de son bilan d'énergie, et notamment la répartition entre la chaleur latente etla chaleur sensible. La culture irriguée transpire plus que la culture en sec, car elle aplus d'eau disponible, et le terme LE est majoritaire dans le bilan. La situations'inverse avec la culture en sec, qui ferme ses stomates et réduit sa transpiration pourpréserver la réserve en eau du sol. La conséquence est néanmoins que cette cultures'échauffe plus que la culture irriguée, ce qui risque de pénaliser la photosynthèse.Cette dernière est déjà fortement limitée à cause de la fermeture partielle desstomates.

Les transferts conductifs

Ils correspondent aux échanges de chaleur entre la surface du sol et la profondeur,par conduction dans la matrice solide du sol (particules minérales et organiques). Leflux résultant est noté G (W m-2), et représente 5 à 10% du rayonnement net souscouvert végétal, et 10 à 40% en sol nu. Il peut se calculer avec la loi de Fourrier, quiexprime le flux de chaleur traversant un plan horizontal situé à une profondeur zcomme:

G=−λδTδ z

avec λ : conductivité thermique (W m-1 K-1).

En combinant cette expression du flux avec l'équation de conservation de la chaleurdans un volume élémentaire de sol d'épaisseur dz, on obtient l'équation aux dérivéespartielles suivante :

δTδ t

Cδ2T

δ z2 avec C capacité calorifique volumique du sol (J m-3 K-1).

Cette équation peut-être résolue de façon analytique en connaissant les propriétésthermiques du sol et la température de surface (T0) et ses variations journalières ouannuelles. L'expression de la température du sol en fonction du temps t et de laprofondeur z est :

T (z , t)=T moy+ Δ T 0exp (−z √(ω/2 κ))sin (ω t−z √(ω /2κ))

où Tmoy et ∆T0 représentent la température moyenne de la surface et son amplitudesur l'intervalle de temps considéré (jour ou année), ω est la période du cycle (ω = 2π/P, P : intervalle de temps considéré), κ = λ / C : diffusivité thermique (m2 s-1).

La Figure 16 illustre lesvariations annueles detempérature d'un sol àdifférentes profondeurs,calculées avec l'équation ci-dessus. Les courbes sontd'allure sinusoïdale, avecune amplitude qui décroîtau fur et à mesure que laprofondeur augmente(terme exponentiel del'équation), et undéphasage de plus en plusgrand par rapport à latempérature de surface(dernier terme del'équation). A uneprofondeur de 4 m (12

Ecosystèmes continentaux – bioclimatologie 19

Figure 16: Evolution annuelle de la température d'un sol agricole à différentes profondeurs (Source : Virgnia Tech University). Attention aux unités : profondeur en pieds, températures en °Fahrenheit.

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pieds), le déphasage atteint 3 mois. La géothermie de surface tire parti de ce décalageentre surface et profondeur du sol pour chauffer les bâtiments en hiver et les refroidiren été (puits canadien).

Les propriétés thermiques des sols sont influencées par leur texture, leur densitéapparente et surtout leur humidité : un sol humide conduit beaucoup mieux la chaleurqu'un sol sec, et possède une capacité calorifique plus grande. La conséquence en estqu'un sol humide se réchauffe moins lentement au printemps qu'un sol plus sec, enrevanche il sera moins sensible au gel du fait de son inertie thermique et de sacapacité à laisser la chaleur remonter depuis la profondeur. Un sol labouré conduit etaccumule moins bien la chaleur qu'un sol tassé.

Synthèse sur le bilan d'énergie

- Le bilan est la résultante d'un forçage physique ET d'une régulation biologique parles couverts végétaux.

- Bilans d'énergie et bilan hydrique sont intimement couplés.

- Ils peuvent être approchés par des mesures (micro-)météorologiques, latélédétection et des modèles de fonctionnement.

Les modèles de simulation du bilan de ces bilans permettent également de calculer laphotosynthèse et la productivité des différents écosystèmes et biomes dans le monde,sur la base de réseaux internationaux de mesure comme Fluxnet3. Ce sont des outilsprécieux pour comprendre les rétro-actions entre écosystème, biosphère et climat, quijouent un rôle capital dans les changements climatiques. Par exemple, la disparitionde la forêt Amazonienne entraînerait une sécheresse au niveau de régional... maisparadoxalement une diminution du forçage radiatif global due à des modificationsd'albedo et aux changements de régime hydrologique induits.

5. Bilan hydrique, suivi agronomique Au niveau local (parcelle agricole ou forestière), le bilan hydrique s'exprime comme:

P + I - (ETR + R + D) = ∆S (1)

avec P : précipitations (mm), I :apports par irrigation, ETR :évapo-transpiration réelle(diffusion de vapeur d'eau versl'atmosphère, combinant latranspiration des plantes etl'évaporation du sol), R :ruissellement, D : drainage, et∆S : variation de stock d'eau dusol.

Les termes d'apportséventuellement complétés pardes remontées capillaires, etdéterminées par le climat local, lagestion agronomique et lasituation par rapport à une nappe.L'évapotranspiration estdéterminée par le climat et laréserve en eau du sol via la

3 http://www.fluxnet.ornl.gov/fluxnet/index.cfm

Ecosystèmes continentaux – bioclimatologie 20

Figure 17: bilan hydrique annuel comparé entre une forêt en croissance (à gauche) et une parcelle coupée à blanc (sol nu), au Canada (Spittlehouse, 2006).

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régulation stomatique des plantes, le ruissellement et le drainage sont influencés parl'intensité des pluies et les propriétés hydrodynamiques des sols.

Dans le cas d'une forêt, il faut tenir compte de l'interception et du stockage de l'eaupar le houppier, qui peuvent représenter une fraction importante des apports parprécipitation (Figure 17). La Figure montre aussi que le drainage est plus importantsous un sol nu que sous une forêt, étant donné que l'évaporation du sol nu est plusfaible que l'évapo-transpiration de la forêt.

L'évapo-transpiration et la demande climatique

Comme nous l'avons vu, le terme de chaleur latente (L E) relie le bilan d'énergie et lebilan hydrique. Il est la résultante d'une demande de l'atmosphère en eau, de par sonpouvoir asséchant, de la quantité d'énergie disponible pour faire passer l'eau liquidecontenue dans l'écosystème à l'état gazeux, et enfin de la régulation opérée par lesplantes via leurs stomates. Pour approcher le premier terme, qualifiée de demandeclimatique, il faut caractériser l'état de la vapeur d'eau dans la masse d'air qui arrivesur l'écosystème. L'état thermodynamique d'une particule d'air est défini par 3grandeurs: pression p (Pa), température Ta (K), et masse volumique ρ (kg m-3).

D'après la loi des gaz parfaits, p = ρ Rta/M, avec R = 8,32 kg m2s-2 K-1 (constante desgaz parfaits), et M : masse molaire de l'air (28,9 g mol-1).

La loi s'applique aussi à l'eau contenue dans l'air, pour calculer la pression partielle envapeur d'eau:

pH2O = ρwRTa/MH2O avec MH2O = 18 g/mol; ρw : masse volumique en kg eau m-3 air, etTa : température de l'air (K).

Ecosystèmes continentaux – bioclimatologie 21

Figure 18: la courbe de rosée (diagramme température / pression partielle en vapeur d'eau). Trest la température de rosée de la particule d'air représentée par le cercle, et P(Ta) la pression de vapeur saturante (Perrier, 2006).

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Tous les états ne sont pas permis pour la vapeur d'eau, l'air ne pouvant contenir d'unpoint de vue thermodynamique qu'une quantité donnée de vapeur d'eau. Cettequantité correspond à la pression de vapeur saturante, et dépend de la température(et de la pression mais on se place en général à pression atmosphérique, au voisinagedu sol). La relation entre vapeur saturante et température de l'air est décrite par lacourbe 'de rosée' (Figure 18), qui définit le point de condensation d'une particule d'airsubissant un refroidissement. C'est le point où la ligne horizontale partant à gauche dela particule représentée sur la Figure coupe la courbe de rosée. L'abcisse de ce pointest la température de rosée (Tr). Le diagramme permet aussi de définir une autregrandeur intéressante, le déficit de vapeur d'eau, qui correspond à l'écart entre lapression de vapeur de la particule d'air la pression de vapeur saturante P(Ta) pourcette même température (flèche verticale sur la Figure 18).

L'humidité de l'air peut s'exprimer de différentes façons :

pression de vapeur (d'eau): notée pH2O ou e (Pa ou mb), masse volumique (ρw) ourapport de mélange: ρ en kg eau/kg air sec ;

humidité relative: HR = pH2O/P(Ta) (fraction exprimée généralement en %) ;

Température de rosée (Tr): température pour laquelle la pression de vapeurcorrespond à la courbe de rosée; pH2O =P(Tr)

Déficit hydrique: Da = P(Ta) - pH2O = (1 - HR) x P(Ta) [ en Pa ou mb ]

Le déficit hydrique est un indicateur important de la demande climatique en eau, etd'une aridité du climat. Il est relativement faible dans les zones tempérées à boréalesde l'hémisphère Nord, modéré dans le sud de l'Europe ou en Asie du Sud-Est, et trèsmarqué dans la bande tropicale notamment en Inde et en Afrique de l'Est.

L'évaporation d'une surface continentale dépend du déficit hydrique mais égalementde caractéristiques intrinsèques à la surface, notamment son humidité de surface etsa disponibilité en eau. Une première approche pour estimer cette évaporationconsiste à définir une évaporation potentielle correspondant à une surface saturée eneau.

Pour cela on peut combiner les équations du bilan d'énergie et l'expression des flux Het LE (cf partie précédente sur les flux convectifs) :

Bilan `d'énergie: H+ Rn+ L E+ G=0Diffusion `turbulente:H=DρCp(T a−T s)/(z 2−z1) et E=D(ea−es) /(z2−z1)

où ea et es représentent la pression de vapeur d'eau de l'air et de la surface, respectivementDécomposons le gradient de pression de vapeur d'eau (ea−es) en faisant intervenir la pression de vapeur saturante de l'air e(a , s) :

ea−es=ea−e(a , s)+ e(a , s)−es=Déficit de `vapeur d'eau (VPD)+ Δ(Ta−Ts)où Δ est la pente de la courbe de rosée

En combinant les 2 premières équations, on obtient l'équation de Penman (1948):L ETPPenman=Δ /(Δ+ γ)(Rn−G+ ρCph (u)(VPD )/Δ )

avec h(U) : coefficient d'échange convectif (analogue de D): h(U )=a+ bUU: vitesse du vent à la hauteur de référence (z_2)

γ : constante `psychrométrique (66 Pa/°C)ETPPenman : évapo-transpiration potentielle de Penman (mm/jour)

L'équation de l'ETP Penman formulée ici correspond bien à l'évaporation potentiellecar on fait l'hypothèse que la surface est saturée en eau. Cette équation repose sur

Ecosystèmes continentaux – bioclimatologie 22

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des bases physiques bien établies, mais malheureusement il est difficile d'estimer lecoefficient d'échange h dans l'absolu car en fait il dépend des caractéristiques de lasurface. Les valeurs de h pour des écosystèmes ont été déterminéesexpérimentalement sur un type de des couvert particulier, un gazon ras et bienalimenté en eau (couverture standard d'un parc météorologique en fait). Le termed'évaporation ainsi calculé correspond non plus à la demande climatique liée auxconditions de l'atmosphère mais à une évapo-transpiration de référence pour cecouvert végétal particulier. C'est cette évapo-transpiration (dite potentielle, notéeETP) qui est calculée en routine sur les stations agro-météorologiques actuellement, etcette variable a supplanté du fait de sa supériorité physique les équations empiriqueset mesures par bacs d'évaporation ('class A pans') qui étaient utilisées auparavant.

Compte tenu de leurs caractéristiques de structure et physiologiques qui sonts'éloignent parfois fortement du gazon, l'évapo-transpiration des cultures et des forêtsest diffénte de l'ETP, et peut en particulier lui être supérieure. L'ETP est toutefois uneréférence très utile dans la mesure où elle peut être reliée simplement àl'évapotranspiration maximale (ETM) d'un couvert végétal. L'ETM correspond à uneculture bien alimentée en eau et au potentiel agronomique (bon état sanitaire, fumureadéquate).

De façon empirique, l'ETM est reliée à l'ETP par le coefficient cultural Kc:

ETM = Kc ETP

Kc varie en fonction des cultures et des saisons (Figure ). Il peut aussi être utilisé pourles arbres (les conifères ont un Kc de l'ordre de 0,95).

L'ETM sert au pilotage de l'irrigation, car ce niveau d'évapo-transpiration traduit uneabsence de contrainte hydrique sur la production végétale. Les stomates sontcomplètement ouverts, leur résistance minimale et la photosynthèse au maximum

Ecosystèmes continentaux – bioclimatologie 23

Figure 19: Amplitudes et variations annuelles du coefficient cultural de différentes cultures (Marmoud, EPFL, 2006).

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permis par les autres paramètres physiques et biologiques (rayonnement,température, disponibilité en nutriments, absence de maladies...).

Dès que les stomates commencent à se fermer (du fait de réserves en eau du sollimitées par exemple, qui se traduit par une augmentation du potentielthermodynamique de l'eau dans le sol), la résistance à la diffusion de la vapeur d'eaudepuis les feuilles vers l'atmosphère augmente, et l'évapo-transpiration diminue. Il estpossible de calculer cette évapo-transpiration dite réelle (et notée ETR - par oppositionà l'ETM) en introduisant dans le modèle physique d'évapo-transpiration de Penmanune résistance stomatique, en plus des résistances aérodynamiques de transfert(équation de Penman-Monteith). La résistance stomatique est néaanmoins difficile àestimer, elle peut être mesurée à l'échelle foliaire mais il faut ensuite l'intégrer surl'ensemble du couvert pour aboutir à une résistance efficace. Une alternativeempirique mais robuste consiste à utiliser une relation linéaire par morceaux entre lerapport ETR/ETM et la fraction de réserve utile disponible dans le sol (Perrier, 2006).

La prévision des besoins en eau des cultures, pour pallier les stress hydriques et gérerleur alimentation en eau peut se faire à partir des variables climatiques etpédologiques en calculant différents types de bilans. Ces bilans permettentd'approcher la disponibilité en eau pour les cultures en fonction des apports d'eau(précipitations) et des pertes (évapo-transpiration principalement).

Le bilan hydrique théorique est le plus simple. Il consiste à cumuler la différence entrepluie et l'ETP (Penman en général). Ce bilan indique le déficit théorique depluviométrie, mais ne tient pas compte de la régulation par le sol et la culture. Ilpermet une analyse fréquentielle des déficits, et donc des besoins en eau des cultures(Figure 20).

Le bilan théorique pédoclimatique prend en compte le stockage de l'eau dans laréserve utile, ie le domaine d'humidité disponible pour les plantes, entre la capacitéau champ et le point de flétrissement permanent (correspondant à un potentiel de -16MPa). Il se calcule comme le bilan théorique additonné de la réserve en eau initiale dusol au début de la période considérée.

Ecosystèmes continentaux – bioclimatologie 24

Figure 20: Analyse fréquentielle du déficit hydrique théorique en printemps et en été à Versailles et Montpellier (De Parcevaux et Huber, 2007).

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Ce bilan est plus réaliste que le précédent, et permet de prendre en compte lescaractéristiques locales des sols dans les potentialités de production. Sous nosclimats, la réserve initiale du sol en eau (en sortie hiver) est un paramètre importantcar elle permet de compenser le déficit hydrique théorique (climatique) qui s'accumuleau printemps et en été. Elle dépend de l'interculture, et notamment de la présenced'une couverture végétale à l'automne (Figure 20).

Enfin le bilan hydrique réel (ouagro-pédo-climatique)faitintervenir l'ensemble des termesde l'équation (1), et nécessite uneprise en compte plus détaillée dufonctionnement du système sol-plante-atmosphère et de saréponse au forçage climatique. Ilpeut être approché par desmodèles de fonctionnement de cessystèmes, des mesures locales(sondes d'humidité) ou partélédétection, ou une combinaisondes 2. Une offre de service agro-météorologiques s'est ainsidéveloppée pour conseiller lesagriculteurs, forestiers ou

gestionnaires de milieux naturels en matière de pilotage des cultures ou de gestion del'eau.

6. Résumé - Conclusion

1. La moitié de l'eau qui circule dans la biosphère est utilisée par les sociétéshumaines, pour les besoins de l'agriculture, des ménages et des industries.

2. Les besoins en eau des écosystèmes sont déterminés par la demandeclimatique et le bilan d'énergie.

3. La capacité des écosystèmes à répondre à cette demande et à la régulerdétermine leur productivité.

4. La demande en irrigation pour les cultures va forcément croître, et l'efficacitéde l'irrigation devra être augmentée.

5. Les concepts et outils de la physique de l'environnement permettent de poserles bases d'une gestion optimale de la ressource en eau.

6. Ils s'appliquent à beaucoup d'autres domaines, secteurs économiques etthématiques (énergies renouvelables, qualité de l'air, atténuation deschangements climatiques et adaptation; horticulture et maraîchage, élevage,barrages hydrauliques,...)

Ecosystèmes continentaux – bioclimatologie 25

Figure 21: Evolution des bilans hydriques théoriques et pédoclimatiques du printemps à l'automne (Perrier, 2006).

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7. Bibliographie

Manuels de bioclimatologie

Hallaire, M.; de Brichambault, C. P. & Goillot, C. Technique d'étude des facteursphysiques de la biosphère INRA Editions, 1970.

De Parcevaux, S. & Huber, L. Bioclimatologie: concepts et applications. Editions Quae,2007.

Guyot, G. Climatologie de l'environnement, Dunod, 1999.

Jones, H. G. Plants and microclimate, Camb. University Press, 1992.

Monteith, J., Unsworth. Environmental biophysics, Wiley, 2007.

Perrier, A., Cycle de l'eau dans la biosphère, Polycopié INA P-G, 2006.

Gestion de l'eau - irrigation

Molden, D. (ed), Water for food, water for life, IWDRI (2007).www.iwmi.cgiar.org/Assessment/Publications/books.htm

Tiercelin, J.-R. Traité d'irrigation. Editions Tec & Doc Lavoisier, 2006.

Kessler, de Pescarra, Perrier. La météo agricole, Lavoisier Tec & Doc, 1990.

Climatologie, Changements climatiques

Beltrando, G. Les climats: processus, variabilité et risques. Armand Colin, 2004

Site de l'International Panel on Climate Change: www.ipcc.ch: rapports sur l'état duclimat, et rapports spéciaux.

Nombreux ouvrages de vulgarisation de Jean Jouzel, Hervé Le Treut, Jean-MarcJancovici, etc... Par exemple:

Joussaume, S. Climat d'hier et demain, CNRS Editions, 1999.

Delmas, R. Mégie, G., Peuch, V.-H. Physique et chimie de l'atmosphère. Belin, 2005.

Références citées

Brun, O., Cellier, P. Gélivité des bourgeons Vigneron Champenois. 1993: 49-60.

Tarbuck, E.J., Lutgens, F.K. Earth Science, Pearson Prentice Hall, 1995.

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GLOSSAIRE

Grandeur Symboles Signification Unité

Flux conductif G, Φ0 Flux de chaleur dans le sol W m-2

Flux convectif H, Φs Flux de chaleur sensible W m-2

Flux de chaleur latente

L E, ΦL Flux lié à l'évapotranspiration (ou à la condensation) de l'eau

W m-2

Chaleur latente devaporisation

λ, L Chaleur latente de vaporisation de l'eau

J kg-1

Rayonnement net Rn Bilan net des échanges radiatifs entre une surface et l'atmosphère

W m-2

Rayonnements telluriques

R, L, ΦR Termes et bilan net des échanges radiatifs grandes longueurs d'onde (thermiques)

W m-2

Rayonnement global

Rg Rayonnement incident dans le domaine visible (0.4 – 0.7 µm)

W m-2

Pression de vapeur d'eau

ea, P(Tr) Pression partielle de la vapeur d'eau dans l'air

Pa ou mb

Pression de vapeur saturante

es, P(Trs) Pression vapeur d'eau dans l'air à saturation (sur la courbe de rosée)

Pa ou mb

Déficit de vapeur d'eau

VPD, Ds Ecart entre ea et es Pa ou mb

Humidité relative HR, P(Tr)/P(Trs)

Rapport entre pressions de vapeur réelle et saturée

Fraction, %

Pente de la courbede rosée

∆, P' Dérivée de la courbe de rosée (entre ea et es).

Pa K-1

Constante psychrométrique

γ (rapport égal à ρ Cp RT/LM pour l'air)

Pa K-1

Diffusivité turbulente

K, D Coefficient de la loi de Fick pour la diffusion dans la couche limite au-dessus d'une surface

m2 s-1

Coefficient d'échange

h Coefficient d'échange convectif au-dessus d'une surface

m-1 s

Résistance de transfert

r Résistance (physique ou biologique) au transfert à traversune interface

m-1 s

Conductance g Inverse de la résistance s-1 m

Evapotranspiration ET, ΦH2O Flux d'évapotranspiration depuisune surface

mm j-

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