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CINÉMA Alors qu’une série de manifestations célébrant le 100 e anniversaire d’Henri- Georges Clouzot se prépare, “Le Salaire de la peur” est projeté à la Bambouseraie mercredi 30 août. “F ranco vivant, je ne franchirai pas les Pyrénées !”, éructe Yves Montand. Nous sommes en 1951 et l’équipe de pro- duction est à la recherche d’une des- tination où tourner l’adaptation du Salaire de la peur, best-seller de Georges Arnaud situé au Guatemala. L’histoire d’un groupe de desperados exilés en Amérique centrale tentent de s’échapper de l’enfer en transpor- tant de la nitroglycérine. Drôle de type, soit dit en passant, que ce Georges Arnaud. Né Henri Girard à Montpellier en 1917, il avait, à l’âge de vingt-quatre ans, défrayé la chro- nique judiciaire. Accusé puis acquitté du triple meurtre de son père, de sa tante et d’un domestique, il s’expatrie au Vénézuela où il exerce les métiers de chercheur d’or, contrebandier et… chauffeur de camion ! Cette dernière expérience va lui inspirer son premier roman, Le Salaire de la peur (Julliard, 1950), vendu à pas moins de 2 mil- lions d’exemplaires. 102 millions de francs. Bien inspiré, le patron de presse Pierre Lazareff met le roman entre les mains d’Henri- Georges Clouzot, le réalisateur du Cor- beau. Spécialiste des turpitudes humaines, le cinéaste est, à cette époque, au creux de la vague. Par amour pour sa jeune épouse, Vera Clouzot, il a commencé à tourner un documentaire sur son pays d’origine, le Brésil qui, en raison de diverses tracasseries, est tombé à l’eau. Clouzot se lance à corps perdu dans l’adapta- tion du Salaire de la peur, d’abord avec l’auteur - sans succès -, puis avec son frère, Jean Clouzot, rebaptisé Jérôme Geronimi au générique. Dix mois de préparation vont permet- tre de mettre au point le projet. Le film sera une coproduction Compa- gnie industrielle commerciale ciné- matographique (CICC), dirigée par Raymond Borderie et Vera Film, la petite société fondée par Clouzot en 1949. Le budget initial, de 102 mil- lions de francs, sera réparti en trois parts égales : le distributeur Cinédis, le Crédit national (structure étatique chargé de relancer l’industrie ciné- matographique française après la guerre) et les deux co-producteurs. Montand, Vanel et Clouzot. Parallè- lement à son travail sur le scénario, Clouzot imagine la distribution. Pour le personnage de Mario, il a tout de suite pensé à Yves Montand. Mais la vedette du music-hall a été échaudée par ses premières expériences devant la caméra, notamment par “Les portes de la nuit”. Le cinéaste devra user de toute sa force de persuasion pour le convaincre. Pour le rôle de Jo, le faux-dur, Clouzot a d’abord pensé à Jean Gabin. Recalé ! Le comédien refuse catégoriquement de jouer “un rôle de lavette”. Son choix se porte alors sur Charles Vanel, vieux briscard de l’écran, à la tête d’une impressionnante filmographie inau- gurée… en 1912 ! Le Hollandais Peter Van Eyck, tout en muscles, et l’Italien Folco Lulli, tout en rondeurs, complè- tent l’équipe de camionneurs kami- kazes. Enfin, sa femme, Vera Clouzot, fera ses débuts à l’écran en interpré- tant le seul personnage féminin du film. Clouzot tient à tout prix à tourner le film en décors naturels. Mais où ? En Amérique centrale ? Trop loin et trop cher. En Espagne ? Mon- tand s’y refuse. À la recherche d’une région chaude et sèche, Raymond Borderie, le producteur délégué, pointe son doigt sur la Camargue. Les décors variés de ses environs s’y prêtent bien, de même que l’infrastructure nîmoise (hôtels, aéroport et routes). CLOUZOT TOURNAIT “LE SALAIRE DE LA PEUR” DANS LE GARD “Le salaire de la peur” est projeté lors du 5e Festival Ciné Été, mercredi 30 août à 21h30, à la Bambouseraie à Générargues. Entrée gratuite (www.itinerances. org) GABIN REFUSE DE JOUER “UN RÔLE DE LAVETTE” IL Y A 65 ANS La Gazette n° 951 - Du 24 au 30 août 2017 28 LA VILLE EN PARLE L’équipe du tournage à La Baume. A droite : Henri-Georges Clouzot, Yves Montand. Plusieurs opérateurs avaient été sollicités pour filmer la scène où le camion recule sur le petit pont de bois, dont le Nîmois Jean Malige. ”J’étais en bas, nous a confié Malige en 1985, j’attendais de recevoir le camion sur la figure !”. D.R.

CLOUZOT TOURNAIT “LE SALAIRE DE LA PEUR” DANS LE GARD · 1950), vendu à pas moins de 2 mil-lions d’exemplaires. 102 millions de francs. Bien inspiré, le patron de presse Pierre

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  • CINÉMA

    Alors qu’une série de manifestationscélébrant le 100e anniversaire d’Henri-Georges Clouzot se prépare, “Le Salairede la peur” est projeté à la Bambouseraiemercredi 30 août.

    “Franco vivant, je ne franchiraipas les Pyrénées !”, éructeYves Montand. Noussommes en 1951 et l’équipe de pro-duction est à la recherche d’une des-tination où tourner l’adaptation duSalaire de la peur, best-seller deGeorges Arnaud situé au Guatemala.L’histoire d’un groupe de desperados

    exilés en Amérique centrale tententde s’échapper de l’enfer en transpor-tant de la nitroglycérine.Drôle de type, soit dit en passant, quece Georges Arnaud. Né Henri Girardà Montpellier en 1917, il avait, à l’âgede vingt-quatre ans, défrayé la chro-nique judiciaire. Accusé puis acquittédu triple meurtre de son père, de satante et d’un domestique, il s’expatrieau Vénézuela où il exerce les métiersde chercheur d’or, contrebandier et…chauffeur de camion ! Cette dernièreexpérience va lui inspirer son premierroman, Le Salaire de la peur (Julliard,1950), vendu à pas moins de 2 mil-lions d’exemplaires.

    102 millions de francs. Bien inspiré,le patron de presse Pierre Lazareffmet le roman entre les mains d’Henri-Georges Clouzot, le réalisateur du Cor-beau. Spécialiste des turpitudeshumaines, le cinéaste est, à cetteépoque, au creux de la vague. Paramour pour sa jeune épouse, VeraClouzot, il a commencé à tourner undocumentaire sur son pays d’origine,le Brésil qui, en raison de diversestracasseries, est tombé à l’eau. Clouzotse lance à corps perdu dans l’adapta-tion du Salaire de la peur, d’abord avecl’auteur - sans succès -, puis avec sonfrère, Jean Clouzot, rebaptisé JérômeGeronimi au générique.Dix mois de préparation vont permet-tre de mettre au point le projet. Lefilm sera une coproduction Compa-gnie industrielle commerciale ciné-matographique (CICC), dirigée parRaymond Borderie et Vera Film, la

    petite société fondée par Clouzot en1949. Le budget initial, de 102 mil-lions de francs, sera réparti en troisparts égales : le distributeur Cinédis,le Crédit national (structure étatiquechargé de relancer l’industrie ciné-matographique française après laguerre) et les deux co-producteurs.

    Montand, Vanel et Clouzot. Parallè-lement à son travail sur le scénario,Clouzot imagine la distribution. Pourle personnage de Mario, il a tout desuite pensé à Yves Montand. Mais lavedette du music-halla été échaudée par sespremières expériencesdevant la caméra,notamment par “Lesportes de la nuit”. Lecinéaste devra user de toute sa forcede persuasion pour le convaincre.Pour le rôle de Jo, le faux-dur, Clouzota d’abord pensé à Jean Gabin. Recalé !Le comédien refuse catégoriquementde jouer “un rôle de lavette”. Son choix

    se porte alors sur Charles Vanel, vieuxbriscard de l’écran, à la tête d’uneimpressionnante filmographie inau-gurée… en 1912 ! Le Hollandais PeterVan Eyck, tout en muscles, et l’ItalienFolco Lulli, tout en rondeurs, complè-tent l’équipe de camionneurs kami-kazes. Enfin, sa femme, Vera Clouzot,fera ses débuts à l’écran en interpré-tant le seul personnage féminin dufilm. Clouzot tient à tout prix à tourner lefilm en décors naturels. Mais où ? En

    Amérique centrale ?Trop loin et trop cher.En Espagne ? Mon-tand s’y refuse. À la recherche d’unerégion chaude et sèche,Raymond Borderie, le

    producteur délégué, pointe son doigtsur la Camargue. Les décors variésde ses environs s’y prêtent bien, demême que l’infrastructure nîmoise(hôtels, aéroport et routes).

    CLOUZOT TOURNAIT“LE SALAIRE DE LAPEUR” DANS LE GARD

    “Le salaire de lapeur” est projetélors du 5e FestivalCiné Été, mercredi30 août à 21h30, à la Bambouseraie à Générargues. Entrée gratuite(www.itinerances.org)

    GABIN REFUSE DEJOUER “UN RÔLE

    DE LAVETTE”

    IL Y A 65 ANS

    La Gazette n° 951 - Du 24 au 30 août 201728 LA VILLE EN PARLE

    L’équipe du tournage à La Baume. A droite : Henri-Georges Clouzot, Yves Montand. Plusieurs opérateurs avaient été sollicités pour filmer la scène où le camion recule sur lepetit pont de bois, dont le Nîmois Jean Malige. ”J’étais en bas, nous a confié Malige en1985, j’attendais de recevoir le camion sur la figure !”.

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  • Grand hôtel du Midi. Le 31 juillet1951, toute l’équipe du film est à piedd’œuvre au Grand hôtel du Midi, àNîmes, le futur QG de la production.Les choses sérieuses peuvent com-mencer. Le décor principal du film,le village de Las Piedras, a été recons-titué à Saliers, sur la communed’Arles. Il s’agit de l’ancien camp d’in-ternement des “nomades” en zonesud pendant le Seconde Guerre mon-diale. Entre 1942 et 1944, pas moinsde 700 Roms y sont morts de faim,de froid et de maladie.Il a fallu, bien entendu, apporterquelques modifica-tions. René Renoux, ledécorateur, a bâti, avecdu béton chaulé, uneéglise, une usine et uncafé. Des canalisationsont été construitespour amener l’eau desmarais et reconstituer des flaques réa-listes.”Comme le paysage camarguaisressemblait plus à la savane africainequ’à l’Amérique centrale, ils ajoutèrentdes palmiers en métal et des cactus enplâtre que l’on baladait partout pourles besoins des scènes, d’où leur surnomde cactus baladeurs !”, se souvenait lejournaliste Jean-Charles Lheureux.

    Déluge sur le Gard. Malheureuse-ment, la météo ne tarde pas à se gâter.

    “Des pluies diluviennes tombent surnotre région”, titre le Midi Libre. Durantquarante jours et quarante nuits,comme dans l’Ancien Testament, ilpleut, vente et tempête. Les décorsdéteignent, les véhicules s’embour-bent et les grues dégringolent.Réfugiés à l’hôtel du Midi, les comé-diens tuent le temps avec des blaguesde potache. Vanel et Montand feignentdes disputes homériques en cassantdes piles d’assiettes. Leur hôteldevient bientôt le centre de tous lesregards et l’objet de toutes lesrumeurs qui parcourent la ville pro-

    testante comme unfrisson d’horreur. “Ondisait que Montandrecevait des fournées deminettes et que Vanelfumait de l’opium. UnSodome et Gomorrhepour la bourgeoisie del’époque !”, rapportait

    Jean-Charles Lheureux.Simone Signoret, qui tourne alorsCasque d’oraux studios de Billancourt,revient tous les week-ends à Nîmesafin d’y retrouver Montand qu’elle vaépouser en décembre. “Véra et moifaisions les rayons des Dames deFrance, écrit la comédienne dans LaNostalgie n’est plus ce qu’elle était. Onbrodait des espadrilles de petites perlesde jais”.

    Retour à Paris. Le mauvais tempsn’est pas le seul fléau qui s’abat surle film. Bientôt Véra Clouzot tombemalade, le réalisateur se casse la che-ville et les figurants gitans se mettenten grève en s’estimant sous-payés…En novembre 1951, la productiondécide d’arrêter les frais. Tout lemonde rentre à Paris… et fait lescomptes ! Alors que le film est loind’être achevé, le budget initial a déjàété dépassé de vingt millions. Deuxnouveaux financeurs acceptent d’en-trer en co-production : le FrançaisGeorges Lourau (Filmsonor) et l’Ita-lien Fono Roma. Sept mois plus tard, en juin 1952, letournage reprend enfin. La dernièrescène du film, celle où Montand perdla vie au détour d’un virage, est tour-née en plusieurs endroits. “Il zigzagueroute d’Uzès dans les gorges, entre l’em-branchement de Poulx et le Pont Saint-Nicolas, mais le camion se jette dansle ravin à la Baume”, précise Jean-Ber-nard Lidon, qui a enquêté sur les lieuxde tournage.

    Bambouseraie. L’équipe se trans-porte ensuite à la Bambouseraie dePrafrance où la végétation exotiquefera merveille. C’est là qu’est tournéel’une des scènes les plus mémorablesdu film, celle où Vanel et Montand seretrouvent plongés dans un bain de

    pétrole. “Le décorateur proposa uneeau légèrement teintée, expliqua LouisWipf, le directeur de production. Refushautain de Clouzot”. Finalement, cesera une mare d’eau avec une épaissecouche de mazout. “J’avais une doucheen plein air, à proximité, expliquaitVanel. Mais comme la scène étaitlongue, j’ai été dans le pétrole durantdes jours”.Le 3 novembre 1952 marque la findu tournage. Enfin ! “On était loin desneuf semaines prévues !”, ironisaitVanel. Le budget final est à la mesuredu dépassement : 197 millions defrancs, soit le double de ce qui avaitété prévu un an plus tôt.

    Succès sur la Croisette. Le 15 avril1953, “Le Salaire de la peur” est pré-senté au 6e Festival de Cannes. Ensortant de la projection, l’un des jurys,le comédien Edward G. Robinson,déclare qu’il “vient de recevoir ungénial coup de pied au bas-ventre”.Quelques jours plus tard, le film reçoitle Grand prix (équivalent de la Palmed’or aujourd’hui), tandis que CharlesVanel se voit attribuer celui de la meil-leure interprétation masculine. Sortien salles la semaine suivante, le filmrécoltera un immense succès public,ses 7 millions de spectateurs permi-rent bien vite de renflouer les caissesdes coproducteurs. Bernard Bastide G

    “LE SALAIRE DE LA PEUR”,collector Dvd Blu-Ray, TF1Vidéo (sortie le 27 octobre)

    CLOUZOTCINÉASTE, José-Luis Bocquet,Marc Godin. Paris :Éd. de la TableRonde, 2012

    HENRI-GEORGESCLOUZOT,L’ŒUVREFANTÔME,Claude Gauteur.Paris : LettMotif,2017

    CLOUZOTCRITIQUE. Claude Gauteur.Paris : Séguier,2013

    LESMÉTAMORPHO-SES D’HENRI-GEORGESCLOUZOT,Cloé Folens Vendémiaire(sortie le 7 sep-tembre 2017)

    À LIREÀ VOIR

    ON DISAIT QUEMONTAND RECEVAIT

    DES MINETTES ETQUE VANEL FUMAIT

    DE L’OPIUM

    La Gazette n° 951 - Du 24 au 30 août 2017 LA VILLE EN PARLE 29De gauche à droite : Peter Van Eyck,Henri-Georges Clouzot, Folco Lulli, YvesMontand. “Clouzot a voulu faire de cecoin de terre gardoise l’un desvestibules de l’enfer où le travail deshommes est comme le tribut d’unedamnation, écrivait avec lyrisme PierreJaoul dans Midi Libre. Des sitesinhumains, des camions qui ahanent aulong de rampes impossibles, desbelvédères escarpés où des titans -torses nus - s’agrippent aux rochers”.

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  • CINÉMA CLOUZOT TOURNAIT “LE SALAIRE DE LA PEUR” DANS LE GARD

    Johnny Walker à étiquette rouge.”L’hôtel était alors dirigé par un certainM. Roux, que tout le monde appelaitfamilièrement Toto. “Son père, PaulRoux, avait été propriétaire de LaColombe d’or, à Saint-Paul-de-Vence,où Montand et Signoret s’étaient ren-contrés, puis mariés. Cela explique quetoute l’équipe soit descendue à l’hôteldu Midi plutôt qu’à l’Imperator quiétait alors le plus bel hôtel de Nîmes.”L’établissement accueillit aussi destechniciens de l’équipe. “Je me sou-viens de l’un d’eux qui faisait plus que

    flirter avec une très belle femme, lapatronne du café du Printemps…”La présence continue de cette troupe- de juin à novembre 1952 - va générerune myriade de petits faits et gestesdont René a conservé le souvenir. “Unjour, j’ai eu une petite altercation, dansun couloir, avec un extra. Le lendemain,Simone Signoret m’a interpellé pourme demander comment j’allais. C’étaitune femme très humaine.”

    BagarreLe sans-gêne bien connu des gens decinéma va provoquer un autre conflit.“Charles Vanel - qui possédait une sortede jeep - s’était garé à côté de l’hôtel.Or, à l’époque, cet emplacement étaitréservé aux cars qui desservaient lesvillages alentour. Un chauffeur de car,excédé par l’attitude désinvolte deVanel, lui a foutu son poing dans lagueule !” Tous les matins, comme unrituel, l’équipe prenait ses petits-déjeu-ners au Mazet, une salle de restaurantde l’hôtel, meublée style provençal,située à l’angle du square de la Cou-

    ronne et de la rue Notre-Dame. René va également être le spectateurprivilégié des rushes du film, projetésau cinéma Corona, square de la Cou-ronne. “Je m’asseyais dans le fond dela salle, tandis que l’équipe - une dizainede personnes tout au plus - était assisedevant. Là, j’ai eu l’occasion de voirplusieurs séquences, certaines audibles,d’autres non : celle du bain de pétrole,celle de la bagarre de Vanel et Montand,etc. Quand Montand donne un coupde pied dans les parties intimes deVanel, c’est un copain à moi, un boxeurnîmois nommé Capdeville qui a servide doublure à Vanel.”Clouzot va mêmedonner un petit rôle à Toto Roux, lepatron de l’hôtel. “Les chauffeurs dupremier camion - Folco Lulli et VanEyck - disposent, au milieu de la piste,un mouchoir tenu par quatre pierresafin de signaler un danger au camionsuivant. Un indigène vêtu d’un ponchopasse, ramasse le mouchoir et s’en sertpour saluer les passants. C’est TotoRoux qui joue l’indigène !” Propos recueillis par Bernard Bastide

    G

    ‘étais ce que l’on appelle un lou-fiat, un garçon de café travail-lant dans cet hôtel magnifique.

    L’équipe du film logeait là, mais pastous. Je me souviens surtout de CharlesVanel, un type très froid, qui passaitson temps à jouer aux dames avec Clou-zot, le réalisateur qui, lui, fumait lapipe ; de Folco Lulli, très sympathique ;de Montand, très pédant, qui était tou-jours vêtu du même maillot de corpsqu’il porte dans le film, et de SimoneSignoret, une très jolie femme mais qui,déjà à cette époque, buvait du whisky

    De la comédienne Annabella au toreroLuis Miguel Dominguin, René M. en a vubeaucoup des stars séjourner au Grandhôtel du Midi, square de la Couronne. Maisjamais comme cet été caniculaire de 1952,l’été de ses 17 ans, quand il a vu débarquerl’équipe du “Salaire de la peur”.

    La Gazette n° 951 - Du 24 au 30 août 201730 LA VILLE EN PARLE

    L’hôtel du Midi, QG de l’équipe du film

    “Le Corsario”, lebistrot de Las

    Piedras. De gaucheà droite : Jeronimo

    Mitchel (Dick), FolcoLulli (Luigi), VeraClouzot (Linda),

    Yves Montand(Mario), Peter Van

    Eyck (Bimba), DarioMoreno

    (Hernandez, lecafetier), Jo Dest

    (Smerloff). D.R.

    “J

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  • La Gazette n° 951 - Du 24 au 30 août 2017 LA VILLE EN PARLE 31

    Mario aide son amiJo, blessé à lajambe, à sortir du bain de pétrole.La scène la pluscélèbre du film. Au nom de sacro-saint réalisme,Clouzot imposa du vrai mazout.

    Charles Vanel court après le camionconduit par Yves Montand. Lesexplosifs utilisés dans le film avaientété fournis à la production par unfabriquant nîmois, les établissementsRey Frères, rue de Serbie.

    Vue d’ensemble du village de LasPiedras. Le site avait, entre 1942 et1944, accueilli un camp d’internementpour “nomades”, il a été réaménagépar l’équipe de décorateur pourressembler à un village d’Amériquecentrale, sans précision de pays pouréviter les ennuis diplomatiques.

    Henri-Georges Clouzot, accroupi dans le décor de Las Piedras, choisit, à l’aide de son viseur, le meilleur cadre pour filmer la prochaine scène. On aperçoit dans le fond, Simone Signoret, en veste à carreaux, qui assiste au tournage. HE

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