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N°1296 20 juillet 2017 Recrutement de jeunes pour une nouvelle armée dans un contexte non favorable Appel à une réaffectation des avoirs inutilisés de la Minustah pour lutter contre le choléra 700 membres élus (sur 708) aux élections indirectes pour les assemblées municipales La violence sexuelle basée sur le genre, un problème de santé publique selon MSF >> Recrutement de jeunes pour une nouvelle armée dans un contexte non favorable En l’absence d’un état-major, sans aucun cadre légal ni structure institutionnelle, le ministère haïtien de la défense décide de lancer, du lundi 17 au vendredi 21 juillet 2017, le recrutement de jeunes pour la formation d’une nouvelle armée en Haïti. En 2012 et 2013, le même régime tèt kale, alors présidé par Michel Martelly, avait envoyé une cohorte de jeunes se spécialiser en génie militaire à l’École Supérieure Militaire Eloy Alfaro (Quito, Équateur). Objectif : initier la première composante d’une nouvelle force publique militaire en Haïti. Le 9 mai 2015, une soixantaine de prétendus anciens militaires en treillis ont mis le Cap-Haïtien sous le choc et dans le doute. Le 6 février 2016, un défilé inopiné de « prétendus anciens militaires », armés et portant un uniforme vert olive, a provoqué des échauffourrées à Port-au-Prince. Le régime tèt kale, présidé par Jovenel Moïse depuis le 7 février, n’a jamais caché son projet de rétablir les forces armées démantelées en 1995. Avec un budget d’environ 535 millions de gourdes pour l’exercice 2017-2018, le ministère de la défense ambitionne de « reconquérir la souveraineté nationale » d’Haïti. Plusieurs organisations sociales et de droits humains s’inquiètent du lancement des opérations de mise en place d’une nouvelle armée « dans un contexte social plutôt précaire ». Étant donné les nombreux problèmes auxquels fait face Haïti, la création d’une nouvelle armée ne devrait pas être prioritaire, pense le coordonnateur exécutif de Tèt kole ti peyizan ayisyen (Union des petits paysans haïtiens), Rosnel Jean-Baptiste. Les fonds envisagés pour la création de la nouvelle armée devraient être utilisés pour rendre plus professionnelle la Police nationale d’Haïti (PNH), encourage t-il. « Le mot « armée » reflète une mauvaise image aux yeux des paysans et de la population », qui gardent un mauvais souvenir des anciennes Forces armées d’Haïti (FADH), dissoutes en 1995, après un parcours semé de coups d’État et d’exactions diverses. Il n’y a pas eu assez de consultations avec la population à propos du rétablissement de l’armée, déplore le Collectif Défenseurs Plus, reconnaissant toutefois son caractère constitutionnel. Les opérations se font de manière unilatérale, en dehors de tout débat, critique l’Union nationale des normaliens et éducateurs d’Haïti qui craint que cette armée devienne une milice au service des intérêts particuliers. « Cette nouvelle force armée n’a même pas un état-major, puisqu’elle a été dissoute », souligne la militante féministe Danièle Magloire, dirigeante de l’organisation Kay Fanm. Elle exprime un ensemble de préoccupations concernant la finalité de cette armée, sa formation et son effectif. En plein 21e siècle, l’armée ne peut plus se faire de la même manière qu’autrefois. Jusqu’à maintenant, l’État haïtien ne peut même pas donner à la Police les moyens nécessaires à un fonctionnement normal. Un pays ne saurait avoir d’autonomie sans une armée, considère la Coordination nationale des ouvriers haïtiens (CNOHA), redoutant néanmoins, une reproduction des erreurs du passé. Cette coordination plaide en faveur d’une armée professionnelle, disposant d’un corps de génie militaire et capable de contrôler les frontières aériennes, souterraines et maritimes d’Haïti. >> Appel à une réaffectation des avoirs inutilisés de la Minustah pour lutter contre le choléra Les États membres de l’ONU sont appelés à réaffecter leurs parts respectives du solde inutilisé de la Mission de stabilisation des Nations unies en Haïti (Minustah), au fonds d’affectation spéciale « Édition du Collectif Haïti de France 21 ter rue Voltaire | 75011 Paris | 01 43 48 31 78

Collectif Haiti de France - N°1296 20 juillet 2017 …choléra. Une résolution adoptée en assemblée générale le 13 juillet 2017, en a fait la recommandation dans la perspective

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N°1296 20 juillet 2017

• Recrutement de jeunes pour une nouvelle armée dans un contexte non favorable• Appel à une réaffectation des avoirs inutilisés de la Minustah pour lutter contre le choléra• 700 membres élus (sur 708) aux élections indirectes pour les assemblées municipales• La violence sexuelle basée sur le genre, un problème de santé publique selon MSF

>> Recrutement de jeunes pour une nouvelle armée dans un contexte non favorableEn l’absence d’un état-major, sans aucun cadre légalni structure institutionnelle, le ministère haïtien dela défense décide de lancer, du lundi 17 au vendredi21 juillet 2017, le recrutement de jeunes pour laformation d’une nouvelle armée en Haïti. En 2012 et2013, le même régime tèt kale, alors présidé parMichel Martelly, avait envoyé une cohorte de jeunesse spécialiser en génie militaire à l’École SupérieureMilitaire Eloy Alfaro (Quito, Équateur). Objectif :initier la première composante d’une nouvelle forcepublique militaire en Haïti. Le 9 mai 2015, unesoixantaine de prétendus anciens militaires entreillis ont mis le Cap-Haïtien sous le choc et dans ledoute. Le 6 février 2016, un défilé inopiné de «prétendus anciens militaires », armés et portant ununiforme vert olive, a provoqué des échauffourréesà Port-au-Prince. Le régime tèt kale, présidé parJovenel Moïse depuis le 7 février, n’a jamais cachéson projet de rétablir les forces arméesdémantelées en 1995. Avec un budget d’environ535 millions de gourdes pour l’exercice 2017-2018,le ministère de la défense ambitionne de «reconquérir la souveraineté nationale » d’Haïti.Plusieurs organisations sociales et de droits humainss’inquiètent du lancement des opérations de miseen place d’une nouvelle armée « dans un contextesocial plutôt précaire ». Étant donné les nombreuxproblèmes auxquels fait face Haïti, la création d’unenouvelle armée ne devrait pas être prioritaire,pense le coordonnateur exécutif de Tèt kole tipeyizan ayisyen (Union des petits paysans haïtiens),Rosnel Jean-Baptiste. Les fonds envisagés pour lacréation de la nouvelle armée devraient être utilisés

pour rendre plus professionnelle la Police nationaled’Haïti (PNH), encourage t-il. « Le mot « armée »reflète une mauvaise image aux yeux des paysanset de la population », qui gardent un mauvaissouvenir des anciennes Forces armées d’Haïti(FADH), dissoutes en 1995, après un parcours seméde coups d’État et d’exactions diverses. Il n’y a paseu assez de consultations avec la population àpropos du rétablissement de l’armée, déplore leCollectif Défenseurs Plus, reconnaissant toutefoisson caractère constitutionnel. Les opérations se fontde manière unilatérale, en dehors de tout débat,critique l’Union nationale des normaliens etéducateurs d’Haïti qui craint que cette arméedevienne une milice au service des intérêtsparticuliers. « Cette nouvelle force armée n’a mêmepas un état-major, puisqu’elle a été dissoute »,souligne la militante féministe Danièle Magloire,dirigeante de l’organisation Kay Fanm. Elle exprimeun ensemble de préoccupations concernant lafinalité de cette armée, sa formation et son effectif.En plein 21e siècle, l’armée ne peut plus se faire dela même manière qu’autrefois. Jusqu’à maintenant,l’État haïtien ne peut même pas donner à la Policeles moyens nécessaires à un fonctionnementnormal. Un pays ne saurait avoir d’autonomie sansune armée, considère la Coordination nationale desouvriers haïtiens (CNOHA), redoutant néanmoins,une reproduction des erreurs du passé. Cettecoordination plaide en faveur d’une arméeprofessionnelle, disposant d’un corps de géniemilitaire et capable de contrôler les frontièresaériennes, souterraines et maritimes d’Haïti.

>> Appel à une réaffectation des avoirs inutilisés de la Minustah pour lutter contre le choléraLes États membres de l’ONU sont appelés àréaffecter leurs parts respectives du solde inutilisé

de la Mission de stabilisation des Nations unies enHaïti (Minustah), au fonds d’affectation spéciale «

Édition du Collectif Haïti de France 21 ter rue Voltaire | 75011 Paris | 01 43 48 31 78

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pluripartenaires » de l’ONU pour la lutte contre lecholéra. Une résolution adoptée en assembléegénérale le 13 juillet 2017, en a fait larecommandation dans la perspective de financer lanouvelle stratégie de l’organisation internationale.Les objectifs sont de renforcer l’aide pour réduire etmettre un terme à la transmission du choléra dansle pays, améliorer l’accès aux soins, aux traitementset s’attaquer aux enjeux, à plus long terme, quesont les systèmes d’approvisionnement en eau,d’assainissement et de santé du pays ; mettre enœuvre des dispositifs d’assistance et de soutienmatériel et financier en faveur des victimes ducholéra. Un rapport détaillé sur la mise en œuvre dela nouvelle stratégie et des informations sur l’étatdu fonds d’affectation spéciale devrait être présentéà l’assemblée générale de l’ONU d’ici l’automne.Plusieurs pays, notamment le Guatemala, le Chili, etle Canada, ont accueilli favorablement l’idée de

réaffecter les ressources de la Minustah. En octobre,la Minustah sera remplacée par la Mission desNations unies pour l’appui à la justice en Haïti(Minujusth). Après maintes réticences, l’ONU avaitfini par admettre en août 2016 sa responsabilitédans l’introduction de l’épidémie du choléra en Haïti,attribuée à un contingent de militaires népalais dela force onusienne installée en Haïti depuis 2004.Consciente que l’épidémie de choléra a terni saréputation tant en Haïti que dans le reste dumonde, l’ONU dit reconnaître sa responsabilitémorale envers les victimes de la maladie et lesmembres de leurs familles. Malgré une grandecampagne de mobilisation internationale menéedepuis 2011, les victimes du choléra n’ont pasencore obtenu justice et réparation. D’octobre 2010à juillet 2017, l’épidémie a déjà fait plus de 10 000morts et 800 000 cas de personnes infectées sur leterritoire national.

>> 700 membres élus (sur 708) aux élections indirectes pour les assemblées municipalesC’est le résultat des élections locales indirectes quise sont déroulées du 10 au 14 juillet 2017, dans les140 communes d’Haïti. Des actes de vandalisme etabsences de candidatures, enregistrés lors desélections locales de janvier dans certaines sectionscommunales, constitueraient la raison pour laquellele Conseil électoral provisoire n’a pas atteintl’objectif de 708 membres. Tels sont les cas de la 8esection communale Beauséjour (Léogâne), de la 21esection communale Berly (Carrefour), de la 9e et dela 11e section communale Frangipane, Fonds desBlancs (Aquin), de la 7e section de la Grande Rivière(Jacmel), de la 6e section de Jamertie (Côtes-de-Fer), de la 5e section du Bas de Grandou (Bainet,Sud-Est), de la 4e section du haut Grandou et de la

1re section brésilienne (Bainet), a fait savoir ledirecteur exécutif du Conseil électoral provisoire,Uder Antoine. Ce processus a pu être conduit endépit d’une résolution du sénat demandant àl’exécutif d’intervenir auprès de l’organismeélectoral en vue de surseoir à l’organisation desélections indirectes. Plusieurs structures de pouvoirlocal ont rejeté la résolution du sénat. Le motif «absence de cadre légal adéquat », mis en avant parle sénat ne tient pas debout, critique l’Observatoirecitoyen pour l’institutionnalisation de la démocratie(Ocid). Du 1er au 5 août 2017, les électionsindirectes sont prévues pour les conseilsdépartementaux.

>> La violence sexuelle basée sur le genre, un problème de santé publique selon MSF Les autorités haïtiennes devraient reconnaître etaborder la violence sexuelle basée sur le genrecomme un problème de santé publique, souhaiteAmelie Janon, responsable « affaires humanitaireset plaidoyer » à la branche de Médecins sansfrontières (MSF) en Haïti. Cette considérationpermettrait d’améliorer la disponibilité des servicesmédicaux et psychologiques pour la prise en chargedes victimes de ce type de violence, et de renforcerles programmes de préventions. Sur 1300 victimesde violence sexuelle basée sur le genre soignées parMSF-Haïti, de mai 2015 à mars 2017, figurent 83%

de femmes victimes de viols. La plupart d’entre ellessont âgées de moins de 25 ans, signale le rapportde MSF, intitulé « contre leur gré : violence sexuelleet basée sur le genre contre les jeunes en Haïti ».Une bonne partie des 53% de victimes de viol etd’autres types d’abus sexuels sont des mineures,alors que 71% des enfants âgés de moins de 10 ansont subi des abus dans des endroits où ils devraientse sentir en sécurité. MSF-Haïti appelle l’État àrenforcer la disponibilité rapide et l’accessibilité dessoins médicaux et psychologiques aux victimes.(http://www.alterpresse.org/spip.php?article21864)

A lire également: • Migration : Rapatriement au Cap-Haïtien de 102 boat people haïtiens, interceptés par les garde-

côtes américains (http://www.alterpresse.org/spip.php?article21867);• Football féminin U-20 : Haïti accueille la première phase des éliminatoires de la Coupe du monde

(http://www.alterpresse.org/spip.php?article21872);• Le parti Akao dénonce une tentative de contrôle politique de l’Université d’État d’Haïti

(http://www.alterpresse.org/spip.php?article21868);• Les écrivains d’Haïti et le Prix des cinq continents : Quel est l’arbre qui cache la foret ?

(http://www.alterpresse.org/spip.php?article21873).

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