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le collège classique pour garçons

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LOUISE BIENVENUE, OLLIVIER HUBERT,

CHRISTINE HUDON

Le collège classiquepour garçons

Études historiques sur une institution québécoise disparue

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Mise en pages : Marie-Josée RobidouxConception de la couverture : Bruno LamoureuxEn couverture : © Centre d'archives Mgr Antoine-Racine/© Archives de la Côte-du-Sud et du Collège de Saint-Anne.

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Bienvenue, Louise, 1969-

Le collège classique pour garçons: études historiques sur une institution québécoise disparue

Comprend des références bibliographiques.

isbn 978-2-7621-3724-8 édition impriméeisbn 978-2-7621-3725-5 édition PDFisbn 978-2-7621-3726-2 édition ePub

1. Collèges classiques - Québec (Province) - Histoire. I. Hubert, Ollivier, 1968- . II. Hudon, Christine, 1966- . III. Titre.

LC1024.C3B53 2014 373.24109714 C2014-942282-2

Dépôt légal : 4e trimestre 2014Bibliothèque et Archives nationales du Québec© Groupe Fides inc., 2014

La maison d’édition reconnaît l’aide financière du Gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour ses activités d’édition. La maison d’édi-tion remercie de leur soutien fi nancier le Conseil des Arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC). La maison d’édition bénéfi cie du Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres du Gouvernement du Québec, géré par la SODEC.

imprimé au canada en octobre

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à Marcel, Gérald et Jean-Yves

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Remerciements

 C ette recherche a été grandement facilitée par l’aide fi nancière du Fonds de recherche du Québec — Société et culture, du Conseil de recherches en sciences humaines, de l’Institut fran-

çais de l’éducation et des fonds de démarrage rendus disponibles par l’Université de Sherbrooke.

À Sherbrooke et à Montréal, toute une équipe d’assistants de recherche a permis, au fi l des ans, de mener à bien le travail de dépouil-lement et de classement des archives et autres sources. Notre reconnais-sance va ainsi à Tania Perron, Sébastien Roy, Jonathan Fournier, Émilie Létourneau, François Morin, Guillaume Breault-Duncan, Myrthô Ouellette, Mathieu Béchard, Pascal Allard, Alexandre Blanchette, Alexis Dubois-Campagna, Guillaume LeVasseur, Emmy Côté, Pierre Meese, Frédéric Moisan, Geoff roy Bruneau, Caroline Manseau, Marie-Ève Gingras, Alexandre Voisard, Éveline Bousquet, Guillaume Fortier, Maxime Raymond-Dufour, Caroline Truchon, France Normand, Sonia Roy et Émilie Tanniou. Merci à Amélie Deschênes qui a généreusement partagé la transcription qu’elle a faite du journal de Léandre-Coyteux Prévost. Le travail d’Andréanne LeBrun doit aussi être souligné pour la préparation du manuscrit fi nal. Un remerciement particulier s’adresse, par ailleurs, à Guy Laperrière, qui est le co-auteur du chapitre 8. Nous exprimons également notre gratitude aux évaluateurs anonymes et aux membres du comité de rédaction des diff érentes revues ou collectifs où ont été publiées les versions initiales des articles qui composent en partie ce volume : la Canadian Historical Review, la Revue d’histoire de l’Amérique française, Historical Studies in Education/Revue d’histoire de l’Éducation, Histoire sociale/Social History, Mens, de même que

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le collège classique pour garçons

les ouvrages Nouvelles masculinités (?), paru aux éditions Nota Bene (2008), Temps, espace et modernités (2009) et Les fi gures du pouvoir à travers le temps (2012), publiés aux Presses de l’Université Laval, Ephemera catholiques : l’imprimé au service de la religion, paru chez Beauchesne (2012), ainsi qu’Une histoire de la sexualité au Québec au xxe siècle, publié par VLB (2012).

Cette recherche doit aussi beaucoup au travail des archivistes. À Sherbrooke, nous voulons souligner l’appui de Madame Huguette Pinard-Lachance. À Montréal, celui de Caroline Laberge, de David Émond et du responsable Marc Lacasse, à La Pocatière, celui de Fran-çois Taillon, de Pierrette Maurais et de Michel Dumais. Nous remer-cions enfi n la communauté des petites sœurs de la Sainte-Famille, en particulier les sœurs Jeannine Vachon et Lisette Martin, ainsi que la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice, en particulier messieurs Guy Charland, p.s.s, Rolland Litalien, p.s.s. et Jean-Pierre Lussier, p.s.s.

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Introduction

 R evisiter le collège classique, telle est la proposition de cet ouvrage. Ouvrir de nouveau son lourd portail de fer forgé, fran-chir le seuil de cette imposante maison pour arpenter d’un pas

curieux ses couloirs et ses parquets qui craquent. En tant qu’histo-riennes et historien issus d’une génération qui n’a pas fréquenté l’an-cienne institution, nous avons eu le goût et la volonté de reprendre le chemin des écoliers d’autrefois. Une vaste documentation et une touche d’imagination nous ont permis d’entendre la voix des élèves récitant le « rosa, rosa, rosam », de respirer l’odeur un peu grasse des cuisines du pensionnat, de voir virevolter la soutane des maîtres de salle. À partir de questions contemporaines et par la médiation de l’histoire, il s’agis-sait de nous approprier ce passé — celui de nos pères, de nos oncles ou de nos professeurs —, qui est, par procuration, un peu le nôtre aussi.

Il y aura bientôt cinquante ans que les portes des petits séminaires diocésains et autres collèges qu’on disait « classiques » se sont refermées, répondant ainsi aux vœux d’un tout nouveau ministère de l’Éducation soucieux d’entreprendre un virage radical. On tournait ainsi la page sur plus de 300 ans d’histoire, ce que ne manquaient pas de regretter les amoureux des humanités et les esprits nostalgiques. Après 1967, les anciennes maisons ont dû en eff et changer de bannière ; plusieurs se sont reconverties en écoles secondaires privées ou en cégeps.

On peut se demander aujourd’hui ce qu’il reste de ces vénérables institutions, de ces « citadelles nationales1 » où, en formant « l’honnête

1. L’expression est celle d’Étienne Parent cité par Lionel Groulx, Professionnels et culture classique, Causerie prononcée au séminaire de Sainte-Th érèse à la réunion annuelle des anciens, 2 mai 1948, p. 3.

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homme », on s’aff airait aussi à préparer la relève du clergé catholique. Loin d’être complètement disparu, le collège demeure dans l’ima-ginaire collectif encore bien vivant. Son importance symbolique se manifeste, entre autres, par sa résurgence ponctuelle dans le débat public. Il est étonnant que le collège serve encore, de nos jours, de support à des argumentations contradictoires. Il y a ceux qui évoquent le bon vieux temps des collèges où l’on ne craignait pas de transmettre à la jeunesse les beautés de la culture et de la civilisation occidentale — littérature, musique, religion, théâtre — de même que les hauts faits de l’épopée nationale. Mais il y a aussi les autres qui rejettent comme un épouvantail ce modèle désuet, élitiste — voire dangereux et oppres-sant si l’on pense aux scandales sexuels des pensionnats —, se félicitant des progrès d’une école plus ouverte, plurielle et démocratique. Avec une telle mémoire contrastée — douce-amère, pourrait-on dire2 —, le collège classique, on le constate, demeure une référence féconde que les passionnés des enjeux pédagogiques et culturels de toutes allégeances continuent d’alimenter.

L’histoire d’un projet de rechercheSi plusieurs discussions sur l’école au Québec renvoient à cet ancien modèle, ce ne sont pourtant pas les questions éducatives qui nous ont, en premier lieu, attirés vers les fonds d’archives des collèges clas-siques. C’est plutôt à la faveur d’un débat sur la masculinité que ces fabriques d’hommes d’autrefois ont d’abord suscité notre intérêt. Au début des années 2000, dans le ressac, il faut le dire, d’un mouve-ment féministe qui a profondément bouleversé les rapports de genres, les questions relatives à la condition masculine ont fait surface dans les médias. À partir d’enjeux aussi divers que la garde des enfants après divorce, l’échec scolaire des garçons et la montée de la médica-tion contre l’hyperactivité, certains ont diagnostiqué une « crise de la masculinité » qu’il fallait, d’un point de vue sociétal, s’eff orcer de résoudre. Si tous ne s’entendaient pas sur la gravité du problème et sur le nouveau statut de victime, revendiqué par certains groupes, pour désigner l’homme contemporain, force était d’admettre l’intérêt d’une

2. C’est ce qu’évoque le sous-titre du livre de Claude Corbo, La mémoire du cours classique. Les années aigres-douces des récits autobiographiques, Outremont, Éditions Logiques, 2000, 446 p.

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Introduction

réfl exion plus approfondie sur la socialisation des garçons. Si on ne naît pas femme, qu’en était-il des garçons ? Par quelle alchimie particulière devenaient-ils des hommes ? La chose s’est mise à intéresser plus sérieu-sement les professionnels – psychologues, pédagogues, médecins — et les spécialistes des sciences humaines. La discipline historique, bien sûr, s’est vue directement interpellée par ces graves questions : y a-t-il des constantes anthropologiques à l’identité masculine ou est-ce que chaque société fabrique, à loisir, ses propres modèles d’hommes ? C’est ainsi que plusieurs historiographies nationales — France, Angleterre, États-Unis, Australie, Afrique du Sud, etc. — se sont mises à l’étude de la masculinité. Nous avons emboîté le pas, en nous tournant spontané-ment vers l’une des pépinières canoniques du masculin au Québec, le collège classique. Il s’agissait de soupeser l’impact de cette pédagogie exigeante et de cette discipline stricte sur les intelligences et les person-nalités, de saisir aussi l’infl uence d’une formation catholique dispensée exclusivement par des prêtres sur plusieurs générations de garçons de l’élite. Nous nous intéressions également au phénomène de l’internat, véritable épreuve initiatique d’arrachement à la famille, comme incu-bateur particulier.

Si notre curiosité, centrée en premier lieu sur l’identité masculine, s’est ensuite élargie à d’autres facettes de l’histoire collégiale, c’est que le genre ne se comprend véritablement que dans ses rapports au social, au national et au religieux. C’est aussi parce qu’au contact des sources, le collège s’est révélé sous un jour beaucoup plus complexe et changeant que nous l’avions anticipé. Sa mission de défense du fait français, par exemple, ne semblait pas aussi ancienne et invariablement dominante qu’on avait pu le croire. Les aspects plus libéraux de son projet éducatif ainsi que sa perméabilité relative aux réalités « du siècle » étaient égale-ment des composantes de la réalité collégiale auxquelles les archives donnaient accès et que nous souhaitions approfondir. Renverser de bout en bout les interprétations généralement admises par une atti-tude exagérément iconoclaste n’était toutefois pas la fi nalité de notre démarche. Nous aurions eu tort, en eff et, de forcer la thèse d’un collège libéral, ouvert sur la société et le marché. Sans nier les continuités évidentes qui caractérisent l’institution étudiée – son ancrage dans une tradition éducative européenne, son corps professoral essentiel-lement composé de prêtres, son statut longtemps maintenu d’unique voie d’accès aux études universitaires —, sans nier, même, les lourdeurs

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qui pèsent sur elle, nous avons cherché à déceler les préoccupations nouvelles qui émergent tout au long de son histoire et à identifi er celles qui se font moins pressantes avec les années. Ces investigations nous ont conduits à réviser l’image trop monolithique qui est encore véhi-culée de nos jours à propos du collège dit « classique ». Pour être traités convenablement, de tels enjeux commandaient aussi l’exploration plus empirique de cohortes d’élèves de manière à mieux soupeser le rôle des collèges québécois dans la production et la reproduction des structures de classes. Certains coups de sonde, partiels mais révélateurs, ont ainsi permis de formuler des hypothèses plus précises quant au rôle évolutif de l’institution dans la formation des élites québécoises. Penser le collège, en d’autres termes, c’est toujours aussi penser le pouvoir et sa distribution changeante au sein de la Nation et de la société.

Les sources d’une enquêteLes études sur le collège québécois qui sont réunies dans ce livre recomposent, de manière un peu discontinue, une trame historique longue qui s’amorce au xviiie siècle et s’achève avec la fi n de l’institu-tion, dans le contexte de la Révolution tranquille. Pour documenter l’univers du collège classique masculin, les archives de cinq institutions situées dans diverses régions du Québec ont été mises à contribution : le collège de Nicolet, créé en 1803, le collège dirigé par les sulpiciens à Montréal à partir de 1773, le séminaire de Saint-Hyacinthe, fondé en 1811, le collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, qui tient ses premières classes en 1829 et, enfi n, le collège de Sherbrooke, inauguré en 1857 avec une vocation industrielle puis transformé en séminaire diocésain en 1875. Nous avons voulu, de cette façon, faire l’histoire de l’éducation dans les institutions dirigées par des prêtres séculiers, mettant délibé-rément de côté les collèges jésuites que l’on connaît déjà mieux3.

Comme la plupart des collèges québécois, les cinq institutions rete-nues pour cette étude ont été fondées à l’initiative de curés, d’évêques ou de communautés religieuses, souvent avec l’appui de la notabi-

3. Voir, par exemple, Jean Cinq-Mars, Histoire du collège Sainte-Marie de Mont-réal, 1848-1969, Montréal, Hurtubise HMH, 1998 ; Catherine Pomeyrols, « La forma-tion scolaire » dans Les intellectuels québécois : formation et engagements, 1919-1939, Paris, L’Harmattan, 1996, chapitre 3 et Claude Corbo, Les jésuites québécois et le cours classique après 1945, Québec, Septentrion, 2004.

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Introduction

lité locale. Quatre d’entre eux sont situés dans des villes de petite ou moyenne taille, érigées en siège épiscopal aux xixe et xxe siècles. Seul le collège de Montréal, l’un des plus anciens, le plus français et, sans doute aussi, le plus renommé des cinq, s’inscrit au cœur d’une grande ville. Complétant notre corpus, quelques romans, des traités pédagogiques, des brochures et des périodiques, ainsi que plusieurs mémoires et auto-biographies d’anciens collégiens nous ont aussi renseignés sur l’expé-rience du collège et sur la représentation de celui-ci dans la culture québécoise.

Un modèle séculaireLes collèges classiques québécois sont les héritiers d’un modèle péda-gogique séculaire, né à la Renaissance, qui s’imposa partout à travers l’Europe et, par l’expérience coloniale, à travers le monde. Son dessein est de transmettre aux garçons issus des milieux favorisés l’huma-nisme chrétien, une synthèse des connaissances révélées par la Bible et des savoirs conservés de l’Antiquité profane. Cette culture classique conquérante est défi nie par opposition à la culture populaire, tissée prétendument d’inconnaissance et d’irrationalité4. Les collèges sont donc chargés de faire exister une séparation culturelle tranchée entre le monde des élites et celui du peuple, et de permettre la production d’un ordre dans lequel une minorité distinguée domine une masse inculte. Tant que cette production culturelle des hiérarchies sociales fonc-tionne, c’est-à-dire jusqu’au milieu du xxe siècle, les collèges sont donc des institutions aristocratiques et bourgeoises. Les classes dominantes assoient leur pouvoir sur le mépris de la culture populaire et forgent leur conscience dans la propriété commune d’une culture lettrée trans-nationale. Françaises ou anglaises, catholiques ou protestantes, nobles ou bourgeoises, cléricales ou laïques, militaires ou civiles, économiques ou politiques, les élites partagent un bagage constitué de latin, de spiri-tualité chrétienne, d’auteurs gréco-latins, de rhétorique, d’une même expérience de l’eff ort intellectuel et de la discipline de vie. Les collèges classiques québécois représentent en dernière analyse la version locale du système distinctif et particulier que s’aménagent partout les bour-

4. Robert Mandrou, Magistrats et sorciers en France au xviie siècle : une analyse de psychologie historique, Paris, Seuil, 1980.

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geoisies et les aristocraties et qui s’implante progressivement dans les sociétés européennes à partir du xvie siècle.

Sur un plan pédagogique et institutionnel, ils doivent être généalo-giquement rattachés à l’histoire de l’enseignement élitaire européen. Dès le xve siècle, les frères de la vie commune, installés aux Pays-Bas, inventent la notion de classes, c’est-à-dire une répartition des élèves en huit groupes de niveau, tandis que, dans les écoles populaires, les enfants sont assemblés sous l’autorité d’un seul maître dans des ensembles pléthoriques confondant tous les âges et toutes les aptitudes. Cette innovation est captée au siècle suivant par plusieurs collèges parisiens, ce qui engendre une première standardisation de pratiques pédagogiques et disciplinaires qui ordonneront encore largement la vie des collégiens québécois au xxe siècle. Elles convergent vers un objectif : porter les jeunes à un haut niveau de compétence en les immergeant dans un dispositif qui les encadre considérablement : petits groupes, horaires serrés, émulation par une série d’examens et de récompenses, sanction impitoyable des manquements. Ce régime exigeant, corres-pondant à des attentes élevées, donne aux études collégiales les allures d’une épreuve initiatique de longue haleine et établit leur renommée. On réclame des élèves beaucoup de mémorisation (qui procure juste-ment aux élites la réputation d’être « cultivées »), mais on leur propose aussi des « exercices » (productions écrites et prestations orales) qui les préparent bien à l’exercice de l’autorité par la maîtrise du discours.

Ce programme éducatif nouveau, performant, est également fort coûteux et ne peut, dans un premier temps, s’imposer que dans les villes européennes les plus prospères. Ailleurs, dans les villes moyennes, des maisons hybrides ne donnent qu’une partie du cursus à une clientèle ténue et instable, et continuent pour l’essentiel d’obéir au modèle de l’enseignement commun livré à un groupe disparate par des maîtres surchargés. Pourtant, l’accroissement des besoins en personnel de l’État et des Églises, conjugué à l’enrichissement de couches sociales montantes liées à l’intensifi cation du commerce, favorise l’extension continuelle du maillage des établissements capables de proposer à un nombre grandissant de jeunes les bases de la culture humaniste. Cette expansion est à peu près constante depuis le xvie siècle jusqu’au xxe siècle, et la constitution du réseau des collèges classiques québé-cois participe de ce phénomène, à la fois cause et symptôme du grand mouvement d’affi rmation des classes bourgeoises dans l’histoire.

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Introduction

L’anthropologie humaniste accorde une place déterminante à l’ado-lescence, âge de la vie regardé comme étant le plus décisif d’une exis-tence5. Bien encadré, l’adolescent peut croître à l’abri du mal et devenir un individu exemplaire. Livré à lui-même, il risque au contraire de gâcher ses potentialités, car sa personnalité imparfaite est off erte à toutes les infl uences. Cette conception du cheminement humain fait donc du passage par un collège un facteur de suprématie non seule-ment culturelle, mais aussi morale6. Pour l’Église catholique, le collège devient de ce fait un enjeu crucial. D’une part, elle doit faire en sorte que la relève cléricale y soit élevée afi n d’assurer la régénération du sacerdoce (c’est la raison pour laquelle les collèges catholiques, bien que très ouverts aux laïcs dans la plupart des cas, s’affi chent souvent sous le nom de « petits séminaires »). D’autre part, la capacité de l’Église à élever la jeunesse bourgeoise dans la vertu devient le critère fonda-mental de sa légitimité, d’autant que les meilleurs établissements euro-péens sont d’abord protestants. En riposte, Ignace de Loyola ouvre à Rome, en 1551, un collège qui sera le prototype des collèges catholiques à venir. Au moment où ils inaugurent une maison à Québec, au milieu du xviie siècle, les jésuites en administrent déjà une soixantaine en France seulement7. Un siècle plus tard, ils dirigent plus de 600 établis-sements, dont une centaine sont situés hors d’Europe8. L’infl uence de la compagnie de Jésus tient encore au fait que d’autres communautés de prêtres copient leur méthode, le Ratio studiorum, assemblé à la fi n du xvie siècle, et fondent des maisons à leur exemple. Le réseau catholique est rapidement assez dense pour que presque tous les garçons issus des milieux favorisés y aient accès.

5. Voir à cet égard : « Une institution nouvelle : le collège », deuxième chapitre de la deuxième partie du classique de Philippe Ariès, L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, Paris, Plon, 1960.

6. C’est ainsi que les sociétés européennes prirent l’habitude d’associer la pauvreté au vice et la richesse à la vertu.

7. Marie-Madeleine Compère et Dominique Julia, « Les collèges sous l’Ancien Régime : présentation d’un instrument de travail », Histoire de l’éducation, 13 (1981), p. 13.

8. Antonella Romano, « Les collèges jésuites dans le monde moderne (1540-1772) », Communications, 72 (2002), p. 130.

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Dissémination et aff aiblissement du cours classiqueAu xixe siècle, l’institution collégiale connaît une nouvelle phase de croissance dans les pays qui bénéfi cient d’une poussée économique. Dans les villes, l’accumulation du capital garantit aux institutions une clientèle fortunée et fi dèle qui leur permet de dominer le réseau. Mais, au-delà, l’élargissement du réseau, par la colonisation toujours plus dense des territoires nationaux et l’ouverture aux élites rurales, correspond à une certaine érosion du modèle hérité de la Renais-sance. En France, par exemple, une constellation de modestes établis-sements, publics et privés, laïques ou religieux, inculquent le latin à bas coût dans les petites villes de province, mais, comme ce sera aussi le cas au Québec, les humanités ne sont en fait convenablement enseignées que dans les agglomérations d’importance, dans les lycées privilégiés par les républicains ou dans les grands collèges catholiques qui conservent la confiance des bourgeoisies traditionnelles9. Aux États-Unis pareillement, les vénérables et prestigieuses fondations protestantes et catholiques défendent avec ardeur l’intégrité du cours classique et gardent la faveur des élites dominantes10, mais la majorité des latinistes fréquentent en fait des institutions neuves, qui fl eurissent partout pour répondre à la demande des familles récemment et peti-tement enrichies. Ces maisons implantées en milieu rural adaptent leur off re à la demande de sociétés locales relativement peu diff éren-ciées : les humanités y sont transmises, imparfaitement, à côté de cours commerciaux, agricoles ou industriels qui drainent souvent la majorité des inscrits11.

La dissémination de la culture humaniste se fait donc au prix d’une certaine dégradation du modèle pédagogique qui avait été conçu pour en assurer la transmission idéale. En fait, le siècle voit une mutation considérable de la formation professionnelle, qui fait de plus en plus de place à la scolarisation, au détriment de l’apprentissage. Or, l’éducation classique s’était toujours défi nie comme anti-utilitaire et généraliste. Le caractère bâtard de la plupart des petits collèges du xixe siècle refl ète

9. Antoine Prost, Histoire de l’enseignement en France, 1800-1967, Paris, Colin, 1968, p. 37.

10. L’historiographie fait du Yale Report de 1828 le texte de référence du conser-vatisme éducatif américain.

11. Roger L. Geiger, « Th e Era of Multipurpose Colleges in American Higher Edu-cation, 1850-1890 », dans Roger L. Geiger, dir., Th e American college in the nineteenth century, Nashville, Vanderbilt University Press, 2000, p. 127-152.

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Introduction

par conséquent les ambivalences de leurs clientèles face à l’humanisme et les tentatives des directions pour ménager la chèvre et le chou. Elles espèrent ainsi contrer la montée en puissance de l’enseignement public qui, depuis l’élémentaire, étend progressivement ses activités pour former un réseau dynamique, adapté aux besoins des administrations. La crise est d’autant plus grave que, partout, les élites établies, qui soutiennent les collèges urbains et les maisons solidement implantées, partagent les doutes des classes moyennes et des notabilités rurales. Tout en étant conscientes du fait que l’aura qui continue d’entourer la culture classique constitue un puissant ressort de légitimation, tout en appréciant le rôle du pensionnat dans la formation de l’habitus distingué nécessaire à l’exercice du pouvoir, elles sont divisées sur la question de l’adaptation du cours au monde professionnel et aux savoirs modernes. C’est, dans leur cas, par le haut de la hiérarchie éducative que les collèges classiques se trouvent menacés. Les progrès de l’université, et de l’ordre supérieur en général, remettent en cause la situation symbolique des collèges, dans la mesure où ils ne repré-sentent plus l’aboutissement normal des études dans la bourgeoisie. Par ailleurs, l’université est fondée sur une logique de spécialisation, en totale contradiction avec le vieil idéal de l’homme universel. Se pose alors la question de l’arrimage des deux niveaux d’enseignement.

Les solutions apportées à ces divers défi s, et les réponses données à ces demandes contradictoires, sont elles-mêmes multiples et chan-geantes, jusqu’à ce que la massifi cation des années 1960 emporte avec elle à peu près tout de l’auguste modèle hérité de la Renaissance et des réformes. L’esprit modernisateur et démocratique souffl e particuliè-rement fort aux États-Unis, où les collèges classiques sont, à la fi n du xixe siècle, fortement concurrencés sur leur propre terrain par les high schools qui enseignent le latin et font admettre leurs diplômés dans les universités. La logique du marché s’applique et les anciens bastions humanistes modernisent leurs programmes pour survivre. Ils trouvent une niche dans l’enseignement des rudiments des matières universi-taires, off rant une transition entre la formation générale du secondaire et la spécialisation caractéristique du supérieur. En France, la réforme de 1902 organise un secteur secondaire en deux cycles, ce qui permet la reconnaissance des cursus de moyenne durée. Dans le cycle supérieur, on inaugure une fi lière sans latin qui possède théoriquement la même

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valeur que les sections classiques12. Ces dernières restent pourtant, malgré les vociférations exaspérées de générations de réformateurs républicains dans ce pays, privilégiées par les familles jusque dans les années 196013. Au Canada, le confessionnalisme et le traditiona-lisme dominent longtemps l’enseignement classique et l’État intervient peu dans ce domaine. Les collèges anglo-protestants suivent un plan d’étude conservateur importé du Royaume-Uni (le unreformed Oxford) et imposent un cadre disciplinaire dont la rigueur n’a rien à envier à celui qui est utilisé dans établissements franco-catholiques. Dans les années 1860 toutefois, le cours classique donné à McGill s’ouvre consi-dérablement aux sciences et aux langues modernes. La modernisation va plus loin encore à Toronto, où l’on permet aux élèves, jusqu’à un certain point, de composer leur propre formation à partir d’une banque de cours semi-optionnels14. Par ailleurs, le système en vigueur dans le monde anglophone off re, comme en France, la souplesse d’un secon-daire divisé en deux cycles.

Le développement du réseau québécoisLa mise en place des collèges classiques au Québec est pour sa part relativement bien connue depuis les travaux de Claude Galarneau15. Tous les collèges connaissent en eff et des débuts modestes, dans des bâtiments assez rudimentaires avec un personnel très réduit. Au fur et à mesure que l’on avance dans le xixe siècle, l’institution du collège se structure, les installations s’agrandissent, l’espace se spécialise, le corps enseignement s’accroît tandis que les programmes s’adressent à des clientèles plus homogènes du point de vue de l’âge.

Les premiers collèges sont urbains. L’ouverture du petit séminaire de Québec relance en 1765 l’éducation classique dans la colonie après

12. À ce sujet, Nicole Hulin, L’enseignement et les sciences. L’exemple français au début du xxe siècle, Paris, Vuibert, 2005, chapitre 3.

13. Jean-Noël Luc, « À la recherche du “tout puissant empire du milieu”. L’histoire des lycées, du Second Empire au début du xxie siècle », dans Jean-Noël Luc, Pierre Caspard et Philippe Savoie, dir., Lycées, lycéens, lycéennes. Deux siècles d’histoire, Paris, Institut national de recherche pédagogique, 2004, p. 21.

14. Robin Sutton Harris, A history of higher education in Canada, 1663-1960, Toronto, University of Toronto Press, 1976, p. 42-43.

15. Claude Galarneau, Les collèges classiques au Canada français (1620-1970), Montréal, Fides, 1978.

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Introduction

la fermeture du collège des jésuites qui avait vu le jour au xviie siècle. À Montréal, le collège Saint-Raphaël, fondé en 1773, est victime d’un incendie. En 1806, les sulpiciens inaugurent un petit séminaire pour le remplacer16. Les collèges ruraux commencent à essaimer à la même époque. Le premier d’entre eux voit le jour à Nicolet.

En 1803, une vingtaine de garçons, les uns âgés d’une douzaine d’années, les autres en ayant 15 ou 16 biens comptées, franchissent la porte de la grande maison léguée par l’ancien curé Brassard pour l’ouverture d’une école. Tous ont revêtu le costume du collégien, qui est aussi celui de l’honnête homme de l’époque : une redingote bleue — le capot — cintrée d’un ceinturon de laine. Remarqués par messire Raimbault, curé de Nicolet, ou par quelque autre prêtre du voisinage, ils sont venus étudier le latin, le français, l’arithmétique, l’histoire sainte, le catéchisme.

L’école dans laquelle s’installent ces jeunes latinistes est encore bien petite. Une salle tient lieu de dortoir, une autre de réfectoire, une troisième de classe. Un jeune prêtre, frais émoulu du séminaire, et un « ecclésiastique », qui termine en parallèle ses études théologiques, assistent le curé de la paroisse dans les tâches d’enseignement. La ménagère du presbytère, mademoiselle Houtelas, vient régulièrement visiter les élèves et organise parfois à leur intention de petites veillées. Mais en dépit de cette proximité et du caractère quasi familial de la maisonnée, cette école rudimentaire propose un régime de vie qui tranche avec celui de l’univers domestique d’où sont issus les écoliers. Ils sont désormais soumis à un règlement préparé par l’évêque de Québec qui leur impose d’être sages, d’étudier avec application, de manger en silence, de jouer sans se tirailler et de maintenir leurs habits propres. En même temps que le savoir, les élèves du curé Raimbault développent leur piété, acquièrent les bonnes manières et une hygiène de vie.

Le legs de l’abbé Brassard préfi gure d’autres initiatives ecclésias-tiques en faveur de l’éducation. En 1805, 1811 et 1827, les curés Cher-rier, de Saint-Denis, Girouard, de Saint-Hyacinthe, et Painchaud, de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, ouvrent des écoles semblables à celle de Nicolet. En 1825, leurs confrères de Sainte-Th érèse et de Chambly

16. Ollivier Hubert, dir., « Petites écoles et collèges sulpiciens » dans Dominique Deslandres, John A. Dickinson et Ollivier Hubert, Les sulpiciens de Montréal. Une histoire de pouvoir et de discrétion, Montréal, Fides, 2007, 413-426.

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font de même. Le curé de l’Assomption, fort de l’appui de la notabilité locale, en particulier du médecin Jean-Baptiste Meilleur, met aussi sur pied un petit collège en 1832. Les villages qui ont vu naître ces établis-sements jouissent d’une relative prospérité. Le revenu confortable que leurs curés en tirent ainsi que les nombreux dons de bienfaiteurs laïcs donnent des assises fi nancières à ces projets d’éducation.

Toutes ces initiatives sont marquées d’une même intention de susciter des vocations sacerdotales et de contribuer, par ailleurs, à la formation de l’élite canadienne. À cette époque, la relève cléricale est bien maigre ; plusieurs paroisses sont laissées sans curé faute de ressources ecclésiastiques suffi santes17. L’infl uence des Lumières, le développement économique, puis la démocratie naissante instaurée par l’Acte constitutionnel de 1791, font aussi sentir le besoin d’une jeunesse masculine éduquée. Il s’agit donc pour ces prêtres entreprenants – les Raimbault, Girouard, Painchaud et consorts – et pour les élites locales, qui soutiennent les projets, de permettre aux garçons pieux et talentueux d’étudier dans leur milieu d’origine. Pour les jeunes ruraux sur qui pèsent des projets d’avenir professionnel ou sacerdotal, l’exil vers la grande ville n’est plus nécessaire18. À Québec et à Montréal, les établissements tenus par les prêtres des séminaires connaissent quant à eux une évolution similaire à celle des grands collèges européens. Ils se dotent progressivement de tous les attributs qui font partout la gloire de ces institutions : spécialisation dans l’enseignement des huma-nités gréco-latines, professeurs expérimentés, encadrement poussé des élèves dans des internats bien administrés et bibliothèques fournies.

Vingt-six collèges ouvrent leurs portes au Québec entre 1803 et 190019. Une majorité d’entre eux sont localisés dans des petites villes ou, même, des villages : Nicolet, Saint-Hyacinthe, Sainte-Thérèse, L’Assomption, Chambly, La Pocatière, Rigaud, Joliette, Rimouski. Au départ, ce sont de très modestes bâtiments, qui accueillent, parmi leurs élèves, plusieurs externes. En 1880, 19 collèges donnent un enseigne-ment dit classique auquel s’ajoute, dans de nombreux cas, un cours commercial ou industriel qui représente souvent l’essentiel de leurs

17. Serge Gagnon, Quand le Québec manquait de prêtres. La charge pastorale au Bas-Canada, Québec, Presses de l’Université Laval, 2006, 414 p.

18. Sur la constitution de cette sociabilité au Québec : Serge Courville, Entre ville et campagne : l’essor du village dans les seigneuries du Bas-Canada, Québec, Presses de l’Université Laval, 1990.

19. C. Galarneau, Les collèges classiques…, op. cit., tableau en annexe.

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activités. En 1930, le Québec compte 32 collèges classiques. En 1950, il y a en a 58. La clientèle de ces établissements est, d’une certaine manière, diversifi ée20. Les listes d’inscrits livrent en eff et les noms de fi ls d’arti-sans, de commerçants ou de paysans qui côtoient, sur les bancs d’école, la jeunesse bourgeoise. Cette apparente ouverture aux divers milieux sociaux ne doit cependant pas faire oublier qu’une minorité seulement de garçons en âge de fréquenter l’institution — 5 % à 6 % au milieu du xxe siècle21, encore moins au xixe siècle — y ont dans les faits étudié. En outre, les enfants du peuple sont sous-représentés au collège en regard de leur poids dans la société, et ils appartiennent généralement aux franges les plus à l’aise des couches populaires plutôt qu’aux milieux les plus démunis22. Dans l’ensemble, les itinéraires scolaires des fi ls de la petite notabilité et des classes populaires sont plus courts que ceux des enfants nés dans la vraie richesse. Ils sont, de surcroît, habituel-lement réalisés dans les fi lières les moins prestigieuses. Comme dans les établissements européens et américains, le cours latin off re pour sa part un taux de persévérance assez bas23.

Des milieux de vieDans les premières décennies du xxe siècle, les bâtiments rudimen-taires des débuts ont fait place à des constructions plus grandes et plus élaborées, entourées de jardins et de sentiers que bordent de grands arbres et quelques statues de la Vierge, du Sacré-Cœur ou de saint Joseph. Plusieurs d’entre elles sont ceinturées de murailles, de clôtures, de grilles ou de haies très denses qui protègent l’enceinte des visites

20. Le découvreur de cette diversité est le jésuite français François de Dainville dont les principales productions ont été regroupées dans : L’éducation des jésuites, Paris, Éditions de Minuit, 1978. Elle a été confi rmée pour le Québec notamment par Claude Galarneau, (Les collèges classiques…, op. cit., p. 141-157), Claude Lessard (Le Séminaire de Nicolet, 1803-1969, Trois-Rivières, Éditions du Bien public, 1980, p. 165-180) et Félix Bouvier (Histoire du Séminaire de Mont-Laurier. Formation d’une élite et d’une classe moyenne, Montréal, Fides, 2005, chapitre 9).

21. Th omas Tremblay, dir., Rapport de la Commission royale d’enquête sur les problèmes constitutionnels, Québec, Province de Québec, 1956, p. 140, 196-197.

22. Au xixe siècle, par exemple, de nombreux fils d’agriculteurs deviennent prêtres. Leur représentation est imposante parmi les fi nissants mais insignifi ante si on la rapporte à l’importance démographique de la paysannerie.

23. Marie-Madeleine Compère, Du collège au lycée (1500-1850), Paris, Gallimard, 1985, p. 157-158.

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impromptues et des regards curieux, tout en limitant le territoire et l’horizon des pensionnaires. L’architecture scolaire, sans se fondre dans un modèle unique, a acquis certains traits caractéristiques. Bon nombre d’établissements en briques ou en pierres grises sont dotés de façades monumentales, de clochers, de tours ou de colonnes. À l’inté-rieur, les corridors sont souvent très larges, les escaliers, imposants. Certains comportent plusieurs ailes ou pavillons qui témoignent des agrandissements opérés au fi l des années. Les avancées technologiques, graduellement introduites dans les internats, assurent un plus grand confort24. L’éclairage au gaz, puis à l’électricité enlumine les pièces depuis la fi n du xixe siècle. Grâce au chauff age central, les dortoirs sont devenus plus tempérés ; le réveil, au matin, un peu moins pénible, et le froid ne viennent plus amoindrir la concentration des élèves dans les salles d’études et les classes. L’espace s’est organisé, s’est spécialisé, s’est compartimenté tout en révélant et en affi rmant, notamment par le biais du mobilier et des ornements architecturaux, les hiérarchies internes. Il y a des lieux pour dormir et manger, d’autres pour prier, étudier et s’amuser ; certains sont réservés au personnel enseignant, d’autres aux religieuses ou aux domestiques chargés des travaux d’en-tretien. Les entrées, les couloirs et les locaux sont organisés de façon à limiter le plus possible les contacts entre les pensionnaires et les élèves externes. Tandis que dans la seconde moitié du xixe siècle, la montée de l’alphabétisation et l’augmentation de la fréquentation scolaire ont eu pour eff et de rendre les classes plus homogènes du point de vue de l’âge, une ségrégation croissante a distingué grands et petits, du moins dans les établissements comptant quelques centaines d’élèves. Dès lors, les rapports entre les uns et les autres ont fortement été restreints. Même les murs intérieurs des écoles servent à instiller des valeurs. Les portraits des fi gures fondatrices, les galeries de photos de supérieurs et les mosaïques de fi nissants proposent des modèles de dépassement, en plus d’inscrire le passage de chaque élève dans une longue lignée de collégiens et de nourrir le sentiment d’attachement à l’institution. Dans cet univers spatial très structuré, chacun apprend à tenir sa place, et prend peu à peu conscience des attentes et des espoirs dont il fait l’objet.

24. Sur ces transformations, lire Emmy Côté, « Le collège classique comme espace de vie : l’exemple de Sainte-Anne-de-la-Pocatière (1860-1922) », mémoire de maîtrise (histoire), Université de Sherbrooke, 2012.

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Le pensionnat comme expérience initiatiqueUn creuset, mais aussi une épreuve, celle de l’arrachement au milieu familial : c’est ce qu’évoque, pour plusieurs, le collège classique qui, longtemps, rime avec internat. Par un savant mélange de mesures incitatives et de mesures dissuasives, grâce aussi aux discours promo-tionnels et aux eff orts de recrutement de certains curés qui vantent la qualité de l’éducation intégrale off erte par le pensionnat, celui-ci en vient à toucher une proportion croissante et massive des eff ectifs étudiants. La clientèle du collège sulpicien de Montréal, formée d’une majorité d’externes avant 1830, est largement dominée par les pension-naires à la fi n des années 1850 : autour de 70 % de l’eff ectif scolaire de cette institution appartient désormais à cette catégorie. Le collège Saint-Charles-Borromée de Sherbrooke ouvre son pensionnat en 1876, un an après sa fondation, en partie parce que les parents réclament ce type de service. Le nombre de pensionnaires grimpe alors rapi-dement : ce sont 60 % des élèves qui ont ce statut en 1883, autour de 80 % en 1910. Il faut dire que l’ouverture de l’internat s’accompagne de l’obligation imposée aux familles qui ne résident pas à Sherbrooke d’y inscrire leur fi ls si elles souhaitent qu’il fréquente le collège. Même en milieu rural, l’irrépressible montée de l’internat est perceptible. En campagne, de nombreux élèves vivent trop loin de l’école pour être en mesure de rentrer chez eux en fi n de journée. Toutefois, au début du xixe siècle, plusieurs jeunes logent au village plutôt qu’au collège. Dans ces milieux, l’essor du pensionnat est le résultat conjugué des eff orts pour promouvoir les bienfaits de ce dispositif éducatif et des stratégies pour encadrer, limiter ou même interdire le statut d’externe ou les statuts connexes de demi-pensionnaire et de quart-pensionnaire. En 1920, ce sont désormais 80 % des 644 élèves de Sainte-Anne qui sont pensionnaires. Et cette proportion continue d’augmenter par la suite : elle atteint 85 % en 1945, puis se maintient à ce niveau — le dépasse même certaines années — jusqu’en 1960.

Les exceptions à ce modèle du collège pensionnat sont peu nombreuses avant les années 1930. Au xixe siècle, Sainte-Marie, un collège jésuite fondé à Montréal en 1848, compte, en plus de ses pensionnaires, une bonne proportion d’externes ; au xxe siècle, quelques institutions n’accueillent que des externes. Le premier d’entre eux, le collège André-Grasset, création sulpicienne, ouvre ses portes en 1927. Dans sa foulée, d’autres externats sont créés dans les années qui suivent.

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Cette valorisation du pensionnat découle de l’idée qu’il faut sortir l’enfant de son milieu familial pour le faire grandir. Selon une logique de délégation, les familles confi ent leurs fi ls à des institutions d’ensei-gnement qui prennent en charge la formation académique, religieuse et morale des jeunes, ainsi que les activités de loisirs. Elles poursuivent un double objectif d’instruction et de socialisation, et leur permettent d’acquérir une culture et une identité secondes. Des prêtres s’y substi-tuent à l’infl uence et au pouvoir de la famille, et complètent l’apprentis-sage des rôles propres au sexe, à l’état et au rang social des hommes en devenir dont ils ont la charge. À la diff érence de la pédagogie actuelle toute centrée sur les besoins de l’enfant, attentive au rythme de chacun et répondant à la demande du milieu, le collège mise sur la rupture, l’émulation et l’endurcissement. Il est donc aussi une école de la virilité. Jusqu’en 1908 en eff et, année qui marque l’ouverture, à Montréal, de l’école d’enseignement supérieur pour jeunes fi lles par mère Sainte-Anne-Marie de la Congrégation de Notre-Dame, l’enseignement clas-sique reste une prérogative masculine. Même après cette date, les fi lles sont beaucoup moins nombreuses à avoir accès au cours classique. Pour elles, la plupart des communautés religieuses enseignantes ont plutôt conçu des programmes permettant de développer les qualités et les aptitudes « féminines » de manière à en faire des épouses et des mères attentives aux besoins des leurs25.

Le Québec, bastion du classicisme ?En comparaison des établissements européens, américains et cana-diens-anglais qui, à la fi n du xixe siècle, évoluent pour s’adapter aux divers changements sociaux, éducatifs et économiques, les collèges catholiques du Québec semblent se constituer en héroïques citadelles de l’humanisme stationnaire et de la reproduction sociale. La question de leur place dans la nouvelle structure scolaire qui se dessine se règle à leur plus grand profi t. Ils obtiennent en eff et le monopole de la prépa-ration au baccalauréat, diplôme nécessaire pour accéder à l’université et aux professions libérales. La prépondérance de l’internat et la perpétua-tion du long cursus de huit années constituent, en théorie, un barrage

25. Micheline Dumont et Nadia Fahmy-Eid, Les couventines. L’éducation des fi lles au Québec dans les congrégations religieuses enseignantes 1840-1960, Montréal, Boréal, 1986, 315 p.

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dressé contre l’accès des classes moyennes aux positions dirigeantes, ce qui est de plus en plus ressenti comme une perversion de l’idéal méritocratique. Quant au cours lui-même, les progrès des sciences exactes, expérimentales et sociales, mais aussi de la philosophie, ne cessent d’en démontrer l’obsolescence. Les collèges classiques, naguère sources de fi erté nationale, représentent désormais pour beaucoup un frein au développement du Québec plutôt que les gardiens d’un trésor qui, ailleurs, s’épuise. En réponse à ces critiques, les établissements s’organisent en un lobby opposé à tout changement, du moins dans son discours offi ciel.

La frustration porta cependant les pourfendeurs des humanités, qui furent nombreux et ardents, à exagérer l’immobilisme de leurs adversaires, le caractère indu de leur privilège et le retard du secteur par rapport aux autres sociétés avancées. En fait, la continuité du cours classique n’est pas attribuable seulement, ou même principalement, aux pesanteurs résultant de la mainmise de l’Église sur les collèges. Il résulte aussi de la confi ance que les parents accordent aux maisons classiques, à leur personnel et à leur programme. Même si d’autres propositions éducatives voient le jour au courant des xixe et xxe siècles, l’enseignement classique conserve un attrait et un prestige particuliers. En 1921, un père qui souhaite dissuader son fils d’abandonner ses études classiques et de s’inscrire dans une école commerciale exprime bien le sentiment de plusieurs parents : « le cours latin développe l’intel-ligence et ouvre des horizons nouveaux ». Cette « instruction parfaite » donne de l’assurance dans les rapports sociaux et permet de « coudoyer sans honte les autorités religieuses, les autorités publiques et politiques, toutes les personnes des différentes sphères sociales ». Même pour l’homme d’aff aires, explique ce père, le collège classique procure un savoir-faire inestimable. Pour se renseigner à travers les journaux et les revues, pour écrire correctement, pour rédiger des annonces, des catalogues ou des lettres faisant connaître ses aff aires et les mettant en valeur, pour prospérer en somme, « il faut nécessairement avoir passé par le creuset du cours classique26 ».

Il importe par ailleurs de souligner que, dès le milieu du xixe siècle et jusqu’à la disparition du cours, le programme connaît en réalité une

26. Archives de Société historique de la Côte-du-Sud et du collège Sainte-Anne, F184 Arthur Beaudoin/159-LXXVIII, L. Létourneau à son fi ls Rodolphe, 21 septembre 1921.

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révision constante qui va dans le sens de sa modernisation, même si celle-ci est parfois camoufl ée par les collèges, soucieux d’affi cher un traditionalisme solennel. En particulier, une place plus grande est faite à l’histoire nationale, à l’anglais et aux sciences27. Quant à la division du cours en deux cycles, elle est offi cialisée en 193628, mais, dans la pratique, elle existait déjà, car la majorité des maisons ne donnait que les quatre premières années du cours et beaucoup d’autres off raient des solutions de passerelles entre la formation commerciale, que suivaient une majorité d’élèves, et la formation classique. Sur un plan institu-tionnel, on fonde des externats classiques qui remportent un large succès et facilitent la promotion des classes moyennes. Notons encore que dès le tournant du xxe siècle, certaines facultés et écoles supé-rieures acceptent un nombre croissant de candidats qui ne savent pas le latin. Ainsi, le monopole des collèges classiques sur le diplôme qui donne accès à l’université est passablement aff aibli avant les réformes des années 1960.

Trente-cinq ans après la publication de la synthèse de Claude Galar-neau, Les collèges classiques au Canada français, nous croyons perti-nent de poser un nouveau regard sur l’institution du collège en réunis-sant, au sein d’un même volume, une quinzaine d’études, certaines inédites, la plupart parues dans des revues savantes et des ouvrages collectifs, mais présentées ici sous une forme revue et augmentée. Guidé par des problématiques que nous pensons susceptibles de rafraî-chir notre compréhension du collège, l’ensemble représente le fruit d’une dizaine d’années d’exploration et de réfl exion. En lieu et place d’une nouvelle synthèse d’histoire institutionnelle, organisée chrono-logiquement à partir des rubriques usuelles – évolution du réseau d’éta-blissements, des clientèles, des programmes, du personnel, des struc-tures administratives, etc. —, nous donnons plutôt à voir une galerie de portraits aux échelles et aux angles variés. De la multiplicité des points de vue, c’est là notre pari, devrait se dégager une image nuancée, mais cohérente du collège québécois et de son évolution au fi l des décennies.

27. Luc Chartrand, Raymond Duchesne et Yves Gingras, Histoire des sciences au Québec, Montréal, Boréal, 1987, chapitre 7.

28. Claude Galarneau, Les collèges classiques, op. cit., p. 60.

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Introduction

Les contributions réunies dans ce livre sont organisées en fonction de quatre grandes thématiques qui constituent les principaux volets de l’expérience collégiale explorés dans nos recherches.

La première partie rassemble des travaux qui déconstruisent en partie l’image d’Épinal du collège. Il se mêle, en effet, une part de mythe et une part d’oubli dans le portrait du collège présenté comme institution immémoriale, reproduisant à l’identique, depuis la première maison jésuite à Québec en 1635 jusqu’à la fi n des années 1960, le Ratio studiorum conçu à la Renaissance. Son rôle de garant des traditions nationales, humanistes et catholiques, ainsi que sa fonction d’incuba-teur de l’élite semblent avoir retenu l’attention au point de laisser bien des choses dans l’angle mort. Une étude plus fi ne des populations, un examen attentif de l’off re éducative ainsi qu’une analyse des discours font ressortir un portrait plus complexe où une certaine mixité sociale, la formation pratique et la préoccupation économique fi gurent comme des réalités non marginales.

Plus que des institutions d’enseignement et d’étude, les collèges classiques étaient de véritables milieux de vie pour les prêtres-ensei-gnants qui y logeaient en permanence, pour les étudiants pensionnaires qui y séjournaient dix mois par année ainsi que pour le personnel qui assurait la tenue de ces grandes maisons. La deuxième partie de l’ouvrage dirige le projecteur sur ces personnages d’ombre et de lumière qui forment la communauté collégiale et sur les relations de travail et d’amitiés qui les réunissent et les distancient en même temps. À la fois maîtres, mentors et amis, on s’intéresse d’abord à ces prêtres et ecclé-siastiques, et aux liens qu’ils tissent avec leurs élèves. Les rares femmes du collège, ces fi gures fugitives que sont les religieuses ménagères, retiennent ensuite l’attention : quelle fut leur contribution au réseau collégial ? Que voulait dire être femme dans ce monde masculin ?

Le développement exponentiel des études sur le genre au cours des dernières décennies commandait un réexamen de la formation classique sous l’angle de la masculinité. Dans l’univers non mixte des collèges classiques et des petits séminaires pour garçons, devenir homme présentait des défi s particuliers. Pour quiconque ne se destinait pas à la vie religieuse, le modèle masculin véhiculé par ces institutions pouvait apparaître, dans son exaltation de vertus de chasteté, d’ascé-tisme et de soumission, défi citaire sur le plan de la virilité au point de motiver des résistances plus ou moins grandes. Quel type « d’honnête

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homme », les institutions collégiales québécoises d’avant la Révolution tranquille ont-elles produit ? Pourquoi en est-on venu à se moquer des « tapettes du cours classique », comme l’évoquait Lucien Bouchard dans sa biographie ? Voilà des questions qui sont abordées dans la troi-sième partie du livre consacrée à la formation sentimentale et sexuelle des collégiens.

Collège réel et collège imaginé. La quatrième et dernière partie de l’ouvrage aborde les représentations et la mémoire du collège clas-sique. On y jette un œil sur la publicité produite par les collèges pour se mettre en valeur, tirer leur épingle du jeu et conserver leur clientèle dans un réseau scolaire qui se densifi e et se diversifi e. Par ailleurs, l’on sait que la mémoire et la réputation des collèges doivent beaucoup au travail commémoratif réalisé par les anciens et leurs réseaux. Il convient dès lors d’étudier les fonctions et les eff ets performatifs de ces évènements de grandes pompes que sont les conventums. La fi gure du collégien dans les œuvres romanesques attire ensuite l’attention, les caractéristiques de ce personnage évoluant en dialogue avec les courants idéologiques et les enjeux sociaux.

En guise de conclusion et d’épilogue, nous nous intéresserons à la perpétuation de la mémoire du cours classique au-delà de sa dispari-tion à la fi n des années 1960. Les usages idéologiques et politiques de la référence à l’ancienne formation classique dans le débat éducatif contemporain seront explorés. Mais ouvrons donc, sans plus attendre, la porte du collège…

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Partie 1

Classique et élitiste, le collège québécois ? Programmes éducatifs et société

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C H A P I T R E 1

Quelques réflexions sur les projets éducatifs des collèges québécois pour garçons à partir d’un exemple : Sainte-Anne-de-la-Pocatière au XIXe siècle1

Christine HudonDans l’historiographie de l’éducation, l’ouvrage de Claude Galar-neau, Les collèges classiques au Canada français, occupe une place de premier plan. Publié il y a 30 ans, en réponse à une commande de l’Association des universités et collèges québécois, le livre s’intéresse au développement de l’institution des collèges classiques sur le territoire canadien, veille à cerner les caractéristiques de son corps enseignant, de sa clientèle, des cours et des programmes. L’étude entend montrer « comment le modèle culturel élaboré en Europe s’est implanté au Canada français et par quelles voies originales il a su se développer d’une façon aussi extraordinaire, de l’Atlantique aux Rocheuses2 ».

1. Ce texte est d’abord paru dans Historical Studies in Education/Revue d’histoire de l’éducation, 21, 1 (printemps 2009). Nos remerciements à la revue pour son autorisation à reproduire le texte.

2. Claude Galarneau, Les collèges classiques au Canada français (1620-1970), Montréal, Fides, 1978, p. 8.

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le collège classique pour garçons

Afi n de remplir l’immense mandat qui lui avait été confi é, Galar-neau a dû faire des choix, résoudre des problèmes, l’un d’entre eux étant de défi nir et de circonscrire son objet d’étude. Ainsi a-t-il retenu, pour son analyse, quelque 200 institutions, la majorité destinée aux garçons. Les noms utilisés pour les désigner étaient très variés, et l’auteur lui-même, dans son ouvrage, parle tantôt de collèges, tantôt de collèges-séminaires, tantôt de collèges classiques. Les contextes de fondation, les milieux d’implantation, le type de clientèles et de personnel diff éraient aussi d’un établissement à l’autre. Certains accueillaient une majo-rité de pensionnaires, d’autres étaient des externats. Les uns étaient localisés en ville et fréquentés par une clientèle à première vue plutôt aisée, d’autres étaient situés en milieu rural et recrutaient bon nombre d’enfants d’agriculteurs. Quelques collèges créés aux xixe et xxe siècles étaient dirigés par des communautés religieuses – les jésuites, par exemple – mais la plupart avaient une équipe enseignante consti-tuée de prêtres séculiers et d’ecclésiastiques poursuivant leurs études théologiques. Comme toute synthèse, celle-ci a mis l’accent sur les similitudes. Elle a dégagé un certain nombre de caractéristiques géné-rales qui semblaient avoir peu varié dans le temps, l’auteur faisant en quelque sorte de la fi délité à la tradition le fi l conducteur de son livre. Quelque 15 ans après le rapport Parent, il s’agissait fi nalement de mesurer l’écart entre le « nouvel humanisme » institué par la réforme et l’ancien humanisme, l’humanisme classique3, héritage d’un Québec dont on célébrait désormais l’entrée dans la « modernité ». L’ouvrage a donc focalisé son attention sur l’importance du modèle jésuite, celui du cursus studiorum élaboré au xvie siècle, qui défi nit les programmes et les méthodes d’enseignement de l’humanisme chrétien fondés sur une étude assidue des maîtres de l’Antiquité profane et sacrée. Sans nier les adaptations survenues au cours des années ni l’apparition de fi lières commerciales et industrielles, l’auteur ne les a guère analysées. Il a plutôt montré le poids du latin et de la rhétorique dans l’enseignement, le collège n’ayant « pas pour fonction d’innover, mais d’inculquer des vérités consacrées et des règles reconnues, de transmettre des savoirs tout en façonnant l’honnête homme et le catholique4 ». Il a également

3. Le contraste entre les deux projets éducatifs est bien formulé dans Paul Inchaupsé, « Un nouvel humanisme, socle du nouveau système d’éducation proposé », Bulletin d’histoire politique, Le Rapport Parent, 1963-2003, 12, 2 (hiver 2004) ; p. 66-80.

4. C. Galarneau, Les collèges classiques…, op. cit., 242.

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dépeint l’institution comme une véritable pépinière de prêtres : toutes périodes confondues, 40 % à 45 % des anciens élèves auraient opté pour le sacerdoce5. Au total, il estimait que le collège classique avait joué un rôle fondamental auprès des Canadiens français, celui de transmettre un riche héritage pluriséculaire.

L’histoire des collèges pour garçons comporte cependant un autre versant, celui de l’innovation sur lequel nous souhaitons revenir. Plus précisément, nous souhaitons explorer ces « voies originales » que l’institution a empruntées. Ce besoin d’interroger à nouveau les projets pédagogiques développés par les collèges a semblé de plus en plus manifeste à notre équipe au fur et à mesure que progressaient nos recherches sur les modèles masculins promus par l’institution collé-giale avant 1960. Inspirés par Claude Galarneau, nous avions, dans un premier temps, limité notre analyse aux « collèges classiques » et tenté de voir quelles attitudes, quelles valeurs et quelles normes comporte-mentales ceux-ci avaient proposées à la jeunesse québécoise. Peu à peu, cependant, s’est posé un problème bien concret : celui de distinguer les collèges « classiques » des autres établissements. Quatre des cinq institutions retenues pour l’analyse à partir de la liste dressée dans Les collèges classiques au Canada français (les collèges de Montréal, Nicolet, Sainte-Anne-de-la-Pocatière, Saint-Hyacinthe et Sherbrooke) se présentaient en quelque sorte comme des modèles hybrides, qui ne correspondaient pas en tous points au modèle type du collège classique mettant l’accent sur les humanités. Un examen des registres et des autres livres d’élèves constitués par l’institution, et une lecture de la correspondance des supérieurs, des directeurs d’élèves et des parents montraient également que ces établissements avaient évolué consi-dérablement avec le temps, si bien que le collège des années 1950 se distinguait à maints égards – et souvent de manière très importante – de celui des années 1820 ou 1830. Aussi, pour mieux comprendre le milieu de vie au sein duquel vivaient au quotidien les élèves, pour saisir la culture dans laquelle ils ont baigné et pour cerner les ambitions pédagogiques qu’avaient leurs maîtres, il nous a semblé nécessaire de revenir un peu sur l’institution.

Dans ce chapitre, nous porterons notre regard sur un seul établis-sement, le collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Ce changement

5. Ibid., p. 151.

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d’échelle par rapport à la synthèse permettra de montrer que l’insti-tution incorpore des infl uences diverses pendant les premières années de son existence. Ainsi l’histoire du collège est-elle à la fois marquée par les réfl exions pédagogiques du temps à propos de la méthode, de l’ordonnancement des matières et des fi nalités que l’on souhaite assi-gner à l’éducation, par le contexte sociopolitique et par les caractéris-tiques socio-économiques du milieu dans lequel il prend place. Sis sur la rive sud du fl euve, à environ 100 kilomètres de Québec, La Pocatière se trouve au cœur d’une région de colonisation relativement ancienne6. Dans la première moitié du xixe siècle, cette région très massivement francophone et catholique a tous les traits d’un monde plein. La satu-ration de l’espace seigneurial entraîne un solde migratoire négatif. Ce « monde d’agriculteurs7 » est constitué de familles bien établies et prospères, et de producteurs aux revenus plus limités. Par ailleurs, on y retrouve aussi un petit groupe de notables qui se distinguent par leur fortune, leur culture et leur ascendant social. Tous ces facteurs auront une incidence sur le développement de l’établissement.

Comme l’ont fait récemment quelques auteurs8, nous souhaitons donc ici porter notre attention sur les projets éducatifs mis en place au xixe siècle. Dans un premier temps, nous nous arrêterons sur les objec-tifs poursuivis initialement par les promoteurs et sur les premières années d’existence du collège. Par la suite, nous analyserons une de ses composantes, son cours commercial, inauguré en 1842. À terme, une telle démarche nous conduira à proposer quelques considérations sur la place du cours classique au sein des établissements collégiaux et sur l’évolution qu’ont connue ceux-ci.

Un plan d’éducation et un programme d’études originauxLe collège de Sainte-Anne ouvre offi ciellement ses portes en 1829, à l’époque où d’autres maisons semblables voient le jour. Après Nicolet,

6. Sur l’histoire socio-économique de la région, voir Alain Laberge, dir., Histoire de la Côte-du-Sud, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1993, en particulier les pages 71-123 et 153-172.

7. Pour reprendre l’expression d’Alain Laberge. Ibid., p. 153.8. Voir notamment P. Inchaupsé, « Un nouvel humanisme… », op. cit. et les deux

synthèses de Jean-Pierre Charland, L’entreprise éducative au Québec, 1840-1900, Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval, 2000 ; Histoire de l’éducation au Québec. De l’ombre du clocher à l’économie du savoir, Saint-Laurent, ERPI, 2005.

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Saint-Denis-sur-Richelieu, Saint-Hyacinthe, Saint-Roch, Sainte-Th érèse et Chambly, il s’agit, en fait, du septième collège fondé hors des villes de Québec et de Montréal. Il est mis en place grâce aux eff orts obstinés que déploie, à compter de 1820, son fondateur, le curé Painchaud de Sainte-Anne, qui bénéfi cie de l’appui de la notabilité locale. Les obstacles auxquels l’ecclésiastique est confronté sont essentiellement de deux ordres : l’évêque de Québec tarde à donner son accord au projet, car il redoute que l’ouverture d’une nouvelle maison nuise aux autres établissements, en particulier au collège de Nicolet, créé en 1803. Par ailleurs, les paroisses voisines de Rivière-Ouelle et, surtout, de Kamou-raska, caressent elles aussi le rêve d’ouvrir sur leur territoire une école dispensant un enseignement « secondaire ». Kamouraska mène d’ail-leurs des démarches insistantes auprès des autorités diocésaines et de la Chambre d’assemblée. Mû par la crainte que le projet essentiellement laïque de cette paroisse se concrétise et succombant aux pressions de Jérôme Demers, professeur au séminaire de Québec et ami de Pain-chaud, l’évêque Panet fi nit par donner son consentement à l’ouverture du collège de Sainte-Anne9.

Celui-ci formule un programme d’études pour le moins original. Depuis plusieurs années, Painchaud s’intéresse de près à l’éducation. Déjà, en 1820, il a croisé le fer à ce sujet avec l’abbé Calonne, prêtre français exilé par la Révolution, qui dénonce les écoles lancastriennes et soutient, en citant Lamennais, que « la religion est l’unique éduca-tion du peuple10 ». Sous le pseudonyme de Campagnard, Painchaud lui réplique dans la Gazette de Québec. Il y affi rme l’urgence pour les Canadiens de savoir lire et écrire « eu égard à leur position politique » et, sans adhérer au projet libéral d’écoles fi nancées par le gouverne-ment, il prône l’éducation comme moyen pour le peuple de parti-ciper à la vie politique et d’atteindre les « biens » et les « honneurs ». Le système d’études et le règlement mis en place à Sainte-Anne, en 1829, s’inscrivent tout à fait dans cet objectif si cher à Painchaud, qui souhaite que son école forme des hommes capables de rendre « de grands services partout ». Dans un prospectus publié le 1er août 1828

9. Serge Gagnon, « Painchaud, Charles-François », Dictionnaire biographique du Canada en ligne, http://www.biographi.ca/FR. Consulté le 14 avril 2008. Centre d’archives de la Côte-du-Sud et du Collège de Sainte-Anne (plus loin CASA), Fonds Collège de Sainte-Anne, Supériorat de Painchaud.

10. Yvan Lamonde, « Classes sociales, classes scolaires », Sessions d’études, Société canadienne d’histoire de l’Église catholique, 41 (1974), p. 43-59.

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dans le journal Le Canadien, il annonce les principes censés guider sa démarche enseignante11. Le curé de Sainte-Anne propose un collège où « la diff érence de religion n’infl uera en rien sur l’admission ni le traitement des élèves ». À ceux-ci est garantie « la plus grande liberté religieuse possible sous un règlement catholique ». Ouvert à certains accommodements, le règlement initial s’éloigne de façon marquée de la règle quasi monacale des petits séminaires, comme, du reste, de la discipline assez stricte à laquelle ont souvent donné lieu les expé-riences d’enseignement mutualiste. Si l’intention première n’exclut pas la formation d’une relève cléricale, toute l’organisation de la maison n’est cependant pas orientée vers cet objectif. Le règlement, en eff et, n’impose pas d’uniforme et il privilégie les remontrances et les puni-tions utiles et constructives, qui font réfl échir l’élève, aux châtiments corporels et aux punitions humiliantes. L’enseignement doit se faire selon les principes lancastriens, qui sont déjà appliqués au Bas-Canada dans quelques écoles primaires issues de la loi de l’Institution royale12, et encourager le développement des talents individuels. Le programme d’études vise à former un jeune homme « sachant un peu de tout ». Il s’écarte du Ratio studiorum, même s’il en reprend les principales matières : le français, le latin et, éventuellement, le grec, auquel s’ajoute l’anglais. « La rhétorique, la logique, la métaphysique, la physique […] viendront par la suite, mais non dans l’ordre usité jusqu’à présent dans ce pays13 ».

Apprendre à « savoir vivre », cultiver « l’art si précieux de conserver la santé et de la recouvrer après l’avoir perdue » : tel est l’un des axes

11. CASA, Fonds du Collège de Sainte-Anne, Prospectus. Voir aussi dans le même fonds d’archives le manifeste de Painchaud, 1er août 1828.

12. Devant composer avec des ressources limitées, Joseph Lancaster, un Anglais, imagina une école où les élèves les plus anciens, supervisés par un maître, faisaient répéter les lettres et les syllabes aux plus jeunes et leur apprenaient à tracer les lettres à la craie. Des planches installées au mur et des ardoises remplaçaient les livres et les cahiers pour l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Sur l’application de ces méthodes dans le cadre des écoles instituées par la loi de l’Institution royale, voir Bruce Curtis, Ruling by Schooling Quebec : Conquest to Liberal Governmentality - A Historical Sociology, Toronto, University of Toronto Press, 2012, en particulier le chapitre 2. D’ail-leurs, l’enseignement mutuel fut surtout pratiqué au niveau élémentaire au xixe siècle. Lire, pour la France, Françoise Mayeur, De la Révolution à l’École républicaine (1789-1930), Tome III d’Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France dirigé par Louis-Henri Parias, Paris, Nouvelle Librairie de France, 1981, p. 372-389.

13. CASA, Fonds du Collège de Sainte-Anne, Supériorat Charles-François Pain-chaud, État du collège, 1er août 1828.

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majeurs du programme d’études publié par Painchaud en 1828. Grand lecteur et admirateur de Chateaubriand, le fondateur veut faire de sa maison un endroit sain, où l’élève pourra tirer parti de la « campagne romantique, ornée de pics, de montagnes, de rivières, de lacs » pour étudier l’histoire naturelle ou l’agriculture pendant ses jours de congé. À l’instar de Locke et de Rousseau, il entend former un « homme » qui n’est pas uniquement pétri de connaissances livresques, qui a aussi acquis un savoir pratique, utile, comme les Autochtones : « que savais-tu, pauvre enfant, disait si bien ce sauvage Abénaquis au jeune anglais adoptif, à qui il rendait sa liberté, que savais-tu quand je t’ai adopté ? – Rien14 ». Avec son collège, Painchaud souhaite faire œuvre de réformateur. Il s’agit « d’essayer un système raisonné et désiré par les amis de l’éducation ».

Deux personnes, un laïc et un clerc, collaborèrent de près à la réfl exion sur les principes éducatifs qui devaient marquer les débuts du collège. Il est cependant difficile de préciser l’influence qu’eut chacun d’eux sur l’élaboration de ce projet. Les archives du collège de Sainte-Anne conservent un plan d’éducation écrit de la main de Julien Saillant, un instituteur du village15. Painchaud avait d’abord songé à lui pour la direction du collège, mais, pour des raisons qui restent obscures, l’homme quitte la paroisse avant même l’ouverture de la maison. Ce plan d’études met sur papier un certain nombre d’éléments qui seront repris dans le prospectus de 1828, notamment en ce qui concerne le système lancastrien. Le document propose aussi une orga-nisation des classes et des salles d’études diff érente de la disposition usuelle : les élèves sont assis en demi-cercle autour du maître, et non pas en rangées. Saillant est-il l’auteur de ce texte ? Wilfrid Lebon, dans son Histoire du collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, répond à cette question par la négative : le brave instituteur aurait agi simplement à titre de scribe, commissionnaire et délégué de Painchaud auprès de Mgr Panet. Les idées ne venaient pas de lui16. Il est possible toutefois, et même probable, que l’expérience concrète de l’homme ait contribué à nourrir les réfl exions pédagogiques du curé. À cet égard, il faut sans doute lire avec un scepticisme de bon aloi les affi rmations de Lebon,

14. Loc. cit.15. CASA, Fonds Collège de Sainte-Anne, Programmes d’études, Plan d’éduca-

tion, 1827.16. Wilfrid Lebon, Histoire du collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Le premier

demi-siècle, 1827-1877, Québec, Charrier & Dugal, 1948, p. 10 et 413.

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fondées sur la mémoire institutionnelle et dont l’un des objectifs est de rappeler les eff orts du curé fondateur et ses multiples sacrifi ces pour l’érection d’une maison d’éducation.

L’autre figure importante, qui marqua les débuts du collège et inspira sa pédagogie initiale, fut Étienne Chartier. Avocat de formation, il étudie au séminaire de Québec pour devenir prêtre quand le curé de Sainte-Anne l’approche pour en faire le directeur de sa maison. L’école élémentaire qu’il a dirigée à L’Assomption, en 1825, lui a procuré une expérience concrète de l’enseignement auprès des jeunes ruraux. À la demande de Painchaud, Chartier rédige, à l’automne 1828, un mémoire sur l’éducation qu’il souhaite mettre en œuvre à Sainte-Anne17. Comme certains membres de la bourgeoisie libérale de son époque, il critique la pédagogie jésuite et la discipline très stricte qui règne dans les collèges :

Parce que la Société des Jésuites a possédé dans son sein des hommes vraiment savants, on en infère que l’éducation que l’on recevait dans leurs collèges est la meilleure possible : Et comme nos collèges en ce pays ou viennent des Jésuites ou sont calqués sur leur enseignement on regarde comme témérité damnable d’oser y trouver quelque chose à redire & et on croit fermer la bouche à quiconque ose faire la moindre critique, en lui demandant s’il se croit plus capable que les Jésuites […]18.

Une réforme de l’enseignement lui semble donc nécessaire et urgente : « Du solide et du nouveau! Voilà l’engagement tacite que je prends envers le public, qui a les yeux fi xés sur Ste Anne. » Le projet pédagogique ébauché par Chartier, s’il ne remet pas en question la nécessité d’enseigner les humanités, n’en témoigne pas moins d’une réfl exion approfondie sur l’enseignement, fondée sur la lecture et la méditation de nombreux réformateurs clercs et laïques. Ainsi puise-t-il aux idées de l’abbé Claude Fleury, pédagogue français du xviie siècle, soucieux de rendre l’instruction attrayante et stimulante pour l’enfant, et aux conceptions de Charles Rollin, en particulier celles du Traité des

17. CASA, Fonds Collège de Sainte-Anne, Programmes d’études, Plan raisonné d’un cours d’études pour le Collège Ste-Anne, 17 novembre 1828. Sur Chartier, on lira avec profi t la biographie de Richard Chabot, « Chartier, Étienne », Dictionnaire biographique du Canada en ligne, http://www.biographi.ca/FR.

18. CASA, Fonds Collège Sainte-Anne, Programmes d’études, Plan raisonné d’un cours d’études pour le Collège Ste-Anne, 17 novembre 1828. Dans son livre, Claude Galarneau évoque d’ailleurs les débats autour de l’enseignement classique, notamment celui qui prend place dans les pages de La Minerve en 1829. C. Galarneau, Les collèges classiques…, op. cit., p. 219-220.

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études, ce « livre phare » du début du xviiie siècle, qui place la péda-gogie dans le champ de la méthode « en laissant moins de place à la spéculation chrétienne19 ». Le sensualisme de Condillac, philosophe des Lumières, et les propositions de Dumarsais pour simplifi er et abréger l’enseignement du latin l’inspirent également. Enfin, son mémoire évoque les expériences du père Girard, pédagogue suisse du tournant du xixe siècle, promoteur de l’enseignement mutuel.

À Sainte-Anne, Chartier souhaite repenser la discipline. Pour ce faire, il prône la mise en œuvre d’un système où les élèves choisissent leurs représentants et élisent un jury d’élèves chargé de sanctionner les fautifs. La Constitution britannique se trouve au cœur de ses réfl exions pédagogiques. À l’heure des confl its sociaux et politiques s’incarnant dans les luttes de l’Assemblée pour affi rmer son pouvoir face au gouver-neur, Chartier ambitionne en eff et de faire œuvre d’éducation civique auprès de la jeunesse des campagnes. Non seulement il veut briser la routine qui caractérise la vie quotidienne et les études dans les collèges de l’époque, mais il compte aussi repenser le collège : celui-ci doit s’adapter à « l’esprit du siècle » et enseigner « la connaissance du gouver-nement politique » de la société :

Quelque surprenante & extraordinaire que puisse paraître cette idée au premier coup d’œil, en réfl échissant un peu, on devrait s’apercevoir que la forme de l’éducation publique pour être bonne, devrait être adaptée à la forme du gouvernement sous lequel l’élève aura à vivre un jour… Concluons donc que l’éducation est l’étude de la vie sociale & qu’une maison d’éducation doit être la matrice du citoyen. Il doit y apprendre que si l’homme a des devoirs à remplir, il a aussi des droits qu’on doit respecter. L’on voit que je parle ici de l’homme destiné à vivre sous des institutions libérales (sous une constitution libre telle que la nôtre).[…]vous voulez donc, me dira-t-on en goguenardant, que votre règlement soit calqué sur la constitution d’Angleterre ? Et pourquoi pas! Puisque l’élève de Ste Anne aura à vivre sous la constitution Britannique & non pas à être régi par le Divan du Grand Seigneur20.

19. Marcel Grandière, L’idéal pédagogique en France au xviiie siècle, Oxford, Voltaire Foundation, 1998, p. 61.

20. CASA, Fonds Collège de Sainte-Anne, Programmes d’études, Plan raisonné d’un cours d’études pour le Collège Ste-Anne, 17 novembre 1828.

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Ces propositions montrent bien qu’à Sainte-Anne, on n’applique pas un modèle tout prêt. Ainsi, à ses débuts, le plan d’études et l’orga-nisation du collège n’obéissent pas au système extrêmement structuré, hiérarchisé, voire autoritaire, du Ratio jésuite. Contrairement à ce qu’a pu écrire Fernand Ouellet, le règlement initial de cet établissement ne refl ète nullement « une volonté bien arrêtée d’isoler les écoliers du monde afi n de les soustraire à ses infl uences21 ». Les premières années, le tiers environ des élèves sont d’ailleurs externes, comme ce semble être aussi le cas dans d’autres collèges22.

La volonté d’expérimentation, de nouveauté et d’ajustements aux réalités politiques et sociales du temps qui le caractérise suscite l’in-térêt. En 1831, l’avocat Côme-Séraphin Cherrier louange les sacrifi ces de Painchaud pour « procurer à ses jeunes compatriotes une éducation religieuse et libérale tout ensemble23 ». Toutefois, ces innovations ont également tôt fait de provoquer critiques et tensions. Au sein même de l’institution, l’équipe enseignante est secouée par des querelles. Le jour de la bénédiction, en septembre 1829, le directeur des études, Étienne Chartier, attire l’attention des journaux et des milieux poli-tiques par ses déclarations controversées sur les Britanniques, qu’il accuse d’imposer aux Canadiens le « mépris », la « dégradation » et « l’esclavage politique ». Ce discours, qui s’inscrit dans une période des plus tendues marquée par les aff rontements politiques et par le rappel, en 1828, du gouverneur Dalhousie, force le supérieur du collège, le curé Painchaud, à intervenir auprès du gouverneur Kempt pour tenter de calmer le jeu24. Dès lors, le supérieur et les cinq étudiants en théologie

21. L’exemple de Sainte-Anne est ici bien mal choisi pour montrer le caractère autoritaire des collèges créés au début du xixe siècle. F. Ouellet, Le Bas-Canada 1791-1840. Changements structuraux et crise, Ottawa, Éditions de l’Université d’Ottawa, 1976, p. 109.

22. Comme le montre Ollivier Hubert dans un autre chapitre, la proportion d’élèves externes est à peu près équivalente au collège de Montréal à la même époque.

23. CASA, Fonds Collège de Sainte-Anne, Supériorat Charles-François Painchaud, C.S. Cherrier à Painchaud, 19 septembre 1831.

24. Chartier sera par la suite curé de Sainte-Martine-de-Châteauguay, de Saint-Pierre-les-Becquets, de Saint-Patrice (Rivière-du-Loup), puis de Saint-Benoît à compter de 1835. Il participe alors aux assemblées des patriotes. En 1837, il prononce quelques sermons par lesquels il encourage ses paroissiens à prendre les armes et, en 1838, il se range momentanément aux côtés de Nelson, avec lequel, cependant, il connaîtra assez rapidement des dissensions. Voir à ce propos Richard Chabot, Le curé de campagne et la contestation locale au Québec de 1791 aux troubles de 1837-38, Montréal, Hurtubise HMH, 1975, p. 117-121.

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Table des matières

9 Remerciements

11 Introduction

Partie 1 31 Classique et élitiste, le collège québécois ?

Programmes éducatifs et société

C H A P I T R E 133 Quelques réflexions sur les projets éducatifs des collèges

québécois pour garçons à partir d’un exemple : Sainte-Anne-de-la Pocatière au XIXe siècle

C H A P I T R E 255 Le collège de Montréal et ses clientèles au XIXe siècle :

multiplicité des attentes et pluralité de l’offre

C H A P I T R E 389 Le « collège classique » : une tradition inventée ?

Quelques réflexions autour d’un débat des années 1920

C H A P I T R E 4113 Collèges classiques et bourgeoisies franco-catholiques

(XVIIe-XXe siècles)

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Partie 2137 L’espace collégien et ses occupants

C H A P I T R E 5139 Réflexions sur la modernité

et la porosité

C H A P I T R E 6149 Le pensionnat comme utopie et hétérotopie,

XVIIIe-XIXe siècles

C H A P I T R E 7183 La figure du maître

C H A P I T R E 8205 « Sans elles, le collège ne serait pas ce qu’il est »

Le travail des petites sœurs de la Sainte-Famille dans les collèges classiques au Québec

Partie 3235 In amore fraternitatis.

La construction du masculin

C H A P I T R E 9237 « Pour devenir homme, tu transgresseras… »

Quelques enjeux de la socialisation masculine dans les collèges

C H A P I T R E 10263 Entre garçons

De la fraternité virile aux amours socratiques

C H A P I T R E 11283 À la fois absentes et obsédantes

Les femmes et la sexualité dans l’univers collégial

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C H A P I T R E 12301 Le « Muscle et le Vouloir »

Les sports et l’activité physique au tournant du XXe siècle

Partie 4325 Représentations et mémoires du collège

C H A P I T R E 13327 De la retraite romantique à la citadelle assiégée

La représentation des collèges à travers les prospectus des XIXe et XXe siècles

C H A P I T R E 14341 Mises en scène de l’amitié et conscience de classe :

les réunions d’anciens à la fin du XIXe siècle

C H A P I T R E 15369 Des collégiens dans les romans

Un regard sur l’adolescence masculine dans l’entre-deux-guerres

É P I LO G U E

389 Que reste-t-il du collège classique ?Les présences contemporaines d’une formation disparue

407 Bibliographie sélective sur les collèges classiques québécois

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Le collège classique pour garçons

LOUISE BIENVENUE ✱ OLLIVIER HUBERT ✱ CHRISTINE HUDON

É tudes h is toriques sur une ins t i tu t ion québécoise d isparue

isbn 978-2-7621-3725-5

Les collèges classiques québécois étaient les héritiers d’un modèle pédagogique né à la Renaissance qui s’imposa partout en Europe, voire au-delà. Leur dessein était de former les garçons issus de milieux favorisés à l’humanisme chrétien. Du tournant du xixe siècle aux premières décennies du xxe siècle, le territoire québécois se couvre littéralement de collèges. Ceux-ci jouissent d’un grand prestige jusqu’à la Révolution tranquille.

Il y aura bientôt cinquante ans que les portes des collèges classiques se sont refermées pour ne plus s’ouvrir, mettant ainsi fi n à plus de  ans d’histoire. Que reste-t-il aujourd’hui de ces vénérables maisons qui formaient « l’honnête homme » et préparaient la relève du clergé catholique canadien-français ? Le collège classique semble encore bien vivant dans la mémoire collective. Certains en sont nostalgiques. D’autres s’inquiètent de voir resurgir les principes d’une éducation jugée désuète, élitiste et sexiste. Par-delà les mémoires contrastées, le présent ouvrage propose de rouvrir les portes de ces collèges et de jeter un regard renouvelé sur une institution fondamentale dans l’histoire du Québec.

Les diff érentes contributions qui composent l’ouvrage cherchent à revisiter la représentation monolithique du collège classique qui a cours encore. Elles examinent l’institution en tant que pépinière d’hommes, disséminant tant bien que mal un modèle de masculinité et une éducation sentimentale qui n’ose dire son nom. Présentant, tour à tour, les personnages qui forment ce milieu de vie singulier, les auteurs s’intéressent également à l’image que le collège classique a donnée de lui-même au cours de son histoire ainsi qu’à l’empreinte profonde qu’il a laissée dans la culture québécoise.

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