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6 actualités Actualités pharmaceutiques n° 492 Janvier 2010 Déterminés à s’investir dans les nouvelles missions que vient de leur reconnaître la loi Hôpital, santé, patients et territoires (HPST), les pharmaciens réunis au 62 e Congrès de Strasbourg (67) en octobre 2009 en escomptaient une contrepartie financière. En réponse, la ministre de la Santé a évoqué le projet de mise en place de nouveaux modes de rémunération, à titre expérimental dans un premier temps. Récit. L a loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) était au cœur de la 62 e édition du Congrès national des pharmaciens de France les 17 et 18 octobre 2009, à Strasbourg (67). Pour preuve, le thème retenu pour ses journées était “Avenir , patients, santé, Europe” (APSE). L’événement, co-or- ganisé par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), l’Association de pharmacie rurale (APR) et l’Union technique InterPhar- maceutique de formation continue (UTIP-FPC), a ras- semblé environ un millier de participants. En point de mire, l’article 38 de la loi HPST qui, promettant d’étendre le rôle des officines au-delà de la seule dispensation du médicament, laisse espérer un avenir meilleur pour le réseau officinal. Un article fondateur pour les pharmaciens Dans une conjoncture inquié- tante pour les officines, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot-Narquin, se devait d’être présente de quelque façon que ce soit. Philippe Gaertner, président de la FSPF, a donc obtenu sa participation par vidéo interposée. La ministre a assuré aux congressistes que l’article 38 consacrait le rôle du pharma- cien en tant que professionnel de santé de proximité. « C’est en quelque sorte, indiquait- elle, un article fondateur, le socle sur lequel nous allons pouvoir construire : il y a des murs à bâtir, il y a des chantiers à mener que vous avez évo- qués [NDLR : rôle de premier recours du pharmacien, statut de correspondant au sein de l’équipe de soins, implication dans l’éducation thérapeutique des patients, évaluation des pratiques professionnelles]. Mais je veux les bâtir avec les pharmaciens et j’attends beau- coup de ce 62 e congrès. » Philippe Gaertner a, quant à lui, rappelé la situation des officines, dont les trésoreries ont subi une baisse de 10 000 euros en 2008 et qui, pour un tiers d’entre elles, sont déjà dans le rouge. « Nos confrè- res, a-t-il lancé à la ministre, nous reprochent qu’à l’instar des producteurs laitiers, nous ne déversions pas les déchets d’activités de soins à risques infectieux (Dasri) devant les préfectures ». La ministre lui a répliqué : « Non, pas ça, pas vous. La situation des phar- maciens ne se compare pas. » Tout au plus a-t-elle convenu que la rémunération liée à la vente des produits pharma- ceutiques, des médicaments ou des dispositifs médicaux, n’était pas adaptée aux nou- velles missions. Roselyne Bachelot-Narquin entendait donc rester prudente et veiller à ne pas fragiliser les offici- nes en les engageant de but en blanc dans des champs nouveaux. D’autant que, si nouveau mode de rémunéra- tion il y avait, ce ne serait qu’à enveloppe constante : celle de l’Ondam (objectifs nationaux des dépenses d’Assurance maladie) qu’elle fait progres- ser de 3 %, dans un contexte de croissance économique faible (0,75 %). « Qu’au moins la ministre nous donne le delta dont nous avons besoin », a espéré Yves Trouillet, prési- dent de l’APR. Une situation précoccupante Pour faciliter les concentra- tions des officines et leur adap- tation aux tailles critiques des nouvelles missions, Philippe Gaertner a suggéré de « ne pas laisser des pharmaciens sur le bord de la route » en prévoyant un fonds de péré- quation. « Ce serait, a objecté la ministre, taxer des officines pour permettre la viabilité d’autres. » Elle préfère explo- rer une autre voie sur laquelle elle fait “plancher” un groupe de travail – syndicats, ordre et administration. « Réfléchissons bien avant d’envisager la péré- quation que vous proposez », a-t-elle renchéri. Dans le débat qui a suivi, un pharmacien n’a pas manqué de souligner la différence importante entre l’appré- ciation de la ministre et la réalité vécue par les offici- naux comme les « situations dramatiques allant jusqu’au suicide » évoquées par Yves Trouillet. « De projets de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) en PLFSS, on rajoute des couches succes- sives de mesures qui pèsent sur l’officine », a déploré Phi- lippe Gaertner. Dans le PLFSS en cours pour 2010, s’il n’y a pas de mesures directes, les dispositions indirectes de 460 millions d’économies attendues sur le médicament risquent de retentir sur les marges officinales. 62 e Congrès des pharmaciens de France Comment intégrer les nouvelles missions des officines dans un contexte économique peu favorable L’article 38 consacre le rôle du pharmacien en tant que professionnel de santé de proximité. Roselyne Bachelot-Narquin s'est invitée en vidéo à Strasbourg. © DR

Comment intégrer les nouvelles missions des officines dans un contexte économique peu favorable

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Actualités pharmaceutiques n° 492 Janvier 2010

Déterminés à s’investir

dans les nouvelles

missions que vient de

leur reconnaître la loi

Hôpital, santé, patients

et territoires (HPST),

les pharmaciens

réunis au 62e Congrès

de Strasbourg (67)

en octobre 2009

en escomptaient une

contrepartie financière.

En réponse, la ministre

de la Santé a évoqué le

projet de mise en place

de nouveaux modes

de rémunération, à titre

expérimental dans un

premier temps. Récit.

La loi Hôpital, patients, santé et terr i to i res (HPST) était au cœur

de la 62e édition du Congrès national des pharmaciens de France les 17 et 18 octobre 2009, à Strasbourg (67). Pour preuve, le thème retenu pour ses journées était “Avenir , patients, santé, Europe” (APSE). L’événement, co-or-ganisé par la Fédération des

syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), l’Association de pharmacie rurale (APR) et l’Union technique InterPhar-maceutique de formation continue (UTIP-FPC), a ras-semblé environ un millier de participants. En point de mire, l’article 38 de la loi HPST qui , promettant d ’ é t e n d r e le rôle des officines au-delà de la seule dispensation du médicament, laisse espérer un avenir meilleur pour le réseau officinal.

Un article fondateur pour les pharmaciensDans une conjoncture inquié-tante pour les officines, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot-Narquin, se devait d’être présente de quelque façon que ce soit. Philippe Gaertner, président de la FSPF, a donc obtenu sa participation par vidéo interposée.La ministre a assuré aux congressistes que l’article 38 consacrait le rôle du pharma-cien en tant que professionnel de santé de proximité. « C’est en quelque sorte, indiquait-elle, un article fondateur, le socle sur lequel nous allons pouvoir construire : il y a des murs à bâtir, il y a des chantiers à mener que vous avez évo-qués [NDLR : rôle de premier recours du pharmacien, statut de correspondant au sein de l’équipe de soins, implication dans l’éducation thérapeutique des patients, évaluation des

pratiques professionnelles]. Mais je veux les bâtir avec les pharmaciens et j’attends beau-coup de ce 62e congrès. »Philippe Gaertner a, quant à lui, rappelé la situation des officines, dont les trésoreries

ont subi une b a i s s e d e 10 000 euros en 2008 et qui, pour un tiers d’entre elles, sont déjà

dans le rouge. « Nos confrè-res, a-t-il lancé à la ministre, nous reprochent qu’à l’instar des producteurs laitiers, nous ne déversions pas les déchets d’activités de soins à risques infectieux (Dasri) devant les préfectures ». La ministre lui a répliqué : « Non, pas ça, pas vous. La situation des phar-maciens ne se compare pas. » Tout au plus a-t-elle convenu que la rémunération liée à la vente des produits pharma-ceutiques, des médicaments ou des dispo si tifs médicaux, n’était pas adaptée aux nou-velles missions. Roselyne Bachelot-Narquin entendait donc rester prudente et veiller à ne pas fragiliser les offici-nes en les engageant de but en blanc dans des champs nouveaux. D’autant que, si nouveau mode de rémunéra-tion il y avait, ce ne serait qu’à enveloppe constante : celle de l’Ondam (objectifs nationaux des dépenses d’Assurance maladie) qu’elle fait progres-ser de 3 %, dans un contexte de croissance économique faible (0,75 %). « Qu’au moins la ministre nous donne le delta

dont nous avons besoin », a espéré Yves Trouillet, prési-dent de l’APR.

Une situation précoccupante Pour faciliter les concentra-tions des officines et leur adap-tation aux tailles critiques des nouvelles missions, Philippe Gaertner a suggéré de « ne pas laisser des pharmaciens sur le bord de la route » en prévoyant un fonds de péré-quation. « Ce serait, a objecté la ministre, taxer des officines pour permettre la viabilité d’autres. » Elle préfère explo-rer une autre voie sur laquelle elle fait “plancher” un groupe de travail – syndicats, ordre et administration. « Réfléchissons bien avant d’envisager la péré-quation que vous proposez », a-t-elle renchéri.Dans le débat qui a suivi, un pharmacien n’a pas manqué de souligner la différence importante entre l’appré-ciation de la ministre et la réalité vécue par les offici-naux comme les « situations dramatiques allant jusqu’au suicide » évoquées par Yves Trouillet. « De projets de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) en PLFSS, on rajoute des couches succes-sives de mesures qui pèsent sur l’officine », a déploré Phi-lippe Gaertner. Dans le PLFSS en cours pour 2010, s’il n’y a pas de mesures directes, les dispositions indirectes de 460 millions d’économies attendues sur le médicament risquent de retentir sur les marges officinales.

62e Congrès des pharmaciens de France

Comment intégrer les nouvelles missions des officines

dans un contexte économique peu favorable

L’article 38 consacre le rôle du pharmacien

en tant que professionnel de santé de proximité.

Roselyne Bachelot-Narquin s'est invitée en vidéo à Strasbourg.

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Actualités pharmaceutiques n° 492 Janvier 2010

Alors y a-t-il un salut par les nouvelles missions ? Les phar-maciens sont preneurs mais les propos tenus par la ministre sur leur rémunération soulèvent des doutes. « Je crains, a dit un congressiste, qu’il s’agisse d’un transfert de rémunéra-tion à l’instar de ce qui s’est passé avec l’arrivée des grands conditionnements. Nous avons perdu des marges au bénéfice de l’industrie. »

Nouveaux actes, nouvelle rémunération Le président de la FSPF a affirmé catégoriquement que si le périmètre est constant pour la dispensation, ce ne sau-rait être le cas des nouveaux actes d’accompagnement des patients qui nécessitent du temps, et donc d’être tarifés et nomenclaturés, les pharma-ciens étant prêts à assurer ces missions majeures de la nou-velle organisation des soins : éducation thérapeutique et coopération entre profession-nels de santé. La FSPF a assuré vouloir faire des propositions de terrain concrètes. « Nous som-mes parvenus à un consensus sur les idées. Maintenant, il faut passer à l’acte. Il n’est plus temps d’attendre parce qu’il y a un déficit de la Sécurité sociale. Que chacun à sa place rende le système plus efficient», a assené Philippe Gaertner.Il y a d’autant plus urgence à s’adapter que, comme l’a dit Yves Bur, député UMP du Bas-Rhin (67), « quand il n’y a plus de médecins, il n’y a plus d’officine ». Le député est désolé de l’absence de

réponse de la loi HPST à cette problématique.

La question de la désertification médicale Lors du congrès de Stras-bourg, une pharmacienne de Caen (14) s’est inquiétée des effets collatéraux tels que les stratégies de contourne-ment des médecins dans sa région. Pour pallier la déser-tification médicale, ceux-ci proposent des pôles de santé dans des zones franches ou des concentrations en milieu urbain. Or, « de telles créations fragilisent notre bonne répar-tition officinale », a-t-elle indi-qué. « Avec la démographie médicale, a reconnu Yves Bur, se joue une question de survie pour l’officine ».Vice-président du syndicat des médecins généralistes, MG France, Thierry Le Brun a souligné que les médecins géné-ralistes, actuellement 55 000, ne seraient plus que 22 000 dans 15 ans si aucune mesure n’était prise. Il s’est dit prêt au « par-tage de compétences mais pas à leur délégation ».

Une meilleure année en perspective ?En 2009, la profession a connu une embellie avec la confir-mation de la subsidiarité des États membres au sein de l’Union européenne. L’année 2010 sera-t-elle celle du retour à la croissance ? �

Serge Benaderette

Journaliste, Paris (75)

[email protected]

Les nouveaux actes d’accompagnement des patients

nécessitent d’être tarifés et nomenclaturés. (P. Gaertner)

Génériques

Un nouveau président pour l’EGA

Didier Barret a été élu à la tête de l’Association européenne des médica-ments génériques (EGA), pour un mandat de deux ans, le 18 novembre dernier. Il est président Europe Moyen-Orient et Afrique de Mylan. L’axe prioritaire de sa présidence a

ainsi été défini : « Créer les conditions pour le développement d’une industrie du médicament générique pérenne et compé ti ti ve sur le marché européen. » Pour ce faire, l’EGA travaillera particulièrement sur certains points dont : la promotion de systèmes de prix pérennes pour les médicaments génériques ; l’octroi automatique des prix et du statut de remboursement pour ces mêmes médicaments dès l’obtention de l’AMM ; la mise en place de critères clairs concernant l’innovation pour éliminer les pratiques de protec-tion abusives ; l’encouragement de la prescription et de la dispensation des médicaments génériques ; la création d’un environnement réglementaire européen adapté aux médica-ments génériques et biosimilaires. �

E. D.

Source Communiqué de presse de l’EGA du 18 novembre 2009.

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Un système de santé plébiscité mais fragilisé

83 % des Français pensent que la France a l’un des meilleurs systèmes de santé au monde.

61 % estiment que la qualité des soins s’est améliorée au cours de ces

dix dernières années et 32 % qu’elle s’est détériorée.

55 % se disent inquiets pour son évolution dans les dix années à venir.

80 % pensent que la santé et l’Assurance maladie doivent être

une priorité pour le gouvernement, juste après l’emploi.

55 % jugent que le déficit de la Sécurité sociale est « un problème grave

qu’il faut régler d’urgence » et 40 %, « un sujet de préoccupation important ».

61 % pensent qu’il vaut mieux modifier le système de soins sur

quelques aspects seulement.

E. D.Source Enquête Générale de Santé/TNS Sofres réalisée auprès d’un échantillon

national de 1 000 personnes représentatif de l’ensemble de la population

âgée de 18 ans et plus, interrogées en face-à-face, à leur domicile

du 25 au 28 septembre 2009. Communiqué de presse de Générale

de Santé du 24 novembre 2009.

Zoom

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