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11 société tabagisme Actualités pharmaceutiques n° 518 Septembre 2012 Le premier mars 2012, Yves Bur, député de la quatrième circonscription du Bas-Rhin, a remis au ministre de la Santé un rapport énumérant dix propositions visant à diminuer de moitié la consommation de tabac d’ici 2025. L e tabagisme constitue le premier facteur de risque des maladies non transmissibles (MNT). Il entraîne, en France, environ 60 000 décès par an et engendre des coûts sanitaires et sociaux considérables. Ainsi, sur la demande de Xavier Bertrand, alors ministre de la Santé, Yves Bur 1 a détaillé une série de mesures qui permettrait de lutter contre ce fléau. Mise en place d’une structure spécifique de lutte contre le tabagisme La prévalence du tabac a augmenté en France de deux points. Ce constat est le résultat d’une volonté politique fluctuante en matière de lutte contre le tabac. De plus, il a été noté que l’État coopère avec les industries de tabac pour la mise en place d’une politi- que antitabac. Cette dis- position paraît invrai- semblable. D’autres pays, tels que l’Australie, l’Angle- terre, le Canada et la Turquie, ont mis en place une politique homogène et continue dans le temps avec pour résultat une chute linéaire et continue de la consom- mation de tabac Financer le contrôle du tabac et la prévention des MNT liées au tabac Des expériences internationales tendent à démontrer qu’il est nécessaire d’investir entre 5 et 20 dollars par an et par habitant pour atteindre des objectifs durables de réduction de la consommation de tabac. Pourtant, la France n’investit que 0,08 € par an et par habitant. Par ailleurs, l’Orga- nisation mondiale de la santé (OMS) recommande qu’une partie des recettes fiscales générées par le tabac soit consacrée à la lutte anti- tabac. Dans l’Hexagone, des discussions à l’Assemblée et au Sénat ont mis en lumière que seule l’industrie du tabac ne payait pas pour les dégâts qu’elle génère. Pourtant, il sem- blerait légitime que celle-ci soit taxée, afin de contribuer à la pré- vention du tabagisme et de sup- porter les traitements de l’addic- tion que ces produits induisent. Une fiscalité tabac de santé publique pour protéger les jeunes La politique fiscale est un outil peu ou mal utilisé. Cependant, elle constitue un levier efficace au service d’objectifs précis. Une augmentation significative des prix permet de diminuer la prévalence du taba- gisme. Selon l’OMS, les jeunes sont très sensibles à l’augmentation des prix. Cette mesure les dissuade de commencer et leur évite de fumer suffisamment long- temps pour devenir dépendants. Pour améliorer la politique fiscale, il faut prévoir un soutien et un accompagnement des plus démunis. Stopper l’ingérence de l’industrie du tabac et des buralistes dans les politiques de santé publique L’industrie du tabac participe à la désinfor- mation du public, à l’organisation de la contrebande, à la corruption des cher- cheurs et tente d’infiltrer l’OMS. Toutes ces offensives compliquent la tâche des États dans leurs initiatives de protection de leur population contre le fléau du tabac. Les entreprises du tabac se veulent respon- sables (en s’impliquant dans les instituts de santé, par exemple), alors que leurs produis constituent la première cause de mortalité. Mettre en place une structure interministérielle spécifique pour la lutte contre le tabac, présidée par le Premier ministre et regroupant les ministères de la Santé, des Finances, du Budget et de l’Intérieur. Recommandation 1 générées par le tabac au financement de la dépendance tabagique. Recommandation 2 octobre sur trois années consécutives avec une progression d’un point du droit de consommation Recommandation 3 et l’ampleur du rôle de l’industrie du tabac. la transparence et les interactions entre comme “socialement responsables”. avec les industries du tabac. Recommandation 4 Comment passer la cigarette à tabac © Fotolia.com/Ljupco Smokovski

Comment passer la cigarette à tabac

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11 société

tabagisme

Actualités pharmaceutiques n° 518 Septembre 2012

Le premier mars 2012, Yves Bur,

député de la quatrième

circonscription du Bas-Rhin,

a remis au ministre de la

Santé un rapport énumérant

dix propositions visant à diminuer

de moitié la consommation

de tabac d’ici 2025.

Le tabagisme constitue le premier facteur de risque des maladies non transmissibles (MNT). Il entraîne, en

France, environ 60 000 décès par an et engendre des coûts sanitaires et sociaux considérables. Ainsi, sur la demande de Xavier Bertrand, alors ministre de la Santé, Yves Bur1 a détaillé une série de mesures qui permettrait de lutter contre ce fléau.

Mise en place d’une structure spécifique de lutte contre le tabagismeLa prévalence du tabac a augmenté en France de deux points. Ce constat est le résultat d’une volonté politique fluctuante en matière de lutte contre le tabac.

De plus, il a été noté que l’État coopère avec les industries de tabac pour

la mise en place d’une politi-que antitabac. Cette dis-

position paraît invrai-semblable.

D’autres pays, tels que l’Australie, l’Angle-terre, le Canada et la Turquie, ont mis en place une politique homogène et continue dans le temps avec pour résultat une chute linéaire et continue de la consom-mation de tabac

Financer le contrôle du tabac et la prévention des MNT liées au tabacDes expériences internationales tendent à démontrer qu’il est nécessaire d’investir entre 5 et 20 dollars par an et par habitant pour atteindre des objectifs durables de réduction de la consommation de tabac. Pourtant, la France n’investit que 0,08 € par an et par habitant. Par ailleurs, l’Orga-nisation mondiale de la santé (OMS) recommande qu’une partie des recettes

fiscales générées par le tabac soit consacrée à la lutte anti-tabac. Dans l’Hexagone, des discussions à l’Assemblée et au Sénat ont mis en lumière que seule l’industrie du tabac ne payait pas pour les dégâts qu’elle génère. Pourtant, il sem-blerait légitime que celle-ci soit taxée, afin de contribuer à la pré-vention du tabagisme et de sup-

porter les traitements de l’addic-tion que ces produits induisent.

Une fiscalité tabac de santé publique pour protéger les jeunesLa politique fiscale est un outil peu ou mal utilisé. Cependant, elle constitue un levier efficace au service d’objectifs précis. Une augmentation significative des prix permet de diminuer la prévalence du taba-gisme. Selon l’OMS, les jeunes sont très sensibles à l’augmentation des prix. Cette mesure les dissuade de commencer et leur évite de fumer suffisamment long-temps pour devenir dépendants. Pour améliorer la politique fiscale, il faut prévoir un soutien et un accompagnement des plus démunis.

Stopper l’ingérence de l’industrie du tabac et des buralistes dans les politiques de santé publiqueL’industrie du tabac participe à la désinfor-mation du public, à l’organisation de la contrebande, à la corruption des cher-cheurs et tente d’infiltrer l’OMS. Toutes ces offensives compliquent la tâche des États dans leurs initiatives de protection de leur population contre le fléau du tabac. Les entreprises du tabac se veulent respon-sables (en s’impliquant dans les instituts de santé, par exemple), alors que leurs produis constituent la première cause de mortalité.

Mettre en place une structure

interministérielle spécifique pour la lutte

contre le tabac, présidée par le Premier

ministre et regroupant les ministères

de la Santé, des Finances, du Budget

et de l’Intérieur.

Recommandation 1

générées par le tabac au financement

de la dépendance tabagique.

Recommandation 2

octobre sur trois années consécutives avec une

progression d’un point du droit de consommation

Recommandation 3

et l’ampleur du rôle de l’industrie du tabac.

la transparence et les interactions entre

comme “socialement responsables”.

avec les industries du tabac.

Recommandation 4

Comment passer la cigarette à tabac

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Page 2: Comment passer la cigarette à tabac

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tabagisme

Actualités pharmaceutiques n° 518 Septembre 2012

Rendre au tabac sa véritable imageLes industries du tabac ont tendance à banaliser leurs produits, voire à les rendre attractifs et ludiques. Pour y parvenir, ils utilisent les paquets de cigarettes comme support de communication. Les débits de tabac les mettent en avant et choisissent des emplacements qui incitent à l’achat.

Renforcer et faire appliquer le cadre réglementaireLa France, en matière de tabac, s’est dotée d’un cadre réglementaire strict, mais se trouve aujourd’hui en perte de vitesse. Dans ce domaine, la législation mérite d’évoluer et surtout d’être renfor-cée et appliquée. De plus, ces mesures sont censées protéger les individus les plus sensibles et vulnérables face à l’expo sition passive au tabac : les enfants et les jeunes.

Aider tous les fumeurs qui souhaitent arrêter le plus rapidement possibleSelon l’OMS, il coûte cher de prévenir, mais plus encore de soigner les patho-logies liées au tabac. Il est reconnu qu’une couverture assurantielle de l’aide au sevrage tabagique permet d’augmenter le nombre de tentatives d’arrêt du tabac, le taux d’utilisation des thérapeutiques

d’aide à l’arrêt du tabac, le taux d’absti-nence et l’amélioration du ratio coût/efficacité.

Lancer un programme de recherche et d’évaluationIl n’existe, à ce jour, aucune politique de recherche sur le tabac, alors que le taba-gisme est une maladie chronique récidi-vante décrite dans le CIM 10 (classifica-tion internationale des maladies) et dans le DSM IV (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fourth Edition).

Réengager la France aux plans européen et internationalLa France a déjà joué un rôle européen et international en matière de lutte contre le tabagisme. Cependant, son influence s’est fortement affaiblie contrairement à des pays comme l’Australie et le Canada. L’Australie a financé à hauteur de 700 000 dollars le secrétariat de la Convention cadre pour la lutte antitabac et le Canada a lancé un programme de soutien à la prévention des MNT. Michael Bloemberg et Bill Gates se sont engagés

à hauteur de 500 millions de dollars depuis 2006 pour réduire la consommation de tabac dans les pays à faibles et moyens revenus et qui comptent le plus grand nombre de fumeurs.

Préparer les acteurs économiques concernés à la sortie du tabacLes acteurs concernés sont essentielle-ment les débitants de tabac, qui ont déjà connu la succession de trois “contrats d’avenir”. Ceux-ci prévoient des aides pour les buralistes, qui ont vu leur chiffre d’affai-res ainsi augmenter de 35,5 % entre 2002 et 2010. Par ailleurs, il a été démontré que les buralistes ne respectaient pas la légis-lation. Ce réseau de proximité peut repré-senter une menace pour la santé publique, sachant qu’il est instrumentalisé par les industries du tabac. �

Yannick Frullani

Pharmacien, Biars (46)

[email protected]

Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Note1. Bur Y. Proposition pour une nouvelle politique de lutte contre le tabac. Février 2012. http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_Y_Bur_nouvelle_politique_de_lutte_contre_le_tabac.pdf

par une campagne de type “grande cause

sur le modèle australien.

de l’industrie.

Recommandation 5

de publicité et de promotion sur le lieu de vente.

Recommandation 6

s’arrêter :

– gratuité pour les populations prioritaires et

enceintes et bénéficiaires de la couverture

médicale universelle) ;

avec une couverture supplémentaire assumée

par les assurances complémentaires.

tabagique dans les programmes de lutte contre

les maladies non transmissibles.

Recommandation 7

annoncer un troisième plan cancer.

Recommandation 8

tabac, notamment dans les négociations du protocole

contre le commerce illicite.

qui réglemente les produits du tabac.

Recommandation 9

ne plus lier leur rémunération au volume

des ventes.

Recommandation 10