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Comment réagissent les consommateurs face à des tentations d’achat répétées ? Une application aux ventes privées en ligne Nawel Ayadi Maître Assistante, Chercheur CRM ISG Tunis, EAC-CNRS 5032, IAE de Toulouse, Université de Toulouse 1 Capitole Magali Giraud Maître de conférences, CRM, EAC-CNRS 5032, IAE de Toulouse, Université de Toulouse 1 Capitole Christine Gonzalez* Maître de conférences CREM, UMR-CNRS 6211, IGR-IAE de Rennes, Université de Rennes 1 *11 rue Jean Macé ; CS 70803 ; 35708 Rennes Cedex 7 ; Email : christine.gonzalez@univ- rennes1.fr ; Tel. : 02 23 23 30 53

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Comment réagissent les consommateurs

face à des tentations d’achat répétées ?

Une application aux ventes privées en ligne

Nawel Ayadi

Maître Assistante, Chercheur CRM

ISG Tunis, EAC-CNRS 5032, IAE de Toulouse, Université de Toulouse 1 Capitole

Magali Giraud

Maître de conférences,

CRM, EAC-CNRS 5032, IAE de Toulouse, Université de Toulouse 1 Capitole

Christine Gonzalez*

Maître de conférences

CREM, UMR-CNRS 6211, IGR-IAE de Rennes, Université de Rennes 1

*11 rue Jean Macé ; CS 70803 ; 35708 Rennes Cedex 7 ; Email : christine.gonzalez@univ-

rennes1.fr; Tel. : 02 23 23 30 53

Comment réagissent les consommateurs face

à des tentations d’achat répétées ? Une application aux ventes privées en ligne

Résumé :

Lorsqu’ils sont exposés à des tentations d’achat, les consommateurs peuvent décider de mettre

en place avec plus ou moins de succès des mécanismes de contrôle. Cette recherche s’intéresse

à deux variables clés dans le processus qui conduit une impulsion d’achat à se transformer en

un achat impulsif : la capacité et la volonté du consommateur à se contrôler. Une étude

qualitative a été conduite auprès de 34 membres des sites de ventes privées afin de mettre en

évidence les processus de contrôle mis en place par des consommateurs face à tentations

d’achat répétées.

Mots-clés : achats impulsifs, processus de contrôle, ventes privées en ligne.

How do consumers react to repeated purchase temptations?

An application to the online private sales

Abstract:

When exposed to purchase temptations, consumers may decide to set up, with varying degrees

of success, control mechanisms. This research focuses on two key variables within the process

by which purchase impulse turns into an impulsive purchase: consumer’s ability and willingness

to control himself. A qualitative study was conducted with 34 online private sales members in

order to highlight the control processes established by consumers confronted with repeated

purchase temptations.

Key-words: impulsive purchase, control process, online private sales.

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Comment réagissent les consommateurs face

à des tentations d’achat répétées ? Une application aux ventes privées en ligne

Introduction

Les achats impulsifs, très lucratifs pour les producteurs et les distributeurs, ont stimulé un

nombre conséquent de recherches dans les années 80 et 90 (Beatty et Ferrell, 1998, Rook,

1987, Weinberg et Gottwald, 1982). Le développement de la vente en ligne a revitalisé ces tra-

vaux, Internet étant en effet propice aux achats impulsifs, tant parce qu’il lève des frontières

physiques et temporelles à l’achat, qu’il élimine la pression sociale, ou qu’il favorise les promo-

tions, levier des achats impulsifs (Madhavaram et Laverie, 2004 ; Park & al., 2011). Toutefois,

il est difficile d’occulter le potentiel dysfonctionnel de ce type d’achats, souvent assimilés à des

décisions myopes ou inconsistantes dans le temps (Loewenstein, 1996; Thaler et Sefrin, 1981;

Wertenbroch, 1998). Les recherches sur les achats compulsifs pointent pour leur part très clai-

rement les dérives auxquelles s’expose un consommateur incapable de réprimer ses impulsions:

culpabilité, surconsommation, endettement etc. (D’Astous, Valence et Fortier, 1989 ; Faber et

Christenson, 1996 ; O’Guinn et Faber, 1989, Peters et Bodkin, 2007). Les travaux sur la résis-

tance, enfin, évoquent de possibles réactions agressives de consommateurs prenant conscience

des manipulations des entreprises (Roux, 2007). Les recherches sur les achats impulsifs se sont

ainsi, dans un second temps, focalisées sur les réponses des consommateurs à leurs impulsions

d’achat, en particulier, leur capacité à se contrôler (Dholakia, 2000 ; Hoch et Loewenstein,

1991 ; Rook et Fisher, 1995 ; Shiv et Fedorikhin, 1999 ; Vohs et Faber, 2007). Cette recherche

se fixe plus spécifiquement pour objectif d’identifier les mécanismes de contrôle mis en place

par les consommateurs lorsqu’ils sont exposés de manière répétée à des tentations d’achat. Le

cadre d’analyse choisi ici sera celui des ventes privées en ligne qui soumettent le consomma-

teur à un flux continu d’offres de marques prestigieuses proposées à prix réduit et en quantités

2

limitées. Ce modèle de vente vise à stimuler des impulsions d’achat, fondées sur le smart-

shopper-feeling1 (Schindler, 1989). Son dynamisme indéniable (un CA prévisionnel de

1 107 000 000 euros en 2011 pour le leader ventes-privées.com soit une croissance prévue de

14% de 2010 à 20112) et la fidélité de ses consommateurs (les consommateurs viennent en

moyenne neuf fois par mois sur le site Ventes Privées) suggèrent que le consommateur, soit se

laisse prendre au jeu, soit s’y prête. Cette recherche soulève une double interrogation : lors-

qu’il est conscient de risquer de s’exposer à des tentations d’achat, le consommateur ressent-il

ou non le besoin de se contrôler et a-t-il ou non la capacité de le faire ? Cet article développe,

dans une première partie, le cadre théorique mobilisé. La méthodologie est ensuite exposée

suivie de l’analyse des résultats. Enfin, la conclusion détaillera les implications théoriques et

managériales ainsi que les voies futures de recherche.

1. Cadre théorique

Les recherches se sont largement centrées sur une conceptualisation des achats impulsifs

comme des actes « myopes », où, en cédant à son désir immédiat, le consommateur agit à

l’encontre de ses intérêts à long terme (Hoch et Loewenstein ; Thaler et Shefrin, 1981). Le

consommateur, en proie à une impulsion, est tiraillé entre un bénéfice hédonique immédiat

certain et des intérêts supérieurs, à plus long terme, parfois incertains (épargner, se sentir

maître de soi etc.) (Ainslie, 1975; Baumeister, Heatherton et Tice, 1994; Dhar et Wertenbroch,

2000; Loewenstein, 1996). Dans cette vision des achats impulsifs, la réponse rationnelle du

consommateur à une impulsion serait de résister à son désir. L’objectif des recherches est

alors de comprendre comment un individu peut contrôler son désir pour lui résister. La

1 Ainsi, la page d’accueil d’un des principaux sites américains (Gilt) annonce "Gilt plays to our impul-

sive, thrill-seeking selves by putting up new enticements every day" et "Everyone agrees nothing's sex-

ier than a bargain.” 2 http://pressroom.vente-privee.com/PressKit/DP_10.aspx (chiffres datant d’Octobre 2011)

3

capacité tout comme la motivation à se contrôler jouent un rôle central et seront détaillées dans

cette partie théorique.

Dans cette recherche, nous retenons la définition du contrôle de McInnis et Patrick (2006)

sous la terminologie d’auto-régulation : il s’agit du « processus de contrôle des pensées,

comportements, attention et émotions destiné à mettre en œuvre une action corrective

permettant d’atteindre un but approprié en termes normatifs ou un but personnellement dési-

ré ».

1.1. La capacité de contrôle du consommateur sur ses impulsions d’achat

Les déterminants du contrôle personnel : La capacité à contrôler ses impulsions dépend tant

de l’individu que de la situation dans laquelle il s’y trouve confronté. Parmi les principaux

antécédents individuels se trouve le niveau personnel de contrôle de soi (Baumeister et

Heatherton, 1996 ; Schmeichel et Zell, 2007). Celui-ci peut se renforcer sous l’effet de

l’expérience (Fishbach, Friedman et Kruglanski, 2003, Muraven, Baumeister et Tice, 1999).

D’autres variables jouent un rôle, parmi lesquelles le niveau d’impulsivité (Shiv et Fedorikhin,

1999), la capacité à considérer les conséquences futures de ses actes (Nenkov, Inman et Hul-

land, 2008 ; Strathman & al., 1994) ainsi que l’orientation régulatrice des individus (promotion

vs prévention) (Dholakia & al., 2006).

La capacité de contrôle dépend également de la situation (Hoch et Loewenstein, 1991). Ainsi,

plus la tentation est proche physiquement ou temporellement, plus il est difficile à l’individu

d’y résister (Hoch et Loewenstein, 1991 ; Loewenstein et Prelec, 1992 ; Metcalfe et Mischel,

1999 ; Shiv et Fedorikhin, 1999). Par ailleurs, un individu a plus de mal à résister à ses

impulsions lorsque ses ressources cognitives sont déjà concentrées sur une autre tâche (Shiv et

Fedorikhin, 1999), lorsqu’il est stressé ou dans un état affectif désagréable (Fry, 1975 ;

Baumeister et Heatherton, 1996 ; Klohnen, 1996 ; Tice, Bratslavsky et Baumeister, 2001) ou

4

bien dans un état de fort éveil (Fedorikhin et Patrick, 2008). Plus généralement, s’appuyant sur

la théorie du contrôle comme ressource limitée, plusieurs travaux ont montré que toute

situation consommatrice de contrôle personnel diminuait la capacité de contrôle des impulsions

(Baumeister et Heatherton, 1996, Vohs et Faber, 2007).

Les techniques de contrôle des impulsions d’achat : De nombreuses recherches ont étudié les

méthodes de contrôle des impulsions (Hoch et Loewenstein, 1991; Hofmann, Friese et Roefs,

2009) et les classent en deux groupes : les stratégies visant à éviter la tentation ou à la rendre

moins intense et celles visant à renforcer le contrôle (Ainslie, 1992; Schelling, 1984; Thaler et

Shefrin, 1981, Wertenbroch, 1998). Ainsi, pour diminuer son désir en cas d’exposition à une

tentation, le consommateur peut détourner son attention soit vers d’autres stimuli physiques

(s’éloigner), soit vers des pensées associées à des objectifs « supérieurs » (être maître de soi

etc.) (Rook et Hoch, 1985). Des effets d’apprentissage peuvent même apparaître au point que

le consommateur en vient à associer inconsciemment à chaque impulsion d’achat un objectif à

long terme (économiser pour partir en vacances) inhibant ainsi le passage à l’achat impulsif

(Fishbach, Friedman et Kruglanski, 2003). Le consommateur peut également reporter toute

décision d’achat (ne jamais se décider à la première visite) ou substituer une petite récompense

à la tentation initiale. Une seconde manière de mieux maîtriser son désir face à la tentation est

d’augmenter son niveau de volonté (Hoch et Loewenstein, 1991 ; McInnis et Patrick 2006). Il

s’agit de contrebalancer le désir en mettant en relief ou en associant artificiellement des coûts à

l’acte impulsif. Pour cela, les consommateurs peuvent mettre en œuvre une stratégie de « pré-

engagement» de manière à, soit rendre l’achat impossible (ne pas avoir d’argent sur soi), soit

augmenter suffisamment les coûts associés pour qu’ils dépassent les bénéfices anticipés. Ces

coûts peuvent être matériels (ne pas négocier d’autorisation de découvert) (Hoch et

Loewenstein, 1991 ; Wertenbroch, 1998) ou psychologiques (s’engager publiquement à ne pas

reproduire un comportement). Les consommateurs peuvent également se forcer à mieux

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anticiper les coûts (en liant une action isolée à des conséquences à long terme en cas de répéti-

tion) ou garder des traces écrites de chacune de leurs dépenses pour prendre conscience de

leur poids total. Anticiper un sentiment de culpabilité ou de regret s’avère également efficace

pour se contrôler (McInnis et Patrick 2006).

L’ensemble de ces recherches insiste sur le rôle central du contrôle dans la résistance à une ten-

tation. Toutefois, Muraven et Slessareva (2003) montrent que, même lorsque leurs ressources

en contrôle sont faibles, certains individus arrivent à se motiver pour résister. Ce résultat met

l’accent sur le rôle de la volonté.

1.2. La volonté de contrôle du consommateur sur ses impulsions d’achat

Remise en cause de l’irrationalité des achats impulsifs : En élargissant le cadre d’analyse des

actes impulsifs au-delà de l’approche dysfonctionnelle, des auteurs ont souligné les bénéfices

liés aux actes impulsifs (Puri, 1996). L’idée selon laquelle la réponse la plus rationnelle à une

tentation est de lui résister a alors été nuancée. En effet, si certaines décisions impulsives cor-

respondent effectivement à des décisions inconsistantes dans le temps, où les coûts surpassent

les bénéfices, elles ne le sont pas toutes. Deux éléments rendent plus particulièrement difficile

l’évaluation a priori du caractère rationnel ou non d’une décision impulsive : d’une part, le ca-

ractère multidimensionnel des conséquences de la décision (à court terme et à plus long terme,

positives et négatives, psychologiques et matérielles); d’autre part, leur caractère incertain

(Green, Fry et Myerson, 1994). Il est donc envisageable que, chez certains individus et dans

certaines situations, céder à une impulsion soit une réponse raisonnable. Thompson, Locander

et Pollio (1990) décrivent ainsi les achats impulsifs comme des actes de liberté où l’acheteur

s’affranchit de la nécessité de se contrôler et d’évaluer de manière analytique le bien-fondé de

la décision d’achat, parce qu’il ressent de manière holistique et directe le bien-fondé de la déci-

sion. Dans certains cas et chez certains individus, les décisions impulsives s’avèrent satisfai-

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santes autant à court qu’à long terme (Burroughs, 1996 ; Hausman, 2000). Le consommateur

n’a alors pas de raison de résister à son désir (Dickman, 1990). Par ailleurs, parce qu’ils ont

tendance à toujours réfréner leurs impulsions et qu’avec le temps se développe chez eux le re-

gret de ne pas s’être fait assez plaisir durant leur vie, certains individus « sur-contrôlés »

s’obligent à relâcher leur contrôle et à suivre leurs impulsions (Kivetz et Keinan, 2006). Ainsi,

alors que l’enjeu, pour certains individus impulsifs réside dans une meilleure maîtrise de leurs

impulsions, à l’inverse, pour les individus « hypermétropes » (Kivetz et Keinan, 2006), l’enjeu

est d’apprendre à céder à la tentation, à la fois pour les bénéfices hédoniques liés au plaisir im-

médiat de l’acte impulsif mais également pour le bénéfice économique lié à certaines décisions

immédiates (bonne affaire qui ne se représentera pas, décision rapide à prendre) (Kivetz et

Keinan, 2006 ; Keinan et Kivetz, 2008; Kivetz et Simonson 2002). Pour cela, ces individus

peuvent mettre en place des mécanismes pour s’obliger à se faire plaisir. Enfin, dans certaines

situations, céder à une impulsion peut correspondre à un acte « d’auto-indulgence » délibéré.

Le consommateur peut volontairement se laisser aller à acheter impulsivement par exemple

pour mettre fin à un état affectif indésirable ou pour se récompenser d’avoir atteint des objec-

tifs (Thompson, Locander et Pollio, 1990 ; Tice, Bratslavsky et Baumeister, 2001). L’ensemble

de ces expériences illustre les achats impulsifs « consonants » avec les intérêts du consomma-

teur (Dholakia, 2000), où céder à son désir d’achat est une décision rationnelle, au moins à

court terme et où le relâchement de contrôle n’est pas subi mais délibéré.

Les déterminants de la volonté de contrôle : Le consommateur consentira ou non à contrôler

ses comportements d’achat impulsif sur la base de paramètres individuels ou contextuels. Rook

et Fisher (1995) ont ainsi mis en évidence le caractère explicatif de l’évaluation normative par

les individus des achats impulsifs qui peut être sous-tendue par des normes ou des valeurs indi-

viduelles (Zhang et Shrun, 2009) ou par des éléments culturels (une société individualiste to-

lère mieux les actes impulsifs qu’une société collectiviste (Kacen et Lee, 2002 ; Zhang & al.,

7

2010). Enfin, certains consommateurs ont confiance dans leurs impulsions parce que

l’expérience leur a montré que les décisions qu’ils prenaient de manière impulsive s’avéraient

satisfaisantes et représentent ainsi un signal fiable pour agir (Burroughs 1996 ; Dickman 1990 ;

Thompson, Locander et Pollio, 1990).

La volonté des consommateurs de résister ou non à une impulsion varie également selon la si-

tuation. Ainsi, Dholakia (2000) met en évidence le processus cognitif qui suit l’impulsion. En

fonction de l’évaluation qu’il a du caractère « consonnant » ou « dissonant » de l’impulsion

avec ses intérêts, le consommateur souhaitera ou non maîtriser son désir. Les éléments « disso-

nants » peuvent être situationnels (besoin de contrôler ses dépenses, son temps passé dans les

magasins etc.). L’environnement personnel au moment de l’achat est également important.

Ainsi Luo (2006) montre que le fait d’être accompagné par des proches favorise les achats im-

pulsifs, alors que la présence de membres de la famille les freine.

2. Méthodologie

2.1. Choix du terrain d’application: les ventes privées en ligne

Les sites de ventes privées en ligne constituent actuellement des lieux de visite et d’achat

propices au déclenchement d’achats impulsifs. Les tentations y sont en effet nombreuses et

variées. Il s’agit en premier lieu d’attirer le visiteur par le couple marques à forte notoriété –

promotions importantes. L’aspect tentant de cette combinaison est renforcé par deux

contraintes, l’une temporelle consistant à limiter la durée de l’offre à quelques jours et l’autre

quantitative résidant dans la limite des stocks disponibles. Ces sites exercent donc une double

pression parfois accentuée par des éléments d’affichage tels que le nombre de visiteurs présents

au même moment, le nombre d’articles restants etc. La combinaison de ces moyens est de

nature à déclencher et faciliter la naissance d’impulsions et par conséquent maximiser les achats

impulsifs.

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2.2. Méthodologie de la recherche

Trente-quatre entretiens semi-directifs ont été réalisés afin de mieux comprendre les compor-

tements du consommateur sur les sites de ventes privées en ligne. Les auteurs ont sollicité uni-

quement des personnes membres depuis au moins un an d’un site de ventes privées en ligne. 30

femmes et 4 hommes ont été interviewés. En effet, les femmes, qui représentaient, en 2006,

59% des acheteurs de vêtements et d’accessoires sur Internet3, sont majoritaires parmi les

clients des sites de ventes privées en ligne4. Le profil des répondants (annexe 1) est varié en

termes d’âge (l’âge moyen est de 32 ans, il varie entre 22 et 60 ans) et de catégories socio-

professionnelles.

Le guide d’entretien a été structuré autour de trois thèmes extraits du cadre conceptuel : (1) le

comportement de visites et d’achat sur les sites de ventes privées en ligne, (2) les risques et les

bénéfices associés à la consommation sur ces sites et (3) le comportement de contrôle ou de

résistance face aux tentations de ces sites. Les trente-quatre entretiens, d’une durée de 40 mi-

nutes à 1h15, ont été intégralement retranscrits. Ils représentent un corpus de 432 pages.

Une analyse de contenu manuelle a été conduite. Les entretiens ont été lus de façon attentive

par les auteurs. Suite à cette lecture, une grille d’analyse a été construite par une comparaison

entre les données et la théorie. Cette grille d’analyse a fait l’objet de nombreuses discussions

jusqu’à obtenir un consensus entre les auteurs. Une analyse verticale (comment se manifeste la

volonté et la capacité à se contrôler ?) et horizontale (existe-il différents profils?) a été réalisée.

3. Résultats

3 http://www.journaldunet.com/cc/04_ecommerce/ecom_cyberconso_fr.shtml 4 En juin 2011, 60% des acheteurs du site ventes-privées étaient des femmes,

http://www.journaldunet.com/ebusiness/commerce/audience-femmes-e-commerce/mode.shtml

9

Nous proposons d’étudier les réponses des consommateurs aux impulsions ressenties sur les

sites de ventes privées selon deux variables : la volonté ou non de se contrôler et la capacité ou

non à le faire (annexe 2). Trois profils apparaissent : (1) les consommateurs « myopes » : ils

voudraient se contrôler mais en sont incapables, ce qui les conduit à faire des achats dysfonc-

tionnels, à surconsommer ; à l’extrême, ils peuvent sombrer dans des pratiques addictives. (2)

les consommateurs « auto-régulés » : ils veulent contrôler certaines de leurs impulsions et y

arrivent ; ils tentent de concilier le plaisir d’acheter impulsivement et leurs intérêts à long terme

(3) les individus « hypermétropes » (Kivetz et Keinan, 2006) ; ils aimeraient ne pas toujours se

contrôler, mais sont incapables de lâcher prise

3.1. Volonté de se contrôler et incapacité à le faire (les myopes)

Certains individus sont incapables de contrôler leurs achats et de résister au « smart-shopper-

feeling » : ils achètent des produits dont ils n’ont pas besoin «J’achète aussi beaucoup, beau-

coup de cosmétiques, alors que je ne m’en sers pas beaucoup, c’est ça qui est marrant. J’ai

des kilos de maquillage» (Femme 9). Dans des cas extrêmes, ces achats peuvent devenir com-

pulsifs (O’Guinn et Faber, 1989 ; Peters et Bodkin, 2007). Ainsi l’achat sur les sites de ventes

privées est décrit par certains consommateurs comme une drogue dont on doit se désintoxiquer

: après l’achat, le consommateur ressent d’abord de l’excitation et du plaisir avant d’être sub-

mergé de sentiments négatifs : «Comme c’est un peu comme une drogue, c’est un peu comme

une descente d’un drogué qui souffre de sa dépendance et au final va se dire : « Et bien je

vais arrêter », parce qu’il y a la montée, mais il y a la descente » (Femme 9). Les sentiments

de culpabilité et de remords émergent prenant ainsi le dessus : « Mais quand on achète trop et

qu’au final ça finit par être plus désagréable qu’agréable, parce que la culpabilité est forte,

tellement forte que ça gâche le plaisir» (Femme 9). Des problèmes matériels et sociaux appa-

raissent également : « Question : Donc, le seul problème, ce serait un problème de place… ?

10

Réponse : Et puis financier forcément » (Femme 9), «alors ma sœur elle me dit ça suffit parce

qu’à un moment je n’achetais que des fringues, ma sœur elle me dit là ça suffit » (Femme 10).

Conscients de ces différents risques associés à l’achat impulsif, ces consommateurs tentent sans

succès de mettre en place des stratégies pour contrôler leurs achats: « Et du coup, quand tous

les jours on reçoit des mails, par presque dizaines, de marques qu’on aime bien, on va juste

jeter un œil en se disant « bon j’achète pas, et puis en fait, quand tu es face à une offre gé-

niale, une robe super, un achat à un prix imbattable et bien on commande quand même. »

(Femme 9), «J’essaie de me dire que cet argent je peux l’utiliser pour quelque chose de plus

utile, mais au final je cède car je n’aurais pas deux fois l’opportunité…oui je me fixe une

barre à ne pas dépasser mais des fois je la dépasse » (Femme 20). Pour atténuer leur culpabi-

lité, ils tentent de rationaliser leurs décisions « je me dis qu’au pire, je renverrai » (Femme 7).

3.2. Volonté de se contrôler et capacité à le faire (les auto-régulés)

Pour nombre de ces consommateurs, c’est l’expérience qui semble leur avoir permis de mettre

en place des outils de contrôle, alors que dans les premiers temps de leur relation, ils avaient

tendance à dépenser sans limites : «Au départ, tu te dis que tu vas faire une bonne affaire et tu

le prends. Mais si je m’amuse à faire 100 euros d’achats sur Ventes-Privées tous les mois… »

(Femme 1). Il semble en effet que l’expérience leur a fait prendre conscience des désagréments

auxquels ils risquent de se heurter s’ils cèdent d’une manière répétée à leurs impulsions. Trois

types de stratégies de contrôle identifiées par Hoch et Loewenstein (1991) ont émergé. Les

premières sont mises en place avant la naissance de l’impulsion d’achat. Certains consomma-

teurs évitent de se retrouver exposés à la tentation, en limitant le nombre de mails reçus ou lus

: « Les offres sont très tentantes, alors, pour me limiter, je préfère n’être inscrite que sur un

site » (Femme 25), ou en s’interdisant la visite du site, spécialement lorsque la tentation est

grande : « si une vente me plait vraiment, souvent je me dis qu’il vaut mieux ne pas aller voir,

11

puisque souvent je sais que j’achèterais pas quand même. Je me dis je ne vais pas me faire

râler pour rien » Femme 25), ou lorsqu’ils ont la certitude que les stocks ont fondu, « j’y vais

plus à sept heures. Maintenant, j’y vais dans la journée parce que je me dis qu’il y a plus de

chances que je ne trouve plus ma taille » (Femme 12). Cette volonté de contrôle semble par-

fois donner lieu à des manifestations de résistance (Roux, 2007) : « Si c’est quelque chose à

laquelle je suis pas inscrite, je regarde même pas ce qu’il y a dedans… ; ça m’énerve en fait

de recevoir des choses pour lesquelles j’ai rien demandé… ; je vais direct cocher et suppri-

mer, j’ouvre même pas » (Femme 28).

Chez d’autres individus, c’est au stade du passage de l’impulsion à l’achat impulsif que se met

en place le contrôle. Avant de conclure l’achat, il arrive au consommateur de ressentir une

« alerte » qui lui indique que l’achat présente des risques (Dholakia, 2000). S’ensuit une éva-

luation approfondie du bien-fondé de l’achat et le consommateur en vient à résister à la tenta-

tion si l’évaluation est négative : «…parce que des fois, il y a une euphorie, et puis quand on

regarde le panier, on se dit : « ça sert à rien, je le mettrai pas », et puis on le valide pas »

(Femme 5). Plusieurs répondants procèdent même à une recherche d’information complémen-

taire sur Internet afin de vérifier que le produit n’est pas proposé à un prix inférieur sur un

autre site : « il suffit que tu tapes la référence de l’objet qu’ils ont soit disant en ventes pri-

vées, et tu t’aperçois que sur n’importe quel site de ventes normales sur Internet, c’est au

même prix. » (Homme 1). Certains consommateurs se forcent à anticiper les conséquences de

l’achat : « Ce que je fais, en général, pour me dissuader d’acheter, c’est que je vais faire un

tour sur mon compte bancaire et, en général, c’est fatal » (Femme 12), à mettre en perspec-

tive cette dépense avec d’autres dépenses : « … ça s’accumule, ça va être cette petite dépense,

plus une autre, plus une autre, donc oui t’as fais des affaires, mais au final ton argent il est

perdu, donc ça pour moi, oui c’est un risque » (Femme 29). Une autre tactique consiste à an-

ticiper les regrets et la culpabilité: « Je me dis : « C’est n’importe quoi. T’achètes trop de

12

trucs que tu ne mets pas. Tu as trop de fringues »… Donc, au bout d’un moment, je ferme la

fenêtre » (Femme 3). La stratégie qui consiste à se concentrer sur la récompense future liée au

fait de ne pas avoir cédé à la tentation immédiate apparaît également : « Pour résister à une

tentation, je pense à mes projets » (Femme 26).

Les discours font également apparaître des outils de contrôle post-achats impulsifs. Céder aux

impulsions est ainsi envisagé puisqu’il y a la possibilité de « corriger » la décision d’achat, soit

en se faisant rembourser l’article, soit en le revendant sur Ebay.: « Passé un délai, si je porte

pas le vêtement, je le remets en vente sur Ebay … j’arrive à revendre un peu plus cher, quand

il s’agit de pièces un peu recherchées» (Femme 13). On peut considérer ces consommateurs

comme des « opportunistes ». Certains s’auto-financent en n’achetant quelque chose de nou-

veau qu’après avoir revendu un produit : « Je les revends sur Ebay, en mettant « neuf ». Je

revends parce que j’ai envie de faire un autre achat impulsif » (Femme 14).

3.3. Volonté de ne pas se contrôler mais exercice du contrôle (les hypermétropes)

Selon Kivetz et Keinan (2006), ces consommateurs prudents, économes, ressentent un blocage

psychologique lorsqu’ils sont confrontés à la tentation. Ils culpabilisent tellement à l’idée de se

laisser aller, de se faire plaisir spontanément, qu’ils ont tendance à résister à toutes leurs impul-

sions d’achat, même s’ils ne courent aucun risque. Pour se justifier, ils invoquent des raisons

« objectives » - risque d’erreur, financier…, même si le véritable blocage est le besoin de se

contrôler : « c’est grave parce que des fois j’ai vraiment besoin du produit, je regarde et là je

me dis est-ce que j’en ai vraiment besoin, non, allez hop je zappe, ça est-ce que c’est vraiment

joli, j’essaie de regarder je me dis oui mais non, et j’ai encore cette appréhension ou plutôt

cette idée selon laquelle finalement ils essaient de nous refourguer leurs invendus qui revient,

et je me dis non, et du coup je suis là à retirer les articles un à un et je me dis non » (Femme

13

6). En revanche, ces comportements génèrent, a posteriori, le regret d’avoir raté des opportu-

nités, de ne pas avoir s’offrir des moments de plaisir : « Et après je suis déçue » (Femme 6).

3.4. Disparition des impulsions d’achat (les dépassionnés)

L’objectif de la recherche était d’étudier l’évolution des réactions des consommateurs face aux

impulsions d’achat. Même s’il sort de ce cadre, il est intéressant de constater l’existence d’un

quatrième type d’acheteurs qui, avec l’expérience, en viennent à ne plus éprouver d’impulsions

sur les sites de ventes privées. La question de se contrôler ne se pose plus dans la mesure où la

relation devient utilitariste. Leurs achats sont motivés par des raisons économiques ou de

commodité et dépourvus de toute excitation : « C’est de l’achat de commodité, pour tous les

jours. Pour s’habiller pour aller au boulot, pour du renouvellement. Ce n’est pas un truc

d’expérience» (Homme 3). Certains reconnaissent avoir réalisé, au début, des achats impulsifs

sur ces sites, mais l’excitation de départ a progressivement disparu : « À la longue, tu

t’aperçois que c’est toujours les mêmes ventes qu’il y a. C’est toujours les mêmes marques, ils

ont toujours les mêmes références, c’est toujours les mêmes trucs, et ils jouent avec ça en

fait » (Homme 1). D’autres « détournent » même les ventes à leur profit, en achetant des

stocks qu’ils revendent à des prix supérieurs : « Thierry Mugler j’en ai pris 12 pour femme, 7

pour homme, j’avais pris des bracelets aussi. J’en avais eu pour 800 € donc bonne commande

quoi » (Femme 24).

Conclusion

L’objectif de cette recherche était d’analyser les réponses des consommateurs confrontés à des

tentations d’achat répétées. Les répondants semblent avoir pris conscience du risque d’acheter

impulsivement sur les sites de ventes privées. A l’exception des « hypermétropes », ils en vien-

nent à éprouver, plus ou moins rapidement, la volonté de se contrôler. Ceci signifie qu’il leur

14

arrive à tous d’éprouver des impulsions dissonantes avec leurs intérêts. Il n’apparaît pas, dans

cette recherche, d’individu n’ayant aucun besoin de se contrôler. Les individus impulsifs fonc-

tionnels (Dickman, 1990), dont les achats impulsifs s’avèrent rationnels, pourraient être, non

pas des individus dont les impulsions s’avèrent toujours consonantes, mais des individus qui

savent ne céder qu’aux impulsions consonantes.

Si la plupart des personnes interrogées ressentent le désir de se contrôler, en revanche, leur ca-

pacité à traduire cette volonté en contrôle effectif varie. Lorsqu’ils sont confrontés à une im-

pulsion d’achat, les « myopes » ont du mal à dépasser leur plaisir immédiat et à prendre en

compte leurs intérêts à long terme. Ils peuvent réaliser des achats impulsifs dysfonctionnels et,

dans les cas extrêmes, en viennent à surconsommer, voire deviennent dépendants de l’achat.

Kukar-Kinney, Ridgway et Monroe (2012) montrent que les acheteurs compulsifs sont particu-

lièrement sensibles aux promotions et aux marques prestigieuses, sur Internet. Notre étude cor-

robore ce résultat en soulignant la difficulté qu’ils ont à résister aux offres sur les ventes pri-

vées en ligne, jouant justement sur ces deux leviers. Toutefois, la plupart des consommateurs

ne sombrent pas dans l’addiction, soit en raison de l’essoufflement du désir d’achat, soit grâce

à l’apprentissage du contrôle. Cette recherche valide empiriquement l’existence des stratégies

de contrôle des impulsions par le consommateur mises en évidence par Hoch et Loewenstein

(1991). Les consommateurs ayant la volonté de résister à une impulsion d’achat peuvent ainsi

mettre en œuvre trois procédures : (1) essayer d’éviter la tentation, (2) rendre saillants les

coûts associés au passage à l’acte et (3) tenter de rationaliser le passage à l’acte d’achat. Ce

travail met en évidence également l’existence d’un « effet d’expérience » : les consommateurs

deviennent moins impulsifs avec le temps sur les sites de ventes privées parce qu’ils apprennent

à mieux se contrôler mais également parce que leur désir d’acheter diminue du fait de la répéti-

tion des offres. Le smart-shopper-feeling largement sous-jacent à ce type d’impulsions d’achat

repose en effet sur un sentiment d’urgence (offre limitée dans le temps et en quantité) (Ayadi,

15

Giraud et Gonzalez, 2010). Or, le consommateur dont la boîte mail est inondée d’offres de ce

type ne peut que constater une banalisation des ventes privées. Les acteurs du marché de-

vraient développer de nouveaux formats d’offres, pour relancer l’intérêt, à l’image des ventes

« OneDay » de Ventes Privées5. Restaurer le « smart-shopper-feeling » pourrait passer par un

certain nombre de tactiques visant à exacerber le sentiment d’urgence (des stocks très limités -

quelques dizaines d’unités uniquement de produits mis à la vente ; des offres flash qui ne du-

rent qu’une heure ; des prix dynamiques qui favorisent les premiers acheteurs…). Des contrats

d’exclusivité avec les marques, associés à une faible fréquence de mise en vente restaureraient

également l’impression de rareté.

Une autre manière efficace pour le consommateur de se contrôler est de ne plus s’exposer à la

tentation, en se désinscrivant par exemple des mailing listes. Ce type de rupture peut refléter

une forme de résistance du consommateur, susceptible de se sentir agressé, dominé, par les sol-

licitations très nombreuses auxquelles il est soumis plusieurs fois par jour. L’entreprise pourrait

tenter d’instaurer une relation plus équilibrée où le consommateur aurait l’impression de rega-

gner du pouvoir dans la relation et ce en lui proposant de moduler son exposition aux offres

(choix des marques, du type de produit, de la période ou de la fréquence de réception de mails)

ou en récompensant sa fidélité (bonus fidélité, offres réservées aux meilleurs clients, frais

d’envoi offerts, etc.).

Concernant de futures voies de recherche, une question intéressante serait de savoir si les outils

que le consommateur met en place pour se contrôler dans ses relations avec les sites de ventes

privées lui servent pour mieux se contrôler dans d’autres circuits de distribution. Il serait aussi

intéressant d’analyser, dans le cadre des comportements de résistance du consommateur, les

comportements opportunistes identifiés dans cette recherche (revente avec marge sur Ebay).

5 En Octobre 2011, Ventes Privées a lancé les ventes One Day : tous les jours une marque est mise à la

vente, pour une journée seulement. La vente n’est pas annoncée par mail pour inciter les

16

Enfin, pour ce qui est des principales limites de ce travail, il ne s’agit que d’une étude explora-

toire portant sur une trentaine d’individus. Par ailleurs elle repose sur du déclaratif, il est pos-

sible que les répondants aient sous-estimés leurs comportements dysfonctionnels, soit parce

qu’ils n’en ont pas conscience soit par un effet de désirabilité sociale. Une enquête quantita-

tive, portant sur l’observation de comportements réels (de visites, d’achat et d’abandon

d’achat) aurait le double avantage de confirmer ces résultats et de réduire ce biais.

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22

Annexe 1. Profils des trente-quatre répondants

Répondants CSP Age Durée de l’entretien Membre depuis

Femme 1 Étudiante en doctorat 27 1h05 minutes 3 ans

Homme 1 Chef d’entreprise 37 1h05 minutes 10 ans

Femme 2 Enseignant chercheur 30 47 minutes 3 ans

Femme 3 Cadre 37 40 minutes 8 ans

Femme 4 Orthodontiste 29 45 minutes 1 an

Homme 2 Enseignant chercheur 30 36 minutes 3 ans

Femme 5 Infirmière 34 33 minutes 2 ans

Femme 6 Étudiante en doctorat 29 1h05 minutes 1 an et demi

Femme 7 En recherche d’emploi 38 45 minutes 5 ans

Homme 3 Dentiste 29 50 minutes 1 an

Femme 8 Étudiante 30 1 heure 2 ans

Femme 9 Cadre d’entreprise 35 1h04 minutes 6 ans

Femme 10 Statisticienne 30 1h09 minutes 7 ans

Femme 11 Assistante dentaire 40 28 minutes 6 ans

Femme 12 Administrative 42 55 minutes 7 ans

Femme 13 Brocanteuse 33 55 minutes 6 ans

Femme 14 Employée au rectorat 43 58 minutes 5 ans

Femme 15 En recherche d’emploi 35 41 minutes 2 ans

Femme 16 En recherche d’emploi 28 1h10 minutes 3 ans

Femme 17 Avocate 43 39 minutes 4 ans

Homme 4 En recherche d’emploi 43 55 minutes 5 ans

Femme 18 Étudiante 22 56 minutes 5 ans

Femme 19 Étudiante 23 51 minutes 2 ans

Femme 20 Salariée 24 42 minutes 4 ans

Femme 21 Secrétaire de direction 51 53 minutes 4 ans

Femme 22 Étudiante 21 54 minutes 3 ans

Femme 23 Étudiante 21 56 minutes 5 ans

Femme 24 Étudiante 22 1h10 minutes 3 ans

Femme 25 Retraitée 60 44 minutes 2 ans

Femme 26 Salarié 26 1h02 minutes 1 an

Femme 27 Étudiante 22 1h14 minutes 1 an

Femme 28 Étudiante 22 1h10 minutes 4 ans

Femme 29 Salariée 29 50 minutes 3 ans

Femme 30 Assistante dans un cabinet

d’avocat 35 35 minutes 4 ans

23

Annexe 2. Quatre exemples d’acheteurs de ventes privées en ligne

Profil Description Verbatims

Les consommateurs

« myopes »

Femme 10

Elle a toujours aimé acheter.

Elle est membre de plusieurs sites de ventes privées. Elle achète

toutes les semaines sur ces sites. Elle achète des produits qu’elle

n’utilise pas. Elle est consciente d’acheter trop mais aucune

technique de contrôle ne semble fonctionner. Elle peut acheter

sur plusieurs sites différents le même jour.

Elle réalise ses achats depuis son domicile ou son lieu de travail.

Elle débute sa journée par la consultation de ses mails

d’invitation à des ventes privées et par le repérage des ventes

à ne pas manquer. Elle reçoit ses mails d’invitation depuis son

compte personnel qu’elle consulte sur son BlackBerry.

Depuis qu’elle est inscrite sur des sites de ventes privées, elle

achète moins en magasin. Par contre, les soldes passent avant

les ventes privées. Elle préfère pouvoir essayer le produit, tou-

cher la matière et surtout l’obtenir tout de suite.

Il lui est déjà arrivé d’avoir oublié certaines commandes et

donc d’être surprise par une livraison.

Quand elle est déçue par un produit, elle le renvoie ou plus sou-

vent le donne.

Elle a découvert des marques par l’intermédiaire des sites de

ventes privées en ligne, marques qu’elle n’achète pas en dehors

des ventes privées.

Sa famille et ses collègues l’incitent fortement à acheter

moins.

Elle utilise VENTES-PRIVEES pour les vêtements et les acces-

soires et elle vient de découvrir GROUPON pour les services,

qu’elle utilise de manière intense

« Répondant : oui j’ouvre tout, oui. Enquêteur : et tu utilises à peu près tout ?

Répondant : j’utilise, non pas tout le temps tout, oui j’ouvre tout je regarde

je suis contente voilà quoi. »

«non, au contraire, quand il y a les soldes, je délaisse un peu les ventes pri-

vées. … non, parce que pendant les soldes ce qui est bien du coup c’est que,

on peut essayer, on peut toucher la matière, on peut vraiment voir, donc il y

a moins…et en plus on l’a tout de suite surtout. Parce que, des fois, avec les

ventes privées, il faut attendre deux mois. Attendre deux mois quand on veut,

par exemple, acheter une paire de baskets !... On attend deux mois pour une

paire de baskets alors que j’ai envie de commencer à faire du sport la se-

maine prochaine. Les soldes, par contre, je les fais et ça passe avant parce

que j’essaie et j’ai tout de suite le produit : c’est bien. Je trouve que les délais

d’attente sur les ventes privées c’est abusé »

« Surtout que je culpabilisais parce que je me disais j’ai beaucoup de

choses, je fais beaucoup d’affaires »

« ah oui ! Pour moi ces sites c’est comme un cadeau. C’est super »

« alors ma sœur elle me dit : « ça suffit ». Parce qu’à un moment je

n’achetais que des fringues, ma sœur elle me dit : « là ça suffit » … Elle me

disait de me calmer. Mon copain me disait de me calmer. »

« non, non ! De toute façon mes collègues me disent tout le temps : « oui t’es

tout le temps en train d’acheter ». Oh là là ! Mais bon, après, cela ne me

dérange pas, c’est ma vie après »

« ah oui oui !…Je rentre chez moi ; soit je le dis à ma sœur soit à mon copain,

je leur dis : « oh là là, j’ai fait une folie encore aujourd’hui ; j’ai acheté ça,

ça, sur internet », et ils me répondent : « ah ! T’abuses, arrêtes, quand

même t’es pas riche ! » Voilà »

Les consommateurs

« auto-régulés »

Son premier achat (une paire de lunettes Dolce & Gabbana)

a été anxiogène : elle avait peur de se faire arnaquer.

Elle décrit son comportement comme étant très raisonnable,

c’est-à-dire qu’elle déclare aller voir uniquement les ventes des

marques qui l’intéressent.

Lorsqu’un produit lui plait mais qu’elle ne peut pas l’acheter,

« J’y allais plus pour le produit, que dans un autre état d’esprit, de con-

sommer autrement, ou de faire une bonne affaire. C’était vraiment une his-

toire de prix. »

« Non, j’ai toujours eu un rapport très raisonnable à ce genre de sites. C'est-

à-dire que j’ai les alertes et je vais uniquement voir les marques qui

m’intéressent »

« Non. Je suis assez sérieuse avec ça. Par contre, j’enregistre la photo et le

24

Femme 13

elle enregistre sa photographie et son nom dans un fichier

spécifique pour pouvoir le retrouver plus tard, que ce soit (1)

lors d’une autre vente sur un site de ventes privées ou (2) sur

eBay.

Elle achète uniquement des marques qu’elle connaît car elle sait

quelle est la qualité des produits. Elle achète des belles pièces

plutôt que des basiques pour pouvoir éventuellement les re-

vendre sur eBay. Plus précisément, quand un produit la déçoit,

elle le renvoie. Quand elle s’aperçoit qu’elle ne l’utilise pas, elle

le vend sur eBay, parfois plus cher que le prix payé sur le site de

ventes privées.

Les ventes privées lui permettent d’acheter sans remords des

produits dont elle trouvait le rapport qualité-prix déséquilibré.

Elle aime bien recevoir les produits, décrit la réception des colis

comme un cadeau. Elle préfère acheter dans des vides-

greniers parce qu’elle peut toucher l’objet … Sur Internet

l’achat est beaucoup plus utilitaire, plus rapide. Elle considère

qu’acheter au prix fort c’est se faire arnaquer et que les autres

consommateurs paient le prix fort pour des produits qui se déva-

luent dans le temps. Elle considère qu’il n’y a pas un rapport

gagnant-gagnant sur ces sites car les entreprises « s’y retrou-

vent » en vendant des stocks d’invendus à un prix encore inté-

ressant pour eux.

Elle affirme avoir un rapport plus serein à la consommation,

consommer moins mais mieux.

nom du produit qui me plaît, en me disant que je le retrouverai plus tard,

soit lorsque j’aurais plus de sous, ou a un prix encore plus intéressant sur un

autre site. … Oui. Elle se représente de toute façon. … Donc, j’enregistre le

nom du modèle qui me plaît, je vais voir sur Ebay ou sur d’autres sites. Mais

je sais que l’occasion peut se représenter sur le site de Ventes Privées. »

« Quand j’achète un produit… pas qui me déçois parce que sinon je le ren-

voie… mais que finalement je ne vais pas utiliser. Moi, c’est surtout des vê-

tements, une belle robe. Je vais la mettre dans ma penderie, je laisse

l’étiquette avec le prix dessus, et puis je vois si je l’utilise ou pas. Passé un

délai, si je ne porte pas le vêtement, je le remets en vente sur eBay. »

« Et puis moi, ce qui me tient à cœur, c’est d’engager vraiment le prix réel

de la marchandise, parce que je trouve qu’aujourd’hui, tout est surévalué,

c’est pour ça que je n’aime pas acheter. Au moins, là, j’ai le sentiment que

les choses se rééquilibrent un peu »

« Moi, j’aime bien recevoir. Ça fait un peu Noël. C’est un cadeau. … le fait

de réceptionner cette boîte, de l’ouvrir, de déballer, de découvrir, de voir s’il

y a pas des petits trucs, des échantillons qui ont été rajoutés… , toutes cette

phase, elle est extrêmement plaisante. »

« Moi, je préfère les vide-greniers. Parce que t’as pas l’objet, tu peux pas

toucher, parce que t’as pas la lumière qui va le mettre en valeur. On est

peut-être plus, sur le coup, sur des critères très conscients, très matériels.

Moi, je vais très vite quand je vais sur Internet parce que je sais ce que je

cherche. Dans les vides-greniers, je sais moins ».

Les consommateurs

« hypermétropes »

Femme 6

Elle est membre du site ventes-privées depuis un an et demi,

elle le visite tous les jours mais n’a jamais fait un achat. Elle

se justifie par la peur de l’arnaque, le risque perçu par rapport à

l’achat sur Internet, les frais de livraison, les délais de livraison

Ces raisons s’avèrent n’être que des prétextes : elle reconnait

plus tard (1) qu’elle sait que ses craintes ne sont pas justifiées

et (2) qu’elle ne peut pas faire d’achats impulsifs.

Elle évoque même « un petit bonhomme qui est à côté de sa

tête » et qui lui dit, lorsqu’elle ressent une impulsion d’achat,

qu’elle n’a pas besoin du produit.

Elle affirme être déçue de ne pas avoir fait certains achats

« Et donc c’est un site que je fréquente très régulièrement. J’ai tapé ventes

privées sur google et j’arrive sur ventesprivées.com. après, c’est vrai qu’il y

avait un moment où je m’étais aussi inscrite sur d’autres sites mais tu vois

c’était pour une utilisation ponctuelle. »

« Par contre c’est vrai que j’y passe du temps. Il y a eu un moment où je

passais énormément de temps à regarder les différents produits. Mais en tout

cas c’est vrai que pour le début c’est comme ça que j’ai regardé. »

« je crois que ça doit être mon esprit tordu mais à chaque fois que je flashe

sur un truc, c’est épuisé, tu vois, ou alors ma taille ou n’importe quoi, je te

jure c’est épuisé. Et je me dis aussi si c’est encore disponible un jour ou deux

jours après, c’est que les autres ne veulent pas acheter, et donc c’est que c’est

nul. »

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sur Internet, par exemple des bottes vendues 50 euros sur ventes

privées qu’elle a finalement acheté 120 euros en magasin.

Elle ne se désabonne pas parce qu’elle aime bien visiter le site

ventes-privées.com. Elle y passe énormément de temps, selon

ses propres termes. Elle le consulte au moment de prendre son

petit déjeuner, le soir quand elle est fatiguée ou quand elle

s’ennuie et qu’elle est au travail. Elle regarde toutes les ventes,

regarde ce qu’il y a … Elle y accède depuis Google car elle a mis

les mails provenant de ventes privées en courrier indésirable.

Elle ne savait pas que les sites de ventes privées étaient des sites

de déstockage.

« c’est grave parce que des fois j’ai vraiment besoin du produit, je regarde et

là je me dis : « est-ce que j’en ai vraiment besoin ? Non ». Allez hop je zappe.

Ça est-ce que c’est vraiment joli ? J’essaie de regarder je me dis oui mais

non, et j’ai encore cette appréhension ou plutôt cette idée selon laquelle fina-

lement ils essaient de nous refourguer leurs invendues qui revient, et je me dis

non, et du coup je suis là à retirer les articles un à un et je me dis non. Et

après je suis déçue ».

« et bien tu vois, je pense que je ne peux pas, en fait c’est ça, c’est l’achat

impulsif que je ne peux pas en fait…même sur des sites de ventes privées,

c’est ultra paradoxal, des fois tu as des promotions qui sont assez impor-

tantes et pourtant non, je ne peux pas, parce que oui c’est vrai moi je suis

quelqu’un de très, on va dire, j’aime bien que ça soit bien carré, et pourtant

j’essaie de me forcer, dans le sens où je t’ai dit je visite très régulièrement

donc ça peut paraître fou de se dire elle n’achète pas alors qu’elle y va. Il y a

moment où c’est tous les jours, tous les matins, je vais faire un tour sur ven-

tesprivées.com … et bien, au début voilà ça me saoulait, mais après je

prends l’habitude quoi »

« a posteriori, effectivement par exemple bon pour l’histoire des bottes oui

(rires). C’est vrai que pour l’histoire des bottes finalement j’en avais besoin.

Oui c’est vrai que j’en avais besoin, donc ça, ça m’est resté…tu vois ça m’est

resté là dans le sens où j’ai… oui, oui, oui, j’ai regretté, je me suis dit :

« tu aurais pu les avoir vachement moins cher ». En plus je me suis réveil-

lée tôt tout de même pour aller le visiter. »

« non même pas, même pas, je sais que je ne rentrerais pas de toute façon

dans un cercle vicieux parce que je pense que je…oui, je…je contrôlerais

assez le truc …en regardant, en me disant ce n’est pas mal mais tu n’en as

pas besoin XXX. Oui c’est ça, je me dirais…J’ai toujours le petit bonhomme

qui est à côté de ta tête et qui te dit oui finalement XXX tu n’en as pas vrai-

ment besoin. Certes le prix est bien mais regardes, t’en as plein, tu regardes

ok mais ce n’est pas parce que, en gros, les autres achètent au taquet du ma-

chin, mais toi tu n’en as pas besoin donc tu n’achètes pas. Et là effectivement

c’est plus le…moi je ne me fais pas avoir. »

« alors moi ce que je pense, c’est que pour moi, des dérives, sincèrement

non, parce que, je t’ai dit, j’ai d’autres mécanismes qui font que je me con-

trôle vachement et qui font que je sais que je ne pourrais pas tomber dans

ça. »

Il a un rapport dépassionné avec les ventes privées. Il y a « J’ai ventes privées, je vais regarder un peu ce qui s’y passe, c’est bien, mais

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La disparition des

impulsions

Homme 4

quelques années, il avait tendance à ne pas laisser passer une

vente, mais aujourd’hui il sait que s’il laisse passer une vente,

elle reviendra dans quelques mois et il est plus sélectif : il faut

vraiment que le produit l’intéresse, réponde à un besoin pour

qu’il achète.

Il trouve l’achat sur Internet confortable, mais il est découra-

gé par le fait que les produits partent vite, il n’est pas assez mo-

tivé pour se connecter à l’ouverture de la vente pour être sûr de

pouvoir acheter.

Il renonce plus facilement à une vente sur Internet qu’à une

vente en magasin. En magasin, le produit lui tend la main, il

peut l’essayer, le toucher, il y a l’odeur, la texture du produit, le

contact avec le vendeur, l’ambiance qui favorise l’achat impul-

sif.

Il n’aime pas aller « trifouiller » sur les sites de ventes privées, il

trouve que le site impose ses conditions: tel produit est vendu à

tel moment.

je suis pas quelqu’un, je ne suis pas un acheteur, un gros consommateur,

ventes privées c’est de l’opportunisme et encore aujourd’hui je m’en dé-

tache assez bien »

« D’accord. Parce que. Je l’ai été de façon plus assidu ces trois dernières

années … je le suis un peu moins maintenant parce que je trouve qu’il y a

de plus en plus de d’offres, enfin cela devient pléthorique et elles reviennent

régulièrement. Donc avant, il y a deux ans, j’avais envie de dire on sautait

sur l’occasion en disant : « ben voila tiens il y a cette marque elle

m’intéresse. Ben c’est l’occasion de faire une bonne affaire ». Aujourd’hui je

sais qu’elle repassera dans trois ou quatre mois. Donc je suis moins … main-

tenant j’achète si j’ai vraiment un besoin. »

« Aujourd’hui je suis plus sélectif, il faut vraiment que je trouve le produit

qui m’intéresse. »

« Finalement, de moins en moins. Parce que je l’ai beaucoup, enfin beau-

coup, je l’ai fréquenté de façon régulière. Heu, aujourd’hui, je trouve cela

moins attractif »

« il va falloir être là à 7h et se battre et puis vous savez que le.., enfin je sais

moi en tous cas que le nombre est vraiment limité donc que la probabilité de

réussir est faible, heu…, et ça cela me décourage. … Parce que j’ai jamais

été confronté à un produit où je me suis dit : « il me le faut impérative-

ment ». Je n’ai pas cette consommation-là. J’arrive à me détacher par rap-

port à cela. »

« Ah non en magasin ! je renonce plus facilement à une vente sur une vente

en ligne, ventes privées ou autre, qu’en magasin, parce que là j’ai à l’esprit

dans l’exemple que je cite, c’est un achat de vêtements, là vous avez le vête-

ment en main, en magasin vous touchez le tissu, vous vous rendez compte que

le truc est super qu’il est bien coupé, il vous va bien, vous avez pu l’essayer et

là, renoncer, je trouve c’est beaucoup plus compliqué, c’est plus difficile que

sur un écran. … Oui. Il y a son odeur, il y a sa texture, il y a tout cet envi-

ronnement qui est très vrai, la sympathie du vendeur, l’environnement du

magasin et aujourd’hui après plusieurs années de pratiques de ventes privées,

je suis en train de faire marche arrière , je reviens vers le contact humain. »