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Comment se produisent les ddvintions srthritiques? PIU GU”AR KAHLMETER. Stockholm. Un des symptbmes les plus frappants et les plus frequents du rhumatisme chronique, sont des attitudes vicieuses articu- laires, appelees ddwiations. Par ce terme deviatinn, je n’en- tends paa designer les changementv de forme des facettes articulaires qui caracterisent le rhumatisme chronique deformant et pour lesquels il faut reserver le mot dkformntions trop souvent employe comme synonyme de deviations. Une dkviation est une tlem’on axiale plus ou moiras accentuee dont l’angle peut &re mesurd, une position anormale pouvant exister entre extrhitks unies par me articulation. Ce ohangement caracterise tout specialement le rhu- matipme chronique progressif; il se rencontre souvent awsi dans le rhumatisme chronique rhumatismal: par contre, il est rare dans le rhumatisme chronique deformant (primaire), au moins sous sa forme typique. Si l’on se demande de quoi dependent ces deviations des ar- ticulations, par quel mecanisme olles sc. produisent, et si 1,011 oherche uno reponse dans les trait66 et les manuels modernes de medecine, on trouve certainement des explications; malheurewe- ment elles ne concordent pas. La plupart des auteurs donnent un certain nombre d’explicatiom possibles, ce qui prouve suffisam- ment qu’aucune ne peut btre regardhe comme incontestable et satisfaisante. Toutes les theories exposees dans les trait& sont de 38-21 f 072. Actu med. Pcandiaao. 1‘01. LC

Comment se produisent les déviations arthritiques?

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Comment se produisent les ddvintions srthritiques?

PIU

G U ” A R KAHLMETER.

Stockholm.

Un des symptbmes les plus frappants et les plus frequents du rhumatisme chronique, sont des attitudes vicieuses articu- laires, appelees ddwiations. Par ce terme deviatinn, je n’en- tends paa designer les changementv de forme des facettes articulaires qui caracterisent le rhumatisme chronique deformant et pour lesquels il faut reserver le mot dkformntions trop souvent employe comme synonyme de deviations. Une dkviation est une tlem’on axiale plus ou moiras accentuee dont l’angle peut &re mesurd, une position anormale pouvant exister entre extrhitks unies par m e articulation. Ce ohangement caracterise tout specialement le rhu- matipme chronique progressif; il se rencontre souvent awsi dans le rhumatisme chronique rhumatismal: par contre, il est rare dans le rhumatisme chronique deformant (primaire), au moins sous sa forme typique.

Si l’on se demande de quoi dependent ces deviations des ar- ticulations, par quel mecanisme olles sc. produisent, et si 1,011 oherche uno reponse dans les trait66 et les manuels modernes de medecine, on trouve certainement des explications; malheurewe- ment elles ne concordent pas. La plupart des auteurs donnent un certain nombre d’explicatiom possibles, ce qui prouve suffisam- ment qu’aucune ne peut btre regardhe comme incontestable et satisfaisante. Toutes les theories exposees dans les trait& sont de

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vieille, trhs vieille date et pourtant il est evident que la question n’est pas resolue. Tout effort pour contribuer B sa solution merite donc d‘btre bien accueilli et c’est pour ce motif que je me risque B presenter cette etude.

Les theories principales, celles que l’on trouve le plus ordinai- rement dans les trait& de medecine sunt les suivantes:

Les deviations seraient dues: 1) aux attitudes volontaires du patient pour prevenir la douleur

ou se soulager, l’articulation prenant l’attitude oh la douleur est la moindre;

2) B la distension de la capsule synoviale et au relitchement des ligaments, ce qui prive l’articulation de sa stabilite et permet h la pesanteur de fixer la position de l’articulation;

3) au gonflement ou au r6trecissement des capsules synoviales et des ligaments; 4) aux changements de forme, c’est B dire aux deformations

des facettes articulaires; 6 ) B l’action des muscles (crampe, atrophie, contracture).

Ad 1) A la theorie qui pretend que les deviations devraient btre attribuees B des attitudes voulues, c’est-B-dire r6sulter du main- tien de l’articulation dans la position qui cause le moins de douleur, on objecte tout d’abord que la resistance au redressement - redressement le plus souvent impossible d8s les debuts de la maladie - prouve dejB que la deviation n’est pas le r6sultat d‘attitudes volontairement adoptkes (TESSIER et ROQUE). DBs 1878, MASSE signalait, que les attitudes vicieuses augmentent souvent consid6rablement pendant lo sommeil, tandis qu’elles diminuent pendant le jour, alors que le patient peut lutter contre dles. Ce fait tendrait It prouver qu’elles ne visent pas It la prk- vention de la douleur. L’objection, B mon sens, la plus forte contre cette th6orie est la suivante: d’une part, on voit parfois des deviations coexister avec des arthropathies pratiquement indolentes et, d’autre part, on ne peut prouver que lea deviations typiques soient pour cheque articulation lee attitudes les plus oapables de prevenir la douleur. ConsidBrons, par exemple, la plus vulgaire de toutes les dCviations, celle des doigts vers le bord cubital de la main, deviation qui prend son origine dans les artioulations m6tacarpophalangiennes. D’apr Bs QUAIN ces ~rtioulations jouissent dans l’extension d’une plus grande mobi- lit6 laterale que dans la flexion; la capsule est donc en flexion plus fort.ement tendu qu’en extension. Si dono les deviations

COMMENT PE PRODUISENT LES IHWIATIONS ARTHRITIQUES? 567

6tttient commandbe par la recherche du soulagement, l’arti- culetion devrait toujoum Qtre &endue; or elle est le plus souvent flhhie, avec la deviation typique, que Yon sait, et l’anatomie eat incapable d’expliquer comment la deviation vers k b o d cubital de la main peut bien amener plus de soulagement.

Ad 2) L’opinion, d’aprhs laquelle le relkchement de la capsule synoviale et deu ligaments par suits de l’Bpanchement articulaire permet la pesanteur d’engendrer les deviations, compte beau- coup de partisans. TEssrER et ROQUE remarquent cependant que les ligaments sont souvent remplaces par un tissu ankylosant 0t qu’avec les hydarthroses lea plus accentuees, par exemple celles du genou, les deviations font souvent defaut. (Dans les arthri- tes tuberculeuses des doigts les Bpanchements, bien que par- fois tr8s-abondants, n’aboutissent pas non plus S des d6via- tions aussi typiques que celles des pbanchoments rhumatis- maux.) Plus fondbe me semble l’objection de UHARCOT, 8 sa- voir que les deviations se rencontrent souvent dans des arti- culations qui n’ont jamais 6tb le si6ge d’aucun epanchement et chez lesquelles, par conshquent, il n’a jamais exist6 de relbche- ment de la capsule et des ligaments. En rhgle gbnerale, les arti- culations fonctionnent encore trbs bien lorsque la deviation apparait; il est donc difficile d’admettre que la pesanteur dont I’action, par exemple, sur las articulations des doigts ne pout Btro grande, joue dam cea dbviations un r61e de quelque importance.

Ad 3) Dans le manuel de NOTNAGEL, PRIBRAM donne une grande importance au gonflement des parties mollea de l’articulation metacarpophalangienne de l’index; il en r6sulterait une deviation radiale de ce doigt qui, son tour, ferait d6vier les autres. Cette hypothese me paralt ausai fantaisiste que peu raisonnable. Au premier poatdat de cette thhorie, le gonflement considbble des parties molles du cat6 radial de l’articulation de l’index, PRrsaaM n’apporte aucnne justification et de plus le ph6no- mane eernble davoir Bt6 observe que par h i . La thbrie du rdtr6ciMement de la capsule synoviale et de

l’eppareil ligamenteux 8 jou6 un plus grand r61e. Dans le manuel de MOIIR-STAHELIN, LOMNEL enregistre ce retr6cissement comme une des causes les plus probable5 et ajoute trb3 brihvement que la dBvitation des doiste vers le bord ctubital de la main passe pour dependre d’un retrecissement plus fort de l’appareil ligamenteux du cat6 oubital. I1 ne donne aucune raison plausible en faveur de cette hypothese et il serait en effet difficile d’en trouver une.

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On peut dire que la th6orie ne repose sur aucun fondement se- rieux. LJUNGDAHL, 1ui aussi, attache de l’importance au r6tre- oissement de la capsule. Pour moi, il me semble peuadmissible que cette condition puisse amener des deviations aussi typiques et aussi communes que celles qu’on observe. En outre, cea d6- viations surviennent parfois dans des phases si prkoces de la rnaladie qu’il ne peut B tre question de r6trecissement.

Ad 4) Une des possibilit6s les plus discutees dam la genbse des dbviations est celle de la deformation des facettes articulaires, Mais il est de bonnes raisons pour la rejeter. La radiographie, de plus en plus employee, a montr6, d‘une part, que dans le rhuma- tisme chronique progressif ordinaire des deviations trds impor- tantes se produkent souvent sans aucune dbfornlation des facet tes articulaires et, d’autre part, que de semblables deviations man- quent souvent dans des cas de rhumatisme ohronique deformant trds caract6rids, alors que les facettes articulaires sont profonde- ment altWes. S’il y a des d6viations, elles ne sont ni aussi im- portantes, ni surtout aussi caracteristiiquea que dam le rhumatisme chronique progressif.

Ad 6 ) La theorie muaculaire des dBviations nous vient de CHARCOT qui dans sa these de doctorat, en 1853, et dans un travail ulthrieur, en 1874, traite 8 fond la genese des dbviationa. Selon h i , elles doivent 6tre attriibuees B odes contractions musculaires spasmodiquea et il appuie son opinion sur les raisons suivantes: a) les douleurs musculaires paroxystiques initiales; b) la forme des deviations: ellea sont Bvidemment des nattitudes forc6es)); c ) la resistance des malades au redressement et leur incapacit6 de combattre lea deviations, ce qui montre clairement q u ’ e h ne sont pas volontairea; d) le type ordinaire des ddviations qui s’acoorde pour le mieux avec une oontractioa musculaire: il s’agit de udbviations d’ensemble, mdme lorsque touteb les arti- culations ne sont pas atteintes par l’arthrite; e) les mBmes d6via- tions apparaissent dans des maladies 06 les articulations ne sont pas atteintes et oh par consequent on ne peut avoir recours it d’autre explication qu’h la oontraotion des muscles; comme exemple, CHARCOT donne, entre autres, la paralysie agitante.

CHARCOT a donc essay6 de defendie s8 theorie par un grand nombre de preuves. Et il fttut reconnaitre que, par 18, il se montre de beaucoup sup6rieur k tant d’autres theorioiens qui se sont oontentes de formula leurs hypothbses sans tenter de lea d&- montrer. Aussi Ia thdorie muscuIaire de CHAROOT a-t-elle Bt6 accep-

COMMENT SE YRODUIBIONT L E ~ D~~VLATIONS ARTHBITIQUES? 569

tQ en beaucoup de pays, notslmment en France, oh elle est g6nb- dement adoptde, de mbme qu’en Angleterre. TESSIER et ROQUE s’y rallient complhtement dans le ~Nouveau Trait6 de M6decineN (BROUARDEL-GJLBERT-THOINOT). L’anglais LLEWELYN-JONES qui a publi6 une des meilleuree monographies qui existe sur les ar- thrites voit aussi dans les contrtlc tures musculaires (qu’il compte parmi les ))premonitory symptoms))) la cause premiBre dos devia- tions qui ae fixent ensuite par l’atrophie et la contraction des welated muacles,.

Dans les ouvrages allernands, au contraire, on trouve des explications variables et en g6ndral peu prdcises. PRJURAM, par exemple, dans lo trait6 de NOTHNAOEL, cite toutes les theories que je viens d’8num6rer. I1 rejette la deformation des facettes articulaires, pretend que le gonflement des parties molles joue un grand r61e, accorde que les contractions musculaires peuvent dans une certaine mesure causer les dCviations et surtout con- tribuer B leur fixation, mais il ajoute que le facteur le plus im- portant serait le rellchement des ligaments 1atBrslux - une salade, mmme on le voit, de toutes les possibilit6s! Si enfin nous cher- chons dons lo vlarobok i intern. medicim scandinave, l’opinion de LJUNGDAHL sur l’origine des deviations, nous voyans qu’il regarde l’apparition des d6viations comme une consequence de la deformation des facettes articulaires, deformation qui est came, h son tour, que lea pressions engendrBes par le fonctionnement de l’articulation, jointes au r6trbcissement de la capsule, occasion- nent les positions anormales.

Ainsi, comme je I’ai fait observer au commencement de cette Btude, la question des oauses des deviations, de l e u mode d’ap- parition ne peut Btre consid6ree comme definitivement resolue. En Allemagne’ et en Scendinavie, au moins, les opinions lea plus diffQentes rbgnent encore B ce sujet.

De ma critique prbcedente des theories les plus importantes, il reseort que Is theorie frmpaise de la genhse musculaire me paraft la mieux fondbe. A mon avis aucune preuve satisfaisante n’a 6th donn6e en faveur des autres thhories, sinon peut-btre B l’aide de cas isol6s, tandis que la theorie musculaire explique plus facilement le caractere typique des dhviations. Parmi les autres thdories la seule qui, B mon sens, merite d’8tre prise en considhation dans un assez grand nombre de cas est celle du re- lichement des capsules et des ligaments. Dans quelque articula- tion qu’il se produise, ce reltchement doit bvidemment favoriser

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l’apparition de la dbviation. Et, comme je le dirai plus au long, ce reltichement joue vraisemblabloment un aasez grand rdle comme cause adjuvante. Lcs raisons sur lesquelles CRARCOT, ce grand clinicien, appuie sa theorie me paraissent trhs plausibles, mais elles ne sont pas dkmonstratives, et a p r h CHARUOT, personne que j e sache n’s renforcb de quelque anneaii sa chefne de preuves.

C’est, h mon sens, h deux points de vuo particuliers qu’il importe d’approfondir la genbse des deviations muscula.ires. D’une part, il faut rechercher si nos connaissances sur le mecanisme des arti- culations vis6es et si les effets de Taction musciulaire sur ces m6mes articulations nous permettent d’admettre que les deviations d’aspect typique sont provoqu6ospar les muscles. D’sutre part, h l’aide d‘une analyse approfondie des possibilites thboriques en cette question et en utilisant les troubles musculaires que l’on peut rkellement constater (crampes, atrophie, contractions), il faut s’efforcer d’blucider aussi complhtement que possible la nature et l’origine (entre autres pkripherique ou centrale) dee troubles rnasculairee f onctioncls presumes.

Pour simplifier la discussion de ces quostions je ne considhrerai, dans ce qui va suivre, qu’un cas sp6ciel: par exemple, la deviation typique dans la main et les doigts, qui est l’une des plus ordinaires, des plus caractdristiques et des plus frappantes de toutee les deviations. Le trait le plus caracteristique et le plus gen6ral eat ici 1s deviation vers le bord cubital dans l’articulation du poignet et dans les articulations interparpiennes et m6tacarpophalangien- nes. Cette deviation vers 10 bord cubital existe dans presque tous les cas de polyarthrite oii en gbneral les deviations dam les arti- culations de la main se rencontrent. A l’ordinaire, le carpe et le metacltrpe sont fleohis sup l’avantbras et dans la plupart des cas les doigts sont flbchis au niveau des articulations mbtacarpopha- langiennes.

Ces deux caracthres: la deviation vers le bord cubital, la flexion dans l’articulation du poignet et dans les articulations m6dio- carpiennes ainsi que la deviation vers le bord cubital dans lea articulations metacarpophalanaiennes constituent les attitudes anormales typiques qu’on retrouve constamment. Sur ce point, tous doivent &re d‘accord. Les attitudes anormales dans les arti- culations interphalangiennes sont au contraire, et sans aucun doute beaucoup plus variables. CHARCOT a essay6 de presenter 2 types differonts avec 3 variantes chacun. Le premier, de beau- coup le plus ordinaire a, d’aprbs CHARCOT, les oaracthres suivants:

COMMlONT 8 1 PRODUIBlrPP L&8 DfiVIATIONS ARTHRITIQUIES? 571

fleion dam les articula tiona m6tacarpophlangiennes et dans lee dernihres articulations interphalangiennes; extension dans leu articulations interphalangiennes internes. Caracthres du second type: extension dans les articulations metacarpophalangienneu et dam les dernirees articulations interphalangiennes; flexion dam les articulations interphalangiennes internes. Dans lea deux types, au moins toujuurs dans le premier, on observe en outre, la deviation vers le bord cubital, le plus souvent cependant dans les articulations m6~carpophalan@;iennes seulement.

Des auteurs plus recents ont en gh6ral reconnu que les 2 types de CHARUOT, sans btre constuuts, s’observent souvent mais qu’ils ont rarement la nettete decrite. Trhs souvent on observe dens lea articulations des doigts des deviatione tout B fait i d - gulihres. Par exemple: l’articulation interphalangienne interne ou externe d‘un doigt est fldchie, tandis que dans la mbme main celle d’un autre doigt eat &endue et il en eat de mQme, bien guy& un degre moindre, pour les deviations lathrales.

Avant d’aller plus loin, je dois, aussi brievement que possible, rappeler quelques faits anatomiques concernant les articulations de la main et les mouvements qui s’y produisent. L’articulation radiomrpienne permet des mouvements sur deux axes farmant entre eux angle droit: d’une part, flexion palmaire et flexion dorsale; d’aufre part: flexion radiale peu sensible et flexion un peu plus accentue vers le bord cubital. L’articulatiora d d i m r - pienoze est une articulation trochl6enne; elle n’est donc mobile qu’autour d‘un seul axe. Tous les mouvements du poignet s’ac- compagnent d’un mouvement simultanb dam les deux articula- tions precitbes. Lors d’une flexion palmaire et d’une flexion dorsale, lea deux articulations se meuvent dans la mbme direction. Le contraire s’observe avec les mouvements laterctux; en ce cas la flexion vers le bord cubital (en outre d’une flexion cubitale insignifiente dans l’articulation radiocarpienne), s’acccimpagne d’une flexion darsale dam l’articulation radio-carpienne et d’une flexion palmaire dims l’articulation medio-carpienne. Lors d‘une flexion radiale c’est l’inverse qui se produit. Ces faits me parais- Bent dignes d’attention lorsqu’il s’agit d’expliquer Ies d6viations arthritiques.

Ltes articulations carpo-mdtacarpiennes sont des arthrodies. La 2:e et la 3:e sont presque immobiles; la 4:e et particulihrement la 5:e sont un peu plus mobiles et permettent, comme arthrodies, des mouvements dans toutes les directions.

572 QUNBAR IEAHLMETER.

Les articulatiom r n h r p o p l l a n g i e n n e s sont, d’aprhs TESTUT, des articulations condyliennes, d’aprhs QUAIN, elles sont plutat des ginglymes arhrodies. Les parties dorsales des facettes arti- oulaires sont presque planes, lea parties palmaires un peu arron- dies avec des cannelures et des rainures correspondantea. Cost pourquoi aucun mouvement Iat6ral ne peut se produire en position flhchie, ce qui du reste est Bgalement empbch6 par les ligaments kteraux qui se tendenb quand l’articulation est fl6chie’ mais se rellchent quand elle est &endue. La position dtendue permet une mobilitd latdrale dvidente.

Les articulations interphalangiennes sont de veritables articu- lations trochleennes qui ne permettent que la flexion sans aucun niouvemen t la t6ral.

L’apercu anatomique qui Gent d’etve donnd montre imrnddiate- went que des facettes articulaires parfaiternent normales, n’ayant sdi aucune ddfmnation arthritipue, aiwi que des capsules syno- viales et des ligaments n o r m u x permettent cette sorte de ddviation de la main que nous avons prdsentde cotame la ddviation typique et qui s’observe dans la grande majoritd des cas de rhurnatisnae chro- nique, srhumatisrne articukxira, a?hiation caractdride par une flexion palmaire et une flexiolz vers le bord cubital de la main dans l’articulation du poignet, une flexion palmaire et une flexion vers le bord cubital de la main dam les articulations mdtamrpophalangie- aes. Par contre, les conditions anatomiques normales ne permet- tent auoune flexion eoit dorsale, soit Vera le bord cubital de la main, soit radiale, dans les articulations interphalangiennes.

8i maintenant nous passons aux faits, nous constatons que les deviations typiques - flexion palmaire, flexion Vera le bord cu- bital de la main dans les articulations du poignet et dans lea articulations mdtacarpophalangiennes - Be presentent avec la plus grande nettetd tout au debut de l’arthrite. Je pretends mQme avec plusieurs auteurs tr&s expbrimentds que ce sont les deviations typiques qui peuvent atre 10 pr6lude de toute la maladie et par consequent apparaitre avant que les articulations soient visible- ment attaqu6es. (GEARCOT, HIS, TESSIER 0t ROQUE, JONES’ $motor group 01 premonitory symptomsv). Ces auteurs soutiennent la th6orie de l’apparition des deviations par le spasme musculaire pour les reisons que j’ai donn6es pag. 868. I1 me semble que 1’6tat anatomique des articulations en cause et que je Viens #exposer, joint B CB que j’ai dit plus heut, doit tout d’abord oontribuer $. montrer que les conditions anatomiques rendent possible Z’haypoth&e

COYMBNT SE PRODUIGBNT LES Dl$VIATIONB LLRTHRITIQUES? 573

de i’appadion des &&ions sous t’influenoe de l’action museuhire - au moins en ce qui concerne les articulations du poignet et les articulations metacarpophalangiennes.

I1 est de mbme 6vident que 1’6ta.t anatomique normal permet des deviations palmaires et dorsales dans les articulations pha- langiennes, mais non des dbviations laterales. Les ddviations latt+ales duns ces articulations ne paraissent pas du reste se pro& ire dans une phase awsi prkcoce de la maladie, alors que les condi- tions anatoonipues ne pr&entent rien d’anormal. Elles surviennent seulement lorsquel es articulations ont 6th longtenips turnefit5es’ les capsules et les ligaments tendus et reliches ou q u a d la forme des facettes articulaires a d6jQ. change; elles doivent alors n6oessairement r6sulter de toutes ces alterations.

Voyons maintenant si une action musoulaire capable de pro- duire les dhiations pr6cit6es eat possible dans ces articulations (articulations du poignet et articulations m6tacarpophalangien- nes).

Observons tout d’abord que parmi les d6viations prkitees il est possible de produire vohtairemmt: une flexion palmaire et une flexion vers le bord cubital de la main dans de poignet,, une flexion palmaire et une flexion vers le bord cubital de la main dans les articulations metacarpophalangiennes (cette der- nihre toutefois P un degr6 insignifiant). Par contre, il eat impos- sible de produire des deviations laterales dans les articulations interphalangiennes.

Ainsi donc, les d6viations que j’ai prdc6demment signalhes comme des deviations arthritiques typiques et prhcoces peuvent se rhaliser uolontairemelat. Mais, pour les raisons expos6es pr6- cddemment dam cette etude, on n’a pas le droit de penser que les dkwiations arthritiques se produisent volontairernent. I1 faut donc, si, tout consider6, elles dependent de l’action

mumulaire qu’elles se produisent involontairement, en autres termes, par suite de contractures ou de spasmes (qui sont les dep& diffdrents d’un mdme phenomhne - voir le trait6 de LEWANDOWBKY I pag. 686 et suivantes).

I1 fmt tout d‘abord bien comprendre les differentes form- de contractures qui peuvent exister. I1 n’y en a que deux: la copctrmLure centrale et la contracture pdriphkapue. La contrac- ture centrale est la contracture-type do toutos les maladies avec interruption des faisceaux pyramidaux, par exemple la contracture h6mipl6gique. (On notera que dans lea phases avanc6es de l’he-

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miplbgie, il se produit aussi des contractures de raccourcisse- ment). Elle consiste en une tension active exageree, continue, independante de la volonte, qui s’oppose h un relbhement passif, mais qui peut toujours, sane grande difficulte, btre vaincue et qui disparaft pendant le sommeil. Elle presente la mbme disso- ciation que le type de predilection de WERNIUKE de la paralysie centrale.

Parmi les caraoteristiques de la contracture centrale, nous en voyons tout de suite deux qui ne concordent pas avec les con- ditions des deviations arthritiques: ces dernihres ne peuvent btre corrigees et ne disparaissent pas pendant le sommeil. Le type de dissociation de WERNICKE - sow sa forme classique dans les hbmiplegies - comprend, il est vrai, des flexions dans lea arti- culations radiocarpiennes, metacarpophalangiennes et interpha- langiennes, mais, en rhgle generale, la deviation vers le bord cubital de la main, qui caracterise les deviations arthritiques, fait d6faut. I1 est donc peu probable que de vhritables contrac- tures centrales spasmodiques soient la cause des deviations arthri- tiques - au moins en rhgle generale, mais il est 8, noter que les contractures centrales peuvent certainement dans quelques cas, occasionner au niveau des articulations radiooarpiennes et meta- carpophalangiennes des deviations exactement semblables 8. celles des arthritiques y compris la deviation vers le bord cubital de la main, et cela sans auoun alteration pathologique des arti- culations. Pareillee deviations se produisent souvent, comme l’ont dej8, fait remsrquer CHARCOT, TESSIER et ROQUE, JONES ct autres, dans l’h6miplegie, partiodihrement dam l’hemiplegie infantile, et trhs souvent dam la paralysie agitante.

Ce qui vient d‘btre dit paraft donc dhmontrer que lee contrac- tures musoulaires peuvent produire des deviations de mbme type que les dbviations arthritiques, mais que, vraisemblablement, auoune contracture centrale n’accompagne la polyarthritite. Des oontractures muaculeires pt%ph&qw peuvent-elles causer alors les deviations arthritiques? I1 faut d’abord dtre bien con- vaincu que les contracturea spasmodiques vraies et persistantes d‘origine periphdrique n’existent pas (voir par ex. LEWANDOWSKY). Les contractures persistantes d‘origine periph6rique dependent de la paresie des antagonistes et sont par consequent des contrac- tures de raccouroissement. Ceci, pour notre raisonnement, est important ii retenir. Autant que j’en puia juger, lee auteurs par- tisans de la genhse musculaire des deviations oomprennent l’ac-

COMMENT SB PRODUISENT LE6 DlEVIATIONS ARTHRITIQUES? 575

tion musculaire de differentes manieres. Quelques-uns, tels CHARCOT, TESSIER et ROQUE, voient dans des spasmes musculaires initiaux, spasmes actiis et accompagn6s de douleurs, la cause des deviations; Bvidemment ils pensent que lea spasmes musculaires actifs subsistent pendant toute 1’6volution de la maladie. Cette maniere de voir ne concorde pas, it mon sens, avec la conception moderne des contractures musculaires d’origine peripherique (C’est 21 dire provenant des cellules des comes ant6rieures et de leurs neurones).

D’autres, comme par exemple PRIBRAM et HIS (dans la mcsure oh ils attachent quelque importance it l’action musculaire), voient les deviations en rapport avec l’atrophie et la r6traotion des petits muscles de la main, interrosseux et lombricaux. A ceci on peut objecter que les muscles atrophiques ne sont pas r6tract6s, loin de 121, et que de plus il est inadmissible qu’une retraction des petits muscles de la main puisse causer les d6viations arthritiques typiques; en tout cas la deviation vers le bord cubital de la main ne tiendra jamais B cette cause.

L’opinion de JONES me semble beaucoup plus vraisemblable. Parmi lea ))premonitory symptoms)) qu’il note avec le plus d’insis- tance est le spasme musculaire qui, dans la plupart des cas, est un spasme flkchisseur au niveau de la main et qui se combine souvent 21 un spasme adducteur (= flexion vers le bord cubital de la main), ))a forecast of the ulnar deviation, so characteristic a deformity of the disease in a later period)). (D’apres mon exp6- rience, on peut souvent constater, dans les premieres phases de l’arthrite, des douleurs spontanees et de la sensibilite au niveau des flechisseurs, ce qui permet de soupgonner un spasme flbchisseur initial). JONES ajoute que dans certains cas un affaiblissement de la force musculaire apparait m6me de tres bonne heure, circon- stance qui s’observe surtout dans la supination de la main; l’af- faiblissement progressif de ce mouvement peut Atre, d’aprh h i , le premier sympt8me d’une arthrite imminente dans l’articulation du poignet (il en est de mbme du spasme fl6chisseur). Dana ces c m l’affaibiissement des muscles ne tarde pas 21 se trahir par une atrophie Bvidente des muscles pour la plupart des arthrites, (l’atrophie des muscles extenseurs de l’avant-bras eat tout h fait Bvidente). On arrive alors 21 ce que JONES appelle, $a condition of musoular imbalance)). La cons6quence de l’affaiblissement pro- gressif du muscle et de l’atrophie entrahe - ici comme toujours - une prddominance des antagonistes, predominance qui, h son

576 QUNNAR KAHLMETER.

tour, ambne, d’une part, un changement de mecanisme dans l’arti- culation et, d’autre part, une contracture des antagonistes. E t nous voici en presence d’une attitude vicieuse dans l’articulation, d6viation reelle et 6vidente.

Cet expos6 de JONES de l’apparition des d6viations me semble u priori, trds acceptable et vraisemblablement exact. Si, comme je crois l’avoir montr6 plus haut, on peut supposer que l’action Bventuelle musculaire qui occasionnerait les d6viations est de nature periphbrique, on ne peut penser B une autre explication. La contracture p6riph6rique de nature permanente eat toujours une contracture de raccourcissement survenue par suite d’une ,muscular imbalance,.

I1 nous reste maintenant Q, tOcher de montrer que - danv le cas special auquel j’ai consacr6 toute oette 6tude - la deviation typique de la main et des doigts, peut &re expliqu6e d’aprbs les theories qui viennent d’btre d6velopp6es. Une analyse plus compldte d ce point de vue n’a jamais dttd fuite, que j e sache.

Les muscles moteurs des articulations du poignet et des doigts sont, d’une part: les longs muscles situes dans l’avantbras; d’autre part: les petits muscles de la main. Les muscles de l’avant-bras se rangent en deux groupes: les extenseurs et les fl6chisseurs. 11s sont innerves par 3 nerfs peripheriques: les extenseurs par le radial, les €lechisseurs par le median et le cubital. Un fait acquis, c’est que les extenseurs sont, B 1’6tat normal, plus faibles que les fldchisseurs. Dans les paralysies centrales, un des caractPres du type de predilection de WERNICKE est une paralysie plus forte des extenseurs que des fl6chisseurs. Dam les paresies p6riph6- riques, par exemple dans un cas de polyneurite, les extenseurs sont presque toujours plus gravement atteints. Dans les arthrites on a depuis longtemps observe du reste que lea extenseurs s’atro- phient plus promptement et plus oomplbtement. HOPFA a essay6 d’expliquer ainsi cette circonstance: les nerfs de l’articulation du poignet viennent du nerf radial et dans l’articulation malade se produirait une irritation centrip Ate, qui transmise fonctionelle- ment par l’interm6diaire des cornes post6rieures aux cornes ant& rieures de la m&lle Qpinibre aurait pour resultat l’atrophie (CHARCOT). Cette th6orie trouve un certain appui dans les exp6- riences de RAYMOND, experiences qui ont montr6 que la section de8 racines posterieures empbche la production d’atrophies arthroghes. Quoi qu’il en soit, le fait que les extenseurs devien- nent plus facilement et 8, un plua haut degr6 paretiques que les

COMMENT 81 PRODUBBNT LE6 D$VIATIONS ARTHRITIQUm? 577

fkhisseurs sst indisoutable. I1 en resulte une contracture des antagonistes, les fl6chisseurs. Toutefois, il est ici extrbmement diffioile d’expliquer pourquoi dans les arthrites cette contracture a m h e la dkviation vers le bord cubital de la main dans un nombre ai sup6rieu.r de cas, alora que dans d’autres circonstances (polyo- myelite, polyneurite) elle n’est, - en rdgle g6nhrale - q u b e oontracture de flexion des doigts et des articulations de la main aveo pronation de l’articulation du poignet.

Un examen plus approfondi des conditions anatomiques now montre tout d’abord que les muscles flechisseurs sont innerves par deux nerfs p6ripheriques differents, le median et le cubital. Le m6dian innerve le rond pronateur et le oarre pronateur, le grand palmaire, les fleohisseurs oommuns superficial et profond pour les 2:eme et 3:eme doigts, le long flbchisseur du pouoe, I’abducteur, l’opposant et le faisceau externe du court flechisseur du pouce, ainsi que les deux premiers lombricaux. Le nerf cubital innerve le cubital anthieur, le flechisseur profond des 4:eme et 6:eme doigts, les muscles du petit doigt, l’adducteur, et le fais- ceau interne du flhchisseur du pouoe, les deux lombricaux externes et tous les interosseux.

Si Yon compare cet a p e r p de l’innervation des muscles aveo la description que j’ai faite pr6c6demment de la deviation typique de la main et des doigts dans les arthrites, il est evident que, pour produire cette d6viation, Ies muscles de ces deux domaines d’innervation doivent entrer en action. Les muscles innerves par le median sont nhcessaires pour

produire la pronation, la flexion dans l’articulation du poignet et dans les articulations interphalangiennes des doigts. Lea muscles innerves par le cubital, de leur c8t6, sont necessaires pour produire la deviation vers le bord cubital dans l’articulation du poignet et la flexion dans les articulations m6tacarpophalan- giennes. Donc, une oontraction provenant exclusivement des musoles innerves par le cubital ne peut causer la deviation typique; mais on serait tent6 de voir dans la forme present6e par la d6via- tion arthritique et qui diffhre des autres contractures en flexion me pr6dominanoe dss muscles innerves par le cubital sur ceux qui sont innerves par le mddian. I1 est singulier aussi que l’atti- tude vicieuse qui d’sprhs CHARCOT, HIS, JONEE et autres eat la plus p r h e (16ghre flexion palmaire et leghe flexion vers lo b o d cubital dsns les articulations metacarpophalangiennes et dans celles du poignet) se trouve &re precisement l’attitude qUi

578 QUNNAR KAHLMBITBIR.

r6sulte d’un MJpasme cubitalu (cubital ant6rieur, flechisseurs pro- fonds, des doigts IV et V, abducteur du petit doigt, interosseux.)

Je ne peux donc m’empbcher de penser que la deviation typique de la. main dans lea arthrites ne puisse &re dans une certaine me- sure le r6sultat d’une contraction esaentiellement limitbe aux muscles innerves par le cubital, bien que, je l’avoue, je n’en puisse donner aucune preuve. Toutefois, il ne serait pas absolument n6ceessire de recourir B cette hypothese pour expliquer la d6viation arthritique de la main, avec son type si partucilier et si different des autres contractions de la main, par l’sction musculaire en tant que facteur prepondbrant des deviations. En effet, si l’on con- sidike les troubles qu’apporte dans la meoanique articulaire le moindre reliichement des capsules et des ligaments, sans parler des Bpanchemente, eu point de vue d’un accroissement de mobilit6 dans les directions qu’autorise cette mbcanique, il faut apres ce que j’ai dit plus h u t sur le m6canisme des articulations en cause, que diverses conditions entrent en jeu pour donner ti la deviation son aspect typique. J’ai dejh fait observer que daps l’articulation radiocarpienne la mobilit6 laterale vers le bord cubital est B l’dtat normal plus accentue que la mobilit6 radiale; par suite le reliiche- ment des capsules et de ligaments doit exag6rer l’amplitude de ces mauvements. Parmi les articulations carpometacarpiennes les IV:e et V:e seulea, jouissent d‘une mobilite digne d’btre men- tionn6e. Si cette mobilit6 augmente quelque peu, il en doit facile- ment rbsulter une tendance h la deviation vers le bord cubital. Ceci s’applique aussi, dans une certaine mesure, aux articulations metacarpophalangiennes. Normalement la mobilit6 laterale en flexion fait ici defaut; en extension elle est insignifiante. Un accroissement de mobilite pourrait faire supposer que le mouve- ment suit plus facilement la direction h laquelle le petit doigt est pour ainsi dire pr6dispos6; en effet ce doigt 6tant le doigt le plus cubital, possdde un abducteur propre, sensiblement plus fort que les interrosaeux et dou6 d’une plus grande mobilit6.

Par tout ce qui precede j’ai donc essay6 de d6montrer: 1) Que les opinions sur I’apparition des deviations arthritiques

telles qu’elles sont pr6sentees dans les traitha et manuels lea plus usit6e sont nombreuses et vari6es;

2) que des raisona generalea ont Bt6 presentees en faveur de la genes8 musculaire des d6viations; que ces raisons paraissent fond6es, mais que 1s theorie n’a Bt6 ddmontr6e per aucune ana- lyse approfondie;

COMMBINT SE PRODUISENT ms DI~IATIONS ARTERITIQUES? 579

3) que, pour le cas sp6cial de la deviation typique de la main, la structure anatomique des articulations en cause autorise l’ap- parition de cette deviation sans modification prealable soit de la forme des facettes articulaires, soit de la structure des parties molles, (capsules et ligaments); il eat donc possible que cette d6viation resulte exclusivement de l’action musculaire; 4) que nos connaissances relativement it la dynamique muscu-

laire des articulations en question sont compatibles avec l’hypo- thdse d’une action musculaire, due it des contractures p6riph6ri- ques, comme cause des deviations typiques;

6) que ces contractures p&iph6riques, localisem dam certains groupes de muscles, se produisent sans doute dhs lea premieres phases de l’arthrite sous forme de spasmes et trhs certainement dans une phase plus avancee sous forme de contractures secondaires, par suite de la rupture de l’equilibre musculaire due elle-mbme it l’affaiblissement et l’atrophie des antagonistes.

Et maintenant si, comme je le crois et comme j’ai tbche d‘en donner plus haut la raison, la deviation typique arthritique dans les articulations radiocarpiennes et mBtacarpophalangiennes eat la consequence de contractures musculaires peripheriques, la possibilite de son apparition doit dtre liee L la persistance des capacites contractiles du groupe musculaire vise c’est it dire, en l’esphce, des muscles flechisseurs et pronateurs de l’avantbras. Cap muscles sont-ils paralysds, aucune ddviation ne doit se produire, sk la thkorie est jwte . Ainsi donc, si un sujet complhtement h6mi- pl6gique est atteint d’arthrite, aucune deviation ne peut se pro- duire du cBt6 hemiplegique. Cette consequence de mon opinion, depuis longtemps Btablie, sur l’origine musculaire des deviations me frappa au cours d’une visite que je fis en aout 1919 it oAlminde- lig Hospital)) h Copenhague. Je via alors une femme complbte- ment hCmipl6gique) presentant des deviations fort nettes et de l’aapect typique d6crit plus haut dans lea articulations radio- oarpiennes et metacarpophalangiennes du cat6 non paralyse (et du reste aussi dans les articulations metatarsophalangiennes du mdme cBt6); et cependant lea articulations correspondantes dea extremites complBtement paralysees, du cat6 oppos6, ne pr6sentaient aucune trace de d6viation. Grbce h l’aimable auto- rimtion du premier assistant d’oblmindelig Hospital)), Mr le Dr KNUD KRABBE qui voulut bien mettre le journal du service it ma disposition (ce dont je suis heureux de pouvoir lui temoigner ici ma sincere reconnaissance), je peux relater ci-dessous cette

580 GUNNAR KAHLMIOTPJR.

observation que je considere comme un puissant argument en faveur de la th6orie sur l’origine des deviations it laquelle je me euis rallid.

M. S. femme de 52 ans. En novembre 1918 la patiente fut at- teinte de rhumatisme articulaire aigu. Au cours de la maladie apparut un jour et sans que la malade perdft connaissance, une h6mipl6gie du c8t6 gauche. Elle fut immediatement transport6e It ))Almindelig Hospital)) oil it l’arrivee, on constata, outre une h6mipl6gie typique du c6t6 gauche, du gonflement et de la sen- sibilit6 dans toutes les grandes articulations ainsi que des souffles cardiaques systoliques et pr6systoliques. L’annde suivante, que la malade passa dans son lit a l’hdpital, des attitudes vicieuses appa- rurent et se ddvelopperent peu d peu d a m quelques articulations. Le 13/10 1919 1’6tat de la patiente 6tait le suivant:

Etat actuel: Cmur: StBnose mitrale. Les pupilles r6agissent It la lumidre. Par6sie legere des branches inf6rieures du nerf facial du c6t6 gauche. Paralysie complete de la main et d u bras gauches, la patiente peut it peine lever 1’6paule. Paresie mod6- r6e de la jambe gauche. Nulle part, le moindre trouble de sensi- bilit6. RBflexes abdominaux plus faibles du cat6 gauche; reflexes tendineux plus forts du c8t6 gauche que du cat6 droit. RBflexe de BABINSKI positif du c8t6 gauche.

D u cotd droit, atrophie importante des muscles de la main; atrophie moindre des muscles de l’avant-bras et du bras. Atrophie moindre du cotd gauche que du cotd droit des muscles de la main et du bras.

Articulations: Mobilit6 passive assex fortement restreints dans les deux articulations des Bpaules, moins fortement restreinte dans les articulations du coude et de la main. Limitation insigni- fiante de la mobilit6 passive dans les articulations des doigts des deux c8t6s.

Pouce de la main droite en extension lbgere; les P autres doigts ldgerement fldchis et ddvids vers le bord cubital. Pouce de la main gauche ldgerement fldchi dans toutes les articulations; les 4 autres doigts en extension ldgere a u niveau des articulations mdtacarpo- phalangiennes, sans trace de ddviation vers Ee bord cubital, en flexion Zdgere au niveau des autres articulations. (Voir la photogr.) Gonfle- ment insignifiant des capsules dans les articulations m6tacarpo- phalangiennes et interphalangiennes; mdme condition des deux cdtds.

Mobilit6 fortement limite des deiix articulation de la hanche et

COMMENT SE PROINTISENT LES DBVIATIONS ARTHRITIQVES? 58 1

des geuoux. Ces derni8res enflQes. Articulations du genon flE- chies k 150”; nibme condition des deus ccitiis. Mobilit6 plus pro- nonc6e dam lex articulations des pieds. DPriation jibulaire des orteils dic pied droit, niais ?LOO de CPUX d u rote‘ yawhe. Pour Ic reste attitude normale des orteils.

Atrophie irnportante des muscles de la cuibse (quadriceps) du c6tii droit; imperceptible du c6t8 gauche. Atrophie erideiite de la musculature de la janibe (triceps sural) du ccit8 droit, inipercep- tible du c6t8 gauche.

I1 s’agit done ici d’une femme de 52 ails qui, au cows d’une fiBvre rhumatismale aigue avec endccardite, est frapphe d’une hhniiplkgie dn c6tB gauche. 1111 an plus tard, il reste une paralysie complBte de la main et du bras gauches ainsi qii’iine parQsie nioderke de la jambe gauche. AprGs le rhuniatjsnie aigu persiste une limitation de la inobilit6 passive dans la plupart des grandes articulations, particuli Brement dans les articulations de 1’8paule et de la hanche; Bgale des deux cGtBs, la limitation est nioindre dans les articulations du c o d e et du genou. Dans les articulations de la main et dii pied et specialenent dans les articulations des doigts et des orteils la niobilitB passive cst bonne, mais pendant I’ann6e qui a suivi l’apparition simultanee de I’arthrite et de l’h8mipl6gie, il s’est dBvelopp6 du c6tk non paralysB une deviation arthritiquc typique dam la main et dans le pied, ilexion palmaire

39-211072. .k ta nwd bc*riadznav I’d. LI-.

.i 8 2 OIWNAIl TiAIILMI’l’ER.

e t flexion vers le bord cubital, dans les articulations radiocaiyien- lies et rrietacarpophrtlangienries; il s’y est joint une deviation fibulaire des articulations m6tatarsophalangierines; mais ICLS articulations correspondantes du cBt6 paralyse nepresentent aucunth dkviation. En m6me temps du cdte non paralys6, c’est B dire du (*cite occup8 par les deviations, certainH muscles du bras et de la jarnbc se sont atrophies, atrophio qui n’existe pas du crite para- lyst. La localisation de cette atrophie n’est pas indiquGe tlc, ma- niBre precise dans l’observation en ce qui cnncerne le bras, inais il est fort, vraiserublable que suivant l’usage alle s’ktendait aus extenseurs de l’avant-bras e t de la main. A propos dela janibe, il est not6 que l’atrophie s’btendait avant tout au quadriceps mural et au triceps sural.

atrophies de certains muscles du cBt6 non paralys6, dikritrs clans l’ohservation, me seniblent plaider Onergiquement en favein. tie In justosse tle mes ccnceptions, B savoir que les deviations pro- viennent dcs contractures resultant d’atrophies rnusculaires arthri- tiques. Les alterations arthritiques Btaierit ici tout B fait sym6- triques, avec cette seule difference que la deviation n’existait que do cBt6 non paralyse. L’absence de deviation du cat6 paralyse tenait tlonc cwtainement B l’impossibilit6 de produire des con- tractions musculaires dans une extr6niite cornpl&tenient paral jde e t ce fait capital poss&de, il nio scnible, une valeur absolument d6nio tistrative.

RBsum6.

Apres avoir constate que les opinions sur les causes de l’appa- rition des deviations arthritiques sont nombreuses e t variees et que la theorie qui parait la plus rationelle est celle de l’origine niusculaire, th6orie en faveur de laquelle beaucoup de raisons-ont 6th donnees, niais qui cependant manque encore de preuves cnn- cluantes, l’autour s’efforce dc rnontrer que:

dans le cay particulier de deviation typique de la main, la structure anatonique des articulations interessees rend possible la deviation prkitde, sans qu’il y ait lieu d’invoquer une altE- ration de la forme des facettes articulaires ou de la structurc? dt? I’appareil ligamenteux; autrenient dit, la deviation peut 6tre exclusivement produite par l’action musculaire.

une anelyse approfondie des faits existants, au point de vue de I’action musculaire sur les articulations en came, inontre que

I .

2 .

COMMENT BE PRODUZSENT LE9 D&IATIONS ARTHRITIQUEB? 588

c0ffe action mise en jeu par des contractures phriphdriques peut engendrer des deviations typiques.

selon toute apparence la contractwe p6riphdrique, localisb dans certains groupes de muscles, se produit d8s les premieres phases de l’arthrite et, en tout cas, B une phase plus avancee de la maladie sow forme de contractures secondaires resultant de la rupture de l’bquilibre musculaire caus6e par l’aff aiblissement et l’atrophie des antagonistes.

L’auteur pense que la thdorie musculaire des deviations trouve un argument puissant dans un fait clinique de polyarthrite ob- serve par lui chez une hemiplbgique; chez cette patiente, en mbme temps qu’une paralyie complete d‘un bras et d’une main, existait une deviation typique apparue posterieurement ii l’hemipl6gie et seulement du c8t6 non paralys6, alors que les altbrations arthri- tiques proprement dites btaient symetriques.

3.

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