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Soz Pr/iventivmed 1993; 38:335-338 0303-8408/93/060335-04 $1.50 + 0.20/0 1993 Birkhfiuser Verlag Basel Editorial Communication entre le m6decin de sant6 publique et la collectivit6, notamment par le canal des m6dias 1 Les consid6rations qui suivent sont fond6es sur notre exp6rience pratique au sein du minist~re de la sant6 d'un canton suisse et sur notre implication en mati~re d'6thique au cours de la derni6re d6cennie. I1 est clair que, aujourd'hui, les responsables de sant6 sont ~condamn6s~) ~t collaborer avec les m6dias, volens nolens. Notre attitude a toujours 6t6 de chercher fi maximiser, pour le public en particu- lier, les b6n~fices de cette collaboration, tout en 6tant attentif aux d6rapages possibles. Sans faire ici la critique du fonctionnement des m6dias, il est clair qu'il y a parfois de tels d6rapages, en rapport avec le besoin de la presse de pr6senter les th6mes qu'elle traite de mani6re fi retenir vivement l'attention: tendance au sensationnalisme, fi monter en 6pingle l'616ment rarissime ou croustillant, mame s'il est de peu d'importance substantielle et pratique. Qu'est-ee qu'une information ad6quate? En quoi renseigner la population diff6re-t-il de renseigner le patient? Nous sommes engag6 person- nellement dans la promotion du droit du malade fi une information compl&e et compr6hensible. Toutefois, vis-fi-vis du patient comme du public, une abondance informationnelle indue et mal orga- nis6e peut cr6er la confusion et n'a pas forc6ment un meilleur effet qu'une information insuffisante. Quand on s'adresse fi la collectivit6, cette pro- bl6matique est d'autant plus aigu6 qu'il n'existe alors pas de possibilitk (immddiate) de feedback, de discussion et de correction de l'information, comme cela est possible dans un contact individuel ou avec un petit groupe. Et on connait l'importance du feedback et de techniques comme la reformulation dans une communication r6ussie. Prenons un premier exemple: - Le peuple suisse a dfi voter fi deux reprises dans les quinze derni6res ann6es sur des propositions 16gistatives en rapport avec l'expdrimentation animale dans la recherche biom6dicale. Les textes soumis allaient dans le sens d'une meilleure protection des animaux et d'une diminution (voire d'une suppression) de leur utilisafion. Ind6pendamment de l'optimum fi rechercher quant au fond, nous avons eu fi chaque fois un sentiment de malaise en observant le processus d6mocratique et les propagandes li6es /t ces votations. Et nous n'avons pas 6t6 convaincu que chaque citoyen(ne) avait 6t6 mis(e) en mesure de se d6terminer sur la base des vrais enjeux. Dans un tel cas, nous regretterions que, fi cause de difficult6s de communication en rapport avec la complexit6 du sujet et avec la quantit6 des informa- tions pertinentes qu'il faudrait faire passer, une <<sacro-sainte)) d6termination populaire soit prise un peu au hasard d'6motions ~t fleur de peau, ou du caract~re superficiellement convaincant des pro- tagonistes politiques ou m6diatiques impliqu6s. Nous croyons qu'on prend lfi un risque notable de mauvaise d6cision (de d6dsion non pertinente). Soulignons qu'il ne s'agitpas ici d'une discussion du th~me <<toute v6rit6 n'est pas bonne fi dire)>. En mati6re d'exp6rimentation animale par exemple, nous ne voyons pas de raison pour laquelle il serait souhaitable de cacher aux citoyens des ~16ments pertinents; c'est une question de quantit6 et de <~digestibilit6~ de l'information. Un autre sujet biom6dical d'actualit6 au plan politique est celui de l'anonymat des donneurs de tissus, tout particuli6rement de cellules germinales (sperme, ovules). Plusieurs pays de l'Europe centra- le et septentrionale, suite fi une option prise en Suede, s'orientent vers un droit des enfants n+s de proc6dures utilisant des gametes de tierces person- nes fi obtenir des renseignements sur ces derni~res. Quand bien m~me nous cherchons quotidienne- ment fi assurer une plus grande transparence dans le domaine des soins m6dicaux, certaines cons6quen- ces possibles de la connaissance de l'identit6 du donneur nous inqui6tent. A supposer que l'enfant sache que, le jour de ses 16 ou 18 ans, il pourra se rendre dans quelque bureau officiel et ouvrir un dossier qui tui donnera les caract6ristiques de son p6re ou de sa m6re biologiques (le cas 6ch6ant, leur nom), que sait-on des tempates psychologiques que cette perspective suscitera chez lui, prdalablement d6jfi? Et, apr~s que l'information ait 6t6 donn6e, que sait-on des effets sur l'enfant, sur la famille dans laquelle il a v6cu jusque lfi, celle de ses parents sociaux et 16gaux? En Suisse, en mai 1992, le peuple a accept6 un nouvel article constitutionnel traitant de biotechno- logie, qui engl0bait la question ci-dessus (dans le sens d'un droit ~i l'information de l'enfant, qui reste ~t pr~ciser dans le d6tail). Passablement d'ob- servateurs et de professionnels ont connu fi cette

Communication entre le médecin de santé publique et la collectivité, notamment par le canal des médias

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Soz Pr/iventivmed 1993; 3 8 : 3 3 5 - 3 3 8 0303-8408/93/060335-04 $1.50 + 0.20/0 �9 1993 Birkhfiuser Verlag Basel

Editorial

Communication entre le m6decin de sant6 publique et la collectivit6, notamment par le canal des m6dias 1

Les consid6rations qui suivent sont fond6es sur notre exp6rience pratique au sein du minist~re de la sant6 d 'un canton suisse et sur notre implication en mati~re d'6thique au cours de la derni6re d6cennie. I1 est clair que, aujourd'hui, les responsables de sant6 sont ~condamn6s~) ~t collaborer avec les m6dias, volens nolens. Notre attitude a toujours 6t6 de chercher fi maximiser, pour le public en particu- lier, les b6n~fices de cette collaboration, tout en 6tant attentif aux d6rapages possibles. Sans faire ici la critique du fonctionnement des m6dias, il est clair qu'il y a parfois de tels d6rapages, en rapport avec le besoin de la presse de pr6senter les th6mes qu'elle traite de mani6re fi retenir vivement l'attention: tendance au sensationnalisme, fi monter en 6pingle l'616ment rarissime ou croustillant, mame s'il est de peu d'importance substantielle et pratique.

Qu'est-ee qu'une information ad6quate?

En quoi renseigner la population diff6re-t-il de renseigner le patient? Nous sommes engag6 person- nellement dans la promotion du droit du malade fi une information compl&e et compr6hensible. Toutefois, vis-fi-vis du patient comme du public, une abondance informationnelle indue et mal orga- nis6e peut cr6er la confusion et n'a pas forc6ment un meilleur effet qu'une information insuffisante. Quand on s'adresse fi la collectivit6, cette pro- bl6matique est d 'autant plus aigu6 qu'il n'existe alors pas de possibilitk (immddiate) de feedback, de discussion et de correction de l'information, comme cela est possible dans un contact individuel ou avec un petit groupe. Et on connait l ' importance du feedback et de techniques comme la reformulation dans une communication r6ussie. Prenons un premier exemple:

- Le peuple suisse a dfi voter fi deux reprises dans les quinze derni6res ann6es sur des propositions 16gistatives en rapport avec l'expdrimentation animale dans la recherche biom6dicale. Les textes soumis allaient dans le sens d'une meilleure protection des animaux et d'une diminution (voire d'une suppression) de leur utilisafion.

Ind6pendamment de l 'optimum fi rechercher quant au fond, nous avons eu fi chaque fois un sentiment de malaise en observant le processus d6mocratique

et les propagandes li6es /t ces votations. Et nous n'avons pas 6t6 convaincu que chaque citoyen(ne) avait 6t6 mis(e) en mesure de se d6terminer sur la base des vrais enjeux. Dans un tel cas, nous regretterions que, fi cause de difficult6s de communication en rapport avec la complexit6 du sujet et avec la quantit6 des informa- tions pertinentes qu'il faudrait faire passer, une <<sacro-sainte)) d6termination populaire soit prise un peu au hasard d'6motions ~t fleur de peau, ou du caract~re superficiellement convaincant des pro- tagonistes politiques ou m6diatiques impliqu6s. Nous croyons qu'on prend lfi un risque notable de mauvaise d6cision (de d6dsion non pertinente). Soulignons qu'il ne s'agitpas ici d'une discussion du th~me <<toute v6rit6 n'est pas bonne fi dire)>. En mati6re d'exp6rimentation animale par exemple, nous ne voyons pas de raison pour laquelle il serait souhaitable de cacher aux citoyens des ~16ments pertinents; c'est une question de quantit6 et de <~digestibilit6~ de l'information. Un autre sujet biom6dical d'actualit6 au plan politique est celui de l'anonymat des donneurs de tissus, tout particuli6rement de cellules germinales (sperme, ovules). Plusieurs pays de l 'Europe centra- le et septentrionale, suite fi une option prise en Suede, s'orientent vers un droit des enfants n+s de proc6dures utilisant des gametes de tierces person- nes fi obtenir des renseignements sur ces derni~res. Quand bien m~me nous cherchons quotidienne- ment fi assurer une plus grande transparence dans le domaine des soins m6dicaux, certaines cons6quen- ces possibles de la connaissance de l'identit6 du donneur nous inqui6tent. A supposer que l 'enfant sache que, le jour de ses 16 ou 18 ans, il pourra se rendre dans quelque bureau officiel et ouvrir un dossier qui tui donnera les caract6ristiques de son p6re ou de sa m6re biologiques (le cas 6ch6ant, leur nom), que sait-on des tempates psychologiques que cette perspective suscitera chez lui, prdalablement d6jfi? Et, apr~s que l 'information ait 6t6 donn6e, que sait-on des effets sur l'enfant, sur la famille dans laquelle il a v6cu jusque lfi, celle de ses parents sociaux et 16gaux? En Suisse, en mai 1992, le peuple a accept6 un nouvel article constitutionnel traitant de biotechno- logie, qui engl0bait la question ci-dessus (dans le sens d'un droit ~i l ' information de l'enfant, qui reste ~t pr~ciser dans le d6tail). Passablement d'ob- servateurs et de professionnels ont connu fi cette

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occasion un malaise comparable fi celui 6voqu6 plus haut. Comment informer les votants de sorte qu'ils se d6terminent en v6ritable connaissance de cause, alors que les professionnels eux-m~mes sont divis6s?

Limiter ou moduler rinformation ~pour le bien des gens>>?

Cette tentation paternaliste existe par exemple en mati6re de pr6vention, lfi off l'objectif est de con- vaincre le public (ou tel groupe-cible) de modifier des comportements nuisibles fi la sant& Le principe gbn6ral doit certainement 6tre celui de la transpa- rence, mais cela pose parfois question:

- En ce qui concerne les relations sexuelles et le risque VIH/SIDA, th6me /t propos duquel on s'adresse souvent fi la jeunesse, les donn6es scientifiques disponibles indiquent que, statisti- quement, le risque d'6tre contamin6 lors d 'un rapport non prot~g6 avec une personne s6ro- positive est de l 'ordre de 1 sur 50 ( = 2%). Si l'on tient compte du fait que la probabilit~ qu'un nouveau partenaire mal connu soit s6ropositif est aussi de l 'ordre du pourcent, on voit que le risque d'etre contamin6 par le VIH lors d'un rapport est bien faible... Dans une optique pr6ventive, on peut craindre que la motivation des jeunes fi se prot6ger par le pr6servatif ne diminue singuli~re- ment s'ils ont ces faits ~t l'esprit. Pratiquement, dans les efforts de pr6vention auxquels nous sommes li6s, notre attitude est certainement de ne p a s ment i r , mais aussi de ne pas traiter spontan~ment en d6tail de telles pro- babilitbs statistiques. Nous avons la m6me posi- tion dans de (nombreux) contacts avec des repr6- sentants des m~dias. Paternalisme, sans doute. . . Mais on nous con- vaincra difficilement que l'effet pr~ventif serait meilleur en fournissant des explications appuy6es sur les points en question (compte tenu aussi des contraintes de temps disponiblc, ou d'espace imprim6 que Ies destinataires des messages sont susceptibles de lire attentivement, etc.).

- S'agissant de tabagisme et sachant que tousles fumeurs ne d6veloppent pas un cancer des bron- ches ou un emphys~me (m~me si tous voient leur condition physique - fitness - atre alt6r6e), con- vient-il de le souligner, de donner des pourcenta- ges?

- En mati6re de pr6vention de l'abus d'alcool, y a-t- il lieu de discuter abondamment le fait que les contr61es de police n'attrapent pas forc6ment tous les conducteurs 6m6ch~s, ou que certains, au vu d'une tolerance acquise, ont pu conduire durant de longues p6riodes sans accident malgr6 des alcool6mies au-dessus de la limite permise?

Un d6fi dans nos soci6t6s obs6d6es par la s6curit& la communication fi propos des risques tr6s proches de z6ro

I1 est important d 'aborder ce th~me, qui est au carrefour de diff6rentes dimensions des enjeux 6thiques majeurs qui se posent aux syst6mes de sant&

- La constante raret6 des ressources (pour le moins en termes relatifs).

- En cons6quence, la concurrence pour l'utilisation des dites ressources, rendant n6cessaire l'6tablissement de priorit6s, qui doivent ~tre ba- s6es sur l 'ampleur objective des besoins et pas sur le poids politique des <<lobbies~ int~ress6s.

- Les tendances maximalistes des professionnels et des institutions, chacun dans son domaine parti- culier.

- Une obsession de la s6curit6, parfois caricaturale, qui fait que la vox populi est prate fi voir investir

' des sommes d6mesur6es pour certains risques minimes (en particulier s'ils sont li6s fi un micro- organisme 2).

A c e propos, nous avons 6t6 frapp6 lors d'une r~union de la Soci6t6 frangaise de sant6 publique, fi Paris, le 10 juin 1991, d'entendre le Professeur Jean- Frangois Girard, Directeur de la sant6, s'exprimer ~t propos du test qui venait d'etre introduit en France, pour tousles dons de sang, de d6pistage d'infection par le virus HTLV-I (tr6s rare, responsable de cas de leuc6mie). L'intensit6 des d6bats m6diatiques sur le sang contamin6 par le virus VIH en France (et les cons6quences judiciaires qui s'en sont suivies dans le courant de 1992) font bien comprendre que le Minist6re frangais de la sant6 n'a pas pu renoncer fi introduire un test syst6matique pour le HTLV-I, m~me si le risque de contamination y relatif 6tait extr6mement faible. Ce qui retient l 'attention, dans te sens d'une pr6occupation constante de cofit- efficacit6 en mati~re de sant6 publique, c'est une remarque de J.-F. Girard ~t ce propos: <~Les 6cono- mistes du Minist~re me disent que, avec les ressour- ces n6cessaires fi 6viter un d6c~s par infection fi HTLV-1 par ce d6pistage, on pourrait sauver Ia vie de 100 - 150 femmes par un programme de dbpistage du cancer du sein.~ I1 n'6tait probablement pas envisageable politiquement pour le Minist6re de faire diff6remment. I1 reste que, pratiquement et 6thiquement, cela pose question. Question qui d'une mani6re ou de l'autre devrait ~tre soumise/t la collectivit& En rapport avec le VIH/SIDA, il faut d6mystifier certaines tendances alarmistes, propag6es parfois par des m6decins eux-m6mes malheureusement. Par exemple:

- Des exagerations et une d&ormation des donn6es sur les (non-) risques en rapport avec la pr6sence d'enfants s~ropositifs dans des ~coles ou garde- ries.

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- Une crainte persistante et non justifi6e de conta- mination VIH par la salive, l'urine, les selles.

- Le maintien (erron6) d'une incertidude quant fi un risque d'infection par le contact du sang avec la peau saine (ou ne pr6sentant que des 6gratignu- res superficielles).

- D e s propositions excessives en rapport avec l'6ventualit6 de contamination SIDA dans le cadre professionnel (m~dico-hospitalier notam- merit). Ainsi, le d6bat qui continue sur la 16gitimi- t6 de pratiquer, <<pour la protection du person- neb~, des tests VIH fi l'insu des patients appara~t influenc6 plus par des peurs irrationnelles, voire des jugements moraux, que par les fairs scientifiques, a

Faire comprendre et admettre la notion de risque calcul6 ou r~siduel

Dans des situations comme celles qui ont 6t6 6voqu6es, il convient de mettre en balance les bdndfi'ces potentiels avec, non seulement les cofits directs y relatifs, mais encore le degr6 de perturba- tion, de complication, voire de destructuration, que les mesures envisag6es peuvent entra~ner dans la collectivit& Le risque zdro n' existe pas, dans aucune activit6 humaine, marne dans la soci6t6 qui mettrait la s6curit6 au premier rang de ses valeurs. [1 y a des limites /t ne pas d6passer (dans les pr6cautions et les chicanes), la r6gle d'or est de trouver le juste milieu. Ainsi: si une contamination VIH s'av6rait possible exceptionnellement par l'intermddiaire de la salive et qu'on montre que cette voie est susceptible d'entra~ner un d6c~s de SIDA par million d'habitants et par d6cennie (pure hypo- th6se d'6cole), alors il conviendrait fi notre sens de dire qu'on ne prend aucune mesure on6reuse ou compliqu6e fi cet 6gard et qu'on admet de vivre avec ce risque (durant ces dix ans, dans la marne collecti- vit6, les accidents de la circulation entra~neront environ 1500 morts). Le ddfi sera alors, du point de vue de la communication, que les politiques et les professionnels, chacun sur leur cr6neau, fassent ad6quatement comprendre cette question par la population. I1 est probable en effet que cette attitude surprendrait certains et qu'on verrait des r6actions de tendance <~absolutiste>). Un domaine off des questions comparables peuvent se poser est celui de la surveillance des denrdes atimentaires (notamment de denr6es produites en- core artisanalement). Nous avons pour notre part v6cu une exp6rience int6ressante, au plan de la sant6 publique comme au plan politique, avec la pouss~e 6pid+mique de list~riose dans notre canton fi la fin des ann6es 80 (1987 plus particuli~rement), caus6e par l'ingestion d'un fromage mou contamin6. Le probl6me est aujourd'hui heureusement r6gl& Mais s'il s'6tait av6r6 impossible, pratiquement, de d6barrasser ce produit d 'un certain risque rdsiduel

de list6riose, la question se serait pos6e de savoir si, au risque de quelques cas de cette maladie par an (et sans pouvoir exclure un d6c~s chez des personnes d6bilit6es), dans une population de 600000 habi- tants, il 6tait raisonnable de priver totalement le public de ce fromage auquel il est tr~s attach6. Pour notre part, fi supposer qu'on nous prouve/t satisfac- tion que le risque r6siduel 6tait tout fi fait modeste et que tout avait 6t6 fait au plan technique, mais sans succ6s, pour l'6radiquer, nous aurions 6tO pr~t /~ nous engager pour le maintien de ce produit alimen- taire, quand bien m6me il n'aurait pas 6t6 totale- ment d6nu6 de danger.

En guise de conclusion

La communicat ion/t large 6chelle fait partie int6- grante de nos soci6t6s. Les m6dias sont un 61~ment majeur de leur fonctionnement, avec qui les respon- sables professionnels, comme les politiques, col- laborent. Souvent, entre gens fiables et pond6r6s, cette collaboration peut se d6rouler dans de bonnes conditions et est une source de satisfactions. I1 convient de tenir compte du fait que les objectifs et les imp6ratifs op6rationnels des personnes en charge de la sant6 publique, d'une part, et ceux de la presse et des communicateurs, d'autre part, ne sont pas les m~mes. Cela ne simplifie pas la concertation mutu- elle. Ind@endamment de ce premier champ de d6sac- cord potentiel, il y a parmi les pr6occupations principales actuelles de la sant6 publique un certain nombre de questions et d'enjeux dont le traitement m6diatique n'est pas facile:

A cause de la quantit~ des informations n6cessai- res pour se faire une opinion, qui peut aller au- delft de ce que le public en g6n6ral est susceptible de ma~triser,

- A cause de la complexit6 de ces messages, des nuances ~ apporter,

- A cause du souhait (paternaliste, c'est vrai) de maximiser l'impact utile des informations, dans un sens pr6ventif par exemple,

- A cause du fait que, au-delfi de leurs bonnes intentions de base, les membres du public mon- trent parfois des comportements irrationnels, par exemple de discrimination et de rejet,

- A cause de la difficult6 (politique, au sens large) qu'il y a fi aborder les n6cessaires questions de choix (soit finalement de rationnement, sous une forme ou l'autre) dans nos soci~t6s,

- A cause de la difficult6 qu'ont nos contempo- rains,/t accepter que, quoi qu'on fasse, lefai t de vivre sera toujours lid dt certains risques; et que des arbitrages raisonnables doivent ~tre faits entre l 'importance statistique d'un danger, d'une part, et les moyens mis en oeuvre pour l'61iminer ou le r6duire, d'autre part.

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Cela 6tant , ce n ' e s t b v i d e m m e n t pas en s ' i g n o r a n t o u 2 en se c o m b a t t a n t que les r e sponsab les de la sant6 et ceux de la c o m m u n i c a t i o n p r o g r e s s e r o n t darts la ges t ion de ques t ions difficiles, ma i s b ien p a r le d i a logue et la c o m p r b h e n s i o n des bu t s et des m o d e s 3 de f o n c t i o n n e m e n t des uns et des autres .

Jean M a r t i n , L a u s a n n e

Version r6sum6e et revue d'une contribution pr6parbe pour le Colloque sur l'~thique de la communication pour la sant6, organis6 par la Croix-Verte Internationale (Ferney-Voltaire, novembre 1992).

Les radiations ionisantes elles aussi sont vues avec beaucoup de crainte. Par contre, les dangers majeurs de handicaps et de d6c6s 6vitables li6s aux accidents de la circulation, et/t des consommations commc celles de l'alcool et du tabac, semblent ne pas faire peur et 6tre largement ((scotomis6s~ par le public. Ace propos, une coll6gue de santb publique fran~aise nous parlait en mai 1992 des discussions difficiles qu'elle avait dans le service de chirurgie d'un grand h6pital: les m6decins et soignants du service affirmaient bruyamment leur volont6, (~pour leur protectiom~, de pratiquer de tels tests/t l'insu des patients, m~me si c'est illicite. Or, tr~s peu d'entre eux avaient jugb bon de b~n~ficier d'une vaccination contre l'h~patite Bet manifestaient m6me leur opposition fi cet 6gard, alors m6me que le risque d'infection est une centaine de fois plus grand que pour le VIH...