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UNIVERSITE DE DROIT, D’ECONOMIE, ET DES SCIENCES D’AIX MARSEILLE III (PAUL CEZANNE) CENTRE DE DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS MEMOIRE LES CLAUSES D’ARBITRAGE DANS LE CONNAISSEMENT ET LE CONTENTIEUX MARITIME MASTER II (DESS) DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS Promotion 2005/2006 Sous la direction de Me Christian SCAPEL Auteur : DIOP Papa Ousmane 1

Connaissement et-contentieux

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Page 1: Connaissement et-contentieux

UNIVERSITE DE DROIT, D’ECONOMIE, ET DES SCIENCES D’AIX MARSEILLE III (PAUL CEZANNE)

CENTRE DE DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS

MEMOIRE

LES CLAUSES D’ARBITRAGE DANS LE CONNAISSEMENT ET LE CONTENTIEUX MARITIME

MASTER II (DESS) DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS Promotion 2005/2006 Sous la direction de Me Christian SCAPEL Auteur : DIOP Papa Ousmane

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Page 2: Connaissement et-contentieux

REMERCIEMENTS Je tiens d’abord à remercier Me Christian SCAPEL pour m’avoir accepté dans ce Master II, et pour ses conseils éclairés. Je remercie également le Pr. Pierre BONASSIES qui a su tout au long de cette année nous transmettre son immense passion du droit maritime. Je remercie aussi le Pr. Georges FIGUIERRE, pour sa large sollicitation durant toute cette année. Tous mes remerciements à tout le personnel de la société Léon Vincent S.A où j’ai pu effectuer mon stage, et mention spéciale à ma responsable Djamila MEKADMI, pour son aide, et tous ses précieux conseils. Enfin je remercie tous les intervenants, la scolarité du CDMT (Martine), et tous ceux qui m’ont soutenu et encouragé lors de la réalisation de ce mémoire.

A ma mère, à mon père Pour leur présence de tous les instants,

et sans qui rien n’aurait été possible : MERCI Et à toute ma famille : Assane, Adji, Diya, Coumba, Astou

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Page 3: Connaissement et-contentieux

SOMMAIRE INTRODUCTION…………………………………………………………...5 PARTIE I : L’ INSERTION DE LA CLAUSE COMPROMISSOIRE DANS LE CONNAISSEMENT : LA PROTECTION DU DESTINATAIRE ………………………………………………………..…...10 Chapitre I- Les conditions d’opposabilité de la clause compromissoire…………………………………………………………………………….12 Section I- Les conditions relatives au consentement : La connaissance et l’acceptation du chargeur……………………………………..............................................................…...13 Section II- Les conditions de forme ………….…………………………………………..17 Chapitre II- L’opposabilité en droit comparé……………..……………………………………………………………………….22 Section I- Les solutions du droit français……………………..…………………………..22 Section II- Le droit communautaire et international…………………………………….34 PARTIE II– L’OPPOSABILITE DE LA CLAUSE COMPROMISSOIRE AU PORTEUR DU CONNAISSEMENT DE CHARTE-PARTIE……………………………………..………………………………….42 Chapitre I- Solutions opposées de la chambre civile et commerciale de la Cour de cassation……………………………………………………………………………......…....43 Section I- L’inopposabilité de la clause compromissoire selon la chambre commerciale…………………………………………………………………………………43 Section II- Opposabilité selon la chambre civile…………………………………………45

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Chapitre II- L’arbitrage en droit anglais et américain………………..………………47 Section I- Le droit anglais……………………………………………………………..….48 Section II - Le droit américain……………………………………………………………..51

. Chapitre III- La transmission de la clause compromissoire par subrogation………………………………………………………………………………....52 Section I- L’opposabilité de la clause compromissoire à l’affréteur-cessionnaire du destinataire de la marchandise………………………………….……………………..….54

Section II- La paralysie de la cession de créance……………………….……………..…57

Section III – La théorie de la « compétence-compétence »……………………………..60 Section IV – Coexistence entre clause d’arbitrage et clause attributive de juridiction…………………………………………………………………………………....68 CONCLUSION………………………………………………………………………….…71 ANNEXES…………………………………………………………………………………..75 BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………………….….85 TABLE DES MATIERES……………………………………………………………………89 RESUME……………………………………………………………………………………..92

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Page 5: Connaissement et-contentieux

INTRODUCTION Dépeindre l’organisation du transport maritime est nécessaire pour mieux en

comprendre toutes les subtilités. Ainsi, le navire de commerce est destiné à être

exploité commercialement. L’exploitation du navire est sujette à la volonté de son

propriétaire ou armateur. Ce dernier peut choisir d’effectuer un transport pour son

propre compte, dans ce cas il aura la qualité de transporteur : ce cas de figure que

l’on appelle « transport privé »1 est devenu rare. L’armateur peut choisir de mettre

son navire à la disposition d’une personne ainsi dénommée l’affréteur. En cas

d’affrètement, le propriétaire prend la qualité de fréteur et son cocontractant la

qualité d’affréteur. C’est de cette relation que naît le contrat d’affrètement matérialisé

par écrit ou charte-partie. La loi française et notamment l’article 1er de la loi du 18

juin 1966 2 sur les contrats d’affrètement et de transport maritimes définit le contrat

d’affrètement comme étant celui par lequel « le fréteur s’engage, moyennant

rémunération, à mettre un navire à la disposition d’un affréteur ».

Il convient également de préciser que l’on distingue principalement trois types

d’affrètements : l’affrètement coque nue, l’affrètement au voyage et l’affrètement à

temps. Il varie en ce sens que le propriétaire peut décider de ne pas exploiter

directement son navire, dans ce cas de figure il peut soit le donner en location sans

équipage, ou alors il peut choisir de conserver la gestion nautique et commerciale,

enfin il peut décider de ne conserver que la gestion nautique .

Il est usuel que l’exploitation d’un navire affrété donne lieu à l’émission, outre la

charte-partie de base, de divers documents dont, notamment, le connaissement.

Apparu dés le XIVème siècle, alors délivré par le capitaine, il avait pour unique

fonction d’être un reçu de la marchandise. Progressivement ses fonctions se sont

multipliées pour assumer aujourd’hui un triple rôle de preuve. Le connaissement est

1 R.Rodiére, Traité Générale de droit maritime, t.1 affrètement et transports, Dalloz, 1967,§ n°2 et 3. 2 Loi n°66-420.

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notamment le document le plus utilisé pour prouver l’existence du contrat de

transport maritime de marchandises. C’est en effet l’instrumentum du contrat de

transport. Cependant, le contrat de transport maritime existe indépendamment de

l’écrit qui le matérialise. En effet, consensuel, le contrat de transport maritime naît de

la rencontre et de l’accord des volontés des parties. Cette solution est affirmée par les

tribunaux et notamment la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence estimant que « le

connaissement ne saurait être par lui-même constitutif du contrat de transport, ce dernier

résultant du seul accord de volonté des parties à la convention »3.

D’autre part, la caractéristique essentielle du connaissement réside dans sa

négociabilité. Représentant les marchandises, il est un titre négociable et est donc

appelé à circuler entre les mains de différents intéressés.

Le contrat d’affrètement tout comme le contrat de transport concernent tous deux le

déplacement d’une marchandise par voie maritime. Cependant, ces deux contrats

sont totalement différents en ce sens qu’ils n’ont pas le même objet : le premier a

pour objet la mise à disposition d’un navire à l’affréteur aux fins d’acheminement

d’une marchandise, le second a pour objet la remise de la marchandise pour un

transport vers une destination donnée. Il est fondamental de distinguer les deux

contrats car ils obéissent à des régimes juridiques différents. Les règles de

l’affrètement sont supplétives de la volonté des parties alors que le transport ne peut,

sauf cas particuliers, échapper à son statut légal. Si la distinction paraît simple, elle

devient plus compliquée en pratique où un grand nombre de contrats de transport

est exécuté sous couvert d’une charte-partie.

Dans le cadre d’un transport effectué sous couvert d’une charte-partie, c’est le fréteur

qui émet le connaissement ainsi transmis à l’affréteur. Tant que le connaissement

reste entre les mains de l’affréteur, seules les règles de l’affrètement sont applicables

et le connaissement doit être considéré comme un simple reçu de la marchandise.

Mais lorsque le connaissement se retrouve entre les mains d’un tiers porteur

(rappelons que le connaissement est un titre négociable), les rapports juridiques de ce

3 CA Aix-en-Provence, 31oct. 1991, BTL, p.478.

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tiers porteur et du fréteur seront régis non plus par les règles de l’affrètement, mais

par celle du transport de marchandises. Le Doyen Rodiére le rappelle très bien en

écrivant que « le fréteur, au regard du porteur du connaissement autre que l’affréteur (le

tiers porteur), se trouvera dans la condition d’un transporteur et ce sont toutes les règles du

titre de transport qu’il faudra appliquer dans leurs rapports…Ainsi, la transmission d’un

connaissement émis par le fréteur rompt l’unité du contrat d’affrètement, puisque le fréteur

qui sera toujours fréteur pour l’affréteur, sera transporteur pour le tiers porteur du

connaissement »4.

Cette particularité est apparue nécessaire à la sécurité juridique des tiers qui peuvent

ignorer à quel titre la marchandise est déplacée. Le Doyen Rodiére poursuit en

soulignant que « cette inélégance théorique a paru commandée par la commodité pratique et

la sécurité des opérations sur connaissement. Il n’y a pas pour ce qui les concerne (les tiers),

suivant que le connaissement qui en est la base est le connaissement d’un contrat de transport

ou le connaissement au profit d’un affréteur. L’unité de l’affrètement est brisée, mais l’unité

du statut du connaissement est sauvée ». Pour décrire cette situation, le Professeur

Delebecque parle de « bloc contractuel » que constituent la charte-partie et le

connaissement.

La loi du 18 juin 1966 dispose dans son article 17 alinéa 2 que « les dispositions du

présent titre (transport de marchandises) s’appliquent : dans les rapports du

transporteur et des tiers porteurs, aux connaissements émis en exécution d’une

charte-partie ». Sous le régime de la loi maritime de 1936, le connaissement de charte-

partie ne relevait pas toujours du droit des transports maritimes. En outre, la

Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l’unification de certaines règles en matière

de connaissement déclare ses dispositions applicables «au connaissement ou document

similaire émis en vertu d’une charte-partie, à partir du moment où ce titre régit les rapports

du transporteur et du porteur du connaissement » (article 1er b) de la Convention). Il

faudra cependant s’interroger sur l’état des ratifications de la convention pour savoir

si elle est applicable en l’espèce.

4 R.Rodiére, Traité Générale de droit maritime, t.1 affrètement et transports, Dalloz, 1967,§ n°197, p.226.

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Page 8: Connaissement et-contentieux

Dans le contrat de transport, le contractant du chargeur est le transporteur, qui peut

être soit le fréteur, soit l’affréteur, soit les deux. La loi française prévoit expressément

que l’affréteur peut utiliser le navire pour faire des transports5. L’affréteur peut être

amené à utiliser le navire afin de transporter des marchandises et ce, sous couvert de

l’émission d’un connaissement. Dans ce cas de figure, l’affréteur devient transporteur

à l’égard des parties avec qui il contractera dans le cadre du contrat consensuel de

transport.

Les contrats de transport ainsi conclus sont, en principe, indépendants du contrat

d’affrètement d’origine et les parties à l’un des contrats ne peuvent invoquer les

dispositions de l’autre ni opposer les clauses de son propre contrat à celui qui n’y a

pas été partie, en application de la règle de l’article 1165 du code civil sur l’effet

relatif des contrats.

De ces contrats peuvent naître des conflits qui donnent lieu à contentieux. Les

dommages causés à la marchandise alimentent fréquemment le contentieux maritime.

Les parties vont ainsi s’opposer pour connaître quelle sera la juridiction qui tranchera

leur conflit. Ainsi, la détermination du tribunal compétent dans le contentieux du

transport maritime est essentielle : l’issue même du litige se trouve souvent en jeu.

Cependant, dans le cadre de contrats internationaux, les parties cherchent

judicieusement à saisir leurs juges nationaux. Les parties au contrat de transport

doivent se protéger de la meilleure façon qu’il soit pour faire face à d’éventuels

conflits. Pour cela il leur est permis d’insérer dans les contrats des clauses relatives à

la compétence internationale. La détermination de la compétence territoriale est la

première ligne de défense des transporteurs maritimes. Le transport maritime est un

domaine dans lequel l'insertion de clauses relatives à la compétence internationale

est systématique. Clauses habituelles, elles n’en demeurent pas moins des clauses

dites exorbitantes de droit commun dont le régime juridique diffère de celui des

clauses ordinaires.

5 Loi n° 66-420, du 18 juin 1966, article 12.

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Page 9: Connaissement et-contentieux

L’alternative est entre les mains des parties au contrat qui peuvent choisir la voie du

recours amiable, la conciliation, mais encore la négociation. Il est certain qu’une

meilleure protection juridique sera apportée aux parties les plus faibles lorsque

celles-ci choisiront d’adhérer à la clause de compétence, désignant ainsi une

juridiction ou encore une chambre arbitrale compétente, plutôt que de rentrer dans

un processus de négociation avec une partie souvent plus forte économiquement et

donc à même d’exercer une quelconque pression.

Les parties aux contrats notamment les fréteurs-transporteurs rédigent des clauses

dans les chartes-parties auxquelles les connaissements ont tendance à faire référence

où insèrent tout ou partie des conditions générales du contrat d’affrètement dans

l’économie du titre de transport. Le but ultime de cette incorporation est de pouvoir

opposer ces clauses.

La question de l’opposabilité des clauses de compétence, clauses attributives de

compétence et clauses compromissoire, au tiers porteur du connaissement connaît

depuis plus d’une dizaine d’année maintenant un abondant contentieux.

La clause compromissoire est celle qui exclut d’emblée la compétence des tribunaux

judiciaires pour y substituer celle d’un ou de plusieurs arbitres .Ce qui n’est pas sans

poser moult difficultés quant à la validité de ces clause dites aussi clauses d’arbitrage,

et surtout de leur opposabilité aux différentes parties concernées dans l’opération de

transport maritime.

C’est pourquoi nous tenterons dans ce mémoire de développer successivement

l’insertion de la clause compromissoire ou clause d’arbitrage dans le connaissement,

et dans la charte-partie ; et aussi voir en dernier lieu la possible cohabitation entre les

clauses compromissoires, et les clauses attributives de juridiction.

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PARTIE I

L’INSERTION DE LA CLAUSE COMPROMISSOIRE

DANS LE CONNAISSEMENT : LA PROTECTION

DU DESTINATAIRE

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Page 11: Connaissement et-contentieux

En droit français, les clauses attributives de juridiction et d’arbitrage ne sont en

général pas automatiquement transférées avec le connaissement, les tribunaux

français exigent une acceptation expresse du destinataire sur la clause. Cette

solution est celle applicable pour tous les litiges qui n’entrent pas dans le champ

d’application de la convention de Bruxelles de 1968 et donc n’étant pas de la

compétence de la Cour de Justice des Communautés Européennes. Elle est reprise

par le règlement de la communauté européenne n° 44/2001 du 22 décembre 2000.

Pour les litiges entrant dans le champ d’application de ce texte, la Cour de Justice

des Communautés Européennes a dégagé une solution qui s’articule autour d’une

interprétation autonome de l’article 17 de cette convention, qui fait de l’acceptation

du destinataire une des conditions de l’opposabilité de la clause. Cherchant

toujours à protéger le destinataire de la marchandise, qui n’est pas directement

partie au contrat de transport, les tribunaux se montrent exigeants sur les formes

que doit revêtir son acceptation.

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CHAPITRE I : Les conditions d’opposabilité de la clause

compromissoire

Pour reprendre la définition de M. William Tetley 6 , « l’arbitrage c’est (…) le

règlement d’un litige entre des parties qui se mettent d’accord pour ne pas aller

devant les cours, mais qui acceptent comme définitive la décision d’experts de leur

choix, dans un endroit de leur choix, en général soumise à des lois prévues d’avance

et selon des règles qui permettent d’éviter des formalités, des subtilités, des moyens

de preuve et une procédure trop lourde requises par les cours ».

Définie comme la clause par laquelle les parties s’engagent à recourir à l’arbitrage

pour les différends qui surgiraient entre elles, la clause d’arbitrage, dans les

connaissements modernes, prévoit en général que le litige entre les parties sera réglé

par un arbitre unique ou par un tribunal arbitral composé de trois arbitres. Les

parties devront se soumettre à la sentence rendue. Ces clauses prévoient souvent

l’endroit, c’est-à-dire, l’instance arbitrale (par exemple : La Chambre Arbitrale

Maritime de Paris – CAMP – ou le London Maritime Arbitration Association) ainsi

que la loi et les procédures qui devront être appliquées par les arbitres. C’est

justement dans les cas où la loi n’a pas été désignée que le lieu de l’arbitrage peut

indiquer à quelle loi les parties ont voulu soumettre leur contrat. Par exemple, si les

parties décident que tout contentieux devra être porté devant la CAMP, cela peut

vouloir dire qu’elles veulent que leur contrat soit régi par la loi française.

Les législations nationales et les instruments internationaux favorisent aujourd’hui

l’arbitrage, qu’il soit national ou international. Ils recommandent à ce que les accords

6 traduit de W.TETLEY, International Conflict of Laws, 1994, p. 390: “Arbitration is … the settling of disputes between parties who agree not to go before the courts, but to accept as final the decision of experts of their choice, in a place of their choice, usually subject to laws agreed in advance and usually under rules which avoid much of the formality, niceties, proof and procedure required by the courts”.

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et les clauses d’arbitrage soient reconnus et priment sur les décisions judiciaires7 et

que la sentence rendue soit reconnue internationalement. Ce genre de dispositions

renforce l’arbitrage en tant que mécanisme de règlement de litige dans le transport

maritime international de marchandise. Par ailleurs, les arbitres se réfèrent de plus en

plus aux sentences précédentes pour rendre une décision, créant ainsi une

jurisprudence arbitrale.

Si les clauses compromissoires sont assez rares en matières de transport, les

connaissements contenant généralement des clauses donnant compétence à des

tribunaux étatiques, elles n’en sont pas moins valables. Quant à leur régime, qui est

contractuel, il n’y a aucune raison de ne pas le décalquer sur celui des clauses

attributives de juridiction proprement dites. Mieux, puisque l’arbitrage est le mode

usuel de règlement des litiges dans les relations internationales et puisque la matière

maritime est, le plus souvent, international, les clauses compromissoires sont

appelées à être valorisée.

Pour qu’une clause soit opposable, les tribunaux exigent qu’un nombre de conditions

soient remplies notamment lors de la formation du contrat .

Section I- Les conditions relatives au consentement : La connaissance

et l’acceptation du chargeur

Pour que l’on puisse opposer la clause de compétence au chargeur encore faut-il que

ce dernier ait connu et accepté la clause. Par ailleurs, les juges exigent que la clause

soit incorporée ou que la charte soit transmise avec le connaissement.

7 Voir par exemple : Convention de New York de 1958, art. II(3), la cour d’un Etat contractant, à la demande d’une des parties à un accord d’arbitrage ou à une clause d’arbitrage (art. II (1) & (2)), est obligé de soumettre les parties à l’arbitrage, sous réserve que l’accord soit valide ; stipulation similaire dans le modèle de loi de la CNUDCI de 1985, art. 8(1)

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Il est de jurisprudence constante que le chargeur doit avoir eu connaissance (1) de la

clause, condition qui ne suffit pas puisqu’il doit également donner son consentement

pour se la voir opposer (2).

A) la connaissance de la clause

La nature juridique de la clause impose que, celui à qui on cherche à opposer la

clause, en ait eu connaissance ; la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence conditionne

l’opposabilité « à la certitude que les parties ait eu connaissance »8de la clause. C’est tout

simplement dire que l’on ne peut opposer une clause qui aux yeux du chargeur n’a

pas une existence certaine. C’est le préalable à toute protection juridique à son égard.

Il a finalement un droit d’accès à l’ensemble du contenu du contrat auquel il consent.

En effet, la Cour de cassation affirme que le chargeur ne peut se voir « opposer une

clause non reproduite dans le seul document remis avant qu’il ne confie la marchandise au

transport »9.

Mais dans quelle mesure le porteur du connaissement peut être réputé avoir eu ou

non connaissance de la clause incriminée et lui avoir apporté son adhésion.

Cette connaissance n’étant qu’un prélude, elle se double du nécessaire consentement

du chargeur qui vient compléter le vide empêchant toute opposabilité.

B) l’acceptation de la clause par le chargeur

Avant « le véritable typhon qui s’est abattu sur les clauses de juridiction » 10 , seule

l’acceptation du chargeur était requise pour pouvoir opposer la clause attributive de

compétence au tiers porteur du connaissement. D’une manière générale, les

8 CA Aix-en-Provence, 15 mai 1991, navire Julia, Inédit. 9 Cass.Com., 9 juillet 1991, navire Karin Bornhoffen : Quot. Jurid., 13 février 1992. 10 Le droit positif français en 1994 par Pierre Bonassies, DMF 95, II-JP(suite), n°83.

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Page 15: Connaissement et-contentieux

tribunaux recherchaient l’acceptation de la clause prorogative de compétence au

titre de la validité même de la clause. Seule la recherche de cette acceptation peut

conditionner le sort de l’opposabilité.

En effet, le consentement, condition essentielle à la formation des contrats comme le

stipule l’article 1108 du Code civil, est requis lorsque l’on veut opposer la clause de

compétence. Il est une condition à la validité d’une convention.

La connaissance n’étant pas suffisante au consentement du chargeur, c’est

l’acceptation qui est indispensable et fait acte de la manifestation par le chargeur de

sa volonté à être lié. L’acceptation suppose la connaissance car il serait absurde de

penser qu’un chargeur, suffisamment éclairé, puisse accepter une clause sans en

avoir eu connaissance.

Cependant, les relations d’affaire traduisent une autre réalité à cet égard. Les clauses

étant pré rédigées, le chargeur ne peut finalement pas discuter leur contenu; il ne se

contente que d’y consentir. C’est en ce sens que les tribunaux imposent la condition

d’acceptation du chargeur à toute opposabilité, gage de sécurité juridique. Encore

faut-il que l'acceptation ne soit pas entachée d'un vice du consentement.

Le transporteur doit, pour sa part, chercher à obtenir cette acceptation s’il veut

pouvoir contraindre le chargeur devant le juge compétent en vertu de la clause

attributive de compétence.

Il a été jugé que le chargeur, qui a inscrit lui-même les spécifications de la

marchandise sur le connaissement comportant au recto une clause renvoyant aux

conditions figurant au verso, a donné son adhésion à cette clause et par voie de

conséquence a accepté la clause juridictionnelle insérée au verso à laquelle elle faisait

notamment référence11.

La Cour de Cassation a estimé que lorsqu’ « un connaissement est signé au recto par le

seul transporteur et que le visa ou le cachet du chargeur apparaît au verso du connaissement,

11 CA Paris, 7 févr. 1990 : Juris-Data n° 1990-020245 ; DMF 1990, p. 611, note R. Achard.

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Page 16: Connaissement et-contentieux

une cour d'appel a pu retenir que la clause de juridiction figurant au verso a été approuvée

par le chargeur »12.

Une fois l’acceptation relevée, la clause de compétence devient opposable à l’égard

de tous c’est-à-dire au chargeur comme au transporteur, mais également au

destinataire tout comme à ses subrogés. Encore faut-il que l'acceptation ne soit pas

entachée d'un vice du consentement.

Reste que le consentement ne doit pas être donné n’importe quand ; le moment de

l’acceptation par le chargeur est fondamental pour que la clause de compétence

figurant au connaissement soit opposable. Ainsi, Une clause de juridiction n'est

valable que si elle a été connue et acceptée au moment de la formation du contrat.

La Cour d’Appel de Paris a ainsi estimé qu’il fallait écarter la clause figurant sur un

connaissement qui n'avait pas été signé par le chargeur et que celui-ci n'avait endossé

qu'après la formation du contrat13. Dans le même sens, elle a écarté la clause parce

que le connaissement n'avait été remis au chargeur qu'après le départ du navire et la

survenance de l'accident14.

Sur la question, une nouvelle fois de l’opposabilité de la clause au destinataire, on

relèvera cette décision de la Cour de Rouen qui reprend presque à l’identique la

jurisprudence Stolt Osprey. L’arrêt déclare très clairement que « s’agissant de la clause

compromissoire (en faveur du Baltic Mercantile and Exchange Shipping à Londres) prévue

dans les connaissements, elle ne peut être opposée au destinataire si elle n’a pas été portée à sa

connaissance et acceptée par lui au plus tard au moment où, recevant livraison de la

marchandise, il a adhéré au contrat de transport ».15

La décision s’efforce ensuite de s’assurer de l’acceptation du destinataire et de relever

que les delivery orders détenus par le destinataire et lui ayant permis de réceptionner

12 Cass. com., 7 juill. 1992, Sté Belgamar,, DMF 1993, p. 357. 13 CA Paris, 31 oct. 1984, DMF 1985, p. 668, note P. Bonassies. 14 CA Paris, 1er oct. 1986, Bull. transports 1986, p. 661, note M. Rémond-Gouilloud ; DMF 1987, p. 431, note R. Achard. 3 CA Rouen 8 octobre 2002, navire Walka Mlodych , DMF 2003. 547,observations Y. Tassel 15 Cass. Com, 29 novembre 1994, navire Stolt Osprey DMF 1995, p.218, obs. Y.TASSEL, Cass.Com, 29 novembre 1994, DMF 1995, p. 209, obs. P.BONASSIES

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Page 17: Connaissement et-contentieux

les marchandises, « ont été mis aux clauses et conditions des connaissements originaux »,

que les originaux des connaissements ont été envoyés au destinataire, que ce dernier

n’a émis aucune réserve à la réception de ces documents en donnant ordre à sa

banque de payer avant de prendre livraison de la marchandise, « manifestement ainsi

sa connaissance et son acceptation de la clause figurant aux connaissements et qui lui est

donc opposable. »

Section II : LES CONDITIONS DE FORME DE L’ACCEPTATION

PAR LE DESTINATAIRE

L’alignement des clauses compromissoires sur les clauses attributives de juridiction

auquel procède la Chambre commerciale de la Cour de cassation sur le principe de

l’exigence d’acceptation par le destinataire, devrait logiquement s’étendre également

aux modalités de cette acceptation. Cependant, on pourrait s’attendre à moins de

rigueur que pour les clauses attributives de juridiction, le droit français de l’arbitrage

international n’imposant aucune condition de forme pour les clauses d’arbitrage, et

l’exigence d’un écrit posée par la convention de New York du 10 juin 1958 étant

interprétée libéralement 16

De fait, si l’on considère que le destinataire, tiers porteur du connaissement, n’est pas

tout à fait un tiers au contrat de transport, il n’y aurait théoriquement pas d’obstacle

à lui rendre opposable une clause dès lors qu’il est démontré qu’il a pu en avoir

connaissance et n’a pas manifesté son opposition17.

Toujours en transposant les solutions généralement admises en droit de l’arbitrage, si

le destinataire est considéré comme un tiers au contrat de transport, la clause

pourrait lui être opposable s’il a été impliqué dans l’exécution du contrat et que sa

16 Fouchard, Gaillard, Goldman, Traité de l’arbitrage commercial international,Litec, 1996, n° 607 et s. 17 V. p. exemple les motifs de l’arrêt Civ.1, 26 juin 1990, Dreistern Werk c. Crouzier, Rev. Arb., 1991, p.291, note C. Kessedjian, admettant l’opposabilité de la clause au cocontractant ayant eu connaissance des conditions générales et ayant pu, même par son silence, accepter l’incorporation de la clause au contrat.

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Page 18: Connaissement et-contentieux

situation et son activité font présumer qu’il a eu connaissance de l’existence et de la

portée de la clause18.

S’agissant d’un contrat de transport, la réception des marchandises et l’ordre de

payer donné à la Banque pourraient parfaitement, dans un tel contexte, être

considérés comme constituant des actes d’exécution du contrat de la part du

destinataire, lui rendant ainsi opposable la clause dès lors qu’il a pu en avoir

connaissance.

A) L’acceptation de la clause par le destinataire

Le destinataire n’étant pas présent lors de la conclusion du contrat, l’acceptation des

clauses du contrat par le chargeur ne peut valoir acceptation de ces clauses pour le

compte du destinataire. L’acceptation de la clause par le destinataire doit faire l’objet

d’une acceptation distincte de celle du chargeur. C’est ce qui a été précisé dans les

arrêts Johny Two 19 : « opposable au chargeur, la clause compromissoire du

connaissement ne saurait avoir effet à l’égard du destinataire, dernier endossataire

du connaissement, qui n’a pas participé à son établissement, dès lors qu’il ne ressort

ni de ce document, ni du contrat de transport, aucun élément de nature à établir que

le destinataire se serait soumis au connaissement ».

L’arrêt Stolt Osprey va dans le même sens et est encore plus précis en admettant que

« pour être opposable au destinataire, une clause compromissoire insérée dans un

connaissement doit avoir été portée à sa connaissance et avoir été acceptée par lui

(…) ». En effet, si dans la jurisprudence Johny Two il ressort que la clause d’arbitrage

n’est pas opposable au destinataire parce qu’il n’avait pas été établit qu’il s’était

soumis au connaissement, dans la jurisprudence Stolt Osprey les juges précisent que

c’est la clause compromissoire elle-même qui doit avoir été acceptée par le

destinataire.

18 Motifs de l’arrêt Jaguar, CA Paris, 7 décembre 1994, RTDCom., 1995, p. 401, note Dubarry. 19 CA Rouen, 8 juillet 1993, BTL 1994, p.23

18

Page 19: Connaissement et-contentieux

Cette précision a été reprise peu après l’arrêt Stolt Osprey de 1994. La Cour de

cassation en 1995 20 considère qu’ « une Cour d’appel a énoncé à bon droit que

l’acceptation par le chargeur de la clause compromissoire insérée au connaissement

ne suffisait pas pour la rendre opposable au destinataire qui ne l’avait pas lui-même

acceptée ».

Dans un arrêt de 200321 , la Cour d’appel de Douai reste dans la ligne de cette

jurisprudence mais en des termes plus généraux car ne faisant pas de distinction

entre le chargeur et le destinataire. La Cour admet simplement « qu’une clause

compromissoire, par nature exorbitante du droit commun, n’est opposable à une

partie que si celle-ci l’a acceptée ». Peu importe que ce soit le chargeur ou le

destinataire, la clause ne sera opposable à chacune des parties que si celle-ci l’accepte.

Précisons ici que, comme nous le verrons plus tard ; selon une jurisprudence bien

connue et largement respectée22, réaffirmée en 200323 par la cour de cassation qui l’a

repris, ce qui en a fait un arrêt d’une grande importance ; en vertu du principe

compétence-compétence, la juridiction arbitrale est seule compétente pour apprécier

si le destinataire au connaissement a accepté la convention d’arbitrage figurant, par

référence, au verso du connaissement de charte-partie. En effet, les juges du fond

considèrent dans cette espèce que « la juridiction arbitrale est seule compétente pour

apprécier si la société (…), destinataire au connaissement, a accepté la convention

d’arbitrage ».

Par ailleurs, non seulement le destinataire doit accepter lui-même la clause, mais

cette acceptation doit être spéciale.

B)La forme de l’acceptation de la clause compromissoire par le destinataire

20 Cass.com, 20 juin 1995, Revue de l’arbitrage 1995, p. 622 21 CA de Douai (2ème ch., sec. 2), 30 oct. 2003, DMF mars 2004, n° 646, p. 253, n. P.DELEBECQUE 22 voir notamment Cass.civ.1ère , 26 juin 2001, DMF 2002, p. 115 et les obs. 23 CA Rouen (2ème Ch.) 4 dec. 2003, Navire Pella, DMF mars 2004, n° 646, p. 257, n. P.DELEBECQUE

19

Page 20: Connaissement et-contentieux

Il est une jurisprudence bien établie que l’acceptation de la clause compromissoire

par le destinataire ne peut résulter de la simple « acceptation » du connaissement.

Par exemple, le destinataire qui accepte un connaissement qui fait référence à une

qui fait référence à une charte-partie, elle-même comportant une clause

compromissoire, ne peut se voir opposer cette clause. En 198824, la Cour d’appel de

Paris, dans un arrêt rendu sur renvoi après cassation, a jugé que « la référence du

connaissement aux modalités, conditions, facultés et réserves de la charte-partie,

même s’il est précisé qu’elles sont incorporées au connaissement sans toutefois

qu’elles y soient reproduites et qu’il soit établi que ce document y était annexé, ne

suffit pas à rendre certaine l’acceptation, au moment de la réception de la

marchandise, de la clause d’arbitrage par le porteur du titre. En conséquence, la

clause d’arbitrage de la charte-partie lui est inopposable ».

En 199225, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a considéré que « la seule référence du

connaissement à une charte-partie ne rend pas les clauses de celle-ci opposables au

destinataire de la marchandise ».

De même, la Cour d’appel de Rouen 26 suit cette opinion : « le porteur du

connaissement ne peut se voir opposer une clause de la charte-partie qui ne s’y

trouve pas reproduite et qui n’a pas fait l’objet d’une acceptation certaine de sa part ».

De plus, traditionnellement, l’utilisation du connaissement pour prendre livraison de

la marchandise ne vaut pas acceptation de la clause compromissoire. Cette

affirmation est fondée sur une série d’arrêts. Certes, ces décisions ont trait à la clause

d’élection du for, c’est-à-dire la clause attributive de compétence territoriale à une

juridiction déterminée. Mais il n’est pas douteux, s’agissant de la même question –

l’acceptation d’une clause dérogatoire au droit commun –, que ce qui est dit au sujet

de la clause de compétence puisse être repris en matière d’acceptation de la clause

24 CA Paris, 13 janv. 1988, DMF 1988, p. 395 25 CA Aix-en-Provence, 10 dec. 1992, DMF 1994, p.53 26 CA Rouen, 14 oct. 1993, DMF 1994, p. 381

20

Page 21: Connaissement et-contentieux

compromissoire. Ainsi, comme nous l’avons vu précédemment dans la partie

consacrée à la clause attributive de juridiction, l’acceptation du destinataire doit être

expresse.

Dans l’arrêt Chang-Ping27, la Cour de cassation dit sans aucune équivoque qu’ « une

clause attributive de compétence territoriale n’est opposable au destinataire de la

marchandise que s’il l’a expressément acceptée, la seule détention du connaissement

ne constituant pas la preuve d’une pareille acceptation ».

La même fermeté a été exprimée en 1996 28 dans une décision de la Chambre

commerciale selon laquelle « tirant l’acceptation d’une clause attributive de

juridiction par le chargeur de la seule utilisation du connaissement par les subrogés

du destinataire pour obtenir une indemnisation après l’exécution du contrat, le

transporteur ne rapportait pas la preuve de l’acceptation de la clause par le

destinataire ».

Enfin, cette même opinion a été corroborée en 199829 par l’arrêt Silver Sky. Dans cette

affaire, la Haute juridiction précise que « la clause de compétence figurant au

connaissement doit faire l’objet d’une acceptation spéciale de la part du destinataire,

laquelle ne résulte pas de l’accomplissement sans réserves du connaissement ».

Malgré ce principe bien affirmé de liberté des parties de choisir la loi applicable au

contrat, que ce choix soit explicite ou implicite, cette liberté se trouve, dans certains

cas, limitée.

27 Cass.com, 16 janv. 1996, DMF 1996, p. 393 28 Cass.com, 15 oct. 1996, Navire Köln Atlantic, DMF 1997, p. 705 ; BTL 1996, p. 760 29 Cass.com, 8 dec. 1998, DMF 1999, p. 1007

21

Page 22: Connaissement et-contentieux

Chapitre II- L’OPPOSABILITE EN DROIT COMPARE

Le droit commun français sur la compétence internationale s’applique de façon

générale aux litiges n’entrant pas dans le champ d’application de la convention de

Bruxelles. En l’absence de dispositions réglant cette question dans la convention de

Bruxelles de 1924 sur le connaissement maritime, l’opposabilité au tiers porteur de la

clause attributive de juridiction est tranchée par référence à la loi applicable au fond,

telle que désignée par la convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux

obligations contractuelles, qui contient des dispositions spécifiques au contrat de

transport.30

Section I- LES SOLUTIONS DU DROIT FRANÇAIS

Principalement, les solutions divergent entre les chambres de la Cour de cassation

qui ne s’accordent pas sur la suite à donner concernant l’opposabilité des clauses de

compétence insérées au connaissement ; Ainsi, la Chambre commerciale de la Cour

de Cassation garde une vision en adéquation avec la tendance de la jurisprudence et

la doctrine majoritaire . Quant à la Chambre civile de la Cour de Cassation, son

portefeuille de droit international privé, lui fait rendre des solutions plus proches des

réalités du commerce international général, mais éloignée des spécificités du

commerce maritime.

30 articles 3 et 4 convention de Rome de 1980

22

Page 23: Connaissement et-contentieux

A- Position de la Chambre Commerciale : arrêt navire Pella

Selon la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation, la clause attributive de

juridiction n’est en droit français pas transmise automatiquement avec le

connaissement. En dernier lieu dans un arrêt du 4 mars 2003, la haute juridiction

a considéré « qu’il ne résulte d’aucun texte de droit interne que le porteur du

connaissement, en accceptant la livraison de la marchandise, succède aux droits et

obligations du chargeur découlant de la clause attributive de juridiction acceptée par

celui-ci »31

Pour être opposable au destinataire, la clause d’élection de for doit avoir été

acceptée par lui au plus tard lors de la livraison.32

Et c’est cette solution qui dicte également le régime de l’opposabilité de la clause

compromissoire. La Cour de cassation a ainsi posé le principe que « pour être

opposable au destinataire, une clause compromissoire insérée dans un connaissement doit

avoir été portée à sa connaissance et avoir été acceptée par lui, au plus tard au moment où,

recevant livraison de la marchandise, il a adhéré au contrat de transport ».33

Le régime de la transmission de la clause avec le connaissement tranche donc

avec la solution retenue en matière de cession de créance et de cession de contrat

en droit commun, illustrée notamment par la jurisprudence de la première

chambre civile de la Cour de cassation. Cette dernière considère ainsi que la

circulation de la clause (qu’il s’agisse d’une clause attributive de juridiction ou

31 Cass. Com., 4 mars 2003, DMF, 2003, p. 638, note P. Delebecque, Rev. Crit. Dr ; Int. Priv., 2003, p. 286, note P. Lagarde. 32 V. les réf. In Lagarde, RC., 2003, p. 294, également C. Com., 8 Décembre 1998, Rev. Crit Dr. Int. Priv., 1998, p. 536, note E. Pataut. 33 Cass. Com., 29 novembre 1994, DMF, 1995, p.200 note P. Bonassies ; DMF, 1995, p. 218, note Y. Tassel ; Cass. Com.,20 juin 1995, Rev Arb., 1995, p.622 ; Cass. Com., 14 novembre 2000, Rev. Arb., 2001, p. 559, note C. Legros ; CA Rouen, 8 octobre 2002, DMF, 2003, p. 537, note Y. Tassel ; CA Douai, 30 octobre 2003, DMF, 2004, p. 253, note P. Delebecque.

23

Page 24: Connaissement et-contentieux

d’une clause compromissoire) est automatique car « elle fait partie de l’économie de

la convention ».

Il est vrai que dans l’arrêt Peavey du 6 février 2001, rendu par cette même chambre,

en matière de chaînes homogènes de contrats, la transmission de la clause

compromissoire se trouve dotée d’un fondement volontariste : « dans une chaîne

homogène de contrats translatifs de marchandises, la clause d’arbitrage international se

transmet avec l’action contractuelle, sauf preuve de l’ignorance raisonnable de l’existence

de la clause ».

Suivant cet énoncé, le destinataire pourrait donc théoriquement s’opposer au jeu

de la clause en démontrant n’avoir pu l’accepter (fût-ce tacitement) faute en

particulier d’en avoir connu l’existence.34

Sous cette réserve, il existe donc bien une opposition entre le régime de la

transmission en droit commun et en droit maritime, dont l’essentiel du

contentieux se trouve concentré auprès de la Chambre commerciale de la cour de

cassation.

La tendance est donc d’exiger en droit maritime un consentement clair du

destinataire. Il est vrai qu’il n’y a pas de raison objective d’aligner le régime de la

transmission du connaissement sur celui de la cession de créance ou de contrat

sur lequel a été amenée à se prononcer la Première Chambre Civile. En effet, la

transmission du connaissement maritime n’opère pas stricto sensu cession de

créance ou de contrat.

A titre d’exemple, les Règles de Hambourg dans son article 1 paragraphe 7 y

voient une preuve du contrat de transport, et non le contrat lui-même. La doctrine

y voit également un titre représentatif de la marchandise.35 Selon une première

analyse, le destinataire est donc un tiers non partie au contrat de transport. Dans

cette logique, une transmission automatique de la clause ne respecterait pas le

34 E. Loquin, « Différences et convergences dans le régime de la transmission et de l’extension de la clause compromissoire devant les juridictions françaises », Gaz. Pal., mai-juin 2002, Doctrine, p. 898 35 P. Cordier, Contrat de transport de marchandises,J-CL, Commercial, Fasc. 1260, n° 1 et ss.

24

Page 25: Connaissement et-contentieux

principe de l’effet relatif des conventions36, de sorte que l’exigence d’acceptation

du tiers destinataire peut ainsi tenir compte de sa position de tiers. Selon certains

auteurs, l’acceptation du destinataire peut expliquer que la clause lui soit rendue

opposable suivant le schéma de la stipulation pour autrui.

A la différence de la cession de créance, de contrat, ou de la transmission de la

clause à titre d’accessoire dans une chaîne homogène de contrats translatifs de

propriété, le contrat de transport comporterait une stipulation pour autrui avec

charge, nécessitant l’acceptation positive de la charge en question indépendante

de la transmission du connaissement.

Une telle analyse pourrait expliquer l’exigence de consentement du tiers posée

par la Chambre commerciale de la Cour de cassation. A l’inverse, l’acceptation du

tiers n’est pas nécessaire si l’on s’appuie sur une analyse « classique » du contrat

de transport. Selon cette analyse, le contrat de transport est un contrat

« triangulaire » (expéditeur, transporteur, destinataire) dans lequel le destinataire

est considéré comme une véritable partie au contrat, ou tout au moins se trouve

associé à ce contrat dès l’origine. Dans ces conditions, il n’y a pas d’obstacle à

admettre que la clause lui soit déclarée opposable de façon automatique.37

1) L’arrêt navire Aptarimer38 ou la jurisprudence confirmée

L’arrêt concerne un transport de marchandises par mer effectué par la société

Aptoma shipping Corps agissant en qualité de transporteur maritime. Trois

connaissements à ordre avaient été émis en Nantong en Chine. Les marchandises,

chargées sur le navire Aptarimer, ont subi des avaries par mouille constatées à

l’arrivée au port d’Izmir en Turquie. Les assureurs (la société AGF et autres) ayant 36 P. Courbe, « Privilège de juridiction et transmission de la clause de compétence », Mélanges offerts à André Colomer, Litec, 1993, p. 143 et s. 37 R. Rodière, Droit des transports, 2e éd., 1977, n° 362. 38 Cass.Com., 25 juin 2002, D.M.F 2003, p.41, obs. Ph. Delebecque.

25

Page 26: Connaissement et-contentieux

indemnisés le destinataire et subrogés dans ses droits, ont recherché la responsabilité

du transporteur maritime en l’assignant devant le tribunal de commerce de Paris,

compétence déclinée par le transporteur maritime sur le fondement d’une clause

attribuant compétence aux tribunaux de l’Etat dont le navire bat pavillon. Le

contredit est rejeté en appel car la Cour a retenu que le connaissement faisait

apparaître la signature du « notify » caractérisant l’acceptation de cette clause au plus

tard au moment de la livraison ce qui avait pour conséquence de rendre la clause

opposable aux assureurs subrogés. Pour censurer la Cour d’appel de Paris et au visa

de l’article 1134 du code civil, la Cour de cassation retient que « la clause de

compétence doit faire l’objet d’une acceptation spéciale de la part du destinataire, laquelle ne

résulte pas de l’accomplissement du connaissement ».

Cet arrêt s’inscrit dans la droite lignée de la jurisprudence sur l’opposabilité des

clauses de compétence. Le destinataire, plus précisément les assureurs subrogés

(comme dans la plupart des cas) cherchaient à se soustraire de cette stipulation

concernant l’élection d’une juridiction.

La Cour de Cassation exige que la manifestation de volonté soit précise et sans

équivoque, qu’ainsi la signature du connaissement n’est autre que l’adhésion du

destinataire aux stipulations fondamentales du contrat de transport. Elle ne saurait

être assimilée au consentement exprès à une stipulation exorbitante de droit commun.

Lorsque la livraison de la marchandise est effectuée, on dit que le connaissement est

accompli et le contrat de transport prend fin.

Comme le souligne le professeur Delebecque dans sa note « la formule de la Cour de

cassation vaut naturellement quelle que soit la nature du connaissement. Qu’il soit à ordre ou

au porteur, la solution est la même ».

Finalement si elle est généralement fondée sur des arguments juridiques, la

contestation de l’opposabilité de la clause de compétence incluse dans une charte-

partie, apparaît plus guidée par l’intérêt de celui qui la soulève que par toute autre

considération.

La Chambre commerciale consacre une nouvelle fois l’autonomie des clauses de

compétence sur les connaissements. Sa solution rappelle fort bien une autre solution

26

Page 27: Connaissement et-contentieux

par elle rendue et notamment l’ arrêt Silver Sky39 : « Attendu que pour accueillir cette

exception d’incompétence, l’arrêt, après avoir relevé qu’un mandataire de la société (le

destinataire) avait apposé sur le connaissement, outre sa signature, la mention « accompli »,

retient que par cette mention, le destinataire avait adhéré au contrat de transport, non pas

seulement en son principe, mais qu’il avait accepté toutes les clauses particulières, dont celle

attributive de compétence territoriale ; attendu qu’en statuant ainsi, alors que la clause de

compétence figurant au connaissement doit faire l’objet d’une acceptation spéciale de la part

du destinataire, laquelle ne résulte pas de l’accomplissement sans réserve du connaissement,

la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil » .

En visant l’article 1134 du code civil, la Chambre Commerciale rappelle l’importance

accordée à l’intention des parties que les juges du fond doivent impérativement

rechercher.

2) Assouplissement de la jurisprudence par l’arrêt Navire Houston Express40

Cet arrêt est d’un intérêt tout particulier puisque les juges étaient amenés à connaître

de l’opposabilité de la clause de compétence au tiers porteur, mais également ils

devaient rechercher quelle était la loi applicable au contrat nécessaire pour

éventuellement débattre par la suite de la responsabilité du transporteur

Entre autre, l’arrêt rappelle clairement la nature du contrat à travers la place que

chaque partie occupe dans le contrat de transport.

Les faits de l'espèce étaient des plus classiques : Une société mexicaine (le chargeur)

avait expédié un conteneur d'avocats depuis le Mexique jusqu'à Rungis à la société

française Tropic international (le destinataire). L'ensemble de ces marchandises avait

été pris en charge par la société allemande Hapag Lloyd (le transporteur) et

acheminé sur le navire « Houston Express » sous couvert d'un connaissement de

transport combiné depuis le port américain de Houston, via Anvers jusqu'à Rungis.

Des avaries ayant été constatées à l'arrivée, la société La Réunion européenne, 39 Cass.Com., 8 decembre 1998, navire Silver Sky, DMF 1999, p.1007, obs. P-Y. Nicolas. 40 Cass.Com, 4 mars 2003, navire Houston Express, DMF 2003, p.556, obs. Ph.Delebecque.

27

Page 28: Connaissement et-contentieux

subrogée dans les droits du destinataire pour l'avoir indemnisé avait assigné la

société Hapag devant le Tribunal de commerce de Créteil. Le transporteur avait alors

contesté la compétence de cette juridiction invoquant l'existence d'une clause du

connaissement attribuant compétence aux tribunaux de Hambourg. La Cour d'appel

(Paris, 29 novembre 2000) ayant rejeté le contredit de compétence, cette dernière se

pourvut alors en cassation reprochant aux juges parisiens d'avoir retenu la

compétence des juridictions françaises.

Ce qui nous intéresse est la seconde branche du pourvoi où le transporteur faisait

valoir que la clause attributive de juridiction convenue entre le transporteur et le

chargeur était opposable au tiers porteur du connaissement.

La Cour de Cassation, pour construire son argumentation, va suivre les

enseignements tirés des arrêts de la CJCE rendus au visa de l’article 17 de la

Convention de Bruxelles de 1968 concernant la compétence judicaire et l’exécution des

décisions en matière civile et commerciale. Notamment, l’arrêt Coreck Maritime41 de la

CJCE du 9 novembre 2000 reconnaît aux droits internes le soin d’apprécier la

situation juridique du destinataire, tiers porteur du connaissement.

Ainsi, la Cour vérifie dans un premier temps si le tiers porteur du connaissement a

succédé aux droits et obligations du chargeur en vertu du droit national applicable.

Dans la négative, elle doit ensuite rechercher s'il a donné son consentement à ladite

clause au regard des exigences de l'article 17, premier alinéa, de la convention de

1968.

La Chambre commerciale retient ainsi que « Justifie légalement sa décision la Cour

d'appel qui déclare que la clause attributive de juridiction n'était pas opposable aux assureurs

subrogés dans les droits du destinataire, porteur du connaissement, faute d'avoir été acceptée

au plus tard lors de la livraison, dés lors que le porteur du connaissement ne succède pas aux

droits du chargeur et obligations du chargeur et dès lors que la CJCE a dit pour droit qu’une

telle clause produisait ses effets à l’égard du tiers porteur que dans la mesure de son

acceptation ».

41 CJCE., 9 novembre 2000, Coreck Maritime, D.M.F. 2001, p.187, Ph. Delebecque.

28

Page 29: Connaissement et-contentieux

Cela lui permet ainsi de rappeler que le destinataire n’est pas l’ayant-cause du

chargeur et qu’en ce sens il ne succède pas aux droits et obligations du chargeur

comme l’entend le droit national. Elle déclare dans la ligne de la jurisprudence

communautaire que le destinataire n’est lié par la clause de compétence qu’à la

condition qu’il ait accepté la clause au « plus tard lors de la livraison des marchandises »

et ajoutons que le moment de la livraison est certainement le plus propice pour

obtenir cette acceptation.

Constatons que la Cour ne fait aucune référence à une quelconque acceptation

« expresse » ou « spéciale », Serait-ce un infléchissement de la Chambre

commerciale ? Le professeur Delebecque estime que « en abandonnant tout contrôle

relativement à l’expression de l’acceptation du destinataire, et en renvoyant aux prescriptions

très vagues de l’article 23 du texte communautaire…la Cour de cassation a revalorisé les

clauses attributives de juridiction »42.

En effet, si le consentement doit être donné au regard de l’article 17 (c) de la

Convention de Bruxelles de 1968 (désormais article 23 du Règlement), cet article se

réfère aux usages du commerce international, ce qui de par le manque de précision,

nous amène à penser que l’acceptation peut intervenir par tous moyens. Ainsi, les

juges devront par leur appréciation souveraine rechercher à quoi correspond un

usage dans le commerce maritime considéré au moment de l’analyse. Cependant, il

est quasiment certain que les juges ne donneront qu’une interprétation restrictive de

la notion.

Globalement, l’arrêt Houston Express réfute toute idée de succession du destinataire

dans les droits du chargeur, ce qui nous permet d’affirmer la position du

destinataire, partie au contrat de transport maritime et non tiers au contrat.

Il convient pourtant de préciser que la Jurisprudence communautaire semble dicter

une autre conduite à donner pour déclarer opposable les clauses de compétence au

destinataire. La Chambre Commerciale continue de suivre son analyse sans prêter

attention aux évolutions dans les autres Etats-membres. 42 Obs. sous Cass.Com, 4 mars 2003, DMF 2003, p.562.

29

Page 30: Connaissement et-contentieux

Si cette solution semble en adéquation avec la thèse du contrat tripartie et en total

respect avec le principe du consensualisme dans le contrat, elle n’apparaît pas pour

autant en harmonie avec les réalités qu’impose le commerce international. Il est en

effet difficile de concevoir qu’un destinataire puisse exprimer son consentement à la

clause alors qu’il n’est intéressé que par l’arrivée de ses marchandises à bon port. Par

ailleurs, il est désormais commun de penser que le destinataire, n’ayant pas négocié

les clauses de son contrat, ne devrait pas s’en voir imposer malgré lui qui serait

notamment susceptible de lui nuire43.

Néanmoins, M. Arradon fait remarquer que la position de la Chambre Commerciale

apparaît « bien isolée dans le monde maritime et pour tout dire un peu figée ». Pour ce faire

il cite un avertissement diffusé à ses membres par un grand P and I club britannique

qui illustre le trouble créé par la position française :

« Les membres doivent être informés que les tribunaux français ignorent les clauses

d’arbitrage inscrites sur les connaissements quand le demandeur est une société

française…. ».

Nous ajouterons cependant que l’observation de Mr Arradon est fondamentalement

inexacte, car elle ne pourrait s’appliquer qu’aux clauses insérées dans la charte partie.

Récemment, La Cour de Cassation a pu jugé, dans un arrêt rendu le 4 janvier 2005

que « le consentement du destinataire au contrat de transport ne s’étend pas à la

clause attributive de compétence qui, insérée dans la lettre de voiture, ne fait pas

partie de l’économie du contrat et doit être accepté par lui »44. Bien que l’arrêt

concernait un transport terrestre, la Chambre commerciale persiste et signe pour dire

que la clause n’est pas de plein droit opposable au destinataire, cette clause ne faisant

pas partie de l’économie du contrat de transport, terme que la Chambre Civile utilise

pour se prononcer en faveur des clauses attributives de compétence.

43 Cass.Com , 8 octobre 2003, navire M/V Jhelum, D.M.F. 2004, p.339, obs. M. Remond-Gouilloud. 44 Cass.Com., 4 janvier 2005, BTL 2005,47.

30

Page 31: Connaissement et-contentieux

B- Position de la première Chambre Civile

Alors que la Chambre Commerciale fonde sa position sur une analyse strictement

contractuelle, la Chambre Civile a une vision plus internationaliste du contrat de

transport maritime notamment quant aux clauses de compétence incorporées au

connaissement. Elle considère, que la clause compromissoire ou attributive de

juridiction fait partie de l’économie du contrat et est, de ce fait, opposable de plein

droit au destinataire des marchandises45.

1) Arrêt Navire Bonastar II46 ou l’économie du contrat

Un bref rappel des faits est nécessaire car l’arrêt a pu retenir l’attention: Une

cargaison de fèves de cacao a été vendue à une société suisse (le destinataire) et

chargé au port de Sulawesi sur le navire Bonastar II à destination de Singapour. Les

sociétés Shipping et Unison Shipping (les transporteurs) avaient émis des

connaissements comportant une stipulation en faveur du droit de Singapour et

attribuant compétence aux juridictions de Singapour. Des avaries ayant été

constatées, les assureurs subrogés dans les droits du destinataire ont assigné les

transporteurs devant le tribunal de commerce de Paris en paiement du montant des

indemnités versées. Suite à un contredit de compétence, la Cour d’Appel de Paris47,

dans un arrêt du 9 septembre 1999, a fait droit à l’exception d’incompétence des

juridictions françaises aux motifs que la loi de Singapour régissant les contrats

litigieux, en application de l’article 4 de la Convention de Rome du 19 juin 1980,

rendait opposables aux tiers porteurs des connaissements. La Cour de Cassation

pour rejeter le pourvoi retient la loi applicable au contrat, à savoir la loi de Singapour

mentionnée expressément dans le connaissement, pour déterminer les effets du

connaissement à l’égard du destinataire de la marchandise. Mais Surtout elle énonce

45 Cf. notamment, G.Heligon, « Opposabilité aux destinataires des clauses de compétences des contrats de transport : Question de droit ? » Gazette de la chambre Arbitrale Maritime de Paris, n°3, p.3. 46 Cass.Civ., 12 juillet 2001, navire Bonastar II, D.M.F. 2001, p.995, obs. Ph ;Delebecque. 47 C.A. Paris, 9 septembre 1999, navire Bonastar II, D.M.F. 1999, p.829, obs. P-Y.Nicolas.

31

Page 32: Connaissement et-contentieux

que « l’insertion d’une clause de juridiction étrangère dans un contrat international fait

partie de l’économie de celui-ci, de sorte qu’elle s’impose à l’assureur subrogé ».

La détermination de la loi compétente amenait la Cour à appliquer la loi de

Singapour. Ce recours à la méthode des conflits de loi avait été préalablement établi

par la Chambre commerciale 48 mais aucune conséquence directe ne semblait se

dessiner.

Concernant l’insertion des clauses de juridiction dans un contrat international, la

Cour de Cassation relevait déjà dans un arrêt du 25 novembre 198649, que « l’insertion

d’une clause attributive de compétence dans un contrat de droit international faisait partie de

l’économie de la convention et emportait renonciation à tout privilège de juridiction (par

référence aux articles 14 et 15 du code civil) ». Elle précisait que la clause faisant

partie de l’économie du contrat s’imposait autant à l’ancien titulaire du droit d’agir

qu’à l’assureur subrogé et devait produire ses effets.

C’est toute la construction de la jurisprudence concernant la séparation entre les

clauses ordinaires, fondamentales à la relation de transport, et les clauses

exorbitantes de droit commun qui est tombée en désuétude avec cet arrêt de la

Chambre Civile. Alors que la Chambre commerciale considère que seules les clauses

ayant trait à la relation de transport font partie de l’économie de ce contrat, voilà que

la Cour incorpore au contrat les clauses de compétence. Le professeur Delebecque en

s’interrogeant sur cette question dans sa note, se demande avec scepticisme s’il faut

considérer ces clauses comme contribuant « à la réalisation du but essentiel pour lequel le

contrat est conclu… », Il conclut qu’ « on ne peut y souscrire ». Ainsi, une clause faisant

partie de l’économie du contrat de transport maritime doit avoir pour objet la

réalisation du transport seul.

Bien qu’il nous semble que les clauses prorogeant la compétence ne concourent pas à

la réalisation du but essentiel du contrat de transport maritime, la Chambre Civile

considère, malgré tout, que ces clauses font parties de l’économie du contrat. Cela

48 Cass.Com. , 15 octobre 1996, navire Kôln Atlantic, D.M.F. 1997, 705, obs. P-Y.Nicolas. 49 Cass. 1ère civ., 25 novembre 1986, Rev.crit. DIP 1987, 396, obs. H. Gaudemet-Tallon.

32

Page 33: Connaissement et-contentieux

participe au respect, à première vue, des usages du commerce international qui

l’emporte sur les considérations de sécurité et protection des intérêts des

destinataires comme des assureurs subrogés dans leurs droits.

2) La vision internationale de la Chambre

Alors que la Chambre Commerciale impose sa vision contractualise pour que soit

opposable les clauses de compétence, la Chambre Civile semble se ranger du côté des

pragmatiques, « les modernes » 50 , qui considèrent que la clause insérée au

connaissement est de plein droit opposable.

Dans un Arrêt du 6 janvier 2003, la Cour de Versailles a estimé que la clause

compromissoire ne peut être ignorée des divers intervenants au transport, dès lors

que la clause est « conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient

censées avoir connaissance et qui est connu et régulièrement observé dans ce type de

commerce par les parties à des contrats de même type dans la branche commerciale

considéré ». Cette décision reprend dans son intégralité l’article 17 c) de la

Convention de Bruxelles de 1968, donc en totale conformité avec la logique

communautaire.

Il est d’usage dans les affaires maritimes d’insérer au connaissement des clauses de

compétence de charte-partie dont les termes sont connus de l’ensemble des

opérateurs du commerce international. Ni les destinataires, ni les chargeur ne

devraient pouvoir prétendre les ignorer. Cette conception libérale favorise le

commerce international 51 . En maintenant cette conception il apparaît que le

consentement du destinataire à la clause n’est plus recherché, tout au moins il ait

censé avoir accepté la clause dès lors que cette clause fait partie des usages dans le

commerce considéré. L’acceptation sera alors présumée. 50 Cass.Com , 8 octobre 2003, navire M/V Jhelum, D.M.F. 2004, p.339, obs. M. Remond-Gouilloud. 51 Ghislain de MONTEYNARD, LE LIBRE CHOIX DU JUGE PAR LES COMMERÇANTS , « Réflexions sur

une difficulté d'application en matière maritime :l'opposabilité au destinataire d'un transport maritime des

clauses de compétence insérées dans le connaissement », www.courdecassation.fr

33

Page 34: Connaissement et-contentieux

En définitive, l’exigence d’une expression de volonté de la part du destinataire est

aussi (peut-être même avant tout) une question de politique juridique. Ainsi, pour M.

Delebecque, « les clauses attributives de compétence, dans les contrats de droit maritime, ne

méritent pas d’être défendues », car elles déjouent les règles impératives de

responsabilité du transporteur, et privent les justiciables de leurs juges naturels 52.

Pour M. Bonassies, il serait choquant d’opposer au destinataire une clause à laquelle

il n’a pas consenti53. En ce sens, indépendamment de la recherche du fondement

juridique adéquat, la solution repose plus certainement sur le rôle que l’on entend

donner au connaissement et à la protection réservée au destinataire.

Section II- LE DROIT COMMUNAUTAIRE ET INTERNATIONAL

Le droit commun fait écho au droit communautaire découlant de l’interprétation par

la CJCE de l’article 17 de la convention de Bruxelles54, qui s’applique à tous les

litiges entrant dans son domaine d’application spatiale55. Le raisonnement de la Cour

de Justice des Communautés Européennes, dans ses arrêts Tilly Russ, Trasporti

Castelleti et Correck Maritime est en deux étapes, la première consistant à désigner la

loi applicable à cette question, et la seconde reposant sur une question matérielle.La

solution est ainsi qu’en l’absence de transmission et d’opposabilité automatique de la

clause en vertu de la loi applicable, au contrat de transport 56, il y a lieu de vérifier le

52 DMF 2001, p.194, note sous CJCE, 9 novembre 2000, Correck Maritime. 53 DMF 1994, p.172-173. 54 Nous nous référerons ici à l’article 17 de la convention de Bruxelles, bien qu’elle ait été remplacée par l’article 23 du Règlement du 22 décembre 2000, le texte étant pour l’essentiel inchangé. V. G.A.L. Droz et H. Gaudemet-Tallon, «La transformation de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 en Règlement du conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale », Rev. Crit. Dr. Int. Priv., 2001, p. 601. La référence à l’article 17 vaut pour la convention de Lugano (qui contient un article 17 rédigé similairement), toujours en vigueur avec les pays de l’AELE. 55 On peut rappeler que l’article 17 s’applique si l’une des parties au moins a son domicile dans un Etat contractant, et que la clause désigne les juridictions d’un Etat contractant. 56 La règle de conflit qui s’appliquera sera celle du juge saisi, étant entendu que, dans la sphère communautaire, la solution sera en général unifiée par application de l’article 4 de la convention de Rome de 1980, qui contient des dispositions spécifiques sur les contrats de transport. Lorsqu’il est soumis à la loi française, par le choix des

34

Page 35: Connaissement et-contentieux

consentement du tiers porteur au regard des exigences de l’article 17 alinéa 1 de la

convention de Bruxelles du 27 septembre 1968.

Les clauses d’arbitrage étant exclues du champ d’application de la convention de

Bruxelles :nous verrons successivement ici comment est envisagé l’arbitrage

international par rapport à la Convention de Bruxelles (A), la Convention de

Hambourg (B), la Convention multimodale de 1980 (C), et enfin la Convention de

Rome de 1980 (D).

A. La Convention de Bruxelles de 1924

Les Règles de La Haye et de La Haye/Visby sont muettes concernant les clauses

d’arbitrage. En effet, lorsque la Convention de Bruxelles a été adoptée, l’arbitrage

n’était utilisé qu’au niveau national. Les auteurs pensaient que le recours à l’arbitrage

international sur une question de procédure était trop ambitieux.

B. Les Règles de Hambourg

La Convention des Nations-Unies sur le transport de marchandises par mer, mieux

connue sous le nom de "Règles de Hambourg" comme l’ont voulu ses rédacteurs en

hommage à l’hospitalité que leur a accordée cette ville, est entrée en vigueur le 1er

novembre 1992. Son importance n'est pas négligeable même si elle n’est adoptée que

par peu de pays. La France ne l’a pas encore ratifiée contrairement à certains Etats

d’Afrique avec qui elle entretient des relations suivies tels que le Maroc, la Tunisie,

l’Egypte et le Sénégal57.

La Convention de Bruxelles de 1924 n’avait fixé aucune règle de compétence. Les

Règles de Hambourg, quant à elles, ont prévu des règles de compétence aussi bien en

parties au contrat ou en application de l’article 4 de la convention de Rome, il n’y a pas opposabilité de plein droit de la clause au tiers porteur. 57Bonassies (Pierre): "L'entrée en vigueur des Règles de Hambourg", IMTM, annales 1992, p.87

35

Page 36: Connaissement et-contentieux

matière judiciaire qu'arbitrale. Ce sont respectivement les articles 20 et 21. C'est ce

dernier article qui nous intéresse plus particulièrement. En effet, l'article 21 dispose:

"1. Sous réserve des dispositions du présent article, les parties peuvent prévoir,

par un accord constaté par écrit, que tout litige relatif au transport de

marchandises en vertu de la présente Convention sera soumis à l’arbitrage.

2. Lorsqu’un contrat d’affrètement contient une disposition prévoyant que les

litiges découlant de son exécution seront soumis à l’arbitrage et qu’un

connaissement émis conformément à ce contrat d’affrètement ne spécifie pas

par une clause expresse que cette disposition lie le porteur du connaissement,

le transporteur ne peut pas opposer cette disposition à un détenteur de bonne

foi du connaissement.

3. La procédure d’arbitrage est engagée, au choix du demandeur :

a)soit en un lieu sur le territoire d’un Etat dans lequel est situé :

i) l’établissement principal du défendeur, ou, à défaut, sa résidence habituelle;

ou

ii)le lieu ou le contrat a été conclu, à condition que le défendeur y ait un

établissement, une succursale ou une agence par l’intermédiaire duquel le

contrat a été conclu; ou

iii) le port de chargement ou le port de déchargement;

b) soit en tout autre lieu désigné à cette fin dans la clause ou le pacte

compromissoire.

4. L’arbitre ou le tribunal arbitral applique les règles de la présente

Convention.

5. Les dispositions des paragraphes 3 et 4 du présent article sont réputées

incluses dans toute clause ou pacte compromissoire, et toute disposition de la

clause ou du pacte qui y serait contraire est nulle.

36

Page 37: Connaissement et-contentieux

6. Aucune disposition du présent article n’affecte la validité d’un accord relatif

à l’arbitrage conclu par les parties après qu’un litige est né du contrat de

transport par mer."

Deux paragraphes attirent plus particulièrement notre attention: ces sont les

paragraphes 2 et 3. Le paragraphe 2 définit sous quelles conditions le porteur du

connaissement sera lié par la clause compromissoire de la charte-partie, tandis que le

paragraphe 3 prévoit que le demandeur à l'arbitrage peut choisir le lieu de l'arbitrage.

1) Les Règles de Hambourg : paragraphe 2 :

Désormais la Convention énonce que le porteur du connaissent sera lié par la clause

compromissoire de la charte-partie dès lors que le connaissement l’a prévu par

une "une clause expresse". Mais la Convention ne spécifie pas ce qu’elle entend par

une "clause expresse". Elle n’apporte donc pas de solution aux différentes

interprétations nationales sur ce point. Pour Monsieur Domingo Ray, il faudrait

comprendre cet article ainsi: "la validité de la clause compromissoire à l’égard du

porteur du connaissement est subordonnée à son inclusion explicite dans les

documents. Elle est inopposable au porteur de bonne foi du connaissement si elle

n’est pas incluse dans celui-ci, même s’il fait référence aux clauses de la charte-

partie."58

2) Les Règles de Hambourg : paragraphe 3

Mais la disposition la plus originale est celle du paragraphe 3 qui prévoit que le

demandeur peut choisir le lieu de l’arbitrage entre celui qui est expressément

stipulée dans la clause compromissoire et ceux qui sont prévus par la Convention, à

savoir: l’établissement principal du défendeur, le lieu de conclusion du contrat de 58 Ray (J. Domingo): "L’arbitrage maritime et les Règles de Hambourg", D.M.F. 1981, p.643

37

Page 38: Connaissement et-contentieux

transport, le port de chargement ou de déchargement. Cette liberté de choix octroyée

au demandeur ne concerne que les rapports entre le destinataire et le transporteur.

Quelles sont les conséquences de ce paragraphe 3 ?

Avant l’entrée en vigueur des Règles de Hambourg, si le destinataire acceptait la

clause compromissoire de la charte-partie, il en acceptait l’intégralité y compris le

lieu de l’arbitrage indiqué dans la clause. Désormais, avec l’entrée en vigueur des

Règles, le destinataire est investi de nouveaux pouvoirs. Il ne se trouve plus en

position de faiblesse face au transporteur car il peut maintenant choisir le lieu de

l’arbitrage. Plus précisément, il aura l’avantage de pouvoir choisir un arbitrage à son

domicile dès lors que le port de déchargement est également le lieu où il exerce ses

activités. Cet avantage n’est pas négligeable car ce n’est plus lui qui supportera les

frais de déplacements, les frais de traduction... On peut alors craindre qu’une des

parties ne se dépêche d’introduire une action en arbitrage au lieu voulu afin

d’échapper à la menace d’un arbitrage à un lieu qui ne lui conviendrait pas59.

Un autre problème se pose: si le transporteur engage une procédure contre le

destinataire devant l'un des tribunaux qu'il a la faculté de choisir, et si le destinataire

a de son côté une réclamation différente contre le transporteur peut-il engager la

procédure devant un autre tribunal conformément aux options dont il dispose? Est-

ce que deux réclamations entre les mêmes parties, résultant du même contrat,

peuvent être instituées devant les tribunaux de différents pays choisis par les deux

réclamants, et avec la possibilité de deux décisions contradictoires? Ou bien,

l'exception de litispendance pourrait-elle être opposée par la personne qui a la

première engagé la procédure et notifié sa demande? Pour certains auteurs comme

Monsieur Ray60, "il est très difficile de priver le destinataire du droit de choisir le

tribunal ou il peut commencer la procédure, du seul fait que le transporteur en aurait

59Bourque (Jean-François): "Le règlement des litiges multipartites dans l'arbitrage commercial international", thèse 1989, Poitiers, p.391 60Ray (J. Domingo): "L'arbitrage maritime et les Règles de hambourg", D.M.F 1981, p.651

38

Page 39: Connaissement et-contentieux

pris l'initiative avant lui. Mais bien entendu, cette question sera décidée selon la loi et

les critères du tribunal saisi."

De même, toutes les fois que le demandeur dans un litige entre un transporteur, un

affréteur et un destinataire choisira un lieu d’arbitrage autre que celui convenu dans

la clause compromissoire de la charte-partie, la dispersion des litiges connexes entre

transporteur, affréteur et destinataire sera difficile à éviter.

Supposons une clause compromissoire d'une charte-partie stipulant un arbitrage à

Londres. Le destinataire de marchandises avariées ou perdues porteur d'un

connaissement faisant référence expresse à la clause compromissoire de ladite charte-

partie intente à Barcelone, port de déchargement, une procédure arbitrale contre

l'affréteur. L'appel en garantie de l'affréteur contre son fréteur à temps sera jugé par

des arbitres à Londres. La demande du destinataire sera tranchée par des arbitres à

Barcelone. Leur harmonisation ou leur jonction deviendront une gageure impossible

à tenir. Par ailleurs, une action dirigée conjointement contre l'affréteur et le fréteur, à

Barcelone, se brisera à l'égard du fréteur à temps (non visé par les Règles de

Hambourg) contre la clause compromissoire de la charte-partie, laquelle, si elle est

opposable au destinataire, l'est entièrement, y compris la désignation de Londres

comme siège de l'arbitrage61.

Ceci était pour les arbitrages dits ad hoc. En ce qui concerne les clauses d'arbitrage

renvoyant à un arbitrage institutionnel, le problème est encore plus vif. En effet, le

règlement de nombreuses chambres arbitrales n'autorise pas l'arbitrage en dehors de

l'Etat où elles ont leur siège62.

61Bourque (Jean-François): "Le règlement des litiges multipartites dans l'arbitrage commercial international", thèse 1989, Poitiers, p.392 62Bonassies (Pierre): "Rapport sur les Règles de Hambourg présenté au Conseil Supérieur de la Marine Marchande", D.M.F. 1994, p. 251

39

Page 40: Connaissement et-contentieux

C. La Convention multimodale de 1980

La Convention multimodale de 198063, qui n’est jamais entrée en vigueur, reprend à

l’article 27 les mêmes règles de juridiction et d’arbitrage que celles de la Convention

de Hambourg. Les parties peuvent prévoir par un accord écrit que tout litige

survenant lors d’un transport multimodal international64 prévu par la Convention

sera soumis à l’arbitrage. Une prescription de 2 ans est également prévue à l’article

25(1) pour les procédures judiciaires et d’arbitrage. Le réclamant marchandises a le

choix de recourir à l’arbitrage selon les cinq mêmes possibilités que celles prévues

dans la Convention de Hambourg. L’arbitre ou le tribunal arbitral doit appliquer la

Convention multimodale à tout litige où elle serait applicable et, ni les places

optionnelles de l’arbitrage, ni les dispositions obligatoires de la Convention ne

peuvent être dérogées par écrit. Le compromis d’arbitrage est également admis.

D. La Convention de Rome de 1980

Enfin, la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations

contractuelles ne s’applique pas à l’arbitrage international, ce qui peut paraître

paradoxal. En effet, dans l’arbitrage international il est question de contrats

internationaux. On peut donc succomber à l’appât d’un faux syllogisme : la

Convention de Rome est le droit international privé des contrats, l’arbitrage

international est l’arbitrage d’un contrat international, donc la Convention de Rome

est le droit du contrat international dans l’arbitrage. Cependant, la Convention de

Rome est le droit du contrat international au regard du juge étatique, mais elle ne

63 La Convention des Nations Unies sur le Transport Multimodal International de Marchandise, adoptée à Genève le 24 mai 1980, pas en vigueur 64 Le « Transport multimodal international » est défini à l’article 1(1) de la Convention comme : « le transport de marchandise par au moins 2 modes de transport différents sur la base d’un contrat de transport multimodal, d’un pays où la marchandise a été prise en charge par l’opérateur de transport multimodal, jusqu’à sa livraison dans un autre pays. Les opérations de prise en charge et de livraison de la marchandise s’effectuant dans le cadre d’un contrat de transport unimodal, comme défini dans un tel contrat, ne doivent pas être considérées comme du transport multimodal international »

40

Page 41: Connaissement et-contentieux

l’est pas au regard de l’arbitre. On peut expliquer cela ainsi : la Convention de Rome

s’impose au juge étatique dans les pays qui l’appliquent parce qu’elle est sa lex fori,

elle ne s’impose pas à l’arbitre parce que celui-ci n’a pas de lex fori. La logique de

l’arbitrage international en tant qu’institution du droit judiciaire privé faite pour la

solution des litiges relatifs aux contrats internationaux prime et évince la logique du

droit international privé des contrats.

La clause d’arbitrage peut servir d’indice au juge pour déterminer qu’elle loi les

parties ont voulu appliquer au contrat. Reste à savoir si cette clause pourra être

opposable.

41

Page 42: Connaissement et-contentieux

PARTIE II

L’OPPOSABILITE DE LA CLAUSE

COMPROMISSOIRE AU PORTEUR DU

CONNAISSEMENT DE CHARTE-PARTIE

42

Page 43: Connaissement et-contentieux

Il convient de rappeler les idées principales relatives à l’incorporation. En effet, il est

un préalable que pour pouvoir opposer une clause de la charte-partie, celle-ci doit

être incorporée, tout au moins jointe au connaissement. Cette condition est imposée

par les juges. Elle est une condition préalable à toute recherche d’acceptation du

destinataire, car il serait impossible de parler d’acceptation sans rapporter la preuve

que le destinataire a eu connaissance de la charte-partie et de ses clauses. Le

transporteur qui cherche à opposer ces clauses se doit de délivrer la charte-partie

avec le connaissement, au mieux faire figurer la clause sur le connaissement. La

simple référence, n’est pratiquement pas retenue par les juges pour ne pas dire

jamais.

Chapitre I : Solutions opposées de la chambre civile et commerciale

de la Cour de cassation

Rappelons la solution de la Cour d’Appel de Rouen qui a apprécié une clause

compromissoire litigieuse d’une charte-partie transmise au tiers porteur du

connaissement de la même manière que si cette clause figurait sur le titre.

Elle a ainsi retenu l’opposabilité au tiers porteur du connaissement qui l’avait

expressément acceptée !

C’est par une appréciation objective de la situation du destinataire que les juges ont

décidé, par simple mesure de protection, qu’il fallait rechercher son acceptation.

Cette nouvelle approche ne fait pourtant pas l’unanimité.

43

Page 44: Connaissement et-contentieux

Section I- L’inopposabilité de la clause compromissoire selon la

chambre commerciale

L’opposition entre les deux chambres de la Cour de cassation est encore une fois

de plus illustrée dans un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de

cassation du 8 octobre 200365

Les faits étant les suivants : à l’arrivée d’un voyage maritime, des manquants

furent constatés dans la cargaison de riz ayant fait l’objet du transport. Le

destinataire, la société détentrice des connaissements symbolisant la marchandise

décida de céder ses droits, sans doute afin de remédier rapidement aux

inconvénients de la mauvaise exécution du contrat de transport ; elle ne perçut

donc pas l’indemnité versée par les assureurs sur facultés, indemnité qui fut

logiquement versée au cessionnaire des droits sur la marchandise.

Cette cession des droits n’était ni contestée par l’assureur ni par le cessionnaire.

Et l’originalité de cette espèce résidait dans la personne du cessionnaire car le

destinataire de la marchandise avait cédé ses droits à l’affréteur au voyage.

Les assureurs, après avoir dédommagé le titulaire des droits sur la marchandise,

entendirent exercer l’action subrogatoire, et introduisirent une action en justice

devant le tribunal de commerce de Paris contre le capitaine du navire, les

armateurs et les autorités du port de destination.

L’armateur souleva une exception d’incompétence tirée de la stipulation d’une

clause compromissoire, exception qui fut accueillie par le tribunal. Nous noterons

au passage que cette clause compromissoire ne figurait pas dans le contrat de

transport lui même, mais dans le dans le contrat d’affrètement au voyage.

Statuant sur contredit, la Cour d’appel de Paris retint la compétence du tribunal

de commerce, déclarant inopposable aux assureurs la clause compromissoire.

L’armateur se pourvut alors en cassation, son pourvoi est rejeté par la chambre

commerciale qui approuve la Cour d’appel d’avoir « justement décidé que la clause

qui figure sur la charte-partie n’avait pas à s’appliquer ».

65 Cour de cass. 8 octobre 2003, Navire M/V Jhelum, DMF 2006

44

Page 45: Connaissement et-contentieux

Cette solution est différente du point de vue de la Chambre civile de la cour de

cassation qui a été amenée dans une affaire similaire à déclarer la clause

compromissoire opposable au destinataire et au tiers porteur de la marchandise.

Section II- Opposabilité selon la chambre civile

Dans l’arrêt navire Lindos66 dont les faits sont quasiment identiques à ceux de

l’arrêt du 8 octobre 2003 cité dans le paragraphe précédent, la tribunal constatant

que, si certains de ces connaissements portaient la mention classique « all terms

and conditions, liberties and exceptions of the Charter Party, dated as overleaf, are

herewith incorporated », a rejeté l’exception d’incompétence, tant en constatant que

la clause litigieuse ne désignait pas expressément les arbitres, contrairement aux

exigences des articles 1492 et 1493 du nouveau Code de procédure civile, qu’en se

référant à la jurisprudence Nagasaki-Stolt Osprey.

Sur contredit du transporteur, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a infirmé la

décision des premiers juges, déclaré ceux-ci incompétents et renvoyé les

demandeurs à mieux se pourvoir.

Pour la Cour d’Aix, tous les connaissements se référaient à la charte-partie, dont

les dispositions permettaient de déterminer le pays, la ville, la procédure de

désignation des arbitres et la loi applicable. Et les destinataires avaient pu avoir

connaissance de la clause compromissoire, « dès le déchargement et les expertises

auxquelles ils ont été représentés ». En outre, pour ce qui est des compagnies

66 Cass. Civ. 1ère ch. Navire Lindos,DMF 2006

45

Page 46: Connaissement et-contentieux

d’assurance subrogées, elles ne pouvaient se prévaloir de l’absence de

consentement exprès à l’application de la clause, « dès lors qu’il est habituel qu’une

clause d’arbitrage international soit insérée dans un contrat de transport maritime

international », n’étant pas établi que la clause concernée était exceptionnelle, et la

procédure envisagée correspondant à l’usage et s’intégrant dans l’économie du

contrat.

Pour justifier de l’opposabilité au destinataire de la clause litigieuse, la Cour de

cassation relève d’abord que l’arrêt attaqué avait retenu que le connaissement, lu

en quelque sorte en liaison avec la charte à laquelle il se référait, permettait de

déterminer les éléments de l’arbitrage (pays, ville, procédure applicable). Puis la

Cour observe que le juge d’appel avait ensuite retenu que les destinataires avaient

pu avoir connaissance de la clause dès le chargement et les expertises

contradictoires, et que les assureurs subrogés ne pouvaient se prévaloir de

l’inopposabilité de la clause, étant habituel qu’une clause d’arbitrage international

soit insérée dans un contrat de transport maritime international. Le juge avait

donc légalement justifié sa décision.

D’après M. Bonassies67, il n’est pas exact de dire « qu’il est habituel qu’une clause

d’arbitrage international soit insérée dans un contrat de transport maritime

international ». Tout au contraire, si une clause de compétence judiciaire figure

dans la plupart des connaissements, il est très rare de lire une véritable clause

d’arbitrage dans les connaissements couvrant un transport international. Tout ce

que l’on peut y lire, et seulement dans certains d’entre eux, c’est une clause, ou

une mention, renvoyant plus ou moins clairement à la clause d’arbitrage de la

charte partie signée entre le fréteur (inconnu en tant que tel du destinataire) et

l’affréteur. Mais, s’agissant alors d’une clause d’arbitrage par référence, le

consentement de la partie à laquelle elle est opposée doit s’apprécier avec une

particulière exigence.

67 Cass. Civ. 1ère ch. Navire Lindos obs. P. Bonassies, DMF 2006

46

Page 47: Connaissement et-contentieux

Le droit français ne conteste pas la licéité des clauses d’arbitrage par référence. Mais

il les soumet à des conditions précises. En particulier, pour que la clause de base

(la clause d’arbitrage figurant dans le contrat principal) soit opposable du fait

d’une simple référence, il faut que celui à qui elle est opposée ait eu connaissance

de sa teneur au moment de la conclusion du contrat.68

Mais tel n’était pas le cas en la cause. Au moment où ils avaient « conclu » le

contrat de transport, c'est-à-dire au moment où ils ont adhéré à ce contrat en se

présentant pour prendre délivrance de la marchandise, les destinataires n’avaient

pas connaissance de la teneur de la clause d’arbitrage. La Cour d’Aix l’a d’ailleurs

elle-même reconnu, en reculant cette connaissance au moment où s’étaient

déroulées les opérations d’expertise.

Même le droit communautaire, cependant très favorable aux clauses de

compétence depuis la modification en 1978, sous la pression des intérêts

britanniques, de l’article 17 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968

sur la compétence judiciaire, devenu l’article 23 du Règlement du 22 décembre

2000, continue à exiger que le juge examine, en premier lieu, si la clause litigieuse

«a fait effectivement l’objet d’un consentement entre les parties, qui doit se manifester

d’une façon claire et précise »69.

Qu’en est-il cependant du droit international ?

CHAPITRE II : L’arbitrage en droit anglais et américain

La jurisprudence de ces deux pays est différente de la jurisprudence française dans la

mesure ou elle prend en considération deux paramètres et non un seul. En effet les

68 Cassation civ. 1ère, 9 novembre 1993, Bomar Oil II, Rev. arb. 1994. 108, note C. Kessedjian ; 3 juin 1997, Prodexport, Rev. arb. 1998. 495, note X. Boucobza 69 Cour de Justice des Communautés, 20 février 1997, Mainschiffahrts Eg c. Les Gravières rhénanes (au n° 15), Rev. cr. dr int. Privé 1997. 563, note H. Gaudemet-Tallon ; dans le même sens, arrêt Castelleti.

47

Page 48: Connaissement et-contentieux

tribunaux anglais et américains ne se bornent pas seulement à étudier la clause de

référence du connaissement, ils étudient également la clause d’arbitrage à laquelle le

connaissement fait référence. Ils procèdent donc à un double examen.

Toutefois les tribunaux anglais et américains différent légèrement dans la mesure où

l’importance donnée à l’une plutôt qu’à l’autre des dispositions étudiées varie d’un

pays à l’autre.

Section I : Le droit anglais

En droit anglais on tend à conférer une efficacité de principe à la clause de référence

du connaissement renvoyant à une charte-partie.

Toutefois cette efficacité n’est que de principe. Les clauses de la charte-partie ne

seront rendues opposables au destinataire que si elles s’articulent avec les clauses du

connaissement. Ce dernier constitue donc le texte de base à l’égard du destinataire et

toutes les clauses de la charte-partie qui en altéreraient le sens ne pourraient lui être

opposées. L’opposabilité de la clause compromissoire dépend de sa compatibilité

avec la clause de référence du connaissement. Ainsi dans l'affaire "The Annefield", le

juge Denning énonce : "I would take the clauses in the charter-party and apply them

to the bill of lading so far as they are reasonably applicable to it." 70

Deux situations doivent donc être envisagées : soit la clause de référence à la charte-

partie est imprécise et il faudra alors étudier la formulation de la clause

compromissoire; soit au contraire, elle y renvoie expressément et il faudra étudier sa

compatibilité avec la clause compromissoire.

A) Imprécision de la clause de référence

70The Annefield, Lloyds Law Reports I, 1971, p. 1

48

Page 49: Connaissement et-contentieux

Ainsi, par exemple, la clause arbitrale de la charte-partie peut ne pas être mentionnée

dans la clause de référence. Tout va dépendre alors de la formulation de la clause

compromissoire de la charte-partie.

Dans l'affaire "The Merak" le connaissement contenait la clause suivante: "Tous les

termes, conditions, clauses et exceptions contenus dans ladite charte-partie

s'appliquent à ce connaissement."71. La charte-partie, quant à elle, stipulait que tout

litige survenant à propos de cette charte ou de tout connaissement émis en vertu de

cette charte serait soumis à l'arbitrage. Les juges ont estimé que les mots "ou de tout

connaissement" rendaient raisonnable l'insertion de la clause compromissoire dans le

connaissement.

Au contraire, dans l'affaire "The Annefield" rien n'était spécifié dans les deux

documents. Les juges ont estimé que "... a clause which is directly germane to the

subject-matter of the bill of lading (that is, to the shipment, carriage and delivery of

goods) can and should be incorporated into the bill of lading contract, even though it

may involve a degree of manipulation of the words in order to fit exactly the bill of

lading. But if the clause is one which is not thus directly germane, it should not be

incorporated into the bill of lading contract unless it is done explicitly in clear words

either in the bill of lading or in the charter-party. Applying this test, it is clear that an

arbitration clause is not directly germane to the shipment, carriage and delivery of

goods."72

Ainsi si rien n'est spécifié dans les deux documents, la clause compromissoire de la

charte-partie n'est pas opposable au destinataire. Les juges justifient cette solution en

rappelant qu'il existe en matière commerciale un besoin de certitude, et que par

conséquent, un langage général n'était pas suffisant pour incorporer une clause

arbitrale dans un connaissement.73

71The Merak, Lloyds Law Reports II, 1964, p. 527 72The Annefield, Lloyds Law Reports I, 1971, p. 4 73Federal Bulker , Lloyds Law Reports I, 1989, p. 103

49

Page 50: Connaissement et-contentieux

B) La clause de référence renvoyant expressément à la clause arbitrale

de la charte partie :

Dans ce cas de figure, la clause compromissoire de la charte-partie sera opposable au

destinataire à condition qu’elle soit compatible avec le contenu du connaissement.

Au besoin le juge adaptera et modifiera quelques mots de la clause compromissoire

pour lui donner un sens qui la rendra susceptible d’avoir quelques effets. Dans la

décision "The Rena K"74 les connaissements contenaient la clause : "All terms, clauses,

conditions and exceptions including the Arbitration Clause (...) of the Charter-Party

dated London 13 April 1977 are hereby incorporated." La charte-partie stipulait :

"Any dispute which may arise under this Charter to be settled by arbitration in

London." Le juge Brandon, en faveur de l'efficacité de la clause fit remarquer que le

cas était différent en ce sens que "...there added to the usual words of incorporation

in the two bills of lading the further specific words "including the arbitration clause".

The addition of these words must, as it seems to me, mean that the parties to the bills

of lading intended the provisions of the arbitration clause in the charter-party to

apply in principle to disputes arising under the bills of lading; and, if it is necessary,

as it obviously is, to, manipulate or adapt part of the wording of that clause in order

to give effect to that intention, then I am clearly of opinion that this should be done."

Monsieur Bourque résume cette jurisprudence en la comparant à la théorie des vases

communiquants: "plus la clause compromissoire de la charte-partie est restrictive,

plus la référence du connaissement devra être explicite; plus la référence du

connaissement est vague, plus la clause compromissoire de la charte-partie devra

laisser entendre que des litiges survenant de contrats de transport ont également été

envisagés."75

74The Rena K, Lloyds Law Reports I, 1978, p.545 75Bourque (Jean-François): "Le règlement des litiges multipartites dans l'arbitrage commercial international", thèse 1989, Poitiers, p.387

50

Page 51: Connaissement et-contentieux

Section II : Le droit américain

En droit américain, cette technique du double examen est aussi appliquée. Mais elle

se distingue en ce sens que la priorité est donnée à l’examen de la clause de référence

du connaissement. En conséquence, l’examen de la clause compromissoire de la

charte-partie est moins rigoureux76. Elle se rapproche donc de la méthode adoptée

par les juridictions françaises, mais non pas de la solution adoptée par ces dernières

puisque la Cour Suprême des Etats-Unis vient d’accepter l’opposabilité des clauses

compromissoires à l’égard du destinataire.

En effet, dans un arrêt du 19 juin 1995 la Cour Suprême des Etats-Unis a décidé que

la loi américaine sur le transport maritime de marchandise (Carriage Of Goods by

Sea Act ou COGSA) n’invalidait pas la clause compromissoire stipulée au

connaissement, laquelle clause liait le destinataire qui ne pouvait demander devant le

tribunal étatique réparation de dommage subi par la cargaison77. Cette décision vient

renverser la jurisprudence antérieure de l’arrêt Indussa de la Cour d’appel fédérale

de New York qui considérait toutes clauses attributives de juridiction comme

contraire au COGSA78.

Mais la Cour Suprême des Etats-Unis marque néanmoins une certaine prudence en

concluant que "les clauses renvoyant à une juridiction arbitrale étrangère dans un

connaissement ne sont pas invalidées par la COGSA dans toutes les circonstances". Les

juges américains conservent donc le droit d’écarter une clause compromissoire si les

76Bourque (Jean-François): "Le règlement des litiges multipartites dans l'arbitrage commercial international", thèse 1989, Poitiers, p.388 77 Cour Suprême des Etats-Unis ,navire "Sky-Reefer", 19 juin 1995, Rev. Arb. 1996, p.665 78"Indussa Coopération v/ S.S. Ramborg", 16 avril 1967, Americain Maritime Cases 1967, p. 589 ; D.M.F. 1968, p. 182, obs. Bonassies (Pierre)

51

Page 52: Connaissement et-contentieux

faits particuliers de l’espèce conduisent au choix d’une juridiction qui apparaîtrait

arbitraire79.

Il semble donc que la jurisprudence américaine ne consiste pas à rechercher le

consentement expresse du destinataire, comme en droit français, mais consiste à

examiner le libellé de la clause compromissoire de la charte-partie pour déterminer

s’il est suffisamment clair et extensif pour couvrir non seulement les différends entre

le transporteur et le chargeur mais aussi entre le transporteur et le destinataire. Et si

la clause est trop vaguement libellée, elle sera inefficace à l’égard du destinataire80.

C’est une méthode plus objective que celle du droit français, connue comme

"l’incorporation" parce que la clause compromissoire de la charte-partie est

"incorporée" au connaissement par une clause qui doit être justement assez claire

pour permettre cette incorporation81.

Chapitre III : La transmission de la clause compromissoire par

subrogation Dans un arrêt rendu le 16 mars 200482, l’assureur subrogé de l’affréteur cessionnaire

des droits du destinataire titulaire d’un recours contre le transporteur, exerce ce

recours dans le cadre de la charte partie initialement convenue dont il ne peut

ignorer les termes et notamment la clause compromissoire qu’elle contient.

L’arrêt rendu par la première Chambre civile de la Cour de cassation nous offre une

nouvelle illustration de sa divergence de jurisprudence avec la Chambre

commerciale quant à l’opposabilité au destinataire de la marchandise des clauses

relatives à la compétence internationale. Cette fois, c’est en présence d’une cession de

79D.M.F. 1995, p. 932, note Bonassies (Pierre) 80Misr. Ins. Co. v/ Har Sinai, 1978 AMC 1223, Southern District of New York 81Goutal (Jean-Louis): "La clause compromissoire dans les connaissements : la cour de cassation française et la Cour Suprême des Etats-Unis adoptent des solutions opposés", Rev. Arb. 1996, p. 605 82 Ch. Civ. C. de cass. 16 mars 2004 Navire Avlis

52

Page 53: Connaissement et-contentieux

créance du destinataire à l’affréteur au voyage que les deux chambres viennent

d’adopter des solutions antagonistes.

En l’espèce, une cargaison de farine avait subi des avaries à l’issue de son transport

sur un navire affrété au voyage. Sans attendre l’indemnisation des assureurs sur

facultés, le destinataire des marchandises céda ses droits à l’affréteur du navire. C’est

donc l’affréteur, cessionnaire des droits du destinataire sur la marchandise, qui reçut

l’indemnisation.

Ensuite, les assureurs, subrogés dans les droits du cessionnaire, agirent devant les

juridictions françaises contre le fréteur au voyage ayant la qualité de transporteur.

Celui-ci pour sa défense souleva une exception d’incompétence au profit d’un

tribunal arbitral, invoquant la clause compromissoire stipulée dans la charte-partie.

En première instance, le tribunal de commerce de Boulogne rejeta l’exception pour se

déclarer compétent. Mais la Cour d’appel de Douai accueillit l’exception

d’incompétence soulevée par le transporteur. Et c’est contre cet arrêt que les

assureurs ont formé un pourvoi, avec un moyen s’appuyant à la fois sur la

jurisprudence maritime qui subordonne l’opposabilité de la clause compromissoire à

l’acceptation du destinataire et sur les effets normaux de la cession de créance en

droit civil.

Puisque le destinataire n’avait ni connu ni accepté la clause compromissoire, elle lui

était inopposable. Et puisque le cessionnaire recueillait les droits du cédant, la

clause lui était également inopposable. Ainsi seule la qualité de cessionnaire était

digne d’intérêt ; il importait peu que par ailleurs, il soit partie au contrat

d’affrètement. Ce moyen, bien élaboré, n’était que trop conforme à la ligne

jurisprudentielle de la chambre commerciale prolongée récemment par un arrêt du 8

octobre 200383.

En l’espèce, sont relevées, sans distinction, les qualités de chargeur qui est « seul à

avoir supporté le préjudice du transport », et celle de cessionnaire des droits du

destinataire, réunies par le subrogeant. Plutôt que de faire une référence hors de

propos à la jurisprudence Mercandia84 qui reconnaît au chargeur le droit d’agir, en

83 Ch. Comm. De la C. de cass. 8 octobre 2003, Navire M/V Jhelum, DMF 2006 84 Ass. Plén., 22 décembre 1989, DMF, 1990, p. 29, note P. Bonassies

53

Page 54: Connaissement et-contentieux

cette qualité, contre le transporteur quand il a seul subi le préjudice, il aurait été plus

utile de souligner clairement si c’est la qualité d’affréteur au voyage qui était décisive

aux yeux de la première Chambre civile. Elle décide en effet que le recours doit être

entrepris par la société ayan affrété le navire « dans le cadre de la charte partie dont elle

ne pouvait ignorer les termes ».

Et peu importe que l’affréteur ait agi pour faire valoir ses droits qu’il avait recueillis à

l’issue d’une cession de créance, droits parmi lesquels on pouvait compter

l’inopposabilité de la clause compromissoire. La cour prend bien soin de préciser que

« seul le tiers porteur du connaissement pouvant se prévaloir de l’inopposabilité des

exceptions ».

C’est admettre, sans le dire explicitement, que l’affréteur n’est pas un cessionnaire

ordinaire. Puisqu’il était par ailleurs partie au contrat d’affrètement stipulant la

clause compromissoire, il lui est interdit de se prévaloir en qualité de cessionnaire de

l’inopposabilité de la clause compromissoire comme pouvait le faire le destinataire

(chap. I). La cour parvient alors au terme de son raisonnement, à quitter le droit

maritime pour aborder le droit de l’arbitrage. Et comme la clause n’est pas nulle ou

manifestement inapplicable, c’est à l’arbitre qu’il appartient de se prononcer en

premier lieu sur sa compétence, par application du principe compétence-compétence.

Ainsi la Haute juridiction approuve la Cour d’appel d’avoir accueilli l’exception

d’incompétence soulevée par le fréteur et d’avoir renvoyé les litigants devant

l’arbitre.

Pour la première Chambre civile, l’affréteur au voyage ne saurait être traité comme

un ordinaire tiers porteur du connaissement de charte partie, alors même qu’il tient

ses droits du destinataire de la marchandise. Ainsi, la Cour refuse de faire produire

effet à la cession de créance intervenue entre le destinataire-cédant et l’affréteur

cessionnaire (section I) ; elle justifie la paralysie de la cession de créance en se

fondant sur des arguments qui n’emportent pas la conviction (section II).

Section I : L’opposabilité de la clause compromissoire à l’affréteur-

cessionnaire du destinataire de la marchandise

54

Page 55: Connaissement et-contentieux

On rappellera d’abord l’analyse classique qui est faite de la position du destinataire

d’une marchandise reçue à bord d’un navire au titre d’un contrat d’affrètement au

voyage et couverte par un connaissement de charte-partie. Le destinataire, tiers

porteur du connaissement, échappe en principe à l’application du régime contractuel

fixé par la charte-partie quand il agit contre le fréteur. Alors même que le contrat au

titre duquel la marchandise a été déplacée est un affrètement, l’action intentée par le

destinataire, tiers à ce contrat, obéit au régime légal du transport. En droit français et

en droit comparé, cette analyse est consacrée par les auteurs les plus éminents.

Le doyen Rodière écrivait que « le fréteur, au regard du porteur du connaissement autre

que l’affréteur (le tiers porteur), se trouvera dans la condition d’un transporteur et ce sont

toutes les règles du titre du transport qu’il faudra appliquer dans leurs rapports (…) Ainsi, la

transmission d’un connaissement émis par le fréteur rompt l’unité du contrat d’affrètement,

puisque le fréteur qui sera toujours fréteur pour l’affréteur, sera transporteur pour le tiers

porteur du connaissement ».85 Et W. Tetley ne dit pas autre chose : “ if the bill of lading is

placed in the hands of a third party for value, then the bill of lading is the contract of

carriage between the bill of lading holder and the issuer of the bill of lading and the vessel

owner and probably the charterer. In this case, the mandatory provisions of the Hague or

Hague Visby or Hamburg Rules apply”86 .

Pour le professeur Cachard, cette analyse peut sembler singulière, mais elle

s’explique selon lui par le souci de préserver la sécurité juridique des tiers qui

peuvent ignorer à quel titre la marchandise est déplacée. C’est encore ce que souligne

Rodière en des termes très explicites : « Cette inélégance théorique a paru commandée par

la commodité pratique et la sécurité des opérations sur connaissement (ventes maritimes et

crédit documentaire). Il n’y a pas pour ce qui les concerne, à distinguer suivant que le

connaissement qui en est la base et le connaissement d’un contrat de transport ou le

connaissement émis au profit d’un affréteur. L’unité de l’affrètement est brisée, mais l’unité

du statut du connaissement est sauvée ».

Le tiers porteur du connaissement peur donc contester l’opposabilité d’une clause

compromissoire stipulée dans la charte-partie à laquelle il est étranger. Certes, cette

85 R. Rodière, Traité général de droit maritime, t. 1, affrètement et transports, Dalloz, 1967, § n° 197, p. 226 86 W. Tetley, International Maritime and Admiralty Law, Editions Yvon Blais, 2002, p. 131

55

Page 56: Connaissement et-contentieux

contestation ne s’appuie pas à proprement parler sur le régime impératif du

transport, lequel ne prohibe pas la stipulation de clauses compromissoires dans le

contrat de transport. Cette contestation de l’opposabilité de la clause compromissoire

s’appuie plutôt sur l’effet relatif des contrats. C’est d’ailleurs l’article 1165 du Code

civil qui est visé dans les espèces soulevant ce type de difficulté.

Le destinataire, tiers porteur du connaissement, peut-il céder ses droits ? En droit

commun, rien ne s’oppose à une cession de créance pourvu que les formalités

prescrites par le Code civil soient accomplies. Et en matière maritime, une

jurisprudence constante admet la transmission du droit d’action à l’occasion d’une

cession de droits87. Par l’effet de la cession, le cessionnaire a acquis les droits qui

appartenaient au cédant et tiers porteur du connaissement, « rien de plus, rien de

moins ».88 On dit encore que la créance est transmise avec ses accessoires. Lorsque le

cédant était tenu par une clause compromissoire, la jurisprudence décide que le

cessionnaire l’est aussi.89 La clause compromissoire qui liait le cédant est donc un

accessoire de la créance. Mais qu’advient-il lorsque, au contraire, le cédant était en

position de contester l’opposabilité de la clause compromissoire ?

Le cessionnaire ne doit-il pas se retrouver dans la « position processuelle » du cédant

et être lui aussi en mesure de contester l’application de la charte partie, en particulier

l’opposabilité de la clause compromissoire ? La première Chambre civile de la Cour

de cassation ne l’admet pas, « seul le tiers porteur du connaissement pouvant se prévaloir

de l’inopposabilité des exceptions ».

Par inopposabilité des exceptions, la Cour vise ici les moyens de défense que le

fréteur aurait normalement pu invoquer au titre de la charte partie (par ex. la clause

compromissoire). Pour la première chambre civile, il faut donc croire que cette

inopposabilité des exceptions tirées de la charte-partie est un don que la loi fait au

seul tiers porteur du connaissement. L’affréteur ayant succédé au tiers porteur du

connaissement par une cession de créance ne saurait donc s’en prévaloir. La Cour

87 CA Aix-en-Provence, 4 février 1986, DMF, 1988, p.758. 88 J. Flouret alii, Droit civil, Les obligations, t. 3, Le rapport d’obligation, Armand Colin, 2001, § n° 346 89 Cass. 1ère civ., 5 janvier 1999 et 19 octobre 1999, Rev. arb. 2000, p. 85 note D. Cohen ; Defrénois, 1999, p. 572, note Delebecque ; Cass. 2ème civ., 20 décembre 2001, Rev. arb. 2002, p.379, note D. Cohen

56

Page 57: Connaissement et-contentieux

décide en effet que l’affréteur « avait un recours contre le transporteur {en l’occurrence le

fréteur} mais dans le cadre de la charte partie initialement convenue dont elle ne pouvait

ignorer les termes ».

Autrement dit, l’affréteur ne saurait jamais être considéré comme le cessionnaire du

tiers porteur d’un connaissement de charte partie ! La Cour refuse donc que par

l’effet d’une cession de droit commun, l’affréteur recueille la position processuelle du

cédant. En l’absence de texte spécial interdisant cette cession au destinataire, on peut

se demander si la paralysie de la cession de créance a un quelconque fondement

juridique.

Section II : La paralysie de la cession de créance

La rédaction de l’arrêt laisse perplexe sur la justification de la limitation des effets de

la cession de créance. D’abord, s’il est admis que c’est en raison de la cession que le

cessionnaire a supporté seul le préjudice, il lui est pourtant interdit de se prévaloir

des moyens de défense du cédant, ce qui constitue un premier paradoxe. Ensuite, si

le cessionnaire doit exercer ses droits propres, on ne sait pas en quelle qualité :

second paradoxe.

A aucun moment, la Cour ne relève explicitement la qualité d’affréteur du

cessionnaire. Au contraire, il est relevé par deux fois sa qualité de chargeur de la

marchandise. Et le premier motif qui semble par ailleurs décisif aux yeux de la Cour,

est emprunté à l’affaire Mercandia : « attendu qu’en retenant d’abord que l’action en

responsabilité pour pertes et avaries contre le transporteur maritime est ouverte au chargeur

lorsque celui-ci est seul à avoir supporté le préjudice résultant du transport, qu’ensuite la

société GMF, seule à avoir supporté le préjudice comme cessionnaire des droits du destinataire,

avait un recours contre le destinataire … ». Or rappelons que la jurisprudence

Mercandia est relative au contrat de transport proprement dit. Elle a égard au fait

que le chargeur a la qualité de partie au contrat de transport ! Autrement dit, il n’y

est nullement question d’affrètement au voyage ! De là à affirmer que la Cour est

certaine de vouloir faire échec à la cession, mais qu’elle n’est pas sûre du moyen d’y

parvenir…

57

Page 58: Connaissement et-contentieux

La seule explication possible donnée à la paralysie de la cession apparaît de façon

presque anodine, sous la forme d’une référence à la force obligatoire de la charte-

partie. Le chargeur est tenu par la « charte-partie initialement convenue dont (il) ne

pouvait ignorer les termes ».

C’est donc la qualité d’affréteur au voyage qu’il faut prendre en compte. Et entre le

fréteur et l’affréteur, pris en leurs qualités propres, on n’a jamais douté que la charte-

partie gouverne. Admettre qu’il aille autrement reviendrait à bafouer la parole

donnée lors de la conclusion du contrat d’affrètement au voyage. P. Safa le souligne

avec vigueur : « le connaissement se présente dans les rapports entre fréteur et l’affréteur

comme un titre secondaire, venant confirmer l’embarquement de la marchandise et

permettant à l’intention des autorités de douane, l’établissement du manifeste. Fréteur et

affréteur n’auraient conclu qu’un marché de dupes si des dispositions impératives de la loi

pouvaient par le détour du connaissement balayer les stipulations de la charte-partie arrêtées

par eux sous le bénéfice de la liberté applicable à la charte-partie ».90 Mais en l’espèce, le

demandeur n’était pas seulement affréteur ; il était aussi et surtout cessionnaire des

droits du destinataire de la marchandise. On ne saurait lui dénier cette seconde

qualité en invoquant le motif fallacieux de l’ « unité de la personne juridique »91 car il

est ordinaire, dans la vie juridique, qu’une personne détienne des qualités et des

droits différents. Le domaine du Droit des transports offre divers exemples de cumul

des qualités : un commissionnaire de transport est en même temps voiturier92, un

expéditeur réel est en même temps le destinataire réel…

Dès lors, pour remettre en cause la cession de créance, certains invoquent la

restauration de l’ordre contractuel et la bonne foi. Un auteur approuve l’arrêt

commenté au nom de l’article 1134 du Code civil, « l’une des principales colonnes du

temple contractuel »93 . Il s’agit, nous dit-on, de donner plein effet à la force obligatoire

du contrat d’affrètement. Il s’agit encore de veiller au respect de la bonne foi. Ces

arguments, qui exercent une indiscutable séduction, ne nous paraissent pourtant

d’aucun secours dans la situation contractuelle complexe ayant donné lieu à la

présente affaire. Pour ce qui est de la force obligatoire du contrat, on relèvera d’abord 90 P. Safa, Droit maritime, t. II, Beyrouth, Sader, 2000, p. 888 91 Ch. Com. Cour de cass. 8 octobre 2003 92 Cass. Com., 2 février 1988, n° 86-16879 93 M. Rémond-Gouilloud, DMF, 2004, p.428

58

Page 59: Connaissement et-contentieux

que ce principe peut aussi être invoqué à l’appui de la cession de créance (qui n’est

pas moins digne de l’article 1134 que le contrat d’affrètement …). On relèvera ensuite

que la bonne exécution du contrat d’affrètement par l’affréteur, pris en cette qualité,

n’est pas en cause. Il n’est pas contesté que l’affréteur a payé le fret et qu’il s’est

conformé aux obligations qu’il tenait du contrat. Au contraire les avaries de la

marchandise ont vraisemblablement été causées par l’inexécution du fréteur. Pour ce

qui est de la bonne foi94, l’article 2268 du Code civil dispose : « La bonne foi est toujours

présumée, et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver »…

Plutôt qu’un manquement à la bonne foi dans l’exécution du contrat d’affrètement, il

faudrait reprocher au cessionnaire d’avoir pris part à une cession de créance motivée

par la fraude. Il est vrai que la jurisprudence offre des illustrations de cessions de

créances conçues comme des instruments de fraude à la compétence juridictionnelle.

On se reportera par exemple à un arrêt du 24 novembre 1987 rendu par la première

Chambre civile 95 . Voilà un cédant qui a d’abord accepté la compétence des

juridictions américaines. Comme l’instance est mal engagée devant le juge américain,

il cède la créance litigieuse à une société française pour que celle-ci se prévale de son

privilège de juridiction devant le juge français. La Cour d’appel, approuvée par la

Cour de cassation, relève que la cession, intervenue en cours d’instance, « n’avait pour

but que de créer un élément de rattachement artificiel destiné à soustraire le recouvrement de

la créance à ses juges naturels en l’espèce la juridiction américaine que le cédant avait

pourtant initialement saisie ». Mais la fraude contrairement à la mauvaise foi ne se

présume pas.

Et dans l’arrêt aujourd’hui commenté, il n’est pas du tout établi que l’affréteur ait

accepté la cession de créance pour se soustraire à la clause compromissoire. La

situation est sensiblement différente du cas de fraude avérée évoqué plus haut. La

cession de créance n’est pas ici la cause première de l’incompétence du tribunal

arbitral. En l’absence de cession de créance, le tiers porteur du connaissement

pouvait indiscutablement contester l’opposabilité de la clause compromissoire. La 94 R. Desgorces, La bonne foi dans le droit des contrats : rôle actuel et perspectives, thèse Paris II, 1992, (dir. D. Tallon) 95 Cass. 1ère civ. 24 nov 1987, JCP 1989 II 21202, note Blondel et Cadiet ; B. Ancel, Y. Lequette, Grands arrêts de droit international privé, note sous Cass. 1ère civ., 21 mars 1966, n° 43, p. 394

59

Page 60: Connaissement et-contentieux

cession de créance ne fait que transporter une cause d’incompétence préexistante du

chef du tiers porteur du connaissement dans le chef du cessionnaire.

Loin d’être une tactique de fraude déployée par l’affréteur, la cession de créance du

destinataire de la marchandise à l’affréteur au voyage paraît s’inscrire dans le cadre

d’une politique commerciale favorable au destinataire. Les avaries ou les manquants

qui causent un préjudice au destinataire de la marchandise résultent de la mauvaise

exécution des obligations du fréteur. La cession de créance du destinataire à

l’affréteur, intervenue rapidement après la délivrance de la marchandise avariée,

permet de satisfaire rapidement le destinataire, sans même attendre son

indemnisation par les assureurs.

En décidant que la cession de créance ne permet pas à l’affréteur-cessionnaire

d’invoquer l’inopposabilité de la clause compromissoire, ne risque-t-on pas de

dissuader les affréteurs au voyage de racheter la créance du destinataire ? Ne risque-

t-on pas de contrarier une politique commerciale répandue qui a pour mérite de

susciter la confiance des intérêts cargaison96. Vue sous cet angle, la solution n’est ni

opportune ni équitable…

Nous allons nous intéresser dans la section suivante au principe reconnu à l’arbitre

pour apprécier sa compétence.

Section III : La théorie de la « compétence-compétence »

Dans un arrêt du 22 novembre 200597, la Cour d’Aix avait observé que, « dès lors

qu’est alléguée l’existence d’une convention d’arbitrage international, il appartient à l’arbitre

de statuer sur l’existence, la validité et l’étendue de la convention d’arbitrage ». Relevant

que la Cour s’était prononcée ainsi alors que le tribunal arbitral n’était pas constitué,

le pourvoi avait vu là une violation des dispositions des articles 1458, 1466, et 1492

96 Lamy Transports,t. II, § n° 584, « même si la marchandise ne voyage pas à leurs risques, de nombreux expéditeurs, soucieux de préserver leurs intérêts commerciaux vis-à-vis de leurs clients, supportent eux-mêmes les frais d’une mauvaise exécution du contrat de transport ». 97 C. de cass. 1ère Ch. Civ. 22 novembre 2005, Navire Lindos DMF 2006

60

Page 61: Connaissement et-contentieux

du nouveau Code de procédure civile98, comme une violation, par fausse application,

du principe selon lequel l’arbitre a compétence exclusive pour statuer sur sa propre

compétence. C’était là, mettre au cœur du débat le principe dit de « compétence-

compétence ».

Ce principe veut qu’un tribunal arbitral saisi d’un litige ait compétence pour statuer

sur sa propre compétence ; par exemple si l’une des parties invoque le vice du

consentement qui affecte son adhésion à la clause compromissoire, ou prétend que la

clause compromissoire ne s’étend pas à la question en cause. Il a été admis dès 1949

par la jurisprudence et réaffirmé depuis à de très nombreuses reprises99.

Aujourd’hui, il est d’ailleurs inscrit dans les dispositions de l’article 1466 du nouveau

Code de procédure civile, texte qui concerne les arbitrages internes, mais que l’article

1495 étend aux arbitrages internationaux soumis au droit français : « si, devant

l’arbitre, l’une des parties conteste dans son principe ou son étendue le pouvoir juridictionnel

de l’arbitre, il appartient à celui-ci de statuer sur la validité et les limites de son investiture ».

Mais ce principe de « compétence-compétence » présente un double aspect. Un

aspect positif (I), qui s’adresse à la compétence de l’arbitre pour statuer sur la validité

ou la portée de la clause d’arbitrage, aspect qu’exprime l’article 1466 du nouveau

Code de procédure civile, mais aussi un aspect négatif (II).

A)L’aspect négatif du principe

Envisagé sous son aspect négatif, le principe de « compétence-compétence »

exprime la règle que le juge judiciaire devant lequel est invoquée une clause

d’arbitrage n’a pas compétence pour statuer sur la validité ou la portée de ladite

clause. Il doit donc se déclarer incompétent, et renvoyer les parties à se pourvoir

devant la juridiction arbitrale désignée, laquelle aura, elle, compétence pour 98 L’article 1458 énonce, dans son second alinéa, que, tant que le tribunal n’est pas encore saisi, le juge doit se déclarer incompétent, à moins que la convention d’arbitrage ne soit manifestement nulle. L’article 1466 confère à l’arbitre, dont le pouvoir juridictionnel est contesté dans son principe, le pouvoir de statuer sur la validité de son investiture, l’article 1492 se bornant à définir l’arbitrage international. 99 Cass. 22 février 1949, Caulliez, Semaine Juridique 1949. II. 4899, note H. Motulski ; Cass. 5 janvier 1999, Zanzi, Rev. arb. 1999.260, note Ph. Fouchard : Cassation 1èr décembre 1999, Metu System France, Rev. arb. 2000, note Ph. Fouchard.

61

Page 62: Connaissement et-contentieux

statuer sur cette validité ou sur la portée de la clause litigieuse. Déjà évoqué par

un arrêt de la première Chambre civile du 1èr décembre 1999100, l’effet négatif du

principe compétence-compétence a été réaffirmé avec force par une décision de la

même juridiction le 26 juin 2001101 . La Cour d’appel de Paris, saisie d’une action

contre la société de classification A.B.S. concernant les avaries ayant affecté le

navire Tag Hauer, avait déclaré compétent le tribunal de commerce de la même

ville, nonobstant la clause d’arbitrage invoquée par A.B.S. La Cour de cassation,

après avoir visé « le principe selon lequel il appartient à l’arbitre de statuer sur sa

propre compétence », censure sèchement le juge d’appel au motif que, « en se

déterminant ainsi, sans relever la nullité manifeste de la convention d’arbitrage,

seule de nature à faire obstacle au principe susvisé, qui consacre la priorité de la

compétence arbitrale pour statuer sur l’existence, la validité et l’étendue de la

convention d’arbitrage, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa

décision ».

Le même principe négatif a été appliqué par la Cour de Rouen dans un arrêt du 4

décembre, rendu dans des circonstances proches de celles de la présente espèce102.

Le destinataire d’une cargaison de farine avait assigné le transporteur devant le

Tribunal de commerce de Rouen. Arguant de la clause compromissoire qui

figurait dans la charte-partie sous le couvert de laquelle le connaissement

litigieux avait été émis, le transporteur avait soulevé l’incompétence du tribunal

de commerce. La cour rejette le contredit formé contre la décision d’incompétence

du tribunal, au motif, directement repris de l’arrêt Tag Hauer, « qu’en vertu du

principe de « compétence-compétence » selon lequel il appartient à l’arbitre de statuer par

priorité sur sa propre compétence, la juridiction étatique est sans pouvoir pour se

prononcer sur cette question et se saisir du litige soumis à l’arbitrage ».

Dans la présente espèce, la Cour d’Aix-en-Provence n’est pas allée aussi loin que

la Cour de Rouen dans l’application du principe « compétence-compétence » dans

son aspect négatif. Au lieu, en effet, de se déclarer « sans pouvoir pour se

100 Metu System France, Rev. arb. 2000.98, note Ph. Fouchard. 101 ABS c. Copropriété Jules Verne, Rev. arb. 2001.530, note E. Gaillard ; Cassation 1èr décembre 1999. 102 Navire Pella, DMF 2004.257, observations Ph. Delebecque.

62

Page 63: Connaissement et-contentieux

prononcer », elle a retenu sa compétence, pour conclure à l’opposabilité de la

clause d’arbitrage au destinataire. En revanche, c’est au problème de l’effet

négatif du principe « compétence-compétence » que s’est référé le pourvoi, en

reprochant à la Cour d’Aix d’avoir observé que c’est à l’arbitre qu’il appartenait

de statuer sur l’existence ou la validité de la convention d’arbitrage, ce alors que

« le tribunal arbitral n’était pas constitué ». C’est à ce même principe que se réfère

la Cour de cassation dans l’arrêt ici commenté, lorsqu’elle observe que les juges

d’appel avaient justifié leur décision, « au regard de la règle matérielle du droit

de l’arbitrage selon laquelle il appartient à l’arbitre de se prononcer par priorité,

sous le contrôle éventuel du juge de l’annulation, sur sa compétence, sauf nullité

ou inapplicabilité manifeste de la clause d’arbitrage ».

C’est précisément sur l’aspect négatif du principe compétence-compétence que

l’arrêt Pella est particulièrement important103. Dès l’instant que l’une des parties

fait état d’une clause compromissoire et n’entend pas y renoncer, le juge doit

refuser sa compétence. 104 .

L’affaire « appartient » à l’arbitre. Il lui revient de se prononcer par priorité sur sa

compétence.

Ce qui ne va pas de soi, car lorsque l’on conteste la compétence d’un arbitre, c’est

sa qualité même d’arbitre et donc de juge qui est discutée. (c’est son

« investiture » qui est en cause et qui ne devrait logiquement pas relever de sa

appréciation), alors que lorsque l’on débat de la compétence d’un juge étatique, sa

qualité même de juge n’est pas mise en doute. En outre, il est permis de se

demander si, dans ce type de situation, l’on peut prendre le risque de poursuivre

une procédure arbitrale susceptible d’être annulée ultérieurement, précisément

pour incompétence des arbitres.

L’arrêt Pella ne s’arrête, pas plus que l’arrêt Lindos, à ces arguments, mais il va

encore plus loin par la priorité qu’il laisse aux arbitres pour dire le droit, ce qui

semble être un renversement de l’ordre naturel des choses. Tel est cependant le

103 Pr. Ph. Delebecque, DMF 670, Mai 2006 104 Cass. Com. 4 oct. 2005, CMBT Amboseli, DMF 2006. 111, rapp. G. de Monteynard, obs. J. Bonnaud

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Page 64: Connaissement et-contentieux

droit positif : selon le Pr. Delebecque, l’arrêt est très clair, sinon très ciselé et l’on

n’imagine pas ne serait-ce qu’un petit pas en arrière dans un proche avenir.

Selon le Pr. Bonassies, la lecture de l’arrêt Lindos incite le lecteur à s’interroger

d’une part sur la pertinence du principe de la règle négative que la jurisprudence lit

dans le principe « compétence-compétence », d’autre part sur la portée des termes

nullité ou inapplicabilité manifeste.

B) L’aspect positif du principe « compétence-compétence »

Sous son aspect positif, le principe toujours selon Mr Bonassies apparaît des plus

justifiés. Il évite, qu’en alléguant tel ou tel défaut affectant la clause

compromissoire, une partie ne parvienne à retarder le déroulement de

l’arbitrage 105 . Il ne porte en rien atteinte aux prérogatives des juridictions

étatiques puisque, si nécessaire, celles-ci pourront rectifier l’analyse du tribunal

dans le cadre des recours ouverts contre la décision de celui-ci. Les choses sont

moins évidentes quant à son aspect négatif, surtout quand le juge judiciaire,

comme dans la présente espèce, a été saisi le premier.

Refuser à ce juge, devant qui est invoqué une clause compromissoire, le droit de

statuer sur la validité ou la portée de la clause peut, en effet, apparaître comme

contraire aux principes régissant les institutions judiciaires. Sans aller jusqu’à dire

que, dans son aspect négatif, le principe de « compétence-compétence »

méconnaît, au moins temporairement, le droit fondamental de tout justiciable de

saisir un juge judiciaire pour défendre ses intérêts, ce principe porte pour le Pr.

Bonassies atteinte au pouvoir des institutions judiciaires. Dans un contexte certes

différent, mais où c’était un peu les mêmes données qui étaient en jeu, la Cour de

Justice des Communautés, dans son arrêt Turner c. Grovit, a veillé à ce qu’aucune

atteinte, même indirecte, ne soit portée à l’autonomie de décision du juge106 .

C’est une atteinte directe à cette autonomie qui naît du principe « compétence-

105 Fouchard, Gaillard et Goldman, Traité n° 660 106 Cour de Justice des Communautés, 27 avril 2004, DMF 2004.413, observations R. Carrier et P. Bonassies, DMF 2004, hors série n° 4, au n° 14

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Page 65: Connaissement et-contentieux

compétence », le tribunal saisi se voyant refuser le droit de se prononcer sur la

question à lui posée.

C’est peut-être le sentiment diffus d’une telle atteinte qui explique la réserve à

l’égard de ce principe du droit britannique, droit du pays où, plus que partout

ailleurs, est respecté u pouvoir judiciaire. En effet, en droit britannique, aucune

décision à notre connaissance ne peut être citée, qui aurait refusé au juge le droit

de statuer sur l’exception de clause compromissoire soulevée par le défendeur à

une action au principal, imposant à ce juge, dès qu’une telle clause est alléguée,

de renvoyer les parties devant le tribunal arbitral. Et le nouvel Arbitration Act de

1996, même s’il facilite l’arbitrage plus que les textes antérieurs, maintient le

pouvoir du juge étatique non seulement de contrôler les opérations d’arbitrage,

mais aussi d’apprécier la portée exacte de la convention d’arbitrage. C’est ainsi,

par exemple, que la section 72 de l’Act prévoit qu’une personne, dont il est

allégué qu’elle est partie à un arbitrage (alleged to be a party to arbitrations

proceedings), peut saisir le juge du point de savoir s’il existe un accord

d’arbitrage valide ( a valid arbitration agreement), ou si les questions soumises à

arbitrage ressortissent bien à la convention d’arbitrage.

Plus généralement, il résulte des analyses exhaustives faites par le Professeur

Poudret et Maître Besson dans leur maître-traité sur le Droit comparé de l’arbitrage

international que la position du droit français quant à la valeur négative du

principe de « compétence-compétence » est loin d’être partagée par les autres

systèmes juridiques, puisque rejetée par les droits allemands, belges, hollandais,

anglais et suédois, lesquels, à l’opposé de la décision ici commentée, « ne

reconnaissent aucune priorité à l’arbitre pour statuer sur sa compétence »107 .

Cependant, la Cour de cassation ne reconnaît en effet compétence aux juges

étatiques que dans les deux situations suivantes :

- d’abord en cas de « nullité manifeste de la clause », hypothèse difficile à

concevoir dans des relations entre professionnels, sauf dans une situation où

le litige serait évidemment « inarbitrable », ce qui pourrait peut-être se

107 Poudret et Besson ; Fouchard, Gaillard et Goldman (Traité, n° 682)

65

Page 66: Connaissement et-contentieux

produire dans une affaire de paiement de surestaries à l’encontre d’un

affréteur ayant fait l’objet d’une procédure collective (suspension des

poursuites oblige !) ;

- ensuite en cas d’ « inapplicabilité manifeste » de la clause, ce qui pourrait se

rencontrer si la partie en faveur de qui la clause a été stipulée y a clairement

renoncé et entendait néanmoins s’en prévaloir108 .

C) L’absence d’inapplicabilité manifeste de la clause

compromissoire

En cas de nullité manifeste de la clause compromissoire, l’article 1458 al 2 NCPC

permet de saisir le juge judiciaire du fond du litige. Mais cet article fait l’objet

d’une interprétation restrictive qui en limite la portée. D’une part, il s’agit de

saisir le juge de l’entier litige et non d’une simple contestation sur la validité de la

clause compromissoire qui relève de la compétence de l’arbitre109 . D’autre part, il

faut que la nullité de la clause soit manifeste, c'est-à-dire qu’elle apparaisse

d’évidence à l’issue d’un examen superficiel, les anglais diraient prima facie. Or à

ce jour, la jurisprudence offre peu d’exemples de nullités manifestes de la

convention d’arbitrage ayant permis le jeu de l’article 1458 alinéa 2.

Statistiquement, il était prévisible que dans l’arrêt de la première chambre civile

de la cour de cassation du 16 mars 2004, « La Cour d’appel, procédant à la recherche

prétendument omise, a légalement justifié sa décision au regard du principe selon lequel il

appartient à l’arbitre par priorité de statuer sur sa propre compétence sauf nullité ou

inapplicabilité manifestes de la convention d’arbitrage ».

Il s’inscrit d’ailleurs dans une véritable salve jurisprudentielle de la Cour de

cassation relative au contrôle de la nullité et de l’inapplicabilité manifestes.

Et sur le fond, puisque la Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’avoir

décidé que la Clause compromissoire était opposable à l’affréteur, il lui était

difficile de caractériser une nullité ou une inapplicabilité manifeste ! La

108 Cass. 1ère civ. 27 avr. 2004, Estonia, Bull. civ. I, n° 112, DMF 2004 109 Cass. 1ère civ., 5 janvier 1999, Zanzi

66

Page 67: Connaissement et-contentieux

conclusion se déduit mécaniquement de l’analyse de l’opposabilité de la clause

compromissoire.

En aurait-il été différemment si les juges du fond avaient décidé que la clause

compromissoire était inopposable au cessionnaire comme elle était inopposable

au cédant ? Aurait-il pu s’agir d’un cas d’inapplicabilité manifeste ? L’un des

arrêts récents rendus par la Cour présente la grande originalité de caractériser un

cas d’inapplicabilité manifeste de la clause compromissoire. Il s’agissait en

l’espèce d’une action en justice intentée contre plusieurs défendeurs, dont le

Bureau Véritas, à la suite d’un naufrage. L’un des défendeurs souleva l’exception

d’incompétence des juridictions françaises au motif qu’une clause d’arbitrage

figurait dans les conditions générales de l’autorité de certification. Dans son arrêt

du 27 avril 2004110, la première Chambre civile rejette le pourvoi formé contre

l’arrêt n’ayant pas accueilli l’exception d’incompétence : « attendu qu’en retenant

que ce sont les conditions générales en vigueur en 1980, date de la certification du navire

par le Bureau Véritas, qui doivent s’appliquer et que celui-ci justifiait qu’à cette époque,

seule une clause attributive de juridiction figurait dans les conditions générales de vente

et non une clause compromissoire qui n’a été introduite qu’en 1990, la Cour d’appel

caractérisant ainsi l’inapplicabilité manifeste au litige de la clause d’arbitrage invoquée a

légalement justifié sa décision ».

Une simple lecture des conditions générales suffisait à déceler l’absence de clause

compromissoire. La conception étroite de la nullité et de l’inapplicabilité

manifeste est donc toujours de mise. On peut alors admettre que la délicate

question de l’inopposabilité de la clause compromissoire à l’affréteur cessionnaire

du tiers porteur ne relève pas de cette catégorie d’inapplicabilité manifeste. En

raison de la complexité de la situation contractuelle, qui se dérobe à une analyse

rapide, la clause n’est sans doute pas manifestement applicable.

Désormais, elle l’est d’autant moins que deux chambres de la haute juridiction

s’opposent sur ce point. Mais au terme d’une analyse au fond, conduite en droit

maritime et en droit civil, il nous paraît manifeste que la clause est inapplicable.

110 Civ. 1, 27 avril 2004, n° 01-13831

67

Page 68: Connaissement et-contentieux

Une autre difficulté concernant le jeu des clauses d’arbitrage tient au fait qu’elles

sont parfois contredites par des clauses attributives de juridiction. Et la question

se pose de savoir laquelle chasse l’autre ?

SECTION IV : Coexistence entre clause d’arbitrage et clause

attributive de juridiction :

Comme il est bien évident que ces deux types de clauses ne sauraient coexister,

on pourrait dire qu’elles se neutralisent, le droit commun reprenant alors son

empire. La jurisprudence récente n’est plus en ce sens et considère désormais

comme nous l’avons vu précédemment qu’une clause d’arbitrage en

contradiction avec une clause attributive de juridiction ne prive pas l’arbitre de sa

compétence. Cependant, cette solution devrait contribuer à régler certains litiges

maritimes dans lesquels une clause de compétence étatique vient remettre en

cause une clause compromissoire, du moins dans des actes distincts comme

peuvent l’être un connaissement et une lettre de garantie.

L’hypothèse est classique :un connaissement de charte-partie, contenant une

clause d’arbitrage ou y faisant référence, est émis ; le réceptionnaire éprouvant

divers dommages entend se retourner contre l’armateur transporteur et saisir son

navire, ne serait-ce qu’à titre conservatoire. Pour éviter la saisie, la banque ou le

club de l’armateur délivre au réceptionnaire-bénéficiaire une garantie dont l’une

des clauses règle la compétence du tribunal en cas de litige, en renvoyant à une

juridiction étatique. Dans un arrêt navire Elpa, la Cour de cassation avait rendu

une solution originale, en décidant que l’opposabilité à l’armateur et à son

capitaine de la clause d’une lettre de garantie attribuant compétence à telle

juridiction pour les procédures relatives à la réclamation des bénéficiaires, était

subordonnée à leur acceptation. Autrement dit, le P and I de l’armateur, bien

qu’agissant en qualité d’agent de l’armateur, n’était engagé qu’à titre personnel :

68

Page 69: Connaissement et-contentieux

aucune représentation ne s’était réalisée, la signature du Club n’ayant aucun effet

vis-à-vis de l’armateur ou du capitaine111 .

La Cour d’appel de Paris vient de s’opposer à cet arrêt en précisant qu’il importait

peu que l’armateur n’ait pas signé la clause de compétence, dès lors que

l’émetteur de la garantie s’était clairement engagé au nom de l’armateur à

accepter la compétence du tribunal étatique112. Cette dernière décision qui ne fait

qu’appliquer le droit du mandat, est d’autant plus intéressante qu’elle rejette un

autre argument de l’armateur tiré du vice de violence : « le risque des conséquences

financières très lourdes qui seraient résultées pour l’armateur d’une immobilisation

prolongée du navire ne saurait à lui seul constituer la violence morale qu’invoquent les

demandeurs ; qu’en effet, si cette menace a effectivement été déterminante de leur

consentement, elle n’apparaît pas en l’espèce, illégitime, les assureurs (facultés) n’ayant

procédé à la saisie conservatoire du navire que sur autorisation de justice… et pour le

juste motif de voir indemniser les avaries et les manquants constatés à l’arrivée ».

L’analyse est à l’abri de toute critique, car la violence ne constitue un vice du

consentement que dans la mesure où la règle est illégitime113. En l’occurrence, on

chercherait en vain ce caractère : la saisie n’étant qu’une voie de droit dont l’abus,

de surcroît, suppose des circonstances très particulières.

Cela dit, si la clause de compétence étatique est admise, il reste à se demander si

elle vient occulter la clause d’arbitrage initiale. Sans doute faut-il distinguer et

tenir compte de la nature exacte du litige qui peut ne porter que sur la lettre de

garantie elle-même et non sur l’ensemble des opérations réalisées entre les parties.

Sans doute aussi faut-il s’attacher au contenu même des clauses. Mais les

situations ne sont pas toujours très nettes, si bien que la question de la

compatibilité des clauses peut effectivement se poser. La jurisprudence rappelée

plus haut devrait apporter sinon la réponse. Ce n’est cependant pas dans cette

direction que les tribunaux se sont engagés.

111 Cass. Com. 13 novembre 2002, DMF 2003. 597, obs. F. d’Haussy 112 CA Paris 19 mars 2003, navire Liberty I, DMF 2003. 597, obs. B. Coste, Bulletin des Transports 2003, 291 113 Cass. Com. 20 mai 1980, Bull. civ. IV, n° 212.

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Page 70: Connaissement et-contentieux

Un jugement du Tribunal de commerce de Marseille du 10 octobre 2003114 a tout

simplement conclu à sa propre compétence, après avoir déclaré : « la jurisprudence

du Tribunal de commerce de Marseille se fonde en pareil cas c'est-à-dire dans l’hypothèse

envisagée, sur la considération de l’ensemble des contrats mis en cause dans le litige

soumis à son appréciation ; les seules clauses du contrat de transport, qu’il s’agisse d’une

charte-partie au voyage ou d’un connaissement, ne sauraient être retenues à l’exclusion de

toutes autres en l’hypothèse où interviennent également un contrat d’assurance et une

clause attributive de compétence stipulée dans une lettre de garantie et que c’est bien

l’ensemble contractuel régissant toutes les opérations entre les parties à l’instance qu’il

convient de considérer ».

Le raisonnement est séduisant, mais peut-être trop général pour justifier

l’existence d’une novation, car c’est bien de cela qu’il s’agit.

Aussi bien peut-on préférer, sur l’aspect des choses qui nous intéresse ici, la

motivation d’un arrêt très récent de la Cour d’appel de Paris qui, pour retenir sa

propre compétence, a vu dans l’acceptation de la clause étatique une renonciation

à la clause compromissoire115 : « il importe peu que l’engagement de garantie n’ait pas

été signé par l’armateur puisque le Club s’est engagé en son nom à

accepter « expressément » la juridiction parisienne » ; « que le mot expressément signifie

une intention, une volonté spéciale bien déterminée de confirmer désormais le litige à la

seule juridiction française, confirmant ainsi la condition imposée par le Club de s’abstenir

de toute action, notamment arbitrale et par là même de démontrer l’inapplicabilité

évidente de la précédent clause compromissoire ».

Reste à savoir quel peut être le contrôle de la Cour de cassation sur une

renonciation dont on se bornera à rappeler qu’elle ne présume pas.

114 Bulletin des Transports 2003, 703 115 CA Paris 1ère ch. Sect. D., 4 février 2004, navire Finikas, n° 2003/17917, DMF 2004

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Page 71: Connaissement et-contentieux

CONCLUSION

L’opposabilité des clauses de connaissement en général, et de la clause

compromissoire en particulier au tiers porteur du connaissement est soumise à un

régime strict. Le consentement particulier de celui à qui l’on cherche à opposer les

clauses de compétence doit être clairement établi. La charge de la preuve incombe à

celui qui cherche à opposer la clause, encore faut-il que la charte ait été transmise,

dans le cadre d’un connaissement de charte-partie, avec le connaissement ce qui

constitue un commencement de preuve.

Dans tout les cas, les juges sanctionnent par l’inopposabilité les clauses qui ne

seraient pas reproduites ou annexées au connaissement.

Ce nouveau régime a eu pour conséquence d’évincer certaines théories du contrat de

transport au profit de la thèse tripartite « par nature »116. Le destinataire en ressort

grandi puisque son consentement est recherché et qu’il ne détient plus simplement

ses droits et obligations du titre cambiaire. Il n’est pas un tiers mais bien une partie

qui doit manifester son consentement aux clauses dérogatoires aux droits commun.

De ce fait, le caractère consensuel du contrat de transport est à son apogée.

La chambre commerciale retient comme solution qu’il faut rechercher l’acceptation

du destinataire à la clause. Cette solution ne fait que renforcer la thèse tripartite du

contrat de transport. Cette acceptation doit être spéciale et ne saurait se résumer en

une simple adhésion au contrat de transport. Ajoutons que la Chambre semble

assouplir ses solutions puisqu’elle n’exige plus que l’acceptation soit spéciale dans

son arrêt Houston Express. Avec cette solution, la théorie de la succession semblait

définitivement condamnée.

La chambre civile de la cour de cassation n’a pas retenue cette solution. Pour la

chambre il n’est pas nécessaire que le consentement du destinataire à la clause de 116 Aubin KPOHAOUN AMOUSSOU, Les Clauses attributives de compétence dans le transport maritime de marchandises, PU Aix-Marseille, 2002, préface P.Bonassies, p.407.

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Page 72: Connaissement et-contentieux

compétence soit démontrée, la clause faisant partie de l’économie du contrat de

transport, elle était dès lors opposable au destinataire. Pourtant, lorsque la chambre

commerciale avait employé la notion d’économie du contrat concernant la clause de

livraison sous palan, cette notion était entendu comme regroupant les clauses

fondamentales au contrat de transport, clauses ayant trait à la relation de transport.

Ce n’est pas de cette oreille que la Chambre civile l’entend. Sa solution se justifierait

par la vision internationaliste qu’elle a du contrat de transport maritime.

Cette solution est semble-t-il en harmonie avec les solutions adoptées par les

juridictions communautaires. Pour celles-ci, il semble que la clause de compétence

fasse partie des usages du commerce international. La question qui survient est de

savoir si la clause de compétence insérée dans les connaissements est un usage du

commerce international ? Ou plutôt un usage maritime ? Dans la pratique, la

majorité des connaissements, si ce n’est pas la totalité, font figurer une clause de

compétence ou se réfère à la charte-partie contenant la clause compromissoire. N’est-

ce pas y voir un usage issu de la pratique maritime ?

Malgré tout, la jurisprudence ne retient pas cette solution. La position des tribunaux

français a été construite avec le désir légitime de protéger le réceptionnaire français

et ses assureurs et de leur garantir une juridiction française. Elle n’a à l’évidence pas

tiré toutes les conséquences de l’article 17 de la Convention du Bruxelles, désormais

article 23 du Règlement CE 2001.

.

Citons M. Arradon, qui évoque le sentiment de défiance que peut avoir la

communauté internationale vis à vis des juridictions françaises : « …dans ce domaine,

les arbitres français, juges de leur compétence, auront l’occasion de montrer la voie par des

sentences dûment motivées où les notions de contrats conclus de bonne foi et le respect des

principes qui régissent le commerce international auront toute leur place »117.

117 F.Arradon, « l’incorporation des clauses de charte-partie dans les connaissements », D.M.F. 2004, p.883.

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Page 73: Connaissement et-contentieux

Les juges anglais, classant les clauses de compétence parmi les clauses accessoires au

contrat, exige de la clause qu’elle soit claire et précise pour que celle-ci soit opposable

au destinataire.

L’analyse de la clause incorporée est objective, elle ne nécessite pas l’acceptation de

son réceptionnaire. La Cour de Cassation Italienne parle de « relatio perfecta » dès lors

que la clause s’intègre sans équivoque au connaissement. C’’est dire que la clause

sera opposable.

Majoritairement, les juges étrangers déduiront l’applicabilité de ces clauses de leur

lisibilité.

Une situation en appelle une autre : la situation de l’affréteur cessionnaire des

droits du destinataire, tiers porteur du connaissement est vivement discutée

notamment quant à l’opposabilité à son encontre de la clause compromissoire. Elle

est source de solutions divergentes devant les Chambres commerciales et Civiles de

la Cour de Cassation.

Dans un arrêt du 8 octobre 2003, la Chambre commerciale a estimé que « les assureurs

étant cessionnaire des droits du destinataire, il s’en suit que l’indemnisation d’assurance n’a

pas été versée en vertu du contrat d’affrètement, ce dont il résulte que les dispositions figurant

sur la charte-partie, et notamment une clause compromissoire en faveur d’un arbitrage à

Londres, n’ont pas vocation à s’appliquer »118 . L’affréteur se glisse dans la peau du

cédant, ce dernier tiers à la charte-partie ne peut se voir opposer les clauses faute de

les avoir accepté. En conséquence et comme par enchantement, certains parlent de

« tour de passe-passe », l’affréteur ignore la charte-partie « grâce » à la cession de

créance, par conséquent ses assureurs subrogés en profitent. Selon la Cour, le droit

d’action avait été transmis par la société en qualité de cessionnaire et non d’affréteur.

C’est dire que l’affréteur peut oublier cette qualité et échapper à la clause qu’il a lui-

même contractée donc de « revenir sur la parole donnée, en changeant la règle du jeu dès

lors qu’elle cesse de le satisfaire »!

118 Cass.Com , 8 octobre 2003, navire M/V Jhelum, D.M.F. 2004, p.339, obs. M. Remond-Gouilloud.

73

Page 74: Connaissement et-contentieux

On aurait pu croire que la Chambre commerciale avait changé sa solution dans un

arrêt du 14 janvier 2004, en affirmant que « les assureurs ayant indemnisé le vendeur

affréteur, il avait seul pu subroger les assureurs auxquels la clause d’arbitrage était

opposable ». Cependant, dans cette affaire, les cessions de créance étaient inopérantes.

Néanmoins, La Chambre civile a depuis rétablie le tir en énonçant que « l’assureur,

subrogé de l’affréteur cessionnaire des droits du destinataire titulaire d’un recours

contre le transporteur, exerce ce recours dans « le cadre de la charte-partie

initialement convenue dont il ne peut ignorer les termes et notamment la clause

compromissoire qu’elle contient »119.

Comme le souligne M.Cachard « les connaissements de charte-partie émis à l’occasion

d’un affrètement au voyage sont décidément propices au contentieux sur l’opposabilité de la

clause compromissoire »120.

Le Projet CNUDCI reprend le débat sur l’opposabilité des clauses de compétence, et

l’on sait que les Etats-membres ont du mal à s’entendre sur cette question qui n’a pas

fini de faire parler.

119 Cass.civ., 16 mars 2004, Navire Avlis, D.M.F. 2004, p.423. obs. M. Remond-Gouilloud. 120 Cass.Com. , 14 janvier 2004, Revue de l’arbitrage 2004, n.2.

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ANNEXES

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arbitrale 1996

REVUES PERIODIQUES

Annales de l'I.M.T.M. Bulletin des Transports et de la Logistique Droit Maritime Français Gazette du Palais

Gazette de la Chambre Arbitrale

Recueil Dalloz

Revue Scapel.

Revue de l’arbitrage

Revue critique de droit international privé

Semaine Juridique

The Lloyds Law Reports I et II

SITES INTERNET

www.lexinter.net

www.lexmaritima.net

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www.legalis.net

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www.legifrance.gouv.fr

www.arbitrage-maritime.org

Site du Centre inter-universitaire d’Arbitrage, de Médiation et d’Expertise.

TABLE DES MATIERES SOMMAIRE………………………………………………………………………………….3 INTRODUCTION…………………………………………………...………..5

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PARTIE I : L’ INSERTION DE LA CLAUSE COMPROMISSOIRE DANS LE CONNAISSEMENT : LA PROTECTION DU DESTINATAIRE …………………………………………...………………..10 Chapitre I- Les conditions d’opposabilité de la clause compromissoire…………………………………………………………………………….12 Section I- Les conditions relatives au consentement : La connaissance et l’acceptation du chargeur……………………………………..............................................................…...13

A) La connaissance de la clause…………………….…………………………………14 B) L’acceptation de la clause par le chargeur………………………………………..14

Section II- Les conditions de forme ………….…………………………………………..17

A) L’acceptation de la clause par le destinataire………………………………..…...18 B) La forme de l’acceptation …………………………….……………………………19

Chapitre II- L’opposabilité en droit comparé………………………………….……….22 Section I- Les solutions du droit français……………………..…………………………..22

A) Position de la chambre commerciale……...………………...…………………….22 1)L’arrêt navire Aptarimer………………………………………………………….25 2) Assouplissement de la jurisprudence………………………………………….27

B) Position de la chambre civile…………………………………………….…….…30 1) Arrêt navire Bonastar II……………………………………………………31 2) La vision internationale de la chambre………………………………….32

Section II- Le droit communautaire et international…………………………………….34

A) La Convention de Bruxelles de 1924…………………………….………………..35 B) Les Règles de Hambourg…………………………..………………………………35

1) Les Règles de Hambourg : paragraphe 2………………………………...37 2) Les Règles de Hambourg : paragraphe 3……………………………….37

C) La Convention multimodale de 1980………….………………………………..39 D) La Convention de Rome de 1980………………………………………………..40

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PARTIE II– L’OPPOSABILITE DE LA CLAUSE COMPROMISSOIRE AU PORTEUR DU CONNAISSEMENT DE CHARTE-PARTIE……………………………………..………………………………….42 Chapitre I- Solutions opposées de la chambre civile et commerciale de la Cour de cassation……………………………………………………………………………......…....43 Section I- L’inopposabilité de la clause compromissoire selon la chambre commerciale…………………………………………………………………………………43 Section II- Opposabilité selon la chambre civile…………………………………………45 Chapitre II- L’arbitrage en droit anglais et américain………………..………………47 Section I- Le droit anglais……………………………………………………………..….48

A) Imprécision de la clause de référence……………………………………………..48 B) La clause de référence renvoyant expressément à la clause arbitrale de la

charte-partie………………………………………………………………………....50 Section II - Le droit américain……………………………………………………………..51

. Chapitre III- La transmission de la clause compromissoire par subrogation………………………………………………………………………………....52 Section I- L’opposabilité de la clause compromissoire à l’affréteur-cessionnaire du destinataire de la marchandise………………………………….……………………..….54

Section II- La paralysie de la cession de créance……………………….……………..…57

Section III – La théorie de la « compétence-compétence »……………………………..60

A) L’aspect négatif du principe « compétence-compétence »……………………...61 B) L’aspect positif du principe………………………………………………………..64 C) L’absence d’inapplicabilité manifeste de la clause compromissoire…………..66

Section IV – Coexistence entre clause d’arbitrage et clause attributive de juridiction…………………………………………………………………………………....68

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CONCLUSION………………………………………………………………………….…71 ANNEXES…………………………………………………………………………………..75 -Annexe I : Modèle de clause compromissoire de la « Tokyo Maritime Arbitration Commission of the Japan Shipping Exchange »…………………………………………76 -Annexe II : Barème des frais et honoraires de la Chambre Arbitrale Maritime de Paris………………………………………………………………………………………….78 -Annexe III : Modèle de clause compromissoire et de compromis d’arbitrage de la Chambre Arbitrale Maritime de Paris……………………………………………………81 -Annexe IV : Barème des frais et honoraires de la « China Maritime Arbitration Commission »………………………………………………………………………………82 -Annexe V : Modèle de clause compromissoire de la « China Maritime Arbitration Commission »……………………………………………………………………………….83 -Annexe VI : Modèles de clauses compromissoires de la Chambre Arbitrale Maritime de Monaco…………………………………………………………………………………...84 BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………………….….85 TABLE DES MATIERES……………………………………………………………………89 RESUME……………………………………………………………………………………..92

RESUME

Le développement du transport maritime a fait naître un nombre important de contentieux très souvent alimenté par les dommages causés à la marchandise. Et

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pour tenter de déterminer les responsabilités, les parties ont de plus en plus recours à l’arbitrage. Et cela n’est pas sans poser de nombreuses difficultés quant aux conditions et au formalisme de l’acceptation des clauses compromissoires au destinataire, et surtout au tiers porteur du connaissement. La jurisprudence est certes abondante sur ce point, mais aussi très divergente entre les solutions des chambres civile et commerciale de la cour de cassation. Dans les contrats de transport maritime sous connaissement, les clauses compromissoires sont presque toujours des clauses compromissoires par référence ; elles figurent dans une charte-partie à laquelle le connaissement de charte opère renvoi selon des termes plus ou moins généraux. Le porteur du connaissement quand il intente une action contre le transporteur voire contre l’armateur se fait alors opposer la clause compromissoire par référence à laquelle il tente d’échapper, et la Cour de cassation qui souhaite que l’on n’oppose au chargeur, mais aussi au destinataire une clause à laquelle il n’a pas expressément consenti est souvent amenée à empêcher qu’elle ne produise effet, d’où l’opposition entre les deux chambres de la haute juridiction quant à l’opposabilité de cette clause au chargeur, au destinataire mais aussi aux tiers porteurs. Et la jurisprudence arbitrale montre la même préoccupation visant à la protection du tiers porteur ou destinataire de la marchandise ; dès lors le consentement de ces différentes parties à la clause compromissoire ne peut être mis en évidence que par l’accomplissement de certaines formalités ou par le contrôle des modalités des stipulations relatives à la compétence. The development of the maritime transport gave birth to a significant number of dispute very often supplied with the caused damage with the goods. And to try to determine the responsibilities, the parts have recourse to the arbitration more and more. And that is not without raising many difficulties as for the conditions and the formalism of the acceptance of the arbitration clauses to the recipient, and especially to the indorsee the bill of lading. Jurisprudence is certainly abundant on this point, but also very divergent between the solutions of the rooms civil and commercial of the supreme court of appeal. In the contracts of maritime carriage under bill of lading, the arbitration clauses are almost always arbitration clauses by reference; they appear in charter-party to which the bill of lading of charter operates reference according to more or less general terms'. The holder of the bill of lading when it even brings proceedings against the conveyor, or against the ship-owner then makes oppose the arbitration clause by reference from

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which it tries to escape, and the Supreme court of appeal who wishes that one not oppose to the charger, but also the recipient a clause to which it expressly did not authorize is often brought to prevent that it does not produce effect, from where the opposition enters the two rooms of the high jurisdiction as for the opposability of this clause to the charger, with the recipient but also with the indorsees. And arbitration jurisprudence shows the same concern aiming to the protection of the indorsee or recipient the goods; consequently the assent of these various parts to the arbitration clause can be highlighted only by the achievement of certain formalities or the control of the methods of the stipulations relating to competence.

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