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LES SERVICES D’ÉDUCATION DES ADULTES, UN ESPOIR POUR LES PERSONNES DÉFAVORISÉES Avis au ministre de l’Éducation mai 1982

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  • LES SERVICES D’ÉDUCATION DES ADULTES,

    UN ESPOIR POUR LES PERSONNES DÉFAVORISÉES

    Avis au ministre de l’Éducation mai 1982

  • Avis adopté à la 265e réuniondu Conseil supérieur de l’éducationle 27mai1982

    ISBN 2-550-05279-XDépôt légal: deuxième trimestre 1982Bibliothèque nationale du Québec

  • voc

    1q

    Table des matières

    INTRODUCTION

    Des personnes et des groupesdéfavorisés p. 1

    Les assistés sociauxLes chômeursUne situation dramatiqueLes jeunes adultesLes femmesLes personnes handicapéesLes personnes âgéesLes persônnes analphabètesLes immigrantsDes caractéristiques communes

    II Des intentions et des mesurespolitiques p. 5

    Les intentions du MinistèreLes orientations de la DGEALes coupures budgétairesUne volonté politique à traduire

    dans la réalité

    III Regroupement et concertation p. 8

    La nécessité d’actions éducativesDes regroupements à susciter et

    à soutenirLe mandat de regrouperLes exigences du regroupementL’indispensable concertationLes exigences de la concertation

    CONCLUSION p. 12RECOMMANDATIONS p. 13ANNEXES p. 14

    CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ÉDUCATIONC[: ~TRE DE DOCUMENTATION1202, Route de l’Église, porte32oScnte-Foy, OCGiV4Z4

  • .

  • Les services d’éducation des adultes, un espoir pour les personnes défavorisées 1

    Les services d’éducation des adultes,un espoir pour les personnes défavorisées

    Avis adopté à la 265e réuniondu Conseil supérieur de l’éducationle 27 mai 1982

    INTRODUCTION

    Au Québec, en dépit d’une richesse matérielleconsidérable, plus d’un million d’hommes et defemmes vivent dans l’indigence ou la misère. Lasituation socio-économique de nombre de Québécois est dramatique dans certainsquartiers denos villes et dans certaines régions. En effet, on yretrouve concentrés chômeurs, assistés sociaux,personnes démunies à divers titres et atteintesprofondément dans leur dignité humaine.

    Malgré les programmes mis de Pavant par lesgouvernements, le relèvement des groupes défavorisés et des personnes démunies ne s’effectuepas. Au contraire, les conditions de vie nes’améliorent pas, la gravité des misères s’accentue,les écarts ne cessent de s’accroître entre riches etpauvres.

    Le Conseil, par sa Commission de l’éducationdes adultes, a consulté nombre de personnes etd’organismes pour tenter de mieux cerner lesactions qui permettraient, dans le cadre de lamission éducative, de contribuer au relèvementdes plus démunis (voir l’annexe H).

    Le Conseil supérieur n’a pas manqué, dans unavis précédent, de proposer à cet effet desmesures administratives qui permettraient d’assurer certaines actions prioritaires tout en tenantcompte de la conjoncture économique actuelle.Dans le présent avis, le Conseil entend faireressortir l’urgence et la nécessité de désigner unorganisme qui facilite le regroupement des personnes défavorisées qui auraient besoin de recourir aux services éducatifs et qui assure la concertation entre les personnes, les groupes et les

    divers organismes qui oeuvrent dans les milieuxdéfavorisés de sorte que les actions mises del’avant puissent porter fruit.

    C’est ainsi que le Conseil:I. exposera brièvement les conditions de vie

    des plus démunis,

    2. rappellera certaines orientations politiquesqui tardent à être appliquées,

    3. proposera une approche éducative qui réponde aux besoins des personnes défavorisées,

    4. énoncera enfin des recommandations qui tiennent compte des structures et des ressourcesactuelles.

    En somme, avec le souci d’utiliser au maximumles ressources et les structures actuelles, le Conseilprône, dans le cadre de la mission éducative desservices d’éducation des adultes des commissionsscolaires, certaines orientations suceptibles d’assurer et de soutenir le regroupement des personnes défavorisées et la concertation nécessaire desefforts de tous les intervenants en vue d’amorcerle relèvement de leur situation.

    I— Des personnes et des groupes défavorisés

    Les Québécois vivent dans l’abondance et connaissent un standard de vie élevé. Plusieursindicateurs économiques le confirment. Le produit intérieur brut en est un parmi les meilleurs.Cet indice mesure exactement la valeur marchande de tous les biens et services produits parles divers moyens de production. Il reflète leniveau de vie d’un pays. En 1980, le produitintérieur brut s’élevait à 11148 $ par habitantquébécois’. Ce résultat nous classe parmi les paysles plus riches du monde. Nous ne sommesdevancés à cet égard que par le Kuwait, la Suisse,

    1. Ministère de l’industrie, du commerce et du Tourisme,Aperçu de la situation dconomique du Québec, 1980.

  • 2 Conseil supérieur de l’éducation

    la Suède, le Danemark et la République fédéraleallemand&.

    Cependant, malgré des richesses abondantes,deux mondes cohabitent dans notre société. Ily ale monde de ceux qui possèdent l’argent ou quivivent dans le confort; il y a le monde de ceux quivivotent dans la misère ou dans la pauvreté, Lesassistés sociaux et les chômeurs appartiennent àcette dernière catégorie de personnes.

    Les assistés sociaux

    Au Québec, les assistés sociaux bénéficient deprestations qui leur procurent à peine une nourriture suffisante, des vêtements convenables etun logement habitable. Des milliers d’enfants etd’adultes sont ainsi privés de nécessités vitales.

    En novembre 1981, le Québec comptait 527 774bénéficiares de l’aide sociale3. Ce groupe comprenait 304 810 ménages répartis de façon inégaleselon les régions du Québec (voir l’annexe II). Laprestation moyenne versée à une personne seules’élevait à 244,07 $ par mois, ce qui faisait près de3 000 $ par année. Une famille recevait en novembre 1981 une aide moyenne mensuelle de449,75 $~, soit approximativement 5 500 $ parannée. On est loin du seuil d’imposition fixé à11 940 $ par contribuable québécois pour l’année l978~.

    Rappelons qu’en 1971, le Comité spécial duSénat sur la pauvreté émettait une opinion quiaurait dû faire agir tous les gouvernementsdepuis ce temps. En parlant des assistés sociaux,le rapport affirmait: ((C’est une vie caractériséepar la frustration et le découragement, une viemarquée par le sentiment de l’échec et, par

    2. Information tirée du rapport annuel de la Banque mondiale donnée dans un article du journal La Presse, le liaoût 1981.

    3. Bureau de la statistique du Québec, Centre d’informationet de documentation, 18février1982,

    4. Ministère du Revenu, Statistiques fiscales des particuliersdu Québec, Analyse des déclarations des revenus, doc, no413.33, p. 201.

    conséquent, par le désespoir et l’engourdissement5.»

    En 1974, le Conseil supérieur de l’éducationnotait que ((le sens des responsabilités des assistéssociaux est souvent assez faible, du fait que lesrégimes d’assistance en vigueur peuvent les conditionner et les inciter à demeurer attentistes, cequi amène alors ces ( à marcher sur leuramour-propre, leur dignité et à attendre. . .6».

    Les chômeurs

    Le chômage est une plaie sociale aux multiplescauses. Il est dû à la crise économique, à unepolitique de taux élevés d’intérêts, à la mortesaison, à la fermeture d’usines, à la faillite desentreprises, au décès du patron. . . Avec ladiminution de l’activité économique occasionnéeen partie par l’augmentation des taux d’intérêts,321 000 Québécois et Québécoises étaient sanstravail en novembre dernier. Certaines régionsétaient touchées plus gravement que d’autres(voir l’annexe II).

    Le chômage entraîne une perte annuelle derevenu et de production qui s’élêve à plusieursmilliards de dollars. Le système actuel de versement des allocations de chômage n’incite pas à larecherche d’un travail ni à l’exercice mêmetemporaire de quelque fonction rémunérée. Lesconséquences sociales sont encore plus désastreuses. Les personnes sans travail se démoralisent. Leurs familles connaissent des difficultésmorales et financières. Le coût social de tellessituations se traduit souvent par une recrudescence de la violence, des vols et des crimes.

    Une situation dramatique

    C’est donc dire qu’un million de citoyens duQuébec retirent une aide sociale de l’~tat. Ungrand nombre sont ainsi relégués aux échelons

    5. Rapport du comité spécial du Sénat sur la pauvreté, Lapauvreté au Canada, Information-Canada, 1971, p. Vttt.

    6. Conseil supérieur de l’éducation, L’éducation des adultesd4favorisés, Rapport annuel 1973-1974, p. 128.

  • Les services d’éducation des adultes, un espoir pour les personnes défavorisées 3

    inférieurs de la hiérarchie socio-économique. Ilscumulent souvent d’autres inégalités. Les distances géographiques, la faible scolarité, les difficultés familiales, les problèmes de santé, lesconditions d’habitation et le milieu social sontautant de facteurs qui se conjuguent pour rendreinvivable leur existence.

    Une étude réalisée par le Conseil de planificationet de développement du Québec décrit ainsi lesfaits entourant les conditions de vie de cescitoyens:

    ((Les pauvres donnent du travail à un certainnombre de travailleurs respectables (criminologues, policiers, psychologues, psychiatres,fonctionnaires, travailleurs sociaux. . .), etmoins respectables (prêteurs extorsionnaires,charlatans, professionnels de la drogue, ducrime, de la prostitution. . .). [. j Les pauvresont aussi souvent droit à des traitementsprofessionnels de qualité inférieure. Selonplusieurs auteurs, ils permettent de renforcerles normes sociales, car ils sont plus facilementattrapés et punis que les autres lorsqu’ilsdévient de ces normes. Ils offrent des satisfactions émotionnelles et des réconforts moraux aux mieux nantis: compassion, pitié,charité. Ils offrent des points d’appui dans lacomparaison des statuts sociaux et permettentà plusieurs de conserver leur équilibre mental.Ils assurent l’écoulement des produits usagés(automobiles, par exemple), de même que lalocation de taudis insalubres7.

    Ces propos décrivent bien l’état de vulnérabilitéde ces personnes et leur état permanent dedépendance.Aussi, on oublie que certains groupes de personnes ont des bdsoins encore plus aigus que d’autresparmi les plus démunis: jeunes adultes, femmes,personnes handicapées, personnes âgées, anal

    7. Conseil de planification et de développement du Québec,Les inégalités socio-économiques et le marché du travail,Annexes, collection Études et recherches, mai 1981, pp. 27et 28.

    phabètes et immigrants. Fort souvent d’ailleurs,nombre de ceux et de celles qui appartiennent àl’un de ces groupes font aussi partie d’un ou deplusieurs autres groupes de défavorisés.

    Les jeunes adultes

    Soulignons que 69 193 chefs de ménage bénéficiaires de l’aide sociale n’ont pas encore atteintl’âge de 25 ans. 67 880 chefs de ménage âgés de 25à 34 ans vivent de l’assistance social&. Autrement dit, 45% des ménages assistés appartiennent à unejeunesse incapable d’assurer sa subsistance et d’être productive.

    Les jeunes du Québec sont aussi fort affectés parla montée du chômage. 134 000 jeunes de 15 à 24ans sont sans travail, soit 18,9% de la populationactive de ce groupe. Ils comptent aussi pour41,8% du nombre total des chômeurs.9.

    Ce malaise déjà grave menace de se perpétuer. En1981, plus de 300 000 jeunes de 15 à 19 ans n’ontaucun diplôme d’études secondaires et n’en obtiendront pas à travers le système régulier d’enseignement’0. Sans la préparation nécessaire auxexigences nouvelles du travail, cette jeunesse estcondamnée à un combat inégal pour l’obtentiond’un emploi lucratif et nécessitera, pour une largepart, l’assistance sociale de l’~tat.

    Les femmes

    À l’école, au travail, dans les services sociaux etmédicaux, encore trop de femmes ne contrôlentpas les

  • 4 Conseil supérieur de éducation

    À l’école, les connaissances transmises aux enfants ont souvent pour effet de renforcer les rôlesstéréotypés. Il n’est pas étonnant de constaterque très peu d’entre eux sont motivés pouracquérir la formation nécessaire à une futureautonomie.

    Dans le monde du travail, les femmes se retrouvent nombreuses dans les emplois sous-payés et àtemps partiel, dans le travail de bureau, lecommerce et les services. Plusieurs sont exploitées en faisant par nécessité du travail à domicile.Les femmes sont parmi les premières victimes duchômage.

    Les femmes de 15 ans et plus constituent majoritairement la clientèle des services médicaux. Lefait ne s’explique pas uniquement par des facteurs d’ordre physiologique. D’importantes causes psychosociales entrent en ligne de compte. Latrès forte consommation de médicaments par lesfemmes est un indicateur supplémentaire desmalaises ressentis et renforce leur état de dépendance’~.

    Les personnes handicapées

    Les personnes handicapées connaissent des problèmes d’accès aux services. Les nombreusesmonographies parues à l’occasion de l’Annéeinternationale des personnes handicapées’2 démontrent leur volonté de ne pas être marginalisées. Les rencontres effectuées par la Commission de l’éducation des adultes confirment cetteconstatation.

    Les personnes handicapées ne demandent pasdes services exclusifs. Elle veulent une plusgrande facilité d’accès aux services réguliersofferts à tous et des moyens de s’organiser poursortir de leur isolement et exercer une plusgrande autonomie. Sans constituer une origina

    Il. Conseil du statut de la femme, Pour les Québécoises:égalité et indépendance, Québec, 1978 pp. 102 â 120.

    lité propre aux personnes handicapées, cettecaractéristique prend une importance particulière pour elles.

    Les personnes âgées

    Plusieurs caractéristiques liées à la situation despersonnes âgées nous amènent à considérer quebon nombre d’entre elles sont défavorisées’3. Unemobilité physique moins grande due aux effetsdu vieillissement rend difficile l’accès aux différents services sociaux.

    Souvent, les personnes âgées subissent de nombreux stress. Elles sont isolées parce qu’ellesperdent progressivement leurs amis, leur conjoint. Elles sont amenées à changer de milieu devie. Elles sont davantage préoccupées par l’idéede la mort et cherchent un sens à la dernière étapede leur vie.

    Une espèce de marginalisation résulte de la pertedu statut réservé à l’exercice d’un métier ou d’uneoccupation. Ces personnes se sentent alors inutiles et rejetées. Elles disposent de temps qui n’estrendu intéressant pour personne. Trop souvent,elles sont vouées à l’insécurité et à la pauvreté.

    Plusieurs personnes âgées veulent continuer dese développer; elles n’ont pas toujours eu lachance de poursuivre les études souhaitées. Ellesreprésentent un potentiel humain et social considérable si l’on prend la peine de favoriser leurdéveloppement.

    Les personnes analphabètes

    Il y a au Québec 316 325 adultes qu’on peutconsidérer comme analphabètes’4. L’Unesco définit ainsi les personnes analphabètes: «Toutepersonne à qui ses connaissances en lecture, en

    13. Ministère des Affaires sociales, Pour mieux vieillir auQuébec. document de consultation sur une politique dutroisième âge, Québec, juin 1980, 42p.

    14. Ministèredeliducation, D.O.E.A., Méditation circonstantielle à la campagne alphabétisation, par JeanPaul Hautecoeur, sans date, tableau I.

    12. Les conférences socio-économiques du Québec, L’intégration de la personne handicapée, Québec, 1982, 451p.

  • Les services d’éducation des adultes, un espoir pour les personnes défavorisées 5

    écriture et en calcul ne permettent pas de participer activement au travail et à la vie sociale.»Quelques exceptions confirment cette définitioncar certains analphabètes ont développé leurspropres moyens de communication,

    Les personnes analphabètes se perçoivent souvent marginales; elles ont développé des habitudes de fuite et de solitude. L’échec semble leurlot. La gêne, la peur du ridicule et l’anxiété leshabitent. Elles sont souvent dépendantes de leurconjoint ou de leurs enfants pour la moindretransaction.

    La lecture étant pratiquement nécessaire pourtout emploi, les personnes analphabètes se retrouvent dans des secteurs de travail non spécialisésou deviennent rapidement chômeurs ou assistéssociaux. En société, elles gardent silence plussouvent qu’à leur tour et elles évitent les occasions où elles seraient obligées de converser.

    Les immigrants

    Les immigrants de date récente éprouvent degrandes difficultés à s’intégrer dans la sociétéquébécoise, surtout s’ils ne maîtrisent pas l’unedes deux langues principales parlées au Québec.

    L’accès à un travail lucratif est le sort d’un petitnombre. Les nouveaux venus possèdent desqualifications que l’on ne reconnaît pas toujours.Un grand nombre d’immigrants sont utilisés augré des fluctuations du système économique.Travailleurs occasionnels, il sont trop souventcondamnés au rôle de chômeurs ou d’assistéssociaux.

    Des caractéristiques communes

    Pour les personnes défavorisées dont nous venons de parler, il devient souvent difficile derecourir aux différents mécanismes qui assurentle fonctionnement (dysfonctionnement serait enl’occurrence plus juste) de notre société. L’information leur fait souvent défaut pour diversesraisons.

    Bon nombre d’entre elles se voient renvoyer uneimage d’elles-mêmes fort négative et très dévalorisante et ce, en dépit de la simplicité et dudynamisme qui fort souvent les caractérisent.Les préjugés qu’entretient la société à leur égardsont persistants.

    Il n’est pas surprenant alors de retrouver chezcertaines d’entre elles fatalisme et attentisme,notamment lorsqu’elles ne peuvent compter surles ressources minimales qui leur permettraientde se prendre en main. Atteintes dans leur dignitéhumaine, ces personnes n’arrivent plus à s’ensortir. Or, certaines mesures éducatives, parmid’ailleurs les moins coûteuses du système d’éducation, peuvent justement, lorsque jointes àd’autres mesures de type social et de type économique, permettre aux plus démunis de s’insérerde façon active dans notre société. C’est l’objectifque nous poursuivons dans cette étude.

    II— Des intentions et des mesures poutiques

    Devant l’ampleur des difficultés socio-économiques et humaines qui touchent une largeproportion de la population du Québec, leConseil supérieur de l’éducation a voulu rechercher la contribution que le réseau scolaire pourrait apporter pour les contrer, du moins en partie.

    La situation des personnes et des groupes défavorisés était déjà alarmante au début des années70. Le Conseil supérieur de l’éducation consacrait alors deux avis au rôle que l’éducationpouvait jouer pour corriger les malaises constatés.

    Une première étude, publiée en juillet l97l’~,proposait des mesures pourl’éducationdesjeunesaccusant des déficiences et des retards dans leurformation. Dans cet avis, le Conseil traitait del’éducation des adultes, considérant qu’il seraitvain d’améliorer le sort des jeunes sans modifieren même temps leur environnement familial et

    15. Conseilsupérieurdel’éducation, L’éducation en milieuxd4favorisds. Rapport annuel 1970-1971, pp. 300-318.

  • 6 Conseil supérieur de l’éducation

    social. Il recommandait la création, â titre expérimental, de quelques «centres de jour» axés surdes programmes d’éducation de base et de culture populaire et il insistait sur l’urgence deréviser les modes habituels d’information afin derejoindre efficacement les adultes des milieuxmoins favorisés.

    En novembre 197316, le Conseil dressait untableau plus complet de la situation des adultesdéfavorisés et de leurs besoins de formation. Lespetits salariés, les assistés sociaux, les chômeurs,les analphabètes et les faiblement scolarisésfaisaient l’objet des préoccupations du Conseil.Des mesures spécifiques étaient suggérées pourque le système d’éducation réponde aux besoinséducatifs de cette clientèle.

    Le Conseil rappelait le dioit des adultes àl’éducation, particulièrement chez les personnesdéfavorisées. Il soulignait la nécessité d’un système intégré d’éducation des adultes. Il recommandait la coordination des mesures sociales,économiques et éducatives pour obtenir de réelsrésultats. Il suggérait l’établissement de mesureséducatives adaptées aux besoins qui peuventvarier sensiblement d’une région â une autre. Ilinsistait sur la promulgation de politiques d’éducation qui favorisent, dans les milieux scolaires,l’initiative et la créativité et, chez les individus, laprise en charge de leur éducation par l’intermédiaire des regroupements populaires.

    Les intentions du Ministère

    Depuis ce temps, le ministère de l’Éducation s’estdoté d’une politique d’intervention en milieudéfavorisé qui comporte des volets importants etindispensables pour les adultes. Cette politique,

    16. Conseilsupérieur de l’éducation, L’éducation des adultesdéfavorisés. Rapport annuel 1973-1974. pp. 109-159.

    intitulée L’école s’adapte àson mileu’7, poursuitun double objectif:

    a) promouvoir, par des services éducatifsappropriés, le développement et l’épanouissement des jeunes et des adultes de milieudéfavorisé;

    b) contribuer à leur promotion collective enparticipant â un effort intégré de luttecontre la pauvreté’8.

    Trois axes de développement sont priviligiéspour changer la situation:I) la lutte contre l’analphabétisme, 2) la formation préprofessionnelle et professionnelle desplus démunis et 3) la participation des parentsde milieu défavorisé à l’éducation de leurs enfants. On entend faire preuve de discriminationpositive envers les femmes défavorisées, principalement celles qui sont chefs de famille’9.

    Le Ministère confirme sa foi en l’animationcommunautaire en tant que «levier pour éliminerl’état de dépendance dans lequel sont confinéesles populations défavorisées et s’engage â accroître ses budgets pour étendre davantage cesservices éducatifs20».

    Le Ministère convient aussi de financer davantage l’éducation populaire et les organismesvolontaires d’éducation populaire qui s’adressentaux groupes les plus démunis en fonction de sestrois choix prioritaires21.

    Les orientations de la DGEA

    Dans ses orientations 1981-1982, la Directiongénérale de l’éducation des adultes du ministèrede l’Éducation avait retenu trois clientèles-ciblesprioritaires: les clientèles en difficultés sur le

    17. Ministère de l’Éducation, L’école s’adapte à son milieu,Énoncé de politique sur l’école en milieu économiquement faible, Québec, 1980, l34p.

    18. Ibid. p. 21.

    19. Ibid. p. 105.20. Ibid. p. 110.

    21. ibid. pp. IlOet III.

  • Les services d’éducation des adultes, un espoir pour les personnes défavorisées 7

    marché du travail, les analphabètes22 et lesclientèles de milieux économiquement faibles,Elle privilégiait alors des projets spéciaux dedéveloppement en formation socioculturelle23ainsi que des activités éducatives pour des clientèles regroupées ou pouvant potentiellement seregrouper, de préférence à des clientèles atomisées24,

    La DGEA voulait favoriser la démocratisationdes services éducatifs aux adultes25 ainsi que ladiversification et l’adaptation individuelle et collective des services éducatifs aux adultes26.

    Les coupures budgétaires

    Toutefois, ces orientations n’ont pas été supportées par des ressources financières pertinentes.L’éducation des adultes, plus que tout autresecteur éducatif, a été frappée par les coupuresbudgétaires.

    Dans les commissions scolaires, les collèges et lesorganismes populaires, les services ont dû êtreréduits considérablement, comme a pu le constater la Commission dans ses visites de diversesrégions du Québec. En certains milieux, il n’a pasété possible de soutenir les initiatives locales déjàen marche.

    Les activités non scolarisantes, c’est-à-dire l’accueil et la référence, l’éducation populaire etl’animation communautaire, ont subi les pertesles plus sérieuses. L’affaiblissement de la recherche pédagogique et de l’encadrement des formateurs n’a pas manqué d’affecter la qualité desinterventions éducatives. De nombreux lieux deservices ont été fermés et l’utilisation de locauxou de matériel technique a été considérablementréduite.

    Les clientèles de l’animation communautaire etde l’éducation populaire se concentrent parmi lescatégories de citoyens les plus pénalisés par lasituation socio-économique difficile que noustraversons. Dans les faits, des personnes nepeuvent plus s’inscrire, faute d’argent ou demoyen de transport, à des activités qui lesaideraient à mieux vivre. Des citoyens qui veulent s’associer pour prendre en main leurs destinées ne peuvent plus bénéficier du supportnécessaire accordé jadis par les services d’éducation des adultes. D’autres citoyens démunis nereçoivent plus les ressources nécessaires à labonne marche de leur regroupement. Il s’ensuitune aggravation de la situation de ces groupes etde ces individus qui devraient être aidés lespremiers. Différentes expériences avaient engendré des dynamismes sociaux intéressants maintenant compromis.

    Il ne s’agit pas ici de refaire le bilan des effets descoupures budgétaires sur les diverses clientèles; ila été suffisamment dressé. Mentionnons pourmémoire le dossier préparé par la Coalitionnationale contre les coupures en éducation desadultes27 et l’avis du Conseil sur le même sujet enmai 198128.

    Il importe davantage de constater que l’on atteintl’inverse de ce que l’on visait pour les individus etles groupes défavorisés. Les priorités décidéesofficiellement ont été abandonnées. Alors que lesétablissements scolaires commençaient à réalisertimidement des progrès pour diminuer les écartssociaux, on en arrive actuellement à restreindrel’accès aux services d’éducation des adultes auxpersonnes qui ont le plus besoin de formation.

    En fait, on a réduit considérablement les activitésqui coûtent le moins cher et qui rapportent le

    22. Ministère de l’~ducation, Orientations DGEA 19811984, Québec, décembre 1980, p. 23.

    Ibid. p. 32.Ibid. p- 33.

    25. Ibid. p. 49.26. Ibid. p. SI.

    27. La coalition nationales contre les coupures en éducationdes adultes Les coupures en éducation des adultes: undossier noir, sous l’instigation de l’t.C.E.A., octobre1981, 6lp.

    28. Conseil supérieur de l’éducation, Le gouvernement duQuébec sera-t-il le maitre d’oeuvre de l’éducation desadultes? Rapport annuel 1980-1981, pp. 99-112.

    23.

    24.

  • 8 Conseil supérieur de éducation

    plus au plan social. Qui osera parler d’économiequand augmenteront de façon lesdépenses supplémentaires requises en prestationset en services sociaux?

    Une volonté politique à traduire dans la réalité

    Le gouvernement et le ministère de l’~ducationn’ont pas réussi dans le secteur de l’éducation desadultes à traduire leurs intentions en actions. Cesintentions sont même contredites. Comment eneffet concilier les directives administratives duMEQ, qui ont pour effet de restreindre l’accès decertaines clientèles défavorisées à des servicesd’éducation et de formation, avec la politiquequ’il a mise de l’avant:

  • Les services d’éducation des adultes, un espoir pour les personnes défavorisées 9

    Rappelons que s’attaquer aux problèmes despersonnes démunies, par le biais d’actions ponctuelles et «compartimentées», ne saurait répondre adéquatement aux besoins de ces adultes etqu’il faut plutôt assurer des liens entre les actionsmenées par des intervenants qui relèvent desdiverses missions: ce sera là un des volets parmiles plus importants du mandat de la missionéducative. -

    Autrement dit, les actions socio-économiquesseules ne peuvent suffire. Il faut encouragermoralement et psychologiquement les personnesvisées pour qu’elles se prennent en main etréalisent des progrès personnels et sociaux. Dansplusieurs cas, grâce à des actions éducativesefficaces, des individus et des groupes trouverontle dynamisme suffisant pour résoudre leurs propres problèmes. Une ressource extérieure vasouvent aider à déclencher chez eux un processusde changement et les amener à recourir à desmoyens propices au développement de leursaptitudes, de leurs connaissances ou de leurshabiletés.

    Pour les uns, il s’agit de formation professionnelle accrue ou de formation générale à tempspartiel; pour d’autres, des activités socioculturelles adaptées leur permettront d’accéder à unecertaine autonomie et de reconquérir un certainpouvoir sur leurs conditions humaines, socialesou économiques.

    Le Conseil est convaincu que certaines activitéséducatives de base influencent largement le comportement individuel. Toute action éducative decette nature doit tenir compte de certaines caractéristiques propres aux personnes défavorisées:l’isolement, occasionné ne serait-ce que par l’impossibilité de se déplacer, le manque d’informations, les difficultés que doit affronter touteorganisation de services et qui sont, dans le casdes groupes défavorisés, amplifiées par le manque de ressources minimales et le manque d’appuis extérieurs.

    Il s’agit de lutter contre ces facteurs pour contribuer, d’un point de vue éducatif et humain, àl’amorce d’une amélioration des conditions devie de ces personnes, notamment en leur fournissant les moyens nécessaires qui leur permettront de s’en sortir fort souvent elles-mêmes.

    Des regroupements à susciter et à soutenir

    On ne saurait minimiser le dynamisme local quiorigine des organismes du milieu: communautéschrétiennes, comités de citoyens, groupes d’alphabétisation, C.L.S.C., organismes populaires, services des loisirs, chambres de commerce, regroupements de femmes, syndicats, coopératives.Ces mouvements ont comme stratégie de rassembler les personnes, première condition pourconstituer une force organisée. Certains de cesorganismes disposent de peu de moyens et réussissent des actions dignes de mention.

    Les réussites vécues en nombre de milieux nousincitent à croire que le regroupement de personnes démunies autour d’objectifs communs, tantéconomiques qu’éducatifs et culturels, constitueune base d’action nécessaire au développementdes milieux défavorisés.

    En effet, le regroupement de personnes défavorisées permet à des êtres humains isolés de mieuxs’insérer socialement, de pouvoir compter sur lesefforts des autres et de contribuer par leurspropres efforts à l’amélioration du tissu humainde leur milieu, tissu humain qui est loin d’êtredépourvu de richesses.

    Le mandat de regrouper

    Mais le regroupement ne se réalise pas facilement. Les hommes et les femmes qui vivent dansdes conditions sous-humaines se méfient, souvent à juste titre, de la société et de ses institutions. Une hostilité même s’exprime en certainsmilieux.

    Toutefois, le regroupement des personnes défavorisées ne s’accomplira pas sans l’action continue d’un organisme mandaté à cette fin. Comme

  • 10 Conseil supérieurde éducation

    une approche pédagogique particulière est nécessaire à la réussite de toute démarche de rassemblement et que diverses actions éducatives doivent à la fois être conçues et appliquées en yassociant les personnes défavorisées, il importede choisir un intervenant compétent et capablede susciter les regroupements désirés.

    Dans leurs consultations des trois dernièresannées, les membres de la Commission de l’éducation des adultes ont interrogé à ce sujet, dansdiverses régions, des centaines de représentantsd’organismes populaires. Ils ont observé que desservices d’éducation des adultes des commissionsscolaires avaient favorisé l’établissement et labonne marche d’un grand nombre d’associationsréunissant des personnes défavorisées. Ainsi, aucours de Pannée 1980-1981, ils ont aidé plus de600 groupes à travers le Québec et permis à prèsde 40 000 personnes de travailler à l’améliorationde leur sort (voir l’annexe III).

    Plusieurs services ont été à l’origine de la formation de groupes d’alphabétisation, de comités decitoyens, de coopératives d’habitation, deC.L.S.C., de garderies communautaires, d’organisations de loisirs, de groupes divers: Age d’or,Horizons nouveaux, Nouveaux départs. . . Desservices se sont même engagés dans des initiativesde développement économique régional.

    ~voquons ici concrètement quelques réalisationsparmi un très grand nombre où les servicesd’éducation des adultes des commissions scolairesont suscité ou soutenu de tels regroupements: leRéseau-Femmes de Charlevoix; le Carrefour desorganismes populaires, le garage coopératif et leC.L.S.C. de Charlesbourg; la Société pour l’amélioration du logement urbain du Saguenay; leComité d’éducation des adultes de la PetiteBourgogne de Montréal; le Comité multiethnique dans l’est de l’ue de Montréal; le Club desloisirs des personnes handicapées d’Alma; laMaison des femmes de Victoriaville, les coopératives d’habitation Le château et l’Associationdes parents uniques de Trois-Rivières; l’Association des préretraités de Louiseville; le Centre-

    femmes de Brossard; les Clubs de l’âge d’or deSaint-Ephrem et de la Guadeloupe dans laBeauce et la section de I’AFEAS de SaintGeorges; le Groupement populaire de Limoilou,les comités d’éducation populaire de l’AbitibiTémiscamingue; le programme Alpha-Portneuf;la radio communautaire du Pontiac et la garderiepopulaire Le Trait d’union de HuIl.

    Les membres de la Commission de l’éducation desadultes ont recherché d’autres intervenants quipourraient animer les personnes défavorisées detoutes les régions et de toutes les classes. Diversorganismes présentaient les garanties suffisantespour un milieu donné. Mais, si on cherche àidentifier un intervenant à l’échelle du Québec, latrès grande majorité des 79 services d’éducationdes adultes des commissions scolaires semblentaptes à assumer le mandat de susciter et defavoriser le regroupement des personnes défavorisées. Les commissions scolaires couvrenttout le territoire du Québec, elles peuvent disposer de moyens matériels importants et mettre àcontribution leur expertise sans occasionner dedédoublements. Une telle tâche s’inscrit d’ailleurs dans le prolongement de l’éducation populaire et de l’animation communautaire qui leuront été confiées, notamment par le programmeSEAPAC (Services éducatifs d’aide personnelleet d’animation communautaire) maintenant transformé et considérablement réduit quant à sesobjectifs.

    Il ressort de multiples expériences que les services d’éducation des adultes des commissionsscolaires ont su, dans nombre de milieux, assurerou supporter les regroupements souhaités. C’estpourquoi le Conseil croit que la très grandemajorité des services d’éducation des adultes descommissions scolaires sont capables de remplirce mandat. Toutefois, il ne s’agit pas- d’imposerici cet intervenant dans tous les milieux, notamment là où des organismes exercent déjà cetteresponsabilité, ou encore là où d’autres voudraient et pourraient le faire efficacement. Parailleurs, le Conseil se doit de souligner la nécessité de désigner un organisme qui facilitera le

  • Les services déducation des adultes, un espoir pour les personnes défavorisées 11

    regroupement des défavorisés pour éviter l’inaction, l’incohérence et le chevauchement danscertaines initiatives.

    Les exigences du regroupement

    Chaque fois que le mandat de regrouper despersonnes défavorisées leur sera imparti, lesservices d’éducation des adultes des commissionsscolaires devront consacrer des ressources humaines, matérielles et financières adéquates et suffisantes aux objectifs déterminés. Ils devrontaussi adopter des procédés appropriés pourapprocher et pénétrer les milieux visés.

    L’expérience acquise dans des projets d’animation communautaire les guide déjà vers des pistesà suivre. L’analyse des besoins sera facilitée parles observations déjà vécues. Les animateurs desservices devront agir très près des milieux où sevivent les problèmes. Avec une grande flexibilité,ils devront adopter des comportements qui n’occasionnent pas d’obstacles psychologiques ouculturels. À la recherche des leaders naturels dumilieu, ils devront apprendre à les soutenir dansleur travail de regroupement des personnes quiont le plus besoin d’aide.

    Avec les leaders, ils devront mettre en place desprocédés originaux qui dépassent les moyenstraditionnels pour inciter les personnes à formerdes groupes selon leurs besoins ou leurs intérêts,par exemple l’organisation de rencontres autourd’un thème: logement, chômage, situation de lafemme.

    Pour faciliter la bonne marche d’un projet, lesservices devront mettre gratuitement des locauxet des équipements au service des groupes défavorisés. Ils devront aussi rendre disponibles despersonnes-ressources et des formateurs prochesde la culture des milieux visés et formés à ce genred’intervention.

    Dans toutes leurs démarches, les services devrontdévelopper une approche pédagogique respectueuse des expériences, des façons et des désirsd’apprendre des personnes démunies. Un langage

    à leur portée et des services d’accueil compréhensifs briseront la réticence des personnes face ausystème scolaire qui, pour elles, symbolise souvent l’échec.

    Pour susciter les regroupements et contribuer àleur consolidation, les services d’éducation desadultes pourront aussi tirer profit d’une pédagogie coopérative, comme le Conseil en développait la nécessité pour les groupes populaires dansun récent avis: «La pédagogie coopérative permetsurtout aux individus de prendre davantageconscience des problèmes sociaux et économiques auxquels est confronté leur groupe d’appartenance. Elle développe chez eux le désir des’informer,\ de réfléchir et d’agir. En somme, lapédagogie coopérative représente une dimensionde l’éducation permanente à privilégier32.»

    En termes éducatifs, les objectifs visés par lesregroupements des défavorisés s’inscrivent dansle cadre de la promotion individuelle et collectivepar l’action. Les individus prennent consciencede leur situation et de leurs besoins. Ils retrouvent confiance en eux-mêmes. Ils assument davantage leur responsabilités familiales et sociales.

    L’indispensable concertation

    Compte tenu de certaines expériences réalisées etqui s’avèrent heureuses, le Conseil est d’avis queles services d’éducation des adultes des commissions scolaires peuvent aussi agir comme agentsde concertation auprès de certains groupes d’adultes qui ont déjà réalisé que le fait de se regrouperpourrait leur permettre d’améliorer leur sort etauprès des différents intervenants qui travaillentau relèvement des personnes et des groupesdéfavorisés. Ces derniers ont beaucoup de difficulté à obtenir les informations pertinentes et ilsse retrouvent difficilement dans cette multitudede services qui se chevauchent. Des activités fortintéressantes demeurent alors inconnues.

    32. Conseil supérieur de l’éducation, L’éducation à la coopération, un modèle de développement en éducationpopulaire, avis au ministre de l’Éducation, janvier 1982.

  • 12 Conseil supérieur de l’éducation

    Le manque de cohésion dans l’action menée pardifférents organismes populaires et par les établissements publics (C.L.S.C., commissions scolaires, municipalités, OVEP, D.S.C. . . .) fait bienressortir la nécessité d’assurer une concertationdes intervenants dans leurs efforts et dans leursactions. Cette cohésion fait défaut plus souventqu’autrement. Il est essentiel que l’on apprenne àtravailler ensemble. L’action concertée augmentera l’efficacité des interventions. Dans les milieux défavorisés plus que dans les autres, on nepeut se permettre de ne pas profiter en communde ce qui est accessible, compte tenu des ressources limitées.

    C’est en ce sens que sans vouloir restreindre lesresponsabilités des établissements et des organismes autres que scolaires, mais par soucid’utiliser au maximum les structures actuelles, leConseil recommande que les services d’éducationdes adultes des commissions scolaires exercentun rôle de concertation auprès des organismes dumilieu qui travaillent au relèvement des personnes défavorisées.

    Dans l’esprit du Conseil, il ne s’agit pas ici deconfier aux services d’éducation des adultes descommissions scolaires un rôle de coordinationentre les organismes, ce qui supposerait uncertain dirigisme ou une appropriation des initiatives. Il s’agit plutôt de faire en sorte que danschaque région les différents intervenants et lesdifférents groupes puissent se réunir sur une basepermanente pour bien identifier les problèmesqu’ils rencontrent, faire naître une motivationpour une action commune et enfin, pour assurerla complémentarité des services qu’ils se sontdonnés.

    Tout en souhaitant voir confier un tel mandataux services d’éducation des adultes des commissions scolaires, le Conseil estime que ce mandatne saurait toutefois s’exercer d’une façon uniforme d’un milieu à un autre. Dans certainsmilieux, d’autres organismes pourraient le faireavec les moyens appropriés. Le Conseil croitcomprendre par ailleurs que, dans la majorité des

    milieux, confier une telle tâche aux servicesd’éducation des adultes ne poserait pas problème. Nombre de réalisations en ce sens dansdiverses régions du Québec en font foi.

    Les exigences de la concertation

    Diverses conditions sont cependant nécessaires àl’exercice de ce rôle de concertation régionale.Les services d’éducation des adultes des commissions scolaires devront recevoir les ressourcesnécessaires pour exercer ce rôle. En tout temps,ils devront respecter l’autonomie des organismes, qu’ils aient été formés spontanément, pard’autres organismes ou par leur inititiative. Faceà une action à entreprendre, les services exerceront tantôt le rôle de promoteur, tantôt celui departicipant dans cette concertation. Les servicestiendront enfin à jour une banque de ressourceshumaines, incluant par exemple les diversescatégories de personnel mis en disponibilité dansles réseaux de l’éducation et des affaires socialesou encore un centre permanent de référence.

    Il convient de dire ici qu’il ne s’agit pas d’accroître le mandat ni d’élargir «l’empire» de la missionéducative par le biais des services d’éducation desadultes des commissions scolaires, mais biend’assurer la concertation nécessaire chez tousceux qui travaillent à assurer le relèvement desmilieux défavorisés par des actions diversifiées etpertinentes à chaque groupe et à chaque région.De telles actions pourront prendre alors le visagede «l’Opération Dignité» ou encore celui des

  • Les services d’éducation des adultes, un espoir pour les personnes défavorisées 13

    puissent se regrouper pour sortir de leur isolement, avoir accès aux services d’éducation etpouvoir ainsi par la suite mieux concerter leursactions et celles des organismes auxquels ilsadhèrent. Ce regroupement et cette concertationne pourront être possibles sans l’action d’unorganisme qui soit mandaté à cet effet. LeConseil est d’avis qu’on ne saurait en imposer unqui soit le même dans toutes les régions duQuébec. Toutefois, il estime que les servicesd’éducation des adultes des commissions scolairessoient en mesure, compte tenu des expériencesqu’ils ont déjà réalisées, d’assumer ces mandatsdans un grand nombre de régions.

    En visant une utilisation plus rentable des structures scolaires existantes, le Conseil est conscientdes défis posés aux services d’éducation desadultes des commissions scolaires. Ils devront sedonner les modes d’approche appropriés pourréaliser le mandat d’animation communautairedans les milieux défavorisés et auprès de certainesclientèles-cibles. Ils devront aussi exercer un rôlede leadership dans l’établissement d’une concertation des activités d’éducation et de formationauprès des mêmes milieux.

    En favorisant le regroupement des personnesdéfavorisées et en soutenant les démarches desgroupes populaires, les services d’éducation desadultes rempliront un aspect de leur missionsociale: «Travailler au relèvement des conditionsde vie des masses populaires en permettant àceux qui en font partie d’accéder à des serviceséducatifs qui répondent à leurs besoins est un pasvers une meilleure égalisation des chances sociales33.»

    Les regroupements des défavorisés et la concertation recommandée constituent le début d’unprocessus de relèvement qui demeurerait trèsaléatoire s’il n’était accompagné d’une politiqueglobale de développement. Un plan d’ensembledoit comporter des objectifs définis et des étapes

    33. Conseil supérieur de l’éducation, La fonction sociale del’institution scolaire, Rapport annuel 19804981, tomeIl, p. 66

    précises de réalisation, avec toutes les ressourcesfinancières humaines indispensables à l’accomplissement d’un véritable programme de restauration sociale. C’est dans cette perspective que leConseil formule les recommandations qui suivent.

    RECOMMANDATIONS

    Le Conseil recommande au ministre de l’~ducation:

    1. L’application sans délai de la politique d’intervention en milieu défavorisé qu’il a rendueofficielle en 1980.

    2. Que les services d’éducation des adultes descommissions scolaires puissent exercer unmandat renforcé d’animation communautaire et sociale dans les milieux défavorisés etauprès de certaines clientèles-cibles, dans lebut de susciter et de soutenir des regroupements populaires qui soient le résultatd’une volonté commune des personnes et desgroupes d’améliorer leurs conditions économiques, éducatives et culturelles.

    3. Que ce mandat soit exercé prioritairementauprès des assistés sociaux, des chômeurs etauprès des plus démunis parmi les jeunesadultes, les femmes, les personnes handicapées, les personnes âgées, les personnesanalphabètes et les immigrants.

    4. Qu’après accord avec les organismes et lesgroupes concernés, les services d’éducationdes adultes des commissions scolaires puissent exercer le mandat d’assurer la concertation régionale nécessaire entre les groupements populaires et les organismes qui oeuvrent à l’amélioration des conditions de viedes personnes défavorisées.

    5. Que les services d’éducation des adultes descommissions scolaires bénéficient des ressources nécessaires pour remplir ces mandats, conformément à leur mission socialeauprès des populations les plus démunies,

  • 14 Conseil supérieur de l’éducation

    c’est-à-dire d’un nombre suffisant d’animateurs, de formateurs et de conseillers pédagogiques pour assurer le fonctionnementefficace d’un service d’accueil et de reférenceet de lieux de services dans les milieux ainsique des ressources matérielles indispensablesà ces démarches pédagogiques particulières.

    ANNEXE I

    Les consultations

    Personnes ou groupes rencontrés cette année parles membres de la Commission de l’éducation desadultes dans le cadre de ce dossier:

    Dans la région de Huit, des représentants

    du Comité régional de l’éducation des adultes del’Outaouais

    de la maison Unies-Vers-Femmesde la Table ronde des OVEP de I’Outaouaisde l’Académie de gérontologieet des usagers de services d’éducation des adultes

    de commissions scolaires et de collèges.

    Dans la région de Montréal, des représentants

    du Comité d’éducation des adultes de la PetiteBourgogne

    du service d’éducation des adultes de la C.S.Jérôme-Le-Royer

    du Regroupement des groupes populaires enalphabétisation.

    Dans la région de Trois-Rivières, des représentants

    du service d’éducation des adultes de la C.S.R.des Vieilles-Forges

    des comités de citoyens du quartier Hertel et duquartier Adélard-Dugré

    du Comité régional de I’AFEAS de la Mauriciedu Centre de santé des femmes de la Mauriciede la maison de l’Avenue Aet des animateurs communautaires

    des formatrices auprès de personnes analphabèteset de personnes handicapées,

    Au cours des deux années précédentes, la Commission de l’éducation des adultes a tenu desconsultations sur l’éducation populaire et l’animation communautaire dans les régions de Québec, Sherbrooke, Aima, Victoriaville et SaintGeo rges-d e-B eauce.

  • Les services d’éducation des adultes, un espoir pour les personnes défavorisées 15

    ANNEXE II

    Répartition des ménages, en novembre 1981, selon la région socio-sanitaire

    régions ménagesassisté&

    Bas-Saint-Laurent, Gaspésie 17 061Saguenay, Lac-Saint-Jean 17 881Québec 51 362Trois-Rivières 25 067Cantons de l’Est 12 277Montréal 150 172Outaouais 16 056Nord-Ouest 7 717Côte-Nord, Nouveau-Québec 7 217

    Total des ménages assistés 304 810

    Répartition des chômeurs, en novembre 1981, selon la région économique2

    régions chômeurs taux (%) populationen 000 de chômage active 000

    Bas-Saint-Laurent,Gaspésie 15 18,1 81

    Saguenay, Lac-Saint-Jean 13 11,4 I 15Québec 55 11,8 464Trois-Rivières 23 12,8 182Cantons de l’Est 12 11,9 98Montréal 167 9,6 I 743Outaouais 11 9,4 121Nord-Ouest 15 22,8 66Côte-Nord,

    Nouveau-Québec 9 18,7 50

    Total 320 10,9 2 920Total réel 321 11,3 2 936

    La somme des données ne correspond pas au total réel, vu l’arrondissement des nombres

    I. Ministère des Affaires sociales, Bureau de la statistique du Québec, fichier intégré de raide sociale, février 1982.

    2. Ministère du Travail, de la Main-d’oeuvre et de la Sécurité du revenu, Le marché du travail, Centre de recherche et destatistiques sur le marché du travail, janvier 1982, vol. 3 n0 I.

  • 16 Conseil supérieur de l’éducation

    Total provincial 649 13367 33,6 26 350 66,3 39717

    ANNEXE III

    ANALYSE DES FICHES D’ANIMATION COMMUNAUTAIREET DE SUPPORT À L’ACTION COMMUNAUTAIRE

    1980-198 1

    Type Nombre Nombre de membresGroupe Homme % Femme % Total

    I Mono-parentaux 20 120 10,3 1 040 89,6 1 1602 Personnes âgées 40 1 134 37,5 1 889 62.4 3 0233 Habitation-logement 31 1 077 43,4 I 401 56,5 2 4784 Cond. féminine lOI 79 1,2 6 304 98,7 6 3835 Comités d’école 61 1 014 37,4 1 694 62,5 2 7086 Garderies 27 158 24,0 498 75,9 6567 Famille 10 197 51,8 183 48,1 3808 Économie travail 26 649 64,3 359 35,6 1 0089 Action cuit. et loisirs 65 395 13,7 2 474 86,2 2 869

    10 Handicapés 50 853 47,4 943 52,5 1 79611 Consommateurs 19 414 44,6 514 55,3 92812 Comités citoyens et env. 26 1 426 49,1 1 477 50,8 2 90313 Tables rondes de groupe pop. 29 569 36,6 983 63,3 1 55214 Agriculteurs 10 312 96,2 12 3,7 32415 Média communautaires 21 3 707 49,9 3 710 50,0 7 41716 Bénévoles 17 103 19,7 418 80,2 52117 Assistés sociaux 6 36 10,9 294 89,0 33018 Analphabètes 12 114 44,5 142 55,4 25619 Détenus, ex-dét. et

    délinquants 2 8 61,5 5 38,4 1320 Communautés ethniques 3 218 55,1 177 44,8 39521 Alcooliques 5 131 46,2 152 53,7 28322 Mouvements religieux 3 6 25,0 18 75,0 2423 Lesjeunes 10 73 22,9 245 77,0 31824 Santé communautaire 9 104 17,7 481 82,2 58525 Comités d’éduc. des adultes 24 101 22,3 351 77,6 45226 Divers 22 369 38,6 586 61,3 955

    MEQ, D.G.E.A., Extrade du système informatique, 3 novembre 1981.

  • MEMBRES DE LACOMMISSION DEL’ÉDUCATION DESADULTES

    Président de la Commission Claude JUTRASRosaire MORIN Directeur généralDirecteur Assôciation des fabricantsConseil d’expansion de meubles du Québec inc.économique Calixa-Lavallée (Verchères)Montréal

    Liliane LABELLEVice-président dela Commission Conseillère pédagogiqueGérard-A. PELLETIER MontréalDirecteurService d’accueil Yolande LAVIOLETTEUniversité Lavai Professeur en techniquesSainte-Foy administratives

    Collège MontmorencyRaymond BOLLA RosemontDirecteurService de l’éducation ~MONIERdes adultes ÉducatriceC.S. de Lakeshore & Syndicat canadien de laBaldwin-Cartier fonction publique (SCFP)Beaconsfield Montréal

    Charies-Henri BOUCHER Madeleine PRÉCLAIREDirecteur ProfesseurService de l’éducation Collège Jean-de-Brébeufdes adultes MontréalC.S.R. de la Chaudière Jacques PROULXBeauceville-est Professeur

    Jean-Marc BOURGEOIS Département deAdministrateur délégué psychologieBibliothèque centrale Université de SherbrookeSaguenay-Lac St-Jean VictoriavilieAIma Colette RACICOT

    Lise D. BROUILLETTE Directrice de centreDirectrice de centre éducatiféducatif C.S.R. de ChamblyC.S.R. des Vieilles—Forges BrossardTrois-Riviêres Jean-Pierre LAMOUREUX

    André HUBERT Coordonnateur de laOrganisateur communautaire CommissionCentre local de servicecommunautaire Joli-MontJoliette

  • Les services d’éducation des adultes, unespoir pour les personnes défavoriséesCSE.E3S9A8/310 1982 QC6E

  • CONSEIL SUPÉRIEURDE L’ÉDUCATION

    Président Joan FITZPATRICK Jeannine SA VOIEClaude BENJAMIN Conseillère pour les milieux Professeur au Département deVice-président défavorisés à la Commission des français à l’Université duLucien ROSSAERT écoles protestantes du Québec à Trois-RivièresSecrétaire général et directeur Grand Montréal Trois-Rivièresdes services aux étudiants à la Montréal Marcel TRAHANCommission scolaire Richelieu Henri GER VAIS Juge au Tribunal de laValley Technicien en laboratoire de Jeunesse, district de MontréalMont-Saint-Hilaire photographie à Radio-Canada Montréal

    Membres Brossard Monique VÉZINA-PARENTLucien BEAUCHAMP Peter KRAUSE Pésidente de la FédérationPrésident du Comité catholique Directeur du personnel de la des caisses populairesJules BÉLANGER Commission scolaire Lakeshore Desjardins duProfesseur de français au Huntingdon Bas-Saint-Laurentcollège de la Gaspésie Fernande LANDRY RimouskiGaspé Professeur à l’école Secrétaire conjointRaymond BERNIER Notre-Dame-du-Sacré-Coeur Raymond PARÉGérant des ventes et responsable Saint-Paul-de-Joliettede la mise en marché du Groupe Alain LARAMÉESamson Chargé de cours enBeauport communications àChristiane BÉRTJBÈ-GAGNÉ l’université du QuébecPrésidente de l’Association ~ Montréal et àféminine d’éducation et d’action l’Université de Montréalsociale MontréalRimouski Rosaire MORIN

    Directeur du ConseilMax CHANCY d’expansion économiqueProfesseur de philosophie au Montréalcollège Édouard-MontpetitLongueuil Jocelyne POIRIER-BOILEAU

    Présidente d’un comitéHélène CHÉNIERDirectrice de l’école de parents à laCommission scolaire régionaleÉmile-Nelligan à la CECM de ChamblyMontréal LongueuilMichel CHOKRONProfesseur à l’École des Ann ROBINSONProfesseur de droit civilhautes études commerciales à l’Université LavaiMontréal fIe d’OrléansPatricin CROSSLEY Claude ROCHONPrésidente du Secrétaire général de laComité protestant Commission scolaire régiônaleCiaude DUCHARME CarignanDirecteur des Travailleurs-unis Tracyde l’automobileMontréal

  • Édité par la Direction des communications du Conseil supérieur de l’éducation 50-310

    TABLE DES MATIÈRESINTRODUCTIONI— Des personnes et des groupes défavorisésII— Des intentions et des mesures politiquesIII— Regroupement et concertation

    CONCLUSIONRECOMMANDATIONSANNEXE I - Les consultationsANNEXE II - Tableaux sur la répartion des ménages et des chômeursANNEXE III - Analyse des fiches d'animation communautaire et de support à l'action communautaire 1980-1981