5
34 pratique suivi officinal Actualités pharmaceutiques n° 519 Octobre 2012 Facteur de risque majeur des maladies cardiovasculaires, l’hypercholestérolémie est en constante augmentation dans nos pays industrialisés. Le pharmacien a pour rôle d’accompagner le patient dans sa prise en charge, qu’elle soit nutritionnelle ou thérapeutique. L e cholestérol intervient directe- ment dans la formation de la pla- que d’athérome. Sa surveillance et sa prise en charge restent primordiales, même chez l’adulte jeune. Expliquer brièvement la pathologie au patient Le cholestérol, les triglycérides, les phospholipides et les acides gras libres sont les principaux lipides circulant dans l’organisme. Origine du cholestérol Les lipides, dont le cholestérol fait partie, sont une famille de molécules hydrophobes, c’est-à-dire insolubles dans les milieux biologiques aqueux. Ils sont transportés à travers les différents compartiments de l’organisme dans des macromolécules appelées lipoprotéines. En fonction de leur densité, on distingue les chylomicrons, les lipoprotéines à très basse densité (VLDL), les lipoprotéines à basse densité (LDL) et les lipoprotéines à haute densité (HDL). L’intestin permet l’absorption des lipides alimentaires et leur intégration dans les lipoprotéines de grande taille, les chylomi- crons. Le foie, quant à lui, est l’organe de gestion du métabolisme et du transport des lipides dans l’organisme. Le cholestérol provient, d’une part, de l’alimentation, qui est à l’origine d’environ un tiers des apports journa- liers, et, d’autre part, mais surtout, de la biosynthèse. Il participe à la fabrication des cellules, à la production des sels biliaires, à celle des hormones stéroïdes et permet, notamment, la synthèse de la vitamine D dans l’organisme. Les LDL favorisent les dépôts de cho- lestérol sur les parois artérielles, en parti- culier celles des coronaires, entraînant la réduction du calibre des artères par forma- tion de plaque d’athérome, la diminution de la circulation sanguine et la formation de caillots pouvant être responsables de thromboses. Caractéristiques du cholestérol Le taux de cholestérol dépend à la fois de sa synthèse, de son transport et de son catabolisme. Sa synthèse est contrôlée par l’enzyme-clé HMG-CoA réductase. Son absorption digestive dépend des acides gras et des sels biliaires présents dans le tube digestif. Le transport du cholestérol est assuré par les lipoprotéines. Les LDL le transpor- tent du sang vers les cellules des tissus périphériques et les HDL le recaptent au niveau de ces cellules pour le rapporter au foie. Son catabolisme est contrôlé par l’enzyme-clé de la transformation du cholestérol en acides biliaires : la 7-alpha hydroxylase. Indices du cholestérol Les dyslipidémies regroupent l’hyper- cholestérolémie isolée, l’hypertriglycéri- démie isolée, l’hypercholestérolémie mixte (c’est-à-dire l’association d’hypercholes- térolémie et d’hypertriglycéridémie). L’hypercholestérolémie se définit par un LDL cholestérol (LDLc) > 4,1 mmol/L ou 1,6 g/L. En 2006-2007, les dyslipidémies concernaient 48 % de la population adulte française âgée de 35 à 64 ans. La préva- lence de l’hypercholestérolémie était alors de 36,9 %. Les objectifs dépendent du nombre de facteurs de risque associés : – aucun facteur de risque, LDLc < 2,2 g/L ; – un facteur de risque, LDLc < 1,90 g/L ; – deux facteurs de risque, LDLc < 1,60 g/L ; – au-delà de deux facteurs de risque, LDLc < 1,30 g/L. Le taux de LDLc devra être < 1 g/L dès lors que les patients : – ont des antécédents de maladie coro- naire ou vasculaire avérée ; © Fotolia.com/Patrick J. Conseils à un patient atteint d’ hypercholestérolémie

Conseils à un patient atteint d’hypercholestérolémie

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Conseils à un patient atteint d’hypercholestérolémie

34pratique

suivi offi cinal

Actualités pharmaceutiques n° 519 Octobre 2012

Facteur de risque majeur

des maladies cardiovasculaires,

l’hypercholestérolémie est

en constante augmentation

dans nos pays industrialisés.

Le pharmacien a pour rôle

d’accompagner le patient dans

sa prise en charge, qu’elle soit

nutritionnelle ou thérapeutique.

Le cholestérol intervient directe-ment dans la formation de la pla-que d’athérome. Sa surveillance et

sa prise en charge restent primordiales, même chez l’adulte jeune.

Expliquer brièvement la pathologie au patientLe cholestérol, les triglycérides, les phospho lipides et les acides gras libres sont les principaux lipides circulant dans l’organisme.

Origine du cholestérol

Les lipides, dont le cholestérol fait partie, sont une famille de molécules hydrophobes, c’est-à-dire insolubles dans les milieux biologiques aqueux. Ils sont transportés à travers les différents compar timents de l’organisme dans des macromolécules appelées lipoprotéines. En fonction de leur densité, on distingue les chylomicrons, les lipoprotéines à très basse densité (VLDL), les lipoprotéines à basse densité (LDL) et les lipoprotéines à haute densité (HDL).L’intestin permet l’absorption des lipides alimentaires et leur intégration dans les lipoprotéines de grande taille, les chylomi-crons. Le foie, quant à lui, est l’organe de gestion du métabolisme et du transport des lipides dans l’organisme. Le cholestérol provient, d’une part,

de l’alimentation, qui est à l’origine d’environ un tiers des apports journa-liers, et, d’autre part, mais surtout, de la biosynthèse. Il participe à la fabrication des cellules, à la production des sels

biliaires, à celle des hormones stéroïdes et permet, notamment, la synthèse de la vitamine D dans l’organisme. Les LDL favorisent les dépôts de cho-

lestérol sur les parois artérielles, en parti-culier celles des coronaires, entraînant la réduction du calibre des artères par forma-tion de plaque d’athérome, la diminution de la circulation sanguine et la formation de caillots pouvant être responsables de thromboses.

Caractéristiques du cholestérol

Le taux de cholestérol dépend à la fois de sa synthèse, de son transport et de son catabolisme. Sa synthèse est contrôlée par l’enzyme-clé HMG-CoA réductase. Son absorption digestive dépend des acides gras et des sels biliaires présents dans le tube digestif.Le transport du cholestérol est assuré par les lipoprotéines. Les LDL le transpor-tent du sang vers les cellules des tissus périphériques et les HDL le recaptent au niveau de ces cellules pour le rapporter au foie. Son catabolisme est contrôlé par l’enzyme-clé de la transformation du

cholestérol en acides biliaires : la 7-alpha hydroxylase.

Indices du cholestérol

Les dyslipidémies regroupent l’hyper-cholestérolémie isolée, l’hypertriglycéri-démie isolée, l’hypercholestérolémie mixte (c’est-à-dire l’association d’hypercholes-térolémie et d’hypertriglycéridémie).L’hypercholestérolémie se défi nit par un LDL cholestérol (LDLc) > 4,1 mmol/L ou 1,6 g/L. En 2006-2007, les dyslipidémies concernaient 48 % de la population adulte française âgée de 35 à 64 ans. La préva-lence de l’hypercholestérolémie était alors de 36,9 %. Les objectifs dépendent du nombre de

facteurs de risque associés :– aucun facteur de risque, LDLc < 2,2 g/L ;– un facteur de risque, LDLc < 1,90 g/L ;– deux facteurs de risque, LDLc < 1,60 g/L ;– au-delà de deux facteurs de risque, LDLc < 1,30 g/L.Le taux de LDLc devra être < 1 g/L dès lors que les patients :– ont des antécédents de maladie coro-naire ou vasculaire avérée ;

© F

otol

ia.c

om/P

atric

k J.

Conseils à un patient atteint d’hypercholestérolémie

Page 2: Conseils à un patient atteint d’hypercholestérolémie

35 pratique

suivi officinal

Actualités pharmaceutiques n° 519 Octobre 2012

– souffrent d’un diabète de type II sans antécédent vasculaire mais à haut risque cardiovasculaire ;– présentent un risque supérieur à 20 % de faire un événement coronarien dans les dix ans (risque calculé à partir d’une équation de risque).

Décrire les facteurs de risqueCertains facteurs aggravants nécessitent une surveillance spécifique. Les antécédents familiaux doivent

être pris en compte lorsque les hyper-cholestérolémies sont dues à un défaut des récepteurs cellulaires des LDL, qui entraîne l’accumulation de ces dernières dans le sang et les parois artérielles. L’âge est également significatif puis-

que le taux de LDLc est plus élevé après 50 ans pour les hommes et après 60 ans pour les femmes. En effet, après la méno-pause, le taux d’hormones estrogéniques diminue, contribuant ainsi à l’augmenta-tion du taux de cholestérol. Le sexe doit aussi être considéré

puisque les hommes sont plus souvent sujets à l’hypercholestérolémie que les femmes. Le diabète de type II représente une

cause de dyslipidémie, mais aussi un facteur de majoration de risque cardio-vasculaire. L’apport élevé en acides gras satu-

rés ou trans, de même qu’en cholestérol d’origine alimentaire est à risque. La surcharge pondérale doit aussi être

prise en considération car une personne ayant un indice de masse corpo relle (IMC) > 30 est plus exposée à l’hyper-cholestérolémie. Le manque d’exercice physique peut

favoriser les dyslipidémies. Le tabagisme, actuel ou arrêté depuis

moins de 3 ans, accroît le risque d’hyper-cholestérolémie car il altère les parois des artères et provoque une accumulation des lipides. L’hypertension artérielle, traitée ou

non, doit aussi être surveillée en cas de soupçon d’hypercholestérolémie. À l’inverse, un taux d’HDLc > 0,60 g/L

est considéré comme un facteur protecteur.

Rappeler certaines règles hygiéno-diététiques primordialesAvant tout traitement pharmacologique, une prise en charge diététique optimale est obligatoire. En effet, une alimentation équilibrée et la pratique d’une activité physique régulière permettent, dans de nombreux cas, d’éviter le recours à un traitement médicamenteux.

Les apports à réduire

Une réduction des apports exogènes

en cholestérol (< 300 mg/jour) est pri-mordiale. Pour ce faire, il est important de limiter la consommation d’abats comme la cervelle crue ou cuite, les rognons, les tripes, les ris de veau, les jaunes d’œufs (maximum deux par semaine), le foie gras, le beurre ou le fromage. La diminution de la consommation

d’aliments riches en acides gras satu-

rés contribue également à réduire le taux de cholestérol dans le sang. Il s’agit essen-tiellement de graisses animales comme le beurre, la crème fraîche, le lait entier, les charcuteries et les viandes grasses. Il est recommandé de remplacer le beurre par des huiles végétales (mono- et polyinsatu-rées), par des margarines “molles” ou par des produits enrichis en stérols végétaux. Il est également préconisé de limiter la consommation de produits laitiers riches en graisses. La consommation d’acides gras trans,

produits par hydrogénation des acides gras polyinsaturés (AGPI), doit également être limitée. Les AGPI sont présents dans la margarine dure, les frites, les beignets, les biscuits, les céréales, les brioches ou encore les gâteaux.

Les apports à privilégier

Les aliments riches en acides gras

poly insaturés essentiels doivent, au contraire, être privilégiés. On distingue les oméga 3, en particulier l’acide alpha-linolénique présent dans les poissons gras comme les maquereaux, les sardines, les thons, les saumons ou les flétans, ainsi que dans l’huile de colza et les oméga 6, en particulier l’acide linoléique présent dans l’huile de tournesol. Les huiles de poissons provenant des mers froides,

riches en acides gras docosahexaénoïque (DHA) et icosapentaénoïque (EPA) ont des propriétés hypotriglycéridémiantes et, à moindre degré, diminuent le LDLc. Ces acides gras entraînent également une baisse de la pression artérielle, diminuent la survenue d’arythmie et améliorent l’hémo stase. Une consommation régulière de poisson (2 à 3 fois par semaine) est donc recommandée. Les apports en acides gras mono-

insaturés d’origine végétale, comme l’acide oléique présent dans l’huile d’olive, l’huile de noisette, l’huile de pépins de raisin, les arachides, les amandes, les noix ou encore les avocats, doivent être augmentés. Les esters de cholestérol d’origine

végétale présents dans certaines mar-garines enrichies ou des laitages doivent être privilégiés. Les aliments à base de protéines de

soja peuvent être conseillés : fromages, tofu, laitages ou sauce soja. La consommation de fibres et de

micronutriments naturellement présents dans les fruits, les légumes et les produits céréaliers doit également être accrue.

En complément

Une activité physique d’intensité

modérée d’une trentaine de minutes trois fois par semaine est recommandée : marche, vélo, natation…

Hypercholestérolémie, les questions à poser au comptoir

Avez-vous réalisé récemment un bilan

lipidique ? Si oui à quand remonte-t-il ?

Quelles sont les valeurs ?

Pouvez-vous décrire rapidement votre régime

alimentaire ? Connaissez-vous les principaux

aliments à privilégier et ceux à éviter ?

Ressentez-vous des douleurs musculaires

pendant votre traitement ?

Avez-vous d’autres facteurs de risque

cardiovasculaire comme l’hypertension artérielle,

le diabète, une surcharge pondérale ou autre ?

Avez-vous des antécédents familiaux

d’hypercholestérolémie ?

Page 3: Conseils à un patient atteint d’hypercholestérolémie

36pratique

suivi officinal

Actualités pharmaceutiques n° 519 Octobre 2012

L’arrêt du tabac et la diminution de la

consommation d’alcool sont fortement indi-qués. Les autres facteurs de risque, comme le diabète ou l’hypertension artérielle, doivent également être contrôlés et pris en charge. Le contrôle du poids reste prioritaire

dans les dyslipidémies, particulièrement dans les formes mixtes et dans l’hyper-triglycéridémie isolée. L’atteinte d’un IMC < 25 kg/m2 est un objectif à atteindre en cas de surcharge pondérale.

Conseiller des traitements à l’officine Le traitement diététique doit bénéfi-

cier à tout patient ayant un LDLc > 1,6 g/L ou ayant au moins un facteur de risque cardio vasculaire. Cette prise en charge doit être proposée en monothérapie pendant au moins 3 mois, puis poursui-vie même si les résultats sont positifs. Si l’objectif thérapeutique n’est pas atteint au-delà de 3 mois, un traitement médica-menteux doit être instauré.Les stérols végétaux ou phytostérols sont naturellement présents dans de nombreux végétaux, notamment les huiles végéta-les, les noix, les graines et les céréales. Ils possèdent une structure chimique pro-che de celle du cholestérol. L’absorption intestinale des phytostérols est faible et permet ainsi de limiter l’absorption du cholestérol dans l’intestin par effet de compétition : le cholestérol est ainsi éli-miné en plus grande quantité dans les selles. Il a été démontré depuis plusieurs dizaines d’années qu’un apport modéré en stérols végétaux avait un effet signifi-catif sur la baisse du cholestérol plasma-tique. Les phytostérols sont généralement tirés d’huiles végétales (soja, maïs, tour-nesol, canola). Ils peuvent être estérifiés et intégrés dans des margarines, des sauces à salade, des produits laitiers : Proactiv®, Danacol®, Benecol®, Primevère®, etc. L’effet global est une réduction du taux de LDLc. Ils n’ont en revanche aucun effet sur le HDLc ni sur les triglycérides.Les oméga 3 entrent essentiellement dans la composition des huiles de chair de poissons à forte teneur en acides gras oméga 3 à longue chaîne, en par-ticulier EPA et DHA. Ces deux acides gras essentiels, présents dans les pois-

sons surtout gras comme les harengs, les maquereaux, les sardines, les sau-mons, les thons et les truites de mer, ont un effet anti-athérogène, c’est-à-dire qu’ils entraînent une diminution du cho-lestérol total, une diminution du LDLc et surtout des triglycérides. Ils ont égale-ment un effet antiagrégant plaquettaire provoquant un allongement modéré du temps de saignement. On les retrouve dans Omacor®, Ysomega®, Triglistab® ou Omegabiane®.La levure de riz rouge est issue d’un champignon microscopique, Monascus purpureus, qui produit sur le riz un pig-ment rouge caractéristique. La monaco-line K, extraite de cette levure, est en fait une statine naturelle (lovastatine) retrou-vée dans les produits Arterin®, Temperol®, Arkogélules® levure de riz rouge, Levure de riz rouge +® (Santé verte), etc. Elle aide à réduire le LDLc tout en augmentant le HDLc, une amélioration des bilans san-guins étant habituellement visible dès le premier mois. Toutefois, de façon ponc-tuelle, des effets indésirables musculaires et hépatiques ont été rapportés.L’ail, plus spécifiquement l’allicine qu’il contient, possède une action vasodila-tatrice. Il diminue le taux de LDLc ainsi

que celui de triglycérides et possède une action hypoglycémiante. L’ail est également antiagrégant plaquettaire et augmente sensiblement l’activité fibrino-lytique. Il possède donc des vertus anti-thrombotiques et améliore la circulation sanguine.Le soja et les produits à base de soja

abaissent les taux de LDLc mais il faut toutefois en consommer au moins 25 g par jour pour en constater les effets. En pratique, il est conseillé de remplacer une des portions de viande quotidiennes par des protéines de soja (tofu, steak végétarien ou autre). La lécithine de soja forme un émulsifiant naturel qui incite la solubilisation du cholestérol dans le sang et prévient son dépôt sur les parois des artères. Riche en inositol et en choline, elle intervient sur le métabolisme hépati-que des lipides dans le foie, diminuant le LDLc et augmentant le HDLc.Le germe de blé contient de la vitamine E aux propriétés antioxydantes et protectri-ces cardiovasculaires. Il aide à faire dimi-nuer le taux de cholestérol et constitue un apport en acides gras essentiels. Des traitements homéopathiques,

comme Hepatine 5 CH, Cholesterinum 5 CH, Nephrine 5 CH ou encore Allium

© F

otol

ia.c

om/J

JAVA

à base de protéines de soja peut être conseillée.

Page 4: Conseils à un patient atteint d’hypercholestérolémie

37 pratique

suivi officinal

Actualités pharmaceutiques n° 519 Octobre 2012

sativum 5 CH, peuvent être conseillés, en complément, à raison de 5 granules matin et soir.

Dispenser les traitements prescritsLes hypocholestérolémiants nécessi-tent une prise quotidienne et continue. Une fois instaurés, le traitement médica-menteux ainsi que le régime diététique doivent être poursuivis sur le long terme tout en faisant l’objet de réévaluations périodiques. De nouvelles recommandations impo-sent des résultats lipidiques encore plus stricts (taux de LDLc < 1 g/L), en particu-lier chez certains patients à haut risque cardiovasculaire. Les statines restent le traitement de première intention mais de nouvelles molécules, voire des associa-tions, sont envisagées pour obtenir de tels résultats.

En première intention, les statines

Traitement

En cas d’élévation du LDLc (hypercholes-térolémies pures ou mixtes) les statines (atorvastatine, simvastatine, pravastatine, fluvastatine) restent le traitement de pre-mière intention. Ils inhibent l’HMG-CoA réductase, enzyme-clé de la biosynthèse endogène du cholestérol, et permettent ainsi d’obtenir une modification généra-lement importante des concentrations de cholestérol :– 30 % pour le cholestérol total ;– 20 à 40 % pour le LDLc ;– 10 % pour les triglycérides ;– élévation faible (moins de 10 %) du HDLc.La rosuvastatine Crestor® doit être utilisée en cas d’intolérance ou d’efficacité insuf-fisante des autres statines. Effets

Les traitements par statine doivent débu-ter par les posologies les plus faibles, augmentées par la suite en fonction de l’efficacité et surtout de la tolérance du patient. Les effets secondaires des hypo-lipémiants sont essentiellement :– hépatiques, ce qui impose une sur-veillance des transaminases ASAT (aspar-tate amino transférase) et ALAT (alanine amino transférase) ;

– musculaires pour les fibrates et les statines ;– des myalgies, couramment observées.Les traitements par statines sont pour-suivis au long cours et réévalués pério-diquement. Leur efficacité maximale est obtenue en 4 semaines environ. Leur prise doit se faire de préférence le soir étant donné que la synthèse du cho-lestérol s’effectue la nuit.

En deuxième intention

En deuxième intention, il est recommandé d’utiliser les résines, les inhibiteurs de l’absorption intestinale du cholestérol (ézétimibe), les fibrates ou l’acide nicoti-nique, voire une bithérapie dans certai-nes conditions. Les résines échangeuses d’ions comme

la cholestyramine (Questran®) diminuent l’absorption intestinale des acides biliai-res ainsi que les récepteurs hépatiques des LDL. Par ailleurs, elles abaissent le taux de LDLc et du cholestérol total. Les principaux effets secondaires sont d’ordre digestif avec, de façon fréquente, une constipation notable. Une posologie très progressive limite ce risque.En raison de l’inactivation des acides biliaires, les résines peuvent inhiber l’absorption des vitamines liposolubles (A, D, E, K). Elles empêchent la résorp-tion digestive et peuvent aussi adsorber les médicaments qui lui sont associés. La prise d’autres médicaments, en par-ticulier les digitaliques ou les antivitami-nes K (AVK), ne doit être conseillée que 1 à 2 heures avant ou 4 heures après la prise de cholestyramine.Il est important de ne pas prendre la résine sèche mais de l’utiliser après dilution de la poudre dans l’eau. La dose quotidienne utile doit être préparée au mieux la veille de l’utilisation. Il est conseillé de la diluer dans un récipient de taille suffisante en raison de son pouvoir gonflant. L’ézétimibe (Ezetrol®) est un hypo-

cholestérolémiant inhibant de façon sélec-tive l’absorption intestinale du cholestérol alimentaire et biliaire, ainsi que celle des stérols végétaux comme le sistostérol. Il bloque le transfert du cholestérol de la lumière intestinale vers l’espace intracel-lulaire des entérocytes.

Les inhibiteurs de l’absorption intestinale entraînent une réduction d’environ 17 % du cholestérol total et de près de 20 % du LDLc. L’ézétimibe n’agit pas sur les tri-glycérides. Son association à une statine (Inegy®) est envisageable pour réduire une hypercholestérolémie en cas d’efficacité insuffisante de la statine seule. Un risque musculaire, même modéré, existe. Quel-ques cas de myalgies ont été révélés. Ceci peut justifier la surveillance de la créatine phosphokinase (CPK) en cas de douleurs musculaires. Les fibrates sont constitués de plusieurs

principes actifs : gemfibrozil (Lipur®) ; fénofibrate (Lipanthyl®, Fegenor®) ; béza-fibrate (Befizal®) ; ciprofibrate (Lipanor®).Ils ne doivent pas être utilisés en première intention dans les hypercholestérolémies pures ou mixtes. Ils diminuent la syn-thèse hépatique des lipoprotéines riches en triglycérides, augmentent leur catabo-lisme et agissent de façon modérée sur le HDLc et le LDLc. Ils sont indiqués dans les hypercholestérolémies pures et les hypertriglycéridémies endogènes, isolées ou associées.Les fibrates exposent au risque de cytolyse hépatique et de l i thiase biliaire. Une asthénie physique, psy-chique ou sexuelle peut être observée. En cas d’association d’un fibrate avec un AVK, il sera nécessaire de diminuer d’environ un tiers la posologie de l’an-ticoagulant et de surveiller le taux de prothrombine. L’acide nicotinique, également appelé

vitamine B3 ou vitamine PP, doit être uti-lisé chez les patients en association à un inhibiteur de l’HMG-CoA réductase lorsque celui-ci n’est pas suffisant. Il est important de débuter les traitements par des posologies faibles, puis d’augmenter ces dernières progressivement. L’acide nicotinique abaisse le LDLc et augmente le HDLc.Si la commercialisation de l’acide nicotini-que a été interrompue pendant plusieurs années en France, une préparation à libération prolongée (Niaspan LP®) per-mettant la diminution de l’intensité des bouffées de chaleur ou du rougissement de la peau a de nouveau été commercia-lisée en 2005. Par ailleurs l’association

Page 5: Conseils à un patient atteint d’hypercholestérolémie

38pratique

suivi officinal

Actualités pharmaceutiques n° 519 Octobre 2012

d’acide nicotinique à une statine semble augmenter le risque d’atteinte musculaire et de rhabdomyolyse. Une augmentation des transaminases peut également être observée. Chez certains patients à haut risque,

une bithérapie peut être nécessaire en deuxième intention (statine + ézétimibe ou statine + résine) mais la tolérance mus-culaire est alors médiocre. Cependant, l’association de plusieurs hypolipémiants appartenant à la même classe pharmacologique est illogique, voire dangereuse.

Le bilan lipidiqueLe dépistage d’une dyslipidémie repose

sur l’évaluation d’une anomalie lipidique

(EAL) sur sérum après 12 heures de jeûne.

Les valeurs normales sans facteur de risque

sont :

– lipoprotéines à basse densité (LDL)

< 1,60 g/L ;

– triglycérides (TGL) < 1,50 g/L ;

– lipoprotéines à haute densité (HDL)

> 0,40 g/L.

Ce bilan lipidique détermine les concentrations

de cholestérol total (CT), de triglycérides (TGL),

d’HDLc et LDLc.

Il n’est pas justifié de le répéter plus d’une

fois tous les 5 ans, sauf en cas d’apparition

d’un facteur de risque.

Le cholestérol diminue en cas de fièvre ou

dans les semaines qui suivent un accident

cardiovasculaire et augmente durant les

dernières semaines de la grossesse. Il est donc

recommandé d’éviter les prélèvements dans ces

situations.

Rappeler les modalités de surveillance Un bilan lipidique doit être effectué par

tous les adultes âgés de moins de 80 ans dès lors qu’il existe un facteur de risque. Il n’y a pas lieu de répéter ce contrôle avant 5 ans, excepté en cas d’apparition d’un facteur de risque comme une modi-fication des habitudes alimentaires, une prise de poids ou en cas d’événement cardio vasculaire. Une fois l’objectif théra-peutique atteint, un contrôle biologique annuel semble suffisant. Le bilan lipidique peut également être prescrit avant toute reprise d’activité physi que chez un patient de plus de 40 ans, ainsi que pour l’obtention d’un contrat d’assurance. La mesure de la glycémie à jeun doit

être réalisée de façon systématique en cas de dyslipidémie. La surveillance de l’efficacité du trai-

tement et de sa tolérance commence entre 1 et 3 mois après son instauration.

Le contrôle des transaminases est impératif au moins une fois dans les 3 mois qui suivent l’instauration du

traitement. Si le taux des ALAT ou des ASAT est supérieur à trois fois la normale, il est impératif d’arrêter le traitement. Le dosage de la CPK avant l’instau-

ration du traitement n’est pas justifié. Cependant, il doit être effectué lors de tout symptôme musculaire inexpliqué apparaissant sous traitement. Cette sur-veillance concerne le traitement médica-menteux par fibrates, statines ou encore ézétimibe. Des examens complémentaires peu-

vent être envisagés, comme le dosage de thyréostimuline (TSH) pour déceler une hypothyroïdie en cas d’hypercholestérolé-mie prédominante, créatinémie, protéinu-rie à la bandelette en cas d’hyperlipidémie mixte ou d’hypertriglycéridémie. n

Stéphane Berthélémy

Pharmacien, Royan (17)

[email protected]

Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de

conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Pour en savoir plusAgence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Prise en charge thérapeutique du patient dyslipidémique. Société de néphrologie. Mars 2005. http://www.soc-nephrologie.org/PDF/enephro/recommandations/Afssaps/2005/dyslipemie_argu.pdf

Bistol-Myers Squibb. Cholestérol. BMS France. http://www.bmsfrance.fr/Quelles-sont-les-principales.html

Bonnet F. Ezétimibe : mode d’action et intérêt de ce médicament dans le traitement de l’hypercholestérolémie. La lettre du pharmacologue. 2008;22(3):83-6.

Bruckert E, Brun JM, Delahaye F, Krempf M, Bard JM, Farnier M. Prise en charge du patient

hyperlipidémique : données épidémio-cliniques. Le courrier de l’Arcol. 1999;4:160-8.

Haute Autorité de santé. Efficacité et efficience des hypolipémiants. Une analyse centrée sur les statines. HAS. Juillet 2010. http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2010-09/5_statines-argumentaire_complet_maj_sept_2010.pdf

Institut de veille sanitaire. Maladies cardiovasculaires : l’hypercholestérolémie. InVS. Avril 2010. http://www.invs.sante.fr/Dossiers-thematiques/Maladies-chroniques-et-traumatismes/Maladies-cardio-vasculaires/L-hypercholesterolemie

Vidal. Hypercholestérolémie. Vidal Recos. http://www.vidalrecos.fr/pages/index.php?idannexe=1488&titre=Dietetique_hypercholesterolemie&motsCISMeF=337