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39 pratique suivi officinal Actualités pharmaceutiques n° 498 Septembre 2010 Nombre d’hommes âgés de 50 ans et plus souffrent d’hypertrophie bénigne de la prostate. Il est donc courant, à l’officine, de devoir orienter ces patients au mieux face à certains symptômes évocateurs, mais aussi de leur donner des conseils avisés concernant leur hygiène de vie et leur traitement. L a prostate est une petite glande située sous la vessie, en avant de l’ampoule rectale, responsable de la fabrication des sécrétions prostatiques. Elle entoure l’urètre comme un “manchon” (figure 1). Expliquer brièvement la maladie au patient L’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) doit être bien différenciée du cancer de la prostate. L’HBP, encore appelée hyperplasie béni- gne de la prostate ou encore adénome de la prostate, est souvent asymptomatique (dans 50 % des cas), parfois gênante, mais peut aussi se compliquer. Touchant surtout les hommes de plus de 50 ans, elle se traduit par une augmentation du volume de la pros- tate, liée à un adénome qui se développe le plus souvent dans la partie située au contact de l’urètre. Lorsqu’elle est hypertrophiée, la prostate appuie sur l’urètre, provoquant ainsi des troubles urinaires. L’HBP n’entraîne ni risque de stérilité ni impuissance. Elle ne dégénère pas en cancer mais les deux pathologies peuvent coexister. Le cancer de la prostate, dont la forme la plus courante est l’adénocarcinome, est le résultat de la prolifération de cellules glan- dulaires malignes sur la face postérieure de la prostate. Il peut ensuite s’étendre à l’ex- térieur de la glande, pour se propager aux organes voisins et à distance (métastases osseuses, pulmonaires ou hépatiques). Grâce au dépistage, la maladie est détectée de plus en plus tôt et les traitements sont de plus en plus performants. Décrire les facteurs de risque L’HBP est un phénomène évolutif lié à l’âge : elle touche surtout les hommes âgés de 50 ans et plus. L’hérédité semble jouer un rôle prépondérant. Certaines habitudes alimentaires ont également été mises en cause, notam- ment les régimes riches en graisses animales. L’obésité et le diabète constitueraient d’autres facteurs de risque, tout comme pourraient l’être le tabagisme, l’hypertension artérielle ou l’hypercholestérolémie. L’inactivité physique est également en cause dans la survenue de l’HBP. Les origines ethniques sont aussi impli- quées, la maladie étant plus rare dans les populations asiatiques par exemple. Donner des conseils et rappeler les règles hygiéno-diététiques Les conseils permettront, en accompa- gnement des traitements, d’améliorer les troubles urinaires. Boire régulièrement dans la journée pour éviter une stagnation trop longue des urines dans la vessie qui pourrait entraîner une infection. Bien vider sa vessie à chaque miction et espacer régulièrement les mictions. Réduire l’apport de boisson une ou deux heures avant d’effectuer un long trajet ou de se coucher. Se méfier de certains aliments épicés (poivre, moutarde…), de même que de l’al- cool et du café qui peuvent aggraver les symptômes. Préférer certains aliments, notam- ment ceux riches en acides gras insatu- rés comme les poissons gras riches en oméga 3 (saumon, sardine, maquereau…), les fruits, les légumes, les fibres (lentilles, pois chiches…) ou les aliments riches en vitamines antioxydantes. Éviter les longs voyages assis car ils favorisent la rétention urinaire. Prendre garde à certains médica- ments vasoconstricteurs, anticholinergi- ques (dont certains utilisés en médication familiale) qui peuvent entraîner des réten- tions urinaires et qui sont donc contre- indiqués en cas de troubles prostatiques : antihistaminiques H 1 , médicaments pour la congestion nasale, antispasmodiques, neuroleptiques, antidépresseurs. Maintenir une bonne activité physique (marche, gymnastique, yoga…) mais évi- ter le vélo qui comprime la prostate. Conseils à un patient prostatique © Fotolia.com/Fotomontage Vessie Urètre Pénis Vésicule séminale Prostate Testicule Épididyme Figure 1 : Appareil génito-urinaire.

Conseils à un patient prostatique

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Page 1: Conseils à un patient prostatique

39 pratique

suivi officinal

Actualités pharmaceutiques n° 498 Septembre 2010

Nombre d’hommes âgés

de 50 ans et plus souffrent

d’hypertrophie bénigne de la

prostate. Il est donc courant,

à l’officine, de devoir orienter

ces patients au mieux face à

certains symptômes évocateurs,

mais aussi de leur donner des

conseils avisés concernant leur

hygiène de vie et leur traitement.

La prostate est une petite glande située sous la vessie, en avant de l’ampoule rectale, responsable de la fabrication

des sécrétions prostatiques. Elle entoure l’urètre comme un “manchon” (figure 1).

Expliquer brièvement la maladie au patientL’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) doit être bien différenciée du cancer de la prostate. L’HBP, encore appelée hyperplasie béni-

gne de la prostate ou encore adénome de la prostate, est souvent asymptomatique (dans 50 % des cas), parfois gênante, mais peut aussi se compliquer. Touchant surtout les

hommes de plus de 50 ans, elle se traduit par une augmentation du volume de la pros-tate, liée à un adénome qui se développe le plus souvent dans la partie située au contact de l’urètre. Lorsqu’elle est hypertrophiée, la prostate appuie sur l’urètre, provoquant ainsi des troubles urinaires. L’HBP n’entraîne ni risque de stérilité ni impuissance. Elle ne dégénère pas en cancer mais les deux pathologies peuvent coexister. Le cancer de la prostate, dont la forme

la plus courante est l’adénocarcinome, est le résultat de la prolifération de cellules glan-dulaires malignes sur la face postérieure de la prostate. Il peut ensuite s’étendre à l’ex-térieur de la glande, pour se propager aux organes voisins et à distance (métastases osseuses, pulmonaires ou hépatiques). Grâce au dépistage, la maladie est détectée de plus en plus tôt et les traitements sont de plus en plus performants.

Décrire les facteurs de risqueL’HBP est un phénomène évolutif lié à l’âge : elle touche surtout les hommes âgés de 50 ans et plus. L’hérédité semble jouer un rôle prépondérant.Certaines habitudes alimentaires ont également été mises en cause, notam-ment les régimes riches en graisses animales.

L’obésité et le diabète constitueraient d’autres facteurs de risque, tout comme pourraient l’être le tabagisme, l’hyper tension artérielle ou l’hypercholestérolémie.L’inactivité physique est également en cause dans la survenue de l’HBP.Les origines ethniques sont aussi impli-quées, la maladie étant plus rare dans les populations asiatiques par exemple.

Donner des conseils et rappeler les règles hygiéno-diététiquesLes conseils permettront, en accompa-gnement des traitements, d’améliorer les troubles urinaires. Boire régulièrement dans la journée

pour éviter une stagnation trop longue des urines dans la vessie qui pourrait entraîner une infection. Bien vider sa vessie à chaque miction

et espacer régulièrement les mictions. Réduire l’apport de boisson une ou

deux heures avant d’effectuer un long trajet ou de se coucher. Se méfier de certains aliments épicés

(poivre, moutarde…), de même que de l’al-cool et du café qui peuvent aggraver les symptômes. Préférer certains aliments, notam-

ment ceux riches en acides gras insatu-rés comme les poissons gras riches en oméga 3 (saumon, sardine, maquereau…), les fruits, les légumes, les fibres (lentilles, pois chiches…) ou les aliments riches en vitamines antioxydantes. Éviter les longs voyages assis car ils

favorisent la rétention urinaire. Prendre garde à certains médica-

ments vasoconstricteurs, anticholinergi-ques (dont certains utilisés en médication familiale) qui peuvent entraîner des réten-tions urinaires et qui sont donc contre-indiqués en cas de troubles prostatiques : antihistaminiques H1, médicaments pour la congestion nasale, antispasmodiques, neuroleptiques, antidépresseurs. Maintenir une bonne activité physique

(marche, gymnastique, yoga…) mais évi-ter le vélo qui comprime la prostate.

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Figure 1 : Appareil génito-urinaire.

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suivi officinal

Actualités pharmaceutiques n° 498 Septembre 2010

Proposer des traitements à l’officine Dès les premiers symptômes de troubles prostatiques ou en association avec des traitements déjà prescrits, le pharma-cien peut conseiller des médicaments de phyto thérapie comme l’huile de pépins de courge, riche en acides gras essentiels et en phytostérols. Ces gélules permettent de diminuer l’inflammation ou la crois-sance du tissu prostatique à l’origine des troubles de la miction. Elles peuvent être associées à la racine d’ortie afin de soula-ger les difficultés de miction.

Dispenser les traitements prescritsEn fonction des symptômes, de la gêne urinaire et des résultats des examens , le médecin proposera une simple surveillan ce (une fois par an), un traite-ment médicamenteux ou une intervention chirurgicale. La phytothérapie : prunier d’Afrique

(Tadenan®) et palmier de Floride (Permixon ®), à raison d’une gélule deux fois par jour au cours des repas. De méca-nisme d’action mal connu, ces traitements améliorent les troubles de la miction chez

les patients porteurs d’adénome pros-tatique et sont surtout dénués d’effets secondaires. Les alphabloquants : tamsulosine

(Josir®, Omix®, Omexel®), térazosine (Hytrine®) et alfuzosine (Xatral®). La poso-logie habituelle est d’un comprimé par jour, à heure fixe, de préférence à la fin d’un petit-déjeuner consistant. La gélule ne doit ni être ouverte ni croquée ni mâchée. Des étourdissements, une synco pe et une hypotension orthostatique sont très fréquents en début de traitement mais s’estompent petit à petit. Les inhibiteurs de la 5 alpha-réduc-

tase : finastéride (Chibroproscar®) et dutastéride (Avodart®). La posologie est d’un comprimé par jour. L’efficacité du trai-tement s’observe de 3 à 6 mois après le début de la médication. Une impuissance et des troubles de la libido sont assez fréquents pendant la durée du traitement.

Informer sur les interventions chirurgicales Les interventions chirurgicales envi-

sageables sont les suivantes :– la résection transurétrale de la prostate consiste à raboter l’adénome (curetage)

à l’aide d’un instrument endoscopique introduit dans l’urètre ;– l’incision transurétrale de la prostate vise à élargir l’urètre en cas d’hyper trophie légère ;– la chirurgie ouverte, indiquée lorsque le volume de la prostate est important, consiste à retirer une partie de la glande. Après l’opération, il est nécessaire de

prévenir toute constipation et il est impor-tant de boire abondamment pour rétablir une bonne diurèse et éviter la stagnation des urines. Dans le mois qui suit l’intervention :

– une hématurie (présence de sang dans les urines) peut persister 2 à 4 semaines après l’intervention ; si elle apparaît et perdu re, il faut boire davantage et éven-tuellement contacter le chirurgien ;– un besoin d’uriner plus urgent est fré-quent ;– alcool et épices doivent être proscrits ;– les efforts importants comme le port d’objets lourds, le jardinage et la prati-que du vélo doivent être évités pendant un mois, mais le maintien d’une activité physique est important ;– les rapports sexuels sont proscrits pendant un mois ; le risque d’impuissance

Quelle attitude face à une augmentation du taux de PSA ?Une augmentation du taux de PSA (antigène spécifique de la prostate) ne signifie

pas obligatoirement “cancer” mais doit certainement conduire à pratiquer des examens

complémentaires.

Certains facteurs peuvent rendre l’interprétation des PSA délicate, en particulier

les rapports sexuels. Il doit donc être conseillé de ne pas pratiquer ce dosage

dans les 48 heures qui suivent un rapport sexuel.

Les PSA existent sous deux formes : PSA libre et PSA lié aux protéines dans le sang.

Le PSA libre est utile au dépistage du cancer de la prostate et économise des biopsies

inutiles. Il est indiqué lorsque le toucher rectal est normal et que le PSA total est supérieur

à la normale pour l’âge et < 10 ng/mL.

En cas de maladie cancéreuse prostatique, la proportion de PSA libre par rapport au

PSA lié est significativement plus faible que dans l’hypertrophie bénigne de la prostate.

Le rapport PSA libre/ PSA total est donc diminué en cas de cancer.

Si le PSA total est compris entre 4 et 10 ng/mL, le PSA libre doit être dosé et le rapport

PSA libre/ PSA total < à 25 % doit orienter vers une biopsie.

Si le PSA total est compris entre 2 et 4 ng/mL, en fonction des signes cliniques et

de la vitesse d’augmentation des PSA (élévation > 20 %/an), le PSA libre peut être dosé

et le rapport PSA libre/PSA total < 10 % doit orienter vers une biopsie.

Si le PSA total > 10 ng/mL, le dosage du PSA libre n’a plus d’intérêt.

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suivi officinal

Actualités pharmaceutiques n° 498 Septembre 2010

existe mais le principal effet indésirable est l’éjaculation rétrograde, ainsi qu’une incontinence urinaire ;– des mictions dou-loureuses peuvent persister et ceci, jusqu’à deux mois après l’intervention ;– une consultation du chirurgien est nécessaire quatre à six semaines après l’intervention ; une consultation annuelle est ensuite prévue.

Renseigner sur les examens biologiquesUn dépistage individuel annuel est recom-mandé chez tous les hommes dès 50 ans, voire à partir de l’âge de 40 ans en cas d’antécédents familiaux de cancer. L’examen des urines à la bandelette

permet de détecter, au cabinet du méde-cin, la présence de sang, de protéine ou d’une infection (il sera alors peut-être nécessaire de pratiquer un ECBU). L’examen cytobactériologique des

urines (ECBU) peut être demandé afin de déceler une éventuelle infection. Le toucher rectal (TR) constitue,

que ce soit pour le dépistage du can-cer ou la surveillan ce d’une prostate, le meilleur et le plus rapide des examens. Il est indispensable chez les patients

ayant des antécédents de cancer de la prostate dans leur ascendance de le pré-voir une fois par an dès l’âge de 50 ans.

Le TR doit être pra-t iqué également annuellement chez tous les patients âgés de 50 à 75 ans présentant des trou-bles urinaires. Il per-

met de mettre en évidence une augmen-tation du volume de la prostate. Le dosage des PSA (antigène spéci-

fi que de la prostate) est réalisé à la suite d’une prise de sang (le patient ne doit pas obligatoirement être à jeun). Cette substance, naturellement sécrétée par la prostate, est généralement présente dans le sang à un taux très faible :– de 40 à 49 ans < 2,5 ng/mL ;– de 50 à 59 ans < 3,5 ng/mL ;– de 60 à 69 ans < 4,5 ng/mL ;– de 70 à 79 ans < 6,5 ng/mL. L’échographie permet de visualiser l’ap-

pareil urinaire (rein, vessie, prostate) et de détecter d’éventuels calculs vésicaux, diver-ticules ou bien de voir que la vessie ne se vide pas totalement lorsque le patient urine. Elle est utile pour le diagnos tic, le bilan et la surveillance d’une HBP, mais aussi pour choisir le type de chirurgie adéquat. La débitmétrie mictionnelle, non

systé ma ti que, est réalisée par l’urologue

afin de mesurer l’importance du trouble par la mesure du débit urinaire. Ce débit est, en effet, diminué en cas d’HBP. Cet examen est indispensable avant tout acte chirurgical.

Orienter vers le médecinLe pharmacien doit systématiquement orienter chez le médecin généraliste ou le spécialiste un patient âgé de plus de 50 ans qui se plaint au comptoir : d’une augmentation de la fréquence

des mictions dans la journée ; d’une apparition de mictions noctur-

nes de plus en plus fréquentes ; de besoins impérieux d’uriner (notam-

ment lors de croisement des jambes, de marche au froid…), parfois accompagnés de fuites urinaires ; d’une nécessité de “forcer” pour

uriner ; d’une réduction de la force du jet et

d’une sensation de miction qui « n’en finit pas » suivie de gouttes retardataires ; de la présence de sang dans les

urines ; d’une sensation de brûlures urinaires

avec ou sans fièvre (infection possible) ; d’une incontinence urinaire. �

Stéphane Berthélémy

Pharmacien, Royan (17)

[email protected]

Les questions à poser au comptoir Quels sont les troubles urinaires que vous ressentez ? Pouvez-vous les décrire ?

Au cours du dernier mois écoulé, avec quelle fréquence avez-vous eu la sensation que votre vessie

n’était pas complètement vidée après avoir uriné ?

– Jamais – 1 fois/5 – 1 fois/3

– 1 fois/2 – Presque toujours

Au cours du dernier mois écoulé, avec quelle fréquence avez-vous eu besoin d’uriner à nouveau moins

de 2 heures après avoir fini d’uriner ?

Au cours du dernier mois écoulé, avec quelle fréquence avez-vous eu une interruption du jet d’urine,

c’est-à-dire démarrage du jet, puis arrêt, puis redémarrage ?

Au cours du dernier mois écoulé, après en avoir ressenti le besoin, avec quelle fréquence avez-vous

eu des difficultés à retenir votre envie d’uriner ?

Au cours du dernier mois écoulé, avec quelle fréquence avez-vous eu une diminution de la taille

ou de la force du jet d’urine ?

Au cours du dernier mois écoulé, avec quelle fréquence avez-vous dû forcer ou pousser

pour commencer à uriner ?

Au cours du dernier mois écoulé, combien de fois par nuit, en moyenne, vous êtes-vous levé pour uriner ?

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Un dépistage individuel annuel est recommandé

chez tous les hommes dès 50 ans