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IFPEK Rennes
Institut de formation en ergothérapie
Contexte et choix de l’institutionnalisation des
personnes âgées après un séjour en service de
soins de suite et de réadaptation
Le rôle de l’ergothérapeute au sein de l’équipe pluridisciplinaire
En vue de l’obtention du diplôme d’ergothérapeute
UE 6.05 S6 : Evaluation de la pratique professionnelle et recherche
PLOTEAU Alice
Année 2017-2018
IFPEK Rennes
Institut de formation en ergothérapie
Contexte et choix de l’institutionnalisation des
personnes âgées après un séjour en service de
soins de suite et de réadaptation
Le rôle de l’ergothérapeute au sein de l’équipe pluridisciplinaire
En vue de l’obtention du diplôme d’ergothérapeute
UE 6.05 S6 : Evaluation de la pratique professionnelle et recherche
Sous la direction de Madame Pascale Le Mauff, directrice de mémoire
PLOTEAU Alice
Année 2017-2018
Remerciements
Je souhaite remercier toutes les personnes ayant contribué
à ces trois années de formation et à la réalisation de ce mémoire
Tout d’abord Mme Le Mauff, ma directrice de mémoire
pour son accompagnement et ses précieux conseils
Tous les professionnels ayant répondu aux entretiens
qui ont permis la construction de ce mémoire
Mes tuteurs de stage
qui ont partagé leur travail et m’ont accompagnée
Mes amis rencontrés à l’école qui ont embelli ces trois années
Mes amies de lycée toujours présentes malgré la distance
Mes parents pour m’avoir permis de réaliser ces études
Mes merveilleuses petites sœurs pour leur accueil chaleureux
les week-ends où je suis rentrée, me redonnant toujours le sourire
Soizic, Sabine et Pauline pour leurs relectures sans lesquelles ce travail n’aurait pas pu être le même
Nom – Prénom : Ploteau Alice
Titre : Contexte et choix de l’institutionnalisation des personnes âgées après un séjour en service de
soins de suite et de réadaptation : Le rôle de l’ergothérapeute au sein de l’équipe pluridisciplinaire
Résumé :
La décision d’entrée en EHPAD est toujours complexe car elle engendre des bouleversements
importants pour la personne et son entourage. Lorsqu’elle doit être abordée lors d’un séjour en soins
de suite et de réadaptation (SSR), pour une personne âgée en situations de dépendance, les
professionnels de l’équipe pluridisciplinaire, dont l’ergothérapeute, doivent le prendre en compte
dans leur accompagnement afin d’orienter leurs objectifs.
Cette étude s’appuie sur des apports théoriques et des entretiens de différents professionnels
d’une même équipe. Elle cherche à comprendre son fonctionnement autour de ce questionnement, la
place de l’ergothérapeute et l’intégration de la personne et son entourage dans la démarche.
Il en ressort que l’interdisciplinarité et l’éthique du projet institutionnel, au service de l’analyse
de la situation, aident le positionnement de l’équipe. L’ergothérapeute via les visites à domicile et
les mises en situations y apporte sa contribution par la confrontation de l’individu avec la réalité. De
plus, la communication respectueuse avec la personne et ses proches permet un choix éclairé.
Abstract :
The decision to enter a retired home is always a complex decision because it can provoke
important changes for the patient and their relatives. When such patients start receiving
Rehabilitation and Recuperative Care (RRC), professionals from the multidisciplinary team,
including the occupational therapist, have to take these changes into account and adapt their support
in accordance when setting their goals.
This study builds on research works and interviews of several professionals. It questions the
functioning, and the place of the occupational therapist and the integration of the person and
relatives in the care process.
The interdisciplinarity and the ethics of the institutional project help the positioning of the
medical team. Through home visits and role-playing, the occupational therapist contributes to the
patient’s re-education by confronting them with real life. Moreover, a respectful dialogue with the
patient and their relatives enables the right decisions to be taken.
Mots clés : Personne âgée – EHPAD – Equipe professionnelle – Ergothérapie – Accompagnement
Key words : Elderly person – Retired home – Professional team – Occupationnal thérapy – Support
INSTITUT DE FORMATION EN ERGOTHERAPIE DE RENNES
12 rue Jean-Louis Bertrand, 35 000 RENNES
TRAVAIL ECRIT DE FIN D’ETUDES – Année 2017 -2018
Sommaire
Introduction ................................................................................................................................... 1
1. Problématique ....................................................................................................................... 2
1.1 Réflexion vers la question de départ ............................................................................. 2
1.2 Emergence de la question de recherche ........................................................................ 5
2. Partie théorique et conceptuelle .......................................................................................... 11
2.1 L’ergothérapeute en gériatrie ...................................................................................... 11
2.2 Les concepts mobilisés ................................................................................................ 13
2.2.1 L’autonomie ........................................................................................................ 13
2.2.2 La dépendance ..................................................................................................... 13
2.2.3 L’indépendance ................................................................................................... 14
2.2.4 La vieillesse ......................................................................................................... 14
2.3 Le choix ....................................................................................................................... 15
2.3.1 Le maintien à domicile ou l’entrée en EHPAD ? ................................................ 15
2.3.2 Le compromis entre le risque et la sécurité ......................................................... 16
2.3.3 Réel choix de la personne ou consentement ? ..................................................... 20
2.3.4 Importance de la validation du choix par la personne ......................................... 21
2.3.5 Facteurs influençant le choix .............................................................................. 22
2.4 L’accompagnement pluriprofessionnel de la décision en SSR ................................... 24
2.4.1 Le service de Soins de Suite et de Réadaptation (SSR) ...................................... 24
2.4.2 La présomption de compétence ........................................................................... 25
2.4.3 Dispositions légales ............................................................................................. 26
2.4.4 L’éthique soignante ............................................................................................. 26
2.4.5 Les bilans réalisés par les professionnels de santé .............................................. 28
2.4.6 La communication en équipe pour réaliser l’évaluation ..................................... 28
2.4.7 La communication de l’équipe à la personne et ses proches ............................... 29
2.4.8 Les propositions .................................................................................................. 30
3. Cadre méthodologique ........................................................................................................ 31
3.1 Méthodologie .............................................................................................................. 31
3.1.1 Objectifs de la recherche ..................................................................................... 31
3.1.2 Population ciblée ................................................................................................. 31
3.1.3 Contact des personnes interrogées ...................................................................... 31
3.1.4 Méthode du recueil des données complémentaires ............................................. 31
3.1.5 Limites de la méthode ......................................................................................... 32
3.2 Analyse du recueil de données .................................................................................... 33
3.2.1 Méthode d’analyse des données .......................................................................... 33
3.2.2 Présentation des personnes interrogées ............................................................... 33
3.2.3 Présentation de la structure et du public accueilli ............................................... 34
3.2.4 La collecte de données ........................................................................................ 35
3.2.5 Les difficultés repérées faisant songer à une institutionnalisation ...................... 37
3.2.6 L’évaluation en équipe ........................................................................................ 39
3.2.7 Initier la réflexion avec la personne et son entourage ......................................... 40
3.2.8 Des moyens pour aider la prise de décision ........................................................ 43
3.2.9 Les alternatives possibles à l’EHPAD ................................................................ 44
3.2.10 Accompagner la décision .................................................................................... 45
3.2.11 Les ressentis des personnes et de leur entourage face à la prise de décision ...... 47
4. Discussion ........................................................................................................................... 50
4.1 L’occupation, une spécificité de la pratique de l’ergothérapeute ................................ 50
4.2 Une éthique du soin ..................................................................................................... 51
4.3 De la pluri-professionnalité à l’inter-professionnalité ................................................ 52
4.4 Une décision à géométrie variable .............................................................................. 53
4.5 La spécificité du service .............................................................................................. 54
Conclusion .................................................................................................................................. 55
Bibliographie ............................................................................................................................... 56
Table des annexes ....................................................................................................................... 62
Table des sigles
AGGIR : Autonomie Gérontologique Groupe Iso-Ressource
ANFE : Association Nationale Française des Ergothérapeute
APA : Allocation Personnalisée d’Autonomie
APL : Aide Personnalisée au Logement
AVC : Accident Vasculaire Cérébral
CNRTL : Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales
CNSA : Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie
DRESS : Direction de la Recherche, des Etudes de l’évaluation et des Statistiques du ministère
de la Santé
EHPA : Etablissement d’Hébergement pour Personnes Âgées
EHPAD : Etablissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes
FA : Association France Alzheimer
GIR : Groupe Iso-Ressource
INSEE : Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques
MPR : Médecine Physique et de Réadaptation
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
ONDPS : Observatoire National de la Démographie des Professions de Santé
PSD : Prestation Spécifique Dépendance
SSR : Soins de Suites et de Réadaptation
USLD : Unité de Soins de Longue Durée
1
Introduction
« Maison de retraite », il suffit de prononcer cette expression pour animer tout un débat.
Tout le monde, de près ou de loin, se sent concerné. En effet, il est possible d’y penser pour soi,
pour un parent, un grand parent ou encore un arrière-grand-parent, une grand-tante, un ami ou
ses proches… Nous avons tous nos propres opinions à ce sujet qu’elles soient positives, « il
assure la sécurité de la personne et lui propose des activités », ou bien négatives, « là-bas ils ne
vont pas s’occuper d’elle et la nourriture est mauvaise ». Autant d’avis divergents que chacun
souhaite défendre. D’ailleurs, dès lors que j’évoque ce sujet de mémoire, tous ont un conseil à
me donner, pensent à une piste à explorer, ont un exemple à relater.
Effectivement, actuellement plus de 16 millions de personne ont plus de 60 ans en France,
7,8% d’entre elles présentent une dépendance soit environ 1,2 million de personnes selon l’APA
et elles pourraient être 2,3 millions d’ici 2060 (INSEE, 2014). Face à la dépendance, la question
de pouvoir rester chez soi se pose régulièrement et lorsqu’elle fait suite à un évènement menant
la personne en soins de suite et de réadaptation (SSR), c’est un questionnement qui doit être
abordé par l’équipe pluridisciplinaire. L’ergothérapeute a pour rôle, en collaboration avec les
autres membres de l’équipe, d’évaluer l’impact de la dépendance sur les activités de la vie
quotidienne, la rééducation des fonctions quand elle est possible ainsi que de la réadaptation si
nécessaire. Il participe aux échanges en équipe afin d’avoir une vision globale de la personne et
de se positionner sur la nécessité d’une entrée en structure. Il a un rôle d’accompagnement de la
personne et de son entourage dans cette démarche afin d’en nuancer les préjugés.
Lors d’un stage réalisé en SSR gériatrique, j’avais pu me rendre compte que la décision
d’entrée en établissement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) était complexe, mettant
en jeu de nombreux facteurs. Par le biais de ce travail, j’ai souhaité comprendre, via de la
recherche documentaire et des entretiens avec des professionnels de santé, le fonctionnement
d’une équipe autour de ce questionnement et l’intégration de la personne et de son entourage
dans la démarche. La place de l’ergothérapeute dans de ce processus est également questionnée.
Dans un premier temps, la problématique fait un état des lieux sur la question de
l’institutionnalisation de la personne âgée en France et relate la situation d’appel menant à la
question de recherche et ses hypothèses. Ensuite, la partie théorique évoque le travail de
l’ergothérapeute en gériatrie, en décline certains concepts clés, évoque des éléments qu’il doit
prendre en compte autour du choix de l’institution et explique sa pratique au sein de l’équipe
pluridisciplinaire en SSR. Puis, la partie méthodologie, pour laquelle, plusieurs professionnels
d’une même équipe ont été interrogés reprend la démarche de l’équipe et l’accompagnement de
la personne dans leur service de SSR. Pour finir, la discussion permet de confronter les données
théoriques et pratiques au regard de la question de recherche et des hypothèses.
2
1. Problématique
1.1 Réflexion vers la question de départ
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), une personne est âgée à partir de 60 ans.
Aujourd’hui, elles représentent 18,8% de la population française, soit une augmentation de
3,7% en 20 ans. Plus spécifiquement, on observe une augmentation des plus de 80 ans,
conséquente au baby-boom et aux progrès médicaux, allongeant l’espérance de vie à 80 ans
pour les hommes et à 85,6 ans pour les femmes (INSEE, 20161). 60 ans c’est aussi l’âge pour
l’attribution de certaines aides financières telles que l’APA alors que c’est l’âge de 65 ans qui
est repris pour certains aspects administratifs liés au vieillissement. Ces âges correspondent à
une période de transition avec l’arrivée de la retraite engendrant une modification du mode de
vie.
Le vieillissement se définit en biologie et physiologie comme le « processus par lequel un
organisme humain subit une série de transformations entraînant la dégénérescence de certaines
cellules, ce qui provoque l'affaiblissement et le ralentissement des fonctions vitales et des
modifications d'ordre physique, physiologique et psychique » (CNRTL). Si la plupart des
personnes suivent un vieillissement physiologique normal voir réussi, c’est-à-dire qu’elles
restent autonomes et indépendantes, d’autres sont sujettes à une altération notable de certaines
de leurs facultés. Ainsi, environ 20% d’entre elles ont une fragilité en lien avec une maladie ou
un handicap augmentant leur risque de perte d’autonomie et 10% subissent un vieillissement
pathologique avec l’apparition de maladies sévères ou complexes menant à la dépendance.2
Effectivement, les personnes âgées sont plus vulnérables à certaines maladies comme les
troubles cardiovasculaires pouvant entraîner un accident vasculaire cérébral (AVC), le cancer,
l’hypertension, les troubles ostéo-articulaires, les syndromes démentiels…3 Ces pathologies
peuvent avoir pour effet de limiter leur autonomie et leur indépendance. Ainsi, début 2012, on
dénombrait 1,2 million de personnes âgées dites dépendantes, c’est-à-dire situées en GIR 1 à 4
selon la grille AGGIR dont nous développerons les modalités par la suite. Si 60 % d’entre elles
continuent à vivre à leur domicile, 40% entrent en établissement4. De ce fait, 9% des personnes
de plus de 75 ans sont admises dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées.5
Aujourd’hui, l’augmentation du nombre de personnes âgées en situations de dépendances
correspond à une problématique de santé publique en raison de son impact sur la société. Cela le
sera encore davantage dans le futur, dans la mesure où d’ici 2060, elles seront probablement 2,3
millions. Par conséquent, un envol des entrées en établissement est prévu.4
1 INSEE, 2016. Tableau de l’économie française, Collection Insee Références 2 ROLLAND Y, 2010. Les différents modèles du vieillissement, Toulouse gérontopôle. Disponible sur internet : www.medecine. ups-
lse.fr/capacite/geriatrie/2015/LES%20DIFFERENT%20MODEL%20 DE%20VIELILSS.pdf (Consulté le 6 Janvier 2018) 3 DRESS, 2006. Les pathologies des personnes âgées vivant en établissement 4 DRESS, 2013. Projection des populations âgées dépendantes 5 INSEE, 2014. Tableau de l’économie française, Collection Insee Références
3
Le terme de « dépendance » a été employé pour la première fois en 1973 par un médecin
d’hébergement de long séjour. Pour lui, « le vieillard dépendant [est une personne qui] a besoin
de quelqu’un pour survivre car il ne peut, du fait de l’altération des fonctions vitales, accomplir
de façon définitive ou prolongée, les gestes nécessaires à la vie ».6 Ce n’est cependant qu’en
1984 qu’une définition officielle apparaît. Elle est à différencier de l’autonomie, qui correspond
à la « faculté de se déterminer par soi-même, de choisir, d’agir librement » (CNRTL).
En 1997, le vieillissement de la population rend plus fréquente la dépendance et par
conséquent les besoins qui y sont liés. Le gouvernement institue alors pour les plus de 60 ans
une première prestation financière pour y répondre : la prestation spécifique dépendance (PSD)
dont la gestion est délivrée aux conseils généraux.7 Puis, suite à une étude réalisée par l’INSEE
en 1998-1999 via l’enquête Handicap-Incapacité-Dépendance, elle a été modifiée puis
remplacée en janvier 2002 par l’allocation personnalisé à l’autonomie (APA), gérée par le
conseil départemental.8 Ces aides financières sont attribuées en fonction du résultat de la grille
autonomie, gérontologie groupe iso-ressource (AGGIR), créée par des gériatres (Annexe 1).9
Elles couvrent un plan d’aide proportionnel à la dépendance afin que tous puissent y avoir
accès.10
La répartition des personnes dans les différents Groupes Iso-Ressources (GIR) dépend
de critères liés aux capacités permettant d’être autonome et indépendant au quotidien. Les
critères discriminants sont les suivants : cohérence, orientation, toilette, habillage, alimentation,
élimination urinaire et fécale, transferts, déplacements intérieurs et extérieurs, alerte. Il existe
également des variables illustratrices permettant de détailler d’autres activités du quotidien mais
n’impactant pas le calcul du GIR. Cette grille, remplie par une équipe médico-sociale ou par un
médecin connaissant bien la personne, permet de la classer dans l’un des 6 groupes GIR en
fonction de son degré de dépendance. Celles en GIR 1 sont celles présentant le degré de
dépendance le plus important alors que celle en GIR 5 ou 6 ne sont que peu ou pas dépendantes
(Annexe 2).11
La dépendance augmentant avec l’âge, 2,9% des 70 à 74 ans sont classés dans les
groupes de GIR 1 à 4 contre 36,3% des plus de 85 ans (DRESS, 20134).
L’ergothérapeute, professionnel paramédical de rééducation et de réadaptation, est amené
fréquemment à travailler avec des personnes en situations de dépendances et/ou perte
d’autonomie. « L'objectif de l'ergothérapie est de maintenir, de restaurer et de permettre les
activités humaines de manière sécurisée, autonome et efficace. Elle prévient, réduit ou supprime
les situations de handicap en tenant compte des habitudes de vie des personnes et de leur
6 DELOMIER Y, 1973. Le vieillard dépendant. Approche de la dépendance, Gérontologie, N°12 7 Bibliothèque numérique de droit de la santé et d’éthique médicale (BDNS), 2001. Prestation spécifique dépendance. Disponible sur internet :
https://www.bnds.fr/dictionnaire/psd.html (Consulté le 21 Janvier 2018) 8 La documentation Française, 2011. Dossier dépendance personnes âgées. Disponible sur internet :
www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/dependance-personnes-agees/chronologie.shtml (Consulté le 21 Janvier 2018) 9 CNSA, 2008. Le modèle AGGIR, guide d’utilisation. Disponible sur internet : http://www.cnsa.fr/documentation/guide_aggir_ 2008.pdf (consulté le
21 Janvier 2018) 10 Gouvernement et CNSA, L’allocation personnalisée d’autonomie. Disponible sur internet : http://www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr/beneficier-
daides/lallocation-personnalisee-dautonomie-apa (Consulté le 27 Janvier 2018) 11 DRESS, 2011. Les estimations GIR dans les enquêtes Handicap-Santé 2008-2009
4
environnement » (décret, 201012
). 22%13
des ergothérapeutes travaillent en gériatrie, secteur
qu’ils investissent le plus et où la demande est la plus croissante. Afin d’atteindre ses objectifs,
le professionnel évalue les capacités de la personne, l’impact de ses problèmes de santé sur sa
participation sociale… Il joue le rôle d'intermédiaire entre les besoins d'adaptation et les
exigences de la vie quotidienne en société. Idéalement, son intervention est centrée sur les
souhaits de la personne, ses activités signifiantes ainsi que sa participation afin qu’elle puisse
mener une vie satisfaisante pour elle. Ainsi, il peut proposer de la rééducation, des aides
techniques et humaines, des aménagements de l’environnement... De ce fait, l’ergothérapeute
trouve facilement son rôle avec les personnes âgées en situations de dépendances. En effet,
lorsque le maintien à domicile d’une de ces personnes est complexe, il peut envisager des
solutions d’aménagement ou l’orienter vers des structures pouvant délivrer de l’aide, que ce soit
des services d’aide à domicile ou des établissements répondant à ses besoins.
.
Un stage dans un service de SSR gériatrique a permis d’observer des situations où l’entrée
en EHPAD de personnes âgées a été organisée pendant l’hospitalisation. Cela a été le cas pour
deux d’entre elles, âgées d’environ 75 ans et victimes d’un AVC ayant entraîné une perte
d’autonomie et d’indépendance dans les activités de la vie quotidienne.
La première, Mme L, souffrait d’une hémiplégie flasque sans récupération motrice et avec
héminégligence. Elle présentait des troubles du comportement et avait des pensées suicidaires.
La deuxième, Mme P, ayant un déficit de motricité globale bilatérale en raison de récidives
d’AVC se déplaçait en fauteuil roulant malgré une récupération de certaines fonctions qui restait
insuffisante pour être autonome et indépendante au quotidien. Elle n’avait pas de troubles
cognitifs diagnostiqués mais il lui arrivait d’avoir des hallucinations la coupant du monde réel.
Au moment de l’hospitalisation, ces deux personnes exprimaient leur souhait de rentrer à
domicile mais leurs maris respectifs également âgés ne se sentaient pas capables d’assumer leur
accompagnement. En effet, au quotidien ces deux personnes auraient eu besoin d’une présence
continue à domicile pour éviter une éventuelle mise en danger mais aussi besoin d’aide et de
soutien pour les activités simples de la vie quotidienne telles que les soins d’hygiène, les repas,
les transferts… ce qui peut représenter une charge mentale et physique importante pour l’aidant.
Une aide humaine leur a été proposée en collaboration avec l’assistante de service social pour
bénéficier d’un passage matin, midi et soir mais la contrainte liée à la gestion du quotidien leur
semblait toujours trop importante. Une entrée en EHPAD a donc été décidée et les démarches
furent engagées. Quelques semaines plus tard, leur entrée y était organisée, Mme L l’avait
acceptée à contrecœur comprenant la complexité de la situation mais restant fâchée contre son
mari et Mme P acceptait passivement cette décision, par respect pour son mari et pour le bien-
être de ce dernier.
12 Ministère du travail, de la solidarité et de la fonction publique et ministère de la santé et des sports, 2010, Annexe I Diplôme d’état d’ergothérapeute 13 ONDPS, 2010. Compte rendu de l’audition des Ergothérapeutes du 7 avril 2010
5
Dans ces situations, il a été constaté que les deux personnes ont vécu une entrée en EHPAD
sans en avoir construit le projet. Ce sont leurs maris respectifs qui furent acteurs de la décision
en rencontrant les différents professionnels concernés et en faisant eux-mêmes les démarches. Il
n’a pas été perçu que ces deux personnes aient délibérément choisi leur institutionnalisation.
Comment ont-elles alors vécu cette situation ? En effet, elles devront passer leurs dernières
années dans un lieu qui va bouleverser leur quotidien de part son organisation spécifique.
Cela soulève de nombreuses questions : Quels éléments influent sur la prise de décision
d’institutionnalisation ? Quelle est la place de la parole de l’aidant dans cette décision ? Quels
compromis faut-il faire entre sécurité et liberté/risque ? Quel est l’impact de cette décision sur la
sphère familiale ? D’autres solutions pourraient-elles être adaptées à ces situations ? Comment
respecter les valeurs de la personne si elle n’est pas en capacité de prendre sa décision ? Quel est
l’impact de l’institutionnalisation lorsque l’idée a émergé d’une autre personne ? Quel est le
rôle de l’ergothérapeute, s’il en a un, dans cette décision ?
Ces questionnements amènent à la question de départ suivante :
1.2 Emergence de la question de recherche
Les EHPAD, au nombre de 7 258 en 2014 sur le territoire français soit 557 648 places, ont
aujourd’hui une place majeure dans l’accueil des personnes âgées. Ce sont les établissements
d’hébergement de longue durée les plus nombreux (DRESS, 20141). Cependant, depuis plus
d’une quarantaine d’années, les politiques publiques favorisent le maintien à domicile (INSEE,
201114
) cela ayant été initié dès 1962 avec le rapport Laroque.15
Effectivement, vivre à domicile
est aujourd’hui un fait sociétal, les personnes souhaitant y rester. De plus, le coût de la vie à
domicile avec des aides nécessaires est souvent moindre comparé à celui d’un hébergement, ce
qui a également favorisé cette orientation politique. Ainsi, les premiers réseaux d’aide humaine
à domicile sont nés dans les années 195016
mais ces derniers ont connu un essor important ces
dernières années, leur développement ayant été appuyé par plusieurs lois dont celle du 2 Janvier
2002.17
D’autres services se sont également développés tels que les structures d’accueil de jour
ou de nuit, les hébergements temporaires, les services de garde itinérante de nuit.18
De
nombreux professionnels exerçant au sein de ces structures, d’organismes d’aide à domicile ou
14 DRESS, 2008. Etude sociologique sur les conditions d’entrée en institution des personnes âgées et limites du maintien à domicile. 15 ENNUYER B, 2007. 1962-2007 : Regard sur les politiques du « maintien à domicile », Gérontologie et société, vol. 30, N°123, p. 153-167 16 CAIRE J-M, 2015. Etude anthropo-systémique des conditions de maintien à domicile : dans le cas d’une maladie d’Alzheimer ou maladie
apparentée. Thèse, université de Bordeaux 17 Article 7 : « toute personne prise en charge par des établissements et services sociaux et médico-sociaux » doit pouvoir avoir le « libre choix entre
les prestations qui lui sont offertes soit dans le cadre d’un service à son domicile, soit dans le cadre d’une admission en établissement spécialisé »
Ministère de la santé, de la famille et des personnes, 2002. Loi n°2002-2, Art. L311-3 (AbD) du 2 Janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-
sociale. Disponible sur internet : https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=8446016BCBF
4B034EA570E00FD506CDB.tplgfr22s_2?cidTexte=LEGITEXT000006074069&idArticle=LEGIARTI000006797371&dateTexte=20180106&categor
ieLien=id#LEGIARTI000006797371 (consulté le 6 Janvier 2018) 18 ARGOUD D, 2009. Les politiques du libre choix : vers la fin du politique ?, Gérontologie et société, vol. 32, N° 131, p. 53-61.
Quels facteurs entrent en compte lorsque l’équipe pluridisciplinaire, dont l’ergothérapeute fait
partie, propose une entrée en EHPAD à une personne âgée à la suite d’un séjour en SSR ?
6
bien en libéral permettent aux soins nécessaires pour les personnes d’être assurés et ainsi de
maintenir un quotidien à domicile.19
Cependant, on observe que l’aide proposée par l’APA doit parfois être fractionnée en quart
ou demi-heure. Sur ce temps, qu’en est-il de la qualité des soins et des services qui peuvent être
proposés ?20
De plus, le manque de personnel qualifié pour les services d’aide à domicile
empêche d’assurer un accompagnement optimal aux personnes, les professionnels manquant de
temps car ils doivent en voir un nombre important.21
D’autre part, ces derniers doivent de plus
en plus s’atteler à des tâches de gestion technique, administrative et financière afin de
rationaliser les dépenses réduisant encore davantage le temps passé à s’occuper de la personne.22
De ce fait, la mise en place d’aides à domicile est parfois complexe et ne peut répondre à
tous les besoins de la personne, cela étant d’autant plus vrai lorsque le degré de dépendance est
élevé. Dans ces situations, où les limites du maintien à domicile et des aides pouvant être
proposées semblent être atteintes, on s’oriente le plus fréquemment vers une entrée en EHPAD.4
En 2011, 265 500 personnes sont entrées en EHPA et y ont résidé en moyenne 2 ans et demi
avant de décéder.23
L’entrée en EHPAD ne correspond que dans 10% des cas, à une décision
personnelle et seulement 32% d’entre elles participent au choix. Le plus souvent, c’est la famille
(41%) ou les professionnels de santé (20%) qui le font alors que la quasi-totalité des personnes
disent vouloir rester chez elles (DRESS, 20084). Cependant, il est souhaitable que le choix de
l’entrée en établissement fasse l’objet d’un consensus entre la personne, sa famille ainsi que
l’équipe soignante.24
Cela amène donc à se questionner sur les raisons pour lesquelles seule une
minorité de personnes âgées participent à la construction du projet de leur entrée en institution.
Lors des entretiens exploratoires qui ont pu être réalisés avec des ergothérapeutes travaillant
en services de SSR gériatrique, il est apparu que les projets d’institutionnalisation en EHPAD de
personnes âgées à la suite d’un séjour dans ces services étaient fréquents en raison d’une perte
d’autonomie et d’indépendance en lien avec leur motif d’hospitalisation, et leur âge dépassant
très fréquemment les 80 ans augmentant leur probabilité de présenter une dépendance.
Les personnes entrant en EHPAD sont le plus souvent des femmes ayant en moyenne 85
ans, vivant seules à domicile. Effectivement, leur espérance de vie étant plus élevée que celle
des hommes, elles se retrouvent plus âgées et davantage veuves qu’eux. Être marié, avoir un
conjoint valide ou un entourage présent tend à diminuer cette probabilité et ce, de manière plus
prononcée pour les hommes que pour les femmes. En effet, les proches peuvent être des aidants
19 DRESS, 2014. La prise en charge en médecine générale des personnes âgées dépendantes vivant à domicile 20 GZIL F et HIRSCH E, 2012. Alzheimer, éthique et société, édition éres 21 Handicap.fr, 2013. Aide à domicile : des milliers d’emplois non pourvus. Disponible sur internet : https://informations.hand icap.fr/art-infos-
handicap-2013-853-6060.php (Consulté le 27 Janvier 2018) 22 AMYOT J-J, 2016. Travailler auprès des personnes âgées, 4ème édition, Dunod 23 DRESS, 2014. 693 000 résidents en établissement d’hébergement pour personnes âgées en 2011 24 TACNET AUZZINO D, 2009. La place du consentement de la personne âgée lors de l'entrée en EHPAD, Gérontologie et société, vol. 32, N° 131, p.
99-121.Charte : « toute personne âgée dépendante garde la liberté de choisir son mode de vie »
7
au quotidien que ce soit en aidant directement la personne ou bien en participant à la
coordination des aides à domicile professionnelles. A contrario, avoir de faibles revenus, être
isolé ou en conflit avec ses proches tend à augmenter la probabilité d’entrer en EHPAD.7
Généralement, l’institutionnalisation fait suite à une perte d’autonomie et d’indépendance
pouvant être liée à une fracture, la maladie d’Alzheimer, un AVC… Lorsque cette demande fait
suite à une hospitalisation en SSR, c’est que l’on s’est aperçu que la récupération n’était pas
complète laissant une part de dépendance, à laquelle l’institution est la plus à même de répondre.
Ainsi, les études révèlent que 81,2% des personnes en GIR 1 vivent en institution contre 61,1%
de celles en GIR 2, 37,1% de celles en GIR 3 et uniquement 20,6% de celles en GIR 4 (DRESS,
20125). Le GIR serait-il corrélé à une mise en danger au domicile ? Parfois les difficultés sont
telles que les aidants sont épuisés et qu’il faudrait une présence continue, de très nombreux
passages d’aide à domicile, ce qui devient difficile25
mais aussi coûteux à mettre en place.7
Les facteurs environnementaux sont également à prendre en compte. Par exemple, pour
Mme L, sa maison était petite et accessible uniquement par des marches donnant sur la rue. Y
entrer en fauteuil roulant aurait signifié qu’elle ne pouvait plus que vivre dans le salon et la salle
à manger sans même avoir accès à un lavabo. Même avec des aménagements, il lui aurait été
difficile de circuler et d’agir. Ce critère a également été décisif dans la décision d’institution.
Lorsque le maintien à domicile devient complexe et contraignant, il n’est alors pas rare qu’il
soit questionné par la personne ou ses proches. Quels sont les facteurs alors pris en compte par
la famille pour considérer le maintien à domicile comme compliqué ? Quelles analyses font-ils
de la situation ? Quels ressentis, réalités, craintes mettent-ils derrière ? L’analyse de la situation
face à cette décision diffère selon la perception de chacun. Il semblerait que les familles voient
davantage les difficultés, les contraintes du retour à domicile que la personne elle-même.
Prendre une décision correspond alors à un compromis entre la perception de la personne et de
ses proches, l’institutionnalisation répondant en général à une recherche de sécurité.14
La décision d’institutionnalisation intervient souvent dans un contexte de dégradation de
l’état de santé plus ou moins brutale. Elle doit fréquemment être prise dans un délai restreint car
les services de SSR cherchent à réduire leur durée moyenne de séjour. Ainsi, la question du
devenir de la personne se pose bien souvent dès l’entrée dans le service.26
La personne et sa
famille y sont très rarement préparées et le maintien à domicile dans l’instant étant compliqué,
ils sont incités à faire rapidement des inscriptions en maison de retraite. Cependant, c’est
davantage un choix de raison qu’une réelle volonté. Ainsi 39% des résidents d’EHPAD estiment
ne pas avoir eu le temps de s’y préparer, seuls 50% d’entre eux ont eu la possibilité de visiter
auparavant l’EHPAD qu’ils ont intégré ou bien de l’intégrer de manière temporaire. Les études
25 ANCHISI A et al, 2014. Situations de soins à domicile : discontinuité des trajectoires, Recherche en soins infirmiers, N° 118, p. 26-37. 26 DRESS, 2016. Dépendance des personnes âgées : qui paie quoi ?
8
montrent que 64% des personnes pour qui cette décision est prise en SSR, vivaient avant chez
elles et 20% des personnes entrant en EHPAD le sont suite à un passage en SSR.27
Lors des entretiens exploratoires, la possibilité de faire une visite à domicile afin d’éclairer
ce choix a été évoquée. Effectivement, elle peut permettre, ou non, de mettre en évidence les
difficultés que la personne peut y rencontrer en réalisant des mises en situation aidant la prise de
décision. Cependant, même si l’on peut s’accorder quelques jours pour prendre cette décision,
cela reste rapide au vu du changement considérable qu’elle impose dans la vie de la personne.
Pour rappel, la décision d’entrer en institution est personnelle uniquement dans 10% des
situations. La possibilité de faire des comparaisons entre les avantages et les inconvénients du
domicile et de l’institution pour sélectionner une solution est requise. Elle suppose que la
personne possède toutes les informations mais surtout qu’elle ait la capacité de faire un choix
réaliste correspondant à ses convictions.28
/29
Or, les entrées en EHPAD concernent en général
des personnes en GIR 1 ou 2 présentant donc une dépendance avec une probable altération des
fonctions cognitives.30
Ainsi, souvent, c’est sa famille et/ou le corps médical qui fait ce choix.
Il est à noter également que la dépendance d’une personne impacte généralement une partie
de sa sphère familiale. En effet, si la personne vit en couple ou a des enfants à proximité il n’est
pas rare que ces derniers ou son conjoint deviennent ses aidants. Or, qu’implique d’être l’aidant
d’une personne âgée dépendante ? C’est parfois assurer une présence continue au domicile,
apporter de l’aide dans les activités de la vie quotidienne ou même coordonner les aides à
domicile… Il n’est pas rare que ces derniers s’épuisent physiquement mais aussi psychiquement
jusqu’à mettre en péril leur propre santé.31
Cela vient modifier les relations existantes entre les
personnes et déstabiliser l’équilibre en place déstructurant le système familial. La situation peut
alors devenir conflictuelle bien qu’il arrive également que les liens se resserrent davantage. Cela
pouvait être une crainte pour Mr L et Mr P qui ont exprimé ne pas se sentir capables d’assurer
un soutien quotidien convenable pour leur femme. Dans ce cas, il est nécessaire de trouver une
solution d’habitat pour la personne permettant le bien être de chacun et le maintien de relations
humaines satisfaisantes. Cela dépendra de multiples facteurs dont la liste ne pourrait être
exhaustive mais l’on peut citer les valeurs, la catégorie sociale, le mode de vie, les croyances de
la personne et de sa famille, la décision ne dépendant pas uniquement du degré de dépendance.32
Lors d’une hospitalisation, les professionnels ont pour rôle la prescription et la réalisation
d’examens et de bilans afin d’analyser les capacités physiques et cognitives de la personne.14
Ils
observent également l’impact des déficiences relevées sur son indépendance pour tous les actes
27 DRESS, 2011. La vie en établissement d’hébergement pour personnes âgées du point de vue des résidents et de leurs proches. 28 BARRIER P, 2014. Le patient autonome, édition puf 29 BARRIER P, 2010. La blessure et la force : la maladie et la relation de soin à l’épreuve de l’auto-normativité, édition puf science, histoire et société 30 LACOUR C, 2009. La personne âgée vulnérable : entre autonomie et protection, Gérontologie et société, vol. 32, N° 131, p. 187-201. 31 MALO P-Y, 2013. Même vieux, rester acteur de sa fin de vie, Jusqu’à la mort accompagner la vie, N° 113, p. 55-64. 32 CAIRE J-M, 2009. L’accompagnement des aidants de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou maladie apparentée : une approche
didactique de la thérapie familiale systémique, mémoire, Université Victor Segalen Bordeaux 2, Faculté des Sciences de l’Homme
9
quotidiens que ce soit au sein du service ou lors de mises en situations. Des informations
concernant son environnement matériel et humain sont également recherchées afin de pouvoir
au besoin lui proposer des solutions adaptées que ce soit des aménagements ou des aides
humaines afin qu’elle puisse poursuivre sa vie de manière qualitative et selon ses souhaits.
Parfois, la personne n’est pas en capacité de renseigner certaines informations, recueillies par
entretiens et nécessaires à son accompagnement, il est alors possible de contacter son entourage
pour mieux appréhender la façon dont elle vivait et réfléchir à l’impact des difficultés actuelles
sur ce mode de vie. Il est également essentiel que les professionnels accompagnent la personne
dans son parcours de soins, parfois l’aident à prendre conscience de ses difficultés et évoquent
le domicile de sortie d’hospitalisation en l’aidant à se projeter. Lorsque les observations qu’ils
effectuent montrent un degré de dépendance ayant un impact important sur les activités de vie
quotidienne alors une entrée en EHPAD est évoquée. En effet, il peut y avoir une mise en
danger importante face à laquelle la mise en place d’aides humaines est complexe.
Cette décision est souvent discutée en réunion entre les professionnels médicaux et
paramédicaux afin de s’accorder en équipe et de prendre en compte la globalité de la personne,
avant d’être présentée par le médecin à la personne si elle est en capacité de participer, et à son
entourage, qui prend souvent la décision. Cela permet à chacun d’exprimer son souhait
concernant l’institutionnalisation. La loi, charte des droits de l’homme âgé, rappelle que « nul
ne peut être admis en institution sans une information et un dialogue préalable et sans son
accord ». La validation de la personne âgée est donc nécessaire, hors cas particulier de mise
sous régime de protection judiciaire concernant le quart de ces personnes.33
Plusieurs paramètres entrent en considération lors du choix de l’établissement. Dans un
premier temps, il est nécessaire qu’il réponde aux besoins liés à l’état de santé de la personne.
Le critère financier a également une part importante dans le choix, le coût moyen par mois d’un
EHPAD revenant à 1949€ au résident, montant supérieur de 14% aux ressources moyennes des
personnes âgées, il va parfois préférer s’orienter vers le public moins cher que le privé.34
La
géographie est aussi essentielle en choisissant soit de rester dans la région où elle a vécu ou bien
en se rapprochant de sa famille. La réputation de l’établissement et la durée du délai d’attente,
pouvant aller de quelques semaines à plus d’un an, entrent également en compte.27
Cependant, il
est parfois difficile de réunir tous ces critères dans un lieu : des concessions doivent être faites.35
Une fois les besoins de la personne et ces critères pris en compte des dossiers peuvent être
déposés dans les lieux choisis, il est conseillé d’en déposer plusieurs afin d’avoir une réponse
positive dans les meilleurs délais. Ainsi, ce n’est pas toujours l’établissement souhaité qui est
obtenu mais ce dernier répond généralement aux critères principaux de la recherche.
33 DRESS, 2010. La clientèle des établissements d’hébergement pour personnes âgées 34 CNSA, 2016. Analyse des tarifs des EHPAD en 2016 35 DRESS, 2013. Accessibilité de l’offre en établissement d’hébergement pour personnes âgées : enjeux territoriaux.
10
Entrer en institution entraîne de nombreux bouleversements. Cela signifie changer de
domicile mais aussi de quartier, de voisinage, de mode de vie, d’habitudes... Ce peut être
d’autant plus difficile que la personne est fragilisée par la vieillesse ou une maladie. On observe
une forte corrélation entre le fait d’avoir participé au choix de l’institution et le fait de bien y
vivre son entrée et de s’y sentir bien. En effet, dans 74% des cas, ces personnes pourront
davantage reconstruire leur vie privée, participer aux activités et préserveront davantage leur
autonomie. A contrario, seules 37% des personnes n’ayant pas participé à cette décision vivent
bien l’entrée en établissement (DRESS, 200836
). Cependant, avec un recul de 6 mois, on
observe que 86% des personnes en capacité de s’exprimer se disent satisfaites de leur vie en
établissement et seules 5% déclarent être mal soignées (DRESS, 201123
).
Si l’institutionnalisation n’est pas toujours bien vécue, ce n’est en général pas uniquement
en lien avec le changement de logement mais plutôt avec un changement global de l’état de
santé entrainant une dépendance nouvelle. L’entrée en EHPAD met en avant les nouvelles
difficultés qui y sont liées, obligeant la personne à en prendre conscience ce qui peut être pour
elle psychologiquement difficile.
Ces recherches préliminaires m’amènent à la question de recherche suivante :
L’étude qui va suivre sera basée sur les hypothèses suivantes :
Le partage, par les professionnels de l’équipe pluriprofessionnelle, des résultats de leurs
observations, leur permet d’argumenter un avis sur le devenir d’une personne âgée et
ainsi d’aider la personne et son entourage à faire un choix éclairé.
La manière dont les professionnels de santé vont rendre compte de leurs conclusions en
lien avec une entrée en institution, à la personne âgée et à son entourage a un impact sur
le vécu de la décision.
Afin de réaliser cette étude, des entretiens avec des professionnels de santé d’une même
équipe travaillant en SSR avec des personnes âgées : deux ergothérapeutes, un médecin, une
assistante de service social, une infirmière, une aide soignante et une psychologue seront
réalisés. Ils permettront la mise en évidence du rôle de chacun autour de la décision
d’institutionnalisation et expliciteront la manière dont cette question est abordée dans la
pratique autour de la personne.
36 LAROQUE G, 2009. Le libre choix du lieu de vie : une utopie nécessaire, Gérontologie et société, vol. 32, N° 131, p. 45-51
Quelle est la contribution de l’ergothérapeute, au sein d’une équipe pluridisciplinaire,
dans la réflexion autour de l’institutionnalisation en EHPAD d’une
personne âgée hospitalisée en soins de suite et de réadaptation ?
11
2. Partie théorique et conceptuelle
2.1 L’ergothérapeute en gériatrie
L’ergothérapeute est un « professionnel situé au croisement des secteurs médicaux, sociaux
et techniques ». Il « fonde sa pratique sur le lien entre l’activité humaine et la santé ». Ainsi,
« il intervient auprès des personnes qui rencontrent des difficultés dans leur vie quotidienne ou
encore pour prévenir « des situations à risque pour la santé et des situations de handicap » »
(ANFE). Ses objectifs sont de favoriser leur participation sociale, leur bien-être, leur auto-
détermination ainsi que « l’amélioration de [leur] qualité de vie » (Association France
Alzheimer (FA)). Pour cela, « l’ergothérapeute aide [la personne] à explorer [ses] ressources
personnelles et développe les fonctions préservées », il l’« accompagne [ainsi que] les aidants
dans la gestion au quotidien des effets de la maladie » (FA)… Quelle qu’elle soit, son
intervention est en lien avec une demande de la personne et de son entourage, les objectifs étant
co-construits. L’intervention est évolutive et peut se modifier, se compléter selon l’évolution de
la personne et de ses souhaits.37
L’ergothérapeute base actuellement sa pratique sur des modèles bio-psycho-sociaux lui
permettant d’ « analyse[r] la situation et [d’]identifie[r] les raisons pour lesquelles une
personne ne peut s’adonner aux activités qu’elle souhaite ou doit exercer en rapport avec son
âge » (ANFE). En effet, il s’intéresse à ses facteurs personnels (contexte familial et social,
ressources, histoire, capacités…), ses facteurs environnementaux (habitat, aménagements, aides
techniques et humaines…) mais aussi à ses habitudes de vie (relation, mobilité, entretien
personnel, vie courante, occupations…).37
Différentes dimensions sont prises en compte :
fonctionnelles, cognitives, motrices, sensorielles, spirituelles... en considérant les valeurs et les
ressources de la personne.38
L’ergothérapeute met en évidence les écarts entre les compétences
requises pour réaliser une activité et celles dont elle dispose.22
Ainsi, il comprend plus aisément
la situation, les difficultés et les besoins de la personne dans leur contexte. L’ergothérapeute
relève des éléments pertinents et objectivables auxquels il donne du sens pour ajuster ses choix
thérapeutiques.37
Afin de recueillir ces informations, il peut échanger avec la personne qui
expose son histoire de vie, ses désirs à propos de l’intervention…39
Il dispose également de
l’observation, donnant une image du fonctionnement en activité de la personne dans son
environnement pour laquelle il créé parfois ses propres grilles. Généralement, elle a lieu lors de
mises en situations dites écologiques par exemple lors de la douche, de la préparation d’un
repas…37
mais aussi des visites à domicile pour voir son environnement.39
Des outils
spécifiques, normés et validés existent aussi pour évaluer l’impact des difficultés au quotidien.37
37 MEYER S, 2013. De l’activité à la participation, édition De Boeck 38 KALFAT H, 2006. L’évaluation en ergothérapie : quelles possibilités et quelles règles ?, Ergothérapies, N°21, p. 15-19 39 MOREL-BRACQ M-C, 2017. Les modèles conceptuels en ergothérapie, introduction aux concepts fondamentaux. 2ème édition, deboeck
12
Lorsque la personne est hospitalisée, l’ergothérapeute débute par une démarche rééducative,
pour qu’elle retrouve un maximum de capacités, de possibilités afin qu’elle puisse poursuivre sa
vie le plus ordinairement possible par rapport à avant l’hospitalisation.40
Les groupes
d’éducation thérapeutique, dans lesquels les ergothérapeutes ont leur place et qui participent à la
prévention de la santé répondent aussi à cet objectif. Cependant si l’état de la personne se
stabilise alors qu’elle « n’arrive pas à réaliser ses activités de manière efficace et sécuritaire »
(ANFE), l’intervention s’oriente vers la réadaptation.41
En effet, dans ces situations l’ergothérapeute va pouvoir « préconiser les aides techniques et
les assistances technologiques, les aides humaines […] nécessaires à l’autonomie et la qualité
de vie au quotidien » de la personne. Ce peut être de la domotique comme le rappel de tâches, le
contrôle d’environnement, la téléalarme, la détection à distance de situations d’insécurité, des
services de communication… qui vont compenser certains déficits ou bien plus simplement une
planche de bain, un rehausseur de WC… Il est important que ce qui est conseillé puisse être
utilisé par la personne et corresponde à ses besoins.20
D’autres fois, c’est la présence de
professionnels au domicile qui permettra de l’aider au quotidien pour des tâches spécifiques.
L’ergothérapeute peut également « propose[r] des aménagements du lieu de vie en adaptant les
obstacles et dangers de l’environnement pour sécuriser les espaces et permettre la meilleure
autonomie possible » (ANFE). Ce peut être un réagencement permettant de pallier à certains
besoins, un conseil pour une lumière adaptée dans la mesure où les personnes de plus de 80 ans
ont besoin de dix fois plus de luminosité que les jeunes, une organisation de l’environnement
sécurisant les déplacements, une ambiance sonore pour qu’elles ne se sentent ni isolées, ni
gênées par les bruits, un environnement contenant donc rassurant, une température agréable…42
Cependant, cela représente un coût et l’aide pour le financement de tels aménagements, par
l’ANAH et la caisse de retraire, peut être très longue à obtenir, entre 6 et 8 mois environ.43
Bien
que le domicile soit adapté, il faut également penser que cela est rarement le cas de l’extérieur,
des lieux publics et que la personne ne pourra pas nécessairement en sortir facilement.44
En parallèle de la réadaptation, il est parfois nécessaire pour l’ergothérapeute de poursuivre
une intervention stimulante afin que la personne conserve son indépendance et son autonomie
actuelle. Il l’aide également à « identifier ses limites » et « aide l’entourage à bien comprendre
les conséquences […] de la maladie au quotidien ». Il valorise ses capacités en « favoris[ant]
[l’]utilisation [des fonctions préservées] dans les activités dont [elle] a besoin et qui ont du
sens pour elle » l’aidant « à regagner confiance en [elle] » participant parfois au « soulagement
de [sa] détresse émotionnelle » (FA) et celle de son entourage.
40 Ministère des Solidarités et de la Santé, 2017. Soins de suite et de réadaptation – SSR, une prise en charge globale de la personne après
l’hospitalisation. Disponible sur internet : http://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/prises-en-charge-specialisees/ssr (Consulté en mars 2018) 41 FOURNIER C et KERZANET S, 2007. Communication médecin-malade et éducation du patient, des notions à rapprocher : apports croisés de la
littérature, Santé Publique, vol 19, p. 413-425 42 DEOUX S, MASSOT O, GIRARD V, 2011. L’habitat, facteur de santé des trente dernières années de vie des aînées ?, Gérontologie et société,
vol.34, N°136, p. 91-103 43 BOULMIER M, 2011. Habitat, territoires et vieillissement : un nouvel apprentissage, Gérontologie et société, vol. 34, N°136, p. 29-46 44 DJAOUI E, 2011. Approches de la « culture du domicile », Gérontologie et société, vol. 34, N°136, p.77-90
13
Si, d’après l’ergothérapeute le maintien à domicile est complexe au regard des capacités de
la personne et ce, malgré les aides et aménagements possibles, il peut alors évoquer une entrée
en EHPAD plus sécurisante pour la personne. Dans l’analyse qu’il fait de la situation il doit
prendre en compte des concepts tels que l’autonomie, la dépendance, l’indépendance et la
vieillesse qui font l’objet de la partie suivante.
2.2 Les concepts mobilisés
2.2.1 L’autonomie
Etymologiquement, indépendamment de la manière dont il est établi en sciences humaines
et sociales, le terme d’autonomie signifie « se gouverner soi-même ».20
En ergothérapie, il est
défini comme la « capacité d’agir conformément à sa propre volonté » (Reed & Sanderson,
1983) ou bien la possibilité « d’émettre des jugements et des idées qui lui sont propres [à la
personne] » (Creek, 2007).37
On perçoit alors que l’autonomie de l’action passe par celle de la
pensée. Cependant, elle ne se limite pas à la seule capacité décisionnelle mais également par le
pouvoir de mener une vie correspondant à ses valeurs, ses convictions et sa morale.45
Être
autonome nécessite d’avoir une motivation, des capacités internes (cognitive, psychologique…)
mais aussi externes (appui, environnement…). C’est un processus dynamique que la personne
fonde au cours de sa vie. Aussi, l’autonomie n’est pas incompatible avec la dépendance, une
personne peut vivre selon sa volonté tout en étant dépendante pour certaines tâches.20
La société actuelle valorise l’autonomie, cependant il serait irréaliste et irraisonnable de
croire qu’elle est absolue.46
Pour chacun d’entre nous, elle est influencée par notre histoire,
notre éducation, nos désirs, notre raison, nos capacités mais aussi nos relations sociales, notre
accès aux ressources, la société, notre environnement qu’il soit politique, social ou bien
économique.47
Elle est contrainte par la liberté d’autrui et le contexte. De plus, avant de faire un
choix nous consultons souvent nos pairs afin de prendre en considération des éléments qui
auraient pu nous échapper : on parle alors d’interdépendance.20
2.2.2 La dépendance
La dépendance se définit comme le « fait d’être lié organiquement ou fonctionnellement à
un ensemble […] » (CNRTL). D’un point de vue humain, on peut dire que chacun est dépendant
des autres et de son environnement. C’est une nécessité pour s’intégrer dans la société, en
apprendre les codes, développer son affectivité mais aussi son autonomie.48
La dépendance n’est
donc pas pathologique, c’est lorsqu’elle est mal répartie entre les individus qu’elle le devient.
Ainsi, en ergothérapie, tout comme dans le milieu du handicap, la dépendance est définie
comme l’ « incapacité à réaliser une activité par soi-même » (Crepeau, Cohn & Boyt Shell,
45 GZIL F, 2011. Capacité d’autonomie et compétence décisionnelle, université d’été Alzheimer, éthique et société 46 ZIELINSKI A, 2009. Le libre choix. De l’autonomie rêvée à l’attention aux capacités, Gérontologie et société, vol. 32, N° 131, p. 11-24 47 NUSSBAUM MC, 2012. Capabilité, comment créer les conditions d’un monde plus juste, édition Climats 48 MALO P-Y, 2007. Les voies du sujet aux portes de la dépendance, Gérontologie et société, vol. 30, N°121, p. 103-114
14
2003). La personne a alors besoin d’une aide extérieure pour réaliser certaines tâches du
quotidien mais peut en réaliser d’autres, seule. Elle est donc dépendante pour celle-ci mais il est
un abus de langage de parler de « personne dépendante ».20
Dans le langage courant, ce terme
est pourtant souvent employé pour désigner une personne âgée ayant des atteintes globales
physiques et psychiques et qui se retrouve alors dans l’incapacité de s’assumer au quotidien.
Elle a donc besoin de l’aide d’une tierce personne. C’est également le cas de la grille AGGIR
qui combine plusieurs informations dont résulte un degré de dépendance.
2.2.3 L’indépendance
L’indépendance se définit en ergothérapie comme la « possibilité d’effectuer sans l’aide de
tiers ses activités de vie quotidienne » (Wilcock, 2002). Cela comprend les activités de bases
telles que l’hygiène, les repas mais également le travail ou les loisirs.20
Ces possibilités sont
influencées par les capacités cognitives et motrices de la personne mais également par son
environnement physique comme social.
2.2.4 La vieillesse
La première définition de la vieillesse selon le CNRTL est la « période de la vie succédant
à l’âge mûr que l’on situe chez l’homme à partir de l’âge de soixante-cinq, soixante-dix ans ».
Pour l’OMS cet âge est de 60 ans contre 65 pour le rapport Laroque, posant les bases d’une
politique autour de la personne âgée ; pour la retraite il est de 62 ans. En SSR, l’âge moyen est
de 75 ans, tandis que celui des personnes entrant en EHPAD est de 86 ans.49
Si l’on interroge la
population, l’âge moyen où une personne est âgée est évalué à 69 ans.50 Cette diversité de chiffres
met en avant la valeur subjective de l’âge de la vieillesse dépendant du point de vue choisi. De
plus l’évolution de l’espérance de vie change constamment le regard sur cette donnée. L’âge est
ainsi plus une donnée administrative que réellement le synonyme d’un état physiologique.
Le CNRTL donne une deuxième définition de la vieillesse : « état où se trouve une personne
âgée, se traduisant généralement par un affaiblissement de l’organisme, une diminution des
forces physiques et des capacités mentales ». Ici, la vieillesse ne correspond pas un âge mais
davantage à un processus psycho-physiologique source de changement pour la personne. C’est
l’évolution du degré de validité, de l’état psychologique, des aptitudes et inaptitudes à mener
une vie indépendante.50
Parfois, il est nécessaire pour la personne de modifier certaines
habitudes de vie afin de préserver son équilibre et son autonomie. Le vieillissement peut être
source de maladies et de handicaps pouvant mener à la dépendance mais n’en est pas le
synonyme. En effet, il est possible de vieillir sans subir ces effets néfastes du vieillissement.14
Finalement, la vieillesse ne correspondrait pas un âge mais davantage à l’état de santé vécu
par une personne indépendamment de cette donnée.20
49 Statista, 2015. Âge moyen des résidents étant entrés en EHPAD en France en 2015, selon la catégorie d'établissement. Disponible sur internet :
https://fr.statista.com/statistiques/727832/nombre-age-moyen-entrants-ehpad-france/) (Consulté le 01/05/2018) 50 ENNUYER B, 2011. A quel âge est t’on vieux ?, Gérontologie et société, vol. 34, N°138, p. 127-142
15
2.3 Le choix
Avant de proposer une entrée en EHPAD, l’ergothérapeute doit être au fait de ce qu’elle
implique que ce soit en termes de lieu de vie comme de risques et de sécurité par rapport au
domicile. Il est également important qu’il saisisse la nature du choix de la personne et
l’importance qu’il revêt pour elle. Pour finir, il s’intéresse à tous les paramètres venant
influencer la décision finale.
2.3.1 Le maintien à domicile ou l’entrée en EHPAD ?
Le domicile est d’un premier abord, le lieu de vie matériel de la personne. Cependant, ce
dernier représente bien plus. Effectivement, il donne une première image de la personne qui la
distingue d’autrui et participe à sa reconnaissance sociale. Elle y a ses stratégies et ses
adaptations lui permettant de masquer ses vulnérabilités. De plus, ce lieu est souvent générateur
d’un cercle social de proximité avec le voisinage mais aussi de la solidarité familiale.44
Le domicile est également source d’un sentiment de sécurité. Il s’agit d’un refuge contre les
menaces extérieures et contre l’insécurité de l’environnement public, c’est-à-dire un espace que
son habitant peut maîtriser. Il répond au besoin de ressourcement de la personne qui peut s’y
retrouver et y reprendre ses forces après un passage difficile. De plus, il est stable, constant,
quelques soient les épreuves qui peuvent être traversées. C’est donc un repère et un repaire.51
Au sein de son domicile, la personne peut s’exprimer librement, rêver lorsque la réalité est
trop frustrante, exprimer son autonomie sans crainte de jugement. C’est également le lieu de
l’intimité, du monde privé, celui du rapport au corps, de l’affectivité, de la solidarité et des
émotions libres. Elle peut y vivre l’amour, la tendresse, l’empathie tout comme l’anxiété,
l’agressivité, la dépression... et cela n’est partagé qu’avec les personnes qu’elle laisse entrer.20
Finalement, le domicile est un lieu d’investissement émotionnel fort puisqu’il correspond à
la vie de famille, à l’éducation des enfants, au lieu qui les a vu grandir, celui-là même qui a vu
naître la personne parfois.52
Il porte de nombreux souvenirs. La personne y passe beaucoup de
temps, y réalise ses activités, le personnalise… Avec le temps elle y fait le lieu dans lequel sa
réalité, ses normes, ses valeurs, sa morale mais aussi ses rituels, son rythme, son langage
s’expriment librement, celui où elle peut être elle même. C’est le lieu des secrets et des interdits
qu’elle s’autorise. Finalement, le domicile représente son prolongement, il la représente dans sa
singularité, avec son identité et sa personnalité, en la différenciant des autres.20
Historiquement, le domicile était le lieu où l’on vieillissait et où l’on mourrait. Cependant,
avec l’évolution de la société, la structure familiale est devenue de moins en moins disponible
pour accueillir ses proches dans les dernières années de leur vie. Ainsi, les premières maisons de
retraite sont nées dans les années 1960. Initialement, elles n’accueillaient que des personnes
valides, dont les besoins de soins étaient moindres, les hôpitaux répondant à la demande de
51 ZIELINSKI A, 2015. Être chez soi, être soi, Etudes, N° 4217, p.55-65 52 LAROQUE G, 2011. Ma maison, c’est mon château, Gérontologie et société, vol. 34, N°136, p. 8-11
16
soins plus complexes. Cependant, l’hôpital dont la valeur reste curative n’était plus en capacité
d’accueillir toutes ces personnes et en 1975 une loi est établie afin de généraliser la création de
maisons de retraite médicalisées ou non en unité de long séjour hospitalier pour répondre à cette
demande. C’est dans la loi de janvier 1997, que le terme d’EHPAD apparaît pour la première
fois pour répondre au changement de la population accueillie, de plus en plus âgée et
dépendante afin de fournir davantage de soins et de services de qualité.53
Aujourd’hui, l’EHPAD est une structure médicalisée habilitée à recevoir des personnes en
situation de dépendance, âgées de plus de 60 ans, excepté en cas de dérogation. Elles peuvent y
recevoir les soins médicaux et paramédicaux dont elles ont besoin mais aussi bénéficier d’une
aide adaptée au quotidien fournie par les professionnels de l’équipe pluridisciplinaire. Cette
dernière qui est composée du médecin coordinateur, des professionnels paramédicaux
(infirmières, aides soignantes, aides médico-psychologiques…), des membres du personnel de
psychoéducation et de l’accompagnement éducatif et social assurent la continuité de ces soins.
La personne bénéficie d’une chambre simple ou double avec salle de bain. Plusieurs services lui
sont également proposés tels que la restauration, la fourniture du linge de lit et de toilette,
l’animation et la vie sociale qui peut avoir lieu à l’intérieur comme à l’extérieur de
l’établissement. Les séjours peuvent être à temps complet ou partiel, permanent ou temporaire.54
Afin que la personne puisse se sentir chez elle en EHPAD elle peut y amener ses meubles et
ses effets personnels. Cependant, son domicile privé se limite à l’espace de la chambre dans
lequel, qui plus est, de nombreux professionnels de santé entrent et s’imposent à elle de manière
aléatoire au cours de la journée. De plus, l’environnement est différent du domicile privé, il n’y
a pas le même voisinage et ses habitudes de vie sont modifiées par le rythme de fonctionnement
de la structure en lien avec la toilette, les repas, les activités, les changements d’équipes, la
collectivité… qui ne correspondent pas à son rythme de vie antérieure. La personne vit en
collectivité dès lors qu’elle franchit le seuil de sa chambre pour la restauration comme pour les
loisirs et elle est entourée de personnes âgées également dépendantes. On observe donc que
l’EHPAD, bien qu’il permette une permanence des soins, modifie de manière considérable le
quotidien de la personne dont l’autonomie ne peut s’exprimer de la même façon.55
2.3.2 Le compromis entre le risque et la sécurité
Choisir entre risque ou sécurité nécessite de comprendre ce que l’on met derrière ces mots.
Le risque peut se définir comme « un danger éventuel, plus ou moins prévisible, inhérent à une
situation ou une activité » (CNRTL). La prise de risque est quant à elle « toute tentative
délibérée qui […] opte pour une démarche qui envisage l’éventualité d’une issue dommageable
comme moindre que le bénéfice attendu ». Le risque est perçu différemment en fonction du
53 VILLEZ A, 2007. EHPAD, La crise des modèles, Gérontologie et société, vol 30, N°123, p. 169-184 54 République française, 2017. Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Disponible sur internet :
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F763 (Consulté le 29 Janvier 2018) 55 FERREIRA E et ZAWIEJA P, 2002. Un « chez soi » en EHPAD ?, Cliniques, N°4, p. 164-179
17
contexte, de la culture, de l’environnement mais aussi des paramètres individuels tels que l’état
de santé… C’est un processus dynamique, instable, évolutif, relatif et subjectif à une situation.56
Dans la vie d’un être humain il y a de nombreux risques. Si ces derniers sont assez bien acceptés
pour les personnes relativement jeunes à qui l’on préconise la prudence, il n’en est pas de même
pour les personnes âgées pour lesquelles les proches comme les professionnels de santé sont
souvent plus réticents et font alors prévaloir la sécurité.
Les personnes âgées font partie de celles dont les risques lors des activités de la vie courante
sont les plus importants. En effet, ¾ des accidents mortels de la vie courante, c’est-à-dire des
traumatismes non intentionnels, hors accident de la circulation routière et du travail, sont
attribués aux plus de 65 ans et 2/3 au plus de 75 ans représentant 14 845 décès en 2008.
57/58 Cela
en fait la troisième cause de décès de la personne âgée après les maladies cardiovasculaires et
les cancers.42
66% de ces accidents ont lieu au domicile, presque 50% à l’intérieur, 15% dans
les lieux de soin et EHPAD, 13% dans les zones de transports.59
Certains facteurs y rendent la
personne plus vulnérable tels que le fait d’être une femme, indépendamment du sex-ratio, d’être
âgée, d’avoir une maladie chronique, d’être en surpoids ou bien en détresse psychologique.60
L’accident de la vie courante le plus fréquent chez les personnes âgées est la chute qui en
représente 80% et engendre près de 9000 décès chaque année. 78% d’entre elles surviennent au
domicile, au moins une fois par an pour 1/3 des personnes de plus de 65 ans, et la moitié des
plus de 85 ans. Généralement elle est liée au revêtement du sol (34%), aux escaliers (8%)… 42
Elle est plus fréquente lorsque la personne présente des troubles visuels, des troubles de
l’équilibre, lorsqu’elle est isolée ou que son logement n’est pas adapté. Fréquemment, elle est la
cause de fractures61
, les os des personnes âgées étant plus fragiles, mais aussi une perte
d’indépendance avec davantage de difficultés pour courir, monter un escalier, se concentrer,
s’habiller, sortir de son domicile, effectuer une démarche administrative…59
La suffocation est
l’un des autres risques importants avec 2/3 attribuées au plus de 75 ans. Le risque est accentué
chez les personnes ayant des pathologies du système nerveux telles qu’une démence, des
troubles mentaux, une maladie vasculaire cérébrale… Elle est souvent liée à l’ingestion
d’aliments ou d’objet obstruant les voies respiratoires. On trouve en troisième position
l’intoxication dont près de la moitié des victimes ont plus de 65 ans. Elle a généralement pour
cause une prise de médicament accidentelle, un surdosage lié à une erreur de prescription ou
bien la respiration de certains gaz.42
D’autres causes diverses sont responsables d’accidents de la
vie courante telles que ceux causés par le feu avec brûlure, les efforts excessifs, les chocs
56 DROZ MENDELZWEIG M et al., 2014. Le risque chez les personnes âgées à domicile : un objet relationnel, Revue Médicale Suisse, p.1835 à 1837 57 Ministère des solidarités et de la Santé, 2015. Les chiffres clés. Disponible sur internet : http://solidarites-sante.gouv.fr/prevention-en-sante/risques-
de-la-vie-courante/article/les-chiffres-cles (Consulté le 5 Février 2018) 58 Santé publique France, Inpes, 2014. Accident de la vie courante : définition et contexte français. Disponible sur internet :
http://inpes.santepubliquefrance.fr/10000/themes/accidents/index.asp (Consulté le 5 Février 2018) 59 InVS, 2010. Enquête permanente sur les accidents de la vie courante (EPAC), Maladies chroniques et traumatismes 60 Inpes, 2010. Les comportements de santé des 55-85 ans, Baromètre santé 61 Le portail de l’Economie, des finances, de l’action et des compte publics, 2010. Quelques chiffres. Disponible sur :
https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Securite/Accident-de-la-vie-courrante/Quelques-chiffres (Consulté le 6 Février 2018)
18
accidentels, les électrocutions, les piqûres, les coupures, les rayonnements, la défenestration, la
noyade…59
Cependant, si le maintien à domicile présente des risques pour la personne du fait de
potentiels accidents de la vie courante, il y a également un risque pour ses proches. En effet,
devant la perte d’autonomie de la personne, la solidarité naturelle qui est aussi inscrite dans la
loi, en fait les premiers aidants. Cela leur demande de la disponibilité et de l’investissement
pouvant les amener à prendre moins de temps pour eux, leur propre famille62
, à s’éloigner de
leur réseau social, à aménager leur temps de travail s’ils sont en activité.63
Ce n’est pas sans
conséquences financières, pertes à laquelle se rajoute parfois diverses interventions payantes, ce
qui peut mettre en difficulté une famille.59
De plus, certaines tâches ménagères ou
administratives peuvent s’ajouter, l’aidant peut donc être amené à prendre des décisions
nouvelles.64
Les liens affectifs avec la famille sont également modifiés. Ils sont mis à l’épreuve
et certains conflits ou désaccords peuvent apparaitre.62
Enfin, c’est donc sur le plan
psychologique que se porte le risque principal avec une fréquente fatigue, du stress, une perte de
qualité de sommeil en lien avec une incompréhension de la situation, la lourdeur de la charge
mentale associée, le sentiment d’être seul, l’angoisse.. Les aidants mettent leur propre santé en
danger (perte d’appétit, troubles digestifs, problèmes de dos…) et il est démontré que leur
espérance de vie peut être raccourcie.64
Cependant, si le maintien à domicile présente certains risques c’est également le cas de
l’EHPAD. Effectivement, la personne y vit uniquement avec des personnes âgées présentant un
degré de dépendance plus ou moins important, et est retirée en quelque sorte du monde extérieur
progressivement. Elle voit moins ses proches, ses connaissances, sa vulnérabilité est plus visible
pouvant lui faire perdre en estime d’elle-même.44
Par ailleurs, il s’agit d’un lieu moins stimulant
que l’extérieur ce qui peut mener à la perte du goût de la vie, de la volonté et du dynamisme.
Peu à peu, la personne peut se déconditionner sur le plan psychomoteur. La perte du foyer peut
aussi correspondre à la perte de l’intimité, de la liberté, des repères pouvant générer un
sentiment d’insécurité, d’angoisse, pouvant amplifier des désordres physiologiques tels de la
dépression.57
La sécurité est quant à elle, un « état d’esprit confiant et tranquille qui résulte du sentiment,
bien ou mal fondé, que l’on est à l’abri de tout danger » (CNRTL). Au domicile, elle
correspond à la stabilité psychique de l’individu qui y a ses repères et qui dispose librement de
son autonomie comme il l’a déjà été exposé. En fonction de ses valeurs, pour le proche aidant,
aider ce peut être ne pas renier son passé, s’engager pour l’autre, avec tendresse et affectivité,
62 LE BIHAN-YOUINOU B, MARTIN C, 2006. Travailler et prendre soins d’un parent âgé dépendant, Travail, genre et sociétés, N°16, p. 77-96 63 SECALL A, THOMAS IC, 2005. L’accompagnement de l’aidant de la personne âgée atteinte de démence, Recherche en soins infirmiers, N°82,
p.50-61 64 BAUMANN M, AÏACH P, 2009. L’ « aidant principal » face à l’AVC d’un proche, Médecine, Avril 2009, p. 184-188
19
comme dans une mission dont il retire des bénéfices par la reconnaissance de son rôle. Cela
participe aussi à limiter son angoisse face à la maladie ainsi que sa culpabilité face la situation.65
En EHPAD, la sécurité est ce qui revient en premier lieu dans la demande de la personne
accueillie mais surtout de ses proches et il se doit de la garantir. Cela passe tout d’abord par le
fait de répondre aux besoins essentiels de la personne tels que se lever, se coucher, faire sa
toilette, manger… tout comme le suivi du traitement médical, actes qui peuvent être
accompagnés par les professionnels médicaux et paramédicaux exerçant sous le contrôle du
médecin coordinateur.66
La recherche de maintien de l’autonomie de la personne passe par la
sollicitation lors des activités de la vie quotidienne et des activités proposées au sein de
l’établissement.67
Pour les déplacements, s’ils ne peuvent être empêchés, au risque de porter
atteinte à la liberté de mouvement de la personne, ils peuvent être contrôlés. Effectivement, les
professionnels de la structure se doivent d’être vigilants à ce qu’elle ne se mette pas en danger.
Pour celles les plus à risque de fugue, des unités spéciales fermées existent, tout comme les
bracelets de géolocalisation.23
Si la chute est le risque principal à domicile, elle est également
fréquente en EHPAD d’autant plus que les personnes qui y résident y sont davantage sensibles
du fait de leur degré de dépendance. Ainsi, les établissements ont l’obligation de faire paraître
dans leur projet d’établissement la lutte contre les chutes, de les recenser et d’y réfléchir en
équipe afin de mettre en place des actions pour les éviter. Ce peut être l’aménagement des
locaux : suppression des obstacles dans les espaces de déambulation, installation de revêtements
de sol non glissants, de rampes dans les couloirs et les escaliers, de barres d’appui dans la salle
de bain, d’une signalétique adaptée… Le personnel y est formé, des activités physiques sont
proposées afin d’éviter le déconditionnement moteur, l’équilibre nutritionnel des personnes est
surveillé, un chaussage et un habillage adaptés sont préconisés et les effets des médicaments
psychotropes sont analysés.68
De plus, en EHPAD, la personne a aussi des droits, spécifiés dans
la charte des droits et libertés de la personne âgée en situation de handicap ou de dépendance.
Elle est donc en droit d’avoir une vie sociale et culturelle, de recevoir ces proches, de conserver
ses activités, de s’exprimer librement, d’accéder aux soins réalisés par des personnes qualifiée,
d’être informée… On note également la possibilité de participer aux choix de ses vêtements, de
prendre une douche au moment souhaité (davantage vrai pour les personnes les moins
dépendante), de sélectionner les éléments de son repas, de manger avec ses proches…69
Cela
participe à la sécurité de la santé psychologique de la personne.
C’est donc après analyse de la balance risques-sécurité, par la personne, ses proches et
l’équipe de soins que le choix du maintien à domicile ou de l’entrée en institution est réalisé. Il
65 CALECA C, JONCHERES E, 2011. L’accompagnement d’un parent âgé à domicile : entre passion et tendresse, Dialogue, N°192, p. 85-96 66 VIALLA F, 2014. Accueil des personnes âgées en EHPAD : entre liberté et sécurité. Ambivalence mais non ambiguïté du discours juridique,
Médecine et droit, vol 2014, N° 128, p.109-114 67 Ministère des solidarités et de la santé, 2018. Les EHPAD. Disponible sur internet : https://www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr/choisir-un-
hebergement/vivre-dans-un-etablissement-medicalise/les-ehpad (Consulté le 9 Février 2018) 68 PODVIN-DELEPLANQUE J et al, 2015. Prévention des chutes en EHPAD, La revue de Gériatrie, tome 40, N°6, p.355-362 69 PREVOT J, WEBER A, 2009. Participation et choix des personnes âgées vivant en institution, Retraite et société, p.181-193
20
nécessite de faire des compromis, les avantages et les inconvénients de l’un étant différents de
ceux de l’autre. Cependant, prendre le temps de cette analyse permet de faire un choix réaliste
qui répond aux besoins de la personne afin qu’elle puisse poursuivre sa vie dans des conditions
lui correspondant tout comme à ses proches.
2.3.3 Réel choix de la personne ou consentement ?
D’un point de vue éthique, il semble essentiel que la personne participe à la décision de son
lieu de vie bien que le terme de « placement » en EHPAD pourrait paraitre l’en exclure.70
Choisir, c’est « prendre […] quelque chose de préférence à une autre en raison de ses
qualités et de ses mérites, ou de l’estime que l’on en a » (CNRTL). Faire un choix, c’est l’action
de choisir, en faisant des comparaisons des objets de choix les uns par rapports aux autres. Il
permet à une personne d’exercer son autonomie afin de mener une vie correspondant à ses
convictions et ses valeurs.45
Pour formuler un choix autonome, de manière raisonnable, la
personne doit avoir bénéficié des informations nécessaires et avoir pu y réfléchir.28
Cette notion
de réflexion semble importante et peut nécessiter du temps, qu’il faut savoir s’accorder. Ces
précisions montrent qu’un choix est personnel, sans que ce soit quelqu’un qui ait réfléchi à la
place de la personne. Cependant, ce choix reste influencé par la société, la politique du pays, les
possibilités qu’elle propose mais aussi les relations sociales qui vont pouvoir apporter des
éléments complémentaires à la réflexion et parfois lui soumettre un avis. Cela est d’autant plus
vrai pour une personne âgée fragilisée.69
Parfois, elle n’est au moment du choix, pas en capacité
d’en faire un et préférera que ce soit une autre personne, souvent un membre de sa famille, qui
fasse le choix la concernant. On parle alors de consentement.
Le terme de consentement n’est apparu en médecine que récemment, puisque qu’en 2004, il
n’était pas encore évoqué dans le dictionnaire de la pensée médicale.71
Il correspond à l’action
de consentir, défini de multiples manières : « se prononcer en faveur de l’accomplissement d’un
acte », « concourir à l’accomplissement d’un acte », « céder sous l’effort », « autoriser,
permettre » (CNRTL)… Cela suppose que l’initiative de la décision vienne d’un tiers24
et que
ce dernier soit témoin du choix réalisé. Divers termes peuvent venir préciser la forme du
consentement : engagement, adhésion, adoption, acceptation, résignation, céder, capitulation,
abdication… Consentir revêt donc différents sens dépendants de multiples facteurs intrinsèques
à la personne tels que sa raison, sa culture, ses caractéristiques, son histoire et extrinsèques tels
que l’environnement, les possibilités techniques…71
Elle peut alors être active dans le
consentement, en y réfléchissant de manière volontaire selon les données fournies, cela étant
toujours plus facile lors d’une situation sans grand enjeu. A contrario, elle peut être davantage
passive, consentir sous la contrainte avec une certaine forme d’indifférence. Cela est plus
fréquent lorsque les choix sont difficiles et qu’il n’y a pas réellement d’issues « positives »
70 LAROQUE G, 2009. Le libre choix du lieu de vie : une utopie nécessaire, Gérontologie et société, vol. 32, N° 131, p. 45-51 71 CERCCALDI J, 2009. Le consentement, entre souveraineté et allégeance, Laennec, Tome 57, p. 31-42
21
visibles72
, comme lors d’une décision d’entrée en EHPAD. Cela n’est pour autant pas synonyme
de démission étant donné que la personne ne trouve généralement pas de situation idéale.71
Quels qu’ils soient, pour être valides, le choix ou le consentement doivent être libres c’est-
à-dire éclairés, la situation est expliquée dans ses caractéristiques et ses risques, et sans pression
anormale.73
La personne doit être consciente, avoir des capacités de jugement pour évaluer
l’information, mais aussi intellectuelles pour y réfléchir et d’expression et de discernement.22
Elle peut bénéficier d’un accompagnement en fonction de ses besoins. Juridiquement, si la
personne dispose de ses capacités, son avis doit être recueilli et elle doit s’accorder sur la
décision. Seule la mise en place d’une mesure de protection judiciaire de type tutelle, prononcée
par le tribunal d’instance dans le but de protéger la personne qui n’est plus en capacité de
défendre ses intérêts, permet au tuteur de prendre la décision à sa place. Cependant, elle doit
tout de même autant que possible être écoutée, le tiers devant intervenir le moins possible.
Toutefois, si elle n’est pas en capacité de réaliser ce choix ou de consentir, que la tutelle soit
prononcée ou non, la loi prévoit un appel aux directives anticipées, qui sont consultées de prime
abord puis fait appel à sa personne de confiance, afin de considérer au mieux les valeurs que la
personne aurait pu exprimer antérieurement.20
Dans ces situations, les établissements accueillant
les personnes doivent les informer sur les conditions de leur entrée et leur expliquer le
fonctionnement de la structure.24
Il est nécessaire de ne pas s’arrêter à l’adage « qui ne dit
mot consent », la réalité étant bien plus complexe en cas de déficiences cognitives ou de
troubles de la conscience.71
2.3.4 Importance de la validation du choix par la personne
Respecter le droit au choix ou au consentement, c’est respecter la dignité de la personne.
Depuis 1994, c’est une valeur constitutionnelle22
et la loi de santé de 2002 rappelle que « la
personne malade a droit au respect de sa dignité ».74
Elle peut se définir de différentes façons
telles que la limitation de la souffrance, avoir une vie décente mais aussi pouvoir s’exprimer,
exprimer ses émotions, vivre en communauté, jouir de ces droits… Globalement, elle
correspond au respect de la personne humaine et de ses valeurs, c’est un attribut de la personne
qu’on ne peut réduire.22
Lorsque l’institutionnalisation est choisie suite à un séjour en SSR, il
est alors essentiel de considérer les données de la personne, de respecter son histoire et sa
volonté quelle que soit sa situation. Si quelqu’un ne respecte pas la dignité d’une personne la loi
prévoit que sa responsabilité pénale soit engagée.74
Afin de favoriser le respect de la dignité des personnes âgées dans le milieu du soin
certaines pistes peuvent être explorées : une gestion plus humaine du temps, la création d’une
relation personnalisée entre la personne et le soignant pour mieux se comprendre, la
72 DESCARTES, 1970. Lettre au Père Masland du 9 Février 1645, Œuvre et lettres, Gallimard 73 SVANDRA P, 2009. Le soignant et la démarche éthique, Editions Estem 74 LAVAUD C, 2007. Une éthique pour la vie, édition Séli Arsan
22
préservation de l’autonomie… Il est également possible de diffuser une image positive de la
vieillesse et de respecter les difficultés de ces personnes.22
2.3.5 Facteurs influençant le choix
De nombreux facteurs, spécifiques à chaque personne, différents de l’unique altération des
fonctions cognitives, vont influencer la décision. « A incapacités équivalentes, le devenir des
personnes dépend d’abord et avant tout de leur aptitude à mobiliser leurs ressources ».48
Tout d’abord, les éléments propres à la personne. Premièrement, son identité, qui la
distingue des autres personnes, bien qu’elle soit en partie influençable, détermine le choix qui
sera réalisé. Ainsi, sa personnalité qui se construit à partir de ses expériences, du contexte
socioculturel et de la relation à son environnement16
pourra l’amener soit à s’engager dans un
choix comportant certains risques ou bien à rechercher à tout prix à les éviter.22
Si l’on parle
d’une réflexion autour d’une entrée en institution, la personne peut l’accepter ou bien faire des
compromis sur l’accompagnement et/ou l’aménagement du domicile. Certaines seront capables
de défendre leur vision de la situation et les choix qui en découlent tandis que d’autres laisseront
l’entière responsabilité à leurs proches afin de profiter d’un sentiment de sécurité, ou bien en
abdiquant à contre cœur.36
Il faut également savoir que chacun, à un temps déterminé, à sa
propre vision de ce qui est normal vis-à-vis d’une situation, cela étant influencé par sa vie, la
société, ses fréquentations… C’est à partir de ces représentations que des choix sont réalisés.29
L’entrée en EHPAD à la suite d’une dégradation de l’état de santé met en jeu différentes
émotions, des sentiments entrainant une réaction, le tout dans un processus inconscient.75
Ce
processus semble pouvoir être assimilé à celui du deuil, d’ordinaire utilisé pour évoquer la perte
d’un être cher. Ici, l’on évoquera la perte de certaines capacités, de la possibilité de vivre à son
domicile personnel. Le deuil, du latin, « souffrir », est un travail psychique permettant de
s’extraire de la souffrance liée au manque des éléments perdus afin de retrouver d’autres
investissements... Il peut bouleverser la personne de manière indéfinissable avec un avant et un
après. Trois étapes sont généralement identifiées avant d’obtenir un certain degré d’acceptation
de la perte : le choc/déni, la désorganisation/désespoir et le rétablissement/réintégration. Le
deuil engendre de nombreuses émotions, certaines universelles telles que l’anxiété, le chagrin
mais aussi plus personnelles comme la tristesse, la colère, la panique, la résignation. L’intensité
de ces émotions peut varier selon la valeur accordée à la perte. Les sentiments de vide,
d’impuissance, de confusion, de perte de la maîtrise de soi mettent en lumière à la personne son
incapacité à lutter contre les pertes vécues et la confronte à ses limites, sa vulnérabilité, menace
ses rêves et ses espoirs pour l’avenir.76
Il est alors possible de réagir de différentes manières :
agressivité, régression, dépression, sublimation ou même paralysie, l’empêchant d’agir et donc
de prendre une quelconque décision alors que parfois elle pourrait l’aider à traverser cette
75 HANUS M, 2009. Deuil et résilience : Différences et articulations, Frontières, vol 22, N°1-2, p. 19-21 76 ADRIAENSER M-C, 2005. La personne âgée face au deuil, comment lui venir en aide, une guide pour les proches et les professionnels, 1ère édition,
édition de boeck
23
épreuve. La réalisation du processus de deuil dépendra de l’accompagnement de la personne par
ses proches. Plus ils fourniront du soutien et seront compréhensifs, plus le processus sera
facilité. Cependant, faire ce deuil dépend aussi de l’environnement, des réussites, des force, de
l’estime que la personne à d’elle-même, de sa confiance en elle, de la fragilité physique,
psychique et sociale qui la constitue.75
Certaines seront plus résilientes que d’autres, c’est-à-dire
qu’elles pourront plus facilement « gérer, négocier et s’adapter » à leur situation et les
émotions qu’elle engendre et rebondir à sa suite en se projetant mais le deuil reste toujours un
processus long.76
Les proches de la personne, le plus souvent les membres de sa famille, vont également
influer sur la décision. Effectivement, l’altération des capacités de la personne, change son rôle
au sein de la famille qui est obligée de se réorganiser.63
Le fonctionnement de la famille est
alors bouleversé que ce soit pour les enfants, la vie de couple et son intimité…20
En général, la
perception de la personne par ses proches évolue et chacun a sa propre manière d’analyser la
situation, en fonction du type de relation construite avec elle. Tous les points de vue devront
être pris en compte pour s’accorder sur un choix.32
La loi du 5 mars 2007, article 415 du code
civil informe que « la protection des personnes les plus fragiles est un devoir des familles et de
la collectivité publique, elle doit être assurée dans le respect des libertés et de la dignité, dans
l’intérêt des personnes elles-mêmes, tout en favorisant leur autonomie ».20
Les proches peuvent
avoir cette influence car si la personne rentre à domicile, ils seront mis à contribution en tant
qu’aidant : plus de la moitié d’entre eux sont les conjoints et environ un tiers les enfants ou leur
conjoint16
et ils ont en moyenne 59 ans.77
Ils peuvent le vivre comme un engagement
important20
ou bien éprouver de la rancune, être agressif32
, stressés notamment s’ils se sentent
dépassés16
ce qui peut les mener malgré eux à être maltraitants.32
La relation est modifiée, peut
devenir maladie-centrée rendant la situation insupportable et créant de la culpabilité.63
La
décision de l’entrée en EHPAD n’est, pour autant, pas simple émotionnellement, affectivement,
matériellement, moralement … car elle met en jeu les valeurs de la famille.20
Face à la situation
de leur proche, la famille peut alors réagir par l’évitement, le refus, l’agressivité, le déni,
l’action, le dévouement…32
Certaines d’entre elles vont se laisser porter par les professionnels
de santé qui ont l’habitude41
alors que d’autres penseront avoir elles-mêmes la bonne solution.32
Le plus souvent, la famille recherche la loyauté envers son proche, elle souhaite rester engagée
tout en demandant de l’aide (Elkaïm 2004).16
La décision doit répondre au maintien de la
stabilité et de la sécurité de la famille.32
Il est mieux qu’elle soit partagée avec la personne afin
de ne pas créer chez elle de l’inquiétude et ne pas nier ses capacités d’y participer au risque
qu’elle devienne l’objet des soins et ne soit plus considérée comme capable.31
Quelle que soit la
décision prise et la manière dont elle l’est, la famille a aussi un rôle essentiel dans
l’accompagnement de la personne.16
77 SOULLIER N, DRESS, 2013. Aider un proche âgé à domicile : la charge ressentie, Handicap et autonomie
24
L’aspect financier est important dans une telle décision. Malgré les aides possibles via
l’APA, les APL, les réductions d’impôts, bien souvent les revenus liés à la pension de retraite ne
suffisent pas à couvrir les frais de l’EHPAD.26
En effet, alors que qu’il coûte en moyenne 1949€
par mois, la retraite moyenne n’est que de 1376€ (DRESS, chiffre de 2015), sachant qu’elle est
environ 39% moins importante chez les femmes que chez les hommes, alors qu’elles sont
davantage amenées à entrer en institution.78
Cela peut être une source d’inquiétude pour les
personnes âgées. Aujourd’hui, elles commencent souvent à économiser au cas où et ce, dès leur
50-60 ans.79
En effet, si ses ressources sont insuffisantes, la personne peut être contrainte de
vendre la maison familiale ou bien de faire payer ses enfants, soumis à l’obligation alimentaire.
Parfois, pour éviter cela elle préfèrera un établissement plus éloigné de son secteur de
prédilection mais moins onéreux.80
Si elle préfère tout de même le domicile, bien que moins
adapté, des aides seront à mettre en place ce qui représente également un coût d’autant plus
important qu’elle sera dépendante.36
Le calcul peut être réalisé pour comparer ce qui est le plus
avantageux.
2.4 L’accompagnement pluriprofessionnel de la décision en SSR
L’ergothérapeute exerçant en SSR évolue au sein de son fonctionnement et avec les autres
professionnels de l’équipe pluridisciplinaire. Il partage avec eux certaines valeurs, certains
objectifs. Ils réfléchissent ensemble au devenir de la personne puis communiquent avec elle et
son entourage afin de formuler un projet de sortie réaliste et de le mettre en place.
2.4.1 Le service de Soins de Suite et de Réadaptation (SSR)
En France, on trouve plus de 1700 SSR. En 2014, environ 37 millions de journées y ont été
passées soit 950 000 personnes pour une capacité moyenne de 69 lits par service et une durée
moyenne de séjour de 35,6 jours. Il existe plusieurs types de SSR : publics, privés à but non
lucratif, ou biens privés à but lucratif, spécialisés pour les enfants ou pour les adultes (personnes
âgées comprises). Depuis 2008, neuf spécialités existent en SSR : appareil locomoteur, système
nerveux, système cardio-vasculaire, système respiratoire, système digestif, métabolique et
endocrinien, onco-hématologie, patients brûlés, addictologie, poly-pathologies. Chez les
adultes, les plus représentés sont les services de polypathologies (32%), de l’appareil
locomoteur (20%) et des affections du système nerveux (18%). 85% des hospitalisations en SSR
sont en temps complet. Le plus souvent, 3/4 des situations, les personnes y sont admises après
un séjour en médecine, chirurgie, obstétrique mais elles peuvent aussi venir directement de leur
domicile ou de leur établissement d’hébergement. Elles ont en moyenne 75 ans.
78 DRESS, 2017. Les retraités et les retraites 79 République française, 2006. Rapport : Personnes âgées dépendantes : bâtir le scénario du libre choix (Tome I), centre d’analyse stratégique 80 SANISIDRO M, 2008. La place des familles et des proches des résidents en EHPAD : à la recherche d’une intégration réussie. Mémoire de l’école
des Hautes Etudes en Santé Publique
25
Le SSR répond à plusieurs objectifs :
- Réalisation des soins médicaux, curatifs et palliatifs
- Rééducation : Afin de recouvrir au mieux ses capacités physiques, cognitives ou
psychologiques en restituant de manière optimale la fonction lésée.
- Réadaptation : Afin de s’adapter ou de contourner les difficultés persistantes.
- Réinsertion : Afin d’être aussi autonome dans sa vie familiale et professionnelle qu’avant
son séjour à l’hôpital et de bénéficier des conditions de vie les plus similaires.40
Afin que l’accompagnement de la personne soit global, plusieurs professionnels de santé
sont présents dans ces services. L’équipe pluridisciplinaire est composée de professionnels
médicaux tels que le médecin, paramédicaux comme les infirmiers, les aides soignants, les
kinésithérapeutes, les ergothérapeutes, les orthophonistes mais aussi d’autres professionnels :
assistante sociale, psychologue… Selon les besoins, il peut également y avoir, des auxiliaires
médicaux, des psychomotriciens, des neuropsychologues, des professions sociales et éducatives,
des moniteurs en activité physique adaptée, des médecins spécialistes, des orthoprothésistes, des
podologues, une équipe d’insertion sociale et professionnelle, des éducateurs, des diététiciens,
des éducateurs techniques, des intervenants culturels… Tous sont formés et qualifiés pour
accompagner la personne suivant ses besoins.81
Ils disposent d’un lieu équipé du matériel
nécessaire à l’exercice de leur profession leur permettant de réaliser leurs séances avec la
personne.82
Par le biais du SSR, il est également possible d’orienter la personne, si besoin, vers
des consultations spécialisées telle que l’orthopédie, la rhumatologie, la psychiatrie…81
2.4.2 La présomption de compétence
Les professionnels soignants doivent dans un premier temps, considérer la personne qu’ils
accompagnent comme compétente, capable de participer activement à sa vie : c’est ce que l’on
appelle la « présomption de compétence ». Chez les personnes âgées, notamment celles ayant
des troubles cognitifs, il pourrait y avoir une tendance à les associer à leurs symptômes sans
rechercher leurs capacités.45
En effet, la société donne parfois une image négative de la
personne malade mais pourtant elle garde son identité, ses valeurs, son humanité, sa sensibilité,
ses désirs, sa volonté, son unicité… et elle ne perd pas toutes ses capacités. Elle peut donc
prétendre à une certaine autonomie bien qu’il faille prendre en compte ses difficultés. Le
professionnel de santé, bien qu’il perçoive et analyse les troubles biologiques et physiologiques
doit donc également s’intéresser, mais aussi valoriser ses capacités plus que d’évoquer les
risques, les difficultés… afin de ne pas la déresponsabiliser.22
De plus, ce regard sur la personne
favorisera aussi sa confiance et son estime d’elle-même, l’image qu’on lui renvoie d’elle
influençant sa perception. Cela lui permettra de participer plus facilement à une décision
comportant un certain risque.51
Effectivement, le soignant n’est pas celui qui sait à la place de la
81 Agence régionale de l’hospitalisation de l’Ile de France, 2009. Soins de suite et réadaptation fonctionnelle, cahier des charges SSR adultes. 82 Confédération des soins de suite et de réadaptation (CSSR), 2009. Le livre blanc des SSR privés, Soins de Suite et de Réadaptation, pour un autre
regard sur notre système de santé
26
personne et il ne doit pas s’arrêter à des préjugés le lui faisant penser.83
De plus, cette démarche
rend la personne passive et peut limiter d’autant plus ses capacités étant donné qu’elle ne les
met plus en œuvre. Elle devient alors réduite à ses besoins primaires.22
Or, qu’est ce qui définit
une personne ne pouvant donner son avis ? Comment justifie-t-on cela ? Dans un premier temps
il parait essentiel, quelle que soit la situation, de rechercher un moyen de communication avec la
personne et si la parole ne lui est pas accessible, être attentif aux gestes, aux signes, au langage
corporel peut aussi permettre de recueillir des indices sur ses souhaits, ses ressentis...31
Si malgré tout, recueillir l’avis de la personne n’est pas possible, il est nécessaire de mettre
en place un système de protection juridique et les choix faits pour elle devront lui être
communiqués. Effectivement, dans le secteur du médico-social, aucune hospitalisation ne peut
avoir lieu sous contrainte, sous peine d’accuser le professionnel d’abus de faiblesse.36
2.4.3 Dispositions légales
Si la personne ne peut pas faire de choix, il reste nécessaire de faire celui le plus juste pour
elle, correspondant à ses intérêts. Ainsi, sa sécurité mais aussi ses valeurs antérieures pouvant
être communiquées par exemple par la famille ou ses proches doivent être prise en compte.45
Sur le plan législatif, si la personne est sous tutelle, c’est son tuteur qui décide pour elle mais
qu’elle le soit ou non, il faut considérer sa personne de confiance et ses directives anticipées.
La personne de confiance, inscrite dans la loi depuis le 4 mars 2002 peut être désignée
librement par la personne. Elle a pour rôle de recueillir ses souhaits en matière médicale et
devient son porte parole lorsqu’elle n’est plus capable de s’exprimer par elle même. Lors d’une
hospitalisation, il est demandé d’en nommer une mais parfois cela n’a pas été anticipé ni même
préparé. Quelle est alors la validité de la personne désignée en tant que personne de confiance ?
Les directives anticipées peuvent être rédigées par toute personne majeure pour exprimer
ses souhaits concernant l’arrêt ou la limitation de traitements (code de la santé publique, article
L.1111-11). Elles sont valables sans limite de temps et doivent, lorsqu’elles existent et que la
situation décrite correspond à celle vécue, être entendues. Cependant, dans notre société où la
mort est un tabou, l’évoquer est complexe, demande du courage et engendre de l’angoisse. De
plus, il n’est pas possible de prédire quel souci de santé peut arriver.
Ainsi, la désignation d’une personne de confiance comme la rédaction de directives
anticipées ne sont pas aisées à mettre en place et la solution à toutes les situations ne peut pas
toujours être résolue grâce à ces dispositifs bien qu’il soit nécessaire d’en tenir compte.20
2.4.4 L’éthique soignante
L’éthique du soignant se reflète dans son attitude, dans chacun de ses gestes, dans sa
manière de parler mais aussi d’être avec les autres. Elle demande de la volonté et de
l’engagement, par exemple, en se questionnant sur sa pratique, en la remettant en cause mais
83 FORTIN P et PARENT P-P, 2004. Le souci éthique dans les pratiques professionnelles, guide de formation, édition l’harmattan
27
aussi en considérant la personne en tant que telle, avec son identité, en respectant sa dignité. Le
soignant défend des valeurs telles que l’autonomie, la bienfaisance, la non-malfaisance et la
justice.73
Sa manière de le faire va dépendre de ses caractéristiques propres telles que ses
savoirs, ses croyances, ses désirs, ses intérêts, ses émotions, sa sagesse, ses valeurs… qui vont
influencer sa pratique et en faire ressortir certains éléments plus que d’autres.83
Cependant, tous
ont des compétences professionnelles dans les soins, c’est-à-dire les actes techniques propres à
leur métier, mais aussi dans le soin, c’est-à-dire l’application, la minutie et l’attention qu’il peut
porter à l’autre. Cela est abordé dès leur formation et favorise cette démarche. Le soignant doit
également respecter une certaine distance professionnelle, ni trop proche pour rester capable de
raisonner, ni trop éloigné afin de se questionner.73
Il doit être attentif à sa capacité d’écoute pour
la réguler et doit reconnaitre sa qualité d’acteur dans un accompagnement pour soutenir les
décisions prises.83
L’un des obstacles principaux à cette démarche est la spécialisation de la
médecine, sa technicité qui tend à évoquer davantage la maladie que la personne mais aussi la
fatigue des professionnels ou la rationalisation du soin.73
Il est important que la politique de
l’établissement le prenne en compte afin de permettre une pratique éthique des soignants.83
Avoir une démarche éthique c’est aussi considérer l’homme dans sa globalité, son unicité,
sa différence, son environnement, avec ses besoins et ne pas s’arrêter à la première impression
que l’on a de lui. C’est accepter ses choix de vie, ses souhaits, ses envies et ses projets, pour
respecter sa liberté et sa responsabilité, tout en tenant compte du contexte et des conséquences
que cela implique. Il est nécessaire de ne pas juger la personne mais de l’accompagner, de
l’écouter, de la questionner, de valoriser ses capacités et ses ressources afin de lui permettre de
se révéler par elle-même. Cela demande de lui porter de l’attention, de prendre avec elle le
temps de la discussion pour mieux connaitre ses besoins, ses demandes, ses appréhensions, ses
affects, ses émotions… et ainsi rechercher ensemble un compromis face au problème.
Concernant la décision d’institutionnalisation, agir avec éthique ne peut qu’être aidant, ces
situations étant uniques pour chaque personne, il n’existe aucune procédure pour y répondre.83
C’est une situation complexe, sans réponse simple avec une opposition entre risque et sécurité.
La démarche du soignant permet généralement de créer avec la personne une relation de
confiance, essentielle à la démarche de soin autant pour que le professionnel puisse faire des
propositions que pour permettre à la personne de les entendre et les considérer. C’est une
relation d’échange et de coopération qui permet par la stabilité représentée par le professionnel,
de soutenir la personne dans sa perception de la situation actuelle et du futur alors qu’elle peut
se sentir vulnérable. La personne se sent davantage libre de se livrer et transmet au thérapeute
des informations lui permettant de mieux la connaitre et donc d’adapter ses propositions pour
atteindre les objectifs exprimés. Elle favorise l’implication et l’adhésion au parcours de soins, le
rendant plus efficace.29
La personne en confiance avec le soignant, comprend mieux sa
situation, développe ses propres stratégies face à une situation ce qui la rend plus résiliente.
28
2.4.5 Les bilans réalisés par les professionnels de santé
Les professionnels d’une équipe de soin réalisent au cours de l’accompagnement, des bilans
avec la personne afin d’objectiver son état de santé, son autonomie et son indépendance et ainsi
répondre plus aisément à ses besoins. Il existe de nombreux outils, spécifiques à l’évaluation
gérontologique, validés, normés, fiables, sensibles devant être choisis en fonction de ce qui est
recherché afin que l’analyse de leurs résultats soit pertinente. Ainsi, ils permettent d’obtenir des
résultats concernant la dépendance, les fonctions cognitives, la dépression, le risque de chute, la
nutrition, la confusion, le risque d’escarre84
, l’autonomie.85
Cependant, l’observation apporte
parfois tout autant d’informations, qui sont de plus directement en lien avec les activités.37
2.4.6 La communication en équipe pour réaliser l’évaluation
L’évaluation, est une démarche d’analyse des informations obtenues par la mise en relation
des observations et des résultats des bilans dans le contexte et l’environnement de la personne.
Elle la représente dans sa globalité et non uniquement à travers l’une de ses caractéristiques
fonctionnelles.37
Elle problématise sa situation pour proposer un accompagnement personnalisé
et adapté répondant à ses objectifs en tenant compte de ses incapacités, priorisées les unes par
rapport aux autres. Elle est aidante pour envisager le futur de manière réaliste et peut permettre
ou non d’appuyer une demande d’entrée en institution.
Il est nécessaire que les différents bilans fassent l’objet d’un échange entre les
professionnels de l’équipe. Effectivement, chacun ne perçoit souvent qu’une partie spécifique
de la situation. De ce fait, se regrouper permet d’avoir une vision globale de la personne.86
C’est
une réflexion demandant du temps autour d’une question sans réponse simple ou préétablie car
spécifique à la situation mais sur laquelle ils vont pouvoir se positionner. Elle nécessite
d’écouter les avis divergent, d’argumenter le sien afin d’établir un consensus en faisant des
compromis. Les professionnels définissent ainsi ensemble une ligne de conduite générale autour
de laquelle chacun pourra composer pour proposer une unicité, une coordination et une
adaptation des soins.87
Plusieurs moyens existent pour partager et échanger ces informations. Le premier est le
dossier médical, papier ou informatisé selon les structures88
, dans lequel les professionnels
intervenant autour de la personne notent ce qu’ils ont fait avec elle, ce qu’ils ont pu observer. On
y trouve les informations administratives, médicales, paramédicales de manière formalisées et
actualisées.86
Cependant, il s’agit d’un document écrit, sans dynamique de concertation ou
d’échange. Si les soignants souhaitent échanger des informations ciblées ou questionner un
84 CEULEMANS S, PETERMANS J, 2002. Les échelles d’évaluation, In Médecine Gériatrique, Pratique Quotidienne, Edition Pfizer S-A 85 BENAIM C, FROGER J, COMPAN B, PLESSIER J, 2005. Evaluation de l’autonomie de la personne âgée, Annales de réadaptation et de médecine
physique, N°48, p. 336-340 86 GODARD F, 2013. La réunion de synthèse : consensus autour du projet thérapeutique. Mémoire, Institut lorrain de formation en masso-
kinésithérapie de Nancy 87 COUTURIER Y et al, 2011. L’évaluation multidimensionnelle de la perte d’autonomie des personnes âges, In Usagers ou citoyens ? De l’usage des
catégories en action sociale et médico-sociale, édition Dunod 88 GILLET D et al, 2016. La concertation pluriprofessionnelle au service du parcours de santé du patient douloureux chronique, Douleur et Analgésie,
vol 29, issue 3, p. 158-162
29
professionnel de l’équipe ils peuvent se rencontrer de manière informelle, le contacter par mail
ou bien par téléphone. Ce sont des moyens de communication simples mais qui limitent la
réflexion à deux acteurs. Pour que toutes l’équipe puisse communiquer ensemble, dans la très
grande majorité des structures, des réunions de synthèse régulières sont établies. Elles ont un
rôle pivot dans l’accompagnement de la personne car les professionnels s’y concertent,
discutent et déterminent ensemble leur posture commune face à sa situation analysée dans sa
globalité. Cela est ensuite inscrit dans son dossier afin d’être formalisé. Ces moyens permettent
aux équipes de partager, facilitent la prise de décision et renforcent son unité.88
2.4.7 La communication de l’équipe à la personne et ses proches
Lorsque l’équipe s’est positionnée sur une entrée en institution car c’est ce qui semble être
le plus adapté pour la personne, il est nécessaire qu’elle soit évoquée avec elle et son entourage,
si elle n’y fait pas opposition. Il s’agit en effet d’une décision qui impacte tout le
fonctionnement familial.32
De plus, se positionner sur un tel choix est toujours quelque chose de
compliqué : il nécessite d’être conscient de la situation et entraîne d’importants
bouleversements.20
Chacun y réagit psychologiquement à sa manière. Réfléchir tous ensemble
sur cette décision est nécessaire afin que tous se comprennent, et se soutiennent afin d’établir un
consensus.32
Cela permet d’éviter le refus, l’agressivité, le conflit et les souffrances pour tous22
Ceci est également favorisé par le fait de prendre son temps dans l’apport des informations, car
les donner rapidement peut aller à l’encontre des mécanismes de défense de chacun.89
Une
communication efficiente avec le médecin et l’équipe soignante est généralement très aidante.
Le « droit [de la personne] à une information claire, compréhensible et adaptée à […]
l’accompagnement dont […] [elle] bénéficie » est rappelée dans l’article 3 de la charte des
droits et des libertés. La loi oblige que ce soit le médecin qui évoque la situation dans un
premier temps. C’est à lui d’expliquer à la personne et à ses proches les aspects liés à sa
situation, de leur donner les informations dont ils ont besoin, de leur présenter les différentes
solutions s’offrant à eux et d’expliquer la position tenue par l’équipe.41
Le lieu de cet entretien
doit être suffisamment contenant pour permettre l’instauration d’une confiance ainsi que
l’expression libre de chacun. En effet, chacun doit pouvoir exprimer sa vision de la situation,
ses ressentis afin de percevoir la globalité des impacts qu’à la décision pour qu’elle soit réaliste
et bien vécue par chacun. Par la suite, les autres professionnels peuvent également intervenir,
parfois sur des temps moins formels, pour apporter des éléments en lien avec leurs compétences
spécifiques.32
Il est important qu’ils adaptent leur langage, leur vocabulaire, en fonction des
connaissances et des compétences de leurs interlocuteurs, afin d’être compris et que les
personnes puissent y donner du sens.37
Cela doit être fait dans une attitude bienveillante,
d’accueil et d’écoute90
mais aussi avec une certaine neutralité afin que la décision finale vienne
89 BERNARD M-F., 2004. Prendre soin de nos aînés en fin de vie : à la recherche du sens, Etudes sur la mort, N°126, p. 43-69 90 BIOT A, BOURGEOIS F, NEGRE I, 2003. Communication soignant-soigné, repères et pratique, IFSI formation paramédicales, Edition Bréal
30
de la personne et de ses proches.22
Pour aider et accompagner cette prise de décision il est
possible de questionner la personne et ses proches, de reformuler leurs propos afin que chacun
précise pour soi la situation. Ce n’est qu’une guidance des personnes vers leurs propres
réponses, qui vont certes être influencées par les informations données mais aussi par leurs
propres représentations.32
Une bonne appropriation de la situation rend plus simple la prise de
décision. Cela n’empêche pas que parfois, la personne préfèrera y donner son accord alors
qu’elle est exprimée par autrui, car elle n’est pas désireuse, ni même en capacité de supporter, à
ce moment précis et dans sa situation cette décision.41
2.4.8 Les propositions
Afin d’éclairer, si besoin, la décision d’entrée en institution, différentes propositions
réversibles peuvent être faites, afin que les personnes puissent cheminer vers une prise de
conscience de la situation et prendre une décision. Nous en développons les deux principales :
L’essai du retour à domicile
Il est possible de mettre en place des aides à domicile telles que, des aides ménagères, des
infirmières, des aides soignantes91
ou bien des auxiliaires de vie qui accompagnent la personne
au quotidien selon sa demande et ses besoins81
afin de voir comme un retour à domicile peut se
passer. Il existe également le portage de repas25
, le service de garde itinérante de nuit.18
Cependant, accepter ces aides à domicile c’est accepter sa médicalisation et parfois une
réorganisation familiale liée à l’accueil et aux passages des aides.51
C’est aussi laisser un
inconnu rentrer chez soi, et de devoir s’adapter à son rythme de travail en modifiant le sien.25
Des aménagements sont parfois nécessaires et peuvent eux aussi être difficiles à réaliser pour la
personne car le domicile est le lieu de son identité, de son intimité, de sa liberté et le modifier,
c’est donc en quelque sorte y toucher. C’est aussi dévoiler ses difficultés, reconnaître sa
dépendance et finalement ne plus vraiment se sentir chez soi ce qui peut être source
d’angoisses.51
Finalement, parfois, la médicalisation du domicile rapproche l’idée de
l’institution.
Le séjour temporaire en EHPAD
Il existe des possibilités d’accueil de jour ou de nuit ainsi que de séjours temporaires en
EHPAD sur une durée définit dès l’entrée.18
Ces propositions permettent à la personne de voir
ce que c’est de vivre dans son fonctionnement afin de se faire une image réelle de la structure.
Ce n’est pas une décision définitive, les plans d’aides à la maison ne sont que suspendus.24
91 DA ROIT B, LE BIHAN B, 2009. La prise en charge des personnes âgées dépendantes en France et en Italie. Familiarisation ou défamiliarisation du care, Lien social et politique, N°62, p. 41-55
31
3. Cadre méthodologique
3.1 Méthodologie
3.1.1 Objectifs de la recherche
L’objectif initial de cette recherche était de percevoir la manière dont les professionnels de
l’équipe pluridisciplinaire accompagnent la personne lors d’une décision d’entrée en EHPAD.
Finalement, il se centre davantage sur la compréhension du rôle de chacun d’entre eux dans
cette situation. Comment se complètent et se différencient-ils les uns les autres ? Comment
l’équipe s’organise ? Cette recherche tente de mettre en évidence plus spécifiquement le rôle de
l’ergothérapeute. L’objectif est aussi de comprendre quels sont les critères amenant cette
décision, sa temporalité ainsi que la manière de la préparer. Pour finir, le vécu de la décision par
la personne elle-même ainsi que son entourage, souvent très présent sera questionné.
3.1.2 Population ciblée
Pour réaliser cette étude, j’ai souhaité solliciter plusieurs professionnels entourant la
personne hospitalisée et me semblant avoir un rôle à jouer dans la décision de
l’institutionnalisation et son accompagnement afin de recueillir des données pratiques à
confronter aux données théoriques lues préalablement. Ces personnes devaient avoir au moins 2
ans d’exercice dans un SSR accueillant des personnes âgées et avoir été confrontées à des
décisions d’institutionnalisation. J’ai donc interrogé un médecin gériatre, une assistante de
service social, une infirmière, une aide soignante, une psychologue et deux ergothérapeutes
travaillant dans la même équipe en SSR. Ainsi, les entretiens reflètent le fonctionnement de
cette équipe dans le cadre de leur pratique au sein du service de SSR.
3.1.3 Contact des personnes interrogées
Les personnes interrogées ont été contactées par un mail, envoyé à la cadre du service du
SSR, qu’elle leur à transmis. Son adresse mail a été obtenue suite à un appel au service
d’ergothérapie de l’établissement. Le mail explicitait la question de recherche de l’étude et
argumentait la demande d’entretien. Environ une semaine plus tard, l’équipe s’était organisée
pour pouvoir répondre aux questions et une date a été fixée en mars 2018 pour la rencontre au
sein de leur établissement. Dans un premier temps, la psychologue n’avait pas été interrogée
mais à la suite d’un contact par mail, un entretien téléphonique a été réalisé.
3.1.4 Méthode du recueil des données complémentaires
Afin de recueillir les données nécessaires à l’étude, des entretiens semi-directifs ayant duré
en moyenne une vingtaine de minutes ont été réalisés avec les professionnels. Une grille
d’entretien (Annexe 4) a été effectuée afin d’avoir un guide des grandes lignes abordées. Les
questions principales étaient :
32
> Qu’est ce qui peut vous amenez à vous questionner sur la faisabilité d’un retour à domicile
pour une personne hospitalisée en SSR ?
> Quels moyens vous permettent d’objectiver ce qui peut être facilitateur ou obstacle au
maintien à domicile ?
> Comment communiquez-vous ces éléments à l’équipe pluriprofessionnelle afin d’y réfléchir ?
> Comment abordez-vous cette réflexion avec la personne et son entourage ?
> Avez-vous le sentiment d’aider ces personnes dans leur prise de décision et le vécu de cette
décision ?
Pour l’entretien avec la psychologue, ces mêmes questions ont été ajustées pour permettre
d’explorer davantage le retour des personnes vis-à-vis de cette décision et du travail de l’équipe.
Une grille d’entretien spécifique a donc été créée (Annexe 11).
Cette démarche de type qualitative permet aux personnes interrogées de développer autour
des questions posées et ainsi d’avoir accès à certains détails concernant les pratiques réalisées
au sein de la structure. Les entretiens, effectués après validation du consentement du
professionnel, ont été enregistrés vocalement avant d’être retranscrit à l’écrit (Annexe 5 à 12),
anonymisés puis mis dans un dépôt de données, espace sécurisé, pour assurer leur confidentialité.
3.1.5 Limites de la méthode
La démarche méthodologique présente aussi certaines limites qu’il est nécessaire d’évoquer.
Tout d’abord, en raison du temps relativement court imparti pour cette étude, seuls sept
professionnels d’une seule et même équipe ont pu être interrogés. L’analyse des résultats qui
suit ne reflète donc que la pensée et la démarche de soin et d’accompagnement de cette équipe et
plus particulièrement des personnes interrogées. Elle n’est donc pas généralisable à tous les SSR,
ni même à toutes les personnes exerçant dans cet établissement. Cependant, certains propos
semblent être pertinents à plus grande échelle, notamment ceux de l’analyse des professionnels
concernant ce qui fonctionne bien et ce qui est plus complexe dans cette prise de décision. De
plus, certains professionnels de l’équipe (kinésithérapeute, orthophoniste, neuropsychologue…)
n’ont pas été sollicités alors qu’ils ont également une place importante au sein de l’équipe. Leur
fonction ne transparait donc qu’à travers les propos de leurs collègues.
Il est également à noter que les professionnels interrogés travaillaient en SSR neurologie et
locomoteur accueillant des personnes âgées. Or il existe d’autres types de SSR, notamment
gériatriques, dans lesquels les problématiques peuvent être différentes et donc les réponses aux
entretiens auraient pu varier de celles que j’ai obtenues.
De plus, les professionnels que j’ai interrogés, ne travaillaient pour la plupart, pas
exclusivement dans le service de SSR et les réponses aux entretiens ont donc pu être influencées
par leur pratiques dans les autres services. Cependant, il a été possible de différencier dans les
entretiens, les propos concernant les SSR de ceux davantage ciblés sur d’autres services.
33
Pour finir, du fait de la complexité pour interroger des personnes ainsi que leur entourage,
ces dernières n’ont pas été sollicitées pour l’étude, leur point de vue n’est donc perçu qu’à
travers ce qu’ils rapportent aux professionnels et non directement. Il aurait pu être intéressant de
le recueillir de manière directe vis-à-vis des questions traitées dans l’entretien, notamment avec
du recul sur la situation afin de percevoir comment ils ont analysé ce moment de transition dans
leur vie ou celles de leur proche. Cela aurait permis un enrichissement de l’étude.
3.2 Analyse du recueil de données
3.2.1 Méthode d’analyse des données
Pour analyser les données, les propos recueillis ont été regroupés par thème puis sous-thème
en gardant l’association au professionnel concerné. Ensuite, ils ont été repris afin d’essayer de
n’en omettre aucun pour comprendre au mieux les mécanismes de la décision
d’institutionnalisation. L’objectif est de percevoir les caractéristiques de la collaboration entre
les professionnels de l’équipe pluridisciplinaire, leur complémentarité ainsi que leur manière de
se répartir les différentes missions liées à cette démarche. Ce travail doit également permettre de
comprendre comment l’équipe communique avec la personne et son entourage et s’il y a une
influence de la manière de la faire sur leur vécu de la décision.
Afin d’étayer le propos, certains éléments recueillis lors des entretiens exploratoires avec
trois autres ergothérapeutes, exerçant en SSR gériatrique, dans deux structures différentes de
celle sollicitée pour les entretiens, sont également exploités. Ils permettent d’enrichir l’analyse
de la pratique de l’ergothérapie dans le cadre d’une décision d’institutionnalisation sans
interférer sur le fonctionnement de l’équipe mit en évidence.
3.2.2 Présentation des personnes interrogées
Avant de commencer l’analyse du contenu des entretiens, il convient de présenter de
manière brève chaque professionnel y ayant répondu.
Le médecin (M)
Actuellement : Il est médecin rééducateur et gériatre en service de SSR neurologie, depuis une
dizaine d’année dans cet établissement.
L’infirmière (IDE)
Parcours : Elle a été infirmière de 2005 à 2016. Dès 2006, elle a été affectée au SSR
locomoteur de l’établissement puis il y a eu une évolution vers un SSR neurologie.
Actuellement : Depuis 2016, elle est infirmière coordinatrice, mais reste proche des soins et des
personnes.
L’aide soignante (ASS)
Parcours : Elle est aide soignante depuis 8 ans. Elle a commencé par travailler sur un CHU en
unité post-urgence avant d’arriver en maison de retraite dans l’établissement.
Actuellement : Depuis 2 ans, elle travaille dans le service de SSR.
34
La psychologue (P)
Parcours : Depuis 25 ans, elle travaille dans cet établissement. Au départ elle effectuait
uniquement en mi-temps et elle en faisait un autre dans un EHPAD non rattaché à la structure.
Puis, elle a eu un temps plein en rééducation, médecine et soins palliatifs.
Actuellement : Elle y exerce en service de rééducation et de médecine.
L’assistante de service social (ASS)
Parcours : Elle travaille ici depuis 2006 et à suivit l’évolution des différents services.
Actuellement : Elle intervient en service de rééducation et de soins de suite. Elle ne voit que les
personnes qui arrivent dans ces services depuis d’autres établissements.
Ergothérapeute 4 (E4)
Parcours : Elle travaille dans l’établissement depuis 5 ans et demi, dont 2 ans en SSR.
Actuellement : Elle intervient sur le service d’hôpital de jour et de médecine pour lesquels elle
réalise essentiellement des bilans. Dans ce cadre, elle voit souvent des personnes qui ont été en
SSR et pour lesquels un retour à domicile a été effectué afin de voir si certaines choses doivent
être réadaptées environ 1 mois après leur sortie.
Ergothérapeute 5 (E5)
Parcours : Elle est diplômée depuis 1997. Elle a commencé par exercer en pédiatrie puis elle
est arrivée environ 1 an après dans l’établissement, dans l’unité de soin de longue durée et en
SSR gériatrique. Après 4 ans, elle a été affectée en médecine, neurologie et générale mais aussi
en cardiologie. 12 ans plus tard, elle a été en SSR dont une unité de repli en soin palliatif et en
rééducation notamment locomotrice avec des personnes amputés vasculaires. Après 2 ans, suite
à des réorganisations, elle a été davantage en locomoteur, toujours avec les personnes amputées.
Actuellement : Elle exerce en rééducation neurologique, en SSR et à l’hôpital de jour en
rééducation locomoteur et neurologique
NB : Les ergothérapeutes sont nommées E4 et E5 afin qu’il n’y ait pas de confusion avec celles
ayant été interrogées lors des entretiens exploratoires nommées E1, E2 et E3.
3.2.3 Présentation de la structure et du public accueilli
L’établissement reçoit uniquement « des personnes âgées » (E5). Elles bénéficient d’un
accompagnement spécifique car « à ces âges là de la vie, il y a beaucoup de choses qui
s’ajoutent, […] donc même si [elles] viennent pour un problème particulier », il peut y avoir
une entité « polypathologique » (M). Ce sont « des sujets fragiles qui peuvent décompenser »
(E5), c’est-à-dire des personnes dont l’ « état de santé [est] peu stable, demandant des
ménagements, des soins particuliers » (CNRTL). Ainsi « on se questionne toujours un petit peu
plus chez les gens âgés » (M) notamment concernant le « maintien à domicile » (E5).
Les SSR « locomoteur et neuro[logie] » (E5) accueille le plus souvent des personnes suite à
un « AVC » (M et IDE) mais aussi en lien avec une « maladie de parkinson, des [personnes] qui
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ont pu être amputées » (M)… Ce sont souvent des personnes vivant « seules à domicile » pour
qui la « reprise d’autonomie, [d’indépendance] […] n’est pas forcément complète » et donc « le
retour à domicile peut effectivement causer des problèmes » (M).
Quand une personne entre « en soins de suite, c’est que les médecins rééducateurs […], ont
estimés [qu’elle] n’allait pas pouvoir récupérer suffisamment et donc qu’elle ne ressortait pas
de rééducation » (P). Ainsi, elle y est parfois accueillie « en attendant de rentrer en
établissement » (P) bien que l’objectif soit d’y « maintenir une certaine autonomie » voir d’en
« retrouver » ou même d’en « gagner » (AS). Dans ces services distincts des « SSR gériatrique
où les situations sont un peu différentes », il y a « la chance de […] garder [les personnes]
suffisamment longtemps pour aboutir à ces projets là » (M) concernant la sortie
d’hospitalisation. Il est possible de « prendre le temps d’amorcer les choses, de les expliquer et
on ne bouscule pas les gens » (IDE).
Dans cet établissement, « en 2017, environ 25% » des personnes hospitalisées au sein du
SSR, « sont entrées en institution » (M). Pour quelles raison leur retour à domicile est t-il remit
en cause ? Comment est il questionné par les différents professionnels ?
3.2.4 La collecte de données
La participation des professionnels
Dans un premier temps, afin de pouvoir affirmer ou non que le retour à domicile présente
des difficultés évidentes, il convient de recueillir certaines informations. Tous les professionnels
participent à la réalisation de bilans et d’observations pouvant avoir lieu à tout moment de
l’accompagnement, « après […] quelques semaines, quelques mois » (M) et pas uniquement au
début, période où les personnes « sont fatiguées, pas [toujours] capables de répondre aux
questions qu’on leur pose » (E5) ni même de prendre part aux bilans. Les éléments rassemblés,
concernant les capacités de la personne, ses possibilités d’adaptation, permettent de la percevoir
« dans sa globalité » (E4) afin de comprendre ses difficultés au quotidien et ainsi d’établir « si
un retour à domicile est envisageable ou pas » (IDE).
Chaque professionnel de l’équipe peut dans un premier temps participer « au recueil de
données sur la vie [de la personne] » (ASS). Dans l’établissement un « document connaissance
de la personne, […] accessible à tous » et pouvant être « modifié [ou complété] au cours de
l’hospitalisation » par chacun est mis en place pour renseigner « [ses] conditions de vie, [ses]
habitudes de vie, [ses] capacités avant l’hospitalisation, les aides matérielles [et] humaines
déjà misent en place, son entourage… » (E5). Si « la personne n’est pas en capacité » de
renseigner ces informations, il est possible de solliciter « son entourage » (E5) pour les obtenir.
Ces données permettent « de respecter » (AS) la personne dans ce qu’on lui propose.
Le médecin qui évalue la « capacité de rééducation » (IDE) de la personne peut utiliser des
bilans standards comme « les évaluations rapides des fonctions cognitives, les BREF […] »
36
pour « objectiver […] le déficit […] sur le plan cognitif ». Cependant, ces outils sont
critiquables car il peut y « avoir deux profils complètement différents avec un même score et
puis finalement, il y a un des patients [pour qui le retour va se passer mieux que pour] […]un
autre » (M). A eux même, ils ne sont finalement pas suffisants pour établir des conclusions et le
médecin se basera davantage sur les résultats des observations lors de « mises en situations
concrètes » réalisées par les soignants présents au quotidien ou bien les ergothérapeutes à qui il
préconise également fréquemment des « visites à domicile » (M).
Les aides soignantes, qui interviennent « pour les besoins essentiels » (AS), ainsi que les
infirmières peuvent observer la personne au quotidien : « ceux qui sont en capacité de faire et
ceux que ne peuvent pas faire » (M). Par exemple, lors de « la toilette, [le degré d’aide qu’elles
peuvent] mettre en place » (AS). Elles se questionnent : « Qu’est ce qu’on peut faire ? Qu’est ce
qui est possible ? » (AS) vis-à-vis d’un retour à domicile.
Les kinésithérapeutes disposent de bilans « analytiques » (E4) notamment pour évaluer
l’équilibre. Ils réalisent aussi des observations de la personne pendant les séances de
rééducation concernant par exemple sa capacité à « monter des marches » (E4), et ont une
vision sur son évolution.
Lors de leurs séances, les neuropsychologues, les APA, les orthophonistes, les
diététiciennes… recueillent également des informations essentielles par leurs observations.
Les spécificités de l’ergothérapeute
Les ergothérapeutes disposent également de certains bilans normés, ciblés sur la « vie
quotidienne » (M), « adapté en fonction de la personne et du lieu de vie » (E4). Ils observent la
personne pendant la rééducation et perçoivent son évolution sur ce plan. Cependant, leur recueil
d’informations se base davantage sur les mises en situation et les visites à domicile.
Le plus intéressant pour eux est « la situation écologique » comme le « bilan cuisine » pour
voir comment la personne peut « faire à manger seule, s’organiser, planifier la tâche, prévoir
les courses… » évaluant la présence ou non de « troubles cognitifs » (E4) et/ou moteur au
travers de l’utilisation de son environnement. Elle permet aussi d’observer l’ « équilibre : est-ce
que il va être capable d’aller chercher en hauteur les choses, mettre la table tout seul, porter
une charge, utiliser son aide technique […] avec des transports d’objets… […] en milieu
écologique » (E4). La mise en situation permet ainsi l’objectivation des répercussions des
difficultés de la personne sur son quotidien, avec la possibilité de « mettre en parallèle aussi les
capacités antérieurs et les moyens aidants que la personne avait » (E1). La personne exploite
alors des capacités, non utilisées dans le service apportant d’autres éléments, les soignants
pouvant rapporter qu’en ergothérapie, elle fait « des choses qu’[elle] ne va pas forcément faire
avec [eux] » (E5). La mise en situation peut même avoir lieu lors de la « visite à domicile » (E5)
car « quand on est en dehors de son milieu, ça majore un petit peu les difficultés » (E4).
37
L’intérêt de la visite à domicile est mis en évidence par nombre de professionnels. Pour le
médecin, c’est elle qui permet de « vraiment savoir ce que [la personne] peut faire »,
indépendamment des évaluations normées donnant un « score » (M) parfois peu représentatif de
l’impact des difficultés sur le quotidien. Pour l’aide soignante, c’est elle qui permet de « voir ce
qui peut être mis en place au niveau des aides, des appareils qui peuvent aider [la personne] au
quotidien » (AS). L’infirmière rapporte que c’est la visite à domicile qui permet de voir « les
lieux de vie » afin d’établir « ce qui est plus facile pour les [personnes] », ce qui « n’est pas
envisageable » et que c’est seulement après ces constats que l’ « on fait des inscriptions en
établissement » (IDE) si besoin. Ainsi, les observations réalisées lors de la visite à domicile
reflètent de manière concrète les difficultés de la personne et revêt une importance pour l’équipe
qui tient compte de son résultat. La visite à domicile « est quasi-systématique pour certaines
[personnes] qui ont une pathologie lourde » (E5). Elle permet à l’ergothérapeute de se rendre
« au domicile de la personne » (AS) afin d’y observer la présence ou non d’un « problème
architectural » (E4) frein à son accessibilité et à sa sécurité. Il peut également y « mettre en
évidence les difficultés que la personne pourrait rencontrer » (E1). L’ergothérapeute est alors
« privilégié » (E4) pour analyser les capacités de la personne et donner un avis sur la possibilité
de mises en place d’aides matérielles et humaines si elle doit réintégrer son domicile après
l’hospitalisation.
3.2.5 Les difficultés repérées faisant songer à une institutionnalisation
Les bilans mettent en lumière les difficultés de la personne, en lien avec son état de santé et
son environnement, pouvant être la cause de potentiels dangers en cas de retour à domicile et le
remettant donc en cause. Elles peuvent correspondre à divers aux éléments.
Les caractéristiques de sa maladie ont un impact sur le projet de sortie. Il faut savoir si elle
est aigüe ou chronique, dans ce second cas « on sait que l’on va de toute façon vers une
institutionnalisation au bout d’un moment » (M) ou bien si elle entraine des troubles
uniquement « locomoteurs » ou bien également « cognitifs » (E4) entrainant des difficultés bien
distinctes et ces derniers compromettant souvent davantage le retour à domicile.
Ses capacités, sont également misent en évidence par les bilans. C’est notamment le déficit
de ses capacités entraînant une « dépendance » (ASS) et/ou une « perte d’autonomie » qui
oriente l’accompagnement « vers une institutionnalisation » (M). Sur le plan moteur, une
indépendance « physique […] insuffisante pour permettre d’assurer des besoins naturels » tel
que celui d’ « aller aux toilettes » rend « compliqué [le fait] d’organiser un retour » car malgré
la mise en place d’un « plan d’aide », il est difficile qu’il passe « au bon moment » (M). Le
risque de chute, de rester au sol longtemps sans pouvoir se relever est souvent également craint
par l’entourage. Sur le plan cognitif, les difficultés peuvent quant à elles entraîner des troubles
du « comportement qui peuvent être à risque si on […] laisse [les personnes] seules » (M). Il y
a alors une « mise en danger [vitale] d’elle-même et peut être du voisinage, notamment [en lien
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avec] l’utilisation du gaz » (E5). Ce peut aussi être des difficultés d’ « intégration des
consignes » (E5) entrainant par exemple une personne qui ne peut pas marcher à le faire tout de
même. Ce sont ses capacités qui conditionneront la possibilité d’utilisation de certaines aides
techniques « comme la téléalarme pour alerter » (E5) parfois nécessaires pour le retour à
domicile. L’évolution, « la récupération ou la non récupération des capacités […]
antérieures » (E1) a ainsi un impact. Les capacités sont analysées au regard des « conditions de
vie, des habitudes de vie », et comparées à celle antérieures à l’hospitalisation pour comprendre
l’impact actuel de leur déficit.
L’absence, la pauvreté ou la qualité de l’environnement humain sont également des données
à prendre en compte étant donné qu’elles peuvent complexifier le retour à domicile. Ainsi, « une
personne qui est toute seule », isolée ne peut pas toujours bénéficier d’ « une présence 24
heures sur 24 » alors que sa situation « le nécessite » (M) afin de bénéficier d’une surveillance.
Il faut établir si quelqu’un va pouvoir « prendre en charge ses actes de la vie quotidienne, […] :
l’aider à la toilette, pour les repas » (AS) si cela est requis, que ce soit « au niveau de son
entourage » ou la « présence d’aides humaines » (E4) extérieures. S’il y a un aidant, souvent le
« conjoint […] également âgé » (M), il faut s’assurer qu’il ne soit pas « épuisé par la situation à
domicile » (ASS) et qu’il n’ait pas lui-même « des problèmes » (E5) l’empêchant de répondre
aux besoins de la personne. L’environnement humain c’est aussi analyser la situation antérieure,
si des « plans d’aide [étaient] déjà conséquents et qu’il y [avait] des difficultés » (M) cela
risque d’être d’autant plus complexe.
La configuration de l’environnement matériel, peut rendre « le domicile facilitateur ou
inhibiteur par rapport au projet de retour » (E5). Il est observé s’il « est adapté […] en fonction
de l’état actuel » (E4) de la situation, « par rapport aux probables séquelles » (E5) pour assurer
la sécurité de la personne. La présence de « marches », l’encombrement et la taille, parfois
« trop étroite » de l’espace faisant que « le fauteuil […] ou l’aide technique […] ne passe pas »
(E4) sont autant d’obstacles à l’accessibilité du domicile et donc au retour de la personne. La
possibilité ou non de réalisation d’ « aménagements » (E4), de « travaux » (E5), d’installation
d’ « aides matérielles » (E5) permettant de le rendre accessible influent sur la décision finale.
Finalement, en dehors de cette liste, le facteur financier est important en ce qui concerne les
aménagements nécessaires au retour à domicile soit de l’EHPAD ou bien la possibilité d’un
« plan d’aide ou pas » (E5) déterminent bien souvent la décision. En effet ce sont des « coûts
énormes pour [la personne] et sa famille » et tous « n’ont pas la possibilité de rentrer en
structure », certains « retours à domicile [sont] conditionnés par le côté social » (ASS).
Ainsi, la décision d’institutionnalisation est à géométrie variable, interdépendante des
situations de handicap, des restrictions d’activités ainsi que de l’environnement humain et
matériel. Une vision de la « globalité de la personne » (E4) permet ainsi de limiter « tout ce qui
peut être danger » et de favoriser le « confort » et la « sécurité » (AS) de la personne.
39
3.2.6 L’évaluation en équipe
Une fois les bilans réalisés et les informations nécessaires recueillies, il importe que les
professionnels se les transmettent et évaluent la situation de la personne de manière globale.
L’équipe « c’est vraiment un noyau [où] tous [sont] acteurs », comme « un puzzle » où
« plusieurs pièces […] s’encastrent les unes dans les autres » (AS), « chacun met sa petite
pierre à l’édifice » (E4). « Tous [ont] un regard […] différent sur les situations » (E5) dont il
faut tenir compte. Dans le service, les « médecins sont très présents », ce qui « aide beaucoup
les équipes » qui se sentent « portées » mais aussi les personnes hospitalisées qui « sont [alors]
plus serein[es] » (IDE). « L’importance du travail en équipe : c’est essentiel » (E5).
Le premier moyen de communication, utilisé au quotidien par tous les professionnels de
l’équipe, est « le dossier du patient » (ASS) qui permet la transmission de nombreuses
informations et dans lequel on trouve notamment « le document connaissance de la personne »
(E5) évoqué précédemment. C’est à travers ce biais que le médecin transmet le contenu de ses
consultations et informe de ce qui a été dit à la famille, que les aides soignantes et les
infirmières rédigent « les transmissions quotidiennes » (AS) et que les autres professionnels
aussi communiquent ce qu’ils sont « amenés à faire avec [la personne] et sa famille ou
l’entourage » via « leur onglet » (ASS) spécifique.
Certaines informations sont « remontées [de manière directe] au médecin » (IDE) afin qu’il
puisse assurer son rôle d’orientation thérapeutique, qu’il ajuste l’accompagnement de la
personne et permettent la coordination de l’équipe. Ainsi, les équipes des services peuvent lui
transmettre « quand […] la famille » est vue le week-end, la manière dont elles ont « perçu les
choses » (IDE), les professionnels rééducateur ou du secteur social peuvent l’avertir « s’il y a
des [besoins ou des] problématiques particulières » (E5).
Enfin, « toutes les semaines » (E4), en réunion de « synthèses pluridisciplinaires » (M)
l’équipe « se réunit […]» (AS) et « refait le point [pour] chaque » (E5) personne. Ainsi sont
présents « le médecin, l’infirmière, l’aide soignante, le kinésithérapeute, l’ergothérapeute,
l’orthophoniste, l’APA » (IDE) mais aussi la diététicienne, l’assistante de service social, la
psychologue, la neuropsychologue. Ensemble, ils évoquent « le mode de vie » (ASS) de la
personne, ses « conditions de vie » (E5) ainsi que son « projet de sortie » (ASS) avec « ce qui
est envisageable » (IDE) ou non. Ils essayent « d’aller dans son sens » (E4) bien que parfois
une institutionnalisation soit évoquée pour « son confort, sa sécurité, son bien-être » (AS). C’est
aussi l’occasion pour chaque professionnel d’évoquer son intervention avec la personne et ce
qu’il peut observer. Par exemple, voici comment participent certains professionnels :
Le médecin « communique les éléments » à sa « disposition » (M), l’avancée de son suivi
avec la personne mais aussi avec son entourage. Il organise l’accompagnement de la personne,
prescrit l’intervention de certains professionnels n’ayant pas encore de rôle auprès de la
personne ainsi que des actes tels qu’une « visite à domicile avec ou sans séance cuisine » (E5).
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Les infirmières et les aides soignantes évoquent le « quotidien dans le service » (E5), ce que
la personne est capable de faire ou non dans les actes de la vie de tous les jours, son évolution.
Le kinésithérapeute renseigne sur ce que la personne « va être capable de faire » (E4) sur le
plan moteur, sur ce qui est travaillé avec elle.
Le neuropsychologue informe des résultats obtenus lors des tests cognitifs ou propose ses
services s’il perçoit que la situation le nécessite.
L’assistante de service social communique « sur les possibilités financières » des
personnes, s’il est possible d’ « avoir des aides avec l’APA » (E5), sur la mise en place des aides
humaines. Elle fournit certaines données administratives.
L’ergothérapeute indique la configuration du domicile avec, par exemple, la présence de
« marches », d’ « obstacles » (E4) et évoque si besoin les aménagements qui seraient à prévoir.
Il peut également donner des informations sur ce qui est observable en séance, son évolution. Il
échange plus particulièrement avec le kinésithérapeute « pour réajuster avec [lui, qu’il]
travaille la difficulté, en fonction […] du domicile » (E4), avec l’assistante de service social
pour rassembler des informations « sur tout l’aspect financier » (E5) et collaborer pour « mettre
en place des aides humaine si nécessaire » (E4), avec le neuropsychologue pour « évaluer un
peu plus […] les troubles cognitifs » (E4).
Finalement, cet échange en équipe permet de donner du poids aux informations recueillies afin
d’analyser « dans quelles conditions la personne peut rentrer » (E5) ou non, de pouvoir établir
un jugement commun, pour orienter son accompagnement en faisant évoluer les objectifs.
3.2.7 Initier la réflexion avec la personne et son entourage
La réflexion autour de la sortie d’hospitalisation est abordée dès l’entrée de la personne afin
« de recueillir […] son projet de vie, […] ce qu’elle envisage » (E4). Assez rapidement après
que l’équipe se soit positionnée sur le fait que l’institutionnalisation est la solution la plus
adaptée, il est nécessaire de lui en faire part ainsi qu’à ses proches bien que ce soit « toujours
des discussions compliquées » (M). Au sein du SSR, c’est le « médecin qui en discute d’abord
avec la personne » (AS) et son entourage « de manière formelle » (M) et explique le
positionnement de l’équipe lors d’une synthèse ou d’un entretien, afin de « construire le
projet » (M) de sortie. « Très souvent, [il] est amené à voir les familles au départ sans [la
personne] » (M) car elle n’est elle-même pas prête à engager une réflexion autour de
l’institutionnalisation. Leur appui est aidant, l’ « absence de famille, de personnes
décisionnaires » (IDE) compliquant toujours la démarche. Néanmoins, « au bout d’un moment
on intègre forcement [la personne] à ce projet », en « discutant ouvertement avec [elle] » (M).
Pourtant, « en gériatrie, on a quelques fois le tort de s’adresser aux familles […] et du coup les
[personnes elle-même], sont tenues en dehors de ce qui les concerne au premier plan, […] c’est
une chose à laquelle il faut faire attention aussi » (P), il est essentiel de leur donner les
informations. Il est nécessaire choisir un moment où la personne est « prête à entendre cette
41
information » (M) et quelques fois le faire « au fur et à mesure de la prise en charge » (E5). Le
rôle des autres professionnels de l’équipe est uniquement de les questionner sur leur manière de
percevoir l’après hôpital et de les accompagner dans leur cheminement ainsi que leur décision.
L’important est que tous « essayent […] d’aller dans le même sens » (AS), « en douceur » afin
de gagner l’ « adhésion » (E4) de la personne. Il est également essentiel d’écouter la personne et
ses proches, au premier plan en cas de retour à domicile, afin de recueillir « leurs souhaits »
(M), d’entendre « le refus ou l’accord dans la décision » (AS). Quoi qu’il en soit, cette décision
doit être rappelée à « chaque réunion de synthèse », il faut « tenir la personne au courant » des
« démarches qui ont été faites, les inscriptions, les réponses, les refus… » pour que cela reste
« à l’ordre du jour » (P) pour elle. Finalement, il arrive que la personne ait « retrouvé une
autonomie suffisante pour rentrer à domicile et […] que ça ne se fasse pas » mais ça aura aussi
été « l’occasion d’avoir parlé de structures […] de réaliser des inscriptions plutôt de
précaution qu’on laisse quand même courir » (M). Cela aide la personne à cheminer sur cette
idée et lui permet d’être plus préparée si elle doit y entrer soudainement par la suite.
Lors de l’échange avec la personne et son entourage, ce qui sera évoqué et la manière dont
cela le sera, dépend de la situation. Il est donc nécessaire de s’y adapter. C’est l’occasion de
« définir ensemble le projet » (ASS) et de présenter « les différents types de structures » (M)
notamment les EHPAD, décision prise la plus couramment. Ses caractéristiques peuvent être
comparées à la situation de maintien à domicile : services rendus, coût… Il est possible
d’expliquer le déroulement d’une journée en établissement, de répondre aux questions afin de
les « éclairer » et de les « rassurer » (ASS), les personnes ayant parfois « une image très
négative des structures » (IDE). C’est un moyen de « dédramatiser », d’ « expliquer
réellement» (IDE) les caractéristiques de la vie en EHPAD et de valoriser le fait que ce soit la
solution qui corresponde le plus à ses besoins actuels. A fortiori, si la personne est sociable,
qu’elle « aime bien les uns, les autres », il est possible de valoriser le fait qu’il s’agisse d’un lieu
où il va « être plus facile de faire connaissance avec des personnes » et qu’elle pourra « rester
dans sa chambre » si elle a « envie d’être seule » (P). Dans notre démarche, il doit être clair
pour la personne que « l’on n’est pas là pour [lui] imposer une décision » mais uniquement
pour lui « conseiller une orientation » (M) et que c’est elle et son entourage qui choisiront ce
qui leur semble être le mieux. De plus, ils doivent saisir qu’en EHPAD, « ils sont en location, et
que si ça ne leur plait pas, ils peuvent changer » (P).
Tous les professionnels et plus particulièrement le médecin, lors des rendez-vous, ainsi que
la psychologue peuvent favoriser la communication entre la personne et son entourage afin
qu’ils se comprennent et soient unis dans cette décision. Ces points permettent à tous de
recevoir les mêmes informations, de percevoir les ressources des personnes dans leur
environnement, d’échanger leurs visions de la situation, d’éviter les « non-dits » (E5) et de
trouver une solution qui fasse consensus, qui soit « cohérente » (ASS) et « en général, ça se
42
passe bien » (M). Il faut essayer de « gérer dans le respect le plus possible de ce que l’on pense
être le mieux, […] le plus adapté » (ASS) à la personne, « de trouver l’EHPAD qui leur
correspond à eux » en raison de « sa philosophie » (P), de « son ambiance » et de ses services.
Cependant, l’échange a toujours une organisation, un caractère différent selon les
personnes, leur manière de se projeter, leurs capacités ainsi que leur entourage.
Si la personne et ses proches évoquent l’EHPAD d’eux-mêmes, bien que ce soit «assez rare
[…] que l’on ait des [personnes] qui [le] demande » (M), parfois « il arrive que les familles
nous appellent à l’entrée » de la personne car elles ont perçu que « le retour à domicile va être
impossible » et « ont un petit peu peur […] des délais d’entrée en EHPAD » (ASS). « C’est
[alors] simple, parce que c’est un peu évident » (ASS). En effet, ils ont « déjà cheminé », voir
ils se sont « aussi déjà renseignés » (ASS) et « on ne fait que les accompagner » (E4) dans ce
sens. Généralement, ce sont des personnes « qui [n’ont] que des troubles moteurs, [sont]
cohérentes » (E4) et qui sont donc capables de participer à la décision. Cependant, si c’est une
demande de l’entourage, il est nécessaire aussi d’intégrer la personne.
Lorsque la personne n’y a pas encore réfléchi, l’équipe « prend un peu le devant » et
« essaye d’amener des choses » (ASS), de questionner son devenir, de faire prendre conscience
des difficultés en expliquant son point de vue.
Lorsque la personne ne souhaite pas entrer en EHPAD, et « souvent ce n’est pas leur
souhait, […] eux, ils souhaitent qu’une chose, c’est rentrer à la maison » (M) mais que « c’est
un peu la seule solution, il faut un peu essayer de forcer la chose » (E4) en les « confront[ant] à
la réalité » (M). Ce peut être « une journée à la maison avec la famille et puis on voit ce qui se
passe ». Il faut maintenir « un lien de confiance et puis petit à petit […] travailler le projet »
(ASS) si l’on souhaite que ça aboutisse car « on ne peut pas obliger quelqu’un à rentrer en
EHPAD » (E4). Finalement « on n’a jamais d’entrée forcée en structure » (M).
Quand la personne est dite « dépendante », « la plupart du temps, il y a [tout de même]
moyen de discuter avec elle » (M). Cependant, dans ces situations « on s’appuie beaucoup sur
les […] personnes ressources » (AS). Si réellement la personne ne peut pas se prononcer, en
raison d’un déficit cognitif, « on essaye le plus possible, dans un premier temps, de se
rapprocher de la famille » (M), de la personne de confiance afin de recueillir leur souhait.
Lorsque « la famille n’est pas d’accord » (M), que la personne n’a « pas d’entourage ou », est
« isolée » (ASS), il est alors nécessaire de « se rapprocher du juge des tutelles » afin de
« demander l’ouverture d’une mesure de protection pour arriver à finaliser certaines
démarches […] car il y a des choses que l’on ne peut pas décider à sa place » (ASS). Cela
complexifie les démarches mais cela est nécessaire.
Si la personne est anosognosique, c’est-à-dire qu’elle n’est pas consciente de ses troubles,
qu’elle ne perçoit pas bien la réalité, on ne « va pas forcement [pouvoir] l’aider à cheminer »
(E5). Là aussi, il est nécessaire de « s’aider de la famille » (M), voire de mettre en place une
43
tutelle. « C’est les situations les plus difficile » car les personnes « ne sont pas du tout prêtes à
rentrer au moment où [l’entrée] est évoquée » (P).
3.2.8 Des moyens pour aider la prise de décision
Parfois, la communication entre les soignants, les personnes et leurs proches n’est pas
suffisante pour pouvoir se prononcer sur le choix d’entrer en EHPAD. Il peut y avoir besoin
d’utiliser des moyens concrets permettant à la personne de prendre conscience de ses difficultés
dans les activités de la vie quotidienne et de comparer les avantages et les inconvénients de
l’institutionnalisation et du retour à domicile pour les comprendre.
L’ergothérapeute, un rôle important dans la prise de conscience des difficultés
L’ergothérapeute, par les mises en situation et les visites à domicile a un rôle essentiel dans
la prise de conscience de ses difficultés par la personne. En effet, « ce sont toutes les mises en
situations qui viennent coller à la réalité » mais aussi les « visite à domicile [effectuées] dans ce
sens-là » qui remettent la personne « vraiment en situation » et lui « permettent de réaliser les
difficultés imposées par le quotidien » (E3). Pour certaines qui disent « si, si, moi, quand je
serai à la maison, je serai capable […] de faire tout ce qu’il faut pour m’occuper de moi », « on
est obligés de les confronter à [cette] réalité des choses » (M). Par exemple, ce peut être une
« activité cuisine [parce que] venir faire de la cuisine quand lorsque l’on marche avec un
déambulateur ce n’est peut être pas si simple que ça » (E2). Ainsi, l’ergothérapeute permet à la
personne de « cheminer sur ces difficultés ». Il a également « un rôle de prise de conscience »
« de [son] handicap » (E2) et cherche à « faire évoluer sa dynamique » (E4), parfois en la
mettant « en difficulté exprès » (E2) sans la « mettre en échec » complet ou être « trop abrupte »
(E4). De ce fait, il l’ « amène à réfléchir » sur « ce qu’[elle] souhaite » et l’« aide à se
projeter » de manière réaliste et « a réussir en fonction de [son] projet » (E2). En effet « la
visite à domicile peut permettre de voir si la personne à vraiment peur de rentrer chez elle et
l’aide à faire son propre choix entre domicile et maison de retraite » (E2). Sommes toutes,
« certains vont proposer de dire : « Non, finalement, je ne me sens pas capable de rentrer à la
maison, il est préférable que j’aille en institution »» (E5) car « ça va être compliqué » (E3).
Généralement, lors de la visite à domicile, la présence de « quelqu’un de la famille en plus »
(E4) est souhaitée afin de lui faire constater et de lui expliquer difficultés observées et ainsi lui
en faire prendre conscience également.
Finalement, l’ergothérapeute à un rôle majeur dans la prise de conscience des difficultés au
quotidien pour la personne et parfois ses proches leurs permettant de faire un choix réaliste.
D’autres moyens d’aide à la prise de décision
Quelques fois, c’est l’hospitalisation en elle-même car finalement lorsqu’elle dure, la
personne a pris l’habitude de vivre « dans un lieu qui va ressembler un petit peu à ce que
ressemblera l’EHPAD » (M) avec le quotidien d’une institution, son rythme.
44
Parfois, il s’agira d’une permission de « quelques jours avec le plan d’aide que l’on pense
mettre en place mais en gardant toujours la place en hospitalisation » (M) afin que la personne
prenne conscience de ce que sa décision engage. Ainsi, elle peut juger par elle-même si « c’est
envisageable à long terme » (IDE). Préalablement, l’ergothérapeute « se pose la question de
l’accessibilité du domicile et dans quelle condition [elle va] pouvoir rentrer chez [elle] » (E5).
Certains auront besoin dans un premier temps, d’essayer un retour à domicile malgré le
« risque potentiel » (E5). Finalement il arrive que « ça se passe mieux que ce que l’on avait
espéré » mais parfois « malheureusement ça ne va pas perdurer » (E5).
Visiter les établissements est également proposé aux personnes et à leur entourage. Dans
l’établissement, il y a « la chance, […] d’avoir un EHPAD » (M) et un USLD qu’ « on peut leur
faire visiter » (IDE). Cela leur permet « de se faire une image de ce qu’est un EHPAD » (IDE),
d’ « aller découvrir » (E5) son fonctionnement, les services qui y sont proposés, de le
« dédramatiser » (IDE). Il peut être intéressant d’en visiter plusieurs, « de lire leur projet
d’équipe, de comprendre leur projet de soins » car « ce n’est pas partout le même » (P) et « il
est toujours préférable d’aller visiter les établissements où l’on souhaite peut-être un jour se
rendre » (E5). La visite peut avoir lieu avec son entourage ce qui est toujours préférable, un
professionnel de santé (ergothérapeute, psychologue…) ou encore les « jeunes » qui font leur
« service civique » (IDE).
Pour finir, il est possible de leur proposer un hébergement temporaire. Pour ceux « qui se
tâtent, […] qui ont des préjugés ou qui idéalisent l’entrée en EHPAD » cela leur permet de
« juger par eux même si c’est quelque chose qui peut leur convenir ou pas » (P).
3.2.9 Les alternatives possibles à l’EHPAD
Si malgré la discussion avec la personne et son entourage et les moyens complémentaires
aidant à la décision, l’entrée en EHPAD n’est pas souhaitée mais que le retour à domicile n’est
pas envisageable en raison de son état de santé ou parce que l’environnement ne le permet pas
quelques autres options peuvent s’offrir à elle.
Le retour à domicile avec des aides
« Dans la mesure où l’on a été honnête », où l’on a informé la personne sur ce qu’elle est
« en capacité de faire, ce qu’on est en capacité de mettre en place et quelles sont les
conséquences à la maison », « c’est [sa] propre décision » « prise de façon éclairée » (M). Les
aides risquent d’être insuffisantes, ne permettant pas à la personne un quotidien de qualité mais
la personne et son entourage acceptent les contraintes liées à ce choix.
Le déménagement pour un autre domicile autonome
Si dans le domicile actuel de la personne, « il y a vraiment un problème architectural » et
qu’il n’est pas possible de l’adapter, elle peut « changer de domicile » (E4).
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La famille d’accueil
Pour les personnes qui « n’aiment pas le monde », « qui ont besoin d’une vie de famille »,
c’est une solution qui peut tout à faire leur convenir. Si on les laisse entrer « dans un EHPAD »,
ils risquent de « se laisser mourir » (P).
3.2.10 Accompagner la décision
Les grands principes
Quelle que soit la décision, les professionnels de santé accompagnent la personne et son
entourage dans cette démarche de choix et dans son vécu. Chacun d’entre eux pensent pouvoir
les aider, certains pensent même qu’ils sont « là pour ça » (ASS) tandis que d’autres le voit
davantage comme une possibilité de « les accompagner » (E4) et se perçoivent comme « un
élément » (E5) participant à la démarche parmi les autres soignants. « On ne devient pas
soignant par hasard, […] il faut aimer l’humain » (ASS), vouloir l’aider. Chacun d’entre eux se
doit de respecter la personne dans des concepts de « bientraitance », d’ « humanitude » (AS).
C’est par exemple, à l’arrivée dans une chambre « frapper, ne pas allumer la lumière dans les
yeux de la personne…. » (AS), c’est lui sourire, bien choisir ses mots… Lorsqu’il est possible
de « prendre le temps d’amorcer les choses, de les expliquer », de ne pas « bousculer […] les
gens » alors « c’est plus facile » (IDE). En effet, souvent l’arrivée au SSR fait suite à « un gros
choc, ils partent de chez eux par les pompiers, le SAMU, ils passent par les urgences, le CHU »,
ils peuvent être « complètement paralysés », ne « plus parler » (IDE), « il faut [donc] essayer
de ne pas trop les brusquer » (E5). Dans le service, cela est facilité par le fait de « pouvoir les
garder relativement longtemps » (M), en raison du temps lié à la rééducation qui permet de ne
pas leur dire « à telle date vous être sortant donc coûte que coûte vous irez là » (IDE). Prendre
son temps permet qu’il y ait « une confiance qui s’instaure » (M) favorisant leur attention à ce
que l’équipe leur dit, ce qui est également aidant.
Les spécificités de chaque professionnel
Autour de cette décision chaque professionnel accompagne la personne selon ses propres
compétences. Le fait d’être en équipe lui permet si besoin de passer « le relais » à un collègue
lorsqu’il sent qu’ils a « atteint [ses] limites » ou que « quelque chose [le] dépasse » (AS) afin
de permettre un accompagnement de qualité à la personne. Ainsi, le médecin « discute
beaucoup avec [les personnes] » (IDE), il rencontre « la famille, la personne en essayant
d’évoquer la suite » (E1), « la possibilité de rentrer dans une institution » (M) et il peut donner
son « avis sur le retour » (M). L’aide soignante « intervient vraiment pour les besoins
essentiel : la toilette… » (AS). L’infirmière quand elle « a un peu de temps » va pouvoir « tâter
un peu comment [la personne] perçoit les choses, comment [elle] voit le futur » et c’est souvent
elle qui « voit la famille » (IDE) ou l’entourage le week-end et peut percevoir certains éléments
supplémentaires les concernant, répondre à certains questionnements. L’assistante de service
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social, quant à elle, intervient « quand le médecin estime que l’état de santé [de la personne]
semble stabilisé et qu’il [lui] donne le feu vert […] pour commencer à travailler le projet de
sortie ». Elle rencontre alors la personne quand elle « est capable de participer à son projet de
sortie » et « la plupart du temps, les aidants, la famille et l’entourage […] par l’intermédiaire
d’entretiens ». Ils permettent de « définir un peu les choses, […] le projet » si c’est l’entrée en
« EHPAD » ou si « d’autres structure semblent plus appropriées ». Ensuite, elle peut « les
soulager de certaines démarches », faire « le lien avec les différentes structures
d’hébergement », elle « aide […] à renseigner un dossier administratif », « informe […] sur les
frais d’hébergement, sur les différents EHPAD », sur « les aides possibles » (ASS)
financièrement. La psychologue peut être interpellée lorsque la décision est psychologiquement
compliquée pour la personne et ses proches. Elle peut les aider à « se repérer le mieux
possible » là où en est la situation « au niveau de la santé comme au niveau du moral » afin
qu’ils « réfléchissent à l’avenir [eux-mêmes], pas influencés par les uns, les autres ». Elle les
guide pour qu’ils repèrent « ce qui est important pour eux » pour « prendre la décision qui
[leur] ressemble tout en s’assurant qu’[ils ont] bien saisie les risques qu’[ils prennent] en
choisissant telle ou telle option » (P). Les kinésithérapeutes, les orthophonistes, les APA, les
diététiciennes accompagnent également les personnes selon leurs compétences propres.
L’accompagnement de l’ergothérapeute
L’ergothérapeute accompagne les personnes lors de ses séances notamment lors de la visite
à domicile. Pour cette dernière nombre d’entre elles « se mettent la pression » en se disant
« c’est quand même une évaluation pour […] savoir si je suis en capacité de rentrer chez moi »
(E5) et aussi parce qu’elles ont « l’espoir de revenir comme avant […] à la maison » (E2) et
sûrement certaines craintes face à cela. Il leur arrive alors d’être « malade », de faire « une
chute », de « très mal » dormir avant la visite. Dans ce cas, l’ergothérapeute doit « essayer de
les apaiser », les informer qu’il « est là pour conseiller » (E5) uniquement. Il arrive aussi que la
visite à domicile soit un moment très particulier pour la personne car c’est « la dernière fois
[qu’elle va] chez [elle] » (E5), l’ergothérapeute doit alors l’« accompagner » (E4) dans « cette
étape […] de […] deuil de son chez soi », « d’un état antérieur » (E2) « pour se projeter dans
autre chose » et lui « expliquer » (E4) la situation, les constats qu’il fait. Dans d’autres
situations, la visite à domicile est l’occasion pour l’ergothérapeute d’entendre les requêtes de la
personne et de son entourage concernant le quotidien, de comparer les bénéfices du retour à
domicile avec ceux de l’institution avec eux et de voir « si c’est possible de mettre des aides
humaines et […] techniques à domicile » (E1). Le tout se fait dans un échange avec la personne.
Les obstacles à l’accompagnement des professionnels
Cependant, il arrive que l’accompagnement d’une personne et de son entourage se heurte à
certaines contraintes. La première est le fait que « les soignants ont de moins en moins de temps
à consacrer aux » personnes, qu’ils soient « pressés » et « c’est notre soucis actuel » comme
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« dans [d’autres] établissement » (P), cette difficulté étant généralisable. La seconde, c’est « le
problème des places » (M) en EHPAD avec des « listes d’attentes importantes » (ASS). C’est
d’autant plus complexe qu’il « n’y a pas eu d’anticipation de la demande » (M) et les personnes
doivent parfois dans un premier temps aller dans « la première structure qui leur répond » (M)
ou en « hébergement temporaire » (ASS) avant d’être « re-transféré » (M) car l’hôpital « ne
peut pas se permettre […] de garder les gens éternellement ou sur une longue durée » (ASS).
L’accompagnement par la famille
Si les professionnels soignants accompagnent la personne, ils ne sont pas les seuls.
L’entourage a également un rôle essentiel. Il peut « soutenir » la personne, « l’accompagner »
pour visiter des établissements par exemple et lui donner un point de vue extérieur au soin qui a
une portée différente. Si c’est la décision d’institutionnalisation qui est prise, il peut l’aider à
« aménager la chambre », afin qu’elle « ressemble à un lieu de vie qu’ [elle avait] l’habitude
de connaitre ». Cette aide rend la situation « beaucoup plus facile » (M).
3.2.11 Les ressentis des personnes et de leur entourage face à la prise de décision
Pour finir cette étude, il est intéressant aussi de comprendre comment la démarche de
l’équipe soignante dans ces situations est perçue par la personne et son entourage afin de ne pas
ignorer les conséquences du choix d’entrer en institution.
La plupart du temps, les personnes « se sentent soutenues » par les équipes, c’est « très,
très, très important ». Cependant, bien qu’en SSR neurologie et locomoteur il y ait plus de
temps que dans certains autres service, il arrive que des personnes se « plaignent […] que tout
le monde soit pressé » et que l’ « on n’ait pas assez de temps à leur consacrer ». Dans ce cas,
où le temps dédié à la réflexion autour de la sortie d’hospitalisation est insuffisant, « c’est plus
difficile [pour eux], parce qu’ils ont très peu de temps pour se faire à l’idée qu’ils […] ne vont
plus pouvoir avoir la même vie qu’avant » (P). Néanmoins, il n’y a pas que le temps purement
de discussion autour de la question d’institutionnalisation qui est important dans
l’accompagnement. Il y a aussi « la rééducation », le fait « d’aller voir les autres », car pour la
personne, il peut être « important […] de ne pas se refermer », qu’on lui porte de l’attention
pour avoir « l’impression qu’on fait tout ce qui est possible pour qu’[elle] récupère » et que si
l’on parle d’EHPAD c’est un dernier recours. Cette réflexion est à nuancer en SSR car il y a
moins de séances qu’en rééducation pure et donc moins de temps qui y est dédié mais montre
des éléments essentiels et aidants. Cependant, malgré tout et même si « c’est assez rare », « il
arrive […] que les gens soient un peu persécutés, […] qu’ils voient tous les professionnel
comme une grosse mafia qui veut leur prendre leur sous ». Certains « s’imaginent que le
médecin […] va toucher des sous si la personne entre en maison de retraite » (P).
En effet, comme nous avons pu le voir dans la partie théorique, c’est une décision mettant
en jeu de nombreux sentiments pouvant mener à diverses réactions. Quitter son domicile
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engendre de multiples bouleversements. Effectivement, « c’est difficile de se dire qu’on aura
plus de chez soi, de domicile à soi, pas à la collectivité » (E5), qu’on va devoir quitter son
quartier avec lequel il y a un lien psychologique et affectif. C’est également changer de mode de
vie : « ne plus pouvoir faire les repas de famille, […] recevoir à noël, […] loger les enfants, les
petits-enfants, […] faire sa propre cuisine » (P). Souvent, il y a aussi la crainte de ne plus
pouvoir « trainer au lit le matin » pour certain, la « peur d’être entouré de vieux » (P)
également dépendants. Les personnes « commencent par voir tout ce qu’[elles] vont perdre, la
seule chose qu’[elle] voient en général, qu’[elles] vont gagner, c’est la sécurité, […] d’avoir
toujours du monde, de pouvoir appuyer sur une sonnette et d’avoir quelqu’un qui arrive ». Elles
ne « voient pas du tout la vie sociale qui va être possible par exemple » (P). De plus, « cette
génération a très peu bougé, donc leur domicile […] c’est un peu toute leur vie », le quitter est
donc un réel « cap à passer » car il faut en « faire le deuil » (ASS).
Parfois, certaines personnes, « aimeraient bien […] que l’entourage propose la solution de
les accueillir au sein de leur famille », « que le conjoint dise : « oui, oui, le retour est
possible »» alors que d’autres « ne veulent pas […] être « un poids » pour eux » (P) et vont
« décider d’entrer en institution » (E5).
Cependant, entrer en EHPAD est un « travail […] psychologique […] long » (E4) car il est
« extrêmement rare » que ce soit la première « demande » (M) lors de l’hospitalisation en SSR.
La décision est vécue différemment par chaque personne, selon « son histoire de vie » (E5), ses
souhaits. « Quand ça nous arrive à 90 ans, [âge avancé], c’est d’autant plus douloureux » (P),
surtout si ça arrive de manière brutale car « certains n’ont jamais été hospitalisés » (E5) avant.
Psychologiquement, la personne n’a alors pas pu s’y préparer. Cependant, une entrée en
institution fait évoluer la perception de soi. C’est se sentir vieillir alors que la personne peut ne
« pas du tout […] se considérer […] comme une vieillarde » (P). C’est aussi « se retrouver dans
un EHPAD avec des gens qu’elle avait connus dans le même immeuble et qui se retrouvent
aussi diminués » (E5) ce qui renforce cette perception. Au contraire, si la personne est
anosognosique ou dans le déni de ses difficultés, elle n’a « pas […] conscience de ses troubles
cognitifs » et « elle ne comprend pas forcement pourquoi on va l’amener là bas » (E4). « Très
souvent, il y a un genre de « pensée magique » chez les [personnes] qui pensent que quand
[elles] vont rentrer chez [elles], ça ira mieux […] ça sera comme avant » (P) niant la perte
d’autonomie et d’indépendance. Certains vont même jusqu’à penser que s’ « ils ne marchent
pas, ce n’est pas parce qu’ils sont paralysés, c’est parce qu’on ne les laisse pas marcher ». « Il
y a toute une différence entre l’état réel et l’état ressenti » (P) et c’est cela qui rend la décision
plus complexe. En plus de cette question de la perception de soi, du changement de vie
qu’implique l’entrée en EHPAD, « le plan financier […] est source d’inquiétude » tant pour la
personne que pour son entourage car il faut « payer les frais d’hébergement » (ASS). De ce fait,
certains proches « freinent des quatre fers parce que […] les parents n’ont pas forcément les
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moyens » donc « soit ça va entamer l’héritage, soit ça va faire marcher l’obligation
alimentaire » et parfois ils « trouvent ça insupportable de devoir payer une partie de la maison
de retraire de leur parent » (P) ou de leur proche.
Ainsi, si l’institutionnalisation est source d’un bouleversement important et met en jeu de
nombreux phénomènes psychologiques pour la personne c’est également le cas pour les
membres de son entourage. Souvent ces derniers, « se rendent mieux compte des difficultés,
parfois même ils les majorent » ce qui génère également des questionnements et de l’inquiétude.
Le vécu de cette situation reste différent selon chacun. « Il y a en a qui culpabilisent parce que
leur parent leur avaient fait promettre « jamais il me met dans un mouroir » » tandis que
d’autre « font vraiment ça par conscience, parce qu’ils veulent absolument que leur parent [leur
proche] soit bien, qu’il soit en sécurité ». Aussi, pour certains c’est une « sécurité d’esprit »
sans laquelle « ils n’arrivent plus à vivre » eux-mêmes. Le plus compliqué, « c’est quand toute
la famille assiste », fait « toutes les démarches sans prévenir » la personne et « insiste pour
[qu’elle] entre en EHPAD pour sa sécurité ». En effet, « eux-mêmes il leur a fallu du temps
pour se faire à l’idée que [la personne] allait entrer en établissement, c’est déjà un long
cheminement » et « quand ils sont sûrs que c’est le bon projet, ils en parlent à leur
parent [proche] » qui est « censé adhérer tout de suite au projet ». Or, lui aussi a « besoin de
temps pour cheminer, pour faire [son] propre projet ». « C’est difficile quand la personne,
première concernée, n’est pas dans la boucle dès le début » (P) car tous ne sont pas arrivés aux
mêmes stades de réflexion. De plus, il arrive que la situation bouscule tellement l’entourage de
la personne que l’on peut voir de « vieilles choses qui ressortent dans les fratries » obligeant les
professionnels « à faire […] de la médiation familiale » même si « en général ça se passe »
(ASS) bien.
Finalement, lorsqu’une institutionnalisation est décidée, que la personne entre en EHPAD,
généralement « elle s’adapte au bout de quelque temps », elle « s’habitue » à « la structure » et
quand il « faut rechanger », parce que c’était un hébergement temporaire, une structure de
transition avant d’entrer dans l’établissement souhaité, « c’est compliqué » (E5). On observe
donc que la personne âgée est capable de s’adapter dans un environnement nouveau et dans ce
cas précis, de saisir les avantages de l’EHPAD pour s’y sentir bien.
L’analyse des données met en évidence la place importante de l’ergothérapeute au sein de la
démarche de réflexion autour de l’institutionnalisation de la personne âgée en SSR. Les mises
en situation et les visites à domicile qu’il réalise sont des sources de données essentielles car
elles permettent la mise en évidence concrète des répercussions des difficultés de la personne
dans ses activités de la vie quotidienne au sein de son environnement. De plus, ces moyens
permettent également la prise de conscience de ses difficultés par la personne qui est amenée à
cheminer. Pour finir, l’ergothérapeute a un rôle d’accompagnement des choix de la personne.
50
4. Discussion
Après avoir réalisé des recherches théoriques, des entretiens sur le terrain et analysé les
propos recueillis, il est maintenant temps de confronter ces différentes données. Cette réflexion
a pour objectif d’éclairer le sujet vis-à-vis de la question de recherche et des hypothèses établies
à la fin de la problématique.
Pour rappel, la question de recherche est la suivante :
Quelle est la contribution de l’ergothérapeute, au sein d’une équipe pluridisciplinaire, dans la
réflexion autour de l’institutionnalisation en EHPAD d’une personne âgée
hospitalisée en soins de suite et de réadaptation ?
4.1 L’occupation, une spécificité de la pratique de l’ergothérapeute
Ce travail permet de mettre en évidence le rôle de l’ergothérapeute lorsqu’une décision
d’entrée en EHPAD est prise pour une personne âgée à la suite d’un séjour en SSR. En effet, les
bilans établis permettent de mettre en évidence l’impact des difficultés de la personne sur sa vie
quotidienne et d’analyser s’il est possible ou non de proposer des compensations telles que des
aménagements du domicile, des aides humaines professionnelles, des aides techniques…
Lorsque la personne ne peut plus réaliser certaines activités de la vie quotidienne et qu’il est
complexe d’assurer sa sécurité à domicile, une entrée en institution est le plus souvent évoquée.
Dans la partie théorique nous avions évoqué la possibilité pour l’ergothérapeute de faire un
entretien, d’utiliser des outils normés et validés, de réaliser des mises en situation et des visites à
domicile pour percevoir la personne dans sa globalité : facteurs personnels, environnementaux
et habitudes de vie. L’analyse des données recueillies souligne le rôle prépondérant des mises en
situation dites « écologiques » et des visites à domicile pour rassembler des données mais
également dans l’accompagnement de la personne. En effet, grâce à ces dernières il est possible
d’appréhender de manière objective les capacités de la personne en lien avec les caractéristiques
de son environnement. Elles permettent également la confrontation directe de la personne avec
ses difficultés, ce qui l’amène à en prendre conscience et à cheminer, faisant évoluer sa
dynamique. De plus, la visite à domicile est parfois une étape très importante pour la personne
car ce peut être la dernière fois qu’elle s’y rend. L’ergothérapeute se doit alors d’accompagner
les ressentis, d’être rassurant, d’expliquer et de l’aider à se projeter dans d’autres projets.
La présence de l’entourage lors de certaines mises en situation ou des visites à domicile leur
permet également de constater les difficultés de leur proche. Tout le monde dispose alors des
mêmes informations et un choix réaliste, correspondant aux besoins de la personne et compris
de chacun peut être réalisé.
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Nous pouvons donc noter la pertinence de la spécificité de l’intervention de
l’ergothérapeute dans ce cadre. Il participe également à la réflexion collective de l’équipe autour
de cette question lors de réunions de synthèse. Ainsi, il contribue activement à la décision
d’institutionnalisation de la personne âgée à la suite d’un séjour en SSR. Vis-à-vis de la
question de recherche nous avons donc ci-avant certains éléments permettant d’y répondre.
4.2 Une éthique du soin
Passer de son domicile à l’EHPAD entraîne de nombreux bouleversements pour la
personne. En effet, c’est quitter un lieu personnel, composé de nombreux souvenirs où elle a ses
propres habitudes pour entrer dans un lieu collectif dont il faut s’adapter au rythme de
fonctionnement et à l’organisation. Il est également le symbole de la dépendance.
Ainsi, lorsque les professionnels doivent évoquer une entrée en institution, il est important
qu’ils s’adaptent à la personne, à son entourage et à la situation. Dans la partie théorique comme
lors de l’analyse, il est soulevé l’importance du respect de l’identité de la personne dans son
unicité, sa différence et sa liberté. Le professionnel respecte des valeurs comme le non-
jugement, l’autonomie, la bienveillance, la non-malfaisance et il doit se montrer attentif à la
personne. Il est nécessaire de prendre le temps d’écouter la personne, de la questionner… vis-à-
vis de ses souhaits. En effet, la personne doit être considérée par les professionnels comme
compétente, capable de participer à ses choix de vie. De ce fait, l’équipe professionnelle a pour
rôle de valoriser les capacités de la personne et doit respecter son droit de bénéficier de sa
responsabilité tant qu’il n’est pas établi qu’elle n’en était pas capable. Cela suppose de l’intégrer
dans la réflexion dès que possible en discutant avec elle. La création d’une relation de
confiance, favorisée par cette démarche, facilite l’implication de la personne dans son parcours
de soin et la prise en considération de ce que peuvent lui faire remarquer les professionnels. La
personne se sent soutenue et davantage libre de livrer certaines informations participant à son
cheminement et au développement de ses propres stratégies. Cela favorise son estime d’elle-
même, sa confiance en elle et peut lui permettre de participer plus facilement à la décision et
donc de mieux la vivre. De plus, la loi indique que le choix doit être validé par la personne. Les
professionnels et les proches n’ont qu’une valeur de conseil et si cette adhésion ne peut être
obtenue, une tutelle doit être mise en place.
Pour les professionnels, accompagner la personne c’est aussi l’aider à prendre conscience de
ses difficultés et l’aider à se projeter dans l’avenir malgré leur présence. Dans un premier temps,
dans un cadre légal, c’est le médecin qui aborde cette réflexion assez tôt avec la personne et son
entourage en expliquant le positionnement de l’équipe pour une entrée en EHPAD. Cependant,
les autres professionnels peuvent au travers leurs interventions questionner le devenir et amener
la personne à cheminer sur ses difficultés. Ils peuvent également évoquer la réalité de l’EHPAD,
en la dédramatisant, les personnes en ayant souvent une image négative. Il arrive que de prime
52
abord, la personne ne soit pas intégrée dans cette réflexion car elle peut avoir besoin de temps
avant d’y être confrontée. En effet, parfois, à l’arrivée dans le service la personne n’est pas prête
à parler d’institution, à y réfléchir et il est préférable de l’aborder progressivement avec elle,
sans la bousculer. Cependant, tous les professionnels gardent en tête la nécessité de l’évoquer
avec elle et non pas qu’avec ses proches mais aussi de lui expliquer les démarches réalisées.
Pour cela, il est nécessaire qu’ils s’assurent que le vocabulaire qu’ils utilisent soit compris par
leurs interlocuteurs. En effet, la réflexion doit être éclairée et la décision commune entre la
personne, son entourage et les professionnels afin de faire un choix rassemblant les souhaits de
chacun, qui corresponde aux besoins de la personne afin qu’elle s’y sente bien. Des temps de
rencontre peuvent être organisés pour favoriser la communication entre tous et la psychologue
peut les aider à refaire le point sur la situation et les amener à réfléchir par eux-mêmes, afin
qu’ils repèrent ce qui est important pour eux et qu’ils prennent une décision leur ressemblant.
Parfois, pour aider la prise de décision, les professionnels proposent aux personnes et à leur
entourage la visite d’établissements, d’y séjourner temporairement ou même de tenter un retour
à domicile afin qu’ils puissent par eux-mêmes en comparer les avantages et les inconvénients.
Une fois la décision prise, l’accompagnement se poursuit et peut se compléter avec
notamment une aide de l’assistante de service social pour certaines démarches administratives.
Généralement, si la personne a été suffisamment bien accompagnée et soutenue, elle s’adapte
bien dans la structure d’hébergement. En effet, des difficultés sur ce point sont majoritairement
relevées lorsque le délai d’entrée en établissement est court ou que la personne n’a pas été
intégrée dans la démarche suffisamment tôt. Des facteurs personnels entrent également en
compte indépendamment de l’accompagnement proposé
Ces observations soulèvent des éléments allant dans le sens de l’hypothèse 2 qui était : la
manière dont les professionnels de santé vont rendre compte de leurs conclusions en lien avec
une entrée en institution, à la personne âgée et à son entourage a un impact sur le vécu de la
décision.
4.3 De la pluri-professionnalité à l’inter-professionnalité
Lors de l’analyse, l’équipe pluriprofessionnelle était composée d’un médecin gériatre et
MPR, d’infirmières, d’aides soignantes, de kinésithérapeutes, d’ergothérapeutes, d’assistantes
de service social, d’APA, de psychologues, de neuropsychologues, d’orthophonistes, de
diététiciennes. Selon les besoins, cette équipe peut être complétée par d’autres professions.
L’analyse a permis de mettre en évidence que, dans un premier temps, les professionnels
réalisent chacun des bilans afin de recueillir des informations sur la personne, ses capacités, ses
besoins, ses demandes. Le médecin prescrit et réalise certains bilans afin d’évaluer la capacité
de rééducation de la personne, les infirmières et les aides soignantes observent les capacités de
la personne dans les activités de la vie quotidienne telles que la toilette, les repas… Les
53
kinésithérapeutes vont recueillir des informations sur ses capacités motrices comme la capacité
à monter des marches, les orthophonistes vont évaluer le langage, les neuropsychologues les
capacités cognitives, les diététiciennes l’alimentation… L’assistante sociale va quant à elle
rechercher des informations administratives telles que les possibilités financières des personnes
et de leur entourage, les aides mises en place à domicile… L’ergothérapeute, lui, observe les
capacités de la personne lors d’activités concrètes de la vie quotidienne et va au domicile pour
analyser les éléments facilitateurs et obstacles de l’environnement matériel. Tous les
professionnels agissent alors à ce moment selon leurs compétences propres sans faire de liens
entre eux, c’est-à-dire en pluri-professionnalité.
Dans un second temps, il est nécessaire que l’équipe se réunisse, généralement en réunion
de synthèse, afin d’échanger les informations que chacun a recueilli. En effet, tous les
professionnels ont un regard différent sur la situation et ont des informations spécifiques à
apporter. C’est leur combinaison au travers de la réflexion collective qui permet d’avoir une
vision globale de la situation de la personne. Ensuite, leur réunion, lors de laquelle ils échangent
leur avis, leur permet de mieux comprendre l’origine des difficultés ainsi que leurs
répercussions sur le quotidien. Elle est nécessaire car chaque personne, chaque entourage,
chaque situation est spécifique si bien qu’aucune solution n’est préétablie. Leur réflexion leur
permet de s’accorder en équipe sur la possibilité ou non d’un retour à domicile et d’orienter
l’accompagnement de la personne dans ce sens. Les professionnels sont donc réunis au service
de la même réflexion qu’ils élaborent ensemble, ils travaillent donc en inter-professionnalité.
Ensuite, le positionnement de l’équipe est inscrit dans le dossier du patient puis
communiqué et expliqué à la personne et son entourage.
Ces éléments sont donc concordants avec l’hypothèse 1 qui était : le partage, par les
professionnels de l’équipe pluriprofessionnelle, des résultats de leurs observations, leur permet
d’argumenter un avis sur le devenir d’une personne et ainsi de l’aider ainsi que son entourage à
faire un choix éclairé. En effet, c’est grâce à leur réflexion permettant d’avoir une vision globale
de la situation de la personne qu’ils peuvent se positionner ensemble de manière réaliste sur ce
qui leur semble le plus adapté pour elle. Ces échanges leur permettent ensuite d’argumenter leur
position auprès de la personne et de son entourage afin d’éclairer leur choix.
4.4 Une décision à géométrie variable
La théorie et la pratique s’accordent sur le fait que la décision d’entrée en EHPAD est
multifactorielle. En effet, les bilans des professionnels de l’équipe pluridisciplinaire permettent
de considérer la personne dans sa globalité et de mettre en évidence des éléments ayant des
répercussions sur son quotidien, pouvant entraîner une mise en danger à domicile. L’entrée en
institution est alors parfois préférée au retour à domicile afin de favoriser le confort et la
sécurité de la personne.
54
Le plus souvent l’entrée en EHPAD est en lien avec les caractéristiques de la maladie de la
personne que ce soit une fracture, un AVC, une maladie d’Alzheimer… qui entraînent des
séquelles motrices et/ou cognitives à long terme. Cela est d’autant plus vrai qu’elles engendrent
une perte d’autonomie et/ou d’indépendance affectant les activités de la vie quotidienne et
mettant en danger la personne notamment au travers des accidents de la vie courante. Dans
certaines situations, il est compliqué de mettre en place des aides au domicile répondant à tous
les besoins de la personne et une entrée en EHPAD est évoquée.
Cependant, même s’ils représentent la cause principale d’institutionnalisation, d’autres
critères non négligeables entrent en compte sur la décision finale et font que pour deux
personnes ayant les mêmes difficultés, elle n’est pas nécessairement la même. Dans un premier
temps, il y a la personnalité de la personne qui peut l’amener à exprimer un choix opposé à celui
qu’on lui propose ou bien à valider le choix fait par un autre, un proche ou un professionnel par
exemple. Ses proches vont également pouvoir influer sur la décision en donnant leur avis et en
exprimant leurs souhaits. L’environnement de la personne a également un impact. Tout d’abord
l’environnement matériel qui peut rendre soit le domicile facilitateur ou bien obstacle au retour
à domicile selon sa configuration, son aménagement. Puis, l’environnement humain puisque si
une personne a quelqu’un pour l’aider à domicile, le retour est parfois davantage envisageable
qu’en étant seul, ou en n’ayant personne en capacité de l’aider. Les possibilités d’aménagement
de l’environnement, de mises en place d’aide humaine à domicile sont également déterminantes.
Pour finir, le critère financier entre en compte, l’hébergement en EHPAD ayant un coût.
Les professionnels qui tentent de repérer ces informations se positionnent, comme nous
l’avons vu précédemment, sur la nécessité ou non d’une entrée en EHPAD. Toutefois certains
facteurs qu’ils auraient pu ne pas saisir peuvent également entrer en compte.
4.5 La spécificité du service
Pour finir, il est nécessaire de replacer cette étude dans son contexte. En effet, dans la partie
théorique, nous avions vu que bien souvent la décision d’institutionnalisation devait être prise
dans un délai restreint ne permettant pas à la personne et son entourage de s’y préparer de
manière convenable. Or, dans le service où les données analysées ont été recueillies, bien qu’il
soit noté que les professionnels ont de moins en moins de temps à consacrer aux personnes
hospitalisées, il y a la possibilité de les garder relativement longtemps en raison du temps dédié
à la rééducation. Ainsi, il est possible pour les professionnels de prendre le temps de se
questionner afin de ne pas prendre une décision hâtive. Ils peuvent ensuite aborder cette
réflexion avec la personne et son entourage afin de construire le projet ensemble, sans les
brusquer afin de prendre une décision qui leur convienne et qu’ils puissent vivre au mieux.
Cette démarche est spécifique à la dynamique de travail et à l’organisation de cette équipe dans
son cadre d’exercice qui permet la réalisation de la démarche évoquée.
55
Conclusion
Aujourd’hui, en France, 18.8% de la population est considérée comme âgée. Ce chiffre est
en nette progression ces dernières années entraînant par conséquent une augmentation du
nombre de personnes dépendantes. Se pose alors la question de la nécessité d’entrer en
institution. Actuellement, la plupart des EHPAD sont déjà complets, les listes d’attentes sont
longues alors que pourtant quasiment aucune personne ne souhaite réellement y entrer.
Lors d’un stage en SSR gériatrique, j’avais pu constater que prendre une telle décision
n’était pas simple car de nombreux éléments entraient en jeu : l’état de santé de la personne
mais aussi sa personnalité, son entourage, son environnement… Cela m’a amené à me
questionner sur leur impact sur la décision prise et leur intégration par l’équipe pluridisciplinaire
dans son accompagnement. Je me suis également demandé comment ce choix est finalement
vécu par la personne mais aussi par son entourage. La décision d’entrer en EHPAD ne peut être
prise à la légère car elle crée un bouleversement dans la vie des personnes concernées et
entraîne nécessairement des conséquences psychologiques.
Lors de cette étude, je souhaitais mettre en évidence le rôle de l’ergothérapeute au sein de
cette démarche. Cependant, il agit d’une décision prise en équipe et non seul. J’ai donc trouvé
intéressant de m’intéresser au fonctionnement global d’une équipe pour percevoir les rôles de
chacun et notamment ceux spécifiques à l’ergothérapeute. C’est pourquoi, j’ai choisi
d’interroger divers professionnels intervenant au plus près de cette décision et au sein de la
même équipe.
Cette étude a permis de mettre en évidence l’importance du travail d’équipe mais
également de la collaboration avec la personne et son entourage autour de cette décision. En
effet, un seul professionnel ne peut pas se positionner sur la nécessité d’une institutionnalisation
car il ne perçoit qu’un versant réduit de la personne. C’est en coopérant tous ensemble qu’une
vision globale de la situation est élaborée afin d’émettre un positionnement. Ensuite, l’échange
avec la personne et son entourage est d’une grande nécessité permettant de faire ensemble des
compromis afin que la décision soit comprise par tous et bénéficie de leur adhésion. C’est une
démarche qui se doit d’être respectueuse de l’autre, de ses difficultés au moment actuel.
L’ergothérapeute trouve sa place tant au travers de l’évaluation des activités de la
personne dans son environnement qu’à travers sa participation au positionnement de l’équipe et
à l’accompagnement de la personne et de son entourage dans cette décision.
Cette étude amène à d’autres questionnements. Il serait intéressant de comparer la
démarche de plusieurs équipes différentes. Il serait également possible d’étudier plus en détail la
manière d’accompagner la personne dans la transition entre l’hôpital et l’EHPAD ou encore la
diversité des changements entraînés dans la famille par cette décision.
56
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62
Table des annexes
Annexe 1 : Grille AGGIR .............................................................................................................. I
Annexe 2 : Correspondance entre GIR et dépendance selon la DRESS, 2011 ............................. II
Annexe 3 : Entretien exploratoire n°1, ergothérapeute 1 exerçant en SSR gériatrique, soins
palliatifs et EHPAD .................................................................................................................... III
Annexe 4 : Entretien exploratoire n°2, ergothérapeute 2 (E2) et ergothérapeute 3 (E3) exerçant
en SSR gériatrique. ..................................................................................................................... IV
Annexe 5 : Grille d’entretien pour tous les professionnels interrogés (excepté la psychologue) V
Annexe 6 : Entretien avec le médecin (M) .................................................................................. VI
Annexe 7 : Entretien avec l’ergothérapeute 4 (E4) ..................................................................... IX
Annexe 8 : Entretien avec l’ergothérapeute 5 (E5) ..................................................................... XI
Annexe 9 : Entretien avec l’infirmière (IDE)........................................................................... XIV
Annexe 10 : Entretien avec l’aide soignante (AS) ................................................................... XVI
Annexe 11 : Entretien avec l’assistante de service social (ASS) ........................................... XVIII
Annexe 12 : Grille d’entretien psychologue .............................................................................. XX
Annexe 13 : Entretien avec la psychologue (P) ....................................................................... XXI
I
Annexe 1 : Grille AGGIR
II
Annexe 2 : Correspondance entre GIR et dépendance
selon la DRESS, 2011
La grille AGGIR distingue six niveaux de GIR :
→ Le GIR 1 correspond aux personnes confinées au lit ou au fauteuil et dont les fonctions
mentales sont gravement altérées, qui nécessitent une présence indispensable et continue
d’intervenants.
→ Le GIR 2 comprend deux groupes de personnes : celles qui sont confinées au lit ou au
fauteuil, dont les fonctions mentales ne sont pas totalement altérées et qui nécessitent une prise
en charge pour la plupart des activités de la vie courante ; celles dont les fonctions mentales sont
altérées mais qui ont conservé leurs capacités de se déplacer.
→ Le GIR 3 correspond, pour l’essentiel, aux personnes ayant conservé leurs fonctions
mentales, partiellement leur capacité à se déplacer mais qui nécessitent plusieurs fois par jour
des aides pour leur autonomie corporelle. La majorité d’entre elles n’assument pas seules,
l’hygiène de l’élimination anale et urinaire.
→ Le GIR 4 comprend essentiellement deux groupes de personnes. D’une part, celles qui
n’assument pas seules leurs transferts mais qui, une fois levées, peuvent se déplacer à l’intérieur
du logement. Elles doivent parfois être aidées pour la toilette et l’habillage. La grande majorité
d’entre elles s’alimente seule. D’autre part, celles qui n’ont pas de problème pour se déplacer
mais qu’il faut aider pour les activités corporelles ainsi que les repas.
→ Le GIR 5 correspond aux personnes qui assurent seules leurs déplacements à l’intérieur de
leur logement, s’alimentent et s’habillent seules. Elles nécessitent une aide ponctuelle pour la
toilette, la préparation des repas et le ménage.
→ Le GIR 6 regroupe toutes les personnes qui n’ont pas perdu leur autonomie pour les actes
discriminants de la vie courante.
III
Annexe 3 : Entretien exploratoire n°1, ergothérapeute 1 exerçant en
SSR gériatrique, soins palliatifs et EHPAD
Alice : Est-il fréquent que la décision d’institutionnalisation d’une personne âgée soit réalisée à la suite d’une
hospitalisation en rééducation ?
E1 : Au sein de notre établissement, c’est assez fréquent parce que l’on reçoit des personnes autour des 80 ans. Dans
un premier temps, ce sont des personnes qui vont en service de rééducation pour essayer de récupérer mais parfois on
s’aperçoit que ce n’est pas le cas et on doit donc orienter notre prise en charge vers un nouvel objectif qui peut être
justement, l’institutionnalisation.
Quels facteurs influencent le choix d’entrer en institution ?
Dans un premier temps c’est la récupération ou la non récupération des capacités physiques antérieures de la
personne, son état psychique et cognitif qui sera évalué lors de l’hospitalisation. On essaye aussi de voir si son
entourage est assez présent pour l’accompagner dans son retour ou non et aussi voir si c’est possible de mettre des
aides humaines et aides techniques à domicile. Si au terme de ces bilans et évaluations, il s’avère que tous ces
facteurs sont plutôt à la baisse ou peu présents le choix s’oriente donc vers une institution. Cependant, si la personne
est jugée apte à prendre cette décision, c’est-à-dire qu’elle n’est pas sous un régime de protection, on ne peut lui
imposer ce choix. Cela pose parfois problème lorsque la décision que prend la personne ne prend pas en compte la
globalité de sa situation physique et cognitive. Dans ce cas le MMS peut être une porte d’accès pour faire une
demande de protection judiciaire.
Généralement, par qui cette décision est-elle prise ?
Elle est prise en générale, si ce n’était pas le souhait de la personne, à la suite d’une décision collégiale de l’équipe
paramédicale et médicale. Aussi, en concertation avec la personne et la famille. La personne peut également prendre
cette décision de son plein gré par soucis de sécurité ou bien pour ne pas embêter ses enfants.
Quelle est votre contribution au sein d’une équipe pluridisciplinaire dans la réflexion autour de cette
décision ? Quels moyens utilisez-vous ?
Au cours de la prise en charge de la personne en service de rééducation on effectue des bilans d’autonomie pour
observer et évaluer les capacités et mettre en parallèle aussi les capacités antérieures et les moyens aidants que la
personne avait. Eventuellement, on propose une visite à domicile pour aller mettre en évidence les difficultés que la
personne pourrait rencontrer. Parfois, la personne se retrouve face à elle si bien qu’elle réalise que le retour à
domicile ne convient pas et choisit l’institution. On a aussi des prescriptions pour évaluer les troubles cognitifs, de
MMS que l’on fait passer au sein de l’institution et qui permettent d’évaluer les capacités ou non de la personne à se
gérer elle-même. On peut aussi prendre contact avec la famille, les aidants et ainsi avoir une idée plus précise de la
façon que la personne avait de vivre chez elle. Au quotidien nous accompagnons la personne dans ses activités de vie
quotidienne ce qui lui permet parfois de cheminer sur ces difficultés et de mieux les prendre en compte dans ses
choix.
Comment la question de l’institutionnalisation est abordée par l’équipe pluridisciplinaire avec la personne et
sa famille ?
En effet si l’institutionnalisation est proposée, cette décision a été collégiale lors des synthèses en équipe
pluridisciplinaire. A ce moment là, le médecin et l’assistante sociale rencontrent la famille, la personne et essayent
d’évoquer la suite pour essayer d’argumenter en faveur de l’institutionnalisation pour le bien de la personne. En tant
qu’ergothérapeute, nous sommes conviés parfois à cette réunion pour expliquer ce que nous avons observé lors des
bilans des activités de vie quotidienne et lors des mises en situation ou lors de la visite à domicile.
IV
Annexe 4 : Entretien exploratoire n°2, ergothérapeute 2 (E2) et
ergothérapeute 3 (E3) exerçant en SSR gériatrique.
Alice : Est-il fréquent que la décision d’institutionnalisation d’une personne âgée soit réalisée à la suite d’une
hospitalisation en rééducation ?
E2 : Il me semble que oui chez nous, étant donné que nous sommes en gériatrie en SSR (service de soins de suite et
de réadaptation).
E3 : Cela reste très fréquent que l’on parle d’institution en projet de sortie.
Quels facteurs influencent le choix d’entrer en institution ?
E3 : Le choix d’entrer en institution c’est quand les nuits sont problématiques et l’accompagnement aux toilettes
quand ils ne peuvent y aller seul.
E2 : C’est aussi l’isolement.
Généralement, par qui cette décision est-elle prise ?
E2 : Chez nous c’est normalement le patient qui est le premier, quand il en a les capacités. On l’oriente, on lui
demande quant même d’abord, il a son mot à dire. Ceux qui sont vraiment prêts à y rentrer le disent d’emblée : « de
toute façon je ne rentrerai pas chez moi, moi je veux aller en maison de retraite », donc là c’est sûr que c’est bien leur
choix. Il y a leurs envies et le désir de ne pas froisser, faire peur à la famille qui peut entrer en compte dans ce choix
et l’influencer. Ainsi, une personne peut faire un choix mais il est remis en cause par sa famille et finalement il le
modifie.
E3 : Pour que cette décision soit prise on l’interroge mais souvent c’est quand même la famille et le médecin qui
décident et après on demande au patient s’il est d’accord. On essaye d’aborder le sujet avec lui. La décision finale
c’est quand même le patient.
Quelle est votre contribution au sein d’une équipe pluridisciplinaire dans la réflexion autour de cette
décision ? Quels moyens utilisez-vous ?
E3 : C’est justement aborder le sujet avec le patient. Il y a aussi les évaluations d’autonomie, en générale on essaye de
comparer leur autonomie actuelle avec leur autonomie auparavant, on essaye de les amener vers une réflexion de ce
qu’ils souhaitent. On les amène à réfléchir et à se projeter sur l’avenir. La visite à domicile peut permettre de voir si
la personne a vraiment peur de rentrer chez elle et l’aider à faire son choix entre domicile et maison de retraite. Après,
notre rôle d’ergothérapeute c’est aussi de mettre en situation pour qu’ils prennent conscience et parfois on va les
mettre en difficultés exprès pour leur dire : « vous voyer là pour aller aux toilettes vous ne pouvez pas y aller tout
seul » ou « si vous voulez rentrer chez vous il va falloir y aller tout seul » donc on a un rôle pour les aider à se
projeter et réussir en fonction de leur projet. L’activité cuisine, venir faire de la cuisine lorsque l’on marche avec un
déambulateur ce n’est peut être pas si simple que ça. On les met en situation pour leur montrer leurs difficultés. On
les aide à prendre conscience de leur handicap parce que des fois les personnes souhaitent rentrer chez elle mais dans
l’espoir de revenir comme avant mais c’est difficile parce qu’ils se rendent compte que le « comme avant à la
maison » ce n’est plus possible, c’est faire un deuil d’un état antérieur. C’est dans ce travail là que je pense que l’on a
un rôle de prise de conscience.
E2 : Un des moyens que l’on utilise dans le service c’est faire une visite à domicile avec eux pour les mettre en
situation, on revoie avec eux et quelquefois des décisions d’institutionnalisation sont apparues après. Ils disaient après
la visite à domicile qu’ils ne se sentaient pas capable de rentrer : « ça va être compliqué ». On fait quelquefois des
visites à domicile dans ce sens là pour aider au choix d’entrer en EHPAD parce que ça les remet vraiment en
situation. C’est vrai que la visite à domicile, je n’avais pas cette notion là au départ parce que pour moi une visite à
domicile c’est forcement un choix de retour à domicile et quand j’étais dans d’autres services, c’était trouver des
solutions pour que coûte que coûte la personne puisse rentrer dans les meilleures conditions, or c’est depuis que je
suis en gériatrie que je me suis rendu compte que cette visite peut aider à faire le choix. Souvent, ils se disent que
lorsqu’ils seront chez eux ils iront mieux que dans quelques jours ça ira mieux mais c’est vrai que ce sont toutes ces
mises en situations qui viennent coller à la réalité qui permettent de réaliser les difficultés imposées par le quotidien.
Comment la question de l’institutionnalisation est abordée par l’équipe pluridisciplinaire avec la personne et
sa famille ?
E2 : Elle est abordée lors des réunions familles où le médecin, l’assistante sociale, l’entourage, le patient et nous
souvent sommes présents. C’est vrai que ça a du être discuté avant avec la famille, avec le médecin mais c’est aussi là
que l’on entend le souhait, l’avis de la personne âgée. De plus, lors de la première rencontre généralement quant on
va voir la personne, lors du premier entretien on pose la question de ce que la personne va faire après l’hôpital, quel
est son projet et ses souhaits. C’est là que c’est abordé la première fois.
E3 : On aborde souvent le sujet avec les gens en les questionnant sur le lieu où ils vont aller après le SSR.
V
Annexe 5 : Grille d’entretien pour tous les professionnels interrogés
(excepté la psychologue)
1
Présentation
Pouvez-vous vous présenter brièvement sur le plan professionnel ?
- Année du diplôme
- Temps de pratique dans la structure
- Formations éventuelles
- Expérience professionnelle
2
Obstacles
au retour à
domicile
Qu’est-ce qui peut vous amener à vous questionner sur la faisabilité d’un
retour à domicile pour une personne hospitalisée en SSR ?
- Quelles sont les difficultés pouvant être rencontrées à domicile ?
- Quels sont les éléments sur lesquels peut se baser une institutionnalisation ?
- Que cherche-t-on à éviter et que recherche-t-on à l’entrée en institution ?
- Comment la présence d’un proche peut influer sur la prise de décision ?
3
Mesures
Objectivation
Avis
Eléments de
diagnostic
Quels moyens vous permettent d’objectiver ce qui peut être facilitateur ou
obstacle au maintien à domicile ?
- Avez-vous des outils ?
- Utilisez-vous des évaluations validées, normées, maisons ?
- A quoi prêtez-vous davantage attention ?
4
Communication
en équipe
Comment communiquez-vous ces éléments à l’équipe pluriprofessionnelle afin
d’y réfléchir ?
- Y a-t-il des temps dédiés pour en communiquer ?
- Comment y réfléchit-on ?
- Comment prenez-vous en compte les éléments que vous transmettent vos
collègues ?
- Recherchez-vous un avis collégial ?
5
Communication
avec la personne
et ses proches
Comment abordez-vous cette réflexion avec la personne et son entourage ?
- Y a-t-il un avis collégial en équipe avant d’en parler ?
- A quel moment ? Dans quel lieu ?
- Quel(s) professionnel(s) ?
- De manière formelle/informelle ?
- Qu’est-ce qui est important à ce moment-là ?
- Comment prenez-vous en compte les souhaits et les valeurs de la personne ?
- Comment la dépendance influe sur la possibilité de communication ?
- Quelle place est laissée à l’entourage ?
- Comment s’adapte-t-on à la situation physique, psychique, cognitive de la
personne ?
6
Accompagnement
et communication
Avez-vous le sentiment d’aider ces personnes dans leur prise de décision et le
vécu de cette décision ?
- Quels moyens mettez-vous en place ?
- Comment est-il possible d’aider le cheminement ?
- Comment cette décision est-elle accompagnée ?
- Qui choisit ?
- Comment la décision est-elle vécu ?
7
Complément Avez-vous des choses à ajouter sur le sujet ?
VI
Annexe 6 : Entretien avec le médecin (M)
Alice : Pouvez-vous présenter brièvement votre expérience ?
Médecin : Je suis le docteur P, je suis médecin rééducateur et gériatre. Je travaille dans le service de rééducation sur
le SSR neurologie depuis une dizaine d’années.
Qu’est-ce qui peut vous amener à vous questionner sur la faisabilité d’un retour à domicile pour une personne
âgée hospitalisée en SSR ?
Là, ce sont des patients qu’on accueille souvent dans des situations de suite d’AVC, des patients qui ont des maladies
de parkinson, des patients qui ont pu être amputés (sur le côté locomoteur), qui souvent sont seuls à domicile et pour
qui il y a une reprise d’autonomie qui n’est pas forcément complète donc pour qui le retour à domicile peut
effectivement causer des problèmes, donc on se questionne toujours un petit peu plus chez les gens âgés, je pense par
rapport à une population plus jeune. Globalement, c’est cette perte d’autonomie qui nous fait nous orienter vers une
institutionnalisation.
Quelles difficultés peuvent alors être éprouvées à domicile ?
C’est les patients qui par exemple, concrètement, ne peuvent pas aller aux toilettes donc des patients qui également au
niveau cognitif peuvent avoir des comportements qui peuvent être à risque si on les laisse tout seul. C’est souvent ça
qui met un frein au retour à domicile. Globalement, la personne qui est toute seule, qui ne peut pas avoir une présence
24 heures sur 24, et qui le nécessite soit parce qu’on a des problèmes de comportement du fait de troubles cognitifs
avec une mise en danger, soit parce qu’on a une autonomie physique qui est insuffisante pour permettre d’assurer des
besoins naturels, est orientée vers une institution.
En quoi la présence d’un proche change le point de vue sur la situation ?
La présence d’un conjoint influe mais tout dépend du conjoint, il est souvent également âgé. Parfois, on a des patients
qui sont hospitalisés, qui peuvent faire un AVC et qui sont l’aidant principal de leur conjoint, donc là c’est difficile de
compter sur le conjoint pour pouvoir assurer la surveillance à domicile ou l’aide.
De quels moyens disposez-vous pour objectiver ce qui va être facilitateur ou obstacle pour le retour à
domicile ?
Dans le service, sur des mises en situation, on regarde un petit peu ceux qui sont en capacité de faire et ceux qui ne
peuvent pas faire et puis après on les mets très facilement en visite à domicile avec mises en situation à domicile.
Après, quand on a un petit doute sur la faisabilité du retour, quand c’est un petit peu tangent, malgré les plans d’aide
qui sont mis en place, très souvent on est amené à faire des permissions soit le week-end, mais dans le cas où il y a
besoin d’un plan d’aide un petit peu plus conséquent, on est plus sur des permissions de semaine. On les fait rentrer à
domicile quelques jours avec le plan d’aide que l’on pense mettre en place, mais en gardant toujours la place en
hospitalisation pour pouvoir les reprendre si le projet ne peut pas aboutir. Donc concrètement, on les met en situation
à la maison et on voit ce qui se passe.
Y a-t-il des évaluations spécifiques, validées, normées ?
Non, après, les ergothérapeutes ont tous leurs bilans habituels sur des évaluations de vie quotidienne, des choses
comme ça, mais là on est vraiment sur un autre type de problème. On a sur le plan cognitif, toutes nos évaluations que
ce soit les évaluations rapides des fonctions cognitives, les BREF, les choses comme ça pour vraiment pouvoir
objectiver clairement du déficit mais nous on est vraiment plus sur la mise en situation concrète pour vraiment savoir
ce que le patient peut faire. Parce que vous allez avoir deux profils complètement différents avec un même score et
puis finalement, il y a un des patients qui va s’en tirer un petit peu mieux à domicile qu’un autre.
Comment communiquez-vous vos éléments en équipe pluriprofessionnelle ?
Nous on a des synthèses toutes les trois semaines avec le patient. Il peut y avoir des synthèses un petit peu plus
régulièrement s’il y a besoin ou en cours quand il y a des problèmes particuliers mais normalement c’est ça. C’est au
fur et à mesure des synthèses pluridisciplinaires qu’on communique les éléments qui sont à notre disposition et puis
l’avancée de notre prise en charge, les objectifs pour les semaines suivantes jusqu’à aboutir au retour à la maison si
possible.
Comment cette réflexion est-elle abordée avec la personne, son entourage ?
On l’aborde dès le début, quand il arrive à l’hôpital, dans nos services, on recueille toujours leurs souhaits, savoir si
eux le projet c’est plutôt un retour. Certains patients nous disent d’emblée, « moi j’étais déjà pas très rassuré à la
maison, je ne veux pas rentrer chez moi », certains ont déjà leur projet et on ne fait que les accompagner. Après, on
recueille surtout dans un premier temps leurs souhaits, on voit pour quel type de pathologie rentre le patient, si c’est
une maladie qui est plutôt chronique et que l’on sait que l’on va de toute façon vers une institutionnalisation au bout
d’un moment, on commence un petit peu à évoquer effectivement la possibilité de rentrer dans une institution parce
que les plans d’aide sont déjà conséquents à la maison et qu’il y a des difficultés. On l’aborde assez directement avec
les patients quand on sent qu’ils sont prêts pour pouvoir un petit peu aussi, les intégrer dans ce projet-là. Avec les
familles, très souvent, on est amenés à voir les familles au départ sans le patient donc, ça, on l’aborde dès le début en
leur présentant les différentes possibilités. Nous on a beaucoup d’AVC, donc soit le patient va récupérer, très bien, on
VII
va avoir une autonomie suffisante pour rentrer à domicile, soit il va pas récupérer et à ce moment-là on sera vraiment
sur une entrée en structure, on leur présente les différents types de structure et puis c’est vrai qu’on peut être amené à
faire des demandes assez rapidement, même si au bout du compte le patient a finalement retrouvé une autonomie
suffisante pour rentrer à domicile et puis que ça ne se fait pas. Parce que on se dit toujours que l’on a à faire à des
patients qui sont âgés, et même si cet épisode là est passé, ça peut être aussi l’occasion d’avoir parlé de structures et
puis de réaliser des inscriptions plutôt de précaution qu’on laisse quand même courir, même si cette fois-là on
organise un retour à la maison.
Est-ce que cela est évoqué de manière plutôt formelle ou informelle ?
C’est de manière formelle, on construit vraiment le projet et puis quand on sent que le patient est prêt à entendre aussi
cette information-là, si on va vraiment sur une institutionnalisation, dès qu’on peut on l’intègre aussi dans ce projet-là
en choisissant une structure avec lui, en discutant ouvertement avec lui et pas qu’avec la famille.
Et s’il n’est pas prêt ?
Dans un premier temps on en parle à la famille, mais au bout d’un moment on intègre forcément le patient à ce projet.
Après, ça peut être un peu difficile quand le patient est anosognosique, il y a ce type de difficultés-là où
effectivement, ils ne sont pas dans la réalité des choses, donc la situation peut être un petit peu compliquée et là on
s’aide de la famille également pour pouvoir amener cette discussion. Alors parfois certains patients ne veulent
absolument pas entendre que le retour n’est pas envisageable, et on est obligé de les confronter à la réalité des choses,
on fait une journée à la maison avec la famille et puis on voit ce qui se passe. On a certains patients qui nous disent,
« si, si, moi, quand je serai à la maison, je serai capable d’aller aux toilettes, de faire tout ce qu’il faut pour m’occuper
de moi, je veux aucune aide à domicile », et puis au final, il ne l’ont jamais fait ici, donc on les confronte à cette
réalité quand on n’a pas d’autres choix.
Comment la dépendance influe sur la communication avec la personne ?
La plupart du temps, il y a moyen de discuter avec elle. En général, on n’a jamais d’entrée forcée en structure. On
arrive à prendre le temps et puis à leur montrer les différentes structures. On a la chance ici, d’avoir un EHPAD donc
du coup on peut aussi les amener vers cet EHPAD-là alors qu’ils sont encore hospitalisés, pour pouvoir leur montrer
un petit peu ce que c’est, comment ça se passe, les animateurs… On arrive quand même à avoir un petit lien par
rapport à ça, ce qui est un petit peu plus simple que quand ça reste dans leur imaginaire parce que finalement ils ne se
représentent pas trop ce qu’est un EHPAD.
Avez-vous le sentiment de pouvoir aider ces personnes dans la prise de décision et son vécu ?
Oui, souvent, ils nous demandent quand même notre avis sur le retour, c’est vrai qu’on les prend quand même en
hospitalisation pendant plusieurs mois donc je pense qu’il y a une confiance qui s’instaure et effectivement, souvent
on discute des différentes opportunités. Nous c’est ce qu’on leur dit, c’est que l’on n’est pas là pour leur imposer une
décision, on ne peut que leur conseiller une orientation. Après, tout est faisable sauf lorsque vraiment on a des
troubles cognitifs avec des mises en danger, donc c’est des problèmes d’autonomie. Moi, c’est un petit peu ma propre
expérience et puis mon propre sentiment. Je me dit que lorsque le patient n’est pas en mesure d’aller seul aux
toilettes, c’est compliqué d’organiser un retour, parce que vous allez pouvoir mettre tout un plan d’aide à la maison
mais quand ça tombe pas au bon moment, ça tombe pas au bon moment, donc après certains patients peuvent prendre
la décision tant pis d’avoir des protections et puis d’attendre les passages. Ça c’est leur propre décision donc s’ils le
souhaitent qu’on organise un retour dans ces conditions-là. Dans la mesure où on a été honnêtes sur ce qu’ils sont en
capacité de faire, ce qu’on est en capacité de mettre en place et quelles sont les conséquences à la maison, les
décisions sont prises de façon éclairée et puis on les accompagne dans leur projet.
Comment les personnes vivent-elle l’entrée en institution quand elle représente un non-choix ?
Souvent ce n’est pas leur souhait, de toute façon la plupart des patients, eux ils souhaitent qu’une chose, c’est rentrer
à la maison, c’est assez rare quand même que l’on ait des patients qui demandent de rentrer en EHPAD, ça peut
arriver mais c’est extrêmement rare. On les amène progressivement à cette prise de décision et je pense que le fait
d’être hospitalisé déjà pendant un bon moment, finalement ils vivent dans un lieu qui va ressembler un petit peu à ce
que ressemblera l’EHPAD donc finalement le passage est moins compliqué je pense que lorsqu’ils sont à domicile et
qu’ils rentrent après dans un EHPAD. On a un petit peu ce sentiment-là que finalement, le passage vers l’EHPAD est
moins compliqué que prévu.
Et l’entourage ?
L’entourage, c’est sûr que quand il peut être aidant dans cette prise de décision, c’est beaucoup plus facile parce
qu’ils sont là aussi pour soutenir le patient et puis pour l’accompagner, pour essayer après d’aménager la chambre
tant qu’ils peuvent pour que ça ressemble à ce qu’ils connaissent, à un lieu de vie qu’ils avaient l’habitude de
connaître. Après, ça arrive que certaines familles ne soient pas d’accord avec cette décision-là, pour une raison X ou
Y, et que le patient se retrouve un petit peu tout seul dans cette orientation-là. Mais, c’est une situation quand même
assez exceptionnelle, la plupart du temps, quand on arrive à construire le projet avec le patient, avec la famille, en
intégrant tout le monde, en général ça se passe bien. Je pense que c’est vraiment la communication, et puis que dès le
début on puisse leur dire que l’on aura ces alternatives-là, et puis on prendra la meilleure décision en fonction de
comment se fera la récupération du patient.
Et si le patient ne peut exprimer un avis clair ?
VIII
Soit il y a des mesures de protection juridique qui peuvent être misent en place lorsqu’il n’y a pas eu de désignation,
qu’ils n’ont pas anticipé cette décision-là et puis lorsque la famille n’est pas d’accord, alors là du coup ça peut être
fait par l’intermédiaire d’un tuteur, d’un curateur en fonction du type de patient. Après, on essaie le plus possible,
dans un premier temps, de se rapprocher de la famille puis on fait au mieux, en fonction de ce qu’on pense être le
mieux pour le patient.
Voyez-vous d’autres éléments à ajouter ?
C’est toujours extrêmement compliqué parce que à ces âges là de la vie, il y a beaucoup de choses qui s’ajoutent, ce
sont des patients qui sont polypathologiques, donc même s’ils viennent pour un problème particulier, parfois on peut
quand même aller vers une entrée en institution parce qu’il y a d’autres pathologies qui existaient déjà avant, et puis
que ça a été un petit peu la goutte d’eau. C’est toujours des discussions assez compliquées, et puis il y a le coût
financier aussi qui fait que c’est quand même un coût énorme pour le patient et pour sa famille de rentrer en
institution. Il y a aussi ça qui pèse dans la balance parfois, certains patient n’ont pas la possibilité financière de
pouvoir rentrer en structure. Il y a des décisions sur des retours à domicile qui doivent aussi être conditionnées par le
côté social. La question ne se posera pas forcément de la même manière dans un SSR de rééducation (neurologique et
locomoteur) dans lequel on se trouve que dans un SSR gériatrique où les situations sont un peu différentes, par
exemple. Ici, en 2017, sur tous les patients qui ont été hospitalisés, environ 25% d’entre eux sont entrés en institution.
Avec cette chance pour l’instant nous, de pouvoir les garder relativement longtemps pour pouvoir vraiment aboutir
sur ces projets-là. Et puis après, les entrées en institution c’est également le problème des places, quand il n’y a pas
eu d’anticipation de demande, parfois c’est compliqué aussi d’attendre la structure donc les patients se retrouvent pas
forcément dans la structure qu’ils ont choisi parce que on prend la première structure qui nous répond et les patients
gardent leur demande initiale pour après être retransférés s’il y a une place qui se libère dans la structure qui est
proche de chez eux, ou celle qu’ils souhaitaient en premier lieu. Il y a aussi ce côté-là qui peut être un peu compliqué
à expliquer aux patients.
IX
Annexe 7 : Entretien avec l’ergothérapeute 4 (E4)
Alice : Pouvez-vous présenter votre parcours professionnel ?
Ergothérapeute 4 : Je travaille ici depuis 5 ans et demi. Je suis actuellement uniquement sur le service d’HDJ et
médecine, je reçois des patients à la journée pour un bilan. Ça peut être pour beaucoup de choses différentes : bilan de
chutes, bilan mémoire, bilan de troubles cognitifs, problèmes de maintien à domicile, problèmes dans l’établissement,
problèmes d’installation, problèmes de comportement, réévaluer si l’établissement est adapté à la personne,
problèmes d’altération de l’état général (en général ça fait intervenir beaucoup de choses). J’ai déjà travaillé en SSR,
pendant 2 ans, et souvent on a des patients qui ont été en SSR un certain temps, qui rentrent à domicile et nous on les
revoit un mois après pour voir si le retour à domicile se passe bien, s’il y a des choses à réadapter.
Qu’est-ce qui peut vous amener à vous questionner sur la faisabilité d’un retour à domicile pour une personne
âgée hospitalisée en SSR ?
Beaucoup de choses, déjà pourquoi il est rentré, est-ce que c’est des troubles cognitifs, est-ce que c’est que
locomoteur… Il faut vraiment évaluer dans sa globalité la personne, comment il évolue au sein du service. Au niveau
de l’entourage, les aides humaines, qu’est-ce qu’il y avait de déjà présent, est-ce qu’il y a de la famille. Comment est
le domicile, est-ce qu’il y a des aménagements à faire, est-ce qu’il n’y en a pas, est-ce que le domicile est adapté, est-
ce qu’il ne l’est plus en fonction de l’état actuel…
Pourquoi ce domicile pourrait ne plus être adapté ?
Parce qu’il y a des marches. C’est soit environnemental, soit lié aux troubles cognitifs, soit il est pas adapté, il y a des
marches, parce que la personne ne marche plus, soit l’environnement est trop étroit et du coup le fauteuil passe pas ou
il a une aide technique de marche qu’il n’avait pas auparavant et donc du coup ça ne passe pas dans les portes ou il
faut vraiment réaménager les meubles… Alors si c’est plus troubles cognitifs, est-ce qu’il ne va pas se mettre en
danger, est-ce qu’il va être capable de réutiliser son environnement comme avant, beaucoup de choses, est-ce qu’il
peut se mettre en danger avec la gazinière. C’est peut-être au niveau de la salle de bain, est-ce qu’elle est toujours
adaptée, est-ce qu’il va falloir l’aménager, il faut tout casser.
Quels moyens vous permettent d’objectiver ce qui va être facilitateur ou obstacle au maintien à domicile ?
Quels outils avez-vous ?
Les bilans, après c’est toujours adapté en fonction de la personne et du lieu de vie. Ce qui est vraiment intéressant
pour nous c’est plus la situation écologique. Si on peut, en SSR on ne fait pas beaucoup, mais on peut faire un bilan
cuisine, on les met en situation et on voit s’ils arrivent à faire à manger tout seuls, à s’organiser, à planifier la tâche,
s’organiser dans la cuisine, prévoir les courses… Bilan d’équilibre : est-ce que il va être capable d’aller chercher en
hauteur les choses, mettre la table tout seul, porter une charge, utiliser son aide technique s’il en a une avec des
transports d’objets… Ça c’est plus un bilan d’équilibre en milieu écologique, pas comme les kinés où c’est plus
analytique, là c’est vraiment remis dans le contexte d’une utilisation, d’un but précis.
Comment est-ce que vous communiquez ces éléments aux autres membres de l’équipe pluriprofessionnelle ?
Il y a des staffs, organisés en pluridisciplinarité. Normalement, il y en a toutes les semaines. L’idée c’est de
communiquer avec le kiné pour voir s’il y a des marches, est-ce qu’il va être capable de le faire, du coup réajuster
avec elle qu’elle travaille la difficulté, en fonction des obstacles qu’on rencontre à domicile, en fonction de la visite à
domicile qui va être faite, le kiné va pouvoir nous aider à travailler certaines choses, travailler les obstacles… Il y
aussi l’assistante sociale pour mettre en place des aides humaines si nécessaire, un plan d’aide financière en fonction
des aides à mettre en place. Ça peut être la neuropsychologue pour évaluer un peu plus profondément les troubles
cognitifs. On essaie de mettre tout ça en lien lors des staffs et comprendre un petit peu comment on va orienter la
chose.
Comment est-ce que vous abordez cette réflexion avec la personne et son entourage ?
Normalement, dès l’entrée, au début de l’entrée du patient, l’idée c’est aussi de recueillir un peu son projet de vie,
qu’est-ce que lui il envisage, pour orienter notre prise en charge. Est-ce que il va falloir au bout d’un moment
réorienter ou pas parce qu’on voit que ça va pas être envisageable s’il veut retourner à la maison et qu’il y a trop
d’obstacles, il y a trop de difficultés, on ne va pas pouvoir y arriver, et qu’il faut plutôt orienter vers une structure, il
faut réajuster au fur et à mesure. Il y a des temps d’échange avec la famille, formels ou informels ça dépend un petit
peu de comment eux s’investissent dans la prise en charge, s’ils sont très présent on peut discuter régulièrement sans
forcément mettre en place un rendez-vous particulier mais sinon ça, ça peut être fait. Quand on va à domicile, on
essaie de mettre quelqu’un de la famille en plus pour réaliser la visite.
Y a-t-il une uniformisation du point de vue en équipe avant de l’évoquer ?
Oui, à l’entrée, vu qu’on a un peu en tête son projet, on essaie de faire en sorte d’aller dans son sens, après on
réadapte en fonction de comment vont évoluer les capacités du patient, après il y a peut-être pas de difficultés mais on
sait en général assez rapidement si c’est envisageable ou pas, du coup on n’insiste pas trop dans le sens si ça marche
pas.
X
Quels professionnels traitent concrètement cette question avec la personne, son entourage ?
Nous, on se rend sur le domicile donc on est privilégiés, entre guillemets, mais le kiné il travaille aussi dans ce sens-
là, si on sait qu’il a quatre marches à monter et qu’il faut qu’il y arrive parce que c’est que ça l’obstacle, là, c’est le
kiné qui travaille à fond là-dedans et qui va permettre d’y arriver. Après chacun met sa petite pierre à l’édifice, l’idée
c’est d’aller dans le sens du projet du patient s’il est cohérent. Et d’ailleurs le kiné peut dire : « non, il pourra jamais
monter les marches, laisse tomber. » Tout le monde a son intérêt.
Et comment est pris en compte l’entourage ?
C’est toujours un peu compliqué, surtout quand il y a beaucoup de familles et que chacun à une vision différente de la
chose. Quand le patient est cohérent et qu’il est en mesure de dire les choses, c’est lui qui prime, même si les enfants
sont pas d’accord, c’est l’intérêt du patient déjà. On est toujours obligés de prendre un peu en compte l’avis de tout le
monde, notamment si c’est un conjoint qui refuse, entre guillemets, que son conjoint hospitalisé rentre parce qu’il
sent que ça va être une charge trop lourde, il se sent pas capable d’assumer. Tout ça c’est un travail à évoquer avec le
patient hospitalisé, ça peut être l’intervention du psychologue pour travailler, ou avec le conjoint pour essayer de
comprendre pourquoi il ne se sent pas capable, travailler avec l’assistante sociale pour qu’elle explique qu’on va
pouvoir mettre des aides, pour accompagner.
Avez-vous le sentiment de pouvoir aider ces personnes dans leur prise de décision et dans le vécu de la
décision ?
Les aider je ne sais pas, les accompagner, leur faire comprendre ce qui va être compliqué, si c’est plutôt
environnemental, si c’est autre chose. C’est à nous un peu d’accompagner, d’expliquer, de mettre en situation pour
qu’ils prennent conscience, on peut aller au domicile aussi pour faire une séance cuisine pour vraiment évaluer sur
place, parce que des fois, quand on est en dehors de leur milieu, ça majore un petit peu les difficultés, pour prendre un
peu de la mesure en fonction de tout ce qu’on fait.
Qui va finalement prendre cette décision ? Comment est-elle ressentie ?
On va donner deux cas. Si c’est un patient qui n’a que des troubles moteurs, donc au niveau cognitif ça va bien, il
comprend, il est cohérent, on va pouvoir discuter, on va pouvoir accompagner la personne. Nous, la psychologue si
besoin, on va pouvoir emmener visiter les structures pour qu’il prenne un petit peu conscience de ce qu’on y propose.
C’est un travail sur le patient. Si on va à domicile et que l’on voit qu’il n’est pas capable, parce qu’il y a vraiment un
problème architectural, c’est comme ça. Soit il change de domicile, soit il rentre en EHPAD. Souvent quand même,
l’EHPAD c’est en lien avec des troubles cognitifs, la problématique c’est qu’il ne comprend pas forcément pourquoi
on va l’emmener là-bas, parce qu’il y a la part d’anosognosie, il ne va pas forcément avoir conscience de ses troubles
cognitifs. Donc là, c’est un peu tout le monde qui va travailler en ce sens, la famille, le médecin qui oriente quand
même dans ce genre de décision, c’est lui qui… C’est pas nous qui allons dire : « il vaut mieux que vous alliez en
EHPAD », on ne va pas avoir ce rôle-là, on va en discuter au cours d’un staff en disant que l’on pense que ça ne va
pas le faire à domicile, il faut s’orienter vers une structure. Du coup, ce sera plus le médecin qui lors d’une réunion
avec la famille ou le patient va pouvoir expliquer un petit peu l’orientation. Si le patient refuse, il refuse, il n’est pas
obligé, on ne peut pas obliger quelqu’un à rentrer en EHPAD, ce qui est un peu la difficulté, parce que des fois, c’est
un peu la seule solution. Des fois, il faut un peu essayer de forcer la chose. Alors, il y a des moyens un peu en
douceur de faire, ça peut être faire un peu d’hébergement temporaire pour tester, pour se rendre compte un petit peu
de la structure, aller en voir plusieurs, visiter… Il faut essayer d’y aller en douceur en fonction de l’adhésion du
patient. Ce n’est pas toujours simple.
Est-ce que vous voyez d’autres choses à ajouter par rapport à ce sujet ?
Je pense que c’est un travail un peu long, psychologique à faire. C’est important de faire en douceur les choses, petit
à petit. En effet, ça peut être les visites, c’est quand même très important, avec la famille, si la famille peut aller avec
le patient ou non, en fonction, c’est nécessaire. C’est un bouleversement pour le patient, quitter son domicile, ce n’est
pas toujours simple mais la mise en situation est un bon moyen pour le patient aussi de prendre conscience, sans le
mettre en échec et être trop abrupt mais ça permet aussi de faire évoluer la dynamique du patient. Des fois, avant que
la question ne se pose dans l’équipe ou pour le patient, le conjoint, la famille a déjà cheminé à propos de cette idée
mais d’autres fois, c’est moins évident et un accompagnement psychologique peut être nécessaire.
XI
Annexe 8 : Entretien avec l’ergothérapeute 5 (E5)
Alice : Pouvez-vous vous présenter brièvement sur le plan professionnel ?
Ergothérapeute 5 : Je suis diplômée depuis 1997 de l’école de Rennes. J’ai d’abord travaillé la première année dans
des établissements avec des enfants et puis j’avais fais un stage ici, après le diplôme, j’ai remplacé l’été, donc on m’a
proposé de revenir sur l’établissement. J’ai d’abord travaillé sur le service d’USLD à temps partiel avec en plus les
soins de suite gériatriques. Après l’USLD, j’ai changé au bout de 4 ans, je suis partie 12 ans en médecine neurologie
et générale surtout, plus que la cardiologie. Et, au bout de 12 ans tout en conservant les soins de suite, avec aussi à ce
moment-là sur les soins de suite, il y avait l’unité de repli des soins palliatifs, on m’a proposé de venir travailler en
rééducation sur la prise en charge des patients amputés vasculaires donc je suis revenue sur la rééducation surtout sur
cette population-là, et puis au bout de 2 ans, il y a eu des changements de service, j’ai dû changer de service et là,
j’étais plus locomoteur mais aussi avec la population de patients amputés. Aujourd’hui, puisque j’ai une collègue qui
est partie en retraite l’année dernière, il a fallu aussi se répartir puisqu’elle n’a pas été remplacée, des patients de
neurologie en rééducation. Donc, aujourd’hui, si on résume, je fais de la rééducation et un petit peu de soins de suite
et de l’hôpital de jour de rééducation également : rééducation locomoteur et neuro.
Qu’est-ce qui peut vous amener à vous questionner sur la faisabilité du retour à domicile pour une personne
âgée hospitalisé en SSR ?
Dans la méthodologie qu’on a dans tous les services, on fait un constat sur les conditions de vie, les habitudes de vie,
ce que la personne était en capacité de faire avant l’hospitalisation, les aides matérielles, les aides humaines, son
entourage. Déjà, par rapport à pourquoi elle est hospitalisée, son motif d’hospitalisation, on peut voir déjà à l’entrée
en fonction du handicap qu’elle peut avoir. Si le domicile n’est pas du tout adapté dès l’entrée, par rapport aux
probables séquelles qu’elle pourrait avoir. Si par exemple, je parlais des amputés, tous nos amputés nous, puisqu’on
est en population âgé, partent avec un fauteuil roulant, donc se posera à un moment ou à un autre l’accessibilité
fauteuil roulant au sein du domicile. Certaines personnes, on ira forcément faire la visite, c’est quasi-systématique
pour certains patients qui ont une pathologie lourde. Je dis pas pour des personnes qui viendraient pour des prothèses
de hanches, prothèses de genoux, sauf si elles ont d’autres problématiques qui vont faire que la récupération sera plus
compliqué. En règle générale, en synthèse, on va se poser la question de savoir quelles sont les conditions de vie et
comment la personne va pouvoir rentrer chez elle. De toute façon, ça fait partie de notre travail propre en tant qu’ergo
mais d’un questionnement de tout le service, de savoir dans quelles conditions la personne peut rentrer. Les synthèses
sont à une fréquence, en rééducation, tous les quinze jours. On refait le point de chaque patient, ce qui n’empêche
d’aller revoir le médecin s’il y a des problématiques particulières en sachant que les patients de rééducation ont le
droit d’aller en permission. Donc pareil, même bien avant le retour à domicile on va peut être se poser la question de
l’accessibilité du domicile et dans quelles conditions ils vont pouvoir rentrer chez eux, même si c’est une période
courte.
Est-ce que d’autres types de difficultés peuvent être rencontrés à domicile ?
L’entourage, est-ce que les patients sont seuls ou pas. On a quand même une population âgée avec des troubles
cognitifs, qui peuvent se mettre en danger. Donc, une des questions cruciale qu’on va aussi se poser, c’est est-ce que
la personne rentre en toute sécurité chez elle, est-ce qu’il y a mise en danger d’elle-même et peut-être du voisinage.
Notamment pour l’utilisation du gaz… Est-ce qu’elle est aussi en capacité d’alerter si elle a un problème. Certes, on
peut mettre des moyens pour aider la personne au domicile comme la téléalarme pour alerter mais certains ne sont
même pas capables de l’utiliser à bon escient. Ça, c’est des questions qu’on va se poser pour le retour sur le domicile.
Et si des fois il y a eu des retours à domicile qu’on n’a pas pu faire parce qu’il n’y avait pas d’entourage au domicile,
la personne vivait seul, et pas d’entourage suffisamment proche pour être présent au quotidien. Ça, ça peut être un
frein pour le retour.
Quels moyens avez-vous pour objectiver ce qui va être facilitateur ou obstacle dans le maintien à domicile ?
Le constat que l’on fait à l’entrée, de répertorier les aides humaines. De savoir si l’aidant, s’il y en a un, de savoir si
cette personne à elle-même des problèmes, parce que ça arrive que la personne qui est hospitalisée est déjà l’aidant du
conjoint ou d’un proche à domicile. De savoir si déjà, au niveau humain, il va y avoir quelqu’un qui va pouvoir aider
éventuellement la personne ou pas. Puis de savoir si le domicile est facilitateur ou inhibiteur par rapport au projet du
retour : est-ce qu’il va falloir engager des travaux ou pas ? Auquel cas, est-ce que financièrement, on peut faire un
plan d’aide ou pas. Ça fait plusieurs facteurs qui peuvent freiner le projet du retour.
Comment communiquez-vous à l’équipe pluriprofessionnelle les éléments que vous avez recueillis ?
Le document connaissance de la personne, il existe sur notre logiciel au sein du dossier patient donc il est accessible à
tous, il peut être même modifié au cours de l’hospitalisation s’il y a des nouvelles données. N’importe qui peut
amener, apporter de nouvelles informations. Nous on fait, moi en tout cas dans ma pratique, assez rapidement, on
remplit ce document-là. Et si la personne n’est pas en capacité de le remplir, on va essayer de voir s’il y a un
entourage avec qui on peut communiquer pour avoir toutes les informations. Ça, ce n’est pas toujours possible au
début, il y a des gens qui arrivent aussi dans le service, est-ce qu’ils sont fatigués, pas capables de répondre aux
questions qu’on leur pose ou même qui ne saurait nous donner les informations, il va falloir aller les chercher, et, oui
c’est ouvert après à tout le monde. Donc, ça c’est des éléments. Même le médecin, les médecins peuvent marquer
dans les observations médicales dans le dossier dès l’entrée si les gens vivent seuls, quelles conditions de vie ils ont,
XII
est-ce que le domicile est accessible, est-ce qu’ils ont un aidant ou pas… C’est vraiment des questions que tout le
monde se pose assez facilement par rapport au projet dans le service de rééducation en tout cas.
Les moments où vous en discutez ?
En synthèse, tous les quinze jours, on refait le point s’il y a des problématiques particulières. En tout cas c’est souvent
à ce moment-là qu’on décide de faire la visite à domicile avec ou sans séance cuisine mais en tout cas c’est surtout
pendant ces moments-là que c’est prescrit.
Comment abordez-vous cette réflexion avec la personne et son entourage ?
Déjà, dans le document connaissance de la personne, on demande les attentes du patient, qu’est-ce que lui attend. Est-
ce qu’il souhaite rentrer sur son domicile ou pas. Ça, c’est une question que tout le monde peut être amené à poser.
Au fur et à mesure de la prise en charge, on peut aussi lui demander où il en est de son projet, comment il se voit. Il y
en a qui vont en parler spontanément et puis d’autres qui vont pas du tout nous parler de retour donc c’est nous qui
allons l’aborder avec le patient.
Et quand vous vous pensez institution, mais pas le patient ?
L’institutionnalisation ce n’est pas forcément, on peut en parler mais ce n’est pas forcément nous les premiers qui
allons aborder le sujet. Ça peut être plus souvent je pense, dans l’établissement, l’assistante sociale. Nous on peut
l’évoquer justement quand on leur demande, comment vous vous projetez ? Et si ça se passait mal ? D’emblée, il y en
a qui vont nous dire, « je me vois pas rentrer, il va falloir peut être penser à autre chose » mais c’est vraiment variable
d’un patient à un autre, et par rapport à comment lui il se projette par rapport à son entourage parce qu’il y a des
patients qui ne veulent pas non plus, entre guillemets, un poids pour eux, et qui vont décider d’entrer en institution.
Puis, d’autres qui aimeraient bien au contraire que l’entourage propose la solution de les accueillir au sein de leur
famille. Ce n’est pas toujours le cas, quand il y a une fratrie, il y a plusieurs membres dans la fratrie, c’est parfois
compliqué. Ça dépend du patient, de son histoire, qu’est-ce qu’il attend. Il y a des patients aussi qui attendent que leur
conjoint dise « oui, oui, le retour est possible », alors qu’eux-mêmes ne se sentent pas en capacité de les accueillir.
Des fois, il arrive qu’on soit obligé aussi de faire un point avec le patient, la famille et les soignants, en tout cas les
thérapeutes, pour parler des problématiques et comment ils voient les choses, parce qu’il y a des non-dits, le conjoint
ou l’entourage peut parler des difficultés de retour et pas le dire directement à la personne, au patient. Il faut des fois
discuter ensemble pour voir ce qu’il est possible de faire, qu’est-ce qui est envisageable et est-ce que le retour est
envisageable, dans quelles conditions aussi on peut l’imaginer.
Quelle est la place laissée à l’entourage dans cette décision ?
Ils ont un choix, après les gens qui sont en capacité de décider pour eux, on peut pas les empêcher, si le domicile est
accessible ou possible de l’être et financièrement c’est possible, on peut pas empêcher le patient d’y aller. Après,
c’est sûr que si l’entourage n’est pas d’accord, si eux ne sont pas en capacité d’aider, ça complique les choses.
Financièrement, s’il y a déjà des aides pour le conjoint et qu’il en faut aussi pour le patient, sachant que de toute
façon aller en structure il y aura un coût également, il faut voir le pour et le contre des différentes solutions. Des fois,
on fait quand même des essais de retour à domicile, en se disant, ça va peut-être pas, il y a un risque potentiel et puis
ça se passe mieux que ce qu’on aurait espéré et inversement, il y a des situations où finalement le retour,
malheureusement, ça va pas perdurer alors qu’on pensait avoir mis les aides suffisantes, avoir adapté suffisamment le
domicile pour que le retour se passe dans de bonnes conditions. Après, on reste sur une population âgée ici, avec des
sujets fragiles qui peuvent décompenser, avoir un autre problème qui fait que le maintien est pas possible, à domicile.
Avez-vous le sentiment de pouvoir aider ces personnes dans la prise de décision ?
Le cheminement ? Après nous on est un élément à leur donner des informations, ce qu’on préconise en tout cas quand
on parle d’institutionnalisation, c’est d’aller voir, de se rendre compte aussi à quoi ça ressemble les structures. Nous
on fait de l’éducation, entre guillemets au vue de l’âge de la population accueillie en disant : « vous êtes peut-être pas
concerné aujourd’hui », ça peut arriver, toujours préférable d’aller visiter des établissements où on souhaite peut-être
un jour se rendre, que d’être hospitalisé et puis finalement, de partir directement sur son domicile. La visite à
domicile, moi, ça m’est arrivée de faire des visites, c’était la dernière fois que les gens allaient chez eux. Il y a besoin
aussi, cette étape, de passage, de faire le deuil de son chez soi pour se projeter dans autre chose. J’ai eu une patiente
là, une dame qui était amputée fémorale, elle ne pouvait plus regagner son domicile, qui est venu en hébergement
temporaire un moment ici et qui est repartie dans son quartier et finalement elle s’était adaptée au bout de quelques
temps, au bout de deux mois, sur l’établissement ici. Si la famille ne l’avait pas un peu, ne lui avait pas dit : « si,
maintenant tu as une place dans ton ancien quartier », elle serait sans doute restée ici. En plus, avec des déplacements
beaucoup plus faciles ici, en fauteuil roulant électrique que sur la structure où elle est là, aujourd’hui. C’est
compliqué, parce qu’on les fait changer aussi, il y a un projet, ils s’habituent un peu sur une structure, il faut
rechanger, c’est compliqué. Et, elle, parlait très bien, retourner dans son quartier quand on a fait les visites en fauteuil
électrique, sur l’EHPAD. Au départ, elle voulait se rendre dans son quartier, il y a avait tout l’aspect aussi,
psychologique, affecte, de se retrouver dans son quartier, de se retrouver dans un EHPAD avec des gens qu’elle avait
connu dans le même immeuble et qui se retrouvaient aussi diminués. Finalement, ce n’était pas si simple que ça dans
ce cas particulier-là. Mais elle savait très bien qu’il n’était pas possible d’envisager, pour son cas, en tout cas, un
retour à domicile. Même si certains savent qu’il n’y a pas d’autres issues, c’est quand même parfois difficile de se
dire qu’on aura plus de chez soi, de domicile à soi, pas de la collectivité.
XIII
Et s’il y a une anosognosie ?
Ça complique les choses, c’est sûr, s’il y a une anosognosie. Dans ce cas, c’est sûr que ce qu’on pourra dire à la
personne, ça ne va pas forcément l’aider à cheminer. Après, les gens qui ont des troubles cognitifs ou pertes de
mémoire, de toute façon pour certains, nous en tant que soignants, des fois on ne voit pas d’autre issue, si on parlait
de la sécurité. S’il y a une mise en danger, là je pense à une patiente de ma collègue, elle est allée hier faire une visite
à domicile chez une dame qui a des troubles cognitifs et par contre, elle, elle me disait hier soir que le fils, il se voit
pas forcer la dame à aller en structure parce qu’elle ne le veut pas. Ma collègue dit qu’il y a un risque certes, mais il
voudrait bien faire quand même un essai sur un retour à domicile. Après, tout dépend le plan d’aide qu’on arrive à
mettre, c’est ça aussi, en sachant, moi qui ai un regard extérieur par rapport à cette situation, la dame elle prend peu
d’initiatives, ou elle va prendre des initiatives, en tout cas, quand elle ne marchait pas bien encore, elle essayait de se
mettre… Les consignes, l’intégration des consignes était difficile, c’est plutôt ça. Il va y avoir une discussion, et à
priori elle partirait plus sur un retour à domicile dans un premier temps sachant que l’entourage n’est pas à proximité,
n’habite pas aux alentours du domicile de la patiente, à plusieurs kilomètres, donc ce n’est pas eux qui interviendront
rapidement s’il y a des besoins. C’est sûr que le choix de la maison de retraite n’est jamais facile à faire, et c’est vrai
que nous, comme on est détachés au niveau affectif, c’est plus facile de dire que ça nous paraît trop compliqué pour
cette personne de rentrer à domicile et qu’une entrée en institution semble plus adaptée.
Voyez-vous d’autres choses à ajouter vis-à-vis du sujet ?
Sincèrement, il faut pouvoir discuter avec l’équipe parce qu’on a tous un regard, c’est vrai, différent sur les situations.
Les soignants qui sont au quotidien dans le service ont c’est vrai des informations importantes à communiquer que
nous on n’a pas forcément. Souvent on nous dit : « vous, avec les thérapeutes, ils font des choses qu’ils ne vont pas
forcément faire avec nous ». Comme ils sont là plus souvent, ils vont parler plus de l’angoisse du retour ou pas. Par
rapport à moi en tant qu’ergo, sur mon expérience mais plutôt globale, pas forcément sur la rééducation, c’est que
quand on propose une visite à domicile, beaucoup d’entre eux se mettent la pression de se dire : « c’est quand même
une évaluation pour se dire pour savoir si je suis en capacité de rentrer chez moi », et il est arrivé assez souvent que
les patients soient malades, qu’ils fassent une chute juste avant la visite à domicile, dorment très mal, qui se font tout
un film de la situation, de ce qu’on va pouvoir leur demander. A nous aussi d’essayer de, pas minimiser, mais
d’essayer de les apaiser en leur disant : « on y va un moment, on fait un constat avec vous, on en discute, nous on est
là pour conseiller des choses, proposer », après, on ne sera pas là, malheureusement on ne va pas retourner après, une
fois qu’ils seront rentrés pour vérifier s’ils ont mis toutes les consignes, s’ils les ont intégrées et s’ils les appliquent au
quotidien. L’importance du travail en équipe, c’est essentiel pour moi. Et puis les assistantes sociales, lors des
synthèses, elles nous donnent quand même des informations que nous on n’a pas sur tout l’aspect financier, sur les
possibilités financières pour faire des travaux ou pas, pour mettre des aides. Le coût des aides, même si on peut avoir
des aides avec l’APA, si on met trois ou quatre passages par jours, ça devient exorbitant, le coût, voir même des
passages la nuit. Dans l’absolu, on peut proposer nous à notre niveau des choses, mais est-ce qu’elles sont viables et
est-ce qu’elles sont réalisables sur le plan financier. Ce qu’on peut faire nous en intra, aussi puisque l’établissement
dispose quand même d’une unité de soin de longue durée et de deux EHPAD, c’est la possibilité d’aller visiter
éventuellement avec eux ou en tout cas s’ils ont pas d’entourage proche, on peut les faire, ou d’inciter l’entourage à le
faire avec eux quand ils sont hospitalisés ici, ou même d’aller découvrir si jamais ils n’avaient jamais été dans une
structure. Ce qui est difficile pour certains patients, c’est qu’ils ont pratiquement, enfin certains n’ont jamais été
hospitalisé, alors se faire hospitaliser à plus de 80 ans pour certains, ils le vivent très très mal. Autant, certains ont eu
pleins de problèmes de santé donc les hôpitaux ils connaissent, ils ont été opérés certains plusieurs fois, et d’autres
qui ont très peu connu les hôpitaux même dans leur entourage, ils ont beaucoup de mal à s’y faire, parler d’institution,
ça devient très compliqué. Après, il faut essayer de pas trop les brusquer, avec cette possibilité-là. Comme on disait,
que ce soit eux aussi qui cheminent et qui se disent « bin là… ». Ça arrive après la visite à domicile d’ailleurs, que le
projet, il s’était dit : « pas de problème de rentrer chez moi » et au final, ça a tellement généré d’angoisse tout ça, que,
au final ce serait difficile, plus difficile, ou le fait de se retrouver seul chez soi, certains vont proposer de dire : « non,
finalement je me sens pas capable de rentrer à la maison, il est préférable que j’aille en institution ». C’est
franchement du cheminement propre à chacun et par rapport à son histoire de vie aussi. C’est vraiment différent,
après peut être que nous qui avons vécu ça, ça sera peut-être plus facile pour nous par la suite… je ne sais pas, si ça
nous arrive, à l’avenir.
XIV
Annexe 9 : Entretien avec l’infirmière (IDE)
Alice : Est-ce que vous pouvez vous présentez brièvement sur le plan professionnel ?
Infirmière : Je suis infirmière depuis 2005, j’ai exercé en temps qu’infirmière jusqu’en 2016. La première année, j’ai
tourné sur plusieurs établissements et après j’ai été assez vite affectée sur le service de rééducation ici, avec beaucoup
de locomoteurs et après on a eu une évolution du service vers de la neurologie sur lequel j’ai été un peu plus
attribuée. Et en 2016, on m’a demandé de passer infirmière coordinatrice, mais je reste très proche des soins et des
patients.
Qu’est-ce qui peut vous amener pour un patient âgé, hospitalisé en SSR, à vous questionner sur la faisabilité
du retour à domicile ?
C’est les capacités du patient. En fait, quand le patient arrive, souvent c’est en post-AVC, on a des patients
complètement dépendants et après il y a une capacité de récupération, de rééducation mais qui évolue plus ou moins
vite, et en fonction de cette capacité de rééducation qui est évaluée par le médecin, du coup on voit si un retour à
domicile est envisageable ou pas. Et, souvent, il y a une grande discussion avec les proches, et il y a des visites à
domicile qui sont faites pour voir les lieux de vie, et si on voit que ce n’est pas envisageable, là on fait des
inscriptions en établissement.
Quelles difficultés peuvent être rencontrées ?
C’est la famille, les proches, quand on a une absence de famille, de personne décisionnaire et que le patient. Tant que
le patient est en capacité de prendre sa décision, ça va. Après quand on a des patients qui ne sont plus en capacité de
prendre des décisions et qu’on a des familles absentes ou dans le refus d’accepter les choses, et qui ne sont pas prêtes
à faire des inscriptions, des démarches.
Quels moyens vous permettent d’objectiver ce qui va être facilitateur ou obstacle au maintien à domicile ?
Ça va être les ergothérapeutes plus, au niveau de leurs bilans à elles, quand elles font les visites à domicile, elles
voient bien qu’est-ce qui est plus facile pour les patients. Après en moyens, on a tout ce qui est la relation, tout le
temps qu’on peut passer à expliquer, c’est hyper important, c’est un des moyens majeurs pour essayer de faciliter les
choses.
Comment communiquez-vous vos éléments, vos ressentis vis-à-vis du patient, votre intuition que l’institution
pourrait être mieux, à l’équipe pluriprofessionnelle ?
C’est le médecin qui fait ça. Le médecin dans le service, c’est lui qui discute beaucoup avec les patients et qui va aller
jusqu’à lui dire au patient que ça va être cette décision-là qui va être prise et après du coup le médecin aux synthèses
pluridisciplinaires, il va annoncer que ça a été discuté, que le patient il est d’accord.
Vous, en tant qu’infirmière vous observez aussi des choses que vous communiquez au sein de l’équipe…
L’infirmière va faire remonter au médecin tout ça. Et le week-end entre autre, quand on voit la famille, parce que les
médecins sont pas là, on fait remonter un peu comment nous on a perçu les choses.
Ce n’est échanger qu’avec le médecin, ou aussi avec d’autres ?
Avec le médecin dans un premier temps, et après aux synthèses pluridisciplinaires. On a des synthèses tous les quinze
jours pour les patients. Du coup, là on a un échange avec l’ergothérapeute, le kiné, le médecin, l’infirmière, l’aide
soignante, l’orthophoniste, les APA… Lors de ce temps, on peut poser les choses, et voir ce qui est envisageable.
C’est à ce moment-là que du coup le médecin nous fait remonter ce que le patient sait et ne sait pas.
Cette réflexion avec la personne, son entourage, comment vous l’abordez ?
Elle est abordée lors d’un entretien qu’a le médecin avec la famille. Toutes les familles sont vues en entretien par le
médecin. Quand ça fait quinze jours qu’ils sont dans le service, on demande nous en tant qu’infirmière, quand on voit
les familles, qu’elles prennent rendez-vous avec le médecin. C’est là que les choses sont dites. Et le médecin trace
dans le dossier informatisé et nous fait remonter ça lors des synthèses.
Et vous, pouvez-vous le réévoquer ensuite avec le patient ?
Oui, parce que du coup tout est tracé dans le dossier informatique donc là, même si la synthèse n’a pas eu lieu, on a
accès à ces données-là.
Et vous, comment l’abordez-vous avec le patient ?
En fonction de ce qu’il sait, on essaie souvent l’après-midi, on a un peu plus le temps. On va tâter, voir un peu
comment lui il perçoit les choses, comment il voit le futur, comment lui il voit son projet de sortie.
Comment les souhaits, les valeurs de la personne sont prise en compte dans cet échange ?
Parce qu’on prend le temps, on est un service où on ne bouscule pas les choses, on ne va pas dire à telle date vous
êtes sortant donc coûte que coûte vous irez là. On prend vraiment le temps entre le moment où il y a un AVC, c’est
vraiment un gros choc, ils partent de chez eux par les pompiers, le SAMU, ils passent par les urgences, par le CHU et
après ils arrivent chez nous, ils sont complètement paralysés, ils parlent plus, pour certains c’est un peu compliqué.
XV
Donc on va vraiment laisser passer cette phase-là où ils sont sous le choc et après on va amorcer les choses, on ne va
pas les bousculer et souvent, quand on voit que la personne elle est en difficulté d’accepter le fait de pas pouvoir
retourner à domicile on fait des permissions et on les mets un peu devant le fait accomplit que la permission ok,
comment ça s’est passé, est-ce que c’est envisageable à long terme, et là ils se rendent compte aussi. Nous on propose
ces permissions et on voit quand c’est un peu compliqué.
Avez-vous le sentiment de pouvoir aider ces personnes dans leur prise de décision ?
Oui, oui, on guide, on dédramatise aussi la structure. Après les gens des fois ils ont une image très négative des
structures, donc on dédramatise, on explique réellement comment c’est. On a aussi un service civique, c’est des
jeunes qui sont là, et qui peuvent accompagner les gens à l’extérieur, et des fois, quand on a des patients en
questionnement, on peut leur faire visiter l’EHPAD en face. Donc après, on fait visiter ici, mais après pour les
EHPAD c’est un peu tous le même fonctionnement. Et du coup, on fait visiter et ça permet de dédramatiser, de se
faire une image un peu de ce qu’est un EHPAD.
Et le vécu de la décision par la famille ?
C’est plus le médecin qui gère dans le service. Nous on reprend quand il y a besoin les week-ends mais quand même,
c’est souvent le médecin qui gère le lien avec la famille.
Et si la personne n’est pas capable d’exprimer un choix ?
On respecte le choix de la famille ou des proches ou des personnes décisionnaires quand il y a plus de famille et que
c’est des tuteurs, des tutrices, des tutelles.
Voyez-vous des choses à rajouter à propos du sujet ?
Dans les services de rééducation comme est le nôtre, c’est plus facile parce qu’on a toute cette phase de rééducation
pour prendre le temps d’amorcer les choses, de les expliquer et on ne bouscule pas les gens alors que dans les
services soins de suite pur, où il y a pas trop de rééducation du coup on n’a pas forcément le temps qui nous est donné
pour que les gens sortent et c’est plus compliqué. Je dirais que nous sur le service de rééducation on a cette chance.
Et, on a la grande chance d’avoir des médecins très présents, ça aide beaucoup les équipes, que ce soit infirmières ou
aides soignantes, c’est très aidant, on se sent portées, et pour les patients, ils sont plus sereins.
XVI
Annexe 10 : Entretien avec l’aide soignante (AS)
Alice : Pouvez- vous vous présentez brièvement sur le plan professionnel ?
Aide Soignante : Je m’appelle Danièle, je suis aide soignante depuis 8 ans. Au niveau professionnel, j’ai travaillé sur
un CHU, une UPU, une unité médicale post-urgence. J’ai travaillé à la maison de retraite ici et depuis 2 ans je suis en
poste en rééducation.
Qu’est-ce qui peut vous amener à vous questionner, à propos d’une personne âgée en rééducation, sur la
faisabilité d’un retour à domicile ?
Savoir déjà qui va prendre en charge ses actes de la vie quotidienne, qui va l’aider à la toilette, pour les repas.
Comment le maintien à domicile va se passer. C’est vrai que nous, en tant qu’aide soignante, on intervient vraiment
pour les besoins essentiels : la toilette, les aides qu’on peut mettre en place… Qu’est-ce qu’on peut faire ? Qu’est-ce
qui est possible ? Ce sont ces questions qui se posent quand une personne arrive.
Que cherche-t-on à éviter quand on choisit une entrée en institution ?
On essaie d’éviter tout ce qui peut être danger, donc maintenir une certaine autonomie, qu’elle ne perde pas plus
d’autonomie, qu’elle en gagne quand elle sort d’ici, qu’on se dise : « elle est arrivée, elle ne marchait pas, donc là elle
se déplace, on arrive à la verticaliser, elle va pouvoir se débrouiller avec une aide partielle ». On tend vers du positif
quand les personnes arrivent, il faut vraiment qu’on mobilise les ressources, qu’on essaie de retrouver, de gagner un
peu plus d’autonomie pour ces personnes.
Et quand le retour à domicile s’annonce compliqué ?
En équipe, que ce soit aide soignant, infirmière, ergo… toutes les personnes qui interviennent autour de cette
personne, on se dit que pour son confort, sa sécurité, son bien-être, c’est peut-être mieux qu’elle aille en institution.
Quels moyens vous permettent d’objectiver ce qui va être facilitateur ou obstacle au maintien à domicile ?
Plusieurs choses, les évaluations à la toilette. On a des ergos qui viennent sur le domicile de la personne, voir ce qui
peut être mis en place au niveau des aides, des appareils qui peuvent l’aider au quotidien. Ce sont des bilans, après
quelques temps, quelques semaines, quelques mois. C’est à partir de ce moment-là qu’on peut voir si la personne est
capable de rentrer à domicile ou pas. Et la famille aussi intervient, les aidants autour de cette personne. Qu’est-ce
qu’il est possible de faire pour un maintien à domicile ? On essaie de mobiliser tout le monde, toutes les aides
possibles auprès de cette personne.
A quoi prêtez-vous davantage attention pour le retour à domicile ?
Le confort de la personne, sa sécurité. C’est le souhait de la personne, c’est important aussi, si c’est quelqu’un qui
veut retourner à domicile et que c’est possible, on respecte ça. Après si c’est possible oui, si ce n’est pas possible,
c’est toujours en équipe qu’on décide si oui ou non elle peut retourner à domicile ou pas.
Comment retransmettez-vous les éléments que vous observez au quotidien à l’équipe pluriprofessionnelle ?
Il y a déjà les transmissions quotidiennes sur notre logiciel informatique, il y a les synthèses, donc une fois par
semaine on se réunit en équipe pluridisciplinaire. C’est vraiment un noyau, je pense qu’on est tous acteurs. Si vous
voulez, moi le service de rééducation, ça fait deux ans que j’y travaille : si je devais imager ça, c’est vraiment on est
un puzzle et on est plusieurs pièces qui s’encastre les unes dans les autres. Une fois par semaine on se réunit en
synthèse et on parle de ce patient, donc comment j’interviens en tant qu’aide soignante, comment l’infirmière
intervient, comment l’ergo intervient, comment le kiné intervient, comment la diététicienne intervient,
l’orthophoniste… Et, à partir de là, on se dit si oui ou non c’est possible le retour ou pas, le placement…
Comment cette réflexion est abordée avec la personne, avec son entourage ?
Je crois que c’est le médecin déjà qui rencontre la famille, après, à ce niveau-là, nous les aides soignants, c’est vrai
qu’on n’a pas un regard vraiment… Mais il me semble que c’est bien le médecin qui en discute d’abord avec la
personne, sans la famille, et puis après, avec la famille. Je crois qu’il y a un dialogue qui est créé, ce n’est pas des
décisions comme ça prises, ça se discute. Mais bon j’ai envie de dire, oui, celui qui intervient au plus proche de cette
décision et qui en parle avec le patient, c’est le médecin.
Comment prenez-vous en compte les souhaits de la personne, ses valeurs ?
Souvent je dis, pour moi un sourire c’est hyper important, c’est déjà… Je sais pas, c’est des petites choses : arriver
dans une chambre, frapper, ne pas allumer la lumière dans les yeux de la personne, dire qu’on va lui faire ça, ça
s’appelle la bientraitance, ça s’appelle l’humanitude… tous ces concepts qu’on nous apprend dans nos écoles, le
respect, l’intimité… Déjà je mets toutes ces valeurs là en avant et ensuite, je crois que chaque soignant est assez
différent mais j’ai envie de dire que moi je vais dialoguer avec le sourire, d’autres vont y aller avec une certaine
psychologie un peu plus… C’est pas évident de se savoir soignant, après je crois qu’on ne devient pas soignant par
hasard, ce n’est pas n’importe qui, qui peut être soignant, il faut aider l’humain déjà.
Comment la dépendance peut-elle influer sur cette communication ?
La dépendance, on s’appuie beaucoup sur les familles, sur les personnes ressources, sur les aidants autour de nous
pour que la décision soit au mieux pour la personne, parce qu’on essaie de respecter ses habitudes de vie, ce qu’elle
XVII
aimait, des petites choses pour pouvoir se dire, même si elle ne peut pas exprimer ses besoins, ses souhaits, essayer de
creuser un petit peu sur sa vie antérieure pour pouvoir être le plus correct vis-à-vis d’elle et de la décision qu’on va
prendre.
Avez-vous le sentiment de pouvoir aider ces personnes dans la prise de décision et son vécu ?
Oui, que ce soit par des gestes, des paroles, je pense qu’on est là pour les aider. On les écoute, déjà écouter quand la
personne peut exprimer le refus ou l’accord dans la décision, on est là pour les écouter. Donc on les aide, en effet.
Comment l’accompagner lorsqu’elle n’est pas en accord ?
A ma connaissance, il y a plusieurs façons. Peut-être déjà, si c’est un placement en institution, je sais que déjà on les
emmène voir un petit peu comment ça se passe. Entre guillemets pas « on embellit le terrain », mais on essaie de
positiver la situation. Après, il y a la psychologue aussi qui peut intervenir. Toute l’équipe essaie, quand on sait qu’il
n’y a pas d’autres alternatives, on essaie tous d’aller dans le même sens et de positiver par des actes, par des paroles,
en dépeignant le tableau un peu plus, en disant que c’est ce qu’il y a de mieux pour la personne.
Et la place de la famille ?
Et la place de la famille aussi, on sollicite aussi la famille. Après ce n’est pas évident, parce que je pense que dans ma
fonction j’ai des limites, c’est-à-dire que les conflits, après, c’est quelque chose qui nous dépasse en tant que
soignant. Après, peut-être que l’assistante sociale peut, peut-être trouver, la psychologue, le médecin… Il y a des
moments où il faut savoir en temps que professionnel dire, là non, j’ai atteint mes limites, je peux plus. Je ne dirais
pas que c’est rare mais on se connait et comme je disais tout à l’heure, on est une équipe, donc on sait quand
déléguer, quand passer le relais quand c’est quelque chose qui n’est plus trop de notre compétence.
XVIII
Annexe 11 : Entretien avec l’assistante de service social (ASS)
Alice : Pouvez-vous vous présenter sur le plan professionnel ?
Assistante de service social : Je suis Valérie P, assistante de service social et je travaille ici depuis janvier 2006.
J’interviens en tant qu’assistante sociale dans plusieurs services qui ont changé au fur et à mesure des années mais
actuellement, j’interviens en service de rééducation et en service de soins de suite. Avant, j’intervenais dans d’autres
services mais ça a toujours été un petit peu ça. Aujourd’hui, je suis surtout sur le service de rééducation dont je suis
référente et le service de soins de suites. Je m’occupe d’une partie des patients qui viennent des hôpitaux extérieurs,
mes collègues prennent en charge les patients qui sont transférés du service de médecine au service de soins de suite
en interne.
Qu’est-ce qui peut vous amener à vous questionner sur la faisabilité d’un retour à domicile pour une personne
âgée hospitalisée en service de soins de suite et de rééducation ?
Ce qui nous questionne, ce peut être soit lors des synthèses quand on en parle en équipe, la dépendance de la
personne, les problématiques de santé, la configuration du domicile, et puis les aidants qui peuvent être un petit peu
frileux, qui deviennent un petit peu épuisés par la situation à domicile. Il y a aussi la demande des aidants familiaux
qui viennent nous solliciter parce qu’ils envisagent difficilement un retour à domicile, ou alors les patients eux-
mêmes qui, des fois, ont du mal à envisager le retour à domicile. En général, ce qui fait qu’on ne va pas vers le projet
de retour c’est vraiment la dépendance de la personne que ce soit sur le plan physique ou cognitif.
Quels moyens avez-vous pour permettre de repérer de manière concrète les éléments facilitateurs ou
obstacles ? De quels moyens disposez-vous ?
Nous, en tant qu’assistante sociale, on est intégrée à l’équipe pluridisciplinaire. On fait le point régulièrement sur les
patients lors des synthèses ou des staffs. On définit le projet de sortie du patient en équipe, qui peut évoluer en
fonction de l’évolution de l’état de santé. Après, en général, on voit le patient, quand il est en mesure de s’exprimer,
et est capable de participer à l’élaboration de son projet de sortie. On voit la plupart du temps les aidants, la famille et
l’entourage du patient par l’intermédiaire d’entretiens, on définit un petit peu les choses, on recueille des données sur
la vie du patient. Puis, on va définir ensemble le projet et on peut conseiller ou définir que le projet d’EHPAD, ou
d’autres structures semblent plus appropriées. On aide la famille ou le patient à renseigner un dossier administratif de
demande d’inscription en EHPAD. On demande aussi un certificat médical au médecin référent dans le service.
Après, on informe en fonction des demandes de la famille sur les frais d’hébergement, sur les différents EHPAD en
fonction des lieux d’habitations du patient, son lieu d’habitation d’origine, sur le choix des inscriptions, là où on
dépose des dossiers.
Comment communiquez-vous ces données au sein de l’équipe pluriprofessionnelle ?
Lors des synthèses la plupart du temps, une fois par semaine, ou alors on a l’outil du HM, Hopital Manager, qui est le
dossier du patient où on communique via notre onglet service social ce qu’on est amené à faire avec le patient et la
famille ou l’entourage. On communique par ce biais-là.
Est-ce que des fois, les synthèses c’est justement aussi l’occasion pour vous de recueillir certaines
informations ?
Bien sûr, tout à fait. Il est très rare quand même que ce ne soit pas le cas pour une situation, sauf à la demande du
patient ou de sa famille. Il arrive qu’il y ait des patients ou la famille qui veulent nous voir, qui nous demandent et
nous sollicitent avant qu’on ait une synthèse, à leur arrivée dans le service. Mais en général, en effet, on intervient
que sur alerte du médecin ou de professionnels de santé ou dans les synthèses. On recueille beaucoup d’éléments
notamment sur le mode de vie, le projet de sortie qui a été envisagé ou un petit peu évoqué lors de l’entrée. Après, on
suit un petit peu l’évolution et après, quand il est temps, le médecin nous demande d’intervenir.
Comment vous abordez cette réflexion avec la personne, son entourage ?
Ça dépend, des fois c’est simple, parce que c’est un peu évident, le patient a déjà cheminé, parce qu’il peut arriver
qu’il y ait plusieurs hospitalisations et que, du coup, le retour, le maintien à domicile semble déjà difficile, donc ça a
cheminé longtemps. Le patient se fait un peu une raison, il se dit que c’est plus raisonnable d’aller en EHPAD ou
dans une autre structure adaptée. La famille, c’est pareil, a cheminé donc ça c’est assez simple, les choses se font un
peu naturellement. Maintenant, parce que la famille s’est aussi déjà renseignée. Après, quand le médecin nous dit que
ça va être compliqué d’envisager le retour, du coup on prend un peu les devants, on voit avec le patient, comment lui
il voit les choses, si il est en capacité de s’exprimer par rapport à son devenir ou avec la famille. On essaie d’amener
des choses et de commencer des inscriptions de précaution, on affinera, on explique, on s’adapte en fonction de la
situation. Quand des fois, c’est compliqué, quand il y a un refus, on fait preuve de maintenir un lien de confiance et
puis petit à petit de travailler le projet. Après, on ne peut pas obliger un patient à aller en EHPAD ou autre. C’est un
petit peu au cas par cas, aucune situation n’est pareille donc on s’adapte, on voit un peu comment les choses évoluent
et comment est-ce qu’on peut construire les choses ensemble.
Intervenez-vous à un moment précis de la prise en charge ?
Oui, quand le médecin estime que l’état de santé du patient semble un peu stabilisé et qu’il nous donne le feu vert
pour intervenir, pour commencer à travailler le projet de sortie, l’anticiper. Ou alors, comme je le disais tout à
XIX
l’heure, des fois, il arrive que des familles nous appellent à l’entrée du patient très rapidement parce qu’ils sont très
inquiets déjà de ce projet de sortie, quand ils savent bien que du coup le retour à domicile va être impossible, ils ont
un petit peu peur parce que les délais d’entrée en EHPAD sont assez longs donc ils veulent anticiper au plus vite et le
patient aussi.
Comment les valeurs, les souhaits de la personne sont-ils pris en considération ?
Justement, on essaie en fonction, si la personne est vraiment en capacité sur le plan cognitif de nous donner son avis,
on travaille le projet, on l’associe toujours ou on essaie de l’associer quand il le souhaite, de l’informer le plus
possible sur les établissements, comment ça se passe, on peut même être amené à organiser des visites d’EHPAD
avec la famille ou si le patient souhaite choisir son lieu de vie. On essaie d’être le plus cohérent sur le projet du
patient. Maintenant, on fait avec les moyens qu’on a aussi, c’est pas toujours évident, parce que des fois les EHPAD
ont des listes d’attentes importantes donc on ne peut pas se permettre à l’hôpital de garder des gens éternellement ou
une longue durée donc des fois on est amené à proposer d’autres pistes : des hébergements temporaires, des
demandes un petit peu plus éloignées du domicile dans l’attente.
Et quand la personne n’est pas capable de participer ?
On traite souvent avec son entourage, on essaie avec ses enfants, la personne de confiance. On gère dans le respect le
plus possible de ce que l’on pense être le mieux pour le patient déjà sur ce qui est le plus adapté à son état de santé et
puis quand ça arrive, des fois on a des patients qui n’ont plus leurs facultés cognitives mais qui n’ont pas d’entourage
ou qui sont isolés, on a pas le choix. En tant que service social, on se rapproche du juge des tutelles et on demande
l’ouverture d’une mesure de protection pour arriver à finaliser certaines démarches, parce que l’on est obligé de faire
appel à un représentant légal pour cette personne, car il y a des choses que l’on ne peut pas décider à sa place. On
essaie de faire au mieux.
Avez-vous le sentiment de pouvoir aider ces personnes dans cette décision d’institutionnalisation ?
Oui, je pense quand même, on est là pour ça, pour les éclairer un petit peu, les rassurer parce que parfois ce n’est pas
simple à prendre comme décision, donc c’est source d’inquiétudes, c’est un tel changement, surtout pour des
personnes âgées qui sont déjà fragilisées, qui sont vulnérables, et même la famille qui se pose beaucoup de questions.
On essaie de les rassurer, de les informer au mieux et surtout de les soulager de certaines démarches, et on fait le lien
avec les différentes structures d’hébergement. Je pense, oui, on sent quand même que l’on a un rôle important, après
ça encore, ça dépend de chaque situation mais oui je dirais qu’on a un rôle important. Mais je pense qu’on arrive
quand même à les rassurer surtout sur le plan financier. C’est source d’inquiétude souvent pour les familles et les
patients donc on leur explique en gros les aides possibles sur le financement, sur les lois, on les guide beaucoup là-
dedans.
Y a-t-il des retours sur le vécu de la situation de la part des personnes et leur famille ?
Oui, c’est vrai qu’il y a pas mal de choses qui se jouent parce que souvent, c’est quitter leur domicile où ils ont vécu.
Cette génération a très peu bougé, donc leur domicile en général c’est un peu toute leur vie donc du coup c’est
compliqué pour eux de faire le deuil de ce domicile, c’est un cap à passer. Souvent, il y a des choses qui ressortent
vis-à-vis de ça et surtout dans l’entourage. Des fois, le financier est source d’angoisse, pour payer les frais
d’hébergement donc des fois il y a des vieilles choses qui ressortent dans les fratries, donc on est amené à faire
beaucoup de médiation familiale, de plus en plus quand même. Mais, en général, ça se passe.
Voyez-vous des choses à ajouter autour de ce sujet ?
On essaie de respecter le plus possible le souhait du patient, quand c’est possible. Une entrée en EHPAD peut être
vécu difficilement par les patients forcément, mais on essaie, je pense, ici, de les accompagner au mieux et de leur
faciliter cette prise de décision et ce cap qui est à passer.
XX
Annexe 12 : Grille d’entretien psychologue
1
Présentation
Pouvez-vous vous présenter brièvement sur le plan professionnel ?
- Année du diplôme
- Temps de pratique dans la structure
- Formations éventuelles
- Expérience professionnelle
2
Obstacles
au retour à
domicile
Lors de vos rendez-vous avec les personnes et leurs familles, quels éléments
vous rapportent-elles comme complexifiant le retour à domicile au point
qu’ils en viennent à se questionner sur une possibilité d’entrer en institution
?
- Quelles sont les difficultés qu’ils rencontrent à domicile ?
- Pourquoi préfèreraient-ils une entrée en institution au retour à domicile ?
3
Mesures
Objectivation
Avis
Eléments de
diagnostic
Qu’est-ce qui leur permet concrètement de mettre en avant, de repérer les
difficultés ?
- Quels constats font-ils ?
- Par quels biais prennent-ils conscience des difficultés ?
4
Communication
en équipe
Quelles visions ont les proches du travail des professionnels à ce propos ?
- Comment perçoivent-ils le travail des professionnels ?
- Que pensent-ils de la qualité du travail des professionnels ?
5
Communication
avec la personne
et ses proches
Que pensent la personne et ses proches de l’abord de cette question par les
professionnels de santé de la structure avec eux ?
- Trouvent-ils que le lieu et le temps qui y sont dédiés est correct ?
- Quels professionnels l’abordent avec eux ?
- Qu’est-ce qui est important pour eux dans cet échange ?
- Ont-ils le sentiment d’être écoutés, entendus ?
6
Accompagnement
et communication
Est-ce que les personnes se sentent accompagnées par les professionnels de
santé de l’équipe ? Si oui, en quoi ?
- Par quel(s) moyen(s) se sentent-ils accompagnés ?
- Qu’est-ce qui les aide à cheminer ?
- Comment vivent-ils ce temps de prise de décision ?
7
Complément Avez-vous des choses à ajouter sur le sujet ?
XXI
Annexe 13 : Entretien avec la psychologue (P)
Alice : Pouvez-vous vous présenter brièvement sur le plan professionnel ?
Psychologue : Je suis psychologue clinicienne, je travaille ici depuis 25 ans. J’ai commencé ma carrière de
psychologue à temps partiel dans l’établissement présent et j’étais aussi à temps partiel dans un EHPAD, qui ne
s’appelait pas encore EHPAD à l’époque, qui était une résidence pour personnes âgées. A un moment mon temps ici
est devenu trop important pour que je puisse garder les deux travails, et j’ai choisi ici parce que la clinique y était plus
variée qu’en EHPAD, du fait que je rencontre des gens en rééducation, en médecine, en soins palliatifs. Enfin, à
l’époque en soins palliatifs, maintenant j’ai une collègue dans ce service-là. C’était beaucoup plus varié et je trouvais
la clinique intéressante et puis l’établissement et l’institutionnel étaient intéressants aussi.
Quand une décision d’institutionnalisation est réfléchie, quels éléments sont rapportés par les personnes et
leurs familles comme pouvant complexifier le retour à domicile ?
Quand je vois les patients dans ce cadre-là, moi ce n’est pas de les orienter vers un endroit ou un autre, vers une
institutionnalisation ou un retour à domicile par exemple. Mon rôle à moi, c’est d’essayer que la personne se repère le
mieux possible là où elle en est, au niveau de la santé comme au niveau du moral et qu’elle réfléchisse à l’avenir elle-
même, pas influencée par les uns ou les autres. C’est important qu’il y ait des gens qui conseillent, le médecin peut
conseiller, l’ergo peut conseiller, le kiné peut conseiller, l’assistante sociale peut conseiller. Le psychologue peut
donner des conseils si on lui en demande mais son premier rôle ce n’est pas de conseiller puisque à priori on ne peut
pas savoir ce qui est bon pour la personne d’emblé. Ce qui est bon pour un patient n’est pas bon pour un autre. Deux
patients qui ont exactement la même pathologie, qui par exemple ont une hémiplégie grave et ne peuvent plus
marcher, et ils habitent tous les deux une maison à étage. Pour les deux, les médecins auront peut-être tendance à dire
« retour à domicile impossible », et en fait si ça se trouve pour l’un des deux ce sera possible parce que pour lui c’est
plus important d’être chez lui que d’être dans un lieu facilement accessible. Et donc le rôle du psycho, c’est plus
d’essayer de contraindre la personne et de l’aider à prendre la décision qui lui ressemble tout en s’assurant qu’il a
bien saisi les risques qu’il prend en choisissant telle ou telle option. Qu’est-ce qui peut faire que ça complique
l’entrée en EHPAD ? Pour moi le plus compliqué c’est quand toute la famille insiste, tous les enfants par exemple,
insistent pour que la personne entre en EHPAD pour sa sécurité. Parfois, c’est quand la sécurité d’esprit de la famille,
ou parce que effectivement, il y a des gens qui sont tellement angoissés pour leur parent qu’ils n’arrivent plus à vivre.
Ce qui est compliqué, c’est quand les enfants poussent à l’entrée en EHPAD, et que le parent n’y est pas prêt ou il ne
le veut pas, ça arrive. Il y a aussi, ce qui complique les choses, les enfants qui font toutes les démarches sans prévenir
leur parent et puis une fois que tout est prêt on prévient les parents. Mais les enfants eux-mêmes il leur a fallu du
temps pour se faire à l’idée que leur parent allait entrer en établissement, c’est déjà un long cheminement souvent
chez les enfants avant. Une fois qu’ils ont fait ce cheminement-là, ils lancent les démarches, et puis une fois que les
démarches sont commencées, là ça y est, ils sont sûrs que c’est le bon projet, et quand ils sont sûrs que c’est le bon
projet, ils en parlent à leur parent. Et là les parents, ils sont censés adhérer tout de suite le projet et dire « Ah bah en
effet tu as raison, c’est ça qu’il me faut ». Sauf que dans la vraie vie ça ne se passe pas comme ça. Les parents ont
aussi besoin de temps pour cheminer, pour faire leur propre projet. C’est difficile quand la personne, première
concernée, n’est pas dans la boucle dès le début.
Quelles situations concrètes repèrent la personne et ses proches comme difficultés au retour à domicile ?
Très souvent les enfants, la famille, craignent la chute, que la personne tombe et reste par terre, que la casserole soit
oubliée sur le feu. C’est beaucoup de craintes. Les patients eux-mêmes ont parfois ces craintes-là aussi mais c’est pas
du tout la majorité des cas. Très souvent, il y a un genre de « pensée magique » chez les patients qui pensent que,
quand ils vont retourner chez eux, ça ira mieux. Et c’est magique, aussi, car revenir chez eux, ce sera comme avant.
Mais souvent, un déni de leur capacité moindre qu’avant. Alors que les enfants, souvent ils se rendent mieux compte
des difficultés, parfois même ils les majorent. Parfois, comme ils voient leur parent à l’hôpital, ils l’imaginent
totalement incapable de retourner à la maison alors que dans bien des cas, c’est possible quand même. Il y a toute une
différence entre l’état réel et l’état ressenti/vécu. On voit des gens qui sont complètement paralysés dans leur lit, ça
m’arrive de rencontrer des patients paralysés, et qui pestent parce qu’on ne les fait pas marcher, et pour eux, s’ils ne
marchent pas, ce n’est pas parce qu’ils sont paralysés, c’est parce qu’on ne les laisse pas marcher. Ce déni-là, pour le
retour à domicile, il peut tout à fait être opérant, les gens peuvent tout à fait vouloir rentrer à la maison alors qu’ils ne
peuvent même pas se lever, qu’ils ne peuvent pas s’habiller, qu’ils ne peuvent même pas manger seul quelques fois,
mais ils n’en ont pas conscience. Là, c’est les situations les plus difficiles, quand ces gens-là, on parle d’une entrée en
établissement. Ils ne sont pas du tout prêts à rentrer au moment où c’est évoqué.
Quelle vision ont les personnes et leurs proches du travail réalisé à ce propos par les professionnels ?
Je ne sais pas… Il arrive quelques fois, que les gens soient un peu, persécutés on va dire, et qu’ils voient tous les
professionnels comme une grosse mafia qui veut leur prendre leurs sous et donc il y en a qui s’imaginent des trucs
vraiment à la marge et c’est pathologique du coup, au niveau psychiatrique, qui s’imaginent que le médecin du
service, en rééducation par exemple, il va toucher des sous si la personne entre en maison de retraite. Quelques fois ça
m’est arrivé d’entendre ça, c’est assez rare. Sinon en rééducation, ici, là, en général, il y a une relation de confiance
entre le médecin, tous les médecins de rééducation, et les patients. Donc en général les patients sont en confiance,
confiance en le médecin, en l’équipe, ils voient bien que tout y est réfléchi pour leur bien. Mais quelques fois, je me
suis rendue compte qu’il y a toute une démarche. Enfin, je reviens un petit peu au point précédent, des obstacles,
quelques fois il y a toute une démarche qui est faite dans le service, avec le patient, avec sa famille. Mettons, on est
XXII
en mars, là, maintenant, et la décision est prise qu’il n’y aura pas de retour à domicile parce que la rééducation ne
laisse pas espérer suffisamment d’indépendance pour la personne après. Et puis la rééducation se passe, donc avril,
mai, moi, ça m’arrive de voir les gens en mai, et puis de leur dire : « pour la suite, vous voyez ça comment ? », « Ah
bah, il était question de maison de retraite mais on en parle plus ». Et dans le dossier du patient, qui dit « devenir
EHPAD », donc, c’est clair pour tout le monde, donc on en parle plus, parce que c’est clair, on a l’impression que
c’est acté. Et en fait, non les patients, très souvent ça j’ai entendu très souvent, « oui, on en parlait mais on en parle
plus », comme si ce n’était plus à l’ordre du jour. Donc le travail à faire, c’est vraiment, à partir du moment où c’est
acté, ce choix-là, à chaque réunion de synthèse, le rappeler : le devenir, donc « on s’oriente vers une entrée en
établissement », que ce soit redis à chaque fois. Et puis, les démarches qui ont été faites, les inscriptions, les
réponses, les refus, vraiment tenir la personne au courant. En gériatrie, on a quelques fois le tort de s’adresser aux
familles, plutôt, pour le côté administratif et du coup les patients eux-mêmes, ils sont tenus en dehors de ce qui les
concerne au premier plan. Ça, c’est une chose à laquelle il faut faire attention aussi, de pas donner en premier les
informations aux familles, ou pas les donner seulement aux familles.
Les personnes, leurs proches, ont-il le sentiment d’être écouté, entendu ?
Je crois, oui.
Les personnes, leurs proches, se sentent-ils soutenus par l’équipe ?
En rééducation, oui, en tout cas, moi, ce que je vois là, ils ont vraiment un grand soutien des équipes. D’ailleurs, ce
matin, j’ai vu un monsieur, je regardais sur son tableau Velléda, il avait au moins quatre activités dans la journée, il
avait vraiment beaucoup d’activités, un agenda de ministre et il me dit : « oui, c’est important pour ne pas se
renfermer ». Donc, lui, il ne voyait même pas, l’intérêt de la rééducation, ce qu’il mettait en avant c’était d’aller voir
les autres, d’être pris en charge par exemple… C’est quelque chose qui compte beaucoup pour eux. Et s’ils sont en
rééducation, justement, ils ont une prise en charge importante. Ceux qui sont en soins de suite, ils ont une prise en
charge, ici, par les kinés par exemple, mais beaucoup moins importante, ils ne vont pas sur les plateaux techniques en
général, ils n’ont pas la balnéo. Ils ont sans doute moins l’impression qu’en rééducation… En rééducation ils ont
l’impression qu’on fait tout ce qui est possible pour qu’ils récupèrent de l’autonomie, donc s’ils n’en récupèrent pas
suffisamment pour rentrer chez eux, au moins ils auront l’impression que tout aura été fait pour qu’ils puissent, quand
même.
Et pour les personnes étant en SSR ?
Ceux qui sont en soins de suite, c’est là que je rencontre parfois ceux qui disent : « je ne marche pas parce qu’on me
lève pas », non ça c’était en médecine que ça m’était arrivé. S’ils vont en soins de suite, c’est que les médecins
rééducateurs, quand ils ont fait leur visite, ils ont estimé que la personne n’allait pas pouvoir récupérer suffisamment,
et donc elle ne ressortait pas de rééducation. Enfin, soit ils en ont pas besoin, soit leur AVC par exemple est trop
massif, et de toute façon en rééducation, on ne pourrait rien faire. Donc, ils vont quelques fois en soins de suite en
attendant de rentrer en établissement. Pour eux, c’est plus difficile, parce qu’ils ont très peu de temps pour se faire à
l’idée qu’ils ne sont plus valide, et qu’ils ne vont plus pouvoir vivre la même vie qu’avant et en plus ils ne vont même
pas pouvoir réintégrer leur logement.
En quoi le soutien des équipes est important pour la personne et ses proches ?
Le soutien des équipes est très très très important. Notre souci actuel, en gériatrie, et éventuellement dans un autre
établissement, vous avez vu les informations, c’est que les soignants ont moins de temps qu’avant à consacrer aux
patients. Et ça se ressent, et ils se sentent soutenus mais ils se plaignent la plupart du temps que tout le monde soit
pressé ou qu’on n’ait pas assez de temps à leur consacrer.
Comment vivent-ils concrètement ce temps de prise de décision ?
C’est un choix difficile à faire parce qu’ils savent ce qu’ils perdent mais ils ne savent pas ce qui les attend. Et ça
arrive à tous les âges de la vie mais quand ça nous arrive à 90 ans, c’est d’autant plus douloureux. Ils y a ceux qui ont
peur de perdre leur liberté, ils y a ceux qui aimaient bien trainer au lit le matin et voilà, ils vont être obligés de se
lever tous les matins, enfin c’est des idées qui se font du moins, parce qu’il y a des EHPAD qui sont beaucoup plus
souples que ça. Très récemment, j’ai vu une dame, je ne sais plus quel âge elle avait, un grand âge déjà, autour de 90.
Elle vit en résidence sénior pour le moment, elle a fait un accident de santé et elle a perdu son indépendance, et du
coup elle a décidé d’aller en EHPAD. Et elle me dit l’autre jour : « je veux aller en EHPAD, mais il faut me trouver
un EHPAD bien », et je lui ai demandé ce qu’elle entendait par bien, et la première phrase qu’elle m’a dite : « où il y
a pas trop de vieillards ». Et puis, j’ai laissé dire, elle a entendu ce qu’elle venait de me dire, et puis elle dit « j’en suis
une vous me direz », mais elle, elle ne se considère pas du tout comme vieillarde, mais là son pépin de santé, ça
survient alors qu’elle a jamais eu trop de problème de santé donc elle s’est pas vu vieillir. Mais du coup d’être arrivée
là, pour elle c’est une horreur, alors qu’elle a la moyenne d’âge des gens qui rentrent en EHPAD. Donc, peur d’être
entouré de vieux, peur de perdre la liberté, la souffrance de ne plus pouvoir recevoir toute la famille, de ne plus
pouvoir faire les repas de famille, de ne plus pouvoir recevoir à noël pour les familles pour qui c’est important.
Quand les enfants habitent loin, les gens souvent ils les logent chez eux, après quand il y a plus la maison, on va
prendre la maison de retraite. On ne peut plus loger les enfants, les petits-enfants, c’est un sacrifice de beaucoup de
choses à faire. On ne peut plus faire sa propre cuisine… Ils commencent par voir tout ce qu’ils vont perdre, la seule
qu’ils voient en général qu’il vont gagner, c’est la sécurité, par rapport au domicile, le fait d’avoir toujours du monde,
de pouvoir appuyer sur une sonnette et d’avoir quelqu’un qui arrive, de pas être tout seul la nuit... Ça, c’est l’avantage
qu’en général, ils arrivent à voir, mais tous les autres avantages, ils les voient pas du tout : la vie sociale qui va être
XXIII
possible en maison de retraite par exemple. Ils ne la voient pas du tout, ils n’arrivent pas à l’imaginer. Ils
commencent par voir ce qu’ils vont perdre. Et mon rôle à moi, en tant que psychologue, c’est aussi d’essayer de voir
ce qui est important pour eux, parce que quelques fois, il y a des gens qui sont très sociables, qui aiment bien les uns,
les autres, je leur fait entrevoir qu’en maison de retraite ça va être plus facile de faire connaissance avec des
personnes, de se lier, s’ils ont envie d’être seul, ils restent dans leur chambre, s’ils ont envie de voir du monde, il leur
suffi de sortir dans la salle où il y a tous les autres. Par contre, il y a des gens, c’est des sauvages, ils n’aiment pas le
monde, ils n’aiment pas les autres, ceux-là, c’est peut-être important d’essayer de leur trouver autre chose qu’un
EHPAD, les familles d’accueil par exemple, c’est très peu connu, il y en a pas beaucoup en Ille-et-Vilaine, mais il y
en a quand même, et ça peut convenir tout à fait à des gens qui ont besoin d’une vie de famille. Ceux-là, il ne faut pas
les envoyer dans un EHPAD où ils vont se laisser mourir.
Comment les proches de la personne vivent la prise de décision d’institutionnalisation ?
Ça dépend des familles. Il y en a qui culpabilisent parce que leur parent leur avait fait promettre : « jamais, il me met
dans un mouroir ». Il y en a d’autres qui font ça vraiment par conscience, parce qu’ils veulent absolument que leur
parent soit bien, qu’il soit en sécurité… Il y en a qui freine des quatre fers parce que ça va coûter des sous et que les
parents n’ont pas forcement les moyens, et alors, soit ça va entamer l’héritage, soit ça va faire marcher l’obligation
alimentaire, et donc il y a des enfants qui trouvent insupportable de devoir payer une part de la maison de retraite de
leur parent. C’est très varié, il n’y a pas de famille type.
Avez-vous des choses à ajouter sur le sujet ?
Ce que je conseille souvent aux patients qui se tâtent ou qui se font des idées, qui ont des préjugés ou qui idéalisent
l’entrée en EHPAD… Je leur parle d’hébergement temporaire, comme ça ils peuvent aller sur place et puis juger par
eux-mêmes si c’est quelque chose qui peut leur convenir ou pas. Et puis aussi, ce que je leur dit, c’est que c’est
important de trouver l’EHPAD qui leur correspond à eux, puisque chaque EHPAD a sa philosophie, pour son
ambiance… C’est important que les gens aillent dans un lieu où ils vont se sentir bien. Je vois quelques fois des
familles, des enfants par exemple qui ont bien réussi, qui sont médecins, notaires, qui ont des très bonnes situations,
avec des parents d’origine modeste, qui se sont saignés aux quatre veines pour leur permettre de faire des études, et
en remerciement, ils vont les faire rentrer dans un établissement privé qui va coûter 4000€ par mois, et en fait ces
gens-là, d’origine modeste, ils ne sont pas du tout à l’aise dans cet EHPAD-là, et ils passent leur temps à raser les
murs, parce qu’ils ont honte, donc c’est pas du tout un cadeau à leur faire. Et à l’inverse, le monsieur qui a eu une
situation haut placé dans sa vie, qui vient dans un EHPAD en pleine campagne pour se rapprocher de ces enfants par
exemple, qui va être environné d’agriculteurs… C’est une autre culture, ce n’est pas du racisme de dire ça, mais c’est
bien que les gens choisissent un EHPAD où ils vont pouvoir rencontrer des gens avec qui ils ont des affinités. Je dis
pas que l’ancien pharmacien il ne va pas en avoir avec l’agriculteur mais ils n’ont pas du tout eu le même passé à
partager, des choses comme ça. Il ne faut pas voir l’EHPAD comme quelque chose, c’est pas du tout partout le
même, c’est important de visiter les EHPAD, de lire leur projet d’équipe, de comprendre leur projet de soin, de voir
s’ils respectent vraiment la résidence comme un domicile ou s’ils la prennent plutôt comme une annexe d’un hôpital.
Il y a des gens qui souhaitent que ce soit l’annexe d’un hôpital, parce qu’ils ont besoin de la sécurité médicale donc il
y a des EHPAD qui ont un système très hôpital qui convient tout à fait à un certain type de patient, qui correspondra
pas du tout à un autre. Ce qui est important aussi c’est qu’ils comprennent qu’ils sont en location, et que si ça ne leur
plaît pas, ils peuvent changer parce que souvent ils disent « c’est la fin, c’est ma dernière demeure », mais non, vous
êtes locataires.