10
1 Bull. SOC. Chim. Bclg., 58, pg. 450-459, 1 fig., 1949 [ Contribution B 1’6tude du mhcanisme de la catalyse hdt6rog8ne L’ACTIVATION DE L’AZOTE PAR LE FER ET LE NICKEL por M. D’HONT et J. c. JUNGERS (Louvoin) R~suM~. - Divers arguments conduisenl A admcttre que c’est I’w- tivntion de l’azote mol6culaire qui ronslitue ]’&tape difficile dans la synth6se catalytique de I’ammoniaque par Ie fer ou le nickel. Dam ce tra- vail on a montre qu’on peut obtenir de l’ammoniaque dPs la tempCrature de GOo C par hydrogenation des complexes produits par adsorption des- tructive de I’acide cyanhydrique sur ces catalyseurs. On constate, en outre, que le carbone se desorbe sous forme de methane d6s la temp& rature de 140” C dans le cas du nickel, mais seulement vers 400° C pour le fer. Ces observations permettent de rendre compte du comportement de ces catalyseurs dans d’autres r6actions. Introduction On a recours aux catalyseurs pour activer les transforma- tions chimiques et plus pnrticulibrement, dans les cas oa les possibilites de reaction sont multiples, pour en favoriser plus specialement une. Le choix du catalyseur relbve cependant encore dans une trhs large mesure de I’empirisme. On R toutefois dBj& classifie les substances suivant leur activitd hydrogenante, dhshydratante, etc. et on peut, en se basant sur l’analogie chimique, choisir, pour effectuer une reaction dbterminke, le catalyseur le plus approprie d’une s6rie. On peut Bgalement fixer le choix grhce au principe qu’un catalyseur, qui active une reaction donnee, ne dBplace pas l’hquilibre chimique et qu’il favorise par consequent aussi la reaction inverse. Cette rhgle, qui se montre particu- librement utile dans la recherche de catalyseurs pour des rhc- tions qui se pr&tent difficilement A une Btude expBrimentale directe (synth8se de l’ammoniaque, du mbthanol, etc.) , doit cependant &re appliqube avec circonspection, car il n’existe pas de parallelisme rigoureux dam l’activation des deux pro- cessus antagonistes.

Contribution à l'étude du mécanisme de la catalyse hétérogène: L'Activation de l'Azote par le fer et le Nickel

  • Upload
    m-dhont

  • View
    216

  • Download
    3

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Contribution à l'étude du mécanisme de la catalyse hétérogène: L'Activation de l'Azote par le fer et le Nickel

1 Bull. SOC. Chim. Bclg., 58, pg. 450-459, 1 fig., 1949 [

Contribution B 1’6tude du mhcanisme de la catalyse hdt6rog8ne

L’ACTIVATION DE L’AZOTE PAR LE FER ET LE NICKEL

por

M. D’HONT et J. c. JUNGERS (Louvoin)

R ~ s u M ~ . - Divers arguments conduisenl A admcttre que c’est I ’ w - tivntion de l’azote mol6culaire qui ronslitue ]’&tape difficile dans la synth6se catalytique de I’ammoniaque par Ie fer ou le nickel. Dam ce tra- vail on a montre qu’on peut obtenir de l’ammoniaque d P s la tempCrature de GOo C par hydrogenation des complexes produits par adsorption des- tructive de I’acide cyanhydrique sur ces catalyseurs. On constate, en outre, que le carbone se desorbe sous forme de methane d6s la temp& rature de 140” C dans le cas du nickel, mais seulement vers 400° C pour le fer. Ces observations permettent de rendre compte du comportement de ces catalyseurs dans d’autres r6actions.

Introduction

On a recours aux catalyseurs pour activer les transforma- tions chimiques et plus pnrticulibrement, dans les cas oa les possibilites de reaction sont multiples, pour en favoriser plus specialement une. Le choix du catalyseur relbve cependant encore dans une trhs large mesure de I’empirisme.

On R toutefois dBj& classifie les substances suivant leur activitd hydrogenante, dhshydratante, etc. et on peut, en se basant sur l’analogie chimique, choisir, pour effectuer une reaction dbterminke, le catalyseur le plus approprie d’une s6rie. On peut Bgalement fixer le choix grhce au principe qu’un catalyseur, qui active une reaction donnee, ne dBplace pas l’hquilibre chimique et qu’il favorise par consequent aussi la reaction inverse. Cette rhgle, qui se montre particu- librement utile dans la recherche de catalyseurs pour des r h c - tions qui se pr&tent difficilement A une Btude expBrimentale directe (synth8se de l’ammoniaque, du mbthanol, etc.) , doit cependant &re appliqube avec circonspection, car il n’existe pas de parallelisme rigoureux dam l’activation des deux pro- cessus antagonistes.

Page 2: Contribution à l'étude du mécanisme de la catalyse hétérogène: L'Activation de l'Azote par le fer et le Nickel

MECANISME DE LA CATALYSE HBTBROGBNE 45 1

I1 semble cependant possible de progresser encore dans l’analyse du ph6nomene catalytique et de dBterminer la cause de l’nctivitd ou de l’inactivitc? d’une substance envers line &action donn6e.

On peut, en effet, concevoir la transformation chimique comme r6sultant de la rupture de certains liens chimiques sui- vie de la formation de liaisons nouvelles. Pour qu’un cataly- seur soit efficace il faut qu’il soit capable d’activer toutes les liaisons impliqu6es dans la reaction consider6e.

C’est ainsi que tous les metaux employes en catalys,e sont actifs envers la liaison H-H ; c’est ce qui ressort de leur action dans l’hydrog6nation en general et, en particulier, dnns la reaction d’6change H2+D2=2HD, qui se reduit ?i la rup- ture suivie de la formation de liaisons de meme nature. Mais si les m6taux sont des catalyseurs hydrogenants, ils prBsentent cette propri6te A des degr6s divers : alors qu’ils sont tous d’une grande efficacitB dans l’hydrog6nation de la liaison BthylE- nique, seuls le fer, le nickel et le cobalt ont une activitB mar- quCe envers la liaison c-C qui doit &re rompue pour trans- former par exemple 1’Cthane en mbthane. Ces trois m6taux sont Bgalement capables de r6duire les oxydes de carbone en mbthnne, tandis qu’avec le cuivre la rdduction se limite, dans les conditions opkratoires approprihes, au stade methanol ; le platine ne pr6sente pratiquement aucune activitt! Z i cet Bgard.

L’activation de la liaison N G N est plus spkcifique encore ; en effet, parmi les catalyseurs courants, seul le fer a la pro- priBtB d’activer cette liaison et joue, de ce fait, un ri3le p i - mordial dans la synthese de l’ammoniaque ; le nickel qui pr6- sente par ailleurs une grande analogie avec le fer est incom- parablement moins actif ?i cet Bgard.

La rupture et la formation des liaisons chimiques impli- quent cependant, comme stade interm&diaire, la formation de complexes entre le catalyseur et les corps intervenant dans la reaction. I1 faut, pour qu’un corps presente des propriBtPs catalytiques, qu’il forme des complexes de stabilite appcopriBe, en concentration suffisante et ?i une vitesse convenable pour donner lieu ?i une reaction observable.

La formation de ces complexes par adsorption activ6e est un ph6nomhe qui r6pond aux lois de la thermodynamique et de la cin6tique dgissant les r6actions ordinaires.

Si le complexe est trop instable il ne se forme qu’en quan- tit6 insuffisante pour donner lieu la r6action, tandis que s’il est trop stable il ne donnera pas lieu ?i une transformation ultCrieure, soit parce que la substance fix6e ne permet plus aux

Page 3: Contribution à l'étude du mécanisme de la catalyse hétérogène: L'Activation de l'Azote par le fer et le Nickel

452 M . U’HONT ET .I. C . J U W E R S

autres reactifs l’acchs au catalyseur, soit parce qu’elle prh- sente une affinitd plus grande pour le catalyseur que pour ses partenaires de reaction.

I1 faut encore que le complexe clue donne le catalyseur avec les reactifs se forme, et que le complexe qui en rCsulte par reaction se detruise, B une vitesse suffisante pour entretenir la transformation. Ceci revient A dire que l.’adsorption ne doit pas poser des conditions Bnergeticlues ou stkriques trop s6vbres.

On peut certes influencer l’adsorption en modifiant la pression ou la temperature. Mais comme l’adsorption est par nature exothermique, une elevation de temphrature r6duit le coefficient d’adsorption ; cet effet nhfaste peut l’emporter sur l’exaltation de la vitesse et une substance ne presentera alors prntiquement plus d’activit6 catalytique.

On congoit qu’il doit y avoir une certaine analogie entre la substance prise dans son 6tat normal et sous forme cataly- tique. C’est ainsi que les m6taux tels le fer, le nickel et le cobalt qui forment des carbures, doivent A leur affinitd pour le carbone leur aptitude craquante trks marquee et, en vertu du principe de dversibilit6, leur activite dans la synthkse des hydrocarbures. D’autre part, le cuivre par exemple, dont le car- bure (nc6tylure ?) est instable, est incomparablement moins actif a cet Bgard. L’innctivitB du nickel envers l’azote molecu- laire se rattache intimement B l’instabilit6 de son nitrure. On voit qu’il existe aussi une trks large gamme dans la stabilit6 des oxydes, pir exemple : certains sont instables et agissent comme oxydants dbs la temperature ordinaire, d’autres ne chdent leur oxygkne qu’B temphrature plus ClevCe, d’autres enfin ne peuvent &re rPduits que par les moyens les plus energiques.

On congoit aussi en ce qui concerne les substances en reaction , qu’elles peuvent presenter divers modes d’adsorption . Le fait qu’A basse temperature 1’Cthylhne n ’est hydroghk qu’en ethane indique que dans ces conditions cette molecule est fixee au catalyseur par simple addition, tandis qu’d haute temperature elle s’hydrogbne en methane du fait d’une adsorp- tion dissociante prealable. On congoit que de m&me qu’il existe une gamme continue dans la nature de la liaison chimique, de m&me l’adsorption de substances complexes peut prhsen- ter une gradation dont les exemples pr6cBdents sont des C R S

extrbmes : suivant le catalyseur l’adsorption d’une substance sera de l’un ou l’autre type. Ainsi on peut admettre que sur le nickel, oh il s’hydrogbne en mhthane, l’oxyde de carbone se dissocie pour donner un carbure et un oxyde qui, par rCac-

Page 4: Contribution à l'étude du mécanisme de la catalyse hétérogène: L'Activation de l'Azote par le fer et le Nickel

MBCANISME DE ~4 CATALYSE HMROGBNE 453

tion avec l’hydroghe, donne naissance au methane et A l’eau; dans le cas du cuivre, oh la rhotion se limite au methanol, I’oxyde de cnrbone ne subit qu’une adsorption par addition.

* * * I1 semblait inthessant d’etudier d’une manihre plus appro-

fondie le comportement de divers complgxes fournk par’ des’ catalyseurs caracteristiyues. C’est ainsi que dans ce travail nous avons CtudiC l’hydrogknation des complexes MCtal-N ))

et (( MCtal-C )) form& par adsorption de l’acide tyanhydrique sur de nickel et le fer : on constate que sous l’alction de l’hy- droghe l’azote se dCgage (sous forme d’ammoniaque) A une temphture plus basse que le carbone (mbthane).

Cette Ctude permet d’expliquer la sp6cificitC de certains catalyseurs et de pdvoir leur comportement dans des rCactions dCterminCes.

Etat de la queetion

On dispose d’un faisceau de renseignements, sur le com- portement du fer envers les molCcules impliqubes dam la syri- these de l’ammoniaque, qui permettent de prCciser dans le detail le mCcanisme de cette catalyse. On sait qu’A tempbrature normale dbji, il se produit entre I’ammoniaque et le deutCrium un Bchange d’atomes qui indique que le fer est h mQme de former et de rompre les liaisons N-H et H-H ou D-D ( I ) .

L’Bchange entre les molkcules isotopiques de l’azote ne se r6a- lise par contre qu’h des tempkratures beaucoup plus 61e- vCes ( ‘ 8 ’* ‘) . Ces arguments et d’autres ( 5 ) conduisent A admettre que c’est l’activation de la liaison N G N qui est le processus limitatif et impose les tempdratures blev6es nBces- saires pour la synth&se de l’ammoniaque. On en arrive ainsi i la conclusion que si on pouvait fixer sur le fer des atomes par la rupture d’une liaison plus rCactionnelle que celle exis- tant dans l’azote molkulaire, il serait possible de produire de l’ammoniaque h des tempdratures notablement plus basses. Pour obtenir ces atomes d’azote nous nous sommes adressBs A

( l ) JUNGERS et TAYLOR, J . Am. Chem. Soc . , 57, 660 (1935). (a) JORIS et TAYLOR, J . Chem. Phys. , 7 , 893 (1939). (a) TAYLOR (Colloque szzr I’adsorption et la cinktique hCtdrogPne,

(9 EMMEIT, ibid. (s) EMMFZT et BRUSA~WR, J . Am. Chem. Soc., 55, 1738 (1933).

Lyon, 1949).

Page 5: Contribution à l'étude du mécanisme de la catalyse hétérogène: L'Activation de l'Azote par le fer et le Nickel

454 M. D’BONT ET J . c . JUNGERS

la liaison C r N . La reaction comportera de ce fait un atome de carbone qui se transformera Cventuellement en methane et il sera possible de comparer la stabilite des complexes -Fe-N et -Fe-C. Nous avons choisi cornme produit de depart l’acide cyanhydrique ; il peut parattre plus indiqu6 de recourir au cyanoghe qui ne contient pas d’hydroghe, mais il est d’une manipulation moins aide ; par ailleurs comme les

FIG. 1. - Reaction d’echange entre le deuterium (22 cm) et I’ammoniaque (6 cm) &. temperature ordinaire sur le nickel :

a) Z=M) cm ; b) I =10 cm.

catalyseurs contiennent toujours aprbs reduction des quanti- t6s notables d’hydrogbne cette mesure eat 6tB illusoire.

Le nickel, qui prhsente dans un grand nombre de r6ac- tions une analogie assez marquee avec le fer, se r6vBle un catalyseur mediocre pour la synthhse de I’ammoniaque ; il est vraisemblable que ceci resulte de son inactivite envers la liaison N r N . On sait, en effet, que le nickel est trbs efficace pour activer 1’6change entre l’hydrogbne et le deuterium et nous avons pu montrer qu’il catalyse Cgalement 1’6change entre l’ammoniaque et le deuterium d8s la tempCrature ordi- naire. La figure 1 montre le resultat de cet Cchange : dam le

Page 6: Contribution à l'étude du mécanisme de la catalyse hétérogène: L'Activation de l'Azote par le fer et le Nickel

MBCANISME DE LA CATALYSE HETEROGBNE 455

spectre on voit les bandes d’adsorption des molbcules substi: tu6es (NH,D, NHD2, ND,) apparattre quelques heures aprBs l’admission de deutbrium et il semble m&me que le nickel soit un catalyseur plus actif que le fer dans cette reaction. On arrive donc ici encore B la conclusion que si on pouvait fixer dee a t o m d’azote sur 1e catalyseur h partir d’une molhcule suffisamment reactionnelle ils fourniraient aisbment de l’am- moniaque.

On peut bgalement prhvoir quel sera le comportement du nickel envers le carbone. On sait en effet que c’est vers 150” C que le nickel catalyse la formation de methane tant B partir des hydrocarbures qu’B partir des oxydes de carbone ; on peut donc prCsumer que c’est Cgalement vers cette temperature que le carbone fix4 Be dbgagera sous forme de mbthane.

Pour verifier ces diverses conclusions nous avons fix6 sur le fer et le nickel une certaine quantitC d’acide cyanhydrique B une tempbrature suffisamment ClevCe pour rhaliser une adsorption dissociante et nous avons soumis le catalyseur ainsi chargC B l’action de l’hydrogbne.

Rdsultats exphrimentaux et conclusions

L’appareil employe dans ces expCricnces se compose d’un systhme de rbervoirs, d’une chambre B reaction et d’un dispositif pour l’analyse des produits.

Le systhme de reservoirs comporte des recipients contenant les reactifs et une burette gradube qui permet de mesurer les quantius de gaz soumis B la reaction. La chambre B reaction est munie d’un mano- metre qui indique 1’Bvolution de la reduction. L’appareil d’analyss permet de prelever un Cchantillon du melange en reaction, de le mesu- rer, de 1e soumettre B divers reactifs et de determiner le volume des gaz restants et des produits form&.

Le nickel employe comme catalyseur dans ces experiences fut p d - par6 B partir d’oxyde precipite sur la pierre ponce par action de I’am- moniaque sur le nitrate; l’oxyde, lave et s6ch6, est reduit II 2500 C d’abord, B 300” C ensuite.

Le fer a BU obtenu par reduction d’un oxyde (+ Al,O,.K,O) destine B la synthhse industrielle de l’ammoniaque (Casale).

A. Le nickel

Plusieurs dries d ’expbriences, effectudes dans dee condi- tions diffbrentes ont fourni des resultats comparablee qui seront illustrbs par un exemple caracthristique h t lee don- n6es figurent dans le tableau I (*). Comme la reaction se pro-

(*) Lei premiers resultats de cette sCrie ont BtB obtenus par L. Haven (t 11 mai 1944, Louvain).

Page 7: Contribution à l'étude du mécanisme de la catalyse hétérogène: L'Activation de l'Azote par le fer et le Nickel

456 M . D’HONT ET J . c . JUNGERS

duit h volume constant les quanlitds de produits intervenant dans la r6action sont exprimees par leur pression ramenhe RUS

conditions normales. lJne certaine quantit6 d’acide cyanhydrique (30 cm de

Hg) fut admise ZI 210°C sur le catalysew. A p e s 30 minutes on Bvacue B 175” C le gaz rdsiduel. Sur le catalyseur ainsi 1x6- pard on admet successivement diverses charges d ’hydrogene (30 cm) (colonne 1) & des temperatures croissantea (co- lonne 2) . Apres un certain temps (colonne 3) les produits sont 6limin6s et soumis B l’analyse.

TABLEAU I

Uur6c de Cuiiiponitiuii du iii61niigv

en lieurrs NHJ CH4 Hz N’ de 1s charge ’P C 1s ductiuu O/o eii voluiiie

1 2 3 4 5 6 7 8 9

10 11

GO 80

140 140 140 140 140 175 152 220 310

1 , s 0 98.5 29 0 71 94 1 5 43 21 36 13 GO 27

7 93 0 5 96 0 7 93 0 5 95 0 2 80 18 0 90 10

On constate qu’B 60°C d6jh il se produit une lente syn- thBse d’ammoniaque. La rdaction s’acc6lbre avec la tempera- ture et l’analyse de la premibre charge d’hydroghe admise ZI 140” C r6vhle que la phase gazeuse se compose d’ammoniaque ZI raison de 94 %. Jusqu’ici le methane ne s’est produit qu’en quantit6s ndgligeables mais il gagne en importance B mesure que la reserve en azote adsorb6 s’epuise. Les diverses nuires experiences faites h des temperatures et avec des temps de con- tact diffdrents conduisent aux m&mes rdsultats. On voit donc que l’azote adsorb6 est tr&s reactionnel B 1’6gard de l’hydro- g8ne m&me h des tempdratures relativement basses ct qu’on peut l’dliminer sklectivement. On a pu verifier dans certains essais qu’on pouvait r6cupCrer quantitativement sous forme d’ammoniaque l’azote fix6 aux dhpens de l’acide cyanhydrique (exemple : HCN fix6 : 20,5 cm Hg ; WH, rdcup6r6 : 20,2).

Ces rdsultats permettent d’expliquer le comportement dri nickel dans d’autres rbactions. C’est ainsi qu’on constate qiie dans l’hyd roghation de compos6s motes, le nickel provoqtie

Page 8: Contribution à l'étude du mécanisme de la catalyse hétérogène: L'Activation de l'Azote par le fer et le Nickel

M ~ C A N I S R X I T DE LA CATALYSE H ~ T ~ ~ R O G ~ N E 457 assez facilement un d6doublement de la mol6cule en hydro- carbure et ammoniaque. En fait, c’est sur cette propri6t6 que repose la methode de dosage de l’azote organique selon Ter Meulen ; elle consiste a soumettre a l’nction du nickel \ers 300” C un mPlange du produit ZI analyser et d’hydroghne : I‘azote organique est transform6 en nmmoniaque, qui est recueilli et tit&, tandis clue le carhone et l ’oxyghe s’hliminent sons forme de m6thane et d’eau.

Les ph6nomhnes dans cette r6action s’accordent avec nos r6sultats. hiais il est frappnnt de remarquer que dans cette operation l’ammoniaque est synth6tisE A une temperature oh il est instable. En effet A 300” C la constante d’equilibre (Kp) de la r6action

N,+ 3 H, + 2 NH,

est Cgale ?a 2 . environ ; ce qui signifie que dans un melange sous pression normale il ne peut subsister clue quel- ques pour-cents d’ammoniaque 1‘6quilibre. Or, c’est prEci- s6ment parce qu’il est inactif dans la synth6se de l’ammoniaque B partir des E14ments que le nickel ne catalyse pas In reaction inverse : incapable de rompre la liaison N = N , il n’est pas non plus B m&me de la former et son action sur les composEs azot6s se limite B la formation d’animoniaque.

B. Le fer

L’esperience ciiract6risticlue p r b s e n t k dans le tableau I1 a PtC effectuee B In lumihre tles renseignements acquis par plu- $ieurs series d’essais antPrieurs et ;I 6th conduite de f q o n g faire ressortir les conclusions auxquelles elles avaient conduit.

Du fait que la transformation de I’hpdroghne est moins complbte qu’avec le nickel on n’en n employ6 que deux charges ; cette manihre d’operer a permis de suivre les fluc- tuations d a m le rendement en ammoniaque en fonction de In temp6ratiire. Au cows de la transformation de chacune des charges on a prblev6 & diverses tempPratures des Echantillons siiccessifs ( ( I , b, c, ...).

Page 9: Contribution à l'étude du mécanisme de la catalyse hétérogène: L'Activation de l'Azote par le fer et le Nickel

458 M. D’AONT ET J . c . JLTNGERS

TABLEAU I1 ~

l)u& de Cuiiipositiuu du t i i d l ~ ~ i g e

en heurrn NH3 CHI H Z X’ de la charge T’ c la rdactiuii O/o on volwno

l a 55 6 2 0 98 b 100 19 2 0 98 C 130 20 17 0 83 d 175 5 30 0 70 e 230 3 29 0 71 f 162 0,6 33 0 67

2 a 158 16 16 0 84 b 315 295 14 0 86 C 210 2 20 0 80 d 330 3 10 2 86 e 380 0,3 9

420 0,3 6 8 f 9 440 1 2 20 h 460 3 2 25 -

- - - -

Les resultats montrent que la reaction se produit dej& & temperature basse et s’acdlhre quand elle s’61bve. Les taux de transformation d ‘hydrogbne restent cependant inferieurs & ceux obtenus avec le nickel. Les analyses faites sur la deuxibme charge d’hydroghe fournissent l’explication de cette obser- vation. On voit en effet que lorsque la temperature s’klbve, la r6action rkgresse et l’ammoniaque form6 A basse tempera- ture s’adsorbe de nouveau ; la rhction est donc cette fois limithe et rdversible, la suite des mesures 2 a , b, c et d four- nit des resultats particulibrement probants & cet Bgard.

Ceci indique donc que 1’8quilibre

+ -M- (M = Fe ou Ni)

se trouve plus en faveur de l’ammoniaque dans le cas du nickel que dans le cas du fer. On pourrait tenter d’interpre- ter ce resultat en suggerant que le nickel aurait 6th relative- ment plus charge en azote que le fer ; mais en operant avec des Cchantillons de fer catalytique aussi saturBs que possible on n’a jamais pu, avec une pression en hydrogbne de 30 cm depasser le taux de 54 % , obtenu & 170“ C environ.

Ce resultat montre qu’il existe entre I’azote adsorb6 sur ces mBtaux la m&me relation qu’entre leur nitrure : la com- binaison est plus stable avec le fer qu’avec le nickel. Ceci explique Bgalement pourquoi ce dernier ne peut convenir

Page 10: Contribution à l'étude du mécanisme de la catalyse hétérogène: L'Activation de l'Azote par le fer et le Nickel

MBCANISME DE LA CATALYSE HETER~CBNE 459

dans la synthhse de l’ammoniaque B partir des elements. Pour adsorber l’azote sur le nickel B une vitesse acceptable, il faut r6aliser des temperatures Blevkes telles que l’equilibre se trouve en faveur de la d6orption : l’azote ne se fixe donc qu’en proportion infime et la vitesse de synthbse de l’am- moniaque reste nkgligeable.

On constate Cgalement que sur le fer le carbone est nota- blement moins rkactionnel que sur le nickel. En effet avec ce dernier le methane se d6gage d6jB vers 140°C tandis qu’nvec le premier il ne se forme & une vitesse notable que vers 400°C. Ce phhombne est & rapprocher de la decarburation des nciers par l’hydroghe. I1 permet egalement de com- prendre pourquoi l’oxyde de carbone est un inhibiteur vio- lent, bien que rkversible, dans la synthbse de l’ammoniaque : le carbone fix6 par adsorption dissociante de l’oxyde de car- bone ne s’elimine du fer que beaucoup plus lentement que l’azote et reduit donc temporairement la surface catalytique active.

Cette mCthode de soumettre A l’action de l’hydrogbne des substances prealablement adsorbees a 6th appliquee d’autres problhmes telle l’hydroghation de 1’6thylhne et du benzbne. C’est ainsi qu’on a pu mettre en Cvidence pour ces molecules les deux types d’adsorption, par addition et par dissociation, signal& dans l’introduction (e) .

* * *

Les auteurs tiennent B remercier le Fonds national de la Recherche scientifique pour le subside qu’il a accord6 A ce laboratoire ninsi que 1’1. R. S. I. A . pour In bourse qu’il a accordbe ?i l’un d’eux (M. D’h.).

UNIVERSITEIT TE LEUVEX, Laborato ru in

uoor Physische Scheikunde.

Medegedeeld aan d e Vlaamse Chemisehe Verenig ing op 8 November 1949.

(‘) Rtcor.ii, ~ I A R T I R . e t JUSGERS, Bul l . soc. Chim. Belg . , 57, 555 (1948).