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Cormier

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Page 1: Cormier

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Identification de l’espèce

Si l’on n’y prend garde, on peut facilementconfondre le cormier avec le sorbier des oiseleurs.Et en hiver, on le prend même souvent pourun chêne. Mais pour être sûr de bien l’iden-tifier, on peut se fier à l’écorce, aux feuilles etaux fruits, qui sont caractéristiques.

En fait, l’essentiel est de se faire à l’idée que chacunpeut, un jour ou l’autre, tomber sur un vérita-ble cormier. Dans le passé, et même parfois jusqu’àaujourd’hui, l’espèce n’a simplement pas été as-sez remarquée – même par les botanistes.Port. L’aspect du cormier est fort variable: lehouppier d’un individu solitaire est large, de typepommier, alors qu’en peuplement, la stature estélancée, l’axe du tronc continu. La hauteur del’arbre peut dépasser 30 m.Écorce. L’écorce de l’arbre âgé ressemble à celledu chêne sessile, un compagnon fréquent ducormier. Mais chez ce dernier, il se forme des écaillesrectangulaires et allongées, qui se détachent engénéral à partir du bas et qui font penser à desbardeaux.Feuilles. Les feuilles, très découpées, laisse pas-ser beaucoup de jour. Vue de dessous contre unciel d’été, la frondaison produit un jeu d’ombreet de lumière unique. En hiver, les nervures centralesdes feuilles tombées sur le sol, longues de 10 à15 cm, sont très utiles pour reconnaître de vieuxcormiers aux allures de chênes. Si l’arbre est encorejeune ou surcimé et qu’il ne porte pas de fruits,il faudra observer certains caractères des feuilleset des bourgeons pour ne pas le confondre avecle sorbier des oiseleurs (tableau p. 2).Fruits. Les fruits (cormes), en forme de poire oude pomme, atteignent trois centimètres. Ils sontun critère d’identification fiable.

Sources: Brütsch et Rotach 1993, Dagenbach 1978, Düll 1959, Scheller etal. 1979.

Cormier Sorbier domestique

Sorbus domestica L.

Le cormier est un arbre remarquable: son port léger stimule le regard, son bois présente une valeur exceptionnelle et sesfruits étaient fort appréciés autrefois, que ce soit pour éclaircir le moût de pomme et le vin ou pour fabriquer une eau-de-vie des plus fines. Malgré cela, l’essence est complètement tombée dans l’oubli durant ces derniers siècles. Au nord des Alpes,elle est même devenue très rare. Ce recul est dû à plusieurs raisons: la rareté de l’espèce, sa répartition morcelée et des difficultésde rajeunissement, en rapport peut-être avec un phénomène de consanguinité. On ne sait pas avec certitude si le cormierest autochtone en Europe centrale. Mais les débats scientifiques sur la question ne doivent pas devenir un obstacle à la promotionsystématique de cette espèce, que l’on vient de redécouvrir, juste avant qu’elle ne disparaisse totalement.

Bel exemplaire de cormier dégagé

Écorce en forme d’écailles allongées Cormes

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Brütsch, U., Rotach, P., 1993: Der Speierling (Sorbus domesticaL.) in der Schweiz: Verbreitung, Ökologie, Standortan-sprüche, Konkurrenzkraft und waldbauliche Eignung.Schweiz. Z. Forstwes. 144, 12: 967-991. (! synthèseclaire et complète, y compris les aspects sylvicoles).

Dagenbach, H., 1978: Über die Nachzucht des Speierlings(Sorbus domestica L.). Ein Beitrag zur Erhaltung einervom Aussterben bedrohten Baumart. Veröff. NaturschutzLandschaftspflege Bad.-Württ. 47/48: 191-203.

Drapier, N., 1993: Écologie et intérêt sylvicole de divers Sorbusen France. Rev. For. Fr. XLV, 3: 345-354.

Düll, R., 1959: Unsere Ebereschen und ihre Bastarde. ZiemsenVerlag, Wittenberg. 125 p. (! description ancienne, maistoujours la plus précise, de certains caractères botaniquesdu cormier et d’espèces aparentées).

Franke, A, Ludwig, U., 1994: Vorkommen des Speierlings(Sorbus domestica L.) in Baden-Württemberg. Erfassung,Bewertung, Erhaltung. Mitteilungen der Forstlichen Ver-suchs- und Forschungsanstalt Baden-Württemberg. Heft180. 98 p.

Hasenmaier, E., Mühlhäusser, G., 1990: Wurzelbilder eini-ger Baumarten auf Tonböden des Einzelwuchsbezirks“Weinbaugebiet von Stuttgart, Maulbronn und Heil-bronn“. Mitteilungen des Vereins für Forstliche Standorts-

Projet Favoriser les essences raresRédaction: Andreas RudowÉditeurs: Chaire de sylviculture EPFZ,

Direction fédérale des forêts OFEFP© EPFZ/OFEFP 2001

Sources(! = spécialement recommandé pour approfondir le sujet)

kunde und Forstpflanzenzüchtung 35: 27-37.Keller, W., 1999: Communication orale lors des enquêtes

auprès du service forestier et auprès de botanistes.Keller, W., 2000: Zur soziologischen Bindung des Speierlings

(Sorbus domestica L.). Mitt. Naturforsch. Ges. Schaff-hausen 46: (en préparation). (! résultats récents etintéressants concernant les facteurs écologiques)

Kissling, P., 2000: Proposition de nomenclature romandedes syntaxons pour SEBA (Projet Favoriser les essencesrares). Non publié. Document du 17. 10. 2000. Moudon.5 p.

Klumpp, R., Jakubowsky, G., Kirisits, T., 1997: Seltene Sor-busarten. In: WWF Österreich (Éd.), 1997: Zukunft fürgefährdete Baumarten? Rückbringung und Förderungseltener und gefährdeter Baum- und Straucharten. Be-richt zur Fachtagung am 1. Oktober 1997 an der FBVAMariabrunn. Eigenverlag WWF Österreich, Wien. p.52-67.

Kutzelnigg, H., 1995: Sorbus domestica. In: Scholz, H. (Éd.),1995: Gustav Hegi. Illustrierte Flora von Mitteleuropa.Band IV, Teil 2B (2. Aufl.). Blackwell, Berlin. S. 338-343.(! bonne synthèse, concise, sur la répartition géographiqueet la biologie)

Landolt, E., 1991: Plantes vasculaires menacées de Suisse

(Liste rouge). Office fédéral de l’environnement, des forêtset du paysage (OFEFP), Berne. 185 p.

Naumann, G.,1983: Artenhilfsprogramm Speierling (Rosaceae:Sorbus domestica). Mitteilungen der Landesanstalt fürÖkologie, Landschaftsentwicklung und ForstplanungNordrhein-Westfalen. Merkblätter zum Biotop- und Arten-schutz. 8, 4 (suppl. 52): 27-28.

Scheller, H., Bauer, U., Butterfass, T., Fischer, T., Grasmück,H., Rottmann, H., 1979: Der Speierling (Sorbus domesticaL.) und seine Verbreitung im Frankfurter Raum. Mitt.Dtsch. Dendrol. Ges. 71: 5-65. (! synthèse quelque peuancienne, mais claire et complète).

Wilhelm, G.J., 1998: Beobachtungen zur Wildbirne. Im Ver-gleich mit Elsbeere und Speierling. AFZ/Der Wald 53,16: 856-859. (! comparaison intéressante d’un pointde vue sylvicole).

von Schmeling, W.K.-B., 1992: Der Speierling. EigenverlagW.K.-B. von Schmeling, Bovenden (D). 224 p. (! minede renseignements les plus divers, même si la structuredu texte n’est pas des plus claires).

Wagner, K., 1998: Genetische Variation des Speierlings inausgewählten Gebieten der Schweiz, Süddeutschlandsund in Österreich. Corminaria 10: 3-6. (! résultats récentset intéressants sur la variation génétique).

Cormier

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Reproduction

Le processus de reproduction est le talon d’Achilledu cormier. En Europe centrale, il ne se régénèreque difficilement par graines. Mais son aptitudeà drageonner – même si elle n’est pas très dé-veloppée – lui permet de garder sa place, sansaide extérieure dans les biotopes adéquats.

Reproduction sexuée. À l’instar de nombreusesRosacées, la fécondation du cormier, essencemonoïque, est le fait des insectes (entomophilie).À la différence des autres espèces de Sorbus, onne lui connaît pas d’hybrides. Le cormier se re-produit mal sous nos latitudes. Son fruit contientune à deux graines. Les individus surcimés ne fruc-tifient souvent pas du tout. Comme les populationssont la plupart du temps isolées, le cormier souffreprobablement d’un phénomène de consanguinité:faute de partenaires, il se pollinise lui-même (auto-gamie) et engendre une descendance à vitalitéréduite. En effet, plus l’arbre-mère est autogame,plus le taux de germination des graines, la via-bilité des plantules et la vigueur des survivantsdiminuent.Dissémination des graines. Les semences sontdisséminées de façon très efficace. Les gros fruitsattirent oiseaux et mammifères, notamment desrongeurs, le chevreuil, le sanglier, le renard et lamartre. Tous ingèrent les cormes, les grainespassant intactes à travers le tube digestif. L’hommeaussi a largement contribué à la propagation del’essence: il a en effet cultivé des cormiers dèsl’Antiquité et jusqu’au début du Moyen Âge.Germination. La germination a lieu après l’hiver-nage ou après une stratification humide et froidede deux mois au premier printemps. Le taux desurvie des plantules est faible, car ces dernièresn’ont que peu de substances de réserve à dispo-sition. De plus, elles sont sensibles à diversesmaladies fongiques.Reproduction végétative. Comparative-ment à celle des proches parents, la reproduc-tion végétative est faiblement développée. Ilapparaît bien des drageons et des rejets de souche,mais ceux-ci disparaissent la plupart du tempspar manque de lumière. Pourtant, cette régéné-ration végétative a certainement contribué àconserver l’essence aux époques des régimes dutaillis et du taillis sous futaie. Il est possible quemême de petites populations relictuelles d’indivi-dus surcimés aient pu se maintenir ainsi, sans re-production sexuée, pendant des siècles. On peutfacilement multiplier le cormier par bouturagedes racines.

Sources: Brütsch et Rotach 1993, Dagenbach 1978, Klumpp et al. 1997,Kutzelnigg 1995, von Schmeling 1992.

Facteurs de croissance

Malgré des besoins en lumière très élevés, lecormier est à considérer comme un arbre forestiertypique au regard des caractéristiques suivantes:forte croissance, axe continu et aptitude àdévelopper un grand houppier.

Besoins en lumière. Les caractères d’essencede lumière sont prononcés. Si le cormier sup-porte mal d’être surcimé, il garde sa vitalité sousun couvert temporaire et léger. Comme le tauxde survie est relativement élevé dans des plan-tations faites sous un tel couvert, on suppose mêmeque les jeunes cormiers préfèrent un léger om-brage au plein ensoleillement.Croissance. La croissance en hauteur est par-ticulièrement forte dans le jeune âge. Elle dépassecelle du chêne sur les bonnes stations. La hau-teur finale peut dépasser 30 m, le record suisseétant actuellement de 33,2 m. Le développementen largeur du houppier est également exceptionnel,si l’espace disponible est suffisant. Tant que la

formation du houppier est favorisée, la capacitéde réaction à l’apport de lumière reste élevée.La croissance en diamètre, elle aussi, est fortelorsque la couronne est bien développée: elle estde l’ordre de celle du hêtre et se maintient avecl’âge. Une telle vigueur est d’autant plus impres-sionnante qu’elle se combine avec la tendancemarquée du cormier à former un axe continu.Le tronc réagit à peine à un éclairement latéralet ne s’oriente pas non plus vers les trouées ducouvert (non phototrope). Cette combinaison depropriétés rend l’essence intéressante du pointde vue forestier – même sous le régime de la futaie.On rencontre parfois des bois à fibre torse.Compétitivité. Comme le frêne, le cormier nesupporte pas de pression latérale, même pas celledu chêne, à qui il cède la place. Il est incapablede pénétrer dans d’autres houppiers, même clairs.Mais le cormier compense partiellement cettefragilité en matière de concurrence par une fortecroissance en hauteur. Il sera plus facilementcomprimé latéralement que surcimé.

Caractères distinctifs du cormier et du sorbier des oiseleurs

cormier

• lisse seulement jusqu’à 7 ans environ,puis crevassée

• visqueux, pratiquement glabre• vert à rougeâtre

• verte au début, velue (poils blancs), souventinclinée/plongeante, pétiole vert

• folioles arrondies au sommet, à base souventsymétrique et non dentée

• 35-75 fleurs• en bouquet hémisphérique• parfum agréable

• 15-30 mm, 5 styles et 5 loges ovariennes• jaune à joue rouge, vite brun et blet

une fois tombé

écorce

bourgeonapical

feuille

inflorescence

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sorbier des oiseleurs

• lisse avec ceintures de lenticelles,pas d’écorce grossièrement crevassée

• non visqueux, velus (poils blancs)• roux

• rougeâtre au début, peu de poils, étaléesur un plan, pétiole rougeâtre

• folioles pointue, à base asymétrique,dentée jusqu’à la base

• 200-300 fleurs• en bouquet plat (faux corymbe)• odeur désagréable

• 4-10 mm, 3 styles et 3 loges ovariennes• orangé à rouge

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Drageon issu d’une racine superficielle Cormier cédant devant la pression latérale

Utilisation

L’importance culturelle du cormier était autrefoistrès grande. Ses fruits, qui alimentaient l’hommeet le bétail, avaient aussi leur place enphytothérapie. Son bois précieux était destinéà des usages particuliers.

Les Grecs et les Romains appréciaient déjà le cor-mier et le cultivaient. Charlemagne aussi apportason soutien à l’espèce. Et les moines de Saint-Gall le soignaient dans le jardin du couvent.Bois. Le bois de cormier a un grain fin; il est dur,lourd, résistant à la pression, souple et facile àtravailler. Il était autrefois recherché pour de nom-breux usages qui requièrent un bois fin et résistantà la pression: vis, presses, instruments de musique(p. ex. flûtes) ou proues de bateaux. Il ne sub-siste que peu de ces usages. Aujourd’hui, ce boisrare est recherché notamment pour les meubles:en qualité placage, il se paie à prix d’or. Il est com-mercialisé sous le nom de poirier suisse avec l’alisieret les poiriers cultivés et sauvages.Alimentation. Les fruits, riches en tanin, étaientutilisés pour clarifier le vin et le moût de pomme,pour rehausser l’arôme et améliorer la conser-vation, et pour distiller une eau-de-vie très agréable.Des cormes, on faisaient des confitures et de lafarine; elles étaient aussi valorisées comme four-rage.Pharmacopée. Au Moyen Âge, on utilisait lescormes, comme les fruits de l’alisier, en cas demaladie de l’estomac et des intestins, de dysenterieet de diarrhée.

Sources: Brütsch et Rotach 1993, Düll 1959, Kutzelnigg 1995, Schelleret al. 1979, von Schmeling 1992.

Remarques sur l’étymologie et la mythologie d’un bien culturel presque oublié

L’histoire du cormier est mouvementée: à certaines époques, il est adulé pour ses fruits (cormes, sorbes), alors qu’à d’autres momentsde l’histoire, il semble tomber complètement dans l’oubli. L’apparition de son nom correspond à l’âge d’or de l’espèce. En effet, il ya 2000 ans déjà que Théophraste, médecin de l’Antiquité grecque, l’avait appelé Sorbus. La racine latine sorbere signifie boire[humer?] et nous indique pour quelle raison il était apprécié à l’époque. Ce dénomination a d’ailleurs subsisté jusqu’à nos joursdans l’appellation scientifique du genre. Le cormé, nom d’origine gauloise (curmi), est une boisson fermentée faite avec des sorbes.L’adjectif domestica est apparu bien plus tard, pour la première fois sous la plume de Matthiolus en 1563. Le cormier a été trèsprisé également au Moyen Âge, probablement en raison de son utilisation médicale, les fruits étant connus pour leur effet astringeant.On a aussi attribué diverses vertus surnaturelles au cormier. À l’instar de l’alisier et du sorbier des oiseleurs, placé dans le toit oudans la chambre, il doit protéger de la foudre et chasser les mauvaises esprits de la maison. Intégré dans la proue des navires, le boisdu cormier était sensé apaiser les vagues et diminuer la violence des tempêtes.Sources: Düll 1959, Kutzelnigg 1995, Scheller et al. 1979, von Schmeling 1992.

Cormier: gravure sur bois de Matthiolus datant de 1563 (extrait de von Schmeling 1992)

CormierCormier

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Longévité. La longévité est normalement de 150à 200 ans, mais on connaît des exemplaires âgésde quatre siècles.Système racinaire. Le cormier produit une formeparticulière d’enracinement fasciculé, constituéd’une ramification de plusieurs racines principales.Celles-ci pénètrent à pic et profondément dansle sol. Ce système assure une grande stabilité àl’arbre et pourrait expliquer pourquoi le cormierest capable, dans les chênaies, d’occuper et dedrainer même des sols argileux problématiques.

Sources: Brütsch et Rotach 1993, Drapier 1993, Hasenmaier et Mühlhäusser1990, Schumacher 1990, Wilhelm 1998.

Exigences écologiques

L’aire de répartition du cormier en Europe centra-le et occidentale est déterminée essentielle-ment par le climat. L’espèce recherche les mêmesconditions que la vigne: endroits chauds et pré-cipitations inférieures à 1000 mm. On rencontrele cormier dans un large éventail d’associa-tions végétales et sur les sols les plus divers.

Chaleur. Le cormier est lié aux régions de col-lines ou de montagnes. Sous un climat méditer-ranéen, il occupe l’étage montagnard, en généralles versants nord. En Europe centrale et occidentale,par contre, c’est une essence de l’étage collinéenet submontagnard qui s’installe sur les pentes chau-des exposées au sud. On explique souvent ce com-portement par des besoins élevés en chaleur.Pourtant, le cormier n’est pas sensible aux gelstardifs. De plus, des exemplaires cultivés à Co-penhague, Göteborg, Moscou et Saint-Pétersbourgrévèlent une étonnante résistance au froidhivernal (dépassant -30°C). À la limite nord deson aire, c’est donc probablement pour des raisonsde compétitivité que le cormier est lié aux endroitschauds.Eau. La concurrence repousse le cormier vers desbiotopes particulièrement secs, comme on entrouve dans les zones viticoles. Il profite de sa fortetolérance à la sécheresse, qui lui permet au besoinde rejoindre la limite sèche de la forêt. En Suisse,le cormier s’installe ainsi spontanément dans lesrégions où les précipitations annuelles sont in-

férieures à 1000 mm. Au-dessous de 800 mm,le hêtre est déjà si affaibli que le cormier parvientmême à occuper les versants nord. En Allema-gne centrale, à la limite septentrionale de l’aire,il ne parvient à s’imposer qu’au-dessous del’isohyète de 500 mm.Sol. Le cormier croît sur les sols les plus divers,aussi bien sur des substrats basiques qu’acides.En Europe centrale et occidentale, il semblenéanmoins préférer les sols basiques. En plus desrendzines séchardes et superficielles, il occupedes sols bruns et des sols bruns lessivés peuperméables. Des emplacements de cormiers enFrance et en Allemagne prouvent que l’espècetolère très bien les sols argileux lourds sur marnes,du moins dans les chênaies. Mais on peut dou-ter que cette observation s’applique aussi aux zonesde hêtraies en Suisse.Phytosociologie. Ce large spectre écologiquereflète bien la grande adaptibilité physiologiquedu cormier. La présence de l’espèce dans leschênaies les plus sèches (EK 38, 39) prouve satolérance à la sécheresse, tandis que ses appa-ritions sporadiques dans des hêtraies (p. ex. EK7) témoignent de son fort potentiel de croissancesur les bonnes stations. Les recherches les plusrécentes (Keller 2000) révèlent que c’est surtoutdans des chênaies que le cormier s’installe na-turellement. Sur ces stations, ou bien la hauteurdu cormier vaut presque celle des essences prin-cipales (EK 39), ou bien la survie est assurée dansle peuplement accessoire, sous le couvert clairdes chênes (EK 35). Le cormier peut se manifesteren outre dans les hêtraies les plus sèches (EK 9,10), mais ne peut guère y survivre sans soutiensylvicole. Par contre, lorsqu’on le favorise sur cesstations fertiles – et qui sont de toute façon presque

toujours suivies par le sylviculteur – le cormier estpratiquement l’égal du hêtre.Répartition altitudinale. En Suisse, on rencon-tre Sorbus domestica jusque vers 700 m d’alti-tude. Il est possible qu’il puisse monter plus haut,sur des stations favorables et avec l’aide du syl-viculteur. Il est signalé à plus de 1000 m en France.

Sources: Brütsch et Rotach 1993, Drapier 1993, Düll 1959, Keller 2000,Scheller et al. 1979.

Répartition géographique

L’Europe centrale, région où le cormier estpresque toujours très rare, marque la limitenord de l’espèce. L’effectif total en Suisse estestimé à 500 individus, répartis en petites popu-lations, rares et isolées, qui s’égrainent enbordure de l’arc jurassien.

Aire de répartition. Le centre de gravité de l’airedu cormier se situe dans les péninsules balkaniqueet italienne, ainsi que dans le sud de la France.L’ensemble de l’aire s’étend d’un côté par la Franceet le Jura suisse jusqu’aux basses montagnes al-lemandes, et de l’autre côté par le Danube versle nord-est. Sachant que les Romains déjà, puisla civilisation médiévale, avaient fortement propagél’espèce, on a longtemps douté que le cormiersoit autochtone en Europe centrale. Mais on dé-couvre couramment de nouvelles populations dansles biotopes appropriés, en constatant que cesemplacements sont à la fois homogène du pointde vue écologique et cohérent sous l’aspect géo-graphique. C’est pourquoi, même au nord de sonaire, on considère aujourd’hui le cormier commeune relicte de la période chaude post-glaciaire,donc comme une espèce autochtone. Cetteconclusionest d’autant plus plausible que mal-

Associations végétales

Hêtraies mésophiles7 Hêtraie à aspérule (1)9/10 Hêtraie à pulmonaire (1)

Hêtraies xérophiles14/15 Hêtraie à laîches (1)

Chênaies mixtes35 Chênaie mixte à gaillet des bois 141 Chênaie à gesse noire 1

Chênaies subméditerranéennes38 Chênaie buissonnante thermophile 139 Ch. buiss. à coronille en couronne 1

conservation et doit faire partie des concepts depromotion.Mesures ex situ. On a d’ores et déjà installé unverger conservatoire à Bienne, dans le but desauvegarder le patrimoine génétique des popu-lations du nord de la Suisse. Cela permet de réduirele risque d’appauvrissement par dérive généti-que et, en même temps, d’obtenir du matérielde reproduction doté d’une variation génétiquesuffisante. Il est prévu de compléter régulière-ment cette collection à partir des nouveaux si-tes découverts. Il faudrait aussi envisager la créationd’un autre verger pour les populations du sud-ouest de la Suisse. Mais pour décider de réali-ser un tel projet, il faudrait d’abord savoir si lavariation génétique sur cette aire est suffisanteet à quel point elle se distingue des populationsdu nord.Bases. Pour favoriser le cormier, il est importantde compléter l’inventaire, afin de recenser despopulations encore inconnues pendant qu’ellesexistent encore. En vue de la production de plants,il faudrait en savoir plus sur la variation généti-que des diverses sous-populations. Ceci demandeun inventaire génétique. Il faut élucider d’urgencela question du feu bactérien - la sensibilité du cor-mier à son égard n’étant pas prouvée - afin destopper le rejet peut-être inutile dont l’espèceest victime.

Sources: Franke et Ludwig 1994, Keller 1999, von Schmeling 1992.

Sylviculture

On ne sait que peu de choses sur la sylvicul-ture de Sorbus domestica. Par sa forte crois-sance, son tronc continu et sa faculté de formerun gros houppier, le cormier est certainementl’espèce de Sorbus la plus intéressante pourla foresterie.

Les affirmations actuelles sur la sylviculture ducormier sont encore provisoires. Des recherchessont encore nécessaires pour améliorer les con-naissances sur l’espèce.Choix de la provenance. On donnera la pré-férence aux provenances indigènes. Pour éviterd’importants taux d’échec et des chutes de crois-sance (affaiblissement par consanguinité), onutilisera exclusivement des semences ou des plantsissus d’une pollinisation croisée, à l’occasion d’unebonne année à fruits. Comme lieux de récolte,on choisira si possible des sites avec des effec-tifs élevés ou des vergers semenciers ou conser-vatoires.Choix de la station. Il existe une large palettede biotopes où le cormier peut rester compéti-tif s’il est régulièrement favorisé par le traitementsylvicole. En cas de plantation sur une bonne station,il faut s’assurer que les soins sylvicoles pourrontêtre garantis à long terme.Mélange. Dans la nature, le cormier ne croît quepar pieds isolés. Les peuplements purs sont doncdéconseillés. Il est judicieux de le mélanger avecdes essences de lumière comme le chêne et lepin. Les avis divergent concernant le mélange avecdes espèces de lumière à croissance rapide commele frêne, le merisier ou le mélèze. Probablement

Cormier élevéen peuplement et présentant un axe continu

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que les plantations préparatoires d’aulnes blancset de bouleaux sont utiles. Les jeunes cormierssemblent préférer un léger couvert au plein en-soleillement.Régénération naturelle. Même si le recrû na-turel est rare, on sait que la régénération par grai-nes ou par drageons est possible; il faut toujoursla conserver.Plantation. On utilise normalement des plantsen conteneur d’un ou deux ans mesurant de 30à 100 cm (plantation en motte).Protection. Il est indispensable de protéger lesjeunes cormiers de l’abroutissement. La corbeillede treillis individuelle est recommandée. On peutaussi introduire le cormier dans des plantationsdéjà clôturées (p. ex. avec le chêne). Lors de laplantation, on peut protéger les racines des mulotson entourant la motte d’un fin treillis.Soins. Comme la croissance juvénile est rapideet que l’arbre tend à garder un axe continu, lessoins peuvent se concentrer sur la sélection positiveet sur la bonne conformation du houppier. Il estvrai que ce dernier réagit vite à un apport de lu-mière, mais il est souvent comprimé par des espè-ces plus tolérantes à l’ombrage. De tels concur-rents sont à éliminer au moment où leur couron-ne pénètrent latéralement dans celle du cormier.Parmi les individus nouvellement découverts, beau-coup sont comprimés depuis longtemps. Il fautalors agir prudemment: si on les dégage soudai-nement, le risque de bris de branches augmente.Il vaut donc mieux les dégager progressivement.Récolte. La durée de révolution semble être de150 à 200 ans. Le cormier ne forme pratiquementpas de gourmands et se prête à la réserve sur coupe.

Sources: Brütsch et Rotach 1993, Dagenbach 1978, Klumpp et al. 1997,Naumann 1983, von Schmeling 1992.

Individu solitaire aux dimensions imposantes

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Réserve sur coupe

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Aire de répartition d’après von Schmeling (1992)

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structure des classes d’âge n’est pas durable enraison des difficultés de régénération et aussi parceque le régime de la haute futaie réduit la com-pétitivité de l’espèce. Il n’existe pratiquement pasde recrû naturel et les stades du fourré et du basperchis sont sous-représentés.

Sources: Brütsch et Rotach 1993, Düll 1959, Keller 2000, Kutzelnigg 1995,Scheller et al. 1979, von Schmeling 1992,.

Nombre d’individus1

2 - 9

10 - 19

20 - 99

100 -199

gré ses difficultés de reproduction, on observel’espèce sur des stations qui sont toujours res-tées forestières, et pas seulement dans des zo-nes anciennement cultivées (Keller 2000).Nord des Alpes suisses. La carte synoptique doitassez bien traduire la réalité. Le nombre de cormierseffectivement annoncés représentent environ 80pour cent des effectifs réels. Nous estimons lareprésentativité aussi bonne parce que les prin-cipaux noyaux de répartition sont aujourd’huicertainement connus et que, dans les régionsconcernées, la prospection du cormier dure depuislongtemps déjà. Ces principaux noyaux de répar-tition se situent dans le Jura tabulaire schaffhousoiset bâlois (SH, BL) et dans la région genevoise. Maisdes découvertes récentes dans le Jura tabulaireargovien, près de Neuchâtel et dans le bassinlémanique invitent à penser que des sites encoreinconnus pourraient se trouver dans le Jura ta-bulaire, au pied sud du Jura, dans les régionstempérées et peu arrosées du Plateau, dans lesvallées à fœhn, à proximité des lacs et, à bassealtitude, dans les vallées intérieures des Alpes.Fréquence. Les effectifs au Nord des Alpes suissessont estimés en Suisse à seulement 500 individus(DHP ≥ 10 cm). Le cormier est donc une desessences indigènes les plus rares. Par ailleurs, la

Risques

En raison de son extrême rareté, du morcel-lement de sa population, de son rajeunisse-ment problématique et de la structure d’âgenon durable des effectifs, le cormier doit êtreclassé menacé d’extinction.

Origine des risques. Le cormier, occupant lesbiotopes favorables à la viticulture, fut très tôtrepoussé par le développement de cette derni-ère. D’autres influences négatives ont suivi: la ges-tion intensive des forêts, notamment le passagedu taillis ou du taillis sous futaie au régime dela haute futaie, l’augmentation des volumes surpied et la concentration de la production sur unpetit nombre d’essences. L’assombrissement quis’ensuivit à l’intérieur des forêts a évincé le cormierde nombreuses stations chaudes et fertiles, à lalimite des stations sèches, endroits qu’il pouvaitencore coloniser aux temps du taillis et du taillissous futaie. Dans nos forêts, vu la vigueur de sacroissance, le cormier n’aurait besoin que d’unpetit coup de pouce sylvicole pour rester com-pétitif.L’absence d’intérêt manifesté pour l’espèce ausiècle passé a cependant empêché une telle pro-motion: en Europe centrale et occidentale, l’exis-

tence même du cormier a été occultée. C’estseulement lors des inventaires systématiques desdernières décennies que l’on a retrouvé des restesd’anciennes populations dans un grand nombrede régions – et notamment en Suisse.La pression du gibier est une des causes dumanque de régénération. Le chevreuil est extrê-mement friand du cormier: les jeunes plantes n’ontpratiquement aucune chance de survie si ellesne sont pas protégées. De plus, les mulotsmalmènent eux aussi les jeunes plants en ron-geant les racines et le collet.Les jeunes cormiers sont sensibles aux maladiesfongiques. On entend souvent dire que l’espèceserait sujette au feu bactérien (Erwinia amylvora)et on la cite automatiquement de concert avecl’alouchier (S. aria) et le sorbier des oiseleurs (S.aucuparia). Cette affirmation n’a cependant pasété confirmée jusqu’à présent: dans toute l’airede répartition, on ne connaît aucun exemplairecontaminé.Le morcellement des effectifs du cormier en mi-nuscules sous-populations isolées constitue proba-blement aussi un risque pour la conservation del’espèce, et cela dans l’ensemble de son aire médio-européenne. Le risque d’appauvrissement pardérive génétique doit être grand. Il est vrai que

de nouvelles études allemandes démontrent quela variabilité génétique reste relativement gran-de même dans de petites populations. À l’évi-dence, les possibilités de reproduction sexuéeétaient encore favorables il y a 100 ou 200 ans,à l’époque où apparaissaient les populations ac-tuelles. On peut douter que ces conditions soientencore suffisantes aujourd’hui. Les nouvelles gé-nérations de cormiers semblent effectivementaffaiblies par la consanguinité, ce qui pourraits’expliquer par l’appauvrissement génétique.Gravité des risques. Le cormier est considérécomme rare, donc seulement potentiellement me-nacé, par la Liste rouge suisse des espèces vas-culaires menacées de Suisse, liste dressée au débutdes années 90. Il faut opposer les arguments sui-vants à cette estimation trop optimiste: la faiblessedes effectifs, le morcellement prononcé des po-pulations, le recul probablement massif de l’espèceau cours des derniers siècles et la régénérationinsuffisante. En Suisse, la gestion durable du cormiern’est pas garantie; en Autriche, en Allemagneet dans le nord de la France, il est classé menacé,voire menacé d’extinction. Nous proposons doncégalement la catégorie menacé d’extinction pourla Suisse.

Sources: Dagenbach 1978, Düll 1959, Keller 1999, Klumpp et al. 1997,Kutzelnigg 1995, Landolt 1991, von Schmeling 1992, Wagner 1998.

Stratégie de promotion

Les mesures de promotion devraient viser toutd’abord la conservation des populations dansles quelques petits noyaux de répartition connus(in situ). Parallèlement, il faut sauvegarder lepatrimoine génétique dans des vergers conser-vatoires et améliorer la connaissance de l’espèce(ex situ).

Mesures in situ. Chaque cormier doit être sau-vegardé, si l’on veut stopper l’hémorragie du (restede) patrimoine génétique. De plus, des mesuresde promotion spéciale sont indispensables. Il s’agitde constituer des structures de peuplementsdurables dans les noyaux de répartition (secteursd’intervention avec populations préexistantes)et de relier les noyaux voisins entre eux par lessecteurs de liaison (secteurs d’intervention sanspopulations préexistantes). La production de se-mences et de plants de provenance locale doitêtre améliorée, afin de promouvoir le cormier dansles secteurs de liaison et dans d’autres zones ap-propriées. Enfin, le cormier n’est pas seulementun arbre forestier: il peut jouer un rôle importantdans les haies et en tant qu’arbre solitaire, en cam-pagne comme dans les zones habitées. La pro-motion de l’espèce hors forêt est aussi utile à sa

CormierCormier

Carte synoptique des données de l’enquête sur la répartition en Suisse

Carte des secteurs d’intervention pour la promotion spéciale du cormier

Origine des risquesActivités humaines

- Viticulture: transformation des biotopes del’espèce

- Économie forestière: conversion au régimede la futaie (assombrissement)

- Abandon, attention insuffisante

Animaux- Abroutissement du recrû par le chevreuil- Dégâts causés au rajeunissement par les mulots

et les champignons

Maladies- Pas de sensibilité attestée au feu bactérien

Morcellement- Appauvrissement génétique- Affaiblissement dû à la consanguinité

Gravité des risquesmenacé d’extinction

Secteurs d’intervention avec populationspréexistantes (correspond aux noyaux de répartition)

Secteurs de liaison

• Secteurs d’intervention© 1999 Projet Favoriser les essences rares –Chaire de sylviculture EPFZ/ D+F OFEFP

• Données cartographiques:VECTOR 2000 © 1998 Office fédéral de la topographieLimites communales généralisées (G1)© 1998 Office fédéral de la statistique, GEOSTAT, CH-2010 NeuchâtelCarte digitale 1:1 million © Office fédéral de la topographie

• Carte synoptique des données de l’enquête sur la répartition en SuisseDonnées issues de l’enquête auprès des services forestiers et de botanistes© 1999 Projet Favoriser les essences rares –Chaire de sylviculture EPFZ/ D+F OFEFP

• Données cartographiques:VECTOR 2000 © Office fédéral de la topographie Carte digitale 1:1 million© Office fédéral de la topographie

Page 5: Cormier

4 5

structure des classes d’âge n’est pas durable enraison des difficultés de régénération et aussi parceque le régime de la haute futaie réduit la com-pétitivité de l’espèce. Il n’existe pratiquement pasde recrû naturel et les stades du fourré et du basperchis sont sous-représentés.

Sources: Brütsch et Rotach 1993, Düll 1959, Keller 2000, Kutzelnigg 1995,Scheller et al. 1979, von Schmeling 1992,.

Nombre d’individus1

2 - 9

10 - 19

20 - 99

100 -199

gré ses difficultés de reproduction, on observel’espèce sur des stations qui sont toujours res-tées forestières, et pas seulement dans des zo-nes anciennement cultivées (Keller 2000).Nord des Alpes suisses. La carte synoptique doitassez bien traduire la réalité. Le nombre de cormierseffectivement annoncés représentent environ 80pour cent des effectifs réels. Nous estimons lareprésentativité aussi bonne parce que les prin-cipaux noyaux de répartition sont aujourd’huicertainement connus et que, dans les régionsconcernées, la prospection du cormier dure depuislongtemps déjà. Ces principaux noyaux de répar-tition se situent dans le Jura tabulaire schaffhousoiset bâlois (SH, BL) et dans la région genevoise. Maisdes découvertes récentes dans le Jura tabulaireargovien, près de Neuchâtel et dans le bassinlémanique invitent à penser que des sites encoreinconnus pourraient se trouver dans le Jura ta-bulaire, au pied sud du Jura, dans les régionstempérées et peu arrosées du Plateau, dans lesvallées à fœhn, à proximité des lacs et, à bassealtitude, dans les vallées intérieures des Alpes.Fréquence. Les effectifs au Nord des Alpes suissessont estimés en Suisse à seulement 500 individus(DHP ≥ 10 cm). Le cormier est donc une desessences indigènes les plus rares. Par ailleurs, la

Risques

En raison de son extrême rareté, du morcel-lement de sa population, de son rajeunisse-ment problématique et de la structure d’âgenon durable des effectifs, le cormier doit êtreclassé menacé d’extinction.

Origine des risques. Le cormier, occupant lesbiotopes favorables à la viticulture, fut très tôtrepoussé par le développement de cette derni-ère. D’autres influences négatives ont suivi: la ges-tion intensive des forêts, notamment le passagedu taillis ou du taillis sous futaie au régime dela haute futaie, l’augmentation des volumes surpied et la concentration de la production sur unpetit nombre d’essences. L’assombrissement quis’ensuivit à l’intérieur des forêts a évincé le cormierde nombreuses stations chaudes et fertiles, à lalimite des stations sèches, endroits qu’il pouvaitencore coloniser aux temps du taillis et du taillissous futaie. Dans nos forêts, vu la vigueur de sacroissance, le cormier n’aurait besoin que d’unpetit coup de pouce sylvicole pour rester com-pétitif.L’absence d’intérêt manifesté pour l’espèce ausiècle passé a cependant empêché une telle pro-motion: en Europe centrale et occidentale, l’exis-

tence même du cormier a été occultée. C’estseulement lors des inventaires systématiques desdernières décennies que l’on a retrouvé des restesd’anciennes populations dans un grand nombrede régions – et notamment en Suisse.La pression du gibier est une des causes dumanque de régénération. Le chevreuil est extrê-mement friand du cormier: les jeunes plantes n’ontpratiquement aucune chance de survie si ellesne sont pas protégées. De plus, les mulotsmalmènent eux aussi les jeunes plants en ron-geant les racines et le collet.Les jeunes cormiers sont sensibles aux maladiesfongiques. On entend souvent dire que l’espèceserait sujette au feu bactérien (Erwinia amylvora)et on la cite automatiquement de concert avecl’alouchier (S. aria) et le sorbier des oiseleurs (S.aucuparia). Cette affirmation n’a cependant pasété confirmée jusqu’à présent: dans toute l’airede répartition, on ne connaît aucun exemplairecontaminé.Le morcellement des effectifs du cormier en mi-nuscules sous-populations isolées constitue proba-blement aussi un risque pour la conservation del’espèce, et cela dans l’ensemble de son aire médio-européenne. Le risque d’appauvrissement pardérive génétique doit être grand. Il est vrai que

de nouvelles études allemandes démontrent quela variabilité génétique reste relativement gran-de même dans de petites populations. À l’évi-dence, les possibilités de reproduction sexuéeétaient encore favorables il y a 100 ou 200 ans,à l’époque où apparaissaient les populations ac-tuelles. On peut douter que ces conditions soientencore suffisantes aujourd’hui. Les nouvelles gé-nérations de cormiers semblent effectivementaffaiblies par la consanguinité, ce qui pourraits’expliquer par l’appauvrissement génétique.Gravité des risques. Le cormier est considérécomme rare, donc seulement potentiellement me-nacé, par la Liste rouge suisse des espèces vas-culaires menacées de Suisse, liste dressée au débutdes années 90. Il faut opposer les arguments sui-vants à cette estimation trop optimiste: la faiblessedes effectifs, le morcellement prononcé des po-pulations, le recul probablement massif de l’espèceau cours des derniers siècles et la régénérationinsuffisante. En Suisse, la gestion durable du cormiern’est pas garantie; en Autriche, en Allemagneet dans le nord de la France, il est classé menacé,voire menacé d’extinction. Nous proposons doncégalement la catégorie menacé d’extinction pourla Suisse.

Sources: Dagenbach 1978, Düll 1959, Keller 1999, Klumpp et al. 1997,Kutzelnigg 1995, Landolt 1991, von Schmeling 1992, Wagner 1998.

Stratégie de promotion

Les mesures de promotion devraient viser toutd’abord la conservation des populations dansles quelques petits noyaux de répartition connus(in situ). Parallèlement, il faut sauvegarder lepatrimoine génétique dans des vergers conser-vatoires et améliorer la connaissance de l’espèce(ex situ).

Mesures in situ. Chaque cormier doit être sau-vegardé, si l’on veut stopper l’hémorragie du (restede) patrimoine génétique. De plus, des mesuresde promotion spéciale sont indispensables. Il s’agitde constituer des structures de peuplementsdurables dans les noyaux de répartition (secteursd’intervention avec populations préexistantes)et de relier les noyaux voisins entre eux par lessecteurs de liaison (secteurs d’intervention sanspopulations préexistantes). La production de se-mences et de plants de provenance locale doitêtre améliorée, afin de promouvoir le cormier dansles secteurs de liaison et dans d’autres zones ap-propriées. Enfin, le cormier n’est pas seulementun arbre forestier: il peut jouer un rôle importantdans les haies et en tant qu’arbre solitaire, en cam-pagne comme dans les zones habitées. La pro-motion de l’espèce hors forêt est aussi utile à sa

CormierCormier

Carte synoptique des données de l’enquête sur la répartition en Suisse

Carte des secteurs d’intervention pour la promotion spéciale du cormier

Origine des risquesActivités humaines

- Viticulture: transformation des biotopes del’espèce

- Économie forestière: conversion au régimede la futaie (assombrissement)

- Abandon, attention insuffisante

Animaux- Abroutissement du recrû par le chevreuil- Dégâts causés au rajeunissement par les mulots

et les champignons

Maladies- Pas de sensibilité attestée au feu bactérien

Morcellement- Appauvrissement génétique- Affaiblissement dû à la consanguinité

Gravité des risquesmenacé d’extinction

Secteurs d’intervention avec populationspréexistantes (correspond aux noyaux de répartition)

Secteurs de liaison

• Secteurs d’intervention© 1999 Projet Favoriser les essences rares –Chaire de sylviculture EPFZ/ D+F OFEFP

• Données cartographiques:VECTOR 2000 © 1998 Office fédéral de la topographieLimites communales généralisées (G1)© 1998 Office fédéral de la statistique, GEOSTAT, CH-2010 NeuchâtelCarte digitale 1:1 million © Office fédéral de la topographie

• Carte synoptique des données de l’enquête sur la répartition en SuisseDonnées issues de l’enquête auprès des services forestiers et de botanistes© 1999 Projet Favoriser les essences rares –Chaire de sylviculture EPFZ/ D+F OFEFP

• Données cartographiques:VECTOR 2000 © Office fédéral de la topographie Carte digitale 1:1 million© Office fédéral de la topographie

Page 6: Cormier

36

Longévité. La longévité est normalement de 150à 200 ans, mais on connaît des exemplaires âgésde quatre siècles.Système racinaire. Le cormier produit une formeparticulière d’enracinement fasciculé, constituéd’une ramification de plusieurs racines principales.Celles-ci pénètrent à pic et profondément dansle sol. Ce système assure une grande stabilité àl’arbre et pourrait expliquer pourquoi le cormierest capable, dans les chênaies, d’occuper et dedrainer même des sols argileux problématiques.

Sources: Brütsch et Rotach 1993, Drapier 1993, Hasenmaier et Mühlhäusser1990, Schumacher 1990, Wilhelm 1998.

Exigences écologiques

L’aire de répartition du cormier en Europe centra-le et occidentale est déterminée essentielle-ment par le climat. L’espèce recherche les mêmesconditions que la vigne: endroits chauds et pré-cipitations inférieures à 1000 mm. On rencontrele cormier dans un large éventail d’associa-tions végétales et sur les sols les plus divers.

Chaleur. Le cormier est lié aux régions de col-lines ou de montagnes. Sous un climat méditer-ranéen, il occupe l’étage montagnard, en généralles versants nord. En Europe centrale et occidentale,par contre, c’est une essence de l’étage collinéenet submontagnard qui s’installe sur les pentes chau-des exposées au sud. On explique souvent ce com-portement par des besoins élevés en chaleur.Pourtant, le cormier n’est pas sensible aux gelstardifs. De plus, des exemplaires cultivés à Co-penhague, Göteborg, Moscou et Saint-Pétersbourgrévèlent une étonnante résistance au froidhivernal (dépassant -30°C). À la limite nord deson aire, c’est donc probablement pour des raisonsde compétitivité que le cormier est lié aux endroitschauds.Eau. La concurrence repousse le cormier vers desbiotopes particulièrement secs, comme on entrouve dans les zones viticoles. Il profite de sa fortetolérance à la sécheresse, qui lui permet au besoinde rejoindre la limite sèche de la forêt. En Suisse,le cormier s’installe ainsi spontanément dans lesrégions où les précipitations annuelles sont in-

férieures à 1000 mm. Au-dessous de 800 mm,le hêtre est déjà si affaibli que le cormier parvientmême à occuper les versants nord. En Allema-gne centrale, à la limite septentrionale de l’aire,il ne parvient à s’imposer qu’au-dessous del’isohyète de 500 mm.Sol. Le cormier croît sur les sols les plus divers,aussi bien sur des substrats basiques qu’acides.En Europe centrale et occidentale, il semblenéanmoins préférer les sols basiques. En plus desrendzines séchardes et superficielles, il occupedes sols bruns et des sols bruns lessivés peuperméables. Des emplacements de cormiers enFrance et en Allemagne prouvent que l’espècetolère très bien les sols argileux lourds sur marnes,du moins dans les chênaies. Mais on peut dou-ter que cette observation s’applique aussi aux zonesde hêtraies en Suisse.Phytosociologie. Ce large spectre écologiquereflète bien la grande adaptibilité physiologiquedu cormier. La présence de l’espèce dans leschênaies les plus sèches (EK 38, 39) prouve satolérance à la sécheresse, tandis que ses appa-ritions sporadiques dans des hêtraies (p. ex. EK7) témoignent de son fort potentiel de croissancesur les bonnes stations. Les recherches les plusrécentes (Keller 2000) révèlent que c’est surtoutdans des chênaies que le cormier s’installe na-turellement. Sur ces stations, ou bien la hauteurdu cormier vaut presque celle des essences prin-cipales (EK 39), ou bien la survie est assurée dansle peuplement accessoire, sous le couvert clairdes chênes (EK 35). Le cormier peut se manifesteren outre dans les hêtraies les plus sèches (EK 9,10), mais ne peut guère y survivre sans soutiensylvicole. Par contre, lorsqu’on le favorise sur cesstations fertiles – et qui sont de toute façon presque

toujours suivies par le sylviculteur – le cormier estpratiquement l’égal du hêtre.Répartition altitudinale. En Suisse, on rencon-tre Sorbus domestica jusque vers 700 m d’alti-tude. Il est possible qu’il puisse monter plus haut,sur des stations favorables et avec l’aide du syl-viculteur. Il est signalé à plus de 1000 m en France.

Sources: Brütsch et Rotach 1993, Drapier 1993, Düll 1959, Keller 2000,Scheller et al. 1979.

Répartition géographique

L’Europe centrale, région où le cormier estpresque toujours très rare, marque la limitenord de l’espèce. L’effectif total en Suisse estestimé à 500 individus, répartis en petites popu-lations, rares et isolées, qui s’égrainent enbordure de l’arc jurassien.

Aire de répartition. Le centre de gravité de l’airedu cormier se situe dans les péninsules balkaniqueet italienne, ainsi que dans le sud de la France.L’ensemble de l’aire s’étend d’un côté par la Franceet le Jura suisse jusqu’aux basses montagnes al-lemandes, et de l’autre côté par le Danube versle nord-est. Sachant que les Romains déjà, puisla civilisation médiévale, avaient fortement propagél’espèce, on a longtemps douté que le cormiersoit autochtone en Europe centrale. Mais on dé-couvre couramment de nouvelles populations dansles biotopes appropriés, en constatant que cesemplacements sont à la fois homogène du pointde vue écologique et cohérent sous l’aspect géo-graphique. C’est pourquoi, même au nord de sonaire, on considère aujourd’hui le cormier commeune relicte de la période chaude post-glaciaire,donc comme une espèce autochtone. Cetteconclusionest d’autant plus plausible que mal-

Associations végétales

Hêtraies mésophiles7 Hêtraie à aspérule (1)9/10 Hêtraie à pulmonaire (1)

Hêtraies xérophiles14/15 Hêtraie à laîches (1)

Chênaies mixtes35 Chênaie mixte à gaillet des bois 141 Chênaie à gesse noire 1

Chênaies subméditerranéennes38 Chênaie buissonnante thermophile 139 Ch. buiss. à coronille en couronne 1

conservation et doit faire partie des concepts depromotion.Mesures ex situ. On a d’ores et déjà installé unverger conservatoire à Bienne, dans le but desauvegarder le patrimoine génétique des popu-lations du nord de la Suisse. Cela permet de réduirele risque d’appauvrissement par dérive généti-que et, en même temps, d’obtenir du matérielde reproduction doté d’une variation génétiquesuffisante. Il est prévu de compléter régulière-ment cette collection à partir des nouveaux si-tes découverts. Il faudrait aussi envisager la créationd’un autre verger pour les populations du sud-ouest de la Suisse. Mais pour décider de réali-ser un tel projet, il faudrait d’abord savoir si lavariation génétique sur cette aire est suffisanteet à quel point elle se distingue des populationsdu nord.Bases. Pour favoriser le cormier, il est importantde compléter l’inventaire, afin de recenser despopulations encore inconnues pendant qu’ellesexistent encore. En vue de la production de plants,il faudrait en savoir plus sur la variation généti-que des diverses sous-populations. Ceci demandeun inventaire génétique. Il faut élucider d’urgencela question du feu bactérien - la sensibilité du cor-mier à son égard n’étant pas prouvée - afin destopper le rejet peut-être inutile dont l’espèceest victime.

Sources: Franke et Ludwig 1994, Keller 1999, von Schmeling 1992.

Sylviculture

On ne sait que peu de choses sur la sylvicul-ture de Sorbus domestica. Par sa forte crois-sance, son tronc continu et sa faculté de formerun gros houppier, le cormier est certainementl’espèce de Sorbus la plus intéressante pourla foresterie.

Les affirmations actuelles sur la sylviculture ducormier sont encore provisoires. Des recherchessont encore nécessaires pour améliorer les con-naissances sur l’espèce.Choix de la provenance. On donnera la pré-férence aux provenances indigènes. Pour éviterd’importants taux d’échec et des chutes de crois-sance (affaiblissement par consanguinité), onutilisera exclusivement des semences ou des plantsissus d’une pollinisation croisée, à l’occasion d’unebonne année à fruits. Comme lieux de récolte,on choisira si possible des sites avec des effec-tifs élevés ou des vergers semenciers ou conser-vatoires.Choix de la station. Il existe une large palettede biotopes où le cormier peut rester compéti-tif s’il est régulièrement favorisé par le traitementsylvicole. En cas de plantation sur une bonne station,il faut s’assurer que les soins sylvicoles pourrontêtre garantis à long terme.Mélange. Dans la nature, le cormier ne croît quepar pieds isolés. Les peuplements purs sont doncdéconseillés. Il est judicieux de le mélanger avecdes essences de lumière comme le chêne et lepin. Les avis divergent concernant le mélange avecdes espèces de lumière à croissance rapide commele frêne, le merisier ou le mélèze. Probablement

Cormier élevéen peuplement et présentant un axe continu

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que les plantations préparatoires d’aulnes blancset de bouleaux sont utiles. Les jeunes cormierssemblent préférer un léger couvert au plein en-soleillement.Régénération naturelle. Même si le recrû na-turel est rare, on sait que la régénération par grai-nes ou par drageons est possible; il faut toujoursla conserver.Plantation. On utilise normalement des plantsen conteneur d’un ou deux ans mesurant de 30à 100 cm (plantation en motte).Protection. Il est indispensable de protéger lesjeunes cormiers de l’abroutissement. La corbeillede treillis individuelle est recommandée. On peutaussi introduire le cormier dans des plantationsdéjà clôturées (p. ex. avec le chêne). Lors de laplantation, on peut protéger les racines des mulotson entourant la motte d’un fin treillis.Soins. Comme la croissance juvénile est rapideet que l’arbre tend à garder un axe continu, lessoins peuvent se concentrer sur la sélection positiveet sur la bonne conformation du houppier. Il estvrai que ce dernier réagit vite à un apport de lu-mière, mais il est souvent comprimé par des espè-ces plus tolérantes à l’ombrage. De tels concur-rents sont à éliminer au moment où leur couron-ne pénètrent latéralement dans celle du cormier.Parmi les individus nouvellement découverts, beau-coup sont comprimés depuis longtemps. Il fautalors agir prudemment: si on les dégage soudai-nement, le risque de bris de branches augmente.Il vaut donc mieux les dégager progressivement.Récolte. La durée de révolution semble être de150 à 200 ans. Le cormier ne forme pratiquementpas de gourmands et se prête à la réserve sur coupe.

Sources: Brütsch et Rotach 1993, Dagenbach 1978, Klumpp et al. 1997,Naumann 1983, von Schmeling 1992.

Individu solitaire aux dimensions imposantes

Phot

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Réserve sur coupe

CormierCormier

Aire de répartition d’après von Schmeling (1992)

Page 7: Cormier

2 7

Reproduction

Le processus de reproduction est le talon d’Achilledu cormier. En Europe centrale, il ne se régénèreque difficilement par graines. Mais son aptitudeà drageonner – même si elle n’est pas très dé-veloppée – lui permet de garder sa place, sansaide extérieure dans les biotopes adéquats.

Reproduction sexuée. À l’instar de nombreusesRosacées, la fécondation du cormier, essencemonoïque, est le fait des insectes (entomophilie).À la différence des autres espèces de Sorbus, onne lui connaît pas d’hybrides. Le cormier se re-produit mal sous nos latitudes. Son fruit contientune à deux graines. Les individus surcimés ne fruc-tifient souvent pas du tout. Comme les populationssont la plupart du temps isolées, le cormier souffreprobablement d’un phénomène de consanguinité:faute de partenaires, il se pollinise lui-même (auto-gamie) et engendre une descendance à vitalitéréduite. En effet, plus l’arbre-mère est autogame,plus le taux de germination des graines, la via-bilité des plantules et la vigueur des survivantsdiminuent.Dissémination des graines. Les semences sontdisséminées de façon très efficace. Les gros fruitsattirent oiseaux et mammifères, notamment desrongeurs, le chevreuil, le sanglier, le renard et lamartre. Tous ingèrent les cormes, les grainespassant intactes à travers le tube digestif. L’hommeaussi a largement contribué à la propagation del’essence: il a en effet cultivé des cormiers dèsl’Antiquité et jusqu’au début du Moyen Âge.Germination. La germination a lieu après l’hiver-nage ou après une stratification humide et froidede deux mois au premier printemps. Le taux desurvie des plantules est faible, car ces dernièresn’ont que peu de substances de réserve à dispo-sition. De plus, elles sont sensibles à diversesmaladies fongiques.Reproduction végétative. Comparative-ment à celle des proches parents, la reproduc-tion végétative est faiblement développée. Ilapparaît bien des drageons et des rejets de souche,mais ceux-ci disparaissent la plupart du tempspar manque de lumière. Pourtant, cette régéné-ration végétative a certainement contribué àconserver l’essence aux époques des régimes dutaillis et du taillis sous futaie. Il est possible quemême de petites populations relictuelles d’indivi-dus surcimés aient pu se maintenir ainsi, sans re-production sexuée, pendant des siècles. On peutfacilement multiplier le cormier par bouturagedes racines.

Sources: Brütsch et Rotach 1993, Dagenbach 1978, Klumpp et al. 1997,Kutzelnigg 1995, von Schmeling 1992.

Facteurs de croissance

Malgré des besoins en lumière très élevés, lecormier est à considérer comme un arbre forestiertypique au regard des caractéristiques suivantes:forte croissance, axe continu et aptitude àdévelopper un grand houppier.

Besoins en lumière. Les caractères d’essencede lumière sont prononcés. Si le cormier sup-porte mal d’être surcimé, il garde sa vitalité sousun couvert temporaire et léger. Comme le tauxde survie est relativement élevé dans des plan-tations faites sous un tel couvert, on suppose mêmeque les jeunes cormiers préfèrent un léger om-brage au plein ensoleillement.Croissance. La croissance en hauteur est par-ticulièrement forte dans le jeune âge. Elle dépassecelle du chêne sur les bonnes stations. La hau-teur finale peut dépasser 30 m, le record suisseétant actuellement de 33,2 m. Le développementen largeur du houppier est également exceptionnel,si l’espace disponible est suffisant. Tant que la

formation du houppier est favorisée, la capacitéde réaction à l’apport de lumière reste élevée.La croissance en diamètre, elle aussi, est fortelorsque la couronne est bien développée: elle estde l’ordre de celle du hêtre et se maintient avecl’âge. Une telle vigueur est d’autant plus impres-sionnante qu’elle se combine avec la tendancemarquée du cormier à former un axe continu.Le tronc réagit à peine à un éclairement latéralet ne s’oriente pas non plus vers les trouées ducouvert (non phototrope). Cette combinaison depropriétés rend l’essence intéressante du pointde vue forestier – même sous le régime de la futaie.On rencontre parfois des bois à fibre torse.Compétitivité. Comme le frêne, le cormier nesupporte pas de pression latérale, même pas celledu chêne, à qui il cède la place. Il est incapablede pénétrer dans d’autres houppiers, même clairs.Mais le cormier compense partiellement cettefragilité en matière de concurrence par une fortecroissance en hauteur. Il sera plus facilementcomprimé latéralement que surcimé.

Caractères distinctifs du cormier et du sorbier des oiseleurs

cormier

• lisse seulement jusqu’à 7 ans environ,puis crevassée

• visqueux, pratiquement glabre• vert à rougeâtre

• verte au début, velue (poils blancs), souventinclinée/plongeante, pétiole vert

• folioles arrondies au sommet, à base souventsymétrique et non dentée

• 35-75 fleurs• en bouquet hémisphérique• parfum agréable

• 15-30 mm, 5 styles et 5 loges ovariennes• jaune à joue rouge, vite brun et blet

une fois tombé

écorce

bourgeonapical

feuille

inflorescence

fru i t

sorbier des oiseleurs

• lisse avec ceintures de lenticelles,pas d’écorce grossièrement crevassée

• non visqueux, velus (poils blancs)• roux

• rougeâtre au début, peu de poils, étaléesur un plan, pétiole rougeâtre

• folioles pointue, à base asymétrique,dentée jusqu’à la base

• 200-300 fleurs• en bouquet plat (faux corymbe)• odeur désagréable

• 4-10 mm, 3 styles et 3 loges ovariennes• orangé à rouge

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Drageon issu d’une racine superficielle Cormier cédant devant la pression latérale

Utilisation

L’importance culturelle du cormier était autrefoistrès grande. Ses fruits, qui alimentaient l’hommeet le bétail, avaient aussi leur place enphytothérapie. Son bois précieux était destinéà des usages particuliers.

Les Grecs et les Romains appréciaient déjà le cor-mier et le cultivaient. Charlemagne aussi apportason soutien à l’espèce. Et les moines de Saint-Gall le soignaient dans le jardin du couvent.Bois. Le bois de cormier a un grain fin; il est dur,lourd, résistant à la pression, souple et facile àtravailler. Il était autrefois recherché pour de nom-breux usages qui requièrent un bois fin et résistantà la pression: vis, presses, instruments de musique(p. ex. flûtes) ou proues de bateaux. Il ne sub-siste que peu de ces usages. Aujourd’hui, ce boisrare est recherché notamment pour les meubles:en qualité placage, il se paie à prix d’or. Il est com-mercialisé sous le nom de poirier suisse avec l’alisieret les poiriers cultivés et sauvages.Alimentation. Les fruits, riches en tanin, étaientutilisés pour clarifier le vin et le moût de pomme,pour rehausser l’arôme et améliorer la conser-vation, et pour distiller une eau-de-vie très agréable.Des cormes, on faisaient des confitures et de lafarine; elles étaient aussi valorisées comme four-rage.Pharmacopée. Au Moyen Âge, on utilisait lescormes, comme les fruits de l’alisier, en cas demaladie de l’estomac et des intestins, de dysenterieet de diarrhée.

Sources: Brütsch et Rotach 1993, Düll 1959, Kutzelnigg 1995, Schelleret al. 1979, von Schmeling 1992.

Remarques sur l’étymologie et la mythologie d’un bien culturel presque oublié

L’histoire du cormier est mouvementée: à certaines époques, il est adulé pour ses fruits (cormes, sorbes), alors qu’à d’autres momentsde l’histoire, il semble tomber complètement dans l’oubli. L’apparition de son nom correspond à l’âge d’or de l’espèce. En effet, il ya 2000 ans déjà que Théophraste, médecin de l’Antiquité grecque, l’avait appelé Sorbus. La racine latine sorbere signifie boire[humer?] et nous indique pour quelle raison il était apprécié à l’époque. Ce dénomination a d’ailleurs subsisté jusqu’à nos joursdans l’appellation scientifique du genre. Le cormé, nom d’origine gauloise (curmi), est une boisson fermentée faite avec des sorbes.L’adjectif domestica est apparu bien plus tard, pour la première fois sous la plume de Matthiolus en 1563. Le cormier a été trèsprisé également au Moyen Âge, probablement en raison de son utilisation médicale, les fruits étant connus pour leur effet astringeant.On a aussi attribué diverses vertus surnaturelles au cormier. À l’instar de l’alisier et du sorbier des oiseleurs, placé dans le toit oudans la chambre, il doit protéger de la foudre et chasser les mauvaises esprits de la maison. Intégré dans la proue des navires, le boisdu cormier était sensé apaiser les vagues et diminuer la violence des tempêtes.Sources: Düll 1959, Kutzelnigg 1995, Scheller et al. 1979, von Schmeling 1992.

Cormier: gravure sur bois de Matthiolus datant de 1563 (extrait de von Schmeling 1992)

CormierCormier

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Identification de l’espèce

Si l’on n’y prend garde, on peut facilementconfondre le cormier avec le sorbier des oiseleurs.Et en hiver, on le prend même souvent pourun chêne. Mais pour être sûr de bien l’iden-tifier, on peut se fier à l’écorce, aux feuilles etaux fruits, qui sont caractéristiques.

En fait, l’essentiel est de se faire à l’idée que chacunpeut, un jour ou l’autre, tomber sur un vérita-ble cormier. Dans le passé, et même parfois jusqu’àaujourd’hui, l’espèce n’a simplement pas été as-sez remarquée – même par les botanistes.Port. L’aspect du cormier est fort variable: lehouppier d’un individu solitaire est large, de typepommier, alors qu’en peuplement, la stature estélancée, l’axe du tronc continu. La hauteur del’arbre peut dépasser 30 m.Écorce. L’écorce de l’arbre âgé ressemble à celledu chêne sessile, un compagnon fréquent ducormier. Mais chez ce dernier, il se forme des écaillesrectangulaires et allongées, qui se détachent engénéral à partir du bas et qui font penser à desbardeaux.Feuilles. Les feuilles, très découpées, laisse pas-ser beaucoup de jour. Vue de dessous contre unciel d’été, la frondaison produit un jeu d’ombreet de lumière unique. En hiver, les nervures centralesdes feuilles tombées sur le sol, longues de 10 à15 cm, sont très utiles pour reconnaître de vieuxcormiers aux allures de chênes. Si l’arbre est encorejeune ou surcimé et qu’il ne porte pas de fruits,il faudra observer certains caractères des feuilleset des bourgeons pour ne pas le confondre avecle sorbier des oiseleurs (tableau p. 2).Fruits. Les fruits (cormes), en forme de poire oude pomme, atteignent trois centimètres. Ils sontun critère d’identification fiable.

Sources: Brütsch et Rotach 1993, Dagenbach 1978, Düll 1959, Scheller etal. 1979.

Cormier Sorbier domestique

Sorbus domestica L.

Le cormier est un arbre remarquable: son port léger stimule le regard, son bois présente une valeur exceptionnelle et sesfruits étaient fort appréciés autrefois, que ce soit pour éclaircir le moût de pomme et le vin ou pour fabriquer une eau-de-vie des plus fines. Malgré cela, l’essence est complètement tombée dans l’oubli durant ces derniers siècles. Au nord des Alpes,elle est même devenue très rare. Ce recul est dû à plusieurs raisons: la rareté de l’espèce, sa répartition morcelée et des difficultésde rajeunissement, en rapport peut-être avec un phénomène de consanguinité. On ne sait pas avec certitude si le cormierest autochtone en Europe centrale. Mais les débats scientifiques sur la question ne doivent pas devenir un obstacle à la promotionsystématique de cette espèce, que l’on vient de redécouvrir, juste avant qu’elle ne disparaisse totalement.

Bel exemplaire de cormier dégagé

Écorce en forme d’écailles allongées Cormes

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Brütsch, U., Rotach, P., 1993: Der Speierling (Sorbus domesticaL.) in der Schweiz: Verbreitung, Ökologie, Standortan-sprüche, Konkurrenzkraft und waldbauliche Eignung.Schweiz. Z. Forstwes. 144, 12: 967-991. (! synthèseclaire et complète, y compris les aspects sylvicoles).

Dagenbach, H., 1978: Über die Nachzucht des Speierlings(Sorbus domestica L.). Ein Beitrag zur Erhaltung einervom Aussterben bedrohten Baumart. Veröff. NaturschutzLandschaftspflege Bad.-Württ. 47/48: 191-203.

Drapier, N., 1993: Écologie et intérêt sylvicole de divers Sorbusen France. Rev. For. Fr. XLV, 3: 345-354.

Düll, R., 1959: Unsere Ebereschen und ihre Bastarde. ZiemsenVerlag, Wittenberg. 125 p. (! description ancienne, maistoujours la plus précise, de certains caractères botaniquesdu cormier et d’espèces aparentées).

Franke, A, Ludwig, U., 1994: Vorkommen des Speierlings(Sorbus domestica L.) in Baden-Württemberg. Erfassung,Bewertung, Erhaltung. Mitteilungen der Forstlichen Ver-suchs- und Forschungsanstalt Baden-Württemberg. Heft180. 98 p.

Hasenmaier, E., Mühlhäusser, G., 1990: Wurzelbilder eini-ger Baumarten auf Tonböden des Einzelwuchsbezirks“Weinbaugebiet von Stuttgart, Maulbronn und Heil-bronn“. Mitteilungen des Vereins für Forstliche Standorts-

Projet Favoriser les essences raresRédaction: Andreas RudowÉditeurs: Chaire de sylviculture EPFZ,

Direction fédérale des forêts OFEFP© EPFZ/OFEFP 2001

Sources(! = spécialement recommandé pour approfondir le sujet)

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auprès du service forestier et auprès de botanistes.Keller, W., 2000: Zur soziologischen Bindung des Speierlings

(Sorbus domestica L.). Mitt. Naturforsch. Ges. Schaff-hausen 46: (en préparation). (! résultats récents etintéressants concernant les facteurs écologiques)

Kissling, P., 2000: Proposition de nomenclature romandedes syntaxons pour SEBA (Projet Favoriser les essencesrares). Non publié. Document du 17. 10. 2000. Moudon.5 p.

Klumpp, R., Jakubowsky, G., Kirisits, T., 1997: Seltene Sor-busarten. In: WWF Österreich (Éd.), 1997: Zukunft fürgefährdete Baumarten? Rückbringung und Förderungseltener und gefährdeter Baum- und Straucharten. Be-richt zur Fachtagung am 1. Oktober 1997 an der FBVAMariabrunn. Eigenverlag WWF Österreich, Wien. p.52-67.

Kutzelnigg, H., 1995: Sorbus domestica. In: Scholz, H. (Éd.),1995: Gustav Hegi. Illustrierte Flora von Mitteleuropa.Band IV, Teil 2B (2. Aufl.). Blackwell, Berlin. S. 338-343.(! bonne synthèse, concise, sur la répartition géographiqueet la biologie)

Landolt, E., 1991: Plantes vasculaires menacées de Suisse

(Liste rouge). Office fédéral de l’environnement, des forêtset du paysage (OFEFP), Berne. 185 p.

Naumann, G.,1983: Artenhilfsprogramm Speierling (Rosaceae:Sorbus domestica). Mitteilungen der Landesanstalt fürÖkologie, Landschaftsentwicklung und ForstplanungNordrhein-Westfalen. Merkblätter zum Biotop- und Arten-schutz. 8, 4 (suppl. 52): 27-28.

Scheller, H., Bauer, U., Butterfass, T., Fischer, T., Grasmück,H., Rottmann, H., 1979: Der Speierling (Sorbus domesticaL.) und seine Verbreitung im Frankfurter Raum. Mitt.Dtsch. Dendrol. Ges. 71: 5-65. (! synthèse quelque peuancienne, mais claire et complète).

Wilhelm, G.J., 1998: Beobachtungen zur Wildbirne. Im Ver-gleich mit Elsbeere und Speierling. AFZ/Der Wald 53,16: 856-859. (! comparaison intéressante d’un pointde vue sylvicole).

von Schmeling, W.K.-B., 1992: Der Speierling. EigenverlagW.K.-B. von Schmeling, Bovenden (D). 224 p. (! minede renseignements les plus divers, même si la structuredu texte n’est pas des plus claires).

Wagner, K., 1998: Genetische Variation des Speierlings inausgewählten Gebieten der Schweiz, Süddeutschlandsund in Österreich. Corminaria 10: 3-6. (! résultats récentset intéressants sur la variation génétique).

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