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Correspondance à propos de l’article : « Amylose systémique sénile : définition, diagnostic, pourquoi y penser ? » Letter on the article: ‘‘Senile systemic amyloidosis: Definition, diagnosis, why thinking about?’’ Nous avons lu avec un grand intérêt la revue de Damy et al. sur l’amylose systémique sénile [1]. Nous souhaiterions rajouter un commentaire sur l’intérêt de la scintigraphie utilisant le mar- queur Tc-99m-3,3-Diphosphono-1,2-Propano-Dicarboxylique acide (DPD) comme marqueur de référence pour le diagnostic de l’amylose cardiaque à la transthyrétine (TTR), qu’elle soit sénile TTR sauvage) ou héréditaire TTR mutée). Les études portant sur l’amylose à la TTR ont montré l’intérêt majeur de la scintigraphie au DPD comme examen non invasif pour le diagnostic et le pronostic de l’atteinte cardiaque amy- loïde, avec une nette supériorité du DPD par rapport à l’autre marqueur couramment utilisé pour la scintigraphie osseuse, l’hydroxy-méthylène-diphosphonate (HMDP) [24]. Dans l’étude de Perugini et al. [2], chez 11 patients atteints d’amy- lose cardiaque à la TTR et ayant une hyperfixation cardiaque intense au DPD, le traceur HMDP ne fixait pas au niveau du myocarde. C’est aussi ce que nous avions illustré au sujet d’un cas d’amylose cardiaque survenant chez un patient comorien, associée au variant non neuropathique Val122Ile du gène de la TTR [5]. Dans notre observation, la scintigraphie au DPD mon- trait une forte fixation myocardique, alors qu’elle était faible avec le traceur HMDP [5] Le marqueur DPD est donc à favoriser pour le diagnostic de l’amylose cardiaque à la TTR. La positivité de la scintigraphie au DPD pourrait permettre de surseoir aux biopsies myocardiques dans le diagnostic étiologique de l’amy- lose cardiaque ; la réalisation de biopsies myocardiques restant un geste invasif et soulevant des problèmes éthiques quand le diagnostic de l’amylose à la TTR est quasi certain, notamment chez un sujet âgé. Ceci a été illustré par une observation publiée en 2009 dans La Presse Me ´ dicale [6] : il s’agissait d’un homme de 76 ans hospitalisé pour une insuffisance cardiaque restrictive avec une hyperfixation très intense du traceur DPD au niveau des parois myocardiques. Le diagnostic évoqué d’amy- lose cardiaque à la TTR fut secondairement confirmé par des biopsies myocardiques montrant la positivité de l’immuno-his- tochimie avec le marquage des dépôts amyloïdes par l’anticorps anti-TTR [6]. De nos jours et comme rappelé par Damy et al. [1] dans leur stratégie diagnostique, la recherche d’une mutation pathogène dans le gène de la TTR est indispensable afin de rechercher une forme héréditaire d’amylose à la TTR (la fixation myocardique au DPD ne permettant pas de différencier le variant TTR sauvage du muté), d’autant plus que la forme héréditaire ou mutée ne peut être exclue uniquement par l’absence d’atteinte extracardiaque ou d’antécédents familiaux. Nous souhaitons illustrer l’intérêt de la scintigraphie au DPD au travers du cas d’un patient atteint d’amylose sénile, en complément des illustrations publiées par Damy et al. [1]. Un homme de 79 ans, sans facteur de risque cardiovasculaire ni antécédent familial d’amylose, ayant bénéficié d’une car- dioversion en 2012 pour une fibrillation auriculaire, a été hospitalisé en février 2013 pour une poussée d’insuffisance cardiaque. L’échocardiographie mettait en évidence un aspect de cardiomyopathie hypertrophique concentrique avec un sep- tum brillant, une altération de la fraction d’éjection ventricu- laire gauche à 30 % et un profil mitral restrictif. L’imagerie par IRM cardiaque montrait un épaississement concentrique des parois myocardiques avec un rehaussement tardif diffus sous- endocardique et sous-épicardique circonférentiel s’étendant à la partie inférieure du ventricule droit. La scintigraphie au DPD observait une hyperfixation intense du myocarde au niveau des deux ventricules, fortement évocatrice d’une amylose à la TTR (figure 1). Il n’y avait aucune atteinte extracardiaque (absence de dysautonomie, de macroglossie, de neuropathie, d’orga- nomégalie, d’atteinte rénale, digestive ou hépatique, de gam- mapathie monoclonale sérique et urinaire). La biopsie des glandes salivaires ne montrait pas de dépôts amyloïdes. L’ana- lyse génétique n’identifiait pas de mutation pathogène du gène de la TTR. Compte tenu de l’âge et de l’état général du patient, des risques liés à la réalisation des biopsies myocardiques, de l’absence de modification thérapeutique en cas de confirmation histologique de l’amylose et du caractère isolé de l’atteinte cardiaque, aucune autre investigation n’a été réalisée. Un traitement symptomatique par diurétiques et inhibiteurs de Presse Med. 2013; 42: 16671668 en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com 1667 Correspondance tome 42 > n812 > décembre 2013

Correspondance à propos de l’article : « Amylose systémique sénile : définition, diagnostic, pourquoi y penser ? »

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Presse Med. 2013; 42: 1667–1668 en ligne sur / on line onwww.em-consulte.com/revue/lpmwww.sciencedirect.com

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Correspondance à propos del’article : « Amylose systémiquesénile : définition, diagnostic,pourquoi y penser ? »

Letter on the article: ‘‘Senile systemicamyloidosis: Definition, diagnosis,why thinking about?’’

Nous avons lu avec un grand intérêt la revue de Damy et al. surl’amylose systémique sénile [1]. Nous souhaiterions rajouter uncommentaire sur l’intérêt de la scintigraphie utilisant le mar-queur Tc-99m-3,3-Diphosphono-1,2-Propano-Dicarboxyliqueacide (DPD) comme marqueur de référence pour le diagnosticde l’amylose cardiaque à la transthyrétine (TTR), qu’elle soitsénile (à TTR sauvage) ou héréditaire (à TTR mutée).Les études portant sur l’amylose à la TTR ont montré l’intérêtmajeur de la scintigraphie au DPD comme examen non invasifpour le diagnostic et le pronostic de l’atteinte cardiaque amy-loïde, avec une nette supériorité du DPD par rapport à l’autremarqueur couramment utilisé pour la scintigraphie osseuse,l’hydroxy-méthylène-diphosphonate (HMDP) [2–4]. Dansl’étude de Perugini et al. [2], chez 11 patients atteints d’amy-lose cardiaque à la TTR et ayant une hyperfixation cardiaqueintense au DPD, le traceur HMDP ne fixait pas au niveau dumyocarde. C’est aussi ce que nous avions illustré au sujet d’uncas d’amylose cardiaque survenant chez un patient comorien,associée au variant non neuropathique Val122Ile du gène de laTTR [5]. Dans notre observation, la scintigraphie au DPD mon-trait une forte fixation myocardique, alors qu’elle était faibleavec le traceur HMDP [5] Le marqueur DPD est donc à favoriserpour le diagnostic de l’amylose cardiaque à la TTR. La positivitéde la scintigraphie au DPD pourrait permettre de surseoir auxbiopsies myocardiques dans le diagnostic étiologique de l’amy-lose cardiaque ; la réalisation de biopsies myocardiques restantun geste invasif et soulevant des problèmes éthiques quand lediagnostic de l’amylose à la TTR est quasi certain, notammentchez un sujet âgé. Ceci a été illustré par une observation publiéeen 2009 dans La Presse Medicale [6] : il s’agissait d’unhomme de 76 ans hospitalisé pour une insuffisance cardiaque

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restrictive avec une hyperfixation très intense du traceur DPDau niveau des parois myocardiques. Le diagnostic évoqué d’amy-lose cardiaque à la TTR fut secondairement confirmé par desbiopsies myocardiques montrant la positivité de l’immuno-his-tochimie avec le marquage des dépôts amyloïdes par l’anticorpsanti-TTR [6]. De nos jours et comme rappelé par Damy et al. [1]dans leur stratégie diagnostique, la recherche d’une mutationpathogène dans le gène de la TTR est indispensable afin derechercher une forme héréditaire d’amylose à la TTR (la fixationmyocardique au DPD ne permettant pas de différencier le variantTTR sauvage du muté), d’autant plus que la forme héréditaire oumutée ne peut être exclue uniquement par l’absence d’atteinteextracardiaque ou d’antécédents familiaux.Nous souhaitons illustrer l’intérêt de la scintigraphie au DPD autravers du cas d’un patient atteint d’amylose sénile, encomplément des illustrations publiées par Damy et al. [1].Un homme de 79 ans, sans facteur de risque cardiovasculaireni antécédent familial d’amylose, ayant bénéficié d’une car-dioversion en 2012 pour une fibrillation auriculaire, a étéhospitalisé en février 2013 pour une poussée d’insuffisancecardiaque. L’échocardiographie mettait en évidence un aspectde cardiomyopathie hypertrophique concentrique avec un sep-tum brillant, une altération de la fraction d’éjection ventricu-laire gauche à 30 % et un profil mitral restrictif. L’imagerie parIRM cardiaque montrait un épaississement concentrique desparois myocardiques avec un rehaussement tardif diffus sous-endocardique et sous-épicardique circonférentiel s’étendant àla partie inférieure du ventricule droit. La scintigraphie au DPDobservait une hyperfixation intense du myocarde au niveau desdeux ventricules, fortement évocatrice d’une amylose à la TTR(figure 1). Il n’y avait aucune atteinte extracardiaque (absencede dysautonomie, de macroglossie, de neuropathie, d’orga-nomégalie, d’atteinte rénale, digestive ou hépatique, de gam-mapathie monoclonale sérique et urinaire). La biopsie desglandes salivaires ne montrait pas de dépôts amyloïdes. L’ana-lyse génétique n’identifiait pas de mutation pathogène du gènede la TTR. Compte tenu de l’âge et de l’état général du patient,des risques liés à la réalisation des biopsies myocardiques, del’absence de modification thérapeutique en cas de confirmationhistologique de l’amylose et du caractère isolé de l’atteintecardiaque, aucune autre investigation n’a été réalisée. Untraitement symptomatique par diurétiques et inhibiteurs de

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Figure 1

Scintigraphie au DPD montrant une fixation cardiaque intense en faveur d’une amylose à la TTR

Correspondance

l’enzyme de conversion a été instauré avec une stabilisation del’état cardiaque à six mois.

Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflitsd’intérêts en relation avec cet article.

Références[1] Damy T, Mohty D, Deux JF, Rosso J, Benhaiem N, Lellouche N et al.

Amylose systemique senile : definition, diagnostic, pourquoi y penser ?Presse Med 2013;42:1003-10014.

[2] Perugini E, Guidalotti PL, Salvi F, Cooke RM, Pettinato C, Riva L et al.Noninvasive etiologic diagnosis of cardiac amyloidosis using 99mTc-3,3-diphosphono-1,2-propanodicarboxylic acid scintigraphy. J Am Coll Cardiol2005;46:1076-84.

[3] Rapezzi C, Quarta CC, Guidalotti PL, Longhi S, Pettinato C, Leone O et al.Usefulness and limitations of 99mTc-3,3-diphosphono-1,2-propanodicar-boxylic acid scintigraphy in the aetiological diagnosis of amyloidoticcardiomyopathy. Eur J Nucl Med Mol Imaging 2011;38:470-8.

[4] Rapezzi C, Quarta CC, Guidalotti PL, Pettinato C, Fanti S, Leone O et al.Role of (99m)Tc-DPD scintigraphy in diagnosis and prognosis ofhereditary transthyretin-related cardiac amyloidosis. JACC CardiovascImaging 2011;4:659-70.

[5] Rossi P, Tessonnier L, Frances Y, Mundler O, Granel B. 99mTc DPD is thepreferential bone tracer for diagnosis of cardiac transthyretin amyloi-dosis. Clin Nucl Med 2012;37:209-10.

[6] Zannad N, Cosnay P, Guyetant S, May MA, Mohty D, Casset-Senon D.Diagnostic de l’amylose cardiaque sénile par la scintigraphie au 99mTc-DPD. Presse Med 2009;38:672-5.

Aurélie Daumas1, Chloé Ammar1, Anne Darmon1,Pierre Leveque1, Laurent Tessonnier2, Pierre Ambrosi1,

Sophie Valleix3, Patrick Villani1, Brigitte Granel4

1AP–HM, hôpital de la Timone, service de médecineinterne et thérapeutique, 13385 Marseille cedex 05, France

2Hôpital Sainte-Musse, service de médecine nucléaire,83056 Toulon, France

3Institut Cochin, faculté de médecine de Paris-Descartes,Inserm U1016, CNRS UMR 8104, IFR 116,

département génétique et développement,75014 Paris, France

4AP-HM, hôpital Nord, service de médecine interne,13915 Marseille cedex 05, France

Correspondance : Aurélie Daumas,hôpital de la Timone, service de médecine interne

et thérapeutique, 264, rue Saint-Pierre,13385 Marseille cedex 05, France.

[email protected]

Disponible sur internet le : 9 novembre 2013

� 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.08.004

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