� LES SECRETS DE LA PRÉPARATION MENTALE AUX ÉCHECS (2) : LES COMPÉTENCES MENTALES� DISCUTONS OUVERTURES ! : DÉFENSE SEMI-SLAVE : VARIANTE DE MOSCOU� CRÉATIVITÉ : CARLSEN-BU À TBILISSI : LA CHUTE DU ROI MAGNUS� FÉMININES : HARIKA-RUDOLF À L’ÎLE DE MAN : UNE RÉACTION EN CONTRE SUR LA SLAVE � FINALES : ELJANOV-CARLSEN À L’ÎLE DE MAN : LE DÉBUT OWEN AVEC 1.hhf3 b6

� HISTOIRE : BUENOS-AIRES 1939 : LA PREMIÈRE OLYMPIADE HORS D’EUROPE’:HIKLPE=UU[^Z[:?a@q@i@l@a"M 01540 - 681 - F: 6,95 E - RD

N°681- NOVEMBRE 2017

MARC-ANDRIA MAURIZZI

CHAMPION D’EUROPEDES - DE 10 ANS

ARONIAN 1erLE CHINOIS DING CANDIDAT

COUPE DU MONDE FIDE

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Les erreursLa bonne gestion des erreurs est uneautre compétence mentale, décisive etsous-estimée. Emmanuel Lasker l’avaitbien compris. Au lieu d’attendre leserreurs de ses adversaires, il les provo-quait en adoptant un jeu psychologique.Selon Richard Réti : « Lasker sait pro-duire l’abattement nerveux qui est cou-rant après une faute, avant même quecette faute ne soit commise, et fait ensorte que cet abattement soit précisé-ment l’origine et la cause de la faute àvenir. Comment y parvient-il ? Il étudieles parties, la façon de jouer, les forceset les faiblesses des maîtres contre quiil doit jouer. Il ne cherche pas les meil-leurs coups, mais les coups les plusdésagréables à l’adversaire ».

Comment naissent les erreurs ?Imaginons, un instant, une situation ten-due sur l’échiquier. Vous êtes alors tra-

L e secret de la victoire aux échecsréside dans un savant mélange deconnaissances techniques, d’expé-rience pratique et de préparation men-tale. Cet article vous en dévoile un desingrédients essentiels : les compétencesmentales.

La concentrationC’est la plus importante des compétencesmentales. Les bases de données affichentenviron 25 000 parties perdues en moinsde 20 coups depuis 1850. Bon nombrede ces miniatures naissent d’un manquede concentration dans l’ouverture.De nos jours, l’amateur justifie sesdéfaites par sa méconnaissance théo-rique ou technique. C’est incontestablelorsqu’il rencontre un adversaire plusfort ou mieux préparé. En revanche,contre ses pairs, c’est plutôt la perte deconcentration qui explique souventl’origine de ses fautes.Le défaut de concentration peut mêmeconduire un joueur chevronné à perdreune partie « gagnante ». Certainsjoueurs se désintéressent de leur partiedès l’obtention d’un avantage décisif.Leur niveau de vigilance chute soudai-nement. Dans le même temps, leuradversaire est à l’affût de la moindreoccasion. Une différence de concentra-tion se crée, et favorise les rebondisse-ments de toute nature. Le joueur avecl’avantage, décontracté et déconcentré,ne s’évertue plus à trouver les meilleurscoups. La partie gagnée se transformealors nulle ou... en défaite.Visez donc un état de concentrationoptimal, ceci bien avant de jouer votrepremier coup ! Pour ce faire, pratiquezun rituel en début de partie et structurezvotre jeu mental. Maintenez également,autant que possible, un bon niveau deconcentration, surtout lorsque vousobtenez un avantage décisif. C’est lamarque des grands champions, qui res-tent vigilants jusqu’au dernier coup.

LES COMPÉTENCES MENTALESLES SECRETS DE LA PRÉPARATION MENTALE AUX ÉCHECS !

versé par une très forte émotion. Avantmême d’avoir le temps de saisir ce quise passe, votre système limbique, « lecerveau émotionnel », prend la main. Ille fait de façon automatique, et à votreinsu ! Votre « cerveau rationnel » abri-tant vos connaissances est alors mistemporairement hors-jeu. Il n’a pas eu letemps d’établir si l’émotion ressentieconstitue vraiment une menace pourvotre organisme. Vous n’avez plus accèsni à vos compétences conscientes, ni àvotre base de données échiquéenne !Submergé par ce flux émotionnelintense, seules vos compétences incons-cientes demeurent utilisables. C’estmalheureusement là où se trouvent enre-gistrées toutes vos mauvaises habitudestechniques et mentales, notammentcelles acquises quand vous étiez encoredébutant. C’est ce qui explique l’appari-tion des erreurs. �

GAFFE À TBILISSI !

L e 21 septembre, la demi-finale dela coupe du monde opposaitMaxime Vachier- Lagrave à LevonAronian. Maxime mène d’un point et iljoue sa deuxième partie rapide avec lesNoirs. Une nulle lui suffit pour se quali-fier. Levon joue le tout pour le tout. Surson blog Maxime déclara ensuite :« S’est imposé à moi le sentiment quej’avais fait le plus dur, et j’ai sans douteété victime d’un relâchement incons-cient ». Le champion français a oubliéle vieil adage échiquéen selon lequel uncombat (ou un match) n’est gagnéqu’une fois le dernier coup joué. Uneerreur psychologique qui lui a coûté lapartie... et sans doute la qualification.Levon, au bord du précipice, a mobilisétoute son énergie et ses ressources pourtenter de gagner et égaliser dans lematch. Maxime s’est démobilisé trop tôt.Ce « sentiment d’avoir fait le plus dur »s’est transformé en un handicap mentalde taille. Il a empêché Maxime de mobi-liser ses forces face à un redoutableadversaire. Cette situation illustre parfai-tement le sujet du défaut de concentra-tion.

La partieAronian a débuté sa partie par une minivictoire psychologique. Il a joué 3.f3,évitant la défense Grünfeld favorite deMVL. Tout va très vite, l’Arménienimpo se un tempo rapide. La positiontranspose d’un début de type Est-IndienneSaemisch à une structure de Benoni. �

ÉCHECS & PSYCHOLOGIE

Les échecs, c’est la luttecontre l’erreur.

Johannes Zukertort

Après avoir exposé la structuredu jeu, premier pilier de la prépa-ration mentale, il nous restait àprésenter le deuxième pilier,l’acquisition des compétencesmentales.

Par Tayeb Naidji, auteur du blogechecs-et-psychologie.fr

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Levon Aronian, 35 ans.

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ÉCHECS & PSYCHOLOGIE

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LA PASSION DES ÉCHECSDEPUIS 1959...

Nom Pays Elo

ARONIAN L. ARM 2802VACHIER-LAGRAVE M. FRA 2804

QUE S’EST-IL PASSÉDANS LA TÊTE DE MAXIME ?

Pour un joueur de club, la case d4pouvait être très attrayante pourla Dame, d’un point de vuestratégique. Elle permet d’envisagerl’échan ge des Dames, supprimant lapièce d’attaque la plus dangereuse desBlancs. Ce coup respecte aussi le prin-cipe selon lequel il faut échanger despièces quand on a un avantage matériel.Le commun des mortels serait aussitenté de diminuer la pression ressentie.En effet, moins il y a de pièces surl’échiquier, moins il y a d’interactionset de coups à calculer, plus la surchargecognitive diminue. En revanche, unjoueur du calibre de MVL ne se laissepas attirer par d’aussi triviales considé-rations stratégiques. Il possède uneacuité et une intuition tactique hors ducommun. Le vis-à-vis dangereux Tour/Dame n’a pu lui échapper, ne serait-cequ’inconsciemment.

Qu’en pense Maxime ? Le Français confessa sur son blog : « Jedois dire que je n’ai sans doute pas assezde recul pour pouvoir expliquer préci-sément ce qui s’est passé. » Chose éton-nante, dans son débriefing à chaud, ilanalyse bien l’idée nouvelle d’Aronian15.bc4!?, en laissant entendre qu’il nes’agissait pas vraiment d’une surprisepour lui. Il enchaîne en déclarant :« J’aurais pu opposer une bien meilleurerésistance plutôt que de perdre piedcomme je l’ai fait. » Maxime passecomplètement sous silence le coup24...qd4??, sur lequel il y a néanmoinsdes choses à dire. Peut-être ne souhaite-t-il pas dévoiler à ses adversaires safaçon de penser.

L. Aronian – M. Vachier-Lagrave Défense Est-Indienne (E81)

Tbilissi 2017Coupe du monde (ronde 6)

1.d4 hf6 2.c4 g6 3.f3 c5 4.d5 d65.hc3 e6 6.e4 bg7 7.hge2 0–0 8.hg3a6 9.a4 h5 10.bg5 qc7 11.qd2 exd512.cxd5 hh7 13.bh6 h4 14.bxg7kxg7

La position noire est déjà difficile avecun monarque exposé, des pièces nondéveloppées et mal coordonnées. Suite àl’échange des Fous de cases noires,Aronian n’hésite pas à laisser en priseson Cavalier en g3. Il veut ouvrir lacolonne « h » pour sa Tour en h1, etexploiter l’affaiblissement des casesnoires autour du Roi adverse. Maximeaccepte ce « don grec ». Il imagine pou-voir transposer ensuite dans une finalegagnante, grâce à sa pièce de plus.

15.bc4 hxg3 16.hxg3 rh8 17.e5 qe718.0–0–0 hd7 19.exd6 qxd6 20.he4qe5 21.d6

Levon accroît son avance de développe-ment. Il ouvre les lignes et centralisetoutes ses pièces, avant d’attaquer le Roinoir.

21...g5 22.rhe1 b5 23.bd5 rb8 24.f4

La pression sur les épaules du Françaisest à son comble. Sa Dame vient d’arri-ver en e5 et se fait refouler par le pionf4. Maxime tente de garder le contrôledes cases noires. Deux possibilités s’of-frent à lui : déplacer sa Dame en f5 ouen d4.

24...qd4??Aronian répondra a tempo en faisantcoulisser sa Dame en e2, obligeant lerepli de la Dame noire en b4. Il conclutsa manœuvre par qh5, forçant l’aban-don des Noirs dès le 26e coup, aprèsdeux coups simples et forcés !

25.qe2 qb4 26.qh5

Abandon. 1-0 �

Maxime Vachier-Lagrave, 26 ans.

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Mon analyseCette erreur au 24e coup est-elle laconséquence directe de la fatigue accu-mulée lors d’un long tournoi, avec lerisque permanent d’une éliminationdirecte, comme une épée de Damoclès ?A-t-il été débordé par l’enjeu ? Je n’ycrois pas. Ce serait oublier rapidementque Maxime est un joueur professionnelrompu aux parties à forts enjeux, àtoutes les cadences. Même s’il a com-mencé la partie « relâché », selon sespropos, un champion sait, mieux quequiconque, trouver les ressources pourrevenir dans la partie et rebondir dansles moments critiques. Soit, il a baisséles bras dans une position qu’il jugeaitperdante à terme, sachant que la défaitene signifiait pas encore la perte dumatch, préservant ainsi ses forces, maispas forcément son mental... Soit, il estentré consciemment – ou non – dans unesuite perdante pour abréger ses souf-frances. La partie était déjà très pénible. Cette défaite soudaine et brutale aurasans doute laissé des traces. Après qua-tre nulles sans relief, Maxime s’incli-nera au départage en blitz Armageddon.Ses nerfs finiront par flancher, cettefois-ci définitivement : « Mon plus grosregret restera évidemment cet ultimeArmageddon », avouera-t-il dans sondébriefing à chaud.

Comment faire face aux erreurs ?Le recours à des phrases logiques, tellesque «  reste calme ! », est inefficace surl’instant. Essayez plutôt de créer  un «court-circuit neuronal » à l’aide unegrande respiration consciente ! Mettezégalement en place un ancrage spéci-fique pendant votre préparation men-tale, pour anticiper ce scénario. Leserreurs font partie du jeu et sont inévita-bles. Préparez-vous donc à en commet-tre. Puis, accueillez-les et faites de votremieux pour gérer la situation, sans vousjuger. �

LES CROYANCES LIMITANTESSavoir se débarrasser de ses croyances limitantes constitue la troisième compé-tence mentale. Pendant la partie, un flux continu de pensées traverse votreesprit. Certaines représentent des croyances erronées en vos capacités ou en vosréactions, face à une situation donnée. Elles influencent inconsciemment voschoix. On les appelle « pensées ou croyances limitantes ». Imaginons, par exem-ple, que vous soyez convaincu de ne pas savoir bien jouer les finales. Vous évi-terez alors, consciemment ou pas, de vous retrouver dans cette situation. Vousserez même capable de transposer dans une finale avantageuse, préférant opterpour un milieu de jeu incertain et parfois perdant. De plus, si vous jouez unefinale malgré tout, vous combattez avec un handicap mental de taille. La prédé-termination de votre faiblesse présumée vous conduit alors sans détour vers unedéfaite programmée. C’est « l’effet nocebo », bien connu aujourd’hui. Enfin, évi-ter de jouer des finales, ne permet pas de progresser techniquement dans ce sec-teur, et renforce ainsi cette croyance limitante !Sachez que votre cerveau ne fait pas la différence entre ces pensées et la réalité.Leur effet s’avère désastreux sur la qualité de votre jeu. Croyez-moi, cescroyances d’apparences anodines, portent en elles les germes de la défaite. Je l’aisouvent constaté lors de matchs par équipes.

Comment vous en débarrasser ?Tout d’abord, réalisez un diagnostic à froid de vos croyances limitantes. Ce tra-vail n’est pas aisé. Bien ancrées, elles sont difficiles à repérer par la conscience.Pour y parvenir, aidez-vous d’une technique de respiration ou d’une méditationen « pleine conscience ».Le travail de feed-back exposé dans l’article précédent s’avère aussi fort utile.Œuvrez ensuite pour les convertir en croyances motivantes, positives ou neutres.Enfin, une préparation mentale de qualité vous placera dans un bon état d’espritavant l’entame de la partie. Vous éviterez ainsi d’être submergé par ces penséeslimitantes. Pour conclure, je vous suggère d’utiliser ces outils progressivement,en commençant par travailler votre concentration, véritable pierre angulaire dudispositif. À n’en pas douter, vos résultats s’amélioreront et le plaisir de jouern’en sera que rehaussé.Mentalement vôtre ! �

LA PRÉPARATION MENTALELE TRAITÉ DE TAYEB NAIDJI

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