Courrier LUREL - Egalité Réelle

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courrier de Thierry Robert

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  • Thierry ROBERT Dput de La Runion

    Victorin LUREL Dput de Guadeloupe

    Ancien ministre Assemble nationale

    126, rue de lUniversit 75355 PARIS SP 07

    Paris, le 27 juillet 2015,

    Objet : Contribution pour la marche vers lgalit relle Monsieur le dput, Dans le cadre de la mission parlementaire qui vous a t confie par le Premier ministre, et qui fera lobjet dun rapport afin de prparer projet de loi portant lide dgalit relle, nous nous sommes entretenus dernirement. Pendant notre entrevue, nous avons chang sur un certain nombre de sujets que vous retrouverez notamment dans cette contribution. Cest une dmarche quil convient de saluer et laquelle il faudra associer les lus locaux pour une concertation au service de chaque territoire. Cest ainsi que chacun se verra responsabilis dans llaboration du projet de loi et pourra se saisir de cette question. La marche vers lgalit relle doit videmment se concentrer sur laspect conomique, sur laccs lemploi. Le taux de chmage est videmment le meilleur indicateur que lon pourra utiliser pour suivre lvolution de cette marche vers lgalit relle. Pour cela, laxe prioritaire de la marche vers lgalit relle est selon moi la cration dopportunits, de toute nature. Lgalit relle passe par lgalit dans les opportunits qui sont offertes aux Franais, o quils soient. Elle ne passe pas par lgalitarisme mais par la possibilit pour tous de choisir son chemin dans la diversit de ceux qui doivent pouvoir soffrir chacun. Mais aujourdhui, les ultramarins nont que peu dopportunits. Il est galement primordial de rtablir lanomalie que constitue la proportion leve demplois publics dans les outre-mer. Au-del de lvolution du taux de chmage, cest

  • surtout la cration demplois dans le secteur marchand quil faut absolument stimuler. Le dsquilibre qui existe aujourdhui dans la rpartition entre emplois publics et emplois privs dans les outre-mer est nuisible conomiquement mais pas uniquement. Cela pose en effet des questions de dmocratie en filigrane tant le rle demployeur des collectivits est primordial lheure actuelle. Le dfi qui soffre nous est celui de tendre vers lgalit dans les opportunits quelles quelles soient. Il conviendra videmment davoir une approche raliste compte-tenu des carts considrables qui existent, diffrentes chelles selon les territoires, entre lHexagone et les outre-mer. Des plans spcifiques chaque territoire doutre-mer devront tre dclins, cela semble tre une vidence. Pour tendre vers lgalit relle, il convient forcment de partir de la ralit des territoires. Cette ralit varie en fonction de la situation conomique de chacun, de leur environnement gographique ou encore de leur dmographie. Le dsenclavement conomique, quil sagisse des relations avec lHexagone et le reste de lEurope mais aussi avec le bassin rgional, est une condition sine qua none du rle de poste avanc europen et pivot conomique et politique rgionaux que peuvent jouer les outre-mer et de leur dveloppement endogne. Sagissant du bassin rgional de chaque outre-mer et comme la rappel le rapport dinformation du Snat sur les niveaux de vie dans les outre-mer du 9 juillet 2014, chaque territoire ultramarin est parmi les plus dvelopps de son environnement respectif. Il est impratif que la marche vers lgalit relle tende vers une diminution des ingalits constates entre lHexagone et les outre-mer mais aussi que chaque territoire doutre-mer puisse souvrir largement sur son bassin rgional. Dans la mesure o nous connaissons une priode budgtairement contrainte et dont on ne peut raisonnablement pas dire quand elle prendra fin, la cration dopportunits pour les outre-mer passe ncessairement par leur bassin rgional. Ce sont des territoires qui contrastent avec ces environnements rgionaux prsentant gnralement un PIB/habitant et un indice de dveloppement humain infrieurs aux outre-mer. Ilots dquilibre et bnficiant de la stabilit de territoires franais et europens dans des zones parfois troubles par linstabilit politique, les outre-mer doivent tre les pilotes dune nouvelle forme de coopration rgionale impulse par eux-mmes. Une meilleure prise en compte de la situation gographique des outre-mer doit nous amener la prise de dcisions peu coteuses et vertueuses pour leur conomie.

    - Il faut amliorer la connaissance des marchs environnants afin de mieux y accder. Le niveau de formation de nos territoires tant gnralement suprieur celui des pays alentours, nous sommes en mesure de proposer des services et des expertises quon ne retrouve pas ou peu chez nos voisins. Cest une dmarche cratrice dopportunits. Or nos formations universitaires ou professionnelles sont trop dconnectes des enjeux rgionaux venir, tant dun point de vue thorique que pratique.

    - LEtat doit apporter son soutien dans laccs ces marchs par le biais des missions conomiques qui sy trouvent en y accueillant des tudiants, des stagiaires, des personnels contractuels issus des territoires ultramarins mais aussi parce que la France est un membre minent de nombreuses organisations internationales. La

  • France participe largement celles-ci, notamment financirement, et nous devons faciliter laccs aux marchs de bailleurs de fonds internationaux (Banque Mondiale, FMI, FAO), notamment par une meilleure information. Les entreprises locales, franaises par ailleurs, des territoires ultramarins doivent pouvoir compter sur lappui significatif et le la capacit de lobbying des instances dirigeantes nationales dans laccs aux opportunits daffaires financs par les ces bailleurs internationaux auxquels nous contribuons.

    - Il conviendrait de penser une plateforme rpertoriant toutes les opportunits se

    prsentant dans le bassin rgional, et accompagner en amont les jeunes crateurs et les entreprises structurer leurs capacits daccs ces appels doffre rgionaux.

    Afin de tendre vers lgalit relle en matire conomique, il conviendra la fois damnager certaines mesures existantes et de

    - Trop dinstances se superposent dans le domaine conomique (CCI, services de lEtat, services des collectivits, les clubs etc..) qui ont chacun de moins en moins de moyens et qui sont parfois lobjet dune instrumentalisation. En consquence, tout le monde ne peut bnficier galement de laccompagnement ncessaire et lefficacit de laction de chacun se trouve limite. Il serait bnfique mon sens dimaginer une nouvelle instance et/ou un contrat pluriannuel de clarification conomique pour connatre lexacte rpartition des missions et mettre fin au gaspillage des crdits dans un domaine aussi essentiel. Nous avons besoin dune instance pilote quil convient de dfinir, avec leadership de la Rgion et un accompagnement en soutien effectif de lEtat.

    - Il faut aussi poser la question des rsultats, de lefficacit des engagements pris (dfiscalisation, FEDER, fonds rgionaux etc) sur la cration demplois et dactivit, notamment sagissant des grands projets. Il sagit de lvaluation et du contrle des moyens engags. Les cadres dintervention de la puissance publique doivent tre plus exigeants en matire de cration demploi, dimpact conomique. Il faut conditionner les interventions de lEtat ou des collectivits territoriales sur une tude dimpact en matire demploi, de formation, dactivit priphrique gnre. On ne peut plus dployer des milliards deuros sans cela et sans avoir jamais de vritable valuation des politiques menes. Chaque euro dpens doit ltre au bnfice de lemploi local.

    - Il faut renforcer la communication de laction publique sur les rsultats des politiques menes. Un suivi exhaustif des rsultats des aides ou de tout dispositif abond par la puissance publique. Les citoyens doivent savoir comment est utilis largent public, comment il est flch, identifier vers quelles entreprises il est dirig et savoir avec quels rsultats.

    - Il faut instaurer un systme incitatif, une forme de bonification, qui induirait une priorisation des recrutements dans les entreprises bnficiant de laide publique. Dans la mesure o des formations ont t suivies et quelles ont t finances au moins en partie avec de largent public, il apparatrait normal de voir recruts en priorit un niveau de qualification quivalent des personnes issues des filires locales de formation et dapprentissage, ou de retour dun parcours en mobilit. Il sagit de favoriser une forme de retour sur investissement pour le

  • territoire, notamment de la part des collectivits, en passant par une reconnaissance des formations dans lesquelles le territoire a investi. Sans tomber dans lcueil de la rgionalisation de lemploi dont le risque discriminatoire serait insoutenable dans le cadre de la Rpublique, mais promouvoir une vritable territorialisation de lemploi. Territorialiser lemploi cest gagner en pertinence et en cohrence entre les investissements publics locaux dans les filires universitaires, les coles, la formation et les besoins locaux en ressources humaines et recrutements partir des capacits du territoire.

    - Il faut lancer une tude large sur les spcificits des outre-mer et les lois et

    rglements europens. Cet inventaire doit se faire dans tous les secteurs afin de dfinir les amnagements ncessaires de ces normes afin de ne pas contraindre lactivit conomique des territoires ultramarins. Je pense notamment aux normes concernant les exploitations agricoles. Il ne sagit pas damnager au dtriment de la qualit mais de mettre le doigt sur les incongruits sagissant de normes nayant pas lieu dtre puisque penses surtout dans le cadre du continent europen.

    - Il faut renforcer les capacits daccompagnement la cration dentreprise,

    pour les jeunes notamment. Les contrats aids ne sont pas acceptables sur le long terme. Une partie des moyens aujourdhui dvolus au financement des contrats aids doit tre redirige. En dpit de la loi, lobligation de formation des bnficiaires des contrats aids ne pourra plus tre assume faute de crdits. Il faut donc flcher une partie de ces crdits allous aujourdhui aux contrats aids vers laide la cration dentreprise ou encore lalternance, les contrats dapprentissage afin de soutenir lide de premires expriences professionnelles sinscrivant dans la dure.

    - Dans le rapport relatif la rgulation conomique outre-mer du 3 octobre 2012, il

    tait soulign le besoin criant de pouvoirs supplmentaires pour lAutorit de la concurrence. Le renforcement des moyens locaux de l'Autorit de la concurrence serait un facteur clef car les monopoles locaux (parfois entretenus par l'octroi de mer) sont de nature entraver l'accs la cration d'activit et une saine et mesure concurrence locale, le march local tant confisqu par des entreprises grosses consommatrices par ailleurs d'aides publiques, ne laissant que peu de chances de nouveaux talents locaux d'merger sur les filires porteuses.

    Loin dtre un facteur de rsorption massive du chmage, laccs la haute fonction publique dEtat demeure un enjeu symbolique fort. En effet, les obstacles matriels nombreux auxquels font face les ultramarins, doubls par une absence ou presque de guides dans le cercle familial ou proche en la matire, sont autant de facteurs qui rendent trs difficilement accessibles ces concours aux ultramarins. Il faut que des parcours dexcellence permettent aux ultramarins de sy prparer efficacement chez eux.

    - Un meilleur accs la prparation aux concours de la haute fonction publique et dautres parcours dexcellence parat indispensable et cela devrait passer par louverture de parcours ou classes prparatoires lENA ou lINET par exemple, mais aussi aux grandes coles, Sciences Po etc... La Runion a les tudiants qui peuvent y prtendre. Les quelques prpas qui existent aujourdhui La Runion nont pas les moyens de recevoir beaucoup dtudiants et les prpas publiques manquent.

  • - En nous inspirant de lobjectif douverture sur son environnement rgional, nous devrions galement envisager la cration dune grande cole orientation rgionale La Runion (le premier IEP dOutre-mer ?) qui proposerait des parcours portant sur la gopolitique et lconomie de laxe Asie-Afrique, en coopration avec des tablissements et lites des pays voisins.

    Enfin, les indicateurs que sont le PIB ou encore lIDH ne peuvent suffire afin de rendre compte du mouvement vers lgalit relle. Ils donnent videmment des tendances crdibles mais qui peuvent tre prcises. En effet, la moyenne du PIB/habitant est infrieure celui gnr dans lHexagone. Mais ce constat doit aussi intgrer le cot de la vie dans les outre-mer, un facteur qui fait crotre la diffrence entre le niveau de vie en Hexagone et dans nos territoires. Par ailleurs, mme si lIDH est pertinent pour comparer les outre-mer avec les pays voisins et se rendre compte de leur avance quil faut exploiter, il est un paramtre partiellement biais sagissant de lanalyse des rattrapages effectuer par rapport lHexagone. En effet, pour ce qui est de La Runion par exemple, le taux dquipements sanitaires est plus lev quen mtropole du fait de la taille du territoire et participe donc un comparatif en partie fauss avec lHexagone.

    - Pour cette raison, il serait beaucoup plus appropri dimaginer un nouvel indicateur de dveloppement dans le cadre de ce prochain texte de loi. Celui-ci devrait conjuguer les donnes du PIB et de lIDH en y intgrant la variable cot de la vie afin de rendre compte plus prcisment des carts qui peuvent exister aujourdhui entre lHexagone et les outre-mer. Les critres de lobsit ou encore de la sant des enfants en bas ge sont des critres sanitaires quil conviendrait aussi dintgrer tant les donnes de lHexagone et des outre-mer peuvent varier sur ces sujets.

    Ces lments de rflexion pourront, je lespre, contribuer llaboration dun texte qui

    donnera aux outre-mer un nouveau souffle.

    Je vous prie dagrer, Monsieur le dput, lexpression de mes trs respectueuses

    salutations.

    Thierry Robert