Cours de procédure pénale

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COURS PROCEDURE PENALE: Madame P HENNION-JACQUET

INTRODUCTION: particularisme par rapport au droit pnal de fond, la procdure civile; systmes envisageables (accusatoire, inquisitoire, mixte). Incidence des droits de lhomme. Principes directeurs du procs dicts par lart. Prliminaire du CPP.

PARTIE I- LE CADRE INSTITUTIONNEL DE LA PROCEDURE PENALE TITRE I- LORGANISATION JUDICIAIRE DE LA REPRESSIONCHAPITRE I- LES PRINCIPES DE LA JUSTICE REPRESSIVESECTION I- LA NEUTRALITE DU TRIBUNALI- LE PRINCIPE SEPARATISTEA- LINDEPENDANCE STATUTAIREB- LIMPARTIALITE FONCTIONNELLE (Objective)C- LIMPARTIALITE SUBJECTIVE (personnelle)II- LA COLLEGIALITEIII- LE CONTROLE DE LA NEUTRALITEA- LA RECUSATIONB- LA REQUETE EN SUSPICION LEGITIMESECTION II- LE DOUBLE DEGRE DE JURIDICTIONI- LA VISION BINAIRE DU PROCES PENALII- LES EXCEPTIONS AU DOUBLE DEGRE DE JURIDICTIONCHAPITRE II- LES JURIDICTIONSSECTION I- LA TYPOLOGIEI- LES JURIDICTIONS DE DROIT COMMUNA- LES JURIDICTIONS DU PREMIER DEGREa- Les juridictions dinstructionb- Le tribunal de police et la juridiction de proximitc- Le tribunal correctionneld- La cour dAssisese- Les juridictions dexcutionf- La juridiction rgionale de la rtention de sretB- LES JURIDICTIONS DU SECOND DEGREa- La chambre de linstructionb- La chambre des appels correctionnelsc- La cour dAssises dappeld- La chambre de lapplication des peinese- La juridiction nationale de la rtention de sretII- LES JURIDICTIONS DEXCEPTIONA- LE JUGEMENT DINFRACTIONS PARTICULIERESB- LE JUGEMENT DE PERSONNES PARTICULIERESa- Les infractions commises par des mineursb- Les infractions commises par des militaires c- les infractions commises par des hommes politiquesIII- LA CHAMBRE CRIMINELLE DE LA COUR DE CASSATIONSECTION II- LA COMPETENCEI- LE PRINCIPEA- LA COMPETENCE PERSONNELLE ET MATERIELLEa- La comptence des juridictions dexceptionb- La comptence des juridictions de droit communB- LA COMPETENCE TERRITORIALEII- LEXCEPTIONIII- LA SANCTIONA- LA DECISION DINCOMPETENCEB- LE CONFLIT DE COMPETENCE

TITRE II- LES AUXILIAIRES DE LA JUSTICE REPRESSIVECHAPITRE I- LES ORGANES DE RECHERCHE DE lINFRACTIONSECTION I- LA POLICE JUDICIAIRE (trait succinctement, car objet dun cours spcifique)I- LE ROLE DE LA PJA- AVANT LA POURSUITEB- APRES LA POURSUITEII- LORGANISATION DE LA PJIII- LA RESPONSABILITE DES AGENTS DE LA PJSECTION II- LES AUTRES ORGANES CHAPITRE II- LES AGENTS DE POURSUITESECTION I- LE MINISTERE PUBLICSECTION II- LA VICTIME

PARTIE II- LE CADRE FONCTIONNEL DE LA PROCEDURE PENALE

TITRE I- LOBJECTIF DU PROCES PENALCHAPITRE I- LA CHARGE DE LA PREUVESECTION I- LA PRESOMPTION DINNOCENCESECTION II- LES ATTEINTES A LA PRESOMPTION DINNOCENCEI- LES PRESOMPTIONS DE CULPABILITEA- LES PRESOMPTIONS LEGALES B- LES PRESOMPTIONS PRETORIENNES a- Les prsomptions relatives aux causes objectives dirresponsabilit b- Les prsomptions relatives aux causes subjectives dirresponsabilitII- LA RELATIVITE DU PRIVILEGE DE NON-INCRIMINATIONCHAPITRE II- LE PRINCIPE DE LA LIBERTE DE LA PREUVESECTION I- DANS LADMINISTRATION DE LA PREUVEI- LA LEGALITE DE LA RECHERCHE DES PREUVESA- LA LEGALITE DE LA PRESENTATION DES CHARGESa- Les indications tires des chosesb- Les indications tires des dclarations1-La fiabilit du tmoignage2- la sincrit des dclarations de laccusB- LADMISSION NUANCEE DE LA PREUVE ILLEGALEa- L'irrecevabilit de la preuve illgale fournie par l'autorit judiciaireb- La recevabilit de la preuve illgale fournie par une partie prive1-La preuve par tout moyen pour la victime civile2-La preuve par toute voie de droit pour l'autorit administrative

II- LA LOYAUTE DE LA RECHERCHE DES PREUVESSECTION II- DANS LAPPRECIATION DE LA PREUVE: lintime conviction

TITRE II- LA PHASE PREPARATOIRE DU PROCES PENALCHAPITRE I- LA PHASE POLICIERE: L ENQUETESECTION I- LA TYPOLOGIE DE LENQUETEI- LENQUETE DE FLAGRANCEII- LENQUETE PRELIMINAIRE SECTION II- LE DEROULEMENT DE LENQUETEI LES PRINCIPES GOUVERNANT LES ENQUETESA- LES POINTS COMMUNSa- Les contrles didentitb- La vrification didentitB- LES PRINCIPES PARTICULIERS: les perquisitionsII- LA GARDE A VUE A- LES CONDITIONS DU PLACEMENT EN GAVB- LES GARANTIES DU GARDE A VUECHAPITRE II- LA PHASE DES POURSUITES SECTION I- PAR LE MINISTERE PUBLIC: LACTION PUBLIQUEI- LOPPORTUNITE DES POURSUITESA- LE PRINCIPEB- LES LIMITESII- LA MISE EN MOUVEMENT DE LACTION PUBLIQUEIII- LEXTINCTION DE LACTION PUBLIQUESECTION II PAR LA VICTIME: LACTION CIVILEI- LA NATURE MIXTE DE LACTION CIVILEII- LES EFFETS DE LACTION CIVILECHAPITRE II- LINSTRUCTION PREPARATOIRESECTION I- LE DEROULEMENT DE LINSTRUCTIONI- LA SAISINE DU JUGE DINSTRUCTIONII- LES CARACTERISTIQUES DE LINSTRUCTIONA- LE SECRET B- LIMMIXTION DU CONTRADICTOIREa- Le droit au dossier: un droit mdiatb- Le droit de demander des investigationsc- Le droit de recoursSECTION II- LES POUVOIRS DU JUGE DINSTRUCTIONI- LES POUVOIRS PERSONNELSA- LE POUVOIR DE METTRE EN CAUSEa- La mise en examenb- Le tmoin assistB- DE CONTRAINTEa- Les mandatsb- La dtention provisoireC- LES POUVOIRS JURIDICTIONNELSII- LES POUVOIRS DELEGABLES

IBLIOGRAPHIE SOMMAIRE (toujours prendre la dernire dition. Si elle date, se rfrer aux rformes ultrieures la parution de louvrage)

Pour les manuels:J. PRADEL,Procdure pnale, CUJASStfani, Levasseur, Bouloc, Procdure pnale, DallozB. Bouloc, Procdure pnale, DallozS. Guinchard et J. Buisson, Procdure pnale, LitecJ.-C. SOYER, Droit pnal et procdure pnale, LGDJ

Pour les accros de la procdure, il existe des traits (difficiles, et qui datent):

Merle et Vitu, Trait de droit criminel, Procdure pnale, CUJASM.-L. Rassat, Trait de procdure pnale, PUF

Ensuite, il faut consulter les priodiques:La Revue de science criminelle et de droit pnal comparLe Dalloz et ses sommaires comments par J. PradelLa gazette du palais, la RPDP, la revue procdures, la revue droit pnal, etc.Adde: Jurisclasseur pnal

SITESINTERNET :

www.lexisnexis.fr (semaine juridique, accs limit sans abonnement) www.dalloz.fr (Dalloz, accs limit aux archives, accs lactualit) www.legifrance.gouv.fr (accs illimit la jurisprudence nationale et europenne, aux textes de loi, aux projets) http://criminocorpus.revues.org/

Enfin, pour ceux qui dsirent acqurir des ides sur un sujet donn, il est utile de consulter les mlanges offerts de grands pnalistes.Voil pour les ouvrages de base

INTRODUCTIONLa procdure pnale peut se dfinir comme lensemble des rgles concernant le droulement du procs pnal, du soupon de commission de linfraction jusqu la condamnation ou la relaxe ou acquittement, et lexcution de la peine. Elle est, selon MM. Merle et Vitu, lindispensable moyen de mise en uvre du droit pnal de fond. En effet, ds lors quune infraction a t commise, il est ncessaire de savoir comment rechercher son auteur, comment le poursuivre, et comment le sanctionner. En dautres termes, la procdure pnale permet dtablir un rapport de cause effet entre linfraction et la sanction.Lappellation procdure pnale ne concerne, au sens propre, que les rgles de forme du procs pnal, linstar de la procdure civile. On devrait, pour inclure les institutions judiciaires charges de mettre en uvre les rgles de procdure pnale, parler plutt de droit judiciaire rpressif, comme on parle de droit judiciaire priv pour dsigner lensemble procdure civile et organes comptents.La procdure pnale concernant les rgles de droit pnal de forme, elle soppose priori au droit pnal de fond, gnral ou spcial. Cependant, cette opposition est trop rductrice. En effet, de nombreuses rgles de fond interfrent sur celles de forme. Par exemple, la prsomption dinnocence est la fois une rgle de fond, traduite, entre autres, par le respect d lhonneur et la rputation, et une rgle de forme, dont les corollaires sont trs nombreux, par exemple le droit de ne pas sauto incriminer, et surtout la rpartition de la charge de la preuve qui incombe laccusation. Toutefois, en dpit de leur lien, la procdure pnale et le droit pnal se distinguent. Dabord par leur objet: lune tablit des rgles de forme, lautre dfinit le fond du droit, les infractions et les peines. Ainsi, la procdure pnale comprend les rgles relatives la constatation, la recherche et la poursuite des infractions, celles concernant la comptence et la procdure. Toutes ces rgles sont tablies pour assurer la bonne administration de la justice.Ensuite, ils se distinguent par leur rgime. En effet, les rgles procdurales prsentent un particularisme par rapport un principe clef de vote du droit pnal de fond, le principe de la lgalit. Certes, les deux droits sont soumis au vote du Parlement, seule la loi pouvant rgir le droit criminel (art. 34 Constitution). Cependant, le principe lgaliste souffre de deux tempraments en procdure pnale. En premier lieu, le principe est lapplication immdiate des rgles nouvelles de forme, car elles sont censes assurer une meilleure marche de la justice, alors que les rgles de fond ne peuvent sappliquer immdiatement une affaire en cours que dans la mesure o elles sont favorables la personne poursuivie. En dautres termes, le corollaire de la lgalit, le principe de non rtroactivit, sapplique uniquement aux lois de fond (art. 112-1 CP). Pour ce qui concerne les lois de forme, elles sappliquent immdiatement, mme, selon la chambre criminelle, des faits commis avant leur entre en vigueur, sauf dispositions expresses de la loi nouvelle (crim. 26 mars 1997, Bull. n 122; 10 aot 1997, Bull. n 284). Il faut cependant relativiser ce constat. Dune part, les lois nouvelles dorganisation et de comptence ne sappliquent immdiatement quen labsence de dcision au fond (112-2 CP). Dautre part, certaines conditions entravent lapplication immdiate des lois nouvelles procdurales. Ainsi, la loi nouvelle ne sapplique pas si une dcision irrvocable est intervenue, ni si elle entrane lannulation dactes effectus avant son entre en vigueur, ou encore si elle supprime des droits acquis par laccus. De mme, en matire de prescription de laction publique, la loi nouvelle ne sapplique pas si la prescription est acquise sous lempire de lancienne loi. Si la prescription de laction publique nest pas acquise, la loi nouvelle est dapplication immdiate, mme si elle aggrave le sort de laccus (art. 112-264 CP, qui vaut galement pour la prescription de la peine). Cest le cas par exemple quand une contravention devient un dlit: la prescription de laction publique sallonge ainsi de un an trois ans. Si la prescription de un an est acquise, la nouvelle loi ne sapplique pas; mais si la contravention fut commise depuis moins dun an quand la loi nouvelle rentre en vigueur, la poursuite du dlit est autorise. En second lieu, le principe de la lgalit est attnu en procdure pnale pour ce qui concerne linterprtation de la loi pnale par le juge. Si le raisonnement par analogie est prohib en droit pnal de fond, il est autoris, linstar du raisonnement a fortiori, en procdure pnale. La procdure pnale tient galement une place particulire par rapport la procdure civile. La premire est rgie par la loi, la seconde par le rglement. Cela rsulte du fait que le procs pnal met en jeu les intrts de la socit et les liberts de lindividu, alors que le procs civil concerne des intrts particuliers, patrimoniaux ou extra patrimoniaux. Il faut cependant savoir quil y a une unit dorganes, cest dire que les juges sont tour tour juge pnal et juge civil, tous appartenant lordre judiciaire. Cest la rgle de lunit de la justice pnale et de la justice civile, qui reste relative, dans la mesure o il existe des juridictions spcialises, celles dinstruction en matire pnale, celles des mineurs dlinquants, celles qui traitent des infractions conomiques. Les justices civile et pnale sopposent ainsi la justice administrative, seule habilite traiter des litiges mettant en jeu les prrogatives de puissance publique de lEtat. Le juge pnal peut toutefois, en dpit du principe de sparation des pouvoirs, statuer sur la lgalit dun rglement servant de base la poursuite (art. 111-5 CP). Le seul interdit rside dans le prononc de la nullit de ce rglement, entendu comme arrt municipal, prfectoral ou ministriel, et comme dcret rglementaire. Je vous renvoie au cours de droit pnal gnral pour approfondir ce point.Le dpart entre procdure pnale et procdure civile est cependant parfois relatif. En effet, les deux procdures sont soumises des principes communs, la collgialit, le double degr de juridiction et le contrle du droit par la cour de cassation. Les deux procdures souffrent par ailleurs du mme temprament en matire de collgialit, puisquun juge unique peut statuer sous de strictes conditions, numres par la loi pnale en ce qui concerne la procdure pnale, notamment par lart. 398-1-5 CPP. La procdure pnale diffre galement de la procdure civile en matire dinstruction prparatoire. Celle-ci est confie au juge dinstruction, sous contrle dun double degr de juridiction exerc par la chambre de linstruction de la cour dappel. En outre, le procs pnal obit des rgles probatoires particulires. En effet, dune part la recherche des preuves appartient la police judiciaire et aux juridictions dinstruction, dautre part le rgime de la preuve pnale prsente un grand particularisme1.Ce particularisme s'explique logiquement : la preuve pnale concerne, non des actes juridiques, mais des faits matriels ou psychologiques, inconnus avant leur dcouverte, et souvent dissimuls par les auteurs des infractions. C'est pourquoi, la libert de la preuve, tant dans son administration que dans son apprciation, est un principe gouvernant la recherche et la manifestation de la vrit en matire pnale2. Mais la spcificit de la preuve pnale rsulte galement de l'antagonisme des intrts en jeu : les impratifs de la rpression et le respect des droits de l'individu poursuivi. Cest pourquoi, la procdure pnale est en constante recherche dquilibre entre deux ples qui ne sont antagonistes quen apparence, lintrt de la socit, et lintrt de laccus. (Je signale en apart que le mot accus est employ au sens europen du terme, savoir personne implique dans la procdure, quil sagisse en droit interne du suspect, du mis en examen, du prvenu ou de laccus, personne renvoye devant la cour dAssises). Il sagit donc pour la politique criminelle de concilier les ncessits de la rpression, qui commandent la recherche des preuves par tous moyens, et le respect des droits de la personne accuse, qui commande de limiter les moyens de dcouvrir la vrit.A priori, cette problmatique semble dsormais tre rsolue : la constitutionnalisation des droits de l'homme dans la plupart des Etats europens3, le contrle interne de constitutionnalit4, et le contrle de conventionalit par la Cour europenne des droits de lhomme, imposent, au besoin contre l'Etat, le respect des droits de l'homme tous les systmes de politique criminelle. Toutefois, cette protection ne peut s'oprer au dtriment de celle de la socit. C'est pourquoi, la conciliation entre les droits de l'homme et lintrt social continue de susciter des problmes majeurs. Afin de mieux en cerner les consquences actuelles, il convient de se rfrer lhistoire de la procdure pnale pour comprendre les diffrents systmes envisageables. C'est en effet grce l'interfrence de plusieurs penses juridiques, anciennes ou contemporaines, que les juristes peuvent matriser les difficults engendres par les systmes probatoires. La gense des droits de l'homme et de la procdure pnale est donc instructive : elle met en exergue l'volution de la problmatique entre les ncessits rpressives et les droits de l'individu, et montre que les rponses ont toujours t fonction de la conception politique de la protection accorder chacun de ces intrts5. Ainsi, de l'an mil nos jours, cinq solutions diffrentes la problmatique concerne ont t envisages. La premire solution est adopte durant une partie du Moyen-ge, s'tendant de l'an mil au milieu du XIIIe. Si la justice mane du roi, celui-ci n'a pas les moyens ncessaires pour la faire respecter par des autorits tatiques. C'est pourquoi, la justice est rendue par les seigneurs6.La justice fodale reprend la procdure accusatoire transmise par le droit germanique. L'accusation doit prouver ses allgations, mais la prsomption d'innocence n'est pas reconnue pour autant : le systme ordalique ragit sur la situation de l'accus, puisqu'il l'oblige prouver son innocence. En effet, dfaut d'aveu ou de tmoignage, la culpabilit ou l'innocence rsulte d'preuves imposes au dfendeur. Celui-ci peut prter un serment purgatoire, confort par des co-jureurs, accepter le duel judiciaire, ou tre soumis une ordalie dont le rsultat lie le juge7. La preuve est donc irrationnelle, la justice divine tant cense intervenir pour absoudre l'innocent ou condamner le coupable. L'absence d'organisation unifie du royaume a ainsi conduit tablir un systme probatoire fond sur les prjugs religieux.Cette solution est adopte par les pays europens. Toutefois, le systme de l'Angleterre se dmarque de ceux des Etats continentaux. Certes, la procdure est accusatoire, les dbats sont publics et oraux, et le systme ordalique est utilis, sauf en cas de flagrant dlit8. Mais, en 1066, lors de la Conqute normande, Guillaume le Conqurant impose les pratiques de l'ancien droit romain : les jureurs, tmoins choisis parmi les voisins de l'accus, tiennent le rle de juge9. Ils sont chargs de l'enqute jure, et rendent le verdict en fonction des preuves qu'ils ont eux-mmes recueillies10. Ds 1154, des juges royaux itinrants parcourent l'Angleterre. Peu peu, les jureurs perdent leur pouvoir d'enqute, et leur rle se limite une participation au verdict : consacrant le droit pour l'accus d'tre jug par ses pairs, le jury populaire apparat comme la protection suprme contre l'arbitraire royal. Ainsi, la lutte contre l'absolutisme du pouvoir tatique conduit indirectement la prise en considration des droits de l'individu poursuivi, notamment pour ce qui concerne le droit la sret, consacr en 1215 par la Magna Carta.Les preuves irrationnelles tendent peu peu disparatre en Europe : le recours aux co-jureurs est abandonn ds le dbut du XIIe, et les ordalies sont condamnes par l'Eglise au Concile de Latran en 1215. Seul le duel judiciaire demeure11, en dpit de la prfrence accorde aux preuves rationnelles, le tmoignage, l'aveu, l'crit et les indices.La seconde solution apporte en vue de concilier droits de lhomme et intrt de la socit rsulte de la renaissance du droit romain sur le continent europen, et conduit l'abandon progressif du systme de preuves irrationnelles. Ds le XIIIe, le pape Innocent III impose aux tribunaux ecclsiastiques (officialits) la procdure inquisitoire adopte par Rome au IIIe sicle. Pour des raisons politiques, l'esprit qui anime les officialits dans leur croisade contre les hrtiques s'introduit dans la procdure laque : afin de garantir sa souverainet, le pouvoir royal doit se doter des moyens illustrant la svrit et l'autorit de la justice. Sous l'impulsion de Philippe le Bel, les justices seigneuriales sont subordonnes l'appel hirarchique devant les tribunaux royaux, et la comptence des juridictions ecclsiastiques est rduite aux litiges d'ordre purement spirituel12. La plnitude de juridiction apparat toutefois insuffisante : pour assurer l'unit du royaume, il convient d'unifier les rgles probatoires, et de permettre au juge de se saisir d'office en l'absence d'accusateur. En d'autres termes, la procdure devient inquisitoire, et le systme de la preuve lgale est privilgi. Le secret de la procdure inquisitoire est la consquence de la pntration d'un mode de preuve particulier, l'crit. L'instruction prparatoire est dirige par le juge, qui dtient seul le pouvoir d'enqute en raison de la faiblesse des forces de police. La prison devient le lieu o se droule l'acte essentiel de la recherche de la vrit, l'interrogatoire de l'accus13. Le jugement peut tre rendu l'issue d'une procdure sommaire, utilise lorsque l'accus a avou et ne risque ni la peine de mort, ni une peine afflictive. Dans les autres cas, il est ncessaire de recourir un double degr d'instruction, par le biais d'une procdure particulire, le rglement extraordinaire, durant lequel le juge procde au rcolement des tmoins et leur confrontation avec l'accus14. La phase d'instruction dfinitive est ensuite confie un tribunal statuant huis clos, et exclusivement sur les pices du dossier transmis par le juge de l'enqute. Les tmoins ne sont pas entendus. L'accus est interrog sur la sellette, tabouret de bois considr comme infamant. Si les juges sont insuffisamment informs, un jugement interlocutoire prcde le jugement dfinitif sans l'assistance d'un avocat15, l'accus peut prsenter des arguments en dfense, ou tre soumis un jugement de torture en cas d'insuffisance de preuves concernant un crime passible de la peine de mort16.Cette transformation de la procdure accusatoire en procdure inquisitoire s'acclre au XVe et se gnralise toute l'Europe, exception faite de l'Angleterre. En France, elle se matrialise par les Ordonnances de Blois, de Villers-Cotterts, et par la Grande Ordonnance criminelle de Saint-Germain en Laye17.Quant au systme de preuve lgale, il dcrit le rle et la valeur des crits, des tmoignages, de l'aveu, des prsomptions et des constatations faites par le juge18. Il existe ainsi trois catgories de preuves : la preuve pleine, semi-pleine et la preuve imparfaite. La condamnation ne peut tre prononce que si le juge dispose d'une preuve complte. Cette obligation est l'origine du dveloppement de la torture, moyen idal pour obtenir la reine des preuves, l'aveu judiciaire.C'est Vrone, en 1228, que la torture judiciaire apparat. Puis, le pape Innocent IV l'introduit dans le droit canon en 1252, et la France la consacre dans l'ordonnance de Saint-Louis en 125419. Le juge dispose de deux procdures diffrentes : la question prparatoire, inflige lors du rglement extraordinaire jusqu'en 1780, et la question extraordinaire, utilise pour obtenir le nom des complices d'un condamn mort et qui est abolie par Louis XVI en 1788. La torture se gnralise dans toutes les procdures inquisitoires du XIVe. Elle est prsente comme un adoucissement de la rigueur des ordalies : Dieu est cens donner la force l'innocent pour rsister la douleur. En fait, elle est utilise pour asseoir l'autorit de la justice. En effet, chaque crime est ressenti comme une atteinte au pouvoir royal. Il importe donc qu'il ne reste pas impuni, faute de preuve. En facilitant l'obtention d'une preuve incontestable, la torture conduit la lgitimation de la dcision de condamnation. L'efficacit de la recherche de la vrit est ainsi assure par la souffrance de l'accus. La procdure inquisitoire et le systme de preuve lgale correspondent un droit commun europen labor sur les bases du droit savant. Seule l'Angleterre suit une procdure diffrente : elle reste fidle la procdure accusatoire, et, tout en excluant certains modes de preuves, adopte un systme de preuve morale. En dpit des apparences, le rejet du droit savant ne s'explique pas par la prise en compte des droits de l'homme : il repose principalement sur la lutte contre l'arbitraire royal et sur la volont d'affirmer le particularisme insulaire. Cependant, la solution anglo-saxonne conduit indirectement une plus grande protection de l'accus : le Writ d'habeas corpus20 complte les garanties octroyes par le roi Jean dans la Magna Carta, les dbats sont oraux et publics, et les jurs rendent leur verdict l'unanimit en statuant selon leur intime conviction. En outre, l'accus bnficie de la prsomption d'innocence, du droit au silence, et du privilge de non-incrimination, et n'est soumis la torture que de l'avnement d'Henri VIII 164121. La troisime solution concernant la conciliation de lintrt de la socit et des droits de l'accus rsulte de l'influence de la procdure criminelle anglaise en Europe. L'Ecole du droit naturel des anglais Hobbes et Locke est un facteur d'unit doctrinale de l'Europe des Lumires22. Ignor dans la socit communautaire de l'Ancien Rgime, l'individu fait son entre dans le langage politique : l'homme doit vivre avec les droits que la nature lui confre. La lutte contre l'absolutisme royal s'organise autour de cette revendication. Cest pourquoi, sous la Rvolution, la politique criminelle repose sur la promotion de l'individu, dont les droits sont consacrs par la Dclaration des droits de l'homme et du citoyen.La procdure accusatoire est adopte : les dbats sont oraux, publics et contradictoires, l'accus bnficiant d'un avocat l'audience ds la loi des 8 octobre-3 novembre 1789. Puis, toujours en raction contre l'arbitraire royal, la loi des 16-29 septembre 1791 tente d'instaurer les lois anglaises : le jury est institu, le systme de la preuve morale remplace celui de la preuve lgale. L'aveu n'occupe aucune place privilgie : la hirarchie des preuves est dsormais tablie par le juge, en fonction du degr de certitude qu'il leur accorde23. Cependant, l'euphorie des grands changements sociaux politiques est phmre : un retour l'arbitraire s'annonce.En effet, la quatrime rponse apporte la problmatique de la procdure pnale et des droits de l'accus s'opre au dtriment de ce dernier. Les querelles entre rvolutionnaires s'achvent par la victoire des Jacobins : le gouvernement rvolutionnaire rclame un pouvoir fort et unifi, et dcrte la terreur au nom du salut public. Confondant opposition et trahison, Robespierre obtient l'institution du Tribunal criminel extraordinaire : cette juridiction d'exception devient en fait celle de droit commun, et prend le nom de Tribunal rvolutionnaire. Elle sert de prtexte au jugement des personnes dsignes par la Loi sur les suspects du 17 septembre 1793 : l'article 9 de la Dclaration des droits de l'homme est aboli, de nombreuses catgories sociales24 sont juges de manire expditive25 dans l'irrespect des rgles probatoires. Aprs la chute de Robespierre, le Directoire, rgime corrompu et sans autorit, ne peut viter la monte de la criminalit due la misre et aux guerres contre la Coalition. C'est en vain que le Code des dlits et des peines du 3 Brumaire An IV tente de restaurer les garanties de l'accus : la Constitution du 3 septembre 1791, dont la Dclaration des droits de l'homme forme le prambule, est abroge par celle du 22 aot 1795.Ds le Consulat, la procdure criminelle est rorganise. La loi du 7 Pluvise An IX renforce les pouvoirs d'enqute des substituts du commissaire du gouvernement. Pour asseoir son autorit, Bonaparte exige une justice efficace et rpressive. Devenu empereur, il dcide de codifier la procdure criminelle. L'influence anglaise tant en dfaveur depuis les guerres napoloniennes, les juristes reprennent les principes dicts par la Grande Ordonnance de 1670 : l'instruction redevient crite, secrte et non contradictoire26. Toutefois, l'esprit de la Dclaration des droits de l'homme inspire galement le lgislateur. Le systme de la preuve morale est consacr, l'audience est publique et orale, et l'accus est assist d'un avocat lors des dbats. En puisant aux deux sources principales de la procdure pnale, l'Ordonnance de 1670 et les lois rvolutionnaires, le Code d'instruction criminelle de 1808 ralise ainsi le premier compromis rel entre lintrt de laccus et celui de la socit.La cinquime solution la recherche dquilibre dans les rgles procdurales est celle d'un ajustement permanent entre lintrt de laccus et celui de la socit. Certes, le Code d'instruction criminelle tente de les quilibrer. Mais, il se fonde sur la division naturelle du procs pnal. A la phase prparatoire correspond une procdure inquisitoire, la phase dcisoire une procdure accusatoire : la premire apparat favorable aux ncessits rpressives, la seconde privilgie tendanciellement les droits de l'accus. Or, en vertu de l'importance de la mise en tat des affaires pnales, l'insuffisance des garanties accordes au suspect ou au mis en examen ragit sur les dbats. C'est pourquoi, la spcificit inquisitoriale de l'enqute et de l'instruction est remise en cause. Cantonner les droits de la dfense l'audience apparat en effet trop rducteur : pour que sa dfense soit effective, l'accus doit tre en mesure de l'laborer ds la phase prparatoire.En consquence, l'quilibre institu par le Code d'instruction criminelle est insuffisant et doit tre complt par une conciliation entre les intrts de laccus et ceux de la socit dans chacune des phases du procs, notamment dans la phase prparatoire, o les ncessits rpressives sont privilgies. Cette modification est opre la Loi Constans du 8 dcembre 1897, qui humanise la procdure inquisitoire en autorisant l'avocat disposer du dossier la veille de l'interrogatoire de l'inculp. Celui-ci bnficie en outre d'un droit au silence devant le juge d'instruction. Cette amlioration est reprise par le Code de procdure pnale de 1958, qui maintient l'adoption d'une procdure mixte, et attnue la porte du secret de l'instruction au profit de l'inculp et de la partie civile.D'autres modifications, au plan interne ou international, sont intervenues la suite des atteintes intolrables perptres l'encontre des droits de l'homme lors de la seconde guerre mondiale. On peut citer ainsi la Constitution du 27 octobre 1946, dont le prambule sera, avec la Constitution du 4 octobre 1958, intgr au bloc de constitutionnalit27. On a aussi la Dclaration universelle des droits de l'homme du 10 dcembre 1948 et, au plan europen, la Convention europenne des droits de l'homme du 4 novembre 195028 dont les rgles contraignantes sont sanctionnes par la Cour europenne des droits de l'homme. On a enfin le Pacte international de New-York du 19 dcembre 1966 qui tente d'instituer une protection gographique plus large, intressant les membres des Nations Unies. Mais, ni le Comit des droits de l'homme, ni la Commission n'ont de pouvoir de sanction : ils ne peuvent que rendre un rapport. En outre, contrairement la Cour europenne des droits de l'homme, ils sont saisis non par voie de recours individuel manant d'un particulier se prtendant victime d'une violation des droits garantis, mais par un Etat membre.La problmatique multisculaire des droits de l'homme et de la procdure pnale est donc toujours actuelle car lquilibre recherch est difficilement matrisable29. Mais dsormais, toute innovation dans le domaine procdural doit tre mesure dans le contexte de sa conciliation avec les droits de l'accus : ns sous forme de grands principes, les droits de l'homme font partie intgrante des principes gnraux du droit criminel30. Ils se sont peu peu imposs la fois comme rvlateurs et comme correcteurs des imperfections des diffrents systmes pnaux. Tous les systmes procduraux sont donc constamment en qute d'un ajustement entre la reconnaissance des droits de l'homme et l'assurance de la capacit de l'Etat protger la socit31. En outre, la recherche de cet quilibre s'opre de faon uniforme : quel que soit le systme pnal envisag, et en dpit des particularismes dus aux traditions sociales, politiques et culturelles de chaque Etat, la prise en compte des droits de l'homme se traduit par les restrictions apportes aux pouvoirs des intervenants la procdure pnale. En procdure pnale franaise, ces restrictions sont conditionnes par de grands principes, que lon verra tout au long du cours. Cest larticle prliminaire du CPP qui impose le respect de ses principes issus principalement de la CESDH. A titre liminaire, voici les garanties du procs pnal. Dabord, la procdure doit tre quitable, et garantir ce que la Cour EDH nomme lgalit des armes (quilibre des droits des parties, quilibre souvent trs prcaire, par ex. entre pouvoirs du proc et ceux de la dfense). Ensuite, la procdure doit garantir la sparation des poursuites et du jugement (on verra quelle doit aussi garantir la sparation de linstruction et du jugement, sauf exceptions). De mme, la loi doit assurer lgalit devant la justice. Ce principe est bien entendu relatif, puisque la justice est rendue par des hommes. On a donc des personnes juges pour les mmes faits, dans deux tribunaux distants, voire dans le mme, et dont le procs a une issue diffrente. En fait, lgalit vise sentend de celle des rgles applicables. Larticle rappelle, il tait temps, la prsomption dinnocence, dont les atteintes doivent tre prvenues et punies par la loi. Laccus a le droit linformation sur les charges, un avocat, un contrle judiciaire des mesures de contraintes dont il fait lobjet (principe de judiciarit). Puis larticle prliminaire impose un principe de clrit, laccus devant tre jug dans un dlai raisonnable. Enfin, toute personne a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction. A priori, cest laffirmation du droit au double degr de juridiction. Mais double degr de juridiction ne signifie pas droit dappel. On peut donner dailleurs lexemple de la haute cour de justice ou de la cour de justice de la Rpublique devant lesquelles on dispose dun recours, sans pour cela que ce soit un appel. Mais larticle prliminaire est respect, car il existe alors bien un double degr de juridiction, puisque la chambre criminelle peut tre saisie.De ce qui prcde, on constate que la procdure pnale sentend la fois des lments ncessaires au procs pnal, et des rgles de forme de son droulement. Elle contient donc deux aspects indissociables: un cadre institutionnel, qui comprend tous les lments ncessaires la prvision du procs (PARTIE I), et un cadre fonctionnel, qui comprend tous les lments ncessaires la ralisation du procs (PARTIE II).

PARTIE I- LE CADRE INSTITUTIONNEL DE LA PROCEDURE PENALE Laspect organique de la procdure pnale concerne lensemble des intervenants dans la poursuite de linfraction, de son soupon la certitude judiciaire. Il traite donc des juridictions rpressives et des auxiliaires de la justice pnale. Avant de les examiner, il convient de souligner que leur nombre est lev et que leur rle est beaucoup plus diversifi que celui des intervenants aux procdures civiles et administratives. Ceci sexplique par le fait que le procs pnal met en jeu la protection de valeurs auxquelles lEtat est particulirement intress. Cette prcision liminaire effectue, il reste tudier, dune part lorganisation judiciaire rpressive (TITRE I), puis les organes auxiliaires de la justice rpressive (TITRE II).

TITRE I- LORGANISATION JUDICIAIRE DE LA REPRESSIONLorganisation judiciaire de la rpression concerne les juridictions pnales, composes par la magistrature du sige, ainsi dnomme car elle rend ses dcisions assise. Toutes les juridictions rpressives sont soumises des principes communs (CHAPITRE I), et ont une organisation, un rle et une comptence bien dfinis (CHAPITRE II).

CHAPITRE I- LES PRINCIPES DE LA JUSTICE REPRESSIVEDepuis le Moyen Age, le premier principe est que les magistrats sont professionnels. Il existe bien entendu des exceptions, comme les assesseurs du tribunal pour enfants, en raison de leur spcialit des problmes de lenfance. Il y a aussi, par volont dtre jugs par ses pairs, les jurs de cour dAssises, les hommes politiques sigeant la haute cour de justice ou la cour de justice de la Rpublique, ou, enfin, les militaires des tribunaux militaires en temps de guerre. On peut noter aussi une dernire exception, issue de la loi dorientation et de programmation sur la justice du 9 septembre 2002, qui autorise la cration de juges de proximit32, appels juger dans des juridictions de premire instance, les juridictions de proximit. Elles statuent juge unique et sont comptentes en matire de contraventions, jusqu la 4me classe (750 euros). Les juges de proximit peuvent aussi, depuis une loi du 26 janvier 2005, valider une composition pnale, non seulement en matire contraventionnelle, mais aussi en matire dlictuelle. Les juges de proximit devaient tre diplms, ou anciens magistrats, ou encore, ce qui tait plus critiquable, des fonctionnaires de 25 ans dexprience, donc sans diplme ni qualification juridique exigs. Le Conseil constitutionnel33 a censur le recrutement des personnes non-juristes, estimant que cette possibilit est contraire au principe dgalit. Un dcret du 15 mai 2003 dispose depuis que les juges de proximit sont nomms par le garde de sceaux. Ils suivent une formation lENM, 5 jours, puis un stage en juridiction de 9 jours. On devient ainsi juge en 18 jours tals sur 8 semaines. Sur la juridiction de proximit, voir la chronique favorable de J. Moutouh, D. 2002-3218, et celle dfavorable de la prsidente du syndicat de la magistrature, D. 2002-3275. Le rapport Guinchard rendu en juin 2009 prconise la suppression des juges de proximit.Cette prcision apporte, il convient de sintresser aux principes gouvernant le fonctionnement des juridictions pnales. La justice rpressive assure quatre fonctions: la poursuite, qui revient au ministre public par le biais de la mise en mouvement de laction publique, linstruction, qui incombe aux juridictions dinstruction en charge de rechercher les preuves et de cerner la personnalit de la personne poursuivie, le jugement, qui consiste apprcier les charges et rendre une dcision sur la culpabilit, et enfin lexcution des peines, pesant principalement sur le JAP. Toute autorit de poursuites, dinstruction ou de jugement est soumise lexigence dun procs quitable, nonce lart. 6 de la CESDH et rappele dans larticle prliminaire du CPP. Cette exigence se matrialise principalement dans le principe de sparation des fonctions judiciaires, donc par la ncessit de la neutralit du tribunal, garantie contre la partialit des juges (SECTION I). En outre, presque toutes les juridictions pnales obissent dsormais au principe du double degr de juridiction (SECTION II). SECTION I- LA NEUTRALITE DU TRIBUNALL'article 6 1 de la Convention europenne des droits de l'homme dispose que toute personne a droit ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial et indpendant. Il institue dabord le droit au juge, puisque, sans juge, il ny a pas de procs, donc aucune garantie applicable34. Cet article impose ensuite une adquation entre les qualits du tribunal et l'exigence du procs quitable. Ces qualits sont lindpendance et limpartialit.A priori, l'indpendance et l'impartialit semblent relever uniquement d'lments objectifs relatifs au statut et la fonction du juge. Mais, elles concernent aussi des lments subjectifs savoir la prvention contre l'arbitraire, et l'obligation d'viter le parti pris du tribunal saisi et d'assurer la transparence des dbats. En consquence, l'impartialit et l'indpendance sont la fois objectives et subjectives, et visent assurer la neutralit du tribunal saisi.L'article 6 1 de la Convention europenne des droits de l'homme ne s'applique pas qu' la phase de jugement35 et la juridiction de premire instance. Il s'impose aussi aux juridictions du second degr, et la phase prliminaire36.L'article 6 de la Convention europenne des droits de l'homme concerne donc toutes les phases du procs pnal. C'est pourquoi, le droit positif franais adopte dsormais les critres europens de l'indpendance et de l'impartialit pour assurer la garantie du principe sparatiste (I). Le droit positif permet donc l'accus de se prmunir contre les risques de partialit du tribunal. Cette protection est galement favorise par la collgialit des juridictions de jugement (II), et par un dispositif permettant de contrler la neutralit du tribunal (III).I- LE PRINCIPE SEPARATISTELe principe sparatiste vise la sparation des autorits pnales lintrieur dune mme affaire pour que chaque juge ne puisse la fois instruire, puis juger, puis faire excuter sa dcision. On va cependant voir que le principe comporte des exceptions. Le principe sparatiste sexplique par le fait que si une affaire tait mene par un seul magistrat, la personne poursuivie ne bnficierait pas dun procs quitable. La neutralit du tribunal s'apprcie en premier lieu par rapport au statut confr au juge qui ne doit recevoir aucun ordre ni suggestion pour statuer en l'absence de toute subordination37. Elle dpend donc de lindpendance statutaire du juge (A). En second lieu, la neutralit impose l'absence de parti pris, pouvant rsulter soit d'un cumul de fonctions, ce qui implique une impartialit objective (B), soit de prjugs acquis avant la dcision judiciaire, ce qui ncessite un contrle de limpartialit subjective (C). A-LINDEPENDANCE STATUTAIRELa Cour europenne des droits de l'homme interprte l'indpendance de faon extensive. Elle considre qu'elle doit s'entendre l'gard de l'excutif comme des parties38. Toutefois, on va l'analyser au sens troit, car l'indpendance l'gard des parties se confond avec l'impartialit39 objective, ce qui sera tudi plus loin. En dfinitive, lindpendance statutaire postule la sparation de lexcutif et de linstruction, et celle de lexcutif et du jugement. Le principe dindpendance statutaire concerne donc, dune part la sparation de la poursuite et de linstruction, dautre part la sparation des fonctions de poursuite et de jugement. Afin de garantir l'absence d'influence politique sur les dcisions de justice, la juridiction saisie ne doit prsenter aucun lien avec l'excutif. Corollaire de la sparation des pouvoirs excutif et judiciaire40, la rgle des incompatibilits de fonction entre les phases de poursuites et d'instruction ne figure pas au Code de procdure pnale, alors que celle concernant la sparation des poursuites et du jugement a t enfin consacre larticle prliminaire I al2 CPP avec la loi du 15 juin 2000. Ainsi, aucun membre du parquet ne peut accomplir un acte d'instruction41, ni participer la juridiction de jugement. La juridiction de jugement doit juger par elle mme, et non au profit de l'autorit gouvernementale. C'est pourquoi, la Cour europenne des droits de l'homme42 dniait la qualit de tribunal impartial et indpendant au Conseil d'Etat qui, refusant d'interprter les traits internationaux, s'en remettait l'interprtation du ministre des affaires trangres. Cette solution ne parat plus applicable, le Conseil d'Etat ayant abandonn le rfr diplomatique43; mais elle illustre la notion d'indpendance requise par l'article 6 1.En dfinitive, l'indpendance postule principalement que le tribunal statue sans pression ni promesse, qui sont des facteurs de complaisance ou d'hostilit envers le pouvoir politique. Elle constitue le pralable ncessaire l'impartialit, tant il est vrai qu'un juge dpendant a peu de chances d'tre impartial44.B- LIMPARTIALITE FONCTIONNELLE (Objective)Limpartialit fonctionnelle rsulte de la sparation des fonctions dinstruction et de jugement (art. 49 al2 CPP, et 137-1 al3 pour le JLD, et 253 CPP pour les juges de la cour dAssises). Certains auteurs y sont favorables (M.-L. Rassat), dautres y sont hostiles, car estiment que la justice y perd en clrit (J. Pradel). L'impartialit objective tient compte des apparences, cest dire de la constatation a priori dun risque de partialit li l'incompatibilit des fonctions exerces par un mme magistrat. Ainsi, en vertu du principe sparatiste, un juge d'instruction ne peut participer au jugement d'une affaire dont il a connu45. Cette incompatibilit fonctionnelle concerne galement la fonction de jur46. En outre, l'article 668 du Code de procdure pnale nonce un certain nombre de cas autorisant l'accus douter de l'impartialit du juge, notamment lorsqu'il prsente des liens avec l'une des parties, ou qu'il est lui-mme partie au procs jug par une juridiction laquelle il appartient47. On le verra plus loin avec la rcusation.Ne peut non plus faire partie de la cour d'Assises le magistrat ayant particip l'arrt de rejet d'une demande mise en libert48. De mme, la Cour europenne des droits de l'homme considre que la confusion des rles est susceptible d'inspirer des craintes lgitimes au requrant. Cela prouve le rle que lapparence joue pour elle. Elle tient donc pour partial le prsident de la cour d'ayant rempli les fonctions de juge d'instruction dans l'affaire qu'il juge49. En outre, elle estime justifies les apprhensions d'une partie civile plaidant sa cause devant un tribunal compos de membres du parti politique de l'auteur prsum de l'infraction50. Ces dcisions sont conformes aux exigences du droit national, qui prohibe expressment le cumul des fonctions d'instruction et de jugement51, et autorise la rcusation d'un magistrat ds lors qu'il existe des manifestations assez graves pour faire suspecter son impartialit52.A priori, le principe sparatiste semble absolu. Cependant, en droit interne comme en droit europen, le principe sparatiste souffre de nombreux tempraments. En premier lieu, la spcificit du supplment d'information l'audience conduit un cumul de fonctions, puisqu'un membre de la juridiction de jugement effectue galement des actes d'instruction53. En second lieu, l'exclusion automatique du cumul est abandonne au profit d'une analyse au cas par cas.Ainsi, par une apprciation in concreto, la Cour europenne des droits de l'homme54 attnue la rigueur du principe sparatiste en distinguant les investigations approfondies de celles qui paraissent moins essentielles. Cela conduit accepter que des juges dinstruction sigent dans la juridiction de jugement, sils ont effectu des actes de peu dimportance. Or, tous les actes d'instruction revtent la mme importance. En outre, le critre de distinction reste imprcis : il se fonde sur la notion de pr-jugement au fond, sans dterminer quels actes peuvent traduire une opinion sur la culpabilit avant le jugement. La solution retenue permet cependant de statuer au cas par cas. Le principe est en effet que le cumul des fonctions dinstructions et de jugement est autoris, sauf circonstances particulires rvlant lapprciation pralable par le juge dune question sur la culpabilit (pour la partialit du tribunal compos de magistrats ayant rejet des demandes de mise en libert en ayant formul un avis sur la culpabilit, voir la condamnation de la France: CEDH, 22 avr. 2010, D. 2010, obs. S. Lavric).La Cour de Strasbourg admet encore le cumul de fonctions du juge des mineurs55. La confusion des rles semble ici moins critiquable : le juge des mineurs poursuit une finalit spcifique, puisqu'il lui incombe plus de rduquer que de sanctionner. En consquence, l'unicit du magistrat institue par le droit pnal des mineurs n'est pas, en soi, exclusive d'impartialit. La chambre criminelle de la Cour de cassation56 adopte une solution identique, et estime que la sparation des fonctions d'instruction et de jugement n'est pas ncessaire l'gard des mineurs. Toutefois, la CEDH a statu sur limpartialit du tribunal pour enfants polonais et a condamn la Pologne. Or, la loi polonaise est trs proche de la loi franaise, ce qui laisse augurer dune condamnation de la France. La CEDH a dcid que, instruisant seul un dossier et pouvant renvoyer, aprs avoir rassembl des preuves de culpabilit, le mineur devant un tribunal quil prside, le juge pour enfants nest pas un tribunal impartial. La solution de larrt Nortier est donc remise en cause ds lors que le juge pour enfants a fait un ample usage de ses attributions. Le lgislateur franais va ainsi devoir aligner notre loi sur la jurisprudence europenne. (v. Ph. Bonfils, Limpartialit du tribunal pour enfants et la Convention europenne des droits de lhomme, n. sous CEDH, 2 mars 2010, Adamkiewicz c/ Pologne, D. 2010-1324).L'inflchissement de la notion d'impartialit objective concernait surtout les juridictions de jugement composes de juges ayant statu sur la dtention provisoire de l'accus. La Cour europenne autorisa en effet la participation d'un magistrat au jugement d'un individu dont il avait refus la mise en libert, ds lors que ce refus tait fond sur les dclarations de l'accus57. La chambre criminelle, quant elle, oprait une distinction surprenante entre les incompatibilits fonctionnelles des membres de la chambre de linstruction et des juridictions de jugement. En matire criminelle, elle estimait que le magistrat qui avait rendu un arrt concernant la dtention provisoire ne pouvait faire partie de la cour d'Assises, car il avait ncessairement procd un examen au fond58. Or, en matire correctionnelle, la solution adopte tait totalement contradictoire, puisqu'un magistrat ayant refus la mise en libert du prvenu tait rput ne pas avoir prjug au fond, et pouvait participer au jugement de l'affaire59. Ces problmes semblent dsormais rsolus: le CPP carte expressment toute participation du juge des liberts et de la dtention (JLD) au jugement. Une contradiction demeura pour ce qui concerne les dcisions rendues en l'absence de l'accus. La chambre criminelle estime que la rgle selon laquelle l'opposition est porte devant la juridiction ayant statu par dfaut60, ventuellement compose des mmes magistrats, est compatible avec l'article 6 161 de la Convention europenne des droits de l'homme. Semblablement, les magistrats ayant pris parti sur la culpabilit d'un prvenu peuvent le juger une seconde fois pour des faits similaires62. Or, la chambre criminelle dcidait d'annuler, pour violation de l'article 253 du Code de procdure pnale, l'arrt de cour d'Assises auquel avait concouru un magistrat ayant connu de l'affaire juge par contumace63. Cette contradiction semble devoir disparatre. Le CPP ayant supprim la contumace, le dfaut criminel autorise en effet le re-jugement par la cour dAssises, ventuellement compose des mmes magistrats, mais avec un jury (absent en cas de dfaut criminel, sauf si dautres accuss sont jugs). Le re-jugement est possible ds lors que, condamn une peine privative de libert et faisant lobjet dun mandat darrt dcern par la cour dAssises, lintress se constitue prisonnier ou est arrt avant la prescription de la peine. Dans ce cas, le premier procs dAssises est non avenu et laccus, qui demeurera en dtention jusqu sa comparution, bnficiera dun second procs dAssises. Il est cependant vrai que, au del de la contradiction des solutions nationales, on peut affirmer que le re-jugement en cas de dfaut ne viole pas l'exigence d'impartialit. Admettre le contraire reviendrait accorder l'accus absent le jour de son jugement un droit supplmentaire, celui d'tre jug deux fois dans la mme instance par des magistrats diffrents, alors que l'accus prsent l'ouverture des dbats ne bnficie pas d'une telle opportunit. C'est pourquoi, la Cour europenne des droits de l'homme estime que la voie de rtractation n'est pas incompatible avec l'article 6 164.Un nouveau problme relatif limpartialit est dsormais pos suite la cration, par le dcret du 13 novembre 2007, du juge dlgu aux victimes (JUDEVI). Il a deux fonctions possibles. La premire est de prsider la commission dindemnisation des victimes dinfractions (CIVI). Cette fonction porte peu atteinte limpartialit, puisque le litige quil a trancher oppose la victime au Fonds de garantie des victimes dinfraction, qui est lui-mme institu pour dfendre les victimes et leur octroyer une juste indemnisation. La seconde fonction du JUDEVI est de pouvoir tre dsign par le prsident du TGI pour siger juge unique au tribunal correctionnel ne statuant que sur des intrts civils. La question de son impartialit peut alors tre souleve: il a pour rle la dfense de la victime, mais doit trancher un litige qui oppose cette dernire lauteur de linfraction ayant caus son dommage. La chambre criminelle a pourtant rendu un avis estimant que la qualit de JUDEVI nest pas, en soi, incompatible avec les fonctions de juge au tribunal correctionnel65. En dautres termes, la question de limpartialit se traitera au cas par cas, au regard des mesures prises en faveur de la victime par le JUDEVI avant dintervenir en tant que juge.Enfin, la CEDH a jug que la Cour de cassation qui, aprs un renvoi, statue nouveau dans la mme affaire, nest pas impartiale ds lors que 7 des neufs juges avaient statu la premire fois (CEDH, 24 juin 2010, req. n 22349/06). Cette dcision est susceptible davoir des consquences importantes quant la composition de notre cour de cassation, ainsi que sagissant de certaines hautes juridictions europennes.En dfinitive, la notion d'impartialit objective subit des inflchissements, parfois justifis, parfois critiquables. C'est pourquoi, il semble prfrable de s'en tenir une apprciation in abstracto, et de consacrer le principe sparatiste ds lors que le cumul est de nature susciter des craintes de partialit dans l'esprit d'une personne raisonnablement avise. L'incertitude juridique rsultant de l'interprtation de l'impartialit objective est parfois compense par une dmarche subjective qui permet de tenter de dceler les prjugs du juge et de forcer sa pense intrieure66. C- LIMPARTIALITE SUBJECTIVE (personnelle)L'impartialit subjective ne repose pas sur un cumul de fonctions, mais tient compte de la conviction personnelle du tribunal. En raison des qualits traditionnellement reconnues aux magistrats, l'impartialit subjective se prsume67. L'intress doit donc renverser cette prsomption au moyen de preuves concrtes, comme des crits ou des paroles antrieurs ou concomitants aux dbats.Ainsi, un juge d'instruction ayant mis en cause la vracit des dclarations d'une partie civile dans son ordonnance de non lieu ne peut siger ultrieurement au sein de la juridiction saisie d'une plainte en dnonciation calomnieuse dpose par le bnficiaire du non lieu68. De mme, un magistrat ne peut participer au jugement d'un individu ds lors qu'il a publiquement fait tat de son opinion avant l'audience, soit en exprimant sa faveur pour la partie civile69, soit en se dclarant hostile l'accus70. Cette solution est transposable au jur ayant tenu, devant tmoins, des propos racistes la veille du procs d'un accus d'origine algrienne71. Mais il a t galement jug que le juge dinstruction peut instruire alors quil est lpoux dune avocate ayant t celle de la partie civile dans une autre affaire.La question de la manifestation d'opinion prmature est le plus souvent souleve lors des procs devant la cour d'Assises. Le prsident a en charge l'interrogatoire de l'accus72, et doit lui poser des questions en restant impartial. Contrairement son homologue anglo-saxon, qui n'intervient pas dans l'interrogatoire et reste un arbitre neutre, le juge franais doit tre attentif ses propos, et tenter de ne pas insister davantage sur les lments charge que sur ceux dcharge. L'impratif d'impartialit et la ncessit d'interroger l'accus en toute objectivit constituent donc pour le juge une vritable gageure73. C'est pourquoi, certains prsidents trahissent leur opinion sur la culpabilit, soit en commentant les pices du dossier74, soit en interpelant spontanment l'accus75. En outre, le fait de communiquer, ds l'ouverture des dbats, une feuille de questions prtablie portant dj mention de la condamnation76, ou de donner lecture, la fin des dbats, d'une question renfermant l'affirmation de la culpabilit77, traduit une opinion prconue incompatible avec l'exigence d'impartialit. Toutefois, la jurisprudence adopte parfois une solution peu rigoureuse. Elle accepte que le prsident ajuste ses propos aprs l'intervention de l'avocat78, et ne sanctionne pas les opinions simplement esquisses ou instinctives79. En dfinitive, il suffit que le prsident demeure prudent, ou sexcuse, pour que son impartialit ne puisse tre utilement remise en cause. Or, le mal est faitDsireux dassurer la bonne image de la justice, le lgislateur a tent de renforcer la fiabilit de la dcision en imposant souvent la collgialit, qui stimule la concertation et institue un contrle de chaque membre de la juridiction par les deux autres. II- LA COLLEGIALITEAfin d'carter les risques d'arbitraire, le lgislateur organise un contrle de la neutralit au sein mme de la juridiction de jugement, en consacrant la collgialit. Pour certains auteurs80, la collgialit est le signe du progrs de la justice pnale : d'une part, elle rduit le risque d'erreur et sert de garantie une justice claire ; d'autre part, elle favorise le contrle de chaque juge par les deux autres, et protge contre l'arbitraire d'une dcision rendue sans objectivit par un magistrat unique. Pour d'autres auteurs81, la collgialit ne prsente pas de rels avantages : l'unicit du juge permet d'accrotre sa responsabilit en l'empchant de se retrancher derrire l'anonymat d'une dcision collective. En outre, les dbats collgiaux sont artificiels, tant ils sont domins par le juge ayant lu le dossier. Le lgislateur semble galement indcis. C'est pourquoi, mme si lart. 243 CPP la consacre en tant que principe de l'organisation juridictionnelle, la collgialit souffre de nombreux tempraments. On avance notamment que l'engorgement des tribunaux justifie l'accroissement de comptence confr au juge unique82. Ainsi, les contraventions relvent de la comptence du tribunal de police83, compos d'un magistrat unique, le juge d'instance. En outre, les lois du 8 fvrier 1995, du 9 juillet 2001, du 9 septembre 2002, etc. (il y en beaucoup dautres!) et du 5 mars 2007 ont ajout la liste numre par l'article 398-1 du CPP un certain nombre de dlits pouvant tre jugs par un juge unique du tribunal correctionnel. Le principe de collgialit est donc souvent relgu au rang d'exception84. Cette constatation se matrialise par le dveloppement consquent du recours au juge unique, qui constituait dj, en 1995, 70% du contentieux correctionnel franais85. Cette volution est galement consacre par la plupart des systmes pnaux. En France, une premire loi du 29 dcembre 1972 autorisa le recours au juge unique pour des dlits limitativement numrs. Mais elle ne fut pas dfre au juge constitutionnel, qui ne fut saisi que lors du vote de la loi du 6 aot 1975 par soixante-neuf snateurs aux fins de confrer au principe de collgialit une valeur constitutionnelle. Le texte mis en cause prvoyait dtendre le juge unique tous les dlits. Il fut reconnu anticonstitutionnel86, non en raison de l'atteinte au principe de collgialit, mais au regard de l'ingalit devant la justice. En effet, comme celle de 72, la loi de 75 confrait au prsident du tribunal de grande instance le pouvoir de slectionner discrtionnairement et sans recours les affaires relevant d'un juge unique. Dsormais, le prsident ne joue plus aucun rle, l'article 398 al 3 CPP ayant t modifi par la loi du 8 fvrier 1995. Cette loi, et celles qui suivirent, obligent au recours au juge unique pour les dlits numrs par la loi. Elles purgent ainsi le systme de son inconstitutionnalit, en tant le pouvoir discrtionnaire au prsident du tribunal de grande instance. Quoiqu'il en soit, et en dpit du fait qu'il n'ait pas valeur constitutionnelle, le principe de collgialit demeure une garantie d'impartialit et d'indpendance ncessaire l'quit du procs. Il constitue un moyen de contrle indispensable pour lutter contre les prjugs et les erreurs d'un juge unique.Il est noter que la loi du 5 mars 2007 tendant renforcer lquilibre de la procdure pnale a rform linstruction prparatoire en deux temps: une premire priode jusquau 1er janvier 2010, va permettre de mettre en place les ples de linstruction (cf infra, instruction); une seconde priode va introduire la collgialit de linstruction (trois magistrats; cf infra, instruction). A lheure o la collgialit est carte pour nombre de jugements, le lgislateur limpose en matire dinstruction, suite laffaire dite dOutreau87.Outre les garanties que nous venons dtudier, le lgislateur offre aux justiciables la possibilit de se prmunir contre l'arbitraire du tribunal, en recourant des institutions procdurales prventives permettant le contrle a priori de la neutralit de ses membres.III- LE CONTROLE DE LA NEUTRALITESoucieux de prserver la justice du doute populaire sur d'ventuelles dviations partisanes, le lgislateur institue des garanties contre la partialit du tribunal. Ainsi, lorsque l'accus a des soupons objectifs de partialit, la loi autorise deux recours, ayant pour finalit d'empcher un tribunal de statuer. Ces recours se matrialisent par deux institutions procdurales, la rcusation (A) et la requte en suspicion lgitime (B). A- La rcusation du jugeCest une garantie accorde la dfense pour sassurer de lindpendance du juge vis vis des parties. La rcusation88 est une procdure permettant d'carter un ou plusieurs magistrats89 nommment dsigns de la juridiction d'instruction ou de jugement saisie90. Aux termes de lart. 668 CPP, le requrant doit adresser une demande en rcusation motive au premier prsident de la cour d'appel ou de la Cour de cassation91. Ce recours prsente l'intrt d'assurer le respect de l'impartialit avant que toute atteinte ne soit consomme. C'est pourquoi, il doit tre exerc avant l'interrogatoire ou la dfense au fond, sauf dans le cas o une cause de rcusation survient ultrieurement. La rcusation est subordonne neuf causes limitativement numres. Les huit premires ont un lien avec la dpendance du juge envers une partie ou leur communaut d'intrts. La dernire a une porte gnrale, puisqu'elle recouvre toutes les hypothses d'amiti ou d'animosit entre le juge ou son conjoint et une des parties. En dfinitive, la rcusation permet de prvenir la partialit du tribunal en assurant l'indpendance de ses membres envers les parties.En dpit de la garantie qu'elle reprsente, la rcusation demeure d'application rare92. Cette situation semble s'expliquer facilement : d'une part, le justiciable dont la demande est rejete sans recours peut craindre d'tre jug par un magistrat dont il a mis en cause la neutralit ; d'autre part, le magistrat saisi par la requte peut hsiter reconnatre le manque d'objectivit d'un de ses pairs.C'est pourquoi, le lgislateur a institu une seconde procdure, la requte en suspicion lgitime.B- La requte en suspicion lgitimeLa requte en suspicion lgitime est une procdure permettant le renvoi d'un procs devant une autre juridiction93. Adresse la chambre criminelle de la Cour de cassation, elle a pour finalit d'assurer l'impartialit du tribunal ds lors que des circonstances graves et prcises mettent en doute sa neutralit. Elle se distingue de la rcusation en ce sens qu'elle doit viser toute la juridiction, et non un ou plusieurs magistrats nommment dsigns94. En outre, elle entrane le dessaisissement de la juridiction, alors que la rcusation permet le jugement de l'affaire par la juridiction autrement compose.Les deux procdures ont toutefois un point commun : elles sont toutes les deux accueillies de faon extrmement rserve par la jurisprudence95, considrant sans doute qu'elle dsavouerait le tribunal vis96.Cependant, la requte en suspicion aboutit dsormais plus souvent, non seulement pour censurer des propos partiaux tenus par un magistrat97, mais encore pour empcher le jugement lorsque le tribunal n'offre pas une garantie d'impartialit suffisante98. L'largissement de l'accueil des requtes semble tre fond sur lart. 6 CESDH, que la chambre criminelle de la Cour de cassation prend le soin d'voquer dans sa motivation.Nous venons de voir les garanties rsultant du principe sparatiste. Il est un autre principe, celui de lunit de la justice civile et pnale, qui induit un autre principe, celui du double degr de juridiction. Ce principe peut tre en effet tre apprhend sous langle dune garantie dimpartialit, puisquil permet le rexamen dune dcision, donc dassurer une meilleure neutralit de la dcision de justice.SECTION II- LE DOUBLE DEGRE DE JURIDICTIONEn vertu du droit d'appel, tout justiciable peut faire rexaminer une dcision qui lui est dfavorable. L'histoire du systme juridique franais dmontre que le droit d'appel est fort ancien99. Dj, sous les Mrovingiens, les juridictions ecclsiastiques rendent des jugements susceptibles d'appel devant le mtropolitain100. Hrit du droit romain, l'appel permet de faire contrler par un juge suprieur la dcision rendue en premire instance. Ds le XIIIme sicle, les juges royaux, baillis et snchaux, se rservent les appels des justiciables des justices seigneuriales ou ecclsiastiques. L'appel devient ds lors le symbole de la puissance de la monarchie. C'est pourquoi, la Rvolution le limite et introduit le systme de l'appel circulaire : l'appel n'est plus port devant une juridiction suprieure, mais d'un tribunal de district un autre101.Le Code d'instruction criminelle et le Code de procdure pnale rtablissent l'exigence d'un appel port devant une juridiction suprieure, la cour d'appel102. Prsente comme une ncessit absolue par J. Bentham103, la vision binaire du procs par le justiciable semble ainsi consacre (I). Toutefois, l'analyse du droit au double degr de juridiction que cette vision semble dmontrer qu'il n'est pas inconditionnel, puisqu'il peut parfois faire l'objet d'exceptions (II).I- LA VISION BINAIRE DU PROCES PENALLe droit au rejugement complet du litige n'est pas expressment consacr. Certes, l'article 14-5 du Pacte des Nations Unies et l'article 2-1 du Protocole n 7 la Convention europenne des droits de l'homme disposent que toute personne a le droit de faire examiner par une juridiction suprieure la dclaration de culpabilit. Mais, ces articles ne se rfrent en aucun cas la nature du rexamen, savoir sil concerne le droit ou/et les faits. En consquence, l'examen par une juridiction suprieure semble, a priori, pouvoir se limiter au contrle de l'application de la loi, donc au recours en cassation. D'ailleurs, le gouvernement franais a accompagn la ratification du Protocole n 7 d'une dclaration indiquant que le rexamen peut se limiter un contrle de lgalit, cest--dire au pourvoi en cassation104. Si le droit d'appel n'a pas valeur constitutionnelle105, le Conseil Constitutionnel lui accorde nanmoins au une protection mdiate106, notamment en se fondant sur le principe de l'galit. En outre, comme la Cour europenne des droits de l'homme107, il considre que, ds lors que l'Etat organise un double degr de juridiction, il doit le rendre effectif108. Paralllement, le droit au double degr de juridiction est considr par la chambre criminelle de la Cour de cassation comme un droit d'ordre public109, et le Conseil d'Etat estime qu'il constitue un principe gnral du droit processuel, auquel seule une loi peut porter atteinte110. Quant au Code de procdure pnale, il consacre le droit d'appel, depuis longtemps en matire correctionnelle et de police, depuis peu en matire criminelle, et dicte trois sries de garanties en vue de rendre le droit au double degr de juridiction effectif.La premire garantie rsulte du fait que la cour d'appel ne peut statuer que sur des demandes dfres la juridiction de premire instance : il lui est interdit de statuer sur des demandes nouvelles en appel111. Ainsi par exemple, la victime ne peut se constituer partie civile pour la premire fois en appel. La loi Scurit et Libert avait cependant prvu des dispositions contraires cette solution. Mais, saisi sur le fondement de la mconnaissance du double degr de juridiction, le Conseil Constitutionnel dclara ses dispositions contraires la Constitution112, car la possibilit de se constituer partie civile pour la premire fois en cause d'appel est gnrateur d'ingalits. En effet, selon l'attitude de la victime, les prvenus bnficieraient ou non d'un double degr de juridiction en ce qui concerne les intrts civils. Ainsi, se fondant sur l'galit devant la justice, le Conseil Constitutionnel veille ce que l'existence du double degr de juridiction ne soit pas source de discrimination : placs dans une situation identique, deux prvenus doivent pouvoir bnficier du mme rgime. Toutefois, cette solution ne prohibe pas la suppression du droit d'appel pour certaines catgories de justiciables : le droit au double degr de juridiction n'ayant pas valeur constitutionnelle113, la loi interne peut en consquence prvoir des exceptions au double degr de juridiction114. Ainsi, aux termes de l'article 388-1 al 2 du Code de procdure pnale, l'assureur peut intervenir pour la premire fois en cause d'appel. Le droit au double degr de juridiction ne bnficie donc pas de faon totalement galitaire tous les prvenus placs dans une mme situation115.La seconde garantie du droit au double degr de juridiction concerne l'interdiction pour la cour d'appel de statuer ultra petita : l'affaire lui est transmise dans la limite de l'acte d'appel116. Cest ce que lon nomme l'effet dvolutif. Il peut donc tre limit par la volont de l'appelant, ds lors qu'il dcide de ne soumettre la cour que certains chefs du jugement. Mais l'effet dvolutif peut galement tre restreint par la qualit de l'appelant. En effet, il est pour principe que la cour d'appel ne peut, sur le seul appel des parties prives, aggraver le sort de l'appelant117. Cette rgle, dite principe de la prohibition de la reformatio in pejus, fut introduite par le Conseil d'Etat118, dont les avis avaient autrefois force lgislative. Elle a pour fondement l'interdiction de statuer ultra petita : en aggravant le sort du prvenu sur son seul appel, le juge donnerait l'accusation une satisfaction laquelle elle a expressment renonc en s'abstenant d'interjeter appel. Si la cour pouvait aggraver le sort du prvenu sur son seul appel, il est craindre que celui-ci hsite la saisir, ce qui semble peu compatible avec le droit au double degr de juridiction. En outre, une telle solution conduirait, en cas de rformation dfavorable, donner au justiciable la possibilit d'utiliser une voie de recours contre son propre intrt. Cette rgle est tendue par la jurisprudence au pourvoi en cassation119, et doit galement tre observe par la cour d'appel de renvoi saisie la suite d'un arrt de cassation120. Si le Conseil Constitutionnel et le Conseil dEtat considrent la reformatio in pejus comme un principe gnral du droit121, la rgle de l'interdiction de la reformatio in pejus ne suscite pas l'unanimit122. Ferri y vit par exemple une rgle illogique, l'appel ayant sa raison d'tre dans la correction d'une erreur, que cette correction soit ou non favorable l'appelant. Il est vrai que ses consquences conduisent parfois des solutions surprenantes.En premier lieu, l'interdiction d'aggraver le sort du prvenu sur son seul appel, fait dfense au juge d'oprer la requalification123 et se heurte donc ainsi au devoir de requalification du juge. Pourtant cette interdiction parat logique. D'une part, la requalification pourrait conduire au prononc d'une peine plus forte ce qui aggraverait la sanction124, et violerait la rgle de la reformatio in pejus. D'autre part, la requalification pourrait ncessiter le renvoi de l'accus devant une autre juridiction si l'infraction requalifie changeait de nature. Ce changement de comptence pourrait contribuer aggraver le sort du prvenu : poursuivi pour une contravention, il pourrait tre renvoy devant le tribunal correctionnel ; poursuivi pour un dlit, il pourrait tre renvoy devant les Assises. Le droit pour l'appelant de ne pas voir aggraver son sort prime donc parfois l'exigence de vrit. En second lieu, institu dans l'intrt de l'accus, le principe de la reformatio in pejus peut nanmoins conduire une solution qui lui est dfavorable. Ainsi, le juge d'appel n'a pas la possibilit de rduire la dure de l'emprisonnement en y ajoutant une amende125, alors mme qu'il est fort probable que le condamn trouverait sa dcision moins svre.La troisime garantie du double degr de juridiction concerne les juridictions suprieures dinstruction. La chambre criminelle de la Cour de cassation impose en effet le rexamen devant la chambre de linstruction126, alors mme que l'article 2 du protocole n7 la Convention europenne des droits de l'homme ne concerne pas les juridictions d'instruction, puisquil ne vise que les dcisions de condamnation. Cest encore une exigence assurant limpartialit.Il faut quand mme savoir que, mme sils doivent tre diffrents, les juges d'appel semblent se fonder sur le jugement des premiers juges. Cette hypothse apparat d'autant plus probable que le service statistiques du ministre de la justice a pour consignes de ne divulguer au public ni le nombre de confirmations des jugements de premire instance, ni celui des infirmations127.Le droit d'appel constitue non seulement un droit processuel indispensable l'accus, mais encore une protection de la bonne image de la justice : si le jugement est confirm, la vrit judiciaire est renforce et lgitime ; s'il est infirm, la justice dmontre qu'elle sait reconnatre ses erreurs et demeurer impartiale. Le droit d'appel est donc ncessaire la fois la justice et au justiciable. Mais, en dpit de la protection qui lui est accorde, le droit au double degr de juridiction n'est pas absolu : il peut y tre fait exception, notamment en considration de la nature de l'infraction ayant entran la condamnation.II- LES EXCEPTIONS AU DOUBLE DEGRE DE JURIDICTIONLe droit d'appel reste conditionnel : l'article 2-2 du Protocole n7 la Convention europenne des droits de l'homme autorise trois exceptions la possibilit d'un rexamen par une juridiction suprieure.La premire exception vise les infractions mineures, celles qui ne sont pas passibles d'emprisonnement128. Cette exception est utilise par la France, pour les contraventions dont le montant ne dpasse pas un montant fix par lart. 546 CPP.La seconde exception au double degr de juridiction concerne l'hypothse o le prvenu est condamn la suite d'un appel du parquet contre sa relaxe : l'arrt de condamnation ne peut tre frapp que d'un pourvoi en cassation, en vertu de l'adage appel sur appel ne vaut.La troisime exception a trait l'hypothse o le jugement est rendu en dernier ressort par la plus haute juridiction. Cette hypothse est lie la comptence matrielle de la juridiction, comptence fixe en fonction de la qualit de l'accus, comme c'est le cas pour les ministres ou le prsident de la Rpublique en France129, jugs par la Haute cour de justice ou la Cour de justice de la Rpublique. Une autre exception tait lie la comptence fixe en fonction de linfraction, et concernait les arrts de cour dAssises. Un peu dhistoire permettra de comprendre la raison de lancienne exception au double degr concernant les criminels.Ds 1066, en Angleterre, le corps des jureurs, voisins de l'accus chargs de l'enqute jure, faisait des dclarations sous serment, vere dictum, prises pour vrit incontestable130. En France, l'innovation rvolutionnaire introduisant le jury anglais dans le jugement des affaires criminelles s'opposa galement l'ide de tout recours hirarchique. La souverainet du jury reprsentant le peuple ne pouvait souffrir d'aucune remise en cause : le jugement des assises tait tenu pour vrit, et revtit l'appellation significative de verdict.L'absence de procdure d'appel constitua longtemps l'un des reproches adresss la cour d'Assises, l'autre tant le dfaut de motivation. Ces deux critiques ne sont d'ailleurs pas indissociablement lies : en Angleterre, l'appel est parfois autoris, alors que les dcisions de la Crown Court ne sont pas motives. Cette considration dmontre que le fondement de la motivation peut diffrer de la simple facult d'offrir l'accus un droit de recours. Pour remdier aux critiques concernant la procdure criminelle franaise, le Haut Comit consultatif estima souhaitable, l'unanimit, d'instaurer un double degr de juridiction en matire criminelle : selon le projet adopt en Conseil des ministres en juin 1996, la juridiction de premire instance devait se nommer tribunal d'Assises dpartemental, et ses jugements auraient pu faire l'objet d'un appel devant une juridiction suprieure, la cour d'Assises. S'il avait abouti, ce projet de rforme de la procdure criminelle aurait permis de conserver le jury populaire131. Ainsi, contrairement son homologue anglo-saxon, la Court of appeal, o ne sigent que des juges professionnels, la juridiction d'appel aurait statu avec l'aide d'un jury populaire : institu par l'Angleterre, le jury populaire trouve dans l'imaginaire collectif franais sa plus grande conscration132. Le projet na pas donn lieu une loi, le changement de majorit ayant report son examen. Mais les dbats concernant les assises ont perdur. En effet, si, en soi, labsence de droit dappel contre un verdict n'engendre pas d'ingalit devant la loi, tous les accuss bnficiant de la mme procdure, elle peut nanmoins conduire une discrimination, en raison du fait que l'accus qui a la possibilit de profiter d'une correctionnalisation judiciaire133 est jug par un tribunal correctionnel. Il a donc la facult de faire appel contre sa condamnation, ce qui n'est pas le cas pour les personnes poursuivies pour un crime. Ds lors que la rgle de la reformatio in pejus interdit au juge d'appel de dnoncer la correctionnalisation en renvoyant le prvenu devant la cour d'Assises, il est tenu de juger lappel sans requalifier. Il convient donc de reconnatre la ncessit du droit d'appel en matire criminelle. Par ailleurs, il semble peu justifiable d'autoriser un prvenu faire appel, et d'interdire un tel recours l'accus, notamment au regard de la gravit des peines criminelles qu'il encourt. Il y a dans cette disparit procdurale une forme d'archasme li la conception dsute de la souverainet populaire. Cest pourquoi, cette hostilit envers lappel en matire criminelle a t abandonne avec la loi du 15 juin 2000. Mais cest un appel trs particulier qui est offert au condamn, comme au parquet. Il ne sagit pas daller devant une cour de degr suprieur, puisque lappel fonctionne comme un appel circulaire, port devant une juridiction de mme degr, la cour dAssises dappel. Lappel est dornavant port devant une cour dAssises, compose de douze jurs au lieu de neuf. Il faut noter que le parquet peut depuis la loi du 4 mars 2002 faire appel dun acquittement134, ce qui est contraire une longue tradition juridique, mais qui respecte lgalit des armes devant le droit dappel. Il faut galement noter quune rflexion est en cours relativement aux jurs. La garde des Sceaux envisage en effet de limiter le recours aux jurs aux crimes les plus graves, un tribunal criminel de premire instance (cf projet Toubon prcit) tant envisag pour les crimes faisant encourir la peine la moins importante. Cela permettrait de rduire les dlais entre la fin de linformation et la date du procs (la procdure est trs longue et cela conduit des dlais draisonnables et une pratique de correctionnalisation judiciaire). Cette rflexion sera prise en compte lors de lexamen de la seconde partie de la rforme de la procdure pnale, lautomne 2010.Nous avons termin avec les principes communs toutes les juridictions. Il sagit maintenant dexaminer les juridictions pour finir ltude de lorganisation judiciaire de la rpression.CHAPITRE II- LES JURIDICTIONSOn va dabord examiner la typologie des juridictions rpressives (SECTION I), puis on va terminer par leur comptence (SECTION II).SECTION I- LA TYPOLOGIELanalyse des diffrentes juridictions obit une summa divisio: les juridictions de droit commun (I), et celles dexception (II). On tudiera part la chambre criminelle de la cour de cassation, car elle transcende la distinction entre les deux types de juridictions (III).I- LES JURIDICTIONS DE DROIT COMMUNLes juridictions de droit commun sont des juridictions comptence rsiduelle, cest--dire quelles peuvent juger toutes les affaires, exceptes celles qui sont expressment attribues dautres juridictions, nommes juridictions dexception. Elles sont composes par les juridictions de premier degr (A) et de second degr (B).A- LES JURIDICTIONS DU PREMIER DEGREIl y en a six, une dinstruction (a), les trois autres de jugement (b, c, d), une dexcution (e), et, depuis la loi du 25 fvrier 2008, la juridiction rgionale de la rtention de sret (f).a- Les juridictions dinstruction Il y a deux juridictions dinstruction du premier degr. Dabord, le juge dinstruction. Cest un magistrat du sige du TGI, nomm par dcret individuel du prsident de la Rpublique sur proposition du garde des sceaux, aprs avis du CSM. Selon limportance du TGI, il y a un ou plusieurs juges dinstruction. Dans lhypothse o il ny en a quun et quil est absent, un autre est nomm. Il lest par la procdure dont je viens de parler en cas dabsence prolonge, ou simplement dsign par ordonnance du prsident du TGI si labsence est courte.Dans lancien droit, tout juge tant procureur gnral, il pouvait sautosaisir. Dsormais, chaque magistrat obit une saisine particulire. Pour ce qui concerne le juge dinstruction, il doit tre obligatoirement saisi par rquisitoire du procureur ou par la constitution de partie civile de la victime. On y reviendra.Le rle du juge dinstruction est dinstruire, cest dire non seulement de rechercher tous les lments relatifs linfraction, au besoin avec laide des autorits policires ou dautres magistrats commis rogatoirement, mais en encore denquter sur la personnalit de la personne poursuivie, de manire obligatoire pour les crimes, facultative pour les dlits. Il doit instruire charge et dcharge, pour tre impartial. La loi du 15 juin 2000, a expressment impos ce principe (81 al1 CPP). Le juge dinstruction est aussi une autorit juridictionnelle. Ainsi, il peut tre amen rendre des ordonnances, par exemple de refus dinformer, de refus dexpertise. A la fin de linstruction, il rend une ordonnance de soit-communiqu au parquet, avis tant donn simultanment aux parties, pour obtenir ses rquisitions dfinitives et des observations des parties, et une ordonnance de clture, cest dire soit une ordonnance de non-lieu, soit une ordonnance de renvoi devant une juridiction de jugement.On reviendra avec ltude de linstruction, sur les pouvoirs du juge dinstruction, et sur les nouvelles dispositions ayant institu les ples de linstruction et les collges de linstruction. Cependant, il faut savoir quune tude est en cours pour supprimer le juge dinstruction. Un comit de rflexion sur la justice pnale, le comit dirig par Ph. Lger, a t charg de rendre un rapport. Ce rapport a t remis le 9 mars 2009135. Il prconise de transformer le juge dinstruction en juge de lenqute et des liberts, qui ne serait en charge que de fonctions juridictionnelles. La fonction denquteur serait confie au Parquet. Cela risque de poser des problmes, car le procureur de la Rpublique nest pas un magistrat indpendant136. Or, larticle 6 CESDH impose lindpendance et limpartialit ds la phase de linstruction. Ensuite, le juge des liberts et de la dtention. Il a t institu par la loi du 15 juin 2000. Il est dsign par le prsident du TGI. Il y en a au moins un par TGI. Il a comptence exclusive, sur saisine du juge dinstruction, pour le placement en dtention provisoire ou pour la prolonger. Il peut galement ordonner la remise en libert. Ce pouvoir relve galement du juge dinstruction. Mais si ce dernier refuse la remise en libert, le JLD peut lordonner. Il est comptent galement pour ordonner des perquisitions de nuit en cas denqute de flagrance ou denqute prliminaire relatives des infractions de criminalit organise. Enfin, il peut accorder des prolongations de la garde vue relative des infractions de criminalit organise et seulement dans le cadre dune enqute (en cas de garde vue durant linstruction, le juge dinstruction est comptent). Cest lui qui est galement comptent en matire de maintien dans la zone dattente des trangers ou pour ordonner le maintien dun individu dans un hpital psychiatrique. Le rapport du comit Lger prconise la disparition du JLD, remplac par le juge de lenqute et des liberts.b- Le tribunal de police et la juridiction de proximitCest la forme pnale du tribunal dinstance, sauf dans les villes o il existe un tribunal de police autonome. Il juge les contraventions de la 5me classe (sauf celles commises par les mineurs) juge unique, le juge dinstance, ou, pour certaines contraventions, le juge de proximit (art. R. 53-40 CPP),. Le parquet est partie au procs. La juridiction de proximit est compose dun juge non professionnel, qui a comptence pour juger des contraventions des 4 premires classes (mme commises par un mineur), sauf exceptions fixes par dcret. Cest le commissaire de police qui remplace le parquet. Le juge de proximit peut galement valider la composition pnale selon la nature de la contravention.c- Le tribunal correctionnelCest la forme pnale du TGI. Il juge en premire instance des dlits, en principe de faon collgiale, sauf exceptions pour certains dlits jugs juge unique (398-1 CPP).d- La cour dAssisesLa cour dAssises est une juridiction de la cour dappel en matire pnale. Elle juge des crimes, nest ni fixe ni permanente, mais sige tous les trois mois.Sa composition rsulte de la volont de faire juger un criminel par ses pairs. On va donc tudier son origine.La dsapprobation ecclsiastique des ordalies lors du concile de Latran en 1215 conduit les juristes europens rechercher un mode de preuve de remplacement : le droit continental choisit l'aveu, et institue la torture pour y parvenir ; le droit anglais imagine le recrutement de douze personnes dans le voisinage du lieu du mfait. Les jurs enqutent, puis rendent un verdict souverain sans le motiver. La vox populi remplace ainsi la vox dei. Cependant, cette substitution n'est qu'apparente : outre leur nombre de douze, rfrence implicite aux Aptres, les jurs sont censs tre inspirs par Dieu, ce qui conduit des solutions imprvisibles137.C'est pourquoi, ds 1500, le jury n'a plus de pouvoirs d'investigation, et la common law rgit les rgles de preuve. En France, l'esprit de la Rvolution conduit supprimer la torture, et institue le jury populaire comme en Angleterre. Pour les rvolutionnaires, le jury reprsente le peuple : tant indivisible, ce dernier n'a donc aucun compte se rendre lui-mme. En consquence, le jury peut statuer en toute souverainet. Dsormais, le jury est prsent comme une institution rpublicaine, laquelle, outre sa lgitimit historique, certains auteurs reconnaissent une lgitimit civique138. Cette conception semble cependant dpasse139, voire errone. En effet, le jury n'est pas une expression de la souverainet populaire : celle-ci s'entend aujourd'hui comme la rsultante d'un processus lectoral140. Or, les jurs ne sont pas les lus du peuple. Leurs noms sont tirs au sort sur une liste lectorale141, mode de nomination qui ne confre aucune reprsentativit142. En consquence, ne reprsentant pas le peuple, les jurs peuvent tre tenus de lui rendre compte de leur verdict.En tout tat de cause, la composition de la cour dassises reste particulire. La cour est compose de trois magistrats, le prsident et deux assesseurs, et du jury. Cest le premier prsident de la Cour dappel qui nomme les magistrats, le prsident de la cour dAssises tant obligatoirement un conseiller de la Cour dappel. Cest souvent le mme prsident qui sige. Il choisit ses assesseurs, conseillers la Cour, ou magistrats du TGI si la cour dAssises sige au TGI, ce qui est rare. Quant au jury, il comprend 9 jurs, en premire instance, et 12 en appel. Les dcisions dfavorables doivent tre prises une majorit qualifie de 8 voix (10 en appel). On note ainsi que la minorit de faveur ncessite une majorit de voix des jurs: si les magistrats votent tous trois dans le mme sens, ce sont les jurs qui fondent la dcision, puisquil en faut cinq sur neuf pour emporter la mme dcision que les magistrats. Pour tre jur, il faut tre de nationalit franaise, savoir lire et crire, et avoir 23 ans minimum. Ces conditions sont toutefois parfois insuffisantes: sont en effet exclus les incapables majeurs, les condamns plus de six mois pour crime ou dlit, ou certaines sanctions civiles ou disciplinaires. En outre, sont exclus les politiques, les personnes exerant des fonctions judiciaires ou administratives leves, et les personnes ayant un rapport direct avec laffaire (policier ayant enqut, parents de la victime, la victime elle-mme). Cela vise une fois de plus garantir limpartialit du tribunal.Le recrutement se fait partir des listes lectorales. Chaque maire tire au sort un nombre de jurs potentiels en fonction dun nombre fix par arrt prfectoral selon limportance des communes. Il envoie sa liste, complte par la profession des personnes choisies, au sige de la cour dAssises. A partir des listes communales est tablie une liste annuelle du jury par une commission locale de magistrats, avocats, lus locaux. Une liste complmentaire est galement tablie. Elles sont envoyes aux maires. 30 jours avant louverture de la session dassises, le premier prsident de la cour dappel (PPCA) ou le prsident du TGI tire au sort le nom de 40 jurs titulaires et de 12 supplants. Lors de la premire audience, le prsident des assises tire au sort 9 jurs parmi les titulaires et quelques jurs supplmentaires sur la liste des supplants (296 CPP). La rcusation est possible au fur et mesure du tirage: 4 jurs pour le parquet, 5 pour la dfense (5 et 6 en appel). Les jurs absents taient sanctionns par de lgres amendes (15 euros pour la premire, 30 et 75 pour les suivantes), mais la loi Perben II a port le montant de lamende 3750! Le fonctionnement de la cour dAssises est simple: les juges et les jurs statuent sur la culpabilit et sur la peine. Cest donc diffrent du droit anglo-saxon, o les 12 jurs statuent sur la culpabilit, et o le juge statue sur la peine.e- Les juridictions dexcutionLexcution de la peine doit tre individualise. Cest pourquoi, lentement, depuis 1958, le droit a confi le suivi de la peine un magistrat, le juge de lapplication des peines (JAP). Au dbut, il prenait surtout des mesures dadministration judiciaire, donc pas de dcision juridictionnelles. Une importante juridictionnalisation a eu lieu avec la loi du 15 juin 2000, qui a institu la juridiction rgionale de libration conditionnelle, manation de la cour dappel. Puis la juridictionnalisation a t termine avec la loi du 9 mars 2004 (Perben II), qui a maintenu le JAP, et introduit un tribunal de lapplication des peines (TAP), qui se substitue la juridiction rgionale de libration conditionnelle, et qui est comptent pour les dcisions concernant les longues peines. f- La juridiction rgionale de la rtention de sretDepuis la loi du 25 fvrier 2008, une mesure de sret peut tre dcide par la juridiction rgionale de la rtention de sret , si cette mesure a t prvue par la cour dAssises (Art. 706-53-13 CPP) et pour des crimes prcis (Art. 706-53 CPP: meurtre, assassinat, viol, squestration et enlvement de mineur;(majeur) assassinat, et crimes prcits contre un majeur sils saccompagnent de circonstances aggravantes), si la peine prononce est au moins gale 15 ans de rclusion criminelle (Art. 706-53-13 CPP), et, enfin si la rtention de sret a t recommande par