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1 FILO 2600 Questions approfondies d’épistémologie des Sciences humaines Automne 2005 Professeurs : Marc Maesschalck Tom Dedeurwaerdere [email protected] [email protected] Notes de cours Résumé La théorie de la gouvernance Les sciences humaines sont de plus en plus confrontées à des questions de gouvernance et d'intérêt public que leurs outils méthodologiques ne sont pas toujours préparés à rencontrer. L'objectif du cours consistera à établir une carte des évolutions majeures de la théorie de la gouvernance aujourd'hui et à proposer en conséquence des outils méthodologiques adaptés, de manière à mieux articuler les exigences épistémologiques d'une « gouvernance réflexive » de l'intérêt public.

Cours Épist.sc. Humaines

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Épist.sc. Humaines

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    FILO 2600 Questions approfondies dpistmologie des Sciences humaines

    Automne 2005 Professeurs : Marc Maesschalck Tom Dedeurwaerdere [email protected] [email protected]

    Notes de cours Rsum La thorie de la gouvernance Les sciences humaines sont de plus en plus confrontes des questions de gouvernance et d'intrt public que leurs outils mthodologiques ne sont pas toujours prpars rencontrer. L'objectif du cours consistera tablir une carte des volutions majeures de la thorie de la gouvernance aujourd'hui et proposer en consquence des outils mthodologiques adapts, de manire mieux articuler les exigences pistmologiques d'une gouvernance rflexive de l'intrt public.

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    Introduction Notre pistmologie des sciences humaines a hrit dune rupture historique survenue lpoque o lorganisation des sciences fut rforme afin de donner leur espace aux sciences de la nature et abandonner du mme coup lorganisation du savoir conue au XIIe sicle. De cette coupure, souvent impute Dilthey, mais se met en place dans les plans de rforme des universits allemandes quelque 70 annes plus tt, notre pistmologie a retenu une dmarche essentiellement lie la matrise dun territoire constitu par des objets spcifiques et des procdures de traitement adaptes et unifies sous une mme cohrence mthodologique. Cette pistmologie soucieuse la fois des critres de vrit et des justifications internes de ces critres a gnralement conu les problmes de limites comme des questions de frontires et de relations interchamps. On pourrait la caractriser comme une pistmologie restrictive, ad intra et descriptive.

    Le choix historique pour une telle approche se comprend lorsquelle est resitue dans le contexte dmergence des sciences en gnral et des science humaines en particulier pour inscrire concrtement leur autonomie et leur productivit sociale dans les structures dorganisation du savoir. Nanmoins, cet aspect contingent est incorporer dans les mthodes dauto-institutionalisation qui dominent lhistoire de lorganisation des savoirs au XXe sicle. La rationalit techno-scientifique est reconnue progressivement comme le ciment de lintgration des formes de vie sociale et forme une nouvelle culture commune, en lieu et place du rle tenu par les religions, puis par les identits politiques, dans les histoires occidentales. Il faudra attendre la crise du dveloppement des socits industrielles et la mise en place de la nouvelle conomie mondiale intgre par les rseaux dinformation pour que cette situation de confiance soit remise en question par des formes de rationalit renvoyant des attentes ad extra : la qualit de vie, le risque pour les usagers, la gestion du danger, etc. Cette nouvelle situation ne semble plus pouvoir tre rsolue par une simple relation du type : conception/justification application ; ou du comment faire bon usage des recommandations claires des dtenteurs du savoir-vridique ? . Lexigence dun engagement lgard dun monde commun ne se satisfait dun rle de recommandation et de conseil des dcideurs, accompagn dindicateurs dincertitude. Limplication de la dmarche rationnelle devrait incorporer cette fois une nouvelle contrainte du dveloppement social, qui va au-del de la contrainte thique exigeant une ouverture prudentielle vis--vis des rsultats et des recommandations soumises aux dcideurs. Il sagit dune nouvelle construction du rapport pistmologique la dmarche rationnelle : celle-ci devrait parvenir une forme de dcompltion ou de dtolisation de ses oprations pour slaborer de manire extensive, ad extra et normative.

    Sciences de la nature Sciences humaines

    Un geste thorique

    ? Ad intra Restrictive Descriptive

    Ad intra Restrictive Descriptive

    ad extra extensive normative

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    Cest cet enjeu pour les sciences humaines que nous allons tenter de cerner travers une analyse de lmergence du concept de gouvernance du point de vue pistmologique dans ses consquences pour les sciences humaines.

    1. Pourquoi la thorie de la gouvernance?1. Pourquoi la thorie de la gouvernance?

    Milieu des annes 90Milieu des annes 90La La notionnotion de Gouvernance de Gouvernance

    = = diffrents moyens par lesquels diffrents moyens par lesquels

    les individus et les les individus et les institutions, publiques et institutions, publiques et prives, grent leurs affaires prives, grent leurs affaires communescommunes

    L LEtatEtat minimal, la minimal, la gouvernance dentreprise, la gouvernance dentreprise, la nouvelle gestion publique, la nouvelle gestion publique, la bonne gouvernance, les bonne gouvernance, les systmes systmes sociosocio--ciberntiquesciberntiqueset les rseaux auto et les rseaux auto organissorganiss

    Livre blanc de 2001Livre blanc de 2001Un tournant normatifUn tournant normatif

    Gouvernance = Gouvernance = les rgles, les processus et les les rgles, les processus et les

    comportements qui influent comportements qui influent sur l'exercice des pouvoirs sur l'exercice des pouvoirs

    (Concept)(Concept) Plus dmocratique signifie Plus dmocratique signifie

    engagement et participation engagement et participation de tous les concerns, tous de tous les concerns, tous les niveaux de pouvoir. les niveaux de pouvoir.

    Cf. articles 47, 50 et 52 du Cf. articles 47, 50 et 52 du projet de Constitution, Partie projet de Constitution, Partie I:I:organisation dun dialogue organisation dun dialogue ouvert, transparent et rgulier ouvert, transparent et rgulier avec les associations avec les associations reprsentatives et la socit reprsentatives et la socit civilecivile

    1. Pourquoi la thorie de la gouvernance?1. Pourquoi la thorie de la gouvernance?

    Un concept de gouvernanceUn concept de gouvernancecomme processus daction comme processus daction collectivecollective--cooprativecooprative

    Cf. rapport Madelin:Cf. rapport Madelin:l'tablissement et le fonctionnement d' l'tablissement et le fonctionnement d'

    "institutions" (comprises non pas tant comme des "institutions" (comprises non pas tant comme des "organisations", mais plutt comme des ""organisations", mais plutt comme des "rgles rgles du jeudu jeu"), "),

    qui dfinissent les diffrents qui dfinissent les diffrents acteursacteurs et leurs et leurs prrogatives aussi bien dans la prrogatives aussi bien dans la cooprationcoopration en en faveur des faveur des objectifs de la collectivitobjectifs de la collectivit que dans la que dans la rsolution des conflitsrsolution des conflits susceptibles de se susceptibles de se produire. produire.

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    Introduction : Rappel historique1

    Ds la fin du XIe sicle, on observe un mouvement de scularisation progressive de la pdagogie (Ecoles de Tournai, Laon, Chartres, Cantorbry, Tolde [contact avec le monde judo-chrtien], Bologne [fondation du droit moderne], Salerne [mdecine], Paris [cf. Ablard, Guillaume de Champeaux]).

    Ce mouvement aboutit la fondation des universits caractrise par lmergence de nouvelles classes sociales (matres-lves indpendants de tout rapport ecclsiastique) ncessitant une rvision des statuts juridiques. Celle-ci se concrtise travers deux actes juridiques importants :

    1209 : bulle dInnocent III liant, sous le terme de Communio ou Universitas, les matres entre eux.

    1215 : dit du cardinal lgat Robert de Couron, reconnaissant la pleine autonomie des universits et dfinissant les programmes de cours, les examens, obligations et privilges des professeurs.

    Lenseignement sorganise alors progressivement en deux niveaux principaux :

    Les Facults des Arts (ou Facults infrieures ) : En labsence denseignement secondaire, les tudiants ne disposaient pas de formation gnrale avant leur inscription dans une des 3 principales disciplines universitaires (thologie, mdecine, droit). Luniversit dcide donc de pallier elle-mme ce manque en dispensant aux plus jeunes de leurs lves les arts libraux (7) : dialectique, grammaire, rhtorique ; arithmtique, astronomie, gomtrie, musique).

    Les Facults suprieures : La mdecine est pratique Salerne ds le XI sicle Salerne, mais ce nest quen se rpandant en Espagne puis Montpellier au XII sicle quelle dveloppe comme une des disciplines matresses de luniversit. La thologie trouve trs vite sa place Paris, ds le XIII sicle (cf. Thomas dAquin). Quant au droit, il est interdit jusquau XVII Paris (par volont du Pape), et sinstalle donc Bologne ds le XII sicle (cf. le moine Gratien qui vers 1140 rdige son Concordantia discordantium, qui prfigure comme le point de dpart du droit canon).

    On assiste la Renaissance (XVe-XVIe) une premire autonomisation des sciences de la nature, plus prcisment de la cosmologie qui restait jusqualors lapanage des systmes thologiques pour garantir linterprtation crationniste du monde.

    A lpoque moderne, entre le XVI et le XVIII, cest un systme mcaniste de plus en plus laque qui simpose (cf. le projet de lEncyclopdie avec dAlembert, Diderot, etc.), fond sur la mthode physico-mathmatique. Cette mthode est la cl de lindpendance intellectuelle des sciences modernes, comme la bien compris Descartes (la fameuse mathesis universalis).

    Avec la dcouverte de llectricit, un nouveau champ empirique apparat ds la seconde moiti du XVIII sicle. Prsente dans de nombreux phnomnes naturels, le caractre spectaculaire des expriences qui la concerne enrichit le domaine scientifique dun imaginaire fascinant.

    1 Source : www.marcmaesschalck.be, Mtaphysique et sciences humaines, lauto-puisement du paradigme logocentrique , cours UCL-isp, 2003. Accessible en intgralit dans lespace tudiant.

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    En Allemagne, la Naturphilosophie va rapidement synthtiser cette dcouverte avec celle du magntisme, comprise comme force latente de la nature. Outre lapport de ces dcouvertes pour lavance de la science en tant que telle, certaines disciplines, directement ou indirectement lies aux phnomnes observs, vont voir ainsi le jour (ex. : la psychiatrie). Elle suscitera demble lintrt dun jeune mouvement littraire, le Frhromantismus de Iena, connu pour sa revue phmre lAthenum et la revue de Schelling le Zeitschrift fr spekulative Physik.

    La Naturphilosophie critique le dcoupage du domaine pistmologique en provinces exclusives les unes des autres. Un nouveau langage est trouver dans le but dune recherche de vrit unitive. Le statut mme de la science moderne est mis en question dans sa tche de division, de scission. Cest de cette inspiration que Schelling ressent le besoin de fonder un nouvel espace pdagogique unifi (cf. ses Leons sur la mthode des tudes acadmiques-1802), cest--dire o toutes les perspectives convergent. Schelling vise pour ce faire la constitution dune science originaire (la philosophie) dont la doctrine embrasserait lAbsolu que son systme universel pourrait reprsenter.

    Comme en tmoigne le doctorat Honoris Causa en Mdecine reu par Schelling luniversit de Landshut en 1802, la transformation des sciences de la nature na pas encore entran une vritable rforme de lorganisation sociale du savoir. Le systme politique a, en effet, pris soin de sparer les Acadmies savantes des structures denseignement (secondaire et suprieure, telles le gymnase et luniversit).

    Cest dans cet esprit de sparation quil faut interprter le clbre texte de Kant sur les Lumires. Le dbat intellectuel doit tre rserv aux cercles savants. Sil faut envisager une division du savoir, cest exclusivement sur la base des finalits et des aptitudes : donner la formation pratique utile aux diffrentes professions caractre technique (conomie et finances, commerce, arme, eaux et forts, agriculture, ponts et chausses, arts) et construire les fondations dtudes suprieures plus pousses ncessitant une ouverture la culture gnrale pour les professions savantes : thologie, droit, mdecine et enseignement. Ces fondations doivent rsider dans lapprentissage des langues et des civilisations anciennes. En avance sur son poque, la Bavire fonde ds 1807 des lyces pratiques et des lyces humanistes (Gymnasium) Augsburg, puis Nuremberg. Hegel crivit un rapport officiel sur ces structures denseignement ds 1810.

    Il faut attendre cette mme anne 1810 pour voir se concrtiser un projet denseignement universitaire qui va dans le sens de lespace unifi conu par Schelling, toujours nanmoins sur le modle des Facults suprieures. Cest, en effet, dans cette mouvance quest cre en 1810 luniversit de Berlin qui devient un carrefour pistmologique, foyer des convergences interdisciplinaires o le chercheur se dcouvre sujet et objet de sa recherche. Plan de Schelling propos dans ses Leons sur les tudes acadmiques en 1802 (Ina)

    Principe : luniversit est fonde sur la connexion de toutes les sciences entre elles et elle en est lorganisation extrieure (SW V, p. 74) Base : Philosophie comme science de lidentit absolue du gnral et du particulier (SW V 255)

    = caractre unique du Collegium Artium dont les matres ne sont pas des doctores qui ont prts serment lEtat en change de privilges

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    PHILOSOPHIE

    HISTOIRE SCIENCES DE LA NATURE

    Ct idel Ct rel (devenir spirituel (devenir matriel du sujet fini) du savoir infini)

    production des lois production de lexprimentation INSTITUTION JURIDIQUE INSTITUTION MEDICALE

    Construction historique du christianisme Signification spculative du christianisme (religion de la nature)

    Il faut une science gnrale des corps dans leur construction historique (procs dynamique universel) et une science gnrale de la nature organique ou du vivant

    1/ magntisme, lectricit, chimie 2/ reproduction, action autonome, auto-intuition

    (ltre organique contient la possibilit infinie de soi-mme comme individu ou comme espce) SW V 339

    Ncessit dune thorie des Beaux-Arts

    Le Plan dductif de Fichte pour un tablissement denseignement suprieur Berlin

    (Texte de 1807)

    Pour Fichte, luniversit est une cole de lusage scientifique de lentendement (FW VIII 130). Lexigence fondamentale dun plan [dorganisation du savoir ] est dabord la complmentarit et la totalit organique de lencyclopdie (FW VIII 133). Ensuite, il faut aussi que lenseignement des sciences sinscrive dans la destination de la science, i.e. dans une fonction sociale du savant.

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    Le plan dorganisation doit ds lors garantir un enseignement autonome approfondi des sciences de la nature. Lquipe enseignante sera donc compose dun encyclopdiste de la philosophie, dun encyclopdiste de lHistoire gnrale et dun encyclopdiste des sciences de la nature. Mais on leur adjoindra un encyclopdiste du droit. Des comits seraient nommer pour grer les complments en philologie et en mathmatique, pour dterminer le choix des matires juridiques et celui de lenseignant, pour instituer un enseignement autonome de la mdecine capable de continuer informer luniversit de ses observations. Eventuellement, la thologie dans sa forme catchtique pourrait tre aussi confie un institut autonome ayant pour mission de former en cette matire les instituteurs (FW VIII 140). Ce serait la tache dun quatrime comit indpendant constitu de thologiens et de pasteurs qualifis.

    PHILOSOPHIE

    + techniques de la comprhension et du raisonnement

    [Philologie] [Mathmatique]

    HISTOIRE

    de la formation et du dveloppement des concepts

    Fugitifs durables volution selon connaissances stables les poques (Sciences de la nature) Droit Histoire gnrale Anatomie application (dont histoire des botanique mdicale religions) etc. (institut autonome) (concept thrapeutique positif de nature) Avec le romantisme militant et lidalisme allemand qui symbolisent la nouvelle puissance europenne de la Prusse du Congrs de Vienne, luniversit moderne trouve ses fondateurs. On voit sorganiser dans un souci dunit et dencyclopdie deux grands champs disciplinaires encore arrims aux Arts suprieurs hrits du Moyen Age. Ces champs sont lHistoire et les Sciences de la nature.

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    Cest Dilthey qui permet de penser la ncessaire dissociation des sciences humaines et des sciences de la culture. Son raisonnement sappuie dabord sur un constat qui adopte la perspective historique gnrale de la rforme moderne de lorganisation du savoir : si lhistoire des sciences de la nature sest dj clairement tablie en 1875, on ne peut en dire autant de lhistoire des sciences humaines. Cet tat de chose tient deux raisons : lune est externe et lautre est interne. La raison externe rside dans la subordination de ltude des phnomnes spirituels la connaissance de la nature. La raison interne est la difficult pistmologique spcifique ltude de lhistoire des mouvements spirituels : lindividu est llment microscopique dune totalit qui le dpasse infiniment, mais dans laquelle, en mme temps, il est capable dagir avec conscience en reproduisant, de manire limite, par sa perception interne, les tats et processus qui composent les divers aspects de la vie sociale. Chaque science humaine se forme progressivement travers lapparition dabord dentendements logiquement forms qui tentent damliorer le systme de la vie sociale. Puis apparaissent des rflexions thoriques autonomes (par rapport aux fins pratiques) mene dans un esprit danalyse. Cette analyse gnrale doit stablir sur un mode historiographique et rassembler toutes les classes de faits susceptibles dtre rapportes au dnominateur commun de la langue et de la pratique, les faits psychophysiques. Mais cette analyse na de sens que situe historiquement, comme une tache devenue ncessaire dans le cours mme du dveloppement de la socit humaine, puisque les sciences humaines nont de sens quen rapport avec ce fait vivant de lexistence sociale travers la description quelles en donnent.

    Dans ce contexte, cest la psychologie qui est la premire obtenir son indpendance.

    Wilhem Wundt est le premier a avoir fait exister la psychologie en tant que discipline autonome par la cration en 1879 de son laboratoire de psychologie ( Institut de psychologie exprimentale ), o il reoit de nombreux tudiants du monde entier (cf. Elments de psychologie physiologique 1873-74).

    Mais Wundt tait dabord un philosophe. Il occupera la chaire de philosophie Leipzig

    de 1875 1917. Ce quil dsirait par dessus tout, ctait dailleurs fonder un Systme de philosophie (1889). Nanmoins, il tenait dterminer pour la psychologie une place distincte lintrieur de son systme des sciences. Il voulait donc, dans un mme mouvement, autonomiser la psychologie de la philosophie, tout en lui refusant de rompre tous ses liens avec cette dernire.

    Son laboratoire est dabord une trs petite unit qui devra attendre 1885 pour tre

    reconnue par luniversit, et 1897 pour occuper tout un btiment. Sa spcificit est que pour la premire fois les recherches ne sont pas menes par des chercheurs de faon isole, mais collectivement (avec la participation des tudiants).

    En sociologie, limpulsion dcisive sera donne, lapproche du XX sicle, par Emile

    Durkheim et Max Weber. Avec des mthodes thoriques dissemblables, tous deux lgitiment une dmarche scientifique selon laquelle les phnomnes sociaux doivent tre apprhends de manire objective et spcifique.

    Pour Emile Durkheim, la sociologie doit tre considre comme une science part entire dote de son propre objet dtude : ce sera le fait social, dfini comme une manire dagir, de penser ou de sentir, extrieure lindividu et qui simpose lui. En outre, la

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    sociologie doit rompre avec les catgories de la pense habituelles et spontanes quil appelle les prnotions. Le sociologue doit sinterdire de reprendre ces interprtations son compte : sa mthode danalyse doit consister traiter les faits sociaux comme des choses , cest--dire les tudier comme des phnomnes extrieurs lindividu (cf. Le suicide-1897). Durkheim ambitionne aussi de dgager des lois gnrales de dveloppement des socits (cf. De la division du travail social-1893). En adoptant une perspective volutionniste, il aboutit la conclusion que la socit passe dun tat de solidarit mcanique , forte conscience collective, un tat de solidarit organique , o la cohsion sociale repose sur le progrs de la division du travail, sur la spcialisation de plus en plus forte des fonctions et sur la complmentarit des rles qui caractrisent la socit moderne.

    Max Weber, quant lui, privilgie la comprhension des actions et motivations individuelles, celles qui sont connues des individus eux-mmes et celles qui sont rvles par le sociologue. Les individus sont considrs comme des tres rationnels qui dfendent leurs intrts (cf. LEthique protestante et lesprit du capitalisme-1904). Lindividu est lunit de base qui participe la vie sociale en alignant ses comportements sur celui des autres. Pour Weber, la sociologie doit donc considrer la socit comme la conjugaison des actions individuelles et doit inclure la part de subjectivit des acteurs dans lanalyse des phnomnes. Cest une sociologie comprhensive dans la mesure o cette science doit dcouvrir les valeurs que les individus investissent dans leurs actions.

    En France, la fin du XIX et au dbut du XX sicle, le dbat entre lhistoire et la sociologie a pris une tournure plus dramatique et durable quen Allemagne ou en Italie, en raison sans doute de la personnalit des acteurs et de la position institutionnelle des disciplines.

    Les historiens de lcole mthodique occupent dans la France de la Troisime Rpublique une position privilgie : ils accaparent les chaires les plus prestigieuses, exercent une influence dans les commissions ministrielles, dans les maisons ddition, font lapologie du rgime rpublicain. Ils sont dautant plus dans cette position dominante que, tout au long du XIX sicle, lEtat a favoris lhistoire par la fondation dinstitutions (le Comit des Travaux historiques en 1834, la Commission des monuments historiques en 1837, lEcole franaise dAthnes en 1846, lEcole franaise de Rome en 1873, etc.), par la cration de postes dhistoriens fonctionnaires, par des aides financires la publication. Les historiens de lcole mthodique utilisent pleinement lEtat providence qui se fait lui-mme historien.

    Face la position institutionnelle et intellectuelle de lhistoire, la sociologie naissante doit saffirmer. Emile Durkheim, nomm la facult des Lettres de Bordeaux, en 1887, russit imposer progressivement la sociologie au sein de luniversit, au prix daffrontements avec ses rivaux des autres sciences sociales. En effet, le dbat entre les durkheimiens et les historiens de lcole mthodique prend un caractre stratgique puisque chaque camp revendiquait une position hgmonique dans le champ des sciences sociales, la controverse ne se rduisant pas une simple question de frontires mais plutt au droit lexistence des deux disciplines au sein de luniversit. Au plan institutionnel, le dbat annonce la priode de crise de lhistoriographie franaise de lentre-deux-guerre et la volont politique de rquilibrage des sciences de lhomme et de la socit dans des structures nouvelles de recherche extra-universitaire. Cest ainsi que lhistoire et les autres sciences

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    sociales seront accueillies dans la IV section de la Caisse des Recherches scientifiques cre en 1921 et qui, en fusionnant en 1935 avec la Caisse Nationale des Sciences, donnera naissance, en 1938, la Caisse nationale de la recherche scientifique, anctre du CNRS.

    Si cet aspect stratgique est patent, cest au plan mthodique que la controverse mobilisa les nergies des protagonistes au point de devenir un affrontement de deux disciplines. Aux historiens mthodologues qui se fixent comme objectif de faire une histoire scientifique par ltablissement de faits isols et pars , rvls par des traces indirectes, les durkheimiens opposent la ncessit de la rgularit pour tudier les phnomnes sociaux : si les sciences sintressent au particulier, cest pour slever au gnral, pour constituer des types et des lois . Le dbat qui sinstaure sur la nature scientifique des disciplines drive rapidement sur la mthode et la dfinition de lexplication en histoire. Les durkheimiens critiquent la conception historienne en arguant de limpossibilit dtablir des causes des phnomnes uniques et contingents. Les historiens en retour reprochent aux sociologues de manier des abstractions et disoler de leur contexte historique les phnomnes quils se proposent dtudier.

    Ce genre de dbat traverse toute lhistoire de lpistmologie hrite de la fracture instituante de 1810. Elle renvoie lopposition fichtenne entre les concepts stables et les concepts fugitifs. Elle se traduit constamment par deux options : celle de rattacher les sciences humaines au modle dominant des sciences de la nature (naturalisation) ou celle de garantir lautonomie de ce territoire (dnaturalisation) en posant la question de la rflexivit inhrente cette dmarche de connaissance. La csure expliquer/comprendre est btie sur ce modle. Mais cette coupure peut aussi conduire dautres entreprises de runification : soit par une forme dirralisme intentionnel commun toute dmarche scientifique ; soit par une sociologie de la connaissance englobant aussi la dmarche des sciences de la nature. Le point commun de ces entreprises de runification est de rester dans loptique de base dune pistmologie scientifique ncessairement restrictive, ad intra et descriptive.

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    1. Sur le concept de gouvernance2

    1.1. Gnalogie du concept : larbre de la gouvernance Exemples de thorie de la gouvernance travers lhistoire : Texte I () dans la notion de gouvernementalit, je vise lensemble des pratiques par lesquelles on peut constituer, dfinir, organiser, instrumentaliser les stratgies que les individus, dans leur libert, peuvent avoir les uns lgard des autres. Ce sont des individus libres qui essaient de contrler, de dterminer, de dlimiter la libert des autres et, pour ce faire, ils disposent de certains instruments pour gouverner les autres (Dits et crits IV, p. 728). Texte II la gouvernance, cest une relation de pouvoir ; le gouvernement, cest lexercice oprationnel de ce pouvoir ; la gouvernabilit, cest la mesure de ce pouvoir sur les systmes concerns (Cannac/Godet, p.43). Texte III Quatre mcanismes rendent possibles la gouvernance : lautorit gouvernante peut prendre une dcision politique qui sappliquera lintrieur de sa juridiction, en incorporant cette dcision dans des lois et en imposant des sanctions tous ceux qui ne sy conforment pas (Hans Klein, p. 97). Texte IV Le concept de gouvernance , la diffrence de celui de gouvernement renvoie () : la totalit des diffrents moyens par lesquels les individus et les institutions, publiques et prives, grent leurs affaires communes. Il vise aussi bien des institutions et des rgimes officiels dots de comptences dexcution, que des arrangements amiables que les citoyens et les institutions estiment, dun commun accord ou intuitivement, vouloir passer (Faucheux et OConnor, p. 34). Texte V La philosophie de la gouvernance sintresse aux diffrents types dauto-organisation dont se dotent les acteurs humains pour mener leurs activits afin de mettre profit ces diffrentes

    2 Source : Marc Maesschalck, Questions spciales dthique applique II, La gouvernance , Sminaire du programme dthique applique (ETH-66874), Universit de Laval (Qubec), Hiver 2005.

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    comptences dans la recherche de solution des problmes communs (traversant plusieurs champs dactivit : comme le tunnel du Mont Blanc ou les OGM). Do, proposition de synthse sous la forme dun arbre de la gouvernance :

    Larbre de la thorie de la gouvernance

    Gouvernementalit

    gouvernance dentreprise

    gouvernance locale gouvernance publique

    ETAT-NATION

    gouvernance globale

    Origine : la gouvernementalit cest--dire au XVIe sicle la gestion raisonnable du bon pre de famille Passage la science conomique : la gouvernance dentreprise comme la science du management rationnel. De manire plus spcifique, le principe de base sur lequel devrait reposer ce management est la satisfaction des actionnaires par les gestionnaires (la Corporate Governance)3 largissement du secteur priv au secteur public :

    a) la gouvernance au niveau local : les ressources communes b) la gouvernance au niveau de ladministration publique (partenariat avec les

    citoyens : mieux gouverner le gouvernement , lisibilit, transparence, intrts minoritaires, conflits dintrt, contrles de qualit4)

    Lapplication du concept la recherche dune nouvelle forme de dcision politique pour faire face aux nouveaux risques engendrs par la mondialisation conomique et le sur-dveloppement industriel : la gouvernance globale comme recours des rgimes normatifs transnationaux (une manire plus active denvisager les rgulations internationales).

    3 Cette doctrine a pris plus dimportance avec lapparition des investisseurs institutionnels. 4 Cf. Cannac et Godet, p. 46.

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    1.2. Les usages rcents en sciences politiques

    Dfinition de la rgulation On emploie le terme de rgulation pour dcrire lensemble des oprations consistant concevoir des rgles, en superviser lapplication, ainsi que donner des instructions aux intervenants et rgler les conflits entre eux lorsque le systme de rgle est incomplet ou imprcis (Brousseau, p. 2)

    Comme concept de gouvernance , nous retiendrons celui propos par Faucheux et OConnor (p. 345) parce quil a le mrite de relier les acteurs et les institutions dans des procdures coopratives de production de rgles communes. La gouvernance est donc : ou encore, selon Renate Mayntz6,

    1.3. Enjeux dune thorie de la gouvernance

    1.3.1. Deux lectures de la gouvernance comme question politique (Consquences de larbre de la gouvernance)

    I. Si lon continue lier gouvernance et souverainet dans une conception hirarchique du pouvoir de coordination, on cherche le souverain de la gouvernance globale. On obtient de la sorte une reprsentation de lordre politique contemporain exclusivement formule travers une variable indpendante du systme mondial : la chute du mur de Berlin et les Etats-Unis devenus seule puissance mondiale.

    5 Faucheux S., OConnor M., Technosphre vs cosphre. Choix technologiques et menaces environnementales : signaux faibles, controverses et dcisions , in Futuribles, n251, mars 2000, pp. 29-59. 6 Mayntz R. (2002), Common Goods and Governance, in A. Heritier (ed.), Common Goods: Reinventing European and International Governance, Rowman and Littlefield Publishing, Lanham/New York/Oxford, 2002

    la totalit des diffrents moyens par lesquels les individus et les institutions, publiques et prives, grent leurs affaires communes. Il vise aussi bien des institutions et des rgimes officiels dots de comptences dexcution, que des arrangements amiables que les citoyens et les institutions estiment, dun commun accord ou intuitivement, vouloir passer

    "governance is the type of regulation typical of the cooperative state, where state and non-state actors participate in mixed public/private policy networks" (Mayntz 2002, 21).

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    Exemple : Dans ce premier sens, des auteurs suivent louvrage de Robert Dahl (La dmocratie et ses critiques, 1989) pour rappeler que tout mcanisme de gouvernance doit au moins satisfaire quatre conditions : lautorit (unit de dcision identifiable), la loi (produire une rgle qui engage comme une taxe), la sanction (qui dfinit les consquences du non respect de la loi) et la juridiction (lespace dans lequel la loi est dapplication sous peine de sanctions). Ces quatre mcanismes rendent possibles la gouvernance : lautorit gouvernante peut prendre une dcision politique qui sappliquera lintrieur de sa juridiction, en incorporant cette dcision dans des lois et en imposant des sanctions tous ceux qui ne sy conforment pas (Hans Klein, p. 97). Plus simplement encore : la gouvernance, cest une relation de pouvoir ; le gouvernement, cest lexercice oprationnel de ce pouvoir ; la gouvernabilit, cest la mesure de ce pouvoir sur les systmes concerns (Cannac/Godet, p.43)

    II. Par contre, si lon se rend compte quun certains nombre de problme engendrs par lintensification des rapports conomiques mondiaux et au modle industriel qui les dirigent chappent la simple volont autocratique dun pouvoir imprial, mais exige des formes de cooprations multilatrales pour trouver des solutions, avec en plus limplication dacteurs publics et dacteurs privs de niveaux sociaux diffrents, on tient compte dune variable dpendante de lvolution du systme mondial et on sinterroge sur la nouvelle forme de coordination politique qui serait susceptible de fonctionner, tant entendu en plus que celle-ci ne saurait tre purement hirarchique vu la forme prise par les rgimes internationaux depuis leur existence. Lide de gouvernement mondial na donc pas de sens moins dinventer une nouvelle forme de gouvernance. Pour nombre dexperts, celle-ci devrait au moins tre dlibrative et rflexive. Elle ne pourrait se mettre en place sans une rforme des modes de coopration sociale engageant la reprsentation de la responsabilit des diffrentes composantes de la socit.

    Exemple :

    Le concept de gouvernance , la diffrence de celui de gouvernement renvoie () : la totalit des diffrents moyens par lesquels les individus et les institutions, publiques et prives, grent leurs affaires communes. Il vise aussi bien des institutions et des rgimes officiels dots de comptences dexcution, que des arrangements amiables que les citoyens et les institutions estiment, dun commun accord ou intuitivement, vouloir passer (Faucheux et OConnor, p. 34). Cette dfinition entrane une mise uvre procdurale des normes de gouvernement : attention la responsabilit, la lisibilit, la cohrence, lefficience et leffectivit de laction politique.

    1.3.2. Philosophie politique et thorie de la gouvernance

    Le premier modle de philosophie politique est celui de la cit. Il fonde lordre politique sur le droit naturel. La Cit est lunit territoriale qui confre une inscription dans une communaut.

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    Le deuxime modle de philosophie politique est celui du contrat social Il fonde lordre politique sur une convention passe librement entre sujets. La Cit devient alors une communaut idale entre gaux au plan juridique. On peut lire travers les deux modles une tension non rsolue entre communaut relle et communaut idale. La communaut idale peut facilement se donner une extension universelle. La communaut relle est limite, mme lintrieur delle-mme. Michel Foucault, en particulier, a tent de dsidaliser le modle traditionnel de la philosophie politique en rappelant que celle-ci fait toujours appel plus fondamentalement lexercice du pouvoir dun sujet sur un autre sujet7. Ce rappel conduit envisager encore deux formes dexercice de ce pouvoir : soit par contrle ; soit par quilibre spontan. On parlera soit de mimtisme social soit denrlement par le collectif.

    A la diffrence de la philosophie politique traditionnelle, la philosophie de la gouvernance ne sintresse pas la justification et la reproduction de lordre politique ; elle nest pas fondationnaliste . Elle sintresse plutt aux diffrents types dauto-organisation dont se dotent les acteurs humains pour mener leurs activits afin de mettre profit ces diffrentes comptences dans la recherche de solution des problmes communs (traversant plusieurs champs dactivit : comme le tunnel du Mont Blanc ou les OGM).Elle cherche donc relier des capacits dentente et des conditions institutionnelles propices favoriser le recours ces capacits.

    2. Les pratiques de la gouvernance

    2.1. Les formes dauto-rgulation Dfinition de lautorgulation Le terme dautorgulation recouvre un ensemble trs vaste darrangements, qui stend de systmes de rgulation privs sans recours des rgles juridiques jusqu des systmes de dlgation de pouvoir sous contrle de ltat. Le prfixe auto dans autorgulation nest donc pas utilis dans un sens littral, mais dsigne plutt un certain degr de contrainte collective, autre que celle manant directement du gouvernement, qui permet dengendrer la ralisation dobjectifs qui ne pourraient pas tre atteints par un comportement marchand individuel . (Carnet 91, p. 11)

    7 () dans cette notion de gouvernementalit, je vise lensemble des pratiques par lesquelles on peut constituer, dfinir, organiser, instrumentaliser les stratgies que les individus, dans leur libert, peuvent avoir les uns lgard des autres. Ce sont des individus libres qui essaient de contrler, de dterminer, de dlimiter la libert des autres et, pour ce faire, ils disposent de certains instruments pour gouverner les autres (Dits et crits IV, p. 728; cf. le texte sur la gouvernementalit, Dits et crits III, 635-657)

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    2.2. Les formes de co-rgulation

    Dfinitions de la corgulation Le dveloppement dinternet et son usage posent des questions juridiques et de socit indites, qui trouvent des rponses la fois dans la rgulation prive, par les initiatives des acteurs conomiques et sociaux et dans la rgulation publique, par les procds dmocratiques de droit commun que sont les interventions des pouvoirs lgislatif, excutif et judiciaire. Ces dynamiques de rgulation doivent entrer davantage en synergie, travers deux dimensions :

    un change permanent et fourni entre les acteurs de linternet et les autorits de la rgulation publique, de manire soulever les questions importantes, les instruire plus rapidement en tenant mieux compte de la dimension technique ainsi que de la ralit et de lvolution des usages.

    Une coopration entre les instances de la rgulation publique, qui interviennent chacune dans leur domaine de comptence, et les diffrentes formes dautorgulation des acteurs conomiques et sociaux.

    Cest cet change et cette coopration que nous dsignons comme la corgulation. La corgulation est dabord une mthode. (...) Compte tenu de la nouveaut des sujets traiter et de leur dimension internationale ainsi que de la diversit des acteurs concerns, il importe dassurer la rencontre des points de vue, quand cest possible, de faire mrir des consensus. (...) Il faut multiplier et faciliter de telles rencontres, et permettre la discussion avec lensemble des acteurs et utilisateurs de linternet. La corgulation peut galement tre stimule par la cration dun organisme charg de donner lchange une permanence et une dynamique. Un Forum des Droits sur lInternet pourrait jouer ce rle despace de rencontre entre la rgulation publique et lautorgulation, entre les attentes des acteurs conomique et celles des utilisateurs de rseau (Du droit et des liberts sur linternet, Rapport au Premier ministre, Christian Paul, 2000, p. 75).

    Une comparaison France / Australie Co-rgulation FRANCE AUSTRALIE

    co-intervention sur pied dgalit de lEtat, des entreprises et des groupes dintrt dans les procdures de rgulation La corgulation est dabord une mthode. () Proposition dun forum hybride : = dispositif dlucidation de controverses socio-techniques o sont remis en cause tant le monopole des experts (cognitif) que celui des porte-parole traditionnels (normatif).

    recevoir les plaintes des utilisateurs, tenter la conciliation des parties en litige, encourager lautorgulation par les acteurs de lInternet en les aidant dvelopper un code de bonne conduite, informer et duquer le public sur les moyens de se protger et protger les mineurs, surveiller le contenu des sites

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    Forum des Droits de lInternet : Un change permanent est fourni entre les acteurs de lInternet et les autorits de rgulation publique () Une coopration entre les instances de rgulation publique (). Cest cet change et cette coopration que nous dsignerons comme la corgulation. () La corgulation est dabord une mthode. () La corgulation peut galement tre stimule par la cration dun organisme charg de donner lchange une permanence et une dynamique . (PAUL Chr, Rapport au Premier ministre, Paris, p. 75). Usagers- Fournisseurs daccs- Experts : (financ par des deniers publics au dpart).

    LABA (Australian Broadcasting Authority) est en charge de la rgulation de lInternet en Australie, depuis la rvision de la loi audiovisuel en 1999. Sur un plan gnral, elle organise une concertation sociale entre les diffrents acteurs citoyens et industriels dans la prparation des programmes cadres pour les mdias. Sur le plan plus spcifique de la rgulation de lInternet, la loi lui donne comptence pour recevoir les plaintes des utilisateurs, tenter la conciliation des parties en litige, encourager lautorgulation par les acteurs de lInternet en les aidant dvelopper un code de bonne conduite, informer et duquer le public sur les moyens de se protger et protger les mineurs, surveiller le contenu des sites (Paul, 2000 : 147).

    2.3. Le modle mergentiste Un exemple de rgime mergentiste en bio-diversit

    2.4. Le modle volontariste Un exemple de rgime volontariste en climatologie

    3. Thorisation et lgitimation des pratiques

    3.1. Lexprimentalisme dmocratique et le polycentrisme Ce qui est critiqu cest luniformit des solutions. On dicte une loi, un rglement portant sur tout le territoire sans prendre en compte les particularits locales,... Adaptation trop lente Critique galement de la division des problmes. Plutt que les prendre dans toute leur globalit, on les aborde partir de point de vue unique, Caractristiques des problmes :

    Diversit des problmes : ils requirent des rponses adaptes aux situations locales. Mme but, mais faut appliquer moyens diffrents.

    Volatilit : les solutions locales doivent elles-mmes tre adaptes aux changements des termes du problmes.

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    LIEN = La volatilit renvoie au changement technologique trs rapide dInternet. Critique de la rgulation publique dan sa lenteur et son incapacit sadapter rapidement.

    Complexit des problmes : les problmes sont le fruit de plusieurs consquences et sont interconnects dautres problmes. Une solution requiert donc de coordonner diffrents domaines.

    Exigence de ces nouvelles formes de gouvernance : Ces modes de gouvernance ne doivent pas tre centralis , cest--dire permettant des rponses adapts la diversit, aux situation dcentres. DECENTRALISATION pas fixe et capables de sadapter la volatilit des problmes. INNOVATION SOCIALE capables de multiplier les points de vue. MULTIPLICATION POINTS DE VUE EXEMPLE : imaginer un systme dans lequel les citoyens participerait la dtermination dun service et lvaluation de celui-ci. Les objectifs du service serait dfini de manire suffisamment gnrale et floue au niveau national pour permettre au niveau local de re-dfinir le service en fonction de sa situation. EXEMPLE des nouveaux modes de gouvernance : Consider formes of school decentralisation that while shriking (rtrcir) school size and permitting parents to choose school also replace close controls by central bureaucracies with governance mechanisms in wich teachers and parents play a central role (p. 315-316) NOUVEAUX CAR ni publics ni privs . NI PUBLIC, NI PRIVE : Sabel propos de ces nouveaux arrangements : Ils ne sont pas proprement parler publics parce que, en rsolvant les problmes, ils oprent de manire autonome par rapport au lgislatif ou aux agences gouvernementales ; ils ne sont pas proprement parler privs parce quils fonctionnent davantage travers des discussion entre les citoyens que via la dtermination de droits de proprit). Proposition de Vincent Ostrom : le polycentrisme = mode de gouvernance qui encourage et soutient des formes dinnovation sociale. Pour lui sans polycentrisme, pas dinnovation sociale. Par rapport aux problmes de dpart (volatilit-diversit-complexit), polycentrisme = un plus. Par rapport Diversit (demande de rponse adapte au terrain) : pas de centralisation Par rapport Volatilit : mode dorganisation dynamique correction, adaptation. Par rapport Complexit : multiplication poly des points de vues

    Diffrence entre self-organizing et democratic self-governing Le caractre autonome des systmes polycentriques implique des capacits dauto-organisation. Les nombreux lments autonomes ou les units cherchent ordonner leurs relations avec dautres units plutt que par rfrence une autorit extrieure. Les systmes auto-organisant deviennent des systmes auto-gouvernant dmocratique quand ceux qui sont gouverns ont une libert gale et un statut gal dans la constitution dun ordre (...) Les rgles de telles associations sont ouvertes lexamen public, pour contraindre lorganisation de conspirations illgales .

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    Bnfice du systme polycentrique Grand potentiel EVOLUTIONNAIRE : dynamique, innovation, apprentissage,

    APPRENTISSAGE LOCAL dlibration DANS les ordres polycentriques APPRENTISSAGE SOCIAL dlibration ENTRE les ordres. Chacun des ordres

    peut profiter de lapprentissage des autres ordres : comparaisons des rsultats entre ordres.

    Donc libert et galit lintrieur de chaque ordre dans la socit, mais puisque il y a aussi change/dlibration ENTRE les ordres (apprentissage social) faut donc aussi ce niveau que les ordres soient libres et gaux. PAS HIRARCHIE = accs limit au prise de dcision MAIS POLYARCHIE = tous ont accs aux prises de dcision Vulnrabilit du polycentrisme Risque de capture Chaque systme polycentrique est potentiellement vulnrable dans les circonstances o certains imposent leur domination aux dpends des autres. La spontanit nest pas une condition suffisante pour lentretien de systme polycentrique. Un peuple sauto-gouvernant a besoin de comprendre quand les checs se produisent et comment rformer leurs systmes . Spontanit nest pas suffisante pour identifier ces circonstances o certains risquent de dominer les autres, dtre opportunistes, o le systme est vulnrable. Pas pour faire les rgles la place des units de lordre polycentrique, mais pour assurer que des intrts particuliers ne simposent pas. Mais un encadrement qui soutienne les capacits dauto-organisation, pas qui remplace le polycentrisme.

    3.2. Le procduralisme Question des formes dencadrement des ressources sociales dauto-rgulation

    3.2.1. Procduralisme Faible = clture intermittente Principe : rordonnancer lordre en fonction des ajustements de la coopration (en fonction des dlibrations, des expriences). Lordre est toujours temporaire. On ne va pas dun ordre vers le chaos, mais dun ordre vers un autre. Rordonnancement de lordre Le travail de Charles Sabel est une tentative dessayer, en dotant les rseaux de rgles spcifiques, de les clturer de faon intermittente pour faire apparatre les personnes ou les organisations engages la liste des contributeurs -, et faire ressortir leurs droits et leurs devoirs (...) Lorganisation imagine suppose ainsi un mode de recensement des contributeurs sous la forme de la tenue dune liste des units "adhrentes" au rseau, mme si cette liste change en fonction des moments .

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    Tension rseau ouvert cltur. Quand rseau est ouvert, on ne sait pas faire une liste des membres du rseau, des membres peuvent se rajouter, se retirer. Pour pouvoir faire une liste des contributeurs, il faudrait pouvoir fermer le rseau, ne laisser personne entrer ou sortir pour dterminer ce que chacun est tenu de faire. Mais alors est-ce quon ne sort pas du rseau ? SOLUTION = les clturer de faon intermittente , --d clos-ouvert-clos-ouvert, la manire du rordonnancement, les clturer souvent pour voir les changements. cette liste change en fonction des moments . Garder le rseau lordre polycentrique ouvert ou louvrir, le rordonnancer, le plus possible nest pas quune exigence de Dynamisme , cest aussi une faon de lutter contre les opportunistes, une faon de garantir le caractre dmocratique du systme. Il FAUT DONC CONTINUELLEMENT ouvrir le rseau, sinon risque dexclusion. Application au contexte dun service local Dfinition de direclty deliberative polyarchy (contexte dun service local) Nous appelons le systme dans lequel les citoyens de chaque locale participent directement la dtermination et lvaluation de lutilit des services que les gouvernement locaux fournissent, grce la possibilit de comparer la performance de leur juridiction la performance dautres juridictions, directly deliberative polyarchy . EXEMPLE : imaginer un systme dans lequel les objectifs des services locaux seraient dfinis de manire suffisamment gnrale et floue au niveau national pour permettre au niveau local de re-dfinir le service en fonction de la situation (de la diversit, volatilit et complexit du problme). Les citoyens le local participeraient la dtermination dun service et lvaluation de celui-ci. Direct = les citoyens nlisent pas un reprsentant mais participent directement la dfinition du service. Et valuation = DYNAMISME, le service nest pas dfini une fois pour toute, il est valu, remodel,... Polyarchie = on parle bien DES citoyens. Apprentissage, volution, ajustement,... eu niveau de la locale, mais aussi ENTRE les locales. On compare les rsultats de sa locale et les rsultats dune autre locales. fdralisme exprimentaliste Arrire-fond culturel = le fdralisme amricain. Quest-ce que le fdralisme ? = Systme avec un centre de dcision et une multitude de centres de dcisions locaux. Chacune des sphres locales a une responsabilit propre et autonomie. Dans ce systme, les problmes requrant des solutions locales sont dlgus aux centres locaux, tandis que les problmes se contentant de solutions gnrales sont abords depuis le centre. POINTS COMMUN, MAIS DIFFERENCES : le fdralisme ne requiert pas que les units locales communiquent entre elles et mettent en commun leurs informations. Ici PAS PROBLEME DUNIFORMITE mais absence dapprentissage au niveau fdral , cest--dire entre les units. Pas de possibilit que les units locales apprennent des succs et des erreurs des autres units locales.

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    Un Etat polycentrique : Mode de gouvernance polycentrique = NI PUBLIC, NI PRIVE Ils ne sont pas proprement parler publics parce que, en rsolvant les problmes, ils oprent de manire autonome par rapport au lgislatif ou aux agences gouvernementales (problme UNIFORMITE); ils ne sont pas proprement parler privs parce quils fonctionnent davantage travers des discussions entre les citoyens que via la dtermination de droits de proprit (PAS NEO-LIBERAL). Selon Sabel, le polycentrisme ne supprimerait pas les institutions traditionnelles dun Etat, les institutions publiques , mais les transformerait. Le rle de la lgislature : le polycentrisme attribue des limites la capacit de la lgislature de rsoudre toute une srie de problme, car UNIFORMIT. Nouveau rle dans le polycentrisme : autoriser et faciliter la rsolution de problmes travers des dlibration polycentrique = tre suffisamment flou et gnral dans la dtermination des politiques, pour permettre au local de dterminer le contenu des politiques, tre facilitateur de rseau,... Bien sr lorsquil est prfrable de promulger des lois/rglements dun point de vue national (quand il ny a pas trop de problmes de diversit,), le rle de la lgislature ne change pas. Le rle des agences administratives : plutt que chercher rsoudre des problmes, elle doivent faciliter lchange dinformation entre et parmi les units. Elles offrent linfrastructure pour mettre en commun linformation. Donc le polycentrisme ne signifie pas abandon des institutions publiques, mais transformation. Les nouvelles institutions publiques peuvent faire office dencadrement du polycentrisme.

    3.2.2. Procduralisme Fort = prservation du pouvoir dun garant ultime Critique des formes dauto-rgulation : Par rapport toute une srie de problme, insuffisance de lauto-rgulation : Point de dpart, existence sur Internet de formes dauto-rgulation : codes de bonne conduite, labels,... Mais INSUFFISANCE des ces formes dautorgulation : - problme de raret : lautorgulation ne permet pas de rgler des problmes de partages de ressources rares - Problme externalit : lautorgulation ne permet pas de garantir le maintien des externalits positives de rseau. Do le dfi de lautorit publique : garantir lintrt commun, sans revenir la forme traditionnelle de rgulation qui est la seule intervention publique. = intgrer le rle de lEtat dans un monde en rseau Co-intervention sur pied dgalit de lEtat, des entreprises et des groupes dintrt dans les procdures de rgulation .

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    Co-intervention = change et coopration. ECHANGE entre tous les acteurs et les autorits publiques. Cet change doit permettre de reprer plus vite des questions importantes, de les traiter plus vite, de prendre plus en compte la dimension technique et lvolution rapide de la ralit. COOPERATION = cet change est libre, on noblige pas les acteurs fournir de linformation. On se met autour de la table pour trouver des solutions communes des problmes communs. Qui est garant, in fine, du bien commun, dun dveloppement qui vise lintrt gnral ? 1re version = dire que cest la procdure participative qui garantit labsence dopportunisme. Cest le fait que les dcisions sont prises sur la base dune consultation et dun change avec tous les acteurs. On se dit que vu que au vu mthode participative, les rgles qui seront adoptes ne le seront pas au dtriment de certains ET les contrevenants seront facilement plus facilement reprs que si le seul surveillant ctait lEtat. 2me version = cest lEtat qui reste le garant de lintrt gnral, car il est le garant de la procdure. Cest lEtat qui peut arbitrer les procdures de dcision, et si il y a conflit et quon narrive pas prendre dcision, cest lEtat qui dcide en prenant en compte les intrts de la communaut la plus large possible

    3.2.3. Deux conceptions de la dmocratie

    Dmocratie dlibrative Dmocratie aggrgative Les dcisions sont prises sur la base

    dune discussion / dlibration entre les citoyens libres et gaux.

    Les dcisions sont prises sur la base dun vote entre les citoyens

    Les dcisions sont justes si la discussion / la dlibration tait libre et si chaque citoyen a eu un statut gal et une libert gale dans la discussion.

    Les dcisions sont justes si on a donn le mme poids lintrt de chaque citoyen. La dcisions juste = le vote majoritaire

    Importance de MULTIPLIER les points de vue. (COMPLEXITE) On ne peut pas dire lavance quon aura pas besoin de telle information,...

    Pour la dmocratie dlibrative, la dmocratie agrgative = injuste car une minorit ne peut jamais avoir droit la parole. (cfr Tyrannie de la majorit) Dmocratie directe :

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    Dmocratie directe Dmocratie reprsentative Les citoyens dcident du contenu des

    politiques publiques Les citoyens choisissent des

    reprsentants qui vont dcider pour eux du contenu des politiques publiques.

    Prsupposition que les citoyens ont une meilleure connaissance du terrain (DIVERSITE). Quil sauront plus vite sadapter au changement (VOLATILITE) Ils reprent plus vite les erreurs

    La diffrence = ce sur quoi porte les dcisions des citoyens. Polyarchie

    Polyarchie Hirarchie, Oligarchie,...

    dmocratie o tous les citoyens ont une libert gale et un statut gal dans la constitution de rgles, dun ordre.

    minorit a ce privilge. (REM = cela peut tre une majorit qui a accs aux dcisions // Maladie des gouvernants chez Tocqueville).

    Donc libert et galit lintrieur de chaque ordre dans la socit, mais puisque il y a aussi change/dlibration ENTRE les ordres (apprentissage social) faut donc aussi ce niveau que les ordres soient libres et gaux

    Rpublicanisme et fdralisme

    La co-rgulation franaise

    Modle rpublicaniste Les individus sont des citoyens reprsents par lEtat qui ne vise que leurs intrts. Cest en fonction de cela quintervient lEtat dans Internet. Il nintervient pas dans le Forum, comme un acteur parmi dautres qui aurait des informations que les autres nauraient pas. Il intervient comme garant des intrts des citoyens. INDIVIDUALISME CITOYEN : on parle pas d gosme , mais le citoyen est apprhend de manire individuelle, par ses droits.

    Le polycentrisme amricain

    Modle Fdraliste Les individus sont toujours apprhends en tant quil font partie dune communaut. Car cest lintrieur dune telle communaut, travers une dlibration, quils sont libres et gaux, quils sont citoyens.

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    APPROCHE COMMUNAUTAIRE : cfr Tocqueville o des citoyens malades sont des individus coups les uns des autres.

    Co-rgulation Polycentrisme

    Modle rpublicain Individu citoyen

    Modle fdraliste Communaut

    Deux types de manques / points faibles diffrents

    La co-rgulation franaise En intervenant, in fine, lEtat risque de perdre les bnfices des exprimentations locales .

    Le polycentrisme amricain Le polycentrisme = par nature INSTABLE, VULNERABLE il faut continuellement dlibrer, rordonnancer, rouvrir le rseau,... pour assurer dmocratie du rseau. IMPOSSIBLE de trouver un remde dfinitif aux 2 maladies de la dmocratie.

    Co-rgulation polycentrisme

    Perte dinnovation, dexprimentation Instabilit

    4. Les pratiques de gouvernance et leur contexte social ou comment aller plus loin ?

    4.1. Gouvernance et socit du risque Deux matres-mots pourraient caractriser notre socit actuelle : le risque et la scurit. La mondialisation de lconomie a fait basculer lensemble des conomies domestiques dans un nouveau rapport au risque li lintensification des changes commerciaux et lintgration financire. Cette situation de risque se manifeste tout autant dans lincertitude lie au contrle de la sant financire des holdings que dans lincertitude lie la protection de la sant publique face au productivisme agro-alimentaire, face la pollution industrielle, au traitement et au commerce des dchets, lapprovisionnement en eau potable, etc. Nuisance et dangerosit sont devenus des concepts quotidiens de linformation, sans que les mcanismes traditionnels de contrle semblent rellement aptes prvenir les catastrophes. Avec les Etats du 11 septembre et la grande campagne anti-terroriste orchestre par les Etats-Unis, un autre facteur dcisif du nouvel ordre mondial est enfin devenu un vidence pour tous les acteurs, celui de la scurit. Ce facteur tait dj patent travers la militarisation de la politique humanitaire travers les annes 90. Mais ce facteur sest impos comme une vidence pour tous dsormais la faveur du choc produit par les attentats de septembre 20018. Il est ainsi

    8 En soi le terrorisme nest pas un risque nouveau : ces trente dernires annes, dans le monde, 17 000 personnes ont perdu la vie et plus de 60 000 ont t blesses, victimes dactes de terrorisme. Les vnements du 11 septembre 2001 ont engendr un effet de caisse de rsonnance tout fait considrtable dans la communaut internationale . O. GODARD, C. HENRY, P. LAGADEC, E. MICHEL-KERJAN, Trait des nouveaux risques, Gallimard, Paris, 2002, p. 544.

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    devenu possible de donner une finalit une coordination policire internationale en terme dintrt public tout en construisant un dispositif transnational de contrle social. Au plan de la socit du risque , lenjeu est dune certaine manire radical et basique : il y va de notre survie comme espce sur la plante terre ou plus minimalement de notre capacit crer les conditions dun dveloppement qui prserve lavenir des gnrations futures. Nous sommes collectivement affronts une logique du pire face aux problmes cologiques majeurs comme le rchauffement climatique, la dsertification, la dforestation et la bio-diversit. Il nous faut tenter de grer une logique de mal-dveloppement entretenue par les grands intrts conomiques. La particularit de la socit mondiale du risque 9 est quelle implique tous les habitants de la plante dans des processus qui nont cure des limites territoriales et politiques. Cest ce quon appelle parfois le phnomne des risques de systme ou, encore, l effet domino . Les problmes globaux produisent qui crises qui touchent tous les acteurs du systme comme les domino qui sabattent et entranent les autres dans leur chute. Quand un super tanker coule, le fait quil soit ou non dans des eaux territoriales na gure dintrt en soi. Il dtruit la faune marine internationale aussi, il pollue les ctes des pays avoisinants, entranant les marins-pcheurs dans la crise, les autres mtiers dpendant des ressources marines, lindustrie touristique des rgions touches, mais aussi menaant la sant des habitants et des plaisanciers, dterminant les choix de loisirs de populations plus loignes, etc. La gestion des risques de systme reprsentera un poids budgtaire croissant pour nos conomies10. Ainsi, pour ne prendre que lexemple du rchauffement climatique, nous sommes engags dans un processus dj en partie irrversible. Si rien nest fait en 2100 les tempratures auront augment de 5 et si les mesures les plus contraignantes sont adoptes, elles augmenteront quand mme de 2.

    9 Cf. un document important de Ulrich Beck traduit en franais et disponible sur le site de lIDDRI, La dynamique de la socit mondiale du risque , IDDRI, 2002, 23 pp. Ce document actualise les thses de louvrage de rfrence de Beck sur le sujet qui date dj de 1986 (traduit chez Aubier, La socit du risque, Sur la voie dune autre modernit, Paris, 2001). 10 Celui-ci se manifeste dj par laugmentation de la facture deau et par les taxes pour le traitement des dchets mnagers.

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    . Au plan de lco-systme, la diffrence est norme. Mais mme dans le cas du scnario le plus optimiste, les consquences tant cologiques quconomiques seront trs lourdes11. Face cette situation, la doctrine de la prcaution qui guide les grandes dcisions politiques actuelles est base sur une logique assurantielle : viter les surcots entrans par la surenchre des mesures prcautionneuses, nagir quen cas de risque avr et se fier linterprtation scientifique du risque en fonction de techniques avres de mesure. Ainsi, une moindre plausibilit scientifique vient affaiblir le poids dcisionnel donn une hypothse de risque 12. Contre lattitude hyperprudente qui prconise lintervention svre dans le doute et la vigilance face au risque matris, la doctrine de la prcaution qui guide nos gouvernements et qui simpose comme conomiquement plus rentable prconise ltat de veille dans le doute et lintervention svre en cas de risque avr. Cest ainsi plutt la veille qui est prconise face aux procds dincinration de certains types de dchets

    11 Le tableau et la citation sont extraits de larticle de Andr LEBEAU, Et si George Bush avait tout faux ?, Le changement climatique, un dfi plantaire , in Futuribles, 2003, n 286, pp. 70-74, p. 73. 12 O. GODARD & al., Trait des nouveaux risques, op. cit., p. 168. La figure 2 provient de la mme page.

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    hasardeux, comme les farines animales ou les terres de Farcienne Cest encore le mme tat de veille qui prside lpandage de certaines boues riches en mtaux lourds provenant des stations dpuration, etc.

    A la culture de la prcaution o prvaut les exigences de la flexibilit conomique rpond une culture scuritaire axe sur le contrle des populations dans cette situation dincertitude sociale. Cette culture vise quant elle la stabilit sociale pour rassurer les populations. Mais elle tente dy parvenir par la construction dun ordre transnational bas sur des rgles de protection des changes marchands favorisant la libre circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux. Cest dans cette optique quil faut interprter la croisade internationale contre le terrorisme (axe du mal). Mais cest galement dans cette optique quil faut interprter au plan national les efforts raliss pour se conformer au modle de libre change notamment travers les traits de libre-change. A travers les diffrentes politiques de rformes concernant les systmes de soin de sant, les systmes de retraite et les systmes dducation, un message est aussi adress aux citoyens : il faut responsabiliser les citoyens. Mais il faut aussi responsabiliser les oprateurs institutionnels du systme social. La qualit de la vie sociale offrant des garanties pour la sant, lducation, la retraite, etc. a un prix. On ne peut se contenter dagir sur la matrise du taux de pauvret, pour faire face au cot dune telle politique, il faut galement agir sur la production de la richesse par une plus grande libralisation des conditions de travail (allgement des charges sociales, rformes fiscales, allongement de la vie active, suppression de la prpension, etc.).

    4.2. Evolution de lexpertise sociale et fonction de prcaution A titre dhypothse interprtative, trois moments de lvolution des appareils sociaux industriels sont proposs. Ils correspondent respectivement au stade de la socit industrielle (annes 60-70) au stade de la socit des services (post-industrielle, tertiarise : annes 80-90) et, enfin, au stade de la socit mondialise (avec les risques de systmes dj identifis : financiers, agro-alimentaires, scuritaires : annes 2000 et +).

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    Ces trois moments ne sont pas considrs comme des tapes, mais comme des strates. Les tapes sont passes. On avance de manire linaire. Lavantage de limage des strates est quelle voque un empilement o la strate prcdente continue dexister dans lespace sociale mme si elle est partiellement recouverte par une nouvelle strate. On peut donc retrouver des mesures sociales actuellement qui dpendent des formes daction politique dune strate plus anciennes. En utilisant comme critres communs danalyse des trois strates, la manire dont elles laborent leurs politiques, il est possible de les prsenter en leur posant trois questions : quel est leur bnficiaire principal ? Comment le peroivent-elles ? Quel est leur rapport au temps dans laction ? Comment considre-t-elles le processus par lequel elles doivent agir sur la socit ? Enfin, quel objectif cherchent-elles privilgier, quelle est leur thique ? Ces trois critres sont rsums par les questions transversales : Do ? Par o ? et Vers o ? POLITIQUE DE LA JUSTICE : Elle caractrise laction collective dans la socit industrielle avec un cadre national de concertation sociale. Elle vise partir des acteurs concerns, les partenaires sociaux. Elles les engagent dans des processus de long terme: amlioration des relations de travail, paix sociale, systme de scurit sociale. Elle a pour objectif de permettre chacun de ces acteurs de se raliser travers elle dans le cadre dun monde commun o sont garantis des solidarits naturelles, du sens et des identits collectives. POLITIQUE DE LA PITIE : Elle caractrise laction collective dans la socit humanitaire. Elle est attentive la fragilisation des acquis sociaux face lcroulement du systme industriel. Elle cherche apporter des solutions aux victimes : chmeurs, jeunes en dcrochage, exclus, bref les victimes des changements sociaux. Elle cherche une efficacit court terme travers des politiques de rinsertion et formation qualifiante, de resocialisation. Elle veut radiquer au plus vite le dcrochage social. Pour garantir cette efficacit, elle privilgie la neutralit dans laction. Il vaut mieux cooprer aux mesures de relance sociale que de sopposer et exacerber les contradictions sociales. POLITIQUE DU RISQUE : Elle caractrise laction collective dans la socit mondialise. Consciente de la perte de contrle des risques par les appareils traditionnels de protection sociale, elle tente de rtablir une information sur les risques encourus par les riverains du systme. Elle a une stratgie oriente dabord vers la prvention. Son action compte sur le moyen terme. Elle vise transformer les rgles de protection, les rendre plus discriminante pour garantir une meilleure protection individuelle, tenant compte des situations particulires. Son objectif prioritaire est dagir sur la qualit de vie au travail et hors travail.

    4.3. La question des porte-paroles

    Lide est que la fonction de porte-parole a volu dans la socit en fonction des contraintes socio-conomiques dcrites dans le premier tableau.

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    PORTE-PAROLE I Le porte-parole avait un premier sens en milieu daction collective dans la socit industrielle. Il tait porteur des revendications dune majorit de membres. Son avis tait reprsentatif. Ctait la/le reprsentante des intrts dune base, dun lectorat. Il agissait en portant les revendications communes dans des ngociations et en traduisant celles-ci dans des conventions solides. Grce cette mthode daction, il parvenait provoquer une redistribution de la richesse sociale et renforcer un systme de protections collectives. PORTE-PAROLE II La socit mdiatique a vu se dvelopper un nouveau genre de porte-parole. Celui que lon appelle le leader dopinion. Il ne reprsente quun comportement minoritaire, mais facilement identifiable par sa diffrence. Il revendique ses excs ou ses spcificits et se fait entendre par sa capacit se dmarquer. Ce phnomne ne se limite pas la sphre mdiatique. Le reprsentant socio-professionnel sest aussi retrouv de plus en plus coup de sa base, oblig de ngocier de lemploi plutt que du revenu. Il est devenu un spcialiste des restructurations et du sauvetage des victimes par plans sociaux. Dans ce contexte de prcarit sociale, il a du mobiliser la piti sociale, attir lattention sur les victimes du systme. En moralisant les conflits, en dnonant les situations inquitables, il a contribu aussi crer des systmes plus individualiss de protection comme les assurances groupes, la prpension, les revenus de compensation, les primes de dpart ou loutplacement, etc. Il a aussi cherch protger des catgories plus fragiles avec des politiques plus favorables leur gard. On est ainsi pass des objectifs dassistance. PORTE-PAROLE III Un troisime type de porte-parole a vu le jour avec la mondialisation et ses nouveaux risques. Il sagit du porte-parole de proximit, capable de faire valoir sa connaissance du terrain, de construire une mesure du risque et de mobiliser des rseaux pour conscientiser lopinion. Pour agir, il va utiliser des procdures dalarme, tenter de renforcer laccs de tous linformation et la coordination dun centre de scurit (comme les sous-traitants, par exemple). Face lirresponsabilit organise, il veut mobiliser des connaissances scientifiques plausibles et mettre en application le principe de prcaution : traabilit des produits utiliss, meilleure information des concerns par rapport aux risques professionnels, rle accru desmcanismes de prvention, relations entre entreprises voisines, etc. Dans cette logique, ils visent une meilleure protection individuelle face des risques mal identifis par les structures en place : cole du dos, lutte contre le stress, rgles contre le harclement moral, etc.

    4.4. La question des apprentissages sociaux et la rvision des croyances Pour que des apprentissages sociaux soient possibles, il faut que des reprsentations sociales slaborent travers des processus dlibratifs. Mais cette condition nest pas suffisante. Il faut encore que ces processus permettent le dveloppement dune rflexivit et que celle-ci conduise des formes dextrapolation en se basant sur des infrences nouvelles.

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    5. Questions de mthode : les outils dune politique de la gouvernance

    5.1. Les impasses de la discussion thique face la dlibration politique

    Cest le modle de la dlibration thique qui est le mieux connu actuellement. Celui-ci permet notamment de dpasser le point de vue moral individuel fond sur le rle social de chacun et denvisager, grce linterchangeabilit des rles, un point de vue thique soucieux la fois de lintrt du plus mal loti et de la prise en compte du point de vue de tous les concerns. Dans ce cas, ce sont les conceptions les mieux instruites du bien commun qui sont supposes lemporter, tout en augmentant le sens collectif du juste et de linjuste. Mais, dans le cas qui nous occupe, il est essentiel de dpasser aussi le consensualisme de la dlibration thique soucieuse surtout dune plus grande quit entre gaux pour aller vers une dlibration politique. La diffrence fondamentale entre ces deux types de dlibration est quelles concernent chacune des intrts de nature diffrentes : lthique concerne les intrts privs ; la politique concerne les intrts publics. La politique pose directement la question du maintien de lespace dmocratique comme moment de reconnaissance de tous les citoyens et comme raison de leur entente. Pour la sauvegarde de ce bien public par excellence, des formes de raisonnements diffrents de ceux de ltique sont mobiliss. Ils ont souvent dailleurs des consquences suspensives sur les principes thiques. On parle notamment dans ce cas de la logique du moindre mal . Les choix du collectif en expansion, selon lexpression de B. Latour13, sont souvent conjoncturels et provisoires. Ils fonctionnent dans lincertitude, en rgime de sous-optimalit : entre deux maux, choisir le moindre. Ce type de calcul social prudentiel relve de la discussion politique.Il sagit dun stade de discussion visant matriser les mcanismes dinformation et de coopration dans la recherche de solutions communes. Si la dlibration politique doit parvenir grer le partage du pouvoir dans llaboration des hypothses de solutions (galit et libert entre partenaires concerns et entre ordres dintrt), elle ne peut, comme la dlibration thique, se contenter dune mise entre parenthses des constructions stratgiques. La dlibration politique pose la question dun engagement collectif dans une action au sein dun espace de pouvoir. Elle se situe en milieu conflictuel et reconduit au conflit. Sa question est celle de la prise en compte et du choix exclusif par rapport ce qui pourrait en dfinitive mettre en pril sa propre reproduction. Elle doit prserver un avenir o elle est elle-mme possible. Une dimension qui chappe la dlibration thique par essence, parce que le cadre de sa reproduction est garanti par ailleurs. Il est donn par la socit. La dlibration politique a directement en charge lavenir de sa socit. Cest pourquoi, il nous semble crucial au plan mthodologique que le cadre ne soit ni le bien ou le mal, ni le juste et linjuste de telle position politique, mais bien la capacit de rsistance collective face un appareil de prise de pouvoir implant dans lespace dmocratique. Plusieurs stades doivent tre distingus quand on envisage la mise en uvre dune dlibration politique. Lorsquon discute sur des valeurs thiques ou quon tente de rsoudre un dilemme moral, lide de se donner une mthode qui permet de mettre entre parenthses les positions sociales et les diffrents intrts qui y sont lis peut aider envisager la situation selon divers points de vue. Lintrt dune telle mthode consiste surtout traiter de manire

    13 Cf. B. LATOUR, Politiques de la nature, La Dcouverte, Paris, 1999.

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    quivalente ces points de vue, les considrer comme interchangeables et ne plus les pondrer quen fonction de leur capacit sapprocher le plus possible dune solution commune. En appliquant cette mthode dans une discussion, les partenaires peuvent interagir comme des gaux et tenter de trouver un accord autonome. Quand il sagit de dlibration politique, la rfrence une communaut de dlibration sans contrainte risque docculter le rle moteur de la construction dune autorit commune dans la discussion. Cette autorit nest pas celle de la raison morale que chacun tenterait datteindre en se rfrant des principes gnraux. Il sagit plutt de la priorit donne au fait dtre membre dune socit et de rflchir en consquence. Cette priorit peut se traduire dabord par lattention aux rgles en vigueur dans le collectif, mais elle sexprime surtout par lengagement lgard de ce collectif travers la recherche de solidarits et de soutien mutuel dans la ralisation des objectifs communs. Lessentiel dans la dlibration politique porte en dfinitive sur la confiance que les partenaires sont capables dtablir entre eux lgard de leur engagement face une situation. La dlibration politique conduit llaboration dun plan daction. Ce plan dfinit des objectifs, un agenda et des rles. Une solution est attractive et satisfaisante pour autant quelle se traduise dans un plan, quelle ouvre un processus daction collective. Il ne sagit pas de saccorder sur le bien-fond dune position de principe, ni de dterminer ce qui serait loption la plus quitable, mais de dterminer laction que lon planifie pour apporter une rponse un problme de vie en commun. L o la discussion thique cherche suspendre le diffrend en faveur dun accord sur les valeurs, la dlibration politique cherche partir du diffrend pour envisager des actions qui permettent de mettre en travail un collectif divis et indcis face aux enjeux de la situation. La dlibration politique est ainsi une mthode part entire qui passe par la recherche de plans daction collective adapts la prise en compte dun vritable enjeu commun. Parvenir se dire et mieux comprendre comment et quel titre diffrents membres de la socit sont concerns par lextrmisme de droite et par la remise en cause de la dmocratie qui est ainsi vhicule par un appareil prise de pouvoir, cest former la reprsentation sociale qui permet ensuite de chercher une rponse commune. Cette rponse passe par un engagement dans un plan daction collective. Ce processus est particulirement important suivre dans la mesure o il vise rendre effectivement attractive la mise en uvre dune responsabilit politique par rapport un enjeu commun. Cest ainsi le pralable lexercice du pouvoir qui est concern, cest--dire la confiance que suscite un potentiel suppos de gouvernance. En tlescopant cet aspect de confiance, le risque est de perdre de vue lattractivit que recle une manire de mobiliser, de proposer un chemin commun, de partager une vision, doser une proximit sur des enjeux galvauds. La manire de sengager et de promettre, de faire corps comme entit politique et comme projet a plus deffet sur la confiance quune liste de rformes. Il faut donc agir sur la confiance en proposant des formes daction qui permettent de partager aussi des objectifs et des solidarits face des enjeux communs.

    5.2. La construction de la confiance sociale Nous suivrons les trois strates de la confiance, selon Aglietta et Orlan. La confiance mimtique Lide est quon adapte son comportement sur ce qui marche, sur les russites et donc aussi sur les opinions majoritaires.

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    Il y a des effets de renforcements et dagrgation. Dans un contexte daction incertain, lattitude spontane des individus consiste choisir le comportement quils estiment avoir le plus de chance de gagner. Cest pourquoi les indiffrents ont tendance majoritairement, dans un second tour, se ranger du ct du gagnant. La confiance hirarchique Lautorit joue aussi un rle important dans laction sur la confiance. Elle concerne le pouvoir darbitrer entre les diffrents intrts et la capacit de proposer des objectifs qui satisfont les diffrents points de vue. Elle est la seule tre en mesure de crer un quilibre entre des rsultats immdiats et des rsultats plus long terme comme les protections sociales lies la maladie, la pension, etc. La confiance thique Quand on tente de proposer un projet, une question de lgitimit vient encore se poser. Quels sont les principes qui orientent ce projet ? Pourquoi les suivre ? La question qui se pose alors est moins celle des grandes valeurs que lon dfend que celle de la capacit les rendre lisibles trs concrtement dans la manire dont les action sont organises.

    5.3. Les exigences de laction cooprative Selon M. Bratman, trois critres sont prendre en compte pour un engagement coopratif. Parons dun exemple : Imaginons un instant que deux personnages ont dcid de joindre leurs efforts dans une activit commune et doivent pour se faire se rendre un point de rendez-vous dtermin. Si leur coopration se limite passer un accord pour se retrouver cet endroit pour y agir de concert, les deux personnages partagent certainement des intentions communes et une certaine connaissance de leurs objectifs. Mais ils ne partagent pas de responsabilit particulire par rapport la mise en place effective des conditions qui leur permettront respectivement dexercer leur rle dans la coopration. Rien nest dit des moyens ncessaires pour rejoindre lendroit choisi, ni de la responsabilit de chacun veiller ce que lautre puisse bien trouver ces moyens et les mettre en uvre de manire raliser le projet convenu de ralisations des objectifs communs. Or la fiabilit et lattractivit dun engagement coopratif repose autant sur les intentions et la connaissance partages que sur cette responsabilit mutuelle lgard des actions et des rles remplir par chacun. Pour garantir un tel engagement, trois facteurs entrent en ligne de compte :

    - la coordination des programmes daction ; - la coordination des plannings ; - la ngociation des rles et de laide ncessaire pour les remplir.

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    Cette manire denvisager lorganisation fiable dune action cooprative repose sur un triple engagement des acteurs concerns qui porte sur :

    - leur responsabilit lgard des objectifs raliser en commun ; - leur responsabilit lgard dun agenda commun ; - la solidarit (ou le support mutuel) entre les diffrents rles impliqus dans la

    ralisation des objectifs.

    5.4. Les incitants rflexifs Pour donner lincitation sociale, une dimension rflexive, il est essentiel dintgrer la dimension motivationnelle spcifique linnovation sociale et dintgrer le rapport de celle-ci de nouvelles formes de vie possible en commun.

    Conclusion

    Enjeux pour une gouvernance rflexiveEnjeux pour une gouvernance rflexive

    Un schma pour viter lopportunisme Un schma pour viter lopportunisme

    -- La La SharedShared CooperativeCooperative ActivityActivity

    -- Lapprentissage rflexif comme dispositifLapprentissage rflexif comme dispositif(au(au--del du del du reflexivereflexive practitionerpractitioner ))

    Enjeux pour une gouvernance rflexiveEnjeux pour une gouvernance rflexive

    Rencontrer les trois points aveugles Rencontrer les trois points aveugles relatifs aux dficits de cooprationrelatifs aux dficits de coopration-- ObjectifsObjectifs-- RlesRles-- AgendaAgenda

    Incorporation dune rgle dapprentissageIncorporation dune rgle dapprentissage-- Un engagement institutionnel plus que bonne volont des Un engagement institutionnel plus que bonne volont des

    praticienspraticiens-- Culture intermdiaire (identit, significations, ngociations)Culture intermdiaire (identit, significations, ngociations)

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    Enjeux pour une gouvernance rflexiveEnjeux pour une gouvernance rflexive

    Quelle dfinition de laction collective?Quelle dfinition de laction collective?

    enrlement des acteurs dans un processus enrlement des acteurs dans un processus coordonn bas sur lincorporation des coordonn bas sur lincorporation des motivations et structur par une rgle de motivations et structur par une rgle de reconnaissance rendant possible la confiance, reconnaissance rendant possible la confiance, lengagement coopratif et la lgitimation des lengagement coopratif et la lgitimation des objectifs poursuivis objectifs poursuivis

    Enjeux pour une gouvernance rflexiveEnjeux pour une gouvernance rflexive

    Un ex. Lorigine des communauts de pratiquesUn ex. Lorigine des communauts de pratiques en GPP: en GPP: Lexpansion des forums hybrides comme choix de Lexpansion des forums hybrides comme choix de gouvernabilit (M. Lambert, 2005)gouvernabilit (M. Lambert, 2005)

    Mise en place dune action combineMise en place dune action combine::Convocation Convocation IncitationIncitation

    -- Crer une culture collectiveCrer une culture collective -- Reconnaissance de laReconnaissance de lade la normede la norme profession de GPPprofession de GPP-- Optimiser latteinte des objectifsOptimiser latteinte des objectifs -- Moyen de sautorgulerMoyen de sautorgulerpar une meilleure circulation depar une meilleure circulation de -- Nouveau mode Nouveau mode la connaissancela connaissance dapprentissagedapprentissage

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    Bibliographie Introduction - Rfrences pistmologiques

    Livet P., Conventions et limitations de la communication , in Herms, n1, 1988, pp.

    121-142. Livet P., Normes et faits , in Encyclopdie philosophique universelle, Tome 1 : LUnivers

    Philosophique, dir. Jacob A., Presses Universitaires de France, Paris, 1989, pp. 124-132.

    1. Sur le concept de gouvernance

    Cannac Y, Godet M., La bonne gouvernance. Lexprience des entreprises, son utilit

    pour la sphre publique , in Futuribles, n265, juin 2001, pp. 41-50. Faucheux S., OConnor M., Technosphre vs cosphre. Choix technologiques et menaces

    environnementales : signaux faibles, controverses et dcisions , in Futuribles, n251, mars 2000, pp. 29-59.

    Raynaud P., Un nouvel ge du droit ? , in Archives de philosophie, Tome 64, anne 2001,

    pp. 41-56. Valaskakis K., Mondialisation et gouvernance. Le dfi de la rgulation publique

    plantaire , in Futuribles, n230, avril 1998, pp. 5-28. Valaskakis K., Westphalie II : Pour un nouvel ordre mondial , in Futuribles, n265, juin

    2001, pp. 5-27.

    2. Les pratiques de la gouvernance

    Brousseau Eric, Rgulation de lInternet. LAutorgulation ncessite-t-elle un cadre

    institutionnel ? , in Revue conomique, vol. 52, hors srie, octobre 2001, pp. 349-377. Foray D, Zimmerman.J.B., Lconomie du logiciel libre. Organisation cooprative et

    incitation linnovation , in Revue conomique, 52, hors srie, 2001, pp. 77-93. Klein Hans, ICANN et la gouvernance dinternet. La coordination technique comme levier

    dune politique publique mondiale , in Massit-Folla F., Delmas R. (dir.), Les Cahiers du Numrique. La gouvernance dinternet, vol. 3, n2, 2002, pp. 93-128.

    Raymond E. S., La cathdrale et le bazar, in http:// www.linux-france/article/these/

    cathedrale-bazar_monoblock.html

    3. Thorisation et lgitimation des pratiques

    Carnet 90 Philosophie, apprentissage et globalisation, par Marc Maesschalck, 2001, 28 pp.

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    Carnet 91 Autorgulation, thique procdurale et gouvernance de la socit de linformation, par Tom Dedeurwaerdere et Marc Maesschalck, 2001, 33 pp.

    4. Les pratiques de gouvernance et leur contexte social ou comment aller plus loin ?

    Beck Ulrich, La dynamique politique de la socit mondiale du risque , in Les sminaires de lIddri, Confrence donne dans le cadre du sminaire conomie de lenvironnement et du dveloppement durable par lIddri et le Medd, Paris, 13 dcembre 2001.

    Callon M., Lascoumes P., Barthe Y., Lorganisation des forums hybrides , in Agir dans un

    monde incertain. Essai sur la dmocratie technique, Paris, Seuil, 2001, pp. 209-262. Faucheux S., Hue C., Petit O., NTIC et environnement. Enjeux, risques et opportunits , in

    Futuribles, n273, mars 2002, pp. 3-26. Goddard O., Henry C., Lagadec P., Michel-Kerjan E., Gnalogie dune socit du risque et

    de la prcaution , in Trait des nouveaux risques, Paris, Gallimard, 2002, pp. 27-81.

    5. Questions de mthode : les outils dune politique de la gouvernance

    Carnet 103 Intrt actuel de la philosophie de largent, No-institutionnalisme et rflexivit, par M. Maesschalck et A. Loute, 2003, 24 pp.

    Carnet 104 Bioprospection, gouvernance de la biodiversit et mondialisation. De lconomie des contrats la gouvernance rflexive, par Tom Dedeurwaerdere, 2003, 27 pp.

    Carnet 105 No-institutionnalisme et gouvernance rflexive. De la monnaie la socit de l'information, par Marc Maesschalck, 2003, 25 pp.

    6. Complments :

    Latour B., Politiques de la nature, Paris, La Dcouverte, 1999. (Chapitre 2) Boltanski L. & Chiapello E., Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999 Ladrire P. & Gruson C. thique et gouvernabilit, Paris, PUF, 1992

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    Tables de matires Introduction 2

    1. Sur le concept de gouvernance. 11 1.1. Gnalogie du concept : larbre de la gouvernance. 11 1.2. Les usages rcents en sciences politiques. 13 1.3. Enjeux dune thorie de la gouvernance. 13

    1.3.1. Deux lectures de la gouvernance comme question politique (Consquences de larbre de la gouvernance). 13

    1.3.2. Philosophie politique et thorie de la gouvernance. 14 2. Les pratiques de la gouvernance. 15