10
24/03/2014 1 Fabrice Guillaume - année 2013-2014 Neuro-imagerie cérébrale Images et mirages du cerveau Licence de Psychologie (L3) – Méthodes d’imagerie cérébrale Chapitre 1 - L’esprit-cerveau Chapitre 2 – Du signal cérébral à l’image du cerveau Les protocoles Méthode d’amorçage et d’adaptation appliquée à l’IRM Prétraitements : filtres et corrections des artefacts Méthode d’analyse des données IRMf Test d’hypothèses ou analyses dirigées par les données Traitements statistiques : Le seuil et les corrections statistiques L’analyse de la connectivité (notion de nœud) Chapitre 3 Le laboratoire de l’esprit-cerveau Comment comparer les images du cerveau ? La méthode soustractive et le postulat de linéarité Chapitre 3 Le laboratoire de l’esprit-cerveau (suite) L’inférence causale en imagerie cérébrale L’inférence inverse généralisée De la sélectivité des régions cérébrales Les corrélations fantômes du cerveau Localiser n’est pas expliquer Une illustration : le cerveau de la mémoire Chapitre 4 La « Neuroquelque chose » ou l’inscription cérébrale… à outrance Chapitre 5 Pour une neuro-imagerie sans illusions Distributivité et dynamique : la complexité du SNC Comment le cerveau produit-il du mental ? Bibliographie conseillée Tiberghien, G., Guillaume, F., & Baudouin, J.-Y. (2007). La neuro-imagerie cognitive: nouvel indicateur, nouvelle science ... ou nouvelle phrénologie ? In J. Vauclair & S. Nicolas (Eds.), Localisation cérébrale des fonctions mentales : de la cranioscopie de Gall à l'IRMf (pp. 57-79). Marseille: Solal. Guillaume, F., Tiberghien, G, & Baudouin, J.-Y. (2013). Le cerveau n’est pas ce que vous pensez : image et mirage du cerveau. PUG : Presses Universitaires de Grenoble, collection « Points de vue et débats scientifique ». Houdé, O., Mazoyer, B., Tzouria-Mazoyer, N. (2010). Cerveau et Psychologie. PUF : Presses Universitaires de France. 1 – L’esprit-cerveau Pourquoi le psychologue doit-il être au fait de l’imagerie cérébrale ?

Cours Imagerie L3 2014 - gsite.univ-provence.frgsite.univ-provence.fr/gsite/Local/lpc/dir/guillaume/Fabrice... · Qu’est-ce qu’une réalité mentale… et où est-elle ? Un constat

  • Upload
    ngolien

  • View
    216

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

24/03/2014

1

Fabrice Guillaume - année 2013-2014

Neuro-imagerie cérébrale Images et mirages du cerveau

Licence de Psychologie (L3) – Méthodes d’imagerie cérébrale

Chapitre 1 - L’esprit-cerveau  

  Chapitre 2 – Du signal cérébral à l’image du cerveau   Les protocoles Méthode d’amorçage et d’adaptation appliquée à l’IRM Prétraitements : filtres et corrections des artefacts Méthode d’analyse des données IRMf Test d’hypothèses ou analyses dirigées par les données Traitements statistiques : Le seuil et les corrections statistiques L’analyse de la connectivité (notion de nœud)    Chapitre 3 Le laboratoire de l’esprit-cerveau   Comment comparer les images du cerveau ? La méthode soustractive et le postulat de linéarité

   Chapitre 3 Le laboratoire de l’esprit-cerveau (suite)   L’inférence causale en imagerie cérébrale L’inférence inverse généralisée De la sélectivité des régions cérébrales Les corrélations fantômes du cerveau Localiser n’est pas expliquer Une illustration : le cerveau de la mémoire   Chapitre 4 La « Neuroquelque chose » ou l’inscription cérébrale…

à outrance    Chapitre 5 Pour une neuro-imagerie sans illusions   Distributivité et dynamique : la complexité du SNC Comment le cerveau produit-il du mental ?

Bibliographie conseillée

S  Tiberghien, G., Guillaume, F., & Baudouin, J.-Y. (2007). La neuro-imagerie cognitive: nouvel indicateur, nouvelle science ... ou nouvelle phrénologie ? In J. Vauclair & S. Nicolas (Eds.), Localisation cérébrale des fonctions mentales : de la cranioscopie de Gall à l'IRMf (pp. 57-79). Marseille: Solal.

S  Guillaume, F., Tiberghien, G, & Baudouin, J.-Y. (2013). Le cerveau n’est pas ce que vous pensez : image et mirage du cerveau. PUG : Presses Universitaires de Grenoble, collection «  Points de vue et débats scientifique ».

S  Houdé, O., Mazoyer, B., Tzouria-Mazoyer, N. (2010). Cerveau et Psychologie. PUF : Presses Universitaires de France.

1 – L’esprit-cerveau  

Pourquoi le psychologue doit-il être au fait de l’imagerie cérébrale ?

24/03/2014

2

 

«  Ces résultats représentent une avancée considérable dans la compréhension de l'activité cérébrale. Dans moins de 10 ans, les progrès de cette technique permettront de lire assez précisément les pensées de quelqu'un. » Dr. Cheng, Laboratoire Informatique de Neurosciences, ATR, décembre 2008

1. Pourquoi s’intéresser à l’imagerie cérébrale ?

Evolution du parc IRM en France

Nombre cumulé d’études publiées en IRMf

1. Pourquoi s’intéresser à l’imagerie cérébrale ?

Les années 1990 : « décennie du cerveau » par le congrès des États-Unis

2013, BRAIN*

100 millions de $ dans la recherche américaine pour 2014

«  Si nous voulons fabriquer les meilleurs produits, nous devons également investir dans les meilleures idées … Chaque dollar que nous avons investit dans la cartographie du génome humain a rapporté 140 dollars à notre économie … Aujourd’hui, nos scientifiques cartographient le cerveau afin d’offrir des réponses aux malades d’Alzheimer, … Désormais il est temps d’accroître la recherche et le développement dans ce domaine d’une façon aussi importante que ce que nous avons fait au moment de la conquête spatiale. »   Barack Obama, 2013, Congrès des états de l’union.

1. Pourquoi s’intéresser à l’imagerie cérébrale ?

En philosophie de l’esprit, l’éliminativisme est la thèse selon laquelle notre compréhension mentaliste des phénomènes psychologiques est une erreur radicale Les ent ités cognit ives de la psychologie seront progressivement él iminées (matérial isées) par les neurosciences

La position éliminativiste

Churchland, P.S. (1986) Neurophilosophy: Toward a Unified Science of the Mind/Brain. Cambridge, MA: MIT Press.

Réductionnisme

Churchland, P. S. (1986) Neurophilosophy: Toward a Unified Science of the Mind/Brain. Cambridge, MA: MIT Press

Patricia Churchland

Réductionnisme et positions alternatives 2. Petite histoire de l’esprit-cerveau

  Le mental n’est pas complètement réductible à ces déterminations neuronales

La position alternative : réalisme ou matérialisme émergent

Le cérébroscope

Feigl, H. (2006). Le mental et le physique. Collection mouvement des savoirs. Paris : L’Harmattan.

24/03/2014

3

La position alternative : réalisme ou matérialisme émergent

Corps = Esprit ?

Si C1 = C2 alors M1 = M2

Le réductionnisme éliminativiste

Les problèmes : 1. La dissociation cognitive 2. La complexité et la distributivité du fonctionnement 3. La dynamique 4. Les déterminations multiples

Feigl, H. (2006). Le mental et le physique. Collection mouvement des savoirs. Paris : L’Harmattan.

Petite histoire de l’esprit-cerveau

  La phrénologie

Système Bertillon

Propositions : 1.  L’esprit est produit par un nombre de

composants mentaux qui peuvent être séparés les uns des autres ;

2.  Ces composants sont localisés dans des régions cérébrales spécifiques ;

3.  Ces régions cérébrales sont liées à des traits topographiques spécifiques à la surface de la boîte crânienne.

Franz Joseph Gall

Pierre Flourens

n  Les aires de Brodmann (1909)

Le cerveau : un organe différencié 2. Petite histoire de l’esprit-cerveau

  Pourquoi le psychologue doit-il être au fait de l’imagerie cérébrale ?

VIs VDs

Ce qui n’est pas observable : 2 notions essentielles

Variables intermédiaires

Construits hypothétiques

Pourquoi le psychologue doit-il être au fait de l’imagerie cérébrale ?

Une neuro-image est un indicateur (nécessaire) du comportement et de l’activité psychologique

Un indicateur parmi d’autres et qui doit être interprété en en rapport avec les autres

Qu’est-ce qu’un indicateur ?

Le choix d’un indicateur n’est pas un simple choix technique

C’est déjà une construction théorique

Tout indicateur a une partie non observable

24/03/2014

4

Ce qui n’est pas observable : 2 notions essentielles

Construit hypothétique : entité invoquée (état, processus ou structures psychologiques) dont la description ne peut être totalement mise en relation avec les données empiriques à  Surplus de signification à  Pb : Plusieurs CH peuvent rendre compte des mêmes données empiriques à  Substrats neurobiologiques

Variable intermédiaire : quantité résultant d’une inférence mais d’une inférence qui peut être décrite en des termes empiriques (paramètres d’un équation; résultat, y = ax + b) à Mise en relation possible entre VIs à  Pas de base neurobiologique

Qu’est-ce qu’une réalité mentale… et où est-elle ? Un constat : la profusion des entités cognitives localisées dans le cerveau

La psychologie cognitive puis la neuro-imagerie ont amplifié cette évolution des construits hypothétiques…

On cherche les référents neurobiologiques des entités cognitives(construits hypothétiques)

La validation d’un construits hypothétique dans le cerveau est une condition nécessaire mais pas suffisante …

D’autres construits peuvent rendre compte de ce qui est observé

Il faut donc commencer par la validation des construits hypothétiques avant de les rechercher dans le cerveau !

Le cerveau n’est pas une masse homogène

Tout processus mental a un module cérébrale qui lui est propre ?

Ex : Qu’est-ce que le système moteur ?

Là où Gall avait raison

Taxonomies modularistes

Jerry Fodor (1983)

Taxonomies associationistes Les facultés psychologiques ne sont pas des formes indépendantes mais des associations d’éléments reliés entre eux par des règles de fonctionnement Ex : La conscience est une propriété d’un traitement et non une entité

Construits hypothétiques : entités invoquées (état, processus ou structures psychologiques) dont la description ne peut être totalement mise en relation avec les données empiriques

Définis à partir des procédures expérimentales qui les mettent à jour

24/03/2014

5

2 - Du signal cérébral à l’image du cerveau  

La nature des neuro-images

Jean Baptiste Joseph Fourier (1768 - 1830), mathématicien et

physicien français, offre des outils mathématiques (séries de Fourier)

essentiel à l’analyse des signaux en imagerie cérébrale comme dans bien

d’autres domaines .

1895 - L'Allemand Wilhelm Röntgen effectue le premier cliché de la main d'Anna Bertha Röntgen (le 22 décembre). La radiologie est née. Comme il ne trouve pas de dénomination adéquate pour ses rayons, Röntgen les baptise « Rayons X ». Découverte qui lui vaudra le premier prix Nobel de physique en 1901.

1937. J.G. Hamilton utilise des isotopes radioactifs à des fins de diagnostic. En 1938, Hamilton utilise pour la première fois l’iode 131 pour une scintigraphie de la thyroïde humaine.

Joseph Larmor (1857-1942) soutient que la matière est constitué de particules élémentaires se déplaçant dans l'éther. Il pense que les charges électriques sont des particules, qu'il nomme électrons dès 1897 année où il écrit « ... les électrons individuels décrivent leurs orbites en un temps plus court que pour le système [au repos] avec un ratio de (1 - v²/c²)1/2 »

1930 Isidor Rabi étudie les propriétés magnétiques des noyaux atomiques et développe des méthodes pour les mesurer. Découvre le phénomène de résonance magnétique nucléaire en 1938 et le mesure par une méthode de jets atomiques. Il a reçu le Prix Nobel de physique en 1944 pour cette découverte fondatrice.

1946 - Edward Mills Purcell (à gauche) et Felix Bloch (à droite) réalisent de manière indépendante les premières mesures du magnétisme nucléaire par induction magnétique, méthode à la base des méthodes actuelles de détection RMN. Ils ont reçu le prix Nobel de physique en 1952.

Le 1er Janvier 1972. Godfrey N. Hounsfield, ingénieur britannique, invente le scanner à rayons X. Il marie, pour la première fois de l'histoire, informatique et rayons X. C'est révolutionnaire

Jean Talairach (1911-2007), médecin psychiatre et neurochirurgien français a contribué de façon importante à la cartographie du cerveau humain. Il est notamment l ' inventeur, avec Pierre Tournoux, d'un système de coordonnées stéréotaxiques tridimensionnel que l'on désigne encore aujourd'hui sous son nom, le référentiel de Talairach.

1973 - On attribue à Paul Lauterbur et Peter Mansfield l’invention de l’Imagerie par Résonance Magnétique, plus communément appelée IRM. Néanmoins, l’idée originale d’utiliser un aimant de forte intensité pour explorer le corps humain avait été énoncée à la fin des années 60 par Raymond Damadian, mathématicien et biophysicien.

1988 - Se i j i Ogawa, chercheur japonais ayant révéler la technique de contraste à partir du signal BOLD

La résonance magnétique nucléaire consiste en l’absorption, par un noyau atomique pourvu d’un spin non nul (généralement e proton), d’un rayonnement électro-magnétique d’une fréquence particulière (temps 3), en la présence d’un champ magnétique. C’est le retour à l’équilibre des spins qui entraîne l’émission d’une onde électro-magnétique mesurable à distance (temps 4), dont les constantes de relaxation (T1 et T2) caractérisent les tissus.

b.

Temps 1: Les champs magnétiques (spin) du noyau d’hydrogène sont orienté de façon aléatoire

Temps 2: Dans un champ magnétique, le spin se comporte comme une aiguille aimantée qui s’oriente dans la direction du champ.

Te m p s 3 : S i o n applique une série d’ondes radio, son orientation bascule

Temps 4: A la fin de c h a c u n e d e c e s impulsions radio, le spin retourne à sa position initiale en émettant une o n d e d e l a m ê m e fréquence que celle qui l’a désorienté. Il entre ainsi en résonance.

a.

Résumé du principe de l’IRM : 1.  Le cerveau est placé dans un champ magnétique intense qui aligne les protons

2. A l’intérieur du champ, les protons oscillent à une fréquence déterminée

3. Emission d’un signal radiofréquence qui perturbe l’alignement des protons 4. A la fin de l’émission, les protons retrouvent l’état de repos en émettant une onde radio mesurable à distance à image anatomique

Le signal BOLD L'IRM fonctionnelle (IRMf) est fondée sur l'observation « en temps réel » des variations de l'oxygénation du sang

L'oxy-hémoglobine (à gauche) n'a aucune influence sur le champ magnétique local contrairement à la désoxy-hémoglobine (à droite).

De l’IRM à l’IRMf

Seiji Ogawa

24/03/2014

6

Pas de localisation possible dans un champ homogène !

Notion de gradients de champs

Dispositif IRMf

Activité cérébrale

Augmentation désoxy-hémoglobine

Augmentation de T2*

Augmentation consommation d’oxygène

Principe de l’IRMf Les traitements

Le couplage neuro-vasculaire ?

Traitement locaux (activité synaptique) / Potentiel d’action

Logothetis, N.K. (2008). What we can do and what we cannot do with fMRI. Nature, 453, 869-878.

24/03/2014

7

Protocoles expérimentaux  

Les protocoles IRMf

Méthode soustractive

Franciscus Cornelis Donders (1818-1889)

Temps de réaction manuelle à une stimulation électrique du pied. Il compare une condition où le sujet sait où la stimulation sera produite (pied droit/gauche) à une condition aléatoire* à Processus de décision supplémentaire dans la seconde condition

à Il observe que l’opération mentale additionnelle allonge le temps de réponse de 67 ms

* Le sujet doit répondre avec la main correspondant au pied stimulé

Naissance de la méthode soustractive

Pré requis de la méthode soustractive

1. Linéarité du système étudié

2. Indépendance (pureté) des processus mentaux

Suppose la linéarité du système

Pureté et indépendance des processus mentaux

A et B ne se recoupe en aucun point sinon :

((A+B)-A) ≠ B

24/03/2014

8

Méthode d’amorçage ou d’adaptation en à l’IRMf

Présupposé : Ce sont les mêmes neurones qui traitent le même stimulus ou le même type d’information à l’instant t et à l’instant t+1 Très délicat pour l’étude de la cognition de haut niveau

Analyse des données IRMf : le moyennage

Principe de moyennage : Pourquoi ?

1,5 tesla : BOLD = 1 à 5% des variations du signal

3 tesla : BOLD = 2 à 10% des variations du signal

Traitements statistiques : seuils et corrections statistiques

Neuro-image =

Représentation graphique d’un résultat statistique

Cartographie statistique

SPM (Statistical Parametric Mapping)

Décision statistique à Seuil alpha

Problèmes : 1.  Diversité des seuils utilisés dans la littérature 2.  Comparaison directe des conditions expérimentales

A > Contrôle et

B = Contrôle

à A > B

Différence de significativité (seuil) ne signifie pas différence significative

Taille de l’effet plus importante en A qu’en B

Différence de variance Solution :

La comparaison directes des trois conditions (A,B,Contrôle)

24/03/2014

9

La correction statistique : pourquoi ?

Comparaisons multiples = risque de faux positifs

20 t de Student = 1 chance de faux positif au seuil de 5%

Nombre de Voxels pour l’ensemble du cerveau :

Entre

10 x 64 x 64 et

30 x 128 x 128

Soit

15 000 et

500 000

1 mm3

et 125 mm3

Test d’hypothèses ou analyses dirigées par les données

Voxel par voxel ou régions d’intérêt (ROIs)

En fonction des pré-traitements et des traitements 4608 combinaisons d’analyses sont possibles à partir d’un même signal d’origine ! Carp, J. (2012). « The secret lives of experiments: Methods reporting in the fMRI literature ». NeuroImage,  63 (1),  289.

Les méthodes directes

24/03/2014

10

Dynamique des réseaux cérébraux

Connectivité en IRMf

Problème du couplage neuro-vasculaire

Modèles de connectivité

En résumé