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LA QUESTION AGRAIRE EN AMERIQUE LATINE TD GEO C02 "Espaces ruraux et sociétés rurales Nord-Sud" / Ludivine Eloy B. Les réformes agraires taille des exploitations en ha en 1996 < 5 5 à 20 21 à 50 51 à 100 101 à 1000 > 1000 Colombie % du nombre % de la superficie 60 4 24 9 7,7 10 4 10 4 37 0,3 30 Pérou % du nombre % de la superficie 77 7 17 9 4 4 1 4 0,9 14 0,1 62 Brésil (1990) % du nombre % de la superficie 39,8 1,2 27,3 4,5 15,6 7,5 7,5 8 8,9 35 0,9 43,8 Mexique % du nombre % de la superficie 55,9 0,6 19,4 1,5 8,9 2 5,3 2,6 8,1 17,2 2,4 76,1 1. En Amérique Latine, l’existence des grands domaines représentait un point commun, mais les relations sociales et les formes d’organisation de l’espace variaient d’un cas à l’autre.[…] Latifundio 1 et populations indigènes En Mésoamérique (Mexique, Guatemala) et dans les Andes […] la population indigène a conservé une certaine maîtrise de l’espace durant l’époque coloniale et jusqu’à l’époque républicaine [...] Les grands domaines nouèrent des liens étroits avec la population indigène. Une partie de celle-ci s’y trouva englobée, alors que les habitants des communautés indigènes indépendantes étaient aussi obligés à leur fournir régulièrement des journées de travail. Les familles qui résidaient dans les grands domaines avaient pour beaucoup d’entre elle accès à l’usufruit de la terre, mais leurs droits étaient limités par un certain nombre de conditions fixées par le propriétaire […]. Les hacendados 2 contrôlaient, à travers l’accès à la terre, non seulement la force de travail mais également une grande partie de l’existence de leurs obligés. Latifundio et main d’œuvre immigrante En Argentine, Chili, Uruguay, le latifundio s’organisa sur la base d’une différentiation sociale forte entre immigrants « riches » et « pauvre », après l’extermination presque totale des populations amérindienne […]. Dans les pays comme El Salvador, le Honduras, le Nicaragua, le Costa Rica, le Brésil ou le Venezuela, la population amérindienne était peu nombreuse et n’a pas été maintenue à l’écart de la population des colons, de telle sorte que rares sont les lieux où elle a développé des formes originales de maîtrise de l’espace […] La constitution de grands domaines a été très facile. […]. En Argentine, au Venezuela et dans le Nord du Mexique, l’occupation de la terre se réalisa à partir de l’élevage extensif autour des points d’eau distribués par la Couronne d’Espagne aux colons [...] En Argentine […], la limite inférieure de la concession d’élevage à des particuliers était fixée à 2500 hectares, et la limite supérieure à 40000 hectares ! […] L’arrivée d’immigrants européens se poursuivaient et se sont eux qui mirent en culture les terres des grandes domaines, auxquels ils étaient liés par des différents types de contrats : fermage, métayage, travail permanent ou temporaire […] Au Brésil, à partir de la seconde moitié des années 1950, la mécanisation permit aux propriétaires de chasser leurs fermiers […] Les grandes plantation : des enclaves fonctionnant sur la base d’une main d’oeuvre permanente A Haiti, Cuba, et sur les côtes du Brésil, Pérou, Colombie, Equateur, Mexique et Guatemala, s’est développé une agriculture de plantation reposant sur une main d’œuvre composée le plus souvent […] d’esclaves africains et de leurs descendants. […] L’emploi d’une abondante main d’œuvre permanente et le fonctionnement en enclave 3 […] caractérise le système des plantations. Certaines haciendas qui au départ utilisaient une main d’œuvre attachée au domaine par divers types de contrats, ont évolué vers ce système à partir du XIX e siècle, en raison des possibilités de concentration du capital et des terres, de la croissance de la demande des marchés mondiaux [sucre, banane, etc.], de la modernisation qui rendait possible et nécessaire l’exploitation directe de grande extensions. Cependant, de vastes parties étaient souvent laissées en réserve : la différence entre grande plantation et latifundio n’est pas toujours très nette. […] Au XXe siècle, la situation très inégalitaire des structures agraires a été aggravée par la croissance de la population qui multiplié le nombre de ruraux en quête d’un moyen d’existence […]. Par ailleurs, la modernisation technologique, les variations des marchés rendent moins nécessaires la présence de réserves de main d’œuvre sur les domaines. Le minifundio 4 , résultat d’un partage des terres inégal, devient d’autant moins viable que les ressources complémentaires (emplois de journaliers, contrats agraires) se font rares. Source : Dureau et al, 2006 ------------------------------- 1 « La définition de latifundio combine le critère de taille importante de la propriété et du caractère peu intensif de l’exploitation agricole ». Il contient souvent avec de grandes surfaces non exploitées). Le propriétaire, qui a son domicile principal en ville, est généralement absent et emploie un gestionnaire pour administrer son domaine. 2 Grand propriétaire terrien. Le grand domaine s’appelle l’hacienda dans l’Amérique hispanophone, et la fazenda au Brésil. 3 La plantation industrielle se distingue de la plantation familiale car elle est « de taille plus vaste, qui esxige de vastes capitaux, souvent étrangers, emploie une importante main d’œuvre salariée, utilise des techniques agronomiques modernes, exporte toute sa production vers des marchés consommateurs ou des industries de transformation estérieurs : elle fonctionne comme une enclave, mais extravertie » (Brunet et al., 1992 : 351). 4 Exploitations dont la taille est insuffisante pour occuper à temps complet la force de travail de la famille, et d’assurer sa consommation alimentaire. Source : Censo agropecuario (Brésil), Statistical Abstract of Latin America (UCLA) 3. Les structures agraires en Amérique Latine 2

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LA QUESTION AGRAIRE EN AMERIQUE LATINE

TD GEO C02 "Espaces ruraux et sociétés rurales Nord-Sud" / Ludivine Eloy �

� B. Les réformes agraires

taille des exploitations

en ha en 1996

< 5 5 à 20 21 à 50 51 à 100 101 à 1000 > 1000

Colombie % du

nombre % de la

superficie

60 4

24 9

7,7 10

4

10

4 37

0,3 30

Pérou % du

nombre % de la

superficie

77 7

17 9

4 4

1 4

0,9 14

0,1 62

Brésil (1990) % du

nombre % de la

superficie

39,8 1,2

27,3 4,5

15,6 7,5

7,5 8

8,9 35

0,9 43,8

Mexique % du

nombre % de la

superficie

55,9 0,6

19,4 1,5

8,9 2

5,3 2,6

8,1

17,2

2,4 76,1

1. En Amérique Latine, l’existence des grands domaines représentait un point commun, mais les relations sociales et les formes d’organisation de l’espace variaient d’un cas à l’autre.[…] Latifundio1 et populations indigènes En Mésoamérique (Mexique, Guatemala) et dans les Andes […] la population indigène a conservé une certaine maîtrise de l’espace durant l’époque coloniale et jusqu’à l’époque républicaine [...] Les grands domaines nouèrent des liens étroits avec la population indigène. Une partie de celle-ci s’y trouva englobée, alors que les habitants des communautés indigènes indépendantes étaient aussi obligés à leur fournir régulièrement des journées de travail. Les familles qui résidaient dans les grands domaines avaient pour beaucoup d’entre elle accès à l’usufruit de la terre, mais leurs droits étaient limités par un certain nombre de conditions fixées par le propriétaire […]. Les hacendados2 contrôlaient, à travers l’accès à la terre, non seulement la force de travail mais également une grande partie de l’existence de leurs obligés. Latifundio et main d’œuvre immigrante En Argentine, Chili, Uruguay, le latifundio s’organisa sur la base d’une différentiation sociale forte entre immigrants « riches » et « pauvre », après l’extermination presque totale des populations amérindienne […]. Dans les pays comme El Salvador, le Honduras, le Nicaragua, le Costa Rica, le Brésil ou le Venezuela, la population amérindienne était peu nombreuse et n’a pas été maintenue à l’écart de la population des colons, de telle sorte que rares sont les lieux où elle a développé des formes originales de maîtrise de l’espace […] La constitution de grands domaines a été très facile. […]. En Argentine, au Venezuela et dans le Nord du Mexique, l’occupation de la terre se réalisa à partir de l’élevage extensif autour des points d’eau distribués par la Couronne d’Espagne aux colons [...] En Argentine […], la limite inférieure de la concession d’élevage à des particuliers était fixée à 2500 hectares, et la limite supérieure à 40000 hectares ! […] L’arrivée d’immigrants européens se poursuivaient et se sont eux qui mirent en culture les terres des grandes domaines, auxquels ils étaient liés par des différents types de contrats : fermage, métayage, travail permanent ou temporaire […] Au Brésil, à partir de la seconde moitié des années 1950, la mécanisation permit aux propriétaires de chasser leurs fermiers […] Les grandes plantation : des enclaves fonctionnant sur la base d’une main d’oeuvre permanente A Haiti, Cuba, et sur les côtes du Brésil, Pérou, Colombie, Equateur, Mexique et Guatemala, s’est développé une agriculture de plantation reposant sur une main d’œuvre composée le plus souvent […] d’esclaves africains et de leurs descendants. […] L’emploi d’une abondante main d’œuvre permanente et le fonctionnement en enclave3 […] caractérise le système des plantations. Certaines haciendas qui au départ utilisaient une main d’œuvre attachée au domaine par divers types de contrats, ont évolué vers ce système à partir du XIX e siècle, en raison des possibilités de concentration du capital et des terres, de la croissance de la demande des marchés mondiaux [sucre, banane, etc.], de la modernisation qui rendait possible et nécessaire l’exploitation directe de grande extensions. Cependant, de vastes parties étaient souvent laissées en réserve : la différence entre grande plantation et latifundio n’est pas toujours très nette. […] Au XXe siècle, la situation très inégalitaire des structures agraires a été aggravée par la croissance de la population qui multiplié le nombre de ruraux en quête d’un moyen d’existence […]. Par ailleurs, la modernisation technologique, les variations des marchés rendent moins nécessaires la présence de réserves de main d’œuvre sur les domaines. Le minifundio4, résultat d’un partage des terres inégal, devient d’autant moins viable que les ressources complémentaires (emplois de journaliers, contrats agraires) se font rares.

Source : Dureau et al, 2006 ------------------------------- 1 « La définition de latifundio combine le critère de taille importante de la propriété et du caractère peu intensif de l’exploitation agricole ». Il contient souvent avec de grandes surfaces non exploitées). Le propriétaire, qui a son domicile principal en ville, est généralement absent et emploie un gestionnaire pour administrer son domaine. 2 Grand propriétaire terrien. Le grand domaine s’appelle l’hacienda dans l’Amérique hispanophone, et la fazenda au Brésil. 3 La plantation industrielle se distingue de la plantation familiale car elle est « de taille plus vaste, qui esxige de vastes capitaux, souvent étrangers, emploie une importante main d’œuvre salariée, utilise des techniques agronomiques modernes, exporte toute sa production vers des marchés consommateurs ou des industries de transformation estérieurs : elle fonctionne comme une enclave, mais extravertie » (Brunet et al., 1992 : 351). 4 Exploitations dont la taille est insuffisante pour occuper à temps complet la force de travail de la famille, et d’assurer sa consommation alimentaire.

Source : Censo agropecuario (Brésil), Statistical Abstract of Latin America (UCLA)�

3. Les structures agraires en Amérique Latine

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4. Les tensions issues de la situation agraire se multiplièrent au cours du XXe siècle […]. Il y eu finalement peu de véritables réformes agraires, si on conserve la notion au sens strict de « redistribution foncière qui remet en cause la propriété du sol agricole » (Bret, 2002 : 109). [...] Les positions idéologiques qui s’affrontaient en Amérique latine […] aboutirent à trois types de réformes : les redistributions amples et radicales, opérées soit par des gouvernement démocratiques […] soit par des Etats autoritaires et modernisateurs ; des redistributions limitées, effectuées avec l’accord des grands propriétaires ; des mesures qui consistaient à attribuer des terres considérées comme « vides ». Les réformes radicales Au Guatemala, le gouvernement de Jacob Arbenz, élu en 1951, organisa une réforme assez efficace : 17% des terres privées furent expropriées et près de 20% des paysans manquant de terre en reçurent, même si seuls les domaines les plus étendus étaient soumis à expropriation […] La United Fruit Company perdit 70% de ses […] 200000 hectares, la plupart consistant en terres mises en réserves. Cependant […] les Etats-Unis financèrent le renversement d’Arbenz. Commença alors une répression très dure, avec des milliers d’arrestations. Les bénéficiaires de la réforme furent expulsés si besoin par la force et les terres rendues à leurs propriétaires antérieurs. Quelques terres restées publiques furent cependant distribuées […] mais la quantités des familles sans terre continua d’augmenter. S’ensuivit une période de guerre civile, entre guerilla et escadrons de la mort liés aux militaires, avec des milliers de morts jusqu’aux années 1980. Au Mexique […] entre 1917 et 1992 […] on constitua des coopératives ou ejidos collectifs, sans individualisation des dotations de terres et avec une organisation du travail et une gestion des facteurs de production à l’échelle de l’ensemble de l’ejido. Les réformes basées sur la bonne volonté des propriétaires, limitées aux espaces marginaux En Equateur, la modernisation des haciendas les plus dynamiques, spécialisées dans la production de lait pour la demande urbaine […] entraîna un premier mouvement de cession de terres aux serfs ou huasipungos […] La loi de la réforme agraire de 1964 se centra sur l’élimination des formes de servage et le transfert des propriétés de l’Etat et de l’Eglise. En 1973, une nouvelle loi de réforme agraire étendit les expropriations aux domaines insuffisamment cultivées […]. La réforme s’appliqua surtout dans la Cordillère, où les paysans reçurent essentiellement des terres d’altitude, sensibles à l’érosion et parfois peu fertiles. Les solutions consistant à attribuer des terres « vides » Une option souvent employée pour éviter l’aggravation des affrontements entre petits exploitants et latifundio, sans pour autant toucher aux intérêts des propriétaires terriens, fut d’attribuer des terres réputées vides aux familles en manquant […] Au Brésil, […] c’est ainsi l’Amazonie et ses populations qui supportent les conséquences de ces « fausses » réformes agraires.[…] Dans d’autres régions d’Amérique Latine, se sont également les forêts tropicales qui serviront de terres de colonisation pour les paysanneries, comme par exemple dans le cas du Honduras.

Source : Dureau et al, 2006

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6. UN BILAN MITIGE Ces diverses réformes et évolutions n’ont pas éliminé le minifundio. Au Brésil, plus d’un tiers des exploitations, soit plus de 1,7 million, font moins de 5 hectares, alors que les plus grandes en disposent de dizaines de milliers, et concentrent plus de la moitié des superficies exploitées. En Equateur et au Pérou, plus de deux tiers des exploitations sont petites ou très petites, mais la grande propriété privée est moins puissante : les grandes exploitations équatoriennes de plus de 500 hectares utilisent « seulement » 27% des superficies. Au Pérou, ce sont surtout les « communautés paysannes » et les « communautés natives » qui sont propriétaires des grandes unités d’exploitation recensées. […] Dans certains pays ou régions, les réformes agraires s’accompagnent d’une libération des populations et d’une disparition des formes spatiales caractéristiques de la domination. Dans d’autres cas, le contrôle de l’Etat remplace celui des grands propriétaires ; ou bien encore, une opposition s’établit entre l’espace des grandes propriétés et celui de la petite exploitation familiale […] La démocratisation de la société n’aurait dont été elle-même que limitée, même s’il faut souligner que la disparition des haciendas, là où elle a eu lieu, a supprimé les formes les plus brutales de contrôle de populations entières par un seul maître tout-puissant. Les politiques économiques suivies parallèlement ne favorisèrent pas les producteurs agricoles. La croissance démographique soutenue de la deuxième moitié du XXe siècle entraîna presque partout l’accentuation du phénomène de minifundio, malgré les redistributions.

Source : Dureau et al, 2006

7. Structures foncières et développement Le principe de construction de ce modèle graphique [Voir Figure 8] est de représenter à l'intérieur d'un hypothétique finage la situation foncière et le système d'exploitation (ce sont les modèles qui figurent dans les carrés), et de distinguer les passages possibles d'une situation à l'autre (les flèches entre les carrés) […]. Il existe donc au moins deux entrées au système, celle des communautés indigènes dominées par le système colonial, et celle des immigrants porteurs de modèles européens d'agriculture familiale, reconstruits vaille que vaille aux Amériques. L'une des entrées possibles dans le système (en haut de la figure) est la plus ancienne, celle des communautés précolombiennes, spoliées par les colonisateurs ibériques: la situation du domaine colonial est au centre du modèle, à la fois parce qu'elle est fréquente et parce que diverses possibilités s'ouvrent quand il cède la place, librement ou sous la contrainte. L'une est la mise en métayage ou le partage partiel, qui fait évoluer le système vers le type européen, au pôle opposé (en bas de la figure) : cette évolution est possible, mais peu fréquente, sauf revers de fortune du propriétaire ou volonté d'intensifier l'exploitation du cœur du domaine.

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9. Ces dernières années, le modèle de développement généralement adopté, qui consiste à s'appuyer sur les forces du marché, a été élargi au régime foncier. La réforme agraire basée sur le marché, orientation désormais retenue par plusieurs gouvernements et appuyée par les banques de développement, est considérée comme plus rapide, moins coûteuse et moins conflictuelle que les réformes agraires traditionnelles. L'objectif de cette nouvelle réforme est d'intervenir sur le marché foncier pour aider les pauvres ruraux à obtenir accès à la terre. Ses principes fondamentaux sont que les transferts doivent être volontaires et viser les terres souhaitées par les bénéficiaires, le gouvernement jouant un rôle de médiateur dans la négociation entre acheteurs et vendeurs. Par conséquent, ces politiques excluent l'expropriation et s'appuient sur des impôts progressifs visant à inciter les propriétaires de grands domaines inexploités à vendre leurs terres. Il ne s'agit pas de redistribuer la terre mais plutôt de combiner des mécanismes de cession et de financement. Outre le Brésil, deux autres pays d'Amérique latine (la Colombie et le Guatemala) ont lancé une politique de réforme agraire basée sur le marché.

Source : http://www.fao.org/docrep/003/x9800f/x9800f10.htm

10. Au Brésil, le gouvernement développe une politique d’assentamentos [colonies agricoles] pour répondre au processus d’organisation des divers mouvements sociaux qui sont en lutte pour la terre. […] À l’exception de l’Amazonie, où l’INCRA (Institut national de la réforme agraire) a régularisé quelques zones de possession, dans les autres régions le gouvernement a négocié avec les mouvements sociaux qui pratiquent l’occupation de terre. Ces dernières années, le gouvernement a compté sur la Banque Mondiale pour développer le programme Cédula da Terra et la création de la Banque des Terres (Banco da Terra), deux formes institutionnelles d’une réforme agraire qui se soumet aux lois du marché. Dans les cinq états brésiliens où le Cédula da Terra a été implantée, les prix payés aux fermiers étaient toujours sur valorisés et les terres acquises étaient les plus mauvaises. Les travailleurs ruraux se sont vus obligés de créer des associations hiérarchisées, et celles-ci dépendaient encore plus des oligarchies locales ; l’endettement des paysans est très sérieux et l’on envisage leurs faillites dans quelques années. Ainsi, ces deux programmes assurés par un milliard de dollars de la Banque Mondiale feront augmenter encore plus la pauvreté dans les milieux ruraux brésiliens. Sources : http://www.cetim.ch/fr et Fernandes, B. (1999).

14. En 1985, un an après sa création, le Mouvement Sans Terre avait organisé 35 occupations de terre et mobilisait un peu plus de 10,000 familles. Dix ans plus tard, 146 occupations étaient en place, et plus de 40,000 familles. Aujourd'hui on estime que plus de 100,000 familles (soit environ 500,000 personnes) participent au Mouvement. Mais cette grande victoire n'a pas été conquise sans sacrifice puisque depuis 1964, plus de 1,600 travailleurs ruraux ont été assassinés. Source : http://www.forumdesalternatives.org

7. SUITE. Dans ce dernier cas, il est fréquent que le processus concerne l'ensemble du domaine et se traduise par l'expulsion ou la marginalisation des dépendants, ouvriers agricoles ou colons. C'est alors le passage, fréquent, vers le pôle capitaliste (à droite du modèle). Une forme atténuée peut même en être trouvée […] dans la concentration, en cours, des petites propriétés, notamment celles des descendants des colons européens, dans les rares régions où s'était développé ce système. Presque partout l'intensification et la progression des cultures commerciales permises par le désenclavement amènent la concentration et l'exode rural. L'autre voie d'évolution, à l'opposé (à gauche du schéma), est celle de la collectivisation. Elle est plus rarement réalisée, car liée aux révolutions (Mexique, Cuba) ou aux grandes réformes agraires, dont la plupart ont été remises en cause.

Source : Théry, H (1988)

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Figure 11 et 12 : le mouvement des sans Terres et l’occupation des latifundia au Brésil

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REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES DUREAU F., GOUËSET V, MESCLIER E. (EDS.). (2006). Géographies de l'Amérique latine. Rennes : Presses Universitaires de Rennes. FERNANDES, B. M. (1999). Brésil : Quelle Réforme Agraire?. http://www.sedos.org/french/Fernandes.html THERY, H. (1988). Un modèle d'évolution des structures agraires. Mappemonde, 12 :44-45.