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Page 1 sur 25 FGSM2 - Formation Générale aux Soins Médicaux de niveau 2 MEDLIB0403 – Physiopathologie des maladies hématologiques Pr. DELMER S4 – 01/02/2021 CLARENNE Mathias & KUSNIERZ Nolan Cours N°2 : Définition et physiopathologie des syndromes lymphoprolifératifs I) Généralités sur les syndromes lymphoprolifératifs Nous allons parler de maladies appelées hémopathies lymphoïdes malignes qui sont divisées en 3 grandes catégories : -Lymphomes non Hodgkiniens dont il existe des catégories de lymphomes B, de lymphomes T (les lymphomes B étant très majoritaires par rapport aux lymphomes T). -Lymphomes Hodgkiniens que l’on a appelés pendant des années maladie de Hodgkin et aujourd’hui appelés lymphomes Hodgkiniens ou lymphomes de Hodgkin car cela fait quelques années que l’on a pu mettre en évidence que les cellules tumorales étaient d’origine lymphoïde. -Syndromes lymphoprolifératifs chroniques (SLPC) (B ou T) dont le chef de file est la leucémie lymphoïde chronique (SLPC B) mais il en existe d’autres plus ou moins proches. 1) Définition -Les lymphomes sont des maladies clonales et malignes dérivées des lymphocytes B ou des lymphocytes T. Pour chacun de ces lymphomes dont il existe un très grand nombre de catégories, il a été possible d’établir un lien entre le profil phénotypique de la prolifération tumorale et le stade de différenciation lymphoïde. -Ces lymphomes sont des proliférations responsables de tumeurs au niveau des organes lymphoïdes (notamment au niveau ganglionnaire) mais également au niveau de tissus non-lymphoïdes (par exemple des lymphomes de l’estomac, alors qu’il y a très peu de lymphocytes à ce niveau avec la possibilité d’acquérir du tissu lymphoïde au niveau de l’estomac). -Il a été possible de définir un certain nombre de données anatomo-cliniques avec chacune leurs données morphologiques (au microscope), phénotypiques (en immunohistochimie), cytogénétiques et moléculaires. Cela représente la base de la classification actuelle. Grâce à ces données biologiques, on peut mettre en évidence un profil évolutif qui n’est pas tout à fait le même d’une maladie à l’autre, à la fois sur la présentation initiale, mais aussi sur l’histoire naturelle, l’évolution sous traitements, le pronostic et l’espérance de survie.

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FGSM2 - Formation Générale aux Soins Médicaux de niveau 2 MEDLIB0403 – Physiopathologie des maladies hématologiques Pr. DELMER S4 – 01/02/2021 CLARENNE Mathias & KUSNIERZ Nolan

Cours N°2 : Définition et physiopathologie des syndromes lymphoprolifératifs

I) Généralités sur les syndromes lymphoprolifératifs Nous allons parler de maladies appelées hémopathies lymphoïdes malignes qui sont divisées en 3 grandes catégories : -Lymphomes non Hodgkiniens dont il existe des catégories de lymphomes B, de lymphomes T (les lymphomes B étant très majoritaires par rapport aux lymphomes T). -Lymphomes Hodgkiniens que l’on a appelés pendant des années maladie de Hodgkin et aujourd’hui appelés lymphomes Hodgkiniens ou lymphomes de Hodgkin car cela fait quelques années que l’on a pu mettre en évidence que les cellules tumorales étaient d’origine lymphoïde. -Syndromes lymphoprolifératifs chroniques (SLPC) (B ou T) dont le chef de file est la leucémie lymphoïde chronique (SLPC B) mais il en existe d’autres plus ou moins proches.

1) Définition -Les lymphomes sont des maladies clonales et malignes dérivées des lymphocytes B ou des lymphocytes T. Pour chacun de ces lymphomes dont il existe un très grand nombre de catégories, il a été possible d’établir un lien entre le profil phénotypique de la prolifération tumorale et le stade de différenciation lymphoïde. -Ces lymphomes sont des proliférations responsables de tumeurs au niveau des organes lymphoïdes (notamment au niveau ganglionnaire) mais également au niveau de tissus non-lymphoïdes (par exemple des lymphomes de l’estomac, alors qu’il y a très peu de lymphocytes à ce niveau avec la possibilité d’acquérir du tissu lymphoïde au niveau de l’estomac). -Il a été possible de définir un certain nombre de données anatomo-cliniques avec chacune leurs données morphologiques (au microscope), phénotypiques (en immunohistochimie), cytogénétiques et moléculaires. Cela représente la base de la classification actuelle. Grâce à ces données biologiques, on peut mettre en évidence un profil évolutif qui n’est pas tout à fait le même d’une maladie à l’autre, à la fois sur la présentation initiale, mais aussi sur l’histoire naturelle, l’évolution sous traitements, le pronostic et l’espérance de survie.

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2) Incidence des hémopathies malignes

-Lymphome de Hodgkin : on a environ 2 000 nouveaux cas par an en France. C’est une maladie qui touche surtout les sujets jeunes avec un âge médian au diagnostic de 35 ans et une forte prédominance masculine. -Lymphomes non Hodgkiniens : -Lymphome diffus à grandes cellules B : c’est la catégorie la plus fréquente avec 5 000 à 5 200 nouveaux cas par an, là encore avec une prédominance masculine, mais avec un âge médian au diagnostic de 70 ans. -Lymphome folliculaire : 2ème catégorie la plus fréquente en France et en Europe avec 3 000 nouveaux cas par an.

Les hémopathies malignes représentent une minorité des cancers en général. Parmi les hémopathies malignes représentées, les lymphomes non Hodgkiniens viennent en tête et représentent le 6ème rang des cancers en termes de fréquence (après les cancers du sein, de la prostate, du colon, du poumon et de la sphère ORL).

Les lymphomes non Hodgkiniens (toutes catégories confondues) ont une incidence de 12/100 000 habitants par an. Pour le lymphome Hodgkinien, c’est beaucoup moins entre 2,5 et 3 nouveaux cas pour 100 000 habitants par an. Enfin, on est entre 3 et 4/100 000 pour la leucémie lymphoïde chronique. D’autres maladies comme les syndromes myéloprolifératifs avec la leucémie myéloïde chronique ou la polyglobulie sont beaucoup moins fréquentes avec 1 à 2/100 000.

Ces chiffres ont été publiés par l’INCa en 2019 et représentent l’incidence des différentes hémopathies lymphoïdes en France.

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Les autres sont moins fréquentes et comme vu précédemment, on remarque bien que les lymphomes B (B à grandes cellules, folliculaires, zone marginale, …) sont beaucoup plus fréquents que les lymphomes T avec moins de 2 000 nouveaux cas par an. Enfin, il y a une autre maladie qu’on appelle le myélome (en vert sur la diapo) qui est aussi une maladie très fréquente dont l’incidence augmente régulièrement depuis plusieurs années.

3) Catégories de lymphomes -Lymphomes Hodgkiniens (maladie de Hodgkin) : beaucoup moins fréquents que les non Hodgkiniens avec une forme classique qui représente 95% des cas et une forme tout à fait particulière avec un profil phénotypique des cellules tumorales différent qui représente une minorité des cas, mais avec un certain nombre de caractères distinctifs sur le plan clinique et thérapeutique. -Lymphomes non Hodgkiniens : - Lymphome B diffus à grandes cellules, le plus fréquent (30-40%) - Lymphome folliculaire (25-30%) - Lymphome de la zone marginale (10-15%) - Lymphome à cellules du manteau (8%) - Lymphomes T périphériques (8-12%) Ces dénominations font référence à la zone du ganglion lymphatique (centre germinatif, follicule lymphoïde). Ainsi, les lymphomes folliculaires et beaucoup de lymphomes B diffus à grandes cellules sont issus du centre germinatif, alors que les cellules tumorales des lymphomes de la zone du manteau (=à cellules du manteau) sont issues de la couronne qui entoure le follicule lymphoïde (qui s’appelle le manteau).

4) Lymphomes non Hodgkiniens : Historique de la classification (Le prof spécifie qu’il n’est pas nécessaire de retenir les classifications SAUF à partir de 5.1) Jusque dans les années 1960, la classification était simple, celle-ci reposait sur l’observation microscopique de 2 éléments : -L’architecture ganglionnaire (au faible grossissement) avec soit : - une infiltration diffuse du tissu ganglionnaire - une infiltration avec des plages nodulaires -La taille des cellules (au fort grossissement) : - grandes cellules - petites cellules

-Leucémie aigue myéloïde : 3 000 à 3 500 nouveaux cas -Les syndromes myéloprolifératifs chroniques (LMC, PV, TE, MF) sont moins fréquents que les lymphomes.

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On pouvait ainsi décrire des lymphomes diffus à grandes cellules, des lymphomes nodulaires à petites cellules (qui correspondent plus ou moins aux lymphomes folliculaires d’aujourd’hui). Le problème de cette classification se posait lorsque l’on observait des lymphomes nodulaires et diffus à petites et grandes cellules.

Par la suite, de nombreuses classifications ont été proposées pour aboutir à celle qui est utilisée actuellement : la classification OMS de 2016 (qui est la référence actuelle pour toutes les hémopathies, pas uniquement les hémopathies lymphoïdes). Cette classification est un « gros bouquin » dans lequel sont répertoriés les différentes catégories de lymphomes, les plus connus, mais également ceux qui ne sont pas encore parfaitement maîtrisés (notamment au niveau biologique) qui sont alors regroupés dans la catégorie « provisoire ».

5) Lymphomes non Hodgkiniens : Classification OMS 2016

-Lymphomes B : Parmi les plus importants, on retrouve la leucémie lymphoïde chronique (LLC) qui est une pathologie lymphoïde avec un passage sanguin constant et des ganglions qui ne sont pas systématiquement hypertrophiés. Lorsque l’on fait une biopsie ganglionnaire dans une LLC (ce qui n’est pas nécessaire pour le diagnostic) on retrouve un aspect particulier d’infiltration avec des petits lymphocytes avec un profil d’expression des antigènes de surface qui est équivalent à ce que l’on retrouve sur les lymphocytes qui circulent. On parle alors de lymphomes lymphocytiques.

En haut à gauche : un ganglion lymphatique complétement infiltré avec un aspect diffus En haut à droite : la prolifération tumorale décrit des nodules de tailles variables

Sont représentées les différentes catégories de lymphomes non Hodgkiniens dans cette classification avec sur la gauche les lymphomes B qui représentent 85% des lymphomes et sur la droite les lymphomes T qui représentent 15% des lymphomes.

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On a ensuite le lymphome à cellules du manteau, le lymphome diffus à grandes cellules, le lymphome folliculaire, le lymphome des zones marginales. Le lymphome de Burkitt qui est une minorité, mais qui est le lymphome le plus fréquent chez les enfants. Lymphomes T : On distingue des formes leucémiques avec un passage sanguin prédominant dans la présentation clinique, des lymphomes cutanés, ganglionnaires, extra-ganglionnaires (tube digestif, sphère ORL).

5.1) Lymphomes B Parmi les lymphomes B, on distingue ceux matures d’une part, et des proliférations lymphoïdes B immatures (qui correspondent à la leucémie aigüe lymphoblastique) d’autre part. Au sein des lymphomes B matures, on distingue ceux à grandes cellules dits agressifs dont, les lymphomes B diffus à grandes cellules et le lymphome de Burkitt, qui comprennent un certain nombre de sous-catégories. Récemment grâce au développement des techniques de cytogénétiques, de biologie moléculaire, … on a pu identifier une catégorie de lymphomes qui était intermédiaire entre le lymphome de Burkitt et le lymphome B diffus à grandes cellules, caractérisés par des réarrangements doubles ou triples portant sur des gènes d’intérêts (gène MYC, Bcl2, Bcl6). Ces lymphomes sont appelés lymphomes B de haut grade.

Ce diagramme montre le fait que les lymphomes B à grandes cellules peuvent avoir des morphologies variables avec des formes très jeunes dites blastoïdes et d’autres moins jeunes. Lorsque l’on combine ces données morphologiques avec les données immunohistochimiques, cytogénétiques, phénotypique, de biologie moléculaire, on obtient des :

- Lymphomes B à grandes cellules sans autres spécifications (NOS) dans la majorité des cas

- Lymphomes qui initialement auraient pu être classés dans la catégorie des lymphomes B diffus à grandes cellules, voire dans la catégorie Burkitt, mais qui, parce qu’ils ont des réarrangements de myc, bcl2, bcl6 ou des anomalies, se retrouvent classés dans les lymphomes de haut grade avec double ou triple hit cytogénétiques.

Note : Double hit = mutation myc + bcl2 / Triple hit = mutation myc + bcl2 + bcl6

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5.2) Lymphomes T Du côté des lymphomes T, ils sont minoritaires mais ils contiennent quasiment autant de sous-catégories que les lymphomes B. Ce qu’il faut retenir pour ces lymphomes T, c’est que l’on a des formes : - Leucémiques - Cutanées : une grande partie des lymphomes de présentation cutanée primitive sont de phénotype T - Extra-ganglionnaires : beaucoup plus rares (formes digestives, sphère ORL) - Ganglionnaires : qui représentent 50% des lymphomes T.

5.3) Lymphome de Hodgkin On distingue 2 formes : -La forme classique (95%) avec plusieurs aspects décrits depuis une cinquantaine d’années (formes avec scléroses nodulaires, formes classiques à cellularité mixte, formes classiques avec déplétions lymphocytaires). Ces différents aspects ne changent pas grand-chose au niveau pronostic et thérapeutique. -La forme avec une prédominance lymphocytaire nodulaire appelée « Poppemma » ou encore « paragranulome nodulaire Hodgkinien de Poppema » qui est minoritaire.

6) Profil évolutif des lymphomes non Hodgkiniens

Quand on parle de lymphomes, on utilise les termes de lymphomes de « faible malignité » (indolent) ou de « forte malignité » (agressif). Cette notion fait référence à leur profil évolutif plus qu’à leur aspect histopathologique. En observant les courbes, on remarque qu’il y a quelques années les lymphomes agressifs (en bleu) se comportaient très mal très vite, avec une médiane de survie qui dépassait rarement 1 an. Cependant, un certain nombre de malades étaient soignés par les chimiothérapies de l’époque (une minorité mais qui explique le plateau). Aujourd’hui, avec l’amélioration des chimiothérapies, on se retrouve avec un bon nombre de malades qui peuvent espérer guérir du lymphome. Le profil reste similaire avec des rechutes qui si elles surviennent se produisent alors dans les 3 premières années après la fin du traitement. L’exemple typique de lymphome agressif est le lymphome B diffus à grandes cellules. À l’opposé, on trouve les lymphomes B à petites cellules, notamment le lymphome folliculaire, qui sont beaucoup moins agressifs dits de « faible malignité » (en rouge) dans un 1er temps, qui sont souvent sensibles aux traitements sans qu’on parvienne pour autant à éradiquer la maladie. Ce sont donc des maladies qui vont rechuter au bout d’un certain temps (après 1,2,3…6 ans parfois plus) sans jamais que les courbes de survie ne décrivent un plateau (un plateau signifiant espoir de guérison et d’éradication de la maladie). Ces lymphomes indolents peuvent se transformer en lymphomes agressifs ce qui aggrave le pronostic.

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II) Lymphomes : Présentation clinique

Les lymphomes donnent des tumeurs qui peuvent se situer dans les tissus lymphoïdes, notamment les ganglions. Sur le plan clinique, ces lymphomes peuvent se caractériser par des adénopathies : superficielles ou profondes, de tailles variables, symétriques (lymphomes B à petites cellules comme les lymphomes folliculaires) ou asymétriques (lymphomes agressifs et lymphomes T), souvent peu douloureuses. Ces lymphomes peuvent s’associer à des manifestations générales appelées signes généraux ou signes B qui sont non spécifiques du lymphome, que l’on retrouve dans les maladies actives : fièvre qui dure sans explication infectieuse, un amaigrissement : + de 10% du poids de référence et des sueurs nocturnes. Ces signes peuvent se voir dans les lymphomes Hodgkiniens avec une signification pronostic et dans les lymphomes B à grandes cellules avec une signification pronostic moindre. Comme toutes tumeurs, si elle est mal classée ou classée volumineuse, elle peut s’accompagner de troubles compressifs sur le médiastin s’il s’agit d’un lymphome médiastinal avec une dyspnée, un essoufflement, une toux. D’un œdème des membres inférieurs s’il s’agit d’une grosse masse inguinale ou d’un lymphome rétropéritonéal qui comprime la veine cave inférieure ou encore des troubles compressifs neurologiques en fonction de la localisation de la masse.

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Certains lymphomes sont caractérisés par une grosse rate sans signes associés avec un passage leucémique (= passage sanguin) de cellules lymphomateuses qui ont les mêmes caractéristiques que les cellules lymphomateuses qui sont dans le tissu avec une infiltration lymphoïde de la moelle osseuse : c’est le lymphome splénique. Ces lymphomes peuvent s’accompagner d’un certain nombre de manifestations hématologiques et notamment des cytopénies (anémie, thrombopénie soit par infiltration médullaire soit par séquestration splénique) ainsi qu’un passage sanguin (ou « passage leucémique »), notamment dans le lymphome B à petites cellules ou encore des manifestations digestives. On observe également des manifestations paranéoplasiques tel que le prurit notamment dans le lymphome de Hodgkin. Ce prurit peut être présent chez les patients qui se grattent pendant plusieurs mois, plusieurs années en allant consulter dermatologues, allergologues, … sans rien déceler, avant qu’une adénopathie superficielle ne permette d’arriver au diagnostic de lymphome de Hodgkin ou qu’un radiologue est la bonne idée de réaliser une radiologie médiastinale montrant une volumineuse masse médiastinale. À peu près tous les organes peuvent développer des lymphomes. Sous forme de nodules, de plaques, d’une érythrodermie, d’une atteinte de la conjonctive si un lymphome cutané cité précédemment est présent dans les annexes de l’œil. Il peut y avoir des manifestations neurologiques, le lymphome peut atteindre le système nerveux central soit en cas de lymphomes primitifs du système nerveux central, soit lors de localisations secondaires pour des lymphomes précédemment connus.

Ce tableau n’est pas à apprendre par cœur

Il existe de nombreux lymphomes extra-ganglionnaires qui peuvent toucher de très nombreux tissus (appareil digestif, cerveau, poumons, colon, peau, œil, testiculaires, …). Dans ce cas, il faudra veiller à ne pas se tromper entre un lymphome pulmonaire et un cancer des cellules pulmonaires (adénocarcinome pulmonaire ou cancer épidermoïde) car le traitement du lymphome repose sur le type des cellules qui infiltrent l’organe et non pas sur les cellules de l’organe à proprement parler. Ainsi, pour parler d’une maladie des lymphocytes au niveau pulmonaire, on parlera de lymphomes pulmonaires et pas de cancer du poumon.

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Remarque 1 : le lymphome de la zone marginale de type MALT est un lymphome à petites cellules. Remarque 2 : le lymphome à cellules du manteau diffuse dans tout le tube digestif (de l’estomac au rectum) et est caractérisé par la présence de polypes qui n’ont rien avoir avec les polypes du colon d’où le nom de « polypose lymphomateuse » (la biopsie permet de faire le diagnostic). Remarque 3 : les lymphomes de Burkitt ont une préférence pour la jonction iléo-sécale alors que folliculaires sont rares au niveau digestif à part une forme particulière rare localisée au deuxième duodénum et sont des formes qui restent stables pendant plusieurs années sans traitements.

Sur la gauche de ce schéma, au niveau de la moelle, on retrouve les proliférations lymphoïdes immatures.

Ici, on s’intéresse aux lymphomes non Hodgkiniens digestifs, et on remarque que selon la localisation au niveau du tractus digestif et donc selon le type histologique retrouvé, les lymphomes seront différents. Le message est que l’on ne va pas traiter les patients sur le fait qu’ils ont un lymphome digestif, mais en fonction du type histologique du lymphome.

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Sur la droite, on trouve les proliférations lymphoïdes matures avec le centre germinatif, la zone du manteau, la zone marginale. Pour chacun de ces lymphomes, sont indiquées les différentes mutations des gènes importants impliqués dans la lymphomagenèse. ALL = leucémie aigüe lymphoblastique

III) Syndromes lymphoprolifératifs

Si chez l’adulte on observe une hyperlymphocytose, il faut suspecter un syndrome lymphoprolifératif (hémopathie maligne des lymphocytes) qui peut toucher la lignée T ou la lignée B. Il faut faire attention aux causes d’hyperlymphocytoses non malignes beaucoup moins fréquentes que chez les enfants qui physiologiquement possèdent un taux de lymphocytes plus élevé que chez l’adulte.

1) Syndromes lymphoprolifératifs chroniques B Les syndromes lymphoprolifératifs chroniques B (SLPC B) sont des proliférations monoclonales malignes de cellules lymphoïdes B matures avec comme caractéristique commune un passage sanguin de cellules lymphoïdes anormales soit sur le plan morphologique, soit sur le plan phénotypique. *Prolifération=malin : attention différence avec malignité clinique*

La présentation clinique de ces SLPC B est caractérisée par : - Hyperlymphocytose +/- importante avec parfois des lymphocytes atypiques sans hyperlymphocytose vraie (lymphocytes qui n’excèdent pas 4 Giga/L) - +/- Adénopathies superficielles (souvent symétriques) et profondes - +/- Splénomégalie - +/- Cytopénie (anémie, thrombopénie) soit par hypersplénisme, soit par infiltration médullaire - +/- Gammapathie monoclonale Les différents SLPC B sont mentionnés dans le tableau ci-dessus, avec en chef de file, la leucémie lymphoïde chronique et ensuite, on a d’autres formes qui sont beaucoup plus rares comme la leucémie prolymphocytaire B. Au moins au départ la présentation clinique est focalisée sur le passage sanguin de cellules lymphomateuses.

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2) Diagnostic des SLPC Le diagnostic repose d’abord sur l’étude morphologique (cytologique : frotti sanguin) des cellules lymphoïdes circulantes à partir de frottis sanguins. Observe-t-on des cellules normales ? Des cellules avec des anomalies nucléaires ou cytoplasmiques ? Ensuite, on réalise une étude des populations lymphocytaires (très facile à réaliser) par cytométrie en flux pour obtenir le profil immunophénotypique de ces lymphocytes sanguins. Il est également possible de s’aider de la cytogénétique ainsi que de la biologie moléculaire. Attention : dans un SLPC, on ne va pas se précipiter sur la moelle car les cellules sont dans le sang. Il faut donc voir à quoi correspondent ces cellules sanguines et seulement ensuite et si nécessaire, on peut faire des examens un peu plus profonds comme une biopsie ganglionnaire voire une biopsie ostéo-médullaire s’il s’agit d’une pathologie qui n’est pas une leucémie lymphoïde chronique (LLC). Une LLC ne requiert JAMAIS la réalisation d’une moelle (ni myélogramme, ni biopsie ostéo-médullaire) pour en faire le diagnostic.

1ère étape : analyse des cellules circulantes sur un frottis 4sanguin

En bas à gauche : un lymphome folliculaire avec des cellules caractérisées par des noyaux en « grains de café » En bas à droite : un lymphome à cellules du manteau qui ont des morphologies variables, mais avec souvent un noyau incisé.

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2ème étape : analyse phénotypique par cytométrie en flux

Voici des graphes de cytométrie en flux chez un homme qui a une hyperlymphocytose avec des ombres nucléaires visible sur son frottis sanguin dites « ombres de gumprecht ». Le profil phénotypique montre que l’on a à faire à des lymphocytes B CD19+ qui coexprime CD5 avec un monotype lambda. Ces cellules B CD5+ exprime faiblement CD22, faiblement FMC7 et le CD20 et le CD79b relativement faiblement également. Une fois ces graphes obtenus, on obtient des scores qui permettent de faire un diagnostic (ou de l’appréhender).

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Sur le tableau ci-dessus, on remarque qu’on a plein d’anticorps à tester. La ligne du haut correspond à la LLC B, on retrouve le profil avec l’expression du CD5, du CD23 avec une faible expression des immunoglobulines de surface. L’expression du CD5 n’est pas limitée à la LLC. En effet, on la retrouve également dans les lymphomes B à cellules du manteau, mais dans ce cas le score RMH est beaucoup plus faible. Le CD10 est observé dans les lymphomes folliculaires. Dans la leucémie à tricholeucocytes, on a le CD11c, le CD25, le CD103 et le CD123. Pour un profil donné, l’expression d’un marqueur n’est pas pathognomonique et donc n’est pas caractéristique d’une sous-population de SLPC, cependant en couplant cette étude phénotypique avec l’étude morphologique, on arrive à orienter notre diagnostic dans une grande majorité des cas. Les doutes qui subsistent sont levés par des études complémentaires de cytogénétique et de biologie moléculaire.

IV) Lymphomes non Hodgkiniens Ci-contre, sont représentés les différents facteurs prédisposants à la survenue de lymphomes.

-Le syndrome de Sjogren prédispose au développement de lymphomes au niveau de la sphère ORL touchant notamment les ganglions cervicaux. -La maladie cœliaque est un facteur étiologique de lymphomes T du tube digestif -Plus grande fréquence de lymphomes chez les enfants atteints de déficits immunitaires congénitaux. - Le déficit immunitaire (acquis ou congénital) est important dans la prédisposition aux lymphomes, notamment avec transplantations d’organes ou patients sous immunosuppresseurs pour des maladies annexes.

Certains agents bactériens comme Helicobacter pylori sont responsables de la survenue de lymphomes issus du tissu lymphoïde annexé aux muqueuses, on parle alors de lymphomes MALT. Expositions aux pesticides, organo-phosphorés etc sont des facteurs environnementaux importants dans la survenue de lymphomes. Aucun lien n’a été établi entre la consommation de tabac et la survenue de lymphomes.

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1) Lymphomagenèse

Ce modèle s’applique particulièrement aux lymphomes de la zone marginale de type MALT dont on vient de parler avec helicobacter pylori, mais correspond également au schéma général de la cancérogenèse. Il n’y a pas 1 anomalie = 1 tumeur, il faut certains paramètres associés qui aboutissent par le biais d’un certain nombre d’étapes successives à la survenue du lymphome. Si on prend le lymphome MALT ou lymphome de Burkitt : On part d’un tissu lymphoïde normal, qui va subir des stimulations antigéniques (infections, immunologique) pour entrainer une prolifération polyclonale de lymphocytes dans un tissu qui n’en contient normalement pas. À la faveur d’évènements génétiques divers (ex : translocation), un clone va s’autonomiser pour donner une prolifération lymphoïde monoclonale avec un clone vraiment établi de signification indéterminée dans un 1er temps. Enfin, à l’occasion de nouveaux évènements génétiques (mutations, délétions, inactivations, activations d’oncogènes), on passe d’une prolifération de signification indéterminée à une signification clinique avec un lymphome initialement de « faible malignité » (bas grade) évoluant vers un lymphome de « forte malignité » (agressif ou haut grade). Ce passage de lymphome de bas grade à lymphome de haut grade est appelé transformation histologique.

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2) Lymphomes MALT de l’estomac

Ces lymphomes ont été associés à helicobacter pylori (Hp) depuis une trentaine d’années. On s’est aperçu que lorsque l’on arrivait à éradiquer Hp, le lymphome régressait dans une bonne partie des cas. Cette association a été mise en évidence par une stimulation des LyB par Hp et par l’intermédiaire des LyT. Dans un premier temps, on a donc une croissance tumorale dépendante de Hp associée à des évènements secondaires comme les translocations (11;18) ou (1;14) ou encore l’inactivation de gènes suppresseurs de tumeurs comme p16 ou p53. Suite à cela, on obtient une croissance qui devient indépendante de Hp, son éradication ne permet plus de traiter le lymphome à ce stade. Ainsi, si on réalise une étude cytogénétique sur un morceau de biopsie gastrique et que l’on met en avant la présence d’une t(1 ;18), le lymphome ne répondra pas au traitement de Hp, car il est devenu indépendant de celui-ci. De très nombreuses personnes ont un estomac colonisé par Hp sans pour autant développer un lymphome de type MALT. On ne sait pas pourquoi certaines personnes développent un lymphome et d’autres non. Le plus souvent, ces lymphomes sont non agressifs.

Il existe également des lymphomes MALT des glandes salivaires, des annexes de l’œil, pulmonaire, thyroïde. Un dénominateur commun de ces lymphomes, qui sont dans un 1er temps relativement peu agressif sur le plan clinique est une stimulation antigénique chronique : -Hp au niveau de l’estomac -Campylobacter jejuni au niveau de l’intestin grêle -Chlamydiae psitacci pour les annexes de l’œil Remarque : les lymphomes des annexes de l’œil (qui sont différents des lymphomes intra-oculaires) correspondent aux bourrelets conjonctivaux.

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V) Virus et lymphomes Un certain nombre de virus ont pu être associés sirectement ou indirectement à la survenue de lymphomes : -HIV (human immunodeficiency virus) -HTLV1 (human T-cell lymphomia leukemia virus ) -HCV (hepatitis C virus) -HHV8 (herpes simplex virus 8) -EBV (Epstein Barr virus) Remarque : les lymphomes des séreuses sont des lymphomes rares associés dans la majorité des cas à HHV8

Lymphomes et virus

HIV

• Incidence accrue de lymphome (= SIDA)

• Diminution spectaculaire de l’incidence (et amélioration du pronostic) depuis l’avènement des antirétroviraux efficaces (HAART*)

• Liés au déficit immunitaire (pas d’intégration dans le génome des cellules tumorales)

• Contribution d’autres virus : EBV, HHV8

• Quasiment exclusivement des lymphomes « agressifs »

• Lymphome B à grandes cellules (centroblastiques et immunoblastiques), lymphome de Burkitt et lymphome « des séreuses »

• Présentation extra-ganglionnaire fréquente

• Aujourd’hui, le pronostic d’un sujet atteint du VIH et avec un lymphome B à grandes cellules ou un lymphome de Burkitt est le même que celui d’un patient non atteint du VIH

* HAART = highly active antiretroviral therapy

HTLV1

• HTLV1 = human T-cell lymphoma leukemia virus

• HTLV1 est le premier rétrovirus responsable d’une maladie humaine découvert

• Intégration du virus dans le génome des cellules tumorales

• Temps de latence très élevé (jusqu’à 40 ans)

• Responsable d’un lymphome très agressif dans certaines zones d’endémie (Japon, Caraïbes, Afrique) → ATL = adult T-cell lymphoma/leukemia

• Ils présentent une hyperleucocytose et une hyperlymphocytose

• Passage sanguin (morphologie évocatrice), syndrome tumoral ganglionnaire ou hépatosplénique, hypercalcémie, lésions osseuses et cutanées

• Phénotype T CD4(+) CD7(-) (trou phénotypique) CD25(+) : donc perte de CD7

• Il existe différentes formes, notamment des formes indolores. • Durée de survie généralement inférieure à 1 an

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HCV

• HCV = virus de l’hépatite C

• Associé à certains types de lymphomes B à petites cellules

• Essentiellement lymphome B de la zone marginale splénique

• Stimulation antigénique chronique (interaction glycoprotéine E2 du HCV et le CD81 à la surface du lymphocyte B)

• Association à une cryoglobulinémie (avec ses manifestations propres : rénales, neurologiques et cutanées)

• Rémission du lymphome fréquente après traitement efficace de l’hépatite C (phénomène initialement décrit avec interféron + ribavirine, mais ces traitements n’éradiqueraient pas totalement l’hépatite C)

EBV

• EBV (Epstein Barr virus)

• Virus de la mononucléose infectieuse (MNI)

• Impliqué dans de nombreux types de lymphomes : Burkitt endémique par exemple

• Associé au processus de lymphomatogénèse

• Plusieurs scénarios possibles dont : o Stimulation lymphoïde polyclonale propice à la survenue

d’anomalie(s) génétique(s) avec autonomisation secondaire d’un clone

o Stimulation d’un clone émergent jusqu’alors « quiescent »

EBV et lymphomes

Un certain nombre de lymphomes sont associés à l’EBV :

• Lymphomes B du sujet immunodéprimé o Déficits congénitaux (Purtillo) ………………………………… ≈ 100% o SIDA ……………………………………………………………………... 50 à 70%

• Lymphome B du sujet immunocompétent o Burkitt endémique (Afrique) …………………………………… ≈ 95% o Burkitt sporadique (Europe, US) …….…………………….. ≈ 15% o Autres lymphomes B ……………………………………….......... 5 à 7%

• Lymphomes T périphériques ………….………………….………… 10 à 40%

• Lymphomes NK (natural killer) de type nasal …………….. 100%

• Lymphome de Hodgkin ………………………………………………… ≈ 30% Les lymphomes NK sont associés à 100% à l’EBV et si on ne met pas en évidence par immunohistochimie ou par hybridation in situ certaines protéines de l’EBV, c’est que ce n’est pas un lymphome de type NK.

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VI) Exposition professionnelle aux pesticides et hémopathies

Si on se polarise sur les hémopathies lymphoïdes et les expositions aux pesticides, on remarque un lien important entre la survenue de lymphomes et l’utilisation de pesticides au sens large et cela se traduit par une incidence accrue chez les agriculteurs et les viticulteurs, en dépit ou parce que les mesures de protections sont prises moyennement lors de l’épandage des pesticides. Pour les lymphomes et les myélomes, pendant des années, le fait d’avoir été exposé de façon professionnelle à des pesticides n’était pas reconnu comme une maladie à caractère professionnel. Les choses ont changé puisque maintenant, les infections aux pesticides et certaines maladies liées aux lymphomes sont reconnues comme maladies professionnelles. VII) Cytogénétique et hémopathies lymphoïdes

La cytogénétique permet d’obtenir des caryotypes sur des cellules circulantes, sur du tissu ganglionnaire prélevé ou d’autres tissus… On a mis en évidence des anomalies cytogénétiques récurrentes, mais que l’on observe dans plusieurs contextes et elles sont communes à plusieurs entités d’hémopathies lymphoïdes. C’est ce qui est reflété ici par les codes couleurs ou par exemple la délétion (13q) que l’on retrouve dans la leucémie lymphoïde chronique (qui est une anomalie extrêmement fréquente avec plus de 50% des cas, a fortiori, si on combine le caryotype standard avec l’étude par fluorescence in situ), dans les lymphomes à cellules du manteau et dans le Burkitt. Pareil pour la translocation t (14;18) qui fait penser dans un premier temps aux lymphomes folliculaires, mais qui est présente dans d’autres hémopathies. Evidemment les profils génétiques ne sont pas à connaitre. Des anomalies qui sont certes évocatrices, que l’on ne retrouve pas spécifiquement dans un contexte donné, mais lorsque nous avons un contexte morphologique évocateur, la mise en évidence de certaines

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anomalies retrouvées plus souvent dans telle ou telle catégorie permet de renforcer l’hypothèse diagnostic et finalement d’aboutir à un diagnostic bien établi de façon assez formelle. La classification OMS ne fait que relater la présentation clinique, les aspects

immunohistochimiques, cytogénétiques et éventuellement moléculaires.

On observe ci-dessus que lorsqu’on suspecte un lymphome B de la zone marginale par exemple, la mise en évidence en cytogénétique d’une trisomie 3, 12 ou 18 et une présentation splénique prédominante d’une délétion du bras long du chromosome 7, sont des arguments qui permettent de renforcer l’hypothèse diagnostic. Lorsque l’on a une morphologie évocatrice d’un lymphome B à cellules du manteau (MCL), la mise en évidence d’une translocation t (11;14) est, bien que non pathognomonique, quelque chose d’important. Voici quelques types histologiques, quelques anomalies qui sont parmi les plus fréquentes, dont le lymphome de Burkitt. Il faut que cette anomalie qui implique C-MYC soit mise en évidence dans la (8;14), la (2;8) et la (8;22). Le lymphome folliculaire est caractérisé par une translocation (14;18) mais qui ne lui est pas exclusive. C’est cette translocation qui a permis de déboucher sur la découverte du gène BCL2 et ensuite de toutes les protéines impliquées dans l’apoptose.

VIII) Différents types de lymphomes

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Lymphome folliculaire (LF)

• Chef de file des lymphomes à petites cellules (20 à 25% des cas de lymphomes en Europe, en France), qui fait partie des lymphomes de faibles malignités

• Lymphome B à petites cellules de stade souvent avancé, pas d’éradication définitive avec les traitements usuels et possibilité de transformation en lymphome à grandes cellules (dès lors de pronostic péjoratif)

• Caractérisé par l’existence de la translocation t(14;18) (≈ 70% des cas) impliquant IGHV et BCL2, mais cette translocation est tout de même assez fréquente dans la population générale

• T (14;18) présente chez de nombreux individus sains qui ne développeront pas ultérieurement de lymphome

• Anomalie insuffisante à elle seule pour le développement d’un lymphome

• Autres anomalies génétiques nécessaires • Rôle majeur du microenvironnement (études d’expression génique) pour la

viabilité des cellules tumorales et la progression du lymphome • Transformation en grandes cellules : anomalies génétiques supplémentaires

Lymphome à cellule du

manteau (LCM)

• LCM représente 8% des lymphomes

• Lymphome B à petites cellules de stade souvent avancé, pas d’éradication définitive avec les traitements usuels, pronostic réservé mais nouvelles drogues nombreuses

• Translocation t(11;14) impliquant IGHV et CCND1 caractéristique mais non pathognomonique

• Surexpression de la cycline D1 (cycle cellulaire / transition G1/S)

• Souris transgéniques t(11;14) ne développent des lymphomes que si il y a coopération avec d’autres oncogènes (c-myc notamment)

• Nombreuses anomalies génétiques supplémentaires de gènes impliqués dans le cycle cellulaire et la voie de p53

• Altération de nombreuses voies de signalisation intracellulaire : voie NFkB, voie PI3K AKT mTOR → thérapeutiques « ciblées »

Lymphome de Burkitt

• Formes endémiques (Afrique, avec une contribution de l’EBV dans environ 95% des cas), sporadiques (pays occidentaux) et formes survenant chez les sujets HIV (+)

• Maladie très agressive (tropisme médullaire et neuro-méningé, temps de doublement très court) mais pourcentage très élevé de guérison dans les formes sporadiques de l’enfant

• Translocation t(8;14) et/ou t(2;8) et/ou t(8;22), indispensables pour retenir le diagnostic de Burkitt, ces anomalies ne sont pas pathognomoniques mais il faut en retrouver au moins une pour confirmer le diagnostic de Burkitt.

• Implication de c-MYC +++ (sur chromosome 8) indispensable à la lymphomatogénèse

• Infection par EBV dans les formes endémiques

• Plusieurs scénarios proposés : o Stimulation polyclonale des lymphocytes B par l’EBV →

autonomisation d’un clone tumoral o Clone tumoral minoritaire préexistant secondairement stimulé par

l’EBV

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Lymphome B diffus à grandes cellules (LBDGC)

• Il représente 40% des lymphomes

• C’est une maladie relativement hétérogène dans son comportement clinique ; au fur et à mesure du temps, on s’est aperçu qu’il pouvait soit se traiter facilement, soit, à l’opposé, causer beaucoup de complications.

➢ Transcriptome

Dans les années 2000, il y a eu l’arrivée du transcriptome. C’est une technologie assez compliquée, mais en résumé, on étudie des puces contenant un grand nombre de gènes et à l’aide des plateformes informatiques, on fait le lien avec un certain nombre d’échantillons (1 colonne = 1 patient, 1 ligne = 1 gène d’intérêt). Il est possible d’utiliser une analyse non supervisée ou supervisée. Ici, on utilise l’analyse non supervisée : on donne de nombreux cas de lymphomes (ici B à grandes cellules) à la machine et on lui demande de trouver des différences entre tous ces échantillons de lymphomes. Cela permet de s’apercevoir que lorsque l’on a des échantillons d’une certaine nature, on retrouve des gènes sur ou sous exprimés.

On se retrouve à la fin avec différents profils de LBDGC qui sont les profils GC (germinal center), ABC (activated blood cells) et intermédiaire (entre les deux). Les lymphomes B de types ABC sont plus péjoratifs que les types GC.

➢ Top 50 des mutations dans les LBDGC en 2014

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Lymphome B diffus à grandes cellules (LBDGC)

(Suite)

Lorsque l’on regarde les LBDGC en fonction du phénotype GC ou ABC, on voit que les anomalies et les voies d’activation ne sont pas les mêmes, ce qui plaide envers l’utilisation de stratégies thérapeutiques différentes. Il faudrait des traitements plus ciblés que l’immunochimiothérapie qui reste encore aujourd’hui la base des traitements de LBDGC sans distinction entre les deux phénotypes. Néanmoins, si on regarde la figure de droite, pour les lymphomes B à grandes cellules de type ABC, on observe un grand nombre de mutations de CD79, de MYD88 (qui intervient dans la signalisation des molécules médiée par les molécules TLR), et un grand nombre de mutations de CARD11, de séquelles de mutation, qui finalement aboutissent à l’activation en aval de certaines voies qui pourraient être privilégiées et ciblées par des traitements peut être plus « intelligents » que la chimiothérapie qui permet pour les LBDGC d’avoir des guérisons dans 50 à 60% des cas, toutes présentations confondues. ➢ Vers de nouvelles classifications moléculaires des LBDGC

On utilise des panels dédiés, on cible certaines anomalies afin de réussir à sélectionner, en fonction des anomalies des profils, des pronostics favorables ou défavorables. Cela afin d’obtenir une nouvelle classification moléculaire des lymphomes avec les cellules centroblastes, centrocytes, … et également les voies

mentionnées plus haut. Certains malades se comportent beaucoup moins bien que d’autres avec une maladie qui était initialement étiquetée de la même façon (LBDGC), avec des explications rationnelles sur les profils mutationnels. On arrive finalement à mettre en place, dans le but de mieux appréhender la stratégie thérapeutique, ce type d’analyse dès le diagnostic même si la chimiothérapie en première ligne garde toute sa place.

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IX) Les avancées technologiques

La cytogénétique (caryotype) permet de mettre en évidence des réarrangements entre le gène qui code pour les immunoglobulines et BCL2, BLC6 sur le chromosome 3q, MYC sur le chromosome 8. On aboutit à une certaine compréhension de la physiopathologie du lymphome en identifiant les régions codantes importantes pour des gènes d’intérêts. Dans les années 2000, le profil d’expression génique, met en évidence 2 grandes catégories de LBDGC : les GC et les ABC, ce qui permet aussi d’essayer de les stratifier dans la vie de tous les jours. En immunohistochimie, on retrouve l’expression de différentes protéines de surfaces ou intracellulaires qui sont associées au profil GC et ABC. Maintenant, nous en sommes à l’étude de l’épigénome et de séquençage à haut débit (NGS) qui ont permis de mettre en évidence un certain nombre d’anomalies/mutations récurrentes. Ces évolutions ont permis de faire de nombreuses découvertes sur les lymphomes en général.

Ce tableau illustre certaines mutations qui touchent des voies importantes, comme le gène MYC avec le cycle cellulaire. La plupart de ces mutations sont retrouvées dans les LBDGC.

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X) Leucémie lymphoïde chronique

Leucémie lymphoïde chronique (LLC)

Généralités

• Les LLC sont les chefs de file des syndromes lymphoprolifératifs chroniques

• Accumulation de petits lymphocytes matures CD5(+) CD23(+) dans le sang, la moelle, la rate et les ganglions

• Cinétique de progression généralement lente

• Anomalies cytogénétiques fréquentes : trisomie 12, del(13q), del(11q) et del(17p)

• Formes mutées versus non mutées (IGVH : région variable des chaines lourdes d’immunoglobulines), meilleur pronostic des formes avec mutations somatiques (IGVH muté) par rapport aux formes non mutées

• Répertoire restreint avec CDR3 stéréotypiques (subsets) : ce qui est en faveur d’une stimulation antigénique (non détaillé dans le cours)

Physiopathogénie (Très important

selon le prof)

• Défaut d’apoptose, mais aussi (et surtout) potentiel prolifératif

• Rôle majeur du récepteur B à l’antigène (BCR) et de sa signalisation. Activation du BCR : cascade de signalisation responsable de la survie cellulaire, de la prolifération et de la migration des lymphocytes B de LLC (fait intervenir un certain nombre de kinases = cibles des « inhibiteurs du BCR »)

• LLC : une maladie secondaire à la stimulation antigénique

• Importance cruciale du microenvironnement (ganglion, moelle osseuse) pour promouvoir la survie de la cellule tumorale de LLC

• Épuisement des lymphocytes T

• Anomalies génétiques (à l’ère du séquençage haut débit) o « Nouvelles » mutations o Sélection clonale

Voies de signalisation et

cibles potentielles de la

LLC

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Voies de signalisation

dérégulées et principales mutations

Comme vu plus haut, il y a beaucoup de voies qui peuvent être visées par la LLC ; ces voies sont dérégulées à cause de mutations. Les mutations peuvent agir seule ou à plusieurs. Les voies qui peuvent être touchées sont, par exemple, celles qui contrôlent la réparation de l’ADN, celles qui interviennent dans la traduction de l’ARN, dans la modification de la chromatine… la plus fréquente est la SF3B1 qui intervient dans l’épissage. Dans la LLC, le nombre moyen de mutations est très faible par rapport à d’autres maladies telle que le

mélanome. Elles conduisent à une plus grande sensibilité à des médicaments qui vont interférer avec les lymphocytes T et les défenses immunitaires par rapport aux médicaments avec de la chimiothérapie.

Anomalies des lymphocytes T

• Nombre augmenté des lymphocytes CD4 dans les ganglions de LLC

• Mais … CD4 fonctionnellement déficients : o Faible expression de CD40L (cellules de LLC = mauvaises APC) o Défaut de formation de la synapse immunologique :

o Expression anormale de gènes de différenciation et de formation du cytosquelette

o Diminution de l’activation T et augmentation des lymphocytes T reg

• Cellules tumorales de LLC capables d’induire les mêmes anomalies sur des lymphocytes T normaux

• Sécrétion de cytokines immunomodulatrices (IL-6, IL-10 ou TGF-β) par les cellules de LLC

XI) Conclusion Lymphoprolifération et pathogénèse, ce sont surtout différentes composantes intriquées : ➢ Les facteurs favorisants environnementaux ➢ La cellule tumorale et ses anomalies génétiques sont évolutives dans le temps et avec les

traitements ➢ Le milieu extérieur à la cellule tumorale : microenvironnement ganglionnaire ou médullaire ➢ Le système immunitaire (défaillances des lymphocytes T) ➢ Les caractéristiques de l’hôte, nous ne sommes pas tous égaux face à la maladie

(polymorphismes)

o Intégrer la progression tumorale dans sa globalité o Pistes thérapeutiques parfois multiples o Éradiquer (ou tenter) le clone tumoral et anticiper ou éviter la sélection

clonale o Rompre les boucles de survie des cellules tumorales en agissant sur le

microenvironnement

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Annales :

1) Parmi les agents infectieux bactériens suivants, quel(s) est (sont) celui (ceux) qui est (sont) potentiellement impliqué(s) dans la survenue d'un lymphome B de type MALT ?

A - Helicobacter pylori

B - Chlamydiae psittaci

C - Borrelia burgdorferi

D - Streptococcus mitis

E - Escherichia Coli producteur de shigatoxine (STEC)

2 ) Quelle(s) est (sont) la (les) proposition(s) exacte(s) concernant les lymphomes B diffus à grandes cellules ?

A - il s'agit de la catégorie la plus fréquente de lymphomes non hodgkiniens

B - leur survenue peut être favorisée par une exposition professionnelle aux pesticides

C - ils peuvent résulter de la transformation d'une hémopathie lymphoïde B à petites cellules

D - ils se développent toujours dans un ganglion lymphatique

E - une translocation t(14;18) est retrouvée dans 70% des cas

Questions 1 2

Réponses ABC ABC