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COURS TERMINALES Langage : entre nature et culture, l’accès au symbolique PLAN DU COURS I – Langage et animalité II – Le langage et l’homme III – Le langage et le réel IV – Langage et pensée PROBLÉMATIQUE PRINCIPALE DU COURS Le langage permet l’absence des choses : il fait exister l’ordre symbolique et sort l’homme du seul monde naturel ; il fait exister un monde proprement humain, peuplé de signes et de symboles artificiels donc culturels. En quoi cet ordre symbolique devient-il notre milieu naturel ? REPÈRES Persuader/convaincre En acte/en puissance Médiat/Immédiat TEXTES ELEVES Montaigne, Essais, I, §26 Descartes, Lettre au marquis de Newcastle 23 novembre 1646. DEFINITION PRÉALABLE Du latin lingua : à la fois organe de la parole et langue parlée. 1) Philosophie : faculté qualifiée de symbolique, de constituer et d’utiliser une langue quelle qu’elle soit. 2) Linguistique : activité se déployant dans des paroles et plus largement des discours, à partir de langues systématisées. Emmanuelle ROZIER Cours Terminales / La culture

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COURS TERMINALES

Langage : entre nature et culture, l’accès au symbolique

PLAN DU COURSI – Langage et animalitéII – Le langage et l’hommeIII – Le langage et le réelIV – Langage et pensée

PROBLÉMATIQUE PRINCIPALE DU COURSLe langage permet l’absence des choses : il fait exister l’ordre symbolique et sort l’homme du seul monde naturel ; il fait exister un monde proprement humain, peuplé de signes et de symboles artificiels donc culturels. En quoi cet ordre symbolique devient-il notre milieu naturel ?

REPÈRESPersuader/convaincreEn acte/en puissanceMédiat/Immédiat

TEXTES ELEVESMontaigne, Essais, I, §26Descartes, Lettre au marquis de Newcastle 23 novembre 1646.

DEFINITION PRÉALABLEDu latin lingua : à la fois organe de la parole et langue parlée.1) Philosophie : faculté qualifiée de symbolique, de constituer et d’utiliser une langue quelle qu’elle soit.2) Linguistique : activité se déployant dans des paroles et plus largement des discours, à partir de langues systématisées.

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PHILOSOPHIE

INTRODUCTIONLisons pour commencer Montaigne (penseur du XVIe siècle) car il a dit quelque chose de fondamental :

- le langage ne compte pas, et - il n'est rien qui compte davantage.

Dans le cadre de cette tension qu'on inscrira une réflexion sur le langage.

Montaigne est défiance envers les discoureurs (rappelez-vous ce qu'on en a vu concernant l'interprétation il dénonçait alors les interprétations sur les interprétations).

Exemple de deux architectes Athéniens donné par Montaigne, Essais, I, §26 : l'un se présente avec un beau discours sur le sujet de son projetl'autre dit seulement « ce qu'il vient de dire, je le ferai ».

Qui préférer? * Le second transforme le concurrent en orateur voire en bonimenteur. * Le beau parleur au risque qu'il ne soit ni compétent, ni actif dans la

réalisation de son projet, l'autre qui sait que l'importance réside dans le fait de construire, non de dire (non de séduire par le langage). = D'emblée, le langage et l'action sur le monde sont mis en relation.

Montaigne écrit « je veux que les choses surmontent, et qu'elles remplissent de telle façon l'imagination de celui qui écoute qu'il n'ai aucune souvenance des mots ». = le langage remplit sa fonction quand il se fait oublier.

Autre enjeu pour Montaigne : «  si le langage nous trompe, il rompt tout notre commerce et dissout toutes les liaisons de notre police », Essais, II, 28.= Le langage est aussi le lien par lequel les hommes se tiennent entre eux. Quoi que ce soit ce dont nous parlons, c'est toujours à autrui que nous en parlons.

= nous venons de dégager les différents pôles autour desquels se structure toute étude du langage : le moi, le monde, les autres.

Difficulté à analyser le langage : il nous faut composer la polarité objective et la polarité intersubjective dans l'analyse d'une production linguistique concrète. On ne parle pas de la même manière à deux interlocuteurs différents, et en même temps, tous deux nous comprennent.

Le langage a une visée d'objet : les architectes visent la construction d'un temple. Mais comment parler de ce qui n'existe pas? Platon déjà se posait la question, dans le Sophiste (262e) « le discours est forcément des qu'il est, discours sur quelque chose ».

Peut s'étonner de ce fait basique que le langage est seul à nous donner de pouvoir nous rapporter à ce qui n'existe pas, alors qu'aucun moyen par lequel nous entrons en contact avec le réel ne nous le permet. = aucun de nos sens ne nous met en contact avec autre chose que le donné. L'objet du discours est ici indépendant de ce qui est dit de lui.

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PHILOSOPHIE

Le langage nous permet donc de parler de choses qui n'existent pas et aussi de celles qui existent. Il nous permet d'accomplir des actes de discours qu'on ne saurait analyse en disant qu'ils parlent de quoi que ce soit (AUSTIN).

Quelles sont les conditions dans lesquelles nous produisons et comprenons les énoncés que nous échangeons? Quelle variabilité peut-on imaginer? Nous disposons de mécanismes psychophysiologiques d'une déconcertante subtilité : ces conditions phylogénétiques et ontogénétiques a fait de nous des êtres affranchis de l'animalité mais qui en émergent pour s'inscrire dans une histoire et une culture dont on ne trouve pas d'équivalent ailleurs dans le règne animal.

Ce prodige de la parole humaine ne s'arrête jamais. Pouvons-nous imaginer une journée sans parole?

Examinons pour commencer ce qui rend spécifique le langage, ce qui nous distingue des animaux.

I/ LANGAGE ET ANIMALITÉPremière difficulté à lever : considérons-nous le langage en un sens large ou bien en un sens restreint?

* sens large : s'applique à tout système de communication* sens restreint : système de communication qui se réalise par des moyens

mettant en jeu la parole, comme c'est le cas chez l'homme.

Il faut d'emblée résoudre le pb de sa délimitation. Que les animaux d'une même espèce puisse communiquer entre eux, personne ne le conteste. Mais faut-il pour autant parler de langage?

Il y a communication lorsqu'une information est transmise à un récepteur quelconque par le moyen d'un canal.

Que la communication se greffe sur un processus physique n'est pas discutable, mais ce processus ne donne pas par lui-même l'intelligibilité du phénomène. Introduisons des contraintes supplémentaires : la source et la cible du processusle recours à un code de signaux possédés en communautéune contrainte relative à l'objet de la communicationPour les espèces animales autres que la notre, on peut en effet soutenir que la communication s'inscrit comme l'une des stratégies par lesquelles l'espèce poursuit ses finalités biologiques.

En superposant la dimension de la culture à son insertion dans la nature, l'homme s'est doté d'un langage dont l'une des particularités est de n'avoir pas d'objet prédéfini. Le langage permet de parler de tout, non simplement de parler de tout ce qui concerne ma survie quotidienne. Peut même parler du langage lui-même. Si le langage est un moyen de communication exceptionnel par rapport aux autres, c'est d'abord parce qu'il s'ordonne à des finalités qui ne sont pas données antérieurement à son exercice. = tout ce qui relève de la culture relève du langage.

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L'abeille et le singeL'abeilleK. von Frisch connaissances des abeilles dans Vie et moeurs des abeilles, 1955. L'abeille qui revient à la ruche se livre à deux types de dansesoit elle trace des cercles horizontauxsoit elle forme des 8 dont l'axe présente une inclination variable par rapport au soleilLa première danse indique que le butin se trouve à proximité de la ruche; la seconde forme indique la distance si celle-ci est plus éloignée (de 100 à 6 kl). LA distance est datant plus grande que le nombre de 8 tracés en quinze sec est plus petit. L'angle par rapport au soleil permet d'indiquer la direction par rapport à la ruche. Elles comprennent cette danse, la réception du message est suivie d'un comportement à finalité biologique positive qui varie en fonction de son contenu. Notons deux caractéristiques:la rigidité de ces messages : l'abeille ne danse pas pour parler de l'absence de butin ou pour discourir de sa rareté.Le message ne s'adresse pas à un interlocuteur qui vaut comme personne, mais bien à l'essaim comme individu uniquementla finalité uniquement biologique de ce message.

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Le singeTravail de Premack, avec l'expérience sur les chimpanzés on se rapproche davantage du langage humain. Chercheurs ont eu l'idée de mettre à la disposition de leur chimpanzé Sarah un matériel symbolique artificiel et simple. Ces pièces représentaient des fruitsdes qualités ou propriétésdes actionsdes individusdes relations logiques ou empiriques et même métalinguistiquesquelques connecteursnotions classificatoires

Les Premack ont réussi à obtenir de Sarah qu'elle forme des phrases telles que « Mary donner pomme Sarah ». Ou alors « si Sarah prend banane, alors Mary donner chocolat Sarah. Sarah n'a jamais parler d'autre chose que de besoins immédiats ou proximaux; ils ont établi la présence chez le chimpanzé de capacités de communications, d'apprentissage et de représentation qu'on ne soupçonnait pas avant ces recherches. Mais s'agit-il du langage?

Un débat entre Montaigne et Descartes à ce sujet- Dans l'Apologie de Raimond Sebond, Montaigne propose un naturalisme qui le conduit à rapprocher l'homme et l'animal- Descartes défend l'idée qu'il existe une différence de nature entre l'homme et l'animal. = cette opposition se traduit dans le cadre de leur réflexion sur le langage.-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------Montaigne : assouplit la notion de langage afin qu'elle puisse servir de critère de distinction entre l'homme et l'animal; pour lui la communication animale a toute valeur de langage. Ramène le langage à la naturalité : «  Qu'est-ce autre chose que parler, cette faculté que nous leur voyons de se plaindre, de se réjouir, de s'entr'appeler au second, se convier à l'amour, comme ils font par l'usage de leur voix » (Essai, II, 12). = les animaux parlent et pensent comme nous. Ce ne sont pas les faits, mais l'interprétation qu'en fait Montaigne que Descartes conteste.-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------Descartes : il cherche à déterminer quelles capacités il faut prêter à l'animal pour rendre compte de ses performances et de montrer qu'aucune d'entre elle n'exige qu'on lui accorde la capacité de penser. Lettre au marquis de Newcastle 23 novembre 1646. Les animaux sont capables de faire entendre à d'autres animaux ou de signifier à d'autres animaux voire aux hommes leurs impulsions naturelles. Mais rien de tout cela n'exige qu'on leur reconnaisse la pensée : les passion suffisent à expliquer la communication animalière. Les ruses dépendent des finalités biologiques propres à l'animal: recherche de la nourriture, besoin sexuel, crainte. Prend l'exemple d'une pie qui salue sa maitresse, parce qu'on l'a accoutumée à recevoir une friandise quand elle le fait.

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Mais on n'a jamais vu d'animal user de signes, qu'il s'agisse de parole ou de geste, pour exprimer quelque chose qui n'aurait point de rapport avec des passions et qui put « se rapporter à la seule pensée ».

A la tactique globalisante de Montaigne Descartes oppose la tactique du criblage : il isole les caractéristiques du langage humain et repère ce qui chez l'animal ne renvoi pas à la pensée. Les perroquets imitent la voix humaine, soulignant ainsi que notre langage ne dépend pas d'un mécanisme corporel déterminé : voix pas définitoire du langage;usons du langage quand nous l'employons pour exprimer des pensées, nous sortons alors de ce qu’on peut appeler l'ordre du programmable; or, l'homme se singularise du fait qu'il dispose d'un langage qui lui permet de s'ajuster à n'importe quelle situation. Descartes dira, même dans le langage des fous, l'homme peut « répondre de tout ce qui se dira en sa présence, ainsi que les hommes les plus hébétés peuvent faire » Discours de la méthode.

= Sans programmation préalable, une réponse sera toujours possible.

Chez les animaux, on ne rencontre jamais un témoignage d'initiative symbolique : Sarah va d'apprentissage en apprentissages sans manifester de goût personnel pour les signes, comme le fait l'enfant normal a partir du moment qu'il est parvenu à la symbolisation. ex. de la pomme et du jetonLes signes que Sarah sont pesants de matérialité, co-présent avec l'objet au cours de la procédure d'acquisition et toujours lié à un besoin.

Ce que Ferdinand de Saussure a établi dans son Cours de linguistique générale 1915, c'est que dans une langue naturelle, aucun signe n'a de valeur pris isolément de l'ensemble des autres, ce qu'il signifie en tant que les autres ne signifient pas.

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II/ LE LANGAGE ET L'HOMMEMaintenant nous parlerons e langage seulement pour le langage humain.

Examinons d'abord l'enracinement corporel du langage : nous ne parlerions pas si nous n'étions pas dotés d'un certain corps et notamment d'un certain cerveauQue le langage soit lié au cerveau n'est pas une évidence : ce n'est qu'au XIXeme siècle que la certitude en a été définitivement acquise.

Paul Broca présente devant la Société d'anthropologie en 1861 qu'un de ses patient admis 20 ans plus tôt à l'hospice de Bicêtre, ayant perdu l'usage de la parole, à l'exception de la syllabe « tan » avait une lésion au cerveau étendue au lobe frontal gauche. La fonction linguistique dépend de la structure et de l'état du cerveau. Ouvrait l'ère des localisations cérébrales.Mais les fonctions qu'exigent le langage concernent des zones assez étendues du cerveau. Voir les avancées récentes de Jean-Pierre Changeux, l'Homme neuronal 1983.

Leroi-Gourhan dans Le Geste et la parole, 1964. Il a retracé les étapes de l'acquisition du langage chez l'hominidé. Les lobes frontaux ont atteint leur volume actuel il y a 30 000 ans, soit vers la fin de la période du Néanderthal. Sans cela ne pourrait pas expliquer comment s'est fait la transmission des techniques et des outils entre – 1 000 000 et – 30 000. Nécessité que les premiers hommes aient été capables de communiquer au cours de l'acte technique, et de se transmettre en différé des symboles de l'action entreprise sous forme de récits et d'exprimer des sentiments religieux. Quand ces conditions sont remplies, on est en droit d'estimer que l'espèce humaine a acquis le langage.

Deux étapes de l'acquisition du langage : moyen de communication primitif, rudimentaire, mêlant cris, gestes, mimiquesseconde étape appelle notre attention au cours de laquelle se met en place un langage proche du notre. Langage a été sublimé en véhicule du symbolisme et ordonné à l'expression d'abstractions de nature conceptuelle.

Hypothèse de JP Pariente : invention comme ruse de l'espèce pour se mettre à l'abri du poids de ses techniques pour en déposer le trésor d ns un conservatoire supranaturel, ou en assurer la transmission et le progrès sans avoir à les inscrire dans son organisme et dans son cerveau. L'homme se serait donné le langage pour ne pas devenir l'équivalent de la fourmi ou de l'abeille, il s'est placé en se dotant du langage dans un orbite définitivement différent de celui de l'animal.

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ENFANTS SAUVAGES : LE LANGAGE N'EST PAS PREMIER.A la fin de l'an VIII (1800) fut remis à l'institution nationale des sourds-muets un enfant capturé dans l'Aveyron : Victor de l'Aveyron. On tenta de lui faire acquérir le langage. Jean Itard tenta de l'éduquer, cf. Mémoire et Rapport sur Victor de l'Aveyron. Pensant comme le philosophe Condillac que tout commence avec les sensations, il vérifie que Victor entend bien. Il travaille autour du mot lait, associé au versement d'un verre de lait. Il apprend à demander du lait, à former même le mot avec des lettres de bois qu'il utilise en contexte. = il s'est bien établi une relation entre le mot et la chose, mais ce n'est pas la relation de signification, c'est une relation plus complexe par laquelle le mot exprime un état subjectif éprouvé à propos de la chose.

Le mot n'est utilisé que dans des circonstances strictement déterminées, dans l'imminence de la chose.À aucun moment ne se déclenche en lui un plaisir du signe comme on peut l'observer chez l'enfantil associe sans cesse le langage aux besoins, il le conditionne affectivement, et ne propose des signes qu'en rapport avec les objets

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= l'enracinement dans le moi du rapport du langage ç autrui et au monde doit être voulu par le moi lui-même; tout se passe comme si'l ne pouvait pas être implanté par apprentissage. Il doit pour devenir langage se désengluer de l'affectivité et du rapport à l'objet présent.

Hegel : « c'est dans le nom que nous pensons », Encyclopédie des sciences philosophiques, III, Philo de l'esprit 1830. = Victor n'accède pas au royaume de la représentation parce qu'un lien des mots et des choses reste pour lui un lien entre phénomènes du même ordre, relations de bruits et de formes correspondant aux objets sensibles sa,s jamais devenir lien de signification.

EXEMPLE D'UN AUTRE CAS = HELEN KELLERsourde, muette et aveugle de naissance mais d'une intelligence intacte. Dans Mon univers elle raconte ce qui fait son rapport au monde.Une aide-soignante un jour lui verse de l'eau dans la paume de la main en même temps qu'elle tape des coups correspondants au mot water dans l'autre main. Faisant cela elle l'initie au symbolisme et brise les barrières qui l'isolaient des autres.

Helen Adams Keller (27 juin 1880 à Tuscumbia, Alabama - 1 er   juin 1968) était une écrivaine, activiste et conférencière américaine. Bien qu'elle fût sourde et aveugle, elle parvint à obtenir un diplôme universitaire. Sa détermination a suscité l'admiration, principalement aux États-Unis.

En février 1882, à 19 mois, elle contracte une fièvre qui la rend sourde et aveugle à la fois. Brusquement coupée du monde, ses parents la croient muette.Plus tard, en 1887, ses parents font appel à Ann Mansfield Sullivan, jeune éducatrice dont ils avaient entendu parler. Trop jeune à leur goût, Ann doit s'imposer. Elle s'engage à rester un temps déterminé, et à partir sans rien demander si rien n'évolue d'ici là.Les parents d'Helen cédant toujours à ses caprices, Ann n'avait aucune influence sur elle. Elle réussit à s'isoler avec Helen dans une grange. Durant plusieurs jours, elle consacre son temps à lui esquisser des signes dans la paume de la main juste avant de lui montrer un objet.Cet isolement permet à Ann de laisser Helen faire ses crises quand elle n'a pas ce qu'elle veut, pensant qu'elle finirait par utiliser des signes pour demander un objet précis.À la fin du temps accordé par les parents, Helen n'a fait aucun progrès en ce qui concerne la communication. Aussitôt rentrée chez ses parents, elle fait une crise

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qu'Ann ne supporte pas. Celle-ci lui vide un seau d'eau sur la tête. C'est alors qu'Helen comprend et se met à faire le signe de l'eau.Ann Sullivan a réussi son pari. Par la suite, elle lui apprend à lire, à parler et à écrire. Helen Keller étudie à la faculté de Radcliff College et devient la première personne handicapée à obtenir un diplôme. Elle créé une fondation pour personnes handicapées et milite au sein de mouvements socialistes et féministes.Elle écrit des essais politiques, des romans et des articles de journaux.

Itard avait bien noté l'acuité de l'ouïe de Victor et son indifférence au son de la voix. Ne parle que celui qui a écouté autrui parlé et y a reconnu une spécificité. Il faut avant tout parvenir à distinguer les bruits du monde et les bruits sur le monde. = refait surface avec les autistes, séparent-ils les autres du monde, la voix des personnes et les bruits ambiants? Hypothèse discutable...

Il n'y a pas d'échange linguistique sans un réglage fin des relations avec autrui. = réglage de la communication

Langage et vie en sociétéLa parole est suffisamment dangereuse pour que chaque groupe social ait été conduit à définir des procédures d'entrée et de sortie du langage et pour les inculquer à ses membres aussi soigneusement que les règles constitutive »e du fonctionnement du langage.= le langage et la parole sont conditionnés par les rapports sociaux entre les interlocuteurs

Bourdieu Ce que parler veut dire 1985 : « l'on doit donc poser, contre toutes les formes d'autonomisation d'un ordre proprement linguistique, que toute parole est produite par et pour le marché auquel elle doit son existence et ses propriétés le plus spécifiques ». Tous message effectif est produit dans certaines conditions sociales qui sont déterminantes relativement à sa syntaxe, son lexique et sa prononciation.ex. expression soutenue et familière.

La sociologie structurale du langage à la suite de Bourdieu appelle de ses voeux la mise en relation « des systèmes structurés de différences linguistiques socialement pertinentes et des systèmes également structures de différences sociales ».

Aucune autonomie réelle ou concrète celle de l'ordre linguistique ne saurait être absolue. Mais on peut examiner l'autonomie du langage sans être targué d'idéalisme impénitent.

Le langage est à la fois contrainte et libération. Il est somme de règles auxquelles se soumettre pour être entendementlibération dans ce que nous disons, non pas seulement récit d'une expérience déjà connue comme telle par autrui mais bien comment nous parvenons à contrôler, maitriser et dépasser notre rapport au réel

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III – LANGAGE ET RAPPORT AU RÉELD'une langue à l'autre, la mise en forme se réalise de manière différente. Sapir-Whorf ont émis l'hypothèse d'une correspondance entre la manière de parler, de dire le monde et ce qui existe pour tel ou tel peuplade. « Nous disséquons la nature selon les lignes tracées à l'avance par nos langues maternelles » Whorf, Language, Thought and Reality, New York, 1958.

Etudiant le système langagier es Hopi (peuplade d'Amérique du nord), Whorf constate qu'ils n'expriment pas le temps, mais qu'ils sont très attentifs dans leur vocabulaire à l'aspect, pouvant ainsi prêter attention aux processus vibratoires : il se demande s'ils ne sont pas ainsi plus proche d'une vision du monde que fournit la physique contemporaine et du coup plus proche de cette physique que ne le seraient les langues indo-européennes peu sensibles au caractère ondulatoire, vibratoire du réel? = hypothèse paradoxale puisque la physique contemporaine est élaborée par des savants dont la langue est de souche indo-européenne...

Depuis les années 70, la thèse culturaliste est infirmée par de nombreuses recherches (le langage ne structure par un réel qui lui correspondrait). E Rosch ayant constaté que les Danis (Nouvelle Guinée) ne disposent que de deux termes pour désigner toutes les couleurs tente de déterminer si pour autant ils perçoivent toutes les nuances. Il élabore un test en deux temps (soumis en même temps à des américains)test de nomination : nommer des teintes très diverses fut difficile aux Danis, ne disposant pas du vocabulaire adéquatteste de reconnaissance : la surprise vint à ce stade, ils reconnaissaient les couleurs presque comme les américains. En sommes les différences de vocabulaire n'avaient pas d'influence sur les mécanismes de stockage e, mémoire de rappel.= la mémoire et la reconnaissance dépendent moins de la structure du lexique que de celle du système nerveux.

Le langage, met à notre disposition de manière commune aux autres personnes et humains, une première mise en forme de l'expérience et permet la communication, mais cette mise en forme ne constitue pas une prison infranchissable. = nous ne sommes pas formés par les mots ni notre rapport au réel arrête par le vocabulaire qui est le nôtre. La communication entre les hommes n'est pas de même nature que la communication entre animaux, elle ne se réduit pas à la transmission de signaux destinés à déclencher des comportements adaptatifs.Le langage permit-il pour autant d'accéder à ce que nous pensons?

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IV – LANGAGE ET PENSÉELes problèmes du langage recoupent ceux de la connaissance et de la pensée. L. Vygotsky dans Thought and Language défend la thèse selon laquelle langage et pensée suivent des filières ontogénétiques* différentes jusqu'au moment où ils se croisent. Il y aurait un usage non intellectuel du langage qui est d'abord affectif et conatif*, et parallèlement une étape pré-linguistique de la pensée qui se développe de manière indépendante. = mais à partir du moment où ils se rencontrent leurs destinée devient une. Peut-on alors parler d'union substantielle du langage et de la pensée?

Le langage est-il seulement le vêtement de la pensée? Les Logiciens de Port-Royal, dans La grammaire générale et raisonnée 1660 donnent cette définition : « Parler est expliquer ses pensées par des signes que les hommes ont inventé à ce dessein ». Ils proposent une représentation instrumentale du langage assez courante chez les philosophes qui n'y accordent pas une véritable importance. Mais cette conception comporte de gros problèmes : elle envisage le partage de mêmes idées par des esprits différents.

A. Arnauld et P. Nicole, logiciens de Port-Royal admettent que « n'étaient la présence d'autrui, nous n'aurions pas besoin du langage, et nous pourrions considérer les idées en elles-mêmes, sans les revêtir d'aucunes paroles » (La logique ou l'art de penser, 1662, Iere partie, chapitre IV).

Cette vision, que l'on retrouve sous une autre forme chez Descartes, serait démentie avec une force inouïe par Wittgenstein (Le Cahier Bleu 1958.) Quand il affirme, en logicien, que penser c'est opérer avec des signes, et qu'il n'y a pas à chercher derrière les signes une mystérieuse activité mentale, pure et transcendante qui régirait leur combinaison.

Y a-t-il une seule combinaison entre la pensée et le langage, ou bien une seule formulation idéale? La Bruyère, Les Caractères 1688 : « entre toutes les différentes expressions qui peuvent rendre une seule de nos pensées, il n'y en a qu'une qui soit la bonne. One ne la rencontre pas toujours en parlant ou en écrivant: il est vrai néanmoins qu'elle existe ».

Wittgenstein comme Paul Valéry le poète contestent chacun sur son terrain l'idée du langage instrument de la pensée. Pour eux, il y a une matérialité propre du langage, une pensée qui n'émerge que dans le langage.

Condillac : Essais sur l'origine des connaissances humaines, 1746, II, chapitre II §17« Que, par exemple, ce que j'appelle bleu me paraisse constamment ce que d'autres appellent vert, et que ce que j'appelle vert me paraisse constamment ce que d'autres appellent bleu, nous nous entendrons aussi bien quand nous dirons les prés sont verts, le ciel est bleu, que si, à l'occasion de ces objets, nous avions tous les mêmes sensations ».= l'identité des idées est une condition suffisante, mais n'est pas une condition nécessaire pour que nous attribuions la même valeur de vérité aux énoncés composés avec les signes qui leur correspondent.

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PHILOSOPHIE

Sans dire la même chose on peut tomber d'accord avec un locuteur qui ne dit pas la même chose que nous.

= Nous ne sortons jamais du langage.

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Il y a une puissance métaphorique des rapports du langage et de la pensée : elle comporte une topique : au-delà du langage il y a la penséeune chronique : elle le précèdeune éthique :il ne doit pas la trahir mais lui être fidèleune métaphysique : il est inerte et la pensée vivanteL'effet-pensée du langage : le fait que nous ne pouvons ni parler ni écouter sans nommer penser le contenu des paroles échangées,n le fait que nous n'usons pas du langage sans le nier comme langage, en le pensant toujours par rapport à ce qui est autre que lui.

D'ou provient cet effet? Refusant de dissocier langage et pensée, comme deux substances distinctes,alors que c'est au sein du complexe qu'ils forment que nous pourrions les penser.

Dan Sperber et Deirdre Wilson dans La Pertinence s'interrogent sur notre manière de comprendre la phrase simple suivante : Robert a acheté le Figaro

Nous interprétons la phrase émise de la manière la plus économe pour nous, on la comprend par rapport au contexte de l'entretien en cours.« chaque phrase peut servir à communiquer un nombre infini de pensées différentes ».

Nous ne saisissons pas de pensée pure, de pensée séparée de son expression, tous les calculs du monde ne conduisent pas du langage à la pensée,mais seulement d'un énoncé à un autre énoncé.

La signification d'un signe n'est,malgré nos préjugés, rien de transcendant à l'univers des signes puisqu'elle n'est jamais donnée que par un autre signe= quand nous cherchons à appréhender une signification nous allons de signe en signe.

La pensée d'autrui est-elle pour autant que ma contribution au sens de ses paroles? = Montaigne écrit « La parole est moitié à celui qui parle, moitié à celui qui écoute » Essais, III, 13.

Le langage n'est pas aussi amarré à la réalité qu'on le croit parfois. Nous ne parlons jamais seulement pour décrire le réel. Si je ne dis que des choses que l'autre sait déjà ou qu'il peut voir par lui-même, cela pose pb. = parle pour dire la différence entre ce que le donné nous fait et ce qu'autrui en sait. Le langage est irremplaçable pour nous permettre d'accéder à la connaissance mutuelle de nos états de d'esprit vis à vis du donné.

= Il ne vise pas à nous mettre en présence d'un double du donné. Si la vérité est une valeur, toutes les vérités ne sont pas également intéressantes ni également importantes. La phrase le ciel est enfin bleu doit pour être vraie, satisfaire à des conditions supplémentaires. Elle doit être prononcée au moment où le ciel est bleu.

Emmanuelle ROZIER Cours Terminales / La Culture15

Page 16: COURS TERMINALES - lesphilosophesduclept.files.wordpress.com  · Web view= il s'est bien établi une relation entre le mot et la chose, mais ce n'est pas la relation de signification,

PHILOSOPHIE

CONCLUSION GÉNÉRALELe langage c’est résolument l’absence des choses, il nous permet de constituer un monde spécifiquement humain, à notre image et nous éloigne de la nature puisqu’il fait de nous un animal symbolique.

Le langage est la possibilité d’inventer un monde qui ne soit pas restreint à ce qu’offre la nature environnante, tout en permettant d’y vivre.

Emmanuelle ROZIER Cours Terminales / La Culture16