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ÉditoL’école, caisse de résonanceAprès la ministre de l’Éducation,le Premier ministre, c’est au tourdu président de la République deconvoquer l’École et de rappelerson rôle central dans laconstruction de la citoyennetéet la lutte contrel’obscurantisme.Même si le ton était grave,le volontarisme affiché,le catalogue de mesuresannoncées, reprenant pourles unes des propos antérieurs,restant très vagues pour lesautres, risque de tourner autourdu problème sans l’affronterréellement.Certes, la symbolique a sonimportance dans toute société,l’invocation renouvelée à lalaïcité a un sens. Mais celasuffira-t-il à ce que les principesde la République trouvent échopour chaque jeune, que chacund’entre eux ait le sentiment devivre l’égalité et la fraternité ?L’école produit de l’échecscolaire qui peut alimenterrévoltes et sentiments dediscrimination : tous les effortsdoivent être faits pour lui donnerles moyens à la hauteur desdéfis. Par ailleurs, l’autorité nese prescrit pas mais au contrairese construit par l’expertise du professeur, sa capacité et les outils dont il dispose pouramener progressivement lesélèves à entrer dans la culture.Le message que veut transmettrel’École doit aussi entrer en résonance avec une sociétésoucieuse de plus de justiceet de solidarité.Est-ce bienla voie tracéeaujourd’hui par leprésident dela République ?

Frédérique Roletcosecrétaire générale

EntretienAnne Angles

40

L’Université Syndicaliste, le journal du Syndicat national des enseignements de second degré (SNES, 46, avenue d’Ivry, 75647 Paris Cedex 13. Tél. standard :01 40 63 29 00). Directeur de la publication : Roland Hubert ([email protected]). Rédacteur en chef : Thierry Petrault. Secrétaire de direction :Bénédicte Derieux. Collaborateurs permanents : Nicolas Béniès, Jean-François Claudon, Monique Degos, Caroline Gros, Véronique Ponvert, Stéphane Rio,Nicolas Sueur. Régie publicitaire : Com d’habitude publicité, 25, rue Fernand-Delmas, 19100 Brive. Clotilde Poitevin, tél. : 05 55 24 14 03, fax : 05 55 18 03 73,www.comdhabitude.fr. Compogravure : C.A.G., Paris. Imprimerie : SEGO, Taverny (95). C.P. N° 0118 S 06386. I.S.S.N. N° 0751-5839. Dépôt légal à parution.Conception : Voltaire & Associés, 15, rue de la Banque, 75002 Paris. Photo de couverture : © Fotolia.com/freshidea.

Prix du numéro : 1,30€. Abonnement : 1) Personnels de l’Éducation nationale : France 30€ ;étranger et DOM-TOM : 44 €. 2) Autres, France : 42 € ; étranger : 56 €.Publicité : MAIF (p. 5), CASDEN (p. 48). Joint à ce numéro : 8 p. Femmes

SOMMAIRE

21 DossierL’agriculture de demain

32 Sur le terrainÉquipes pluriprofessionnelles

30 jours 3Revue de presse 4Portrait 6• Le Matricule des Anges

Actualité 8• Mobilisation du 3 février• Rentrée 2015 et IMP• Réseaux d’éducation prioritaire• Salaires• La situation en Grèce• Loi Macron• Fonction publique : qualité au travail• La formation, EAP, stagiaires• Réforme et programme du collège• Date de prérentrée• Contractuels titularisés

Dans la classe 17• Le projet comme moteur de classe

Éco/social 18• Démocratie « réelle » et mise en commun• Inégalités au travail• Hommage à « Oncle bernard »

Dossier 21• L’agriculture de demain :

quelles alternatives au productivisme ?

Métier 28• Éducation morale et civique• Calendrier du bac 2015 : peux mieux faire• Absentéisme : l’affaire de tous• Accompagnement éducatif en collège

Catégories 30• Mouvement 2015• CIO : réorganiser pour supprimer ?• AED : les oubliés de l’École de la République• Non-titulaires : incohérence ministérielle

Sur le terrain 33• Équipes pluriprofessionnelles

Fenêtre sur 34• Médecins sans frontières

Culture 36• Livres/Revues• Cinéma/Théâtre/Spectacles/Expositions

Entretien 40• Anne Angles, Les Héritiers

International 42• Être prof au pays d’Orban• ONU : une éducation secondaire pour tous

Rattrapage 44• Les ORS des enseignants du secondaire

Changer d’ère 45• La « MOOC-mania »

Droits et libertés 46• Enseignants suspendus après Charlie Hebdo• Lutte contre les LGBT-phobies

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Supplément au no 749 du 17 janvier 2015 - US MAGAZINE - 3

BILLET D’HUMEUR

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Honteux

30 JOURS

la suppression du redouble-ment et celle de la Shoah estau-delà de l’irresponsabilité,en particulier quelques joursaprès les assassinats qui ont eulieu à Paris. Il y a des provoca-tions malsaines, nauséabondes,qui discréditent, déshonorentleur auteur et donnent le ver-tige quand elles viennent dequelqu’un qui a eu de hautesresponsabilités dans le domainede l’Éducation et qui prétendcontinuer à peser sur l’avenirde l’École. n Daniel Robin

Le mur de l’austérité s’effrite«L’espoir l’a emporté ». C’est en reproduisant à l’envi ce slogan sur

la toile et sur les murs de leur pays que des dizaines de milliersde Grecs ont salué la victoire de Syriza aux élections législatives du25 janvier.Depuis, les nouveaux dirigeants grecs n’ont pas chômé pour tracer, parde nombreuses visites aux quatre coins du continent, les contours d’unlarge rassemblement européen anti-austérité. Depuis son entrée en fonc-tion, le gouvernement grec n’a eu de cesse de rappeler qu’il voulaitrenégocier le montant de la dette nationale avec ses partenaires euro-péens tout en rappelant que le mandat qu’il détenait du peuple ne sau-rait être remis en cause par les traités chers à M. Juncker, pour qui lasouveraineté populaire importe décidément moins que les accords inter-gouvermentaux ou encore l’optimisation fiscale...Depuis fin janvier, on assiste à l’apparition d’un véritable « effet »Syriza dans toute l’Europe. La restructuration d’une dette en grandepartie illégitime, la dénonciation des politiques d’austérité, la défensedes services publics, la réponse à l’urgence sociale : ces perspectivesenthousiasment à juste titre des millions de citoyens européens. Unebrèche a commencé à lézarder le mur de l’austérité dont le mortier étaitfait du fatalisme des peuples européens. À eux de relever l’espoir néà Athènes pour ouvrir la voie à des politiques redistributrices répon-dant enfin aux besoins sociaux.

Christian Forestier a accu-mulé les responsabilités

dans l’Éducation nationale  :recteur, directeur du cabinet deClaude Allègre, directeur del’enseignement scolaire…Il déclare le 28 janvier concer-nant le redoublement desélèves : « Plus on explique qu’il[le redoublement] est ineffi-cace plus on entend des gensqui disent on y croit pas. C’estpresque une forme de néga-tionnisme  ». Faire la compa-raison entre la contestation de

Fifty fit’un50 % de la richesse détenus par 1 % de la population.

19janv.

Le bâton et la carotte. La famille et le pape François :Ne pas « se comporter comme des lapins ».

20janv.

BCE = QECQFD pour mon ami la finance.

22janv.

Illettré... gênéEmmanuel Macron présente ses excuses aux salariés de Gad.

23janv.

Grèce 1 - Troïka 0Victoire de Syriza en Grèce. La majorité absolue frôlée de deux sièges.

25janv.

Un passé terriblement présent70e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz.

27janv.

Qatar...clisme. Cinquième titre de championne du mondepour l’équipe de France de handball. Du jamais vu !

1ER

févr.

J’le vœux bienLa rédaction vous souhaite une excellente année.

1er

janv.

Pas timbréUn facteur retraité perce le mystère de la construction des pyramides.

2janv.

Nein. « Plus jamais en Allemagne » : mobilisation contre les anti-islam de Pegida.

6janv.

Je suis CharlieCabu, Charb, Wolinski, Tignous et les autres victimes de l’intégrisme.

7janv.

Crayons en libertéCharlie hebdo sera publié.

8janv.

Second attentatLe terrorisme frappe un supermarché juif.

9janv.

Sors de ta zone. Un « expert » de Fox News voit des « no-go zones » interdites aux non-musulmans dans Paris.

4 millions et moi et moiNicolas Sarkozy monte en première ligne. #j’ai changé... de place.

11janv.

Ils sont aussi tous CharlieTerrible attaque de Boko Haram contre le village de Baga : 2 000 morts.

12janv.

Sueur froide2014, année la plus chaude sur le globe.

16janv.

10janv.

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Le dessin du mois

CHARLIE HEBDO, 14 janvier 2015

Le Canard enchaîné, 21 janvier 2015

4 - US MAGAZINE - Supplément au no 749 du 17 janvier 2015

REVUE DE PRESSE

J. Sfar

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6 - US MAGAZINE - Supplément au no 749 du 17 janvier 2015

LIRE, LE MAGAZINE LITTÉRAIRE, CASSANDRE, BOOKS... Les publications consacrées à l’actualité littéraire sontnombreuses, signe que l’intérêt pour la lecture n’a pas faibli et existe toujours dans notre société peuplée d’écranset d’images. Mais Le Matricule des Anges n’est pas une revue littéraire de plus : à l’heure où l’avenir de la pressepapier, soumise aux diktats des grands groupes de presse et des actionnaires, est grandement menacé, le magazinecontinue à résister face à ses concurrents et à fidéliser ses lecteurs. Portrait d’une presse libre et indépendante.

On peut classer Le Matricule des Anges(LMDA) dans les revues pour soncontenu spécialisé et très pointu dans le

domaine littéraire ; c’est aussi un magazine,pour sa forme, sa mise en page, ses têtes d’af-fiche et ses sujets d’actualité. Difficile à réper-torier tant LMDA a un statut inédit parmi lespublications.

Libre, indépendant : sincèreLe Matricule est une publicationmensuelle de 52 pages, sans aucunepublicité, pas même la couvertured’un récent prix littéraire – relaisdéguisé pour la maison d’édition quile publie. Cette absence de référencecommerciale est sans doute unmanque à gagner en terme de finan-cement, mais c’est à coup sûr ungage d’indépendance pour la ligneéditoriale. LMDA affiche en effet unegrande liberté : liberté de ton d’abord,puisqu’on y lit sans complaisancedes critiques passionnées, parfoisdures, mais toujours sincères, desouvrages présentés : des proposaffranchis de toute collusion d’inté-rêts, exigence difficile à tenir dans lemonde de l’édition. Liberté dans leschoix éditoriaux aussi, le contenu,les rubriques, les sujets. S’il faut défi-nir la ligne éditoriale du Matricule,c’est bien avant tout la volonté deparler de tous ceux qui n’ont pas devoix : en affichant comme principe labibliodiversité, LMDA s’attache éga-lement à donner la parole à de petitesmaisons d’édition, qui ont peu definancement et un budget presse res-treint, et chez lesquels, pourtant, sontpubliés des auteurs talentueux – et endevenir. La poésie, les textes dethéâtre, les domaines français et étran-ger (mais pas seulement la littéra-ture anglo-saxonne largement relayéepar ailleurs – les créations alle-mandes, slaves, latino-américaines...)sont également des entrées privilégiées duMatricule : « La poésie, nous dit PhilippeSavary, cofondateur avec Thierry Guichard duMatricule (1) (voir encadré ci-contre), a désertéles pages des suppléments littéraires ; pour-tant, un lectorat existe et il y a une vraie vita-lité éditoriale. On ne cherche pas à tout prix à

parler de ce qui se vend ou va se vendre. Le sui-visme est une maladie de la presse littéraire ». Même constat dans la forme retenue :LMDA est une publication qui étonne aussi parses choix à rebours des modèles en cours.Ailleurs, dans une presse « grand public »,s’imposent un format très court des articles,

des données brutes véhiculées dans les « gra-tuits », la prépondérance des images, lesapports de chiffres et autres informationsbrèves dans les pages d’actualité : aucun deces aspects n’est à l’honneur dans Le Matri-cule, au contraire. La mise en page y est épu-rée, les visuels sommaires et peu nombreux,

les formats d’articles sont longs... « L’époqueest au régime, au zapping : pages aérées ettextes squelettiques. Nous préférons desarticles et des entretiens au long cours.Prendre le temps de la rencontre, laisserl’écrivain s’exprimer, le questionner, échan-ger, approfondir : tout cela ne nous paraît

guère faire partie des objectifs de lagrande presse aujourd’hui. »

Annie Ernaux à la rescousse ? La Une met à l’honneur l’auteur dudossier central du Matricule : lemois dernier, Annie Ernaux occupaitla première place (après NathalieQuintane en octobre). « AnnieErnaux est un auteur important,beaucoup lu chez nous, qui man-quait dans notre galerie de portraitsdepuis la création de la revue. Ilfaut trouver un équilibre. Ouvrirnos colonnes autant à des œuvresconfirmées qu’à des œuvres exi-geantes mais peu visibles, c’est évi-ter que Le Matricule s’apparente àun ghetto. Par exemple, Lydie Sal-vayre (2) est une écrivaine dont onsuit le parcours depuis longtemps.Nous lui avons consacré deux dos-siers déjà, le premier il y a quinzeans, le dernier en 2009... »Annie Ernaux en tête d’affiche per-met d’assurer des ventes confor-tables à ce numéro, ce qui n’est pasforcément le cas habituellement,notamment en librairies et enkiosques. Cependant, la diffusionde la revue reste très stable grâce àun réseau d’abonnés fidèles, bienancré dans les espaces publics(bibliothèques, médiathèques...) etqui par conséquent essaime çà et làet conquiert de nouveaux adeptes.« Nous cherchons à débusquer desécritures singulières, à faireentendre des voix dissonantes quifont bouger les lignes. Mais nous

ne faisons croire à personne que trente chefs-d’œuvre se publient chaque mois ! Nousveillons aussi à ne pas rester le nez collé à l’ac-tualité éditoriale. Il y a des œuvres patrimoniales, pas assez lues à notre goût,qui méritent d’être (re)découvertes. Onpeut citer nos récents dossiers sur Louis

La littératurepour élargir le monde

PORTRAIT LE MATRICULE DES ANGES

« Nous cherchons à débusquer

des écritures singulières, à faire entendre

des voix dissonantes »

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Guilloux, Georges Perros, Emmanuel Bove,Pier Paolo Pasolini ou encore Robert Wal-ser. D’ailleurs, en histoire littéraire, chaquemois, deux rubriques font la part belle aux“égarés oubliés”, ou aux “intemporels”. »

Le plaisir comme moteurPour ces deux anciens étudiants en journa-lisme (à Strasbourg), décider de créer un maga-zine de littérature contemporaine, de se centrersur un sujet pointu et spécialisé, c’est avant toutse faire plaisir, c’est-à-dire décider de mettre sapriorité au centre de ses choix de vie, avant l’in-térêt commercial par exemple. « Nous pen-sons que la littérature permet de vivre plusdensément le quotidien, d’élargir le monde.Lire est une activité salutaire pour que lesidées circulent et répondent, dans leurs pro-ductions, aux interrogations de notre époque.On aime la littérature parce que la littérature

nous nourrit, elle irrigue le rapport que l’on aau monde qui nous entoure, à l’Histoire, aupassé comme à l’avenir. »Pour donner corps à ce projet, il fallait s’affranchir de certains jougs, et se trouverdes alliés : LMDA est basé à Montpellier,décentré de ce qui fait l’actualité, certes,mais loin des pressions mondaines du micro-cosme parisien, du copinage, des renvois d’as-censeur ; il vit grâce à la convergencede centres d’intérêts et de valeurs de touteune équipe de rédacteurs qui travaillentensemble depuis longtemps. « Le côté artisa-nal et un peu bricoleur du Matricule, on lerevendique. Il y a une sorte de bonheur à être

dans un état d’apprentissage permanent, çaévite l’usure. »LMDA est considéré comme un OVNI sur lemarché et Philippe Savary s’en amuse :« Déjà, le nom : Matricule des Anges ! Dif-ficile d’être pris au sérieux, alors qu’on atout de même plus de 10 000 lecteurs chaquemois, ce n’est pas rien. Pourtant nos articlessont rarement repris dans les publicités éditoriales. » Face à la puissance médiatique

« On ne cherche pas à tout prix

à parler de ce qui se vend

ou va se vendre.

Le suivisme est une maladie

de la presse littéraire. »

de certains, Le Matricule ne fait évidemmentpas le poids. Mais il existe, persiste, poursuitsa quête et remporte l’adhésion et la fidélitéd’un lectorat qui repousse au loin la superfi-cialité et la facilité, qui rejette le prisme desmédias et cherche sa propre vérité. Tout unprojet politique. n Véronique Ponvert

(1) Toutes les citations du texte sont de P. Savary.(2) A reçu le prix Goncourt 2014 pour Pas pleurer (Seuil).

Trois questions à...

L’US Mag : Comment finance-t-on une publication sans publicité etsans le soutien d’un grand groupe de presse ?Par ses lecteurs, tout simplement (ventes au numéro et abonnements).C’est le prix d’une réelle indépendance. La publicité dans nos pagesdesservirait notre propos. Nous bénéficions d’une seule subventionpublique, celle du Centre national du Livre, qui représente 13 % du

chiffre d’affaires. Le Matricule des Anges compte trois salariés – dont l’un est à temps par-tiel (notre webmestre) – et sa rédaction est bénévole. Nous avons des convictions, des envies. La littérature, quelles que soient son originalité, sacomplexité, doit être présentée le plus simplement possible au public – grands lecteurs ou lec-teurs occasionnels. D’ailleurs, nous constatons que les écrivains que nous mettions en Unedans les années 1990 ou 2000 sont aujourd’hui des auteurs reconnus. Songeons à PierreMichon, Erri de Luca, Patrick Deville, Lydie Salvayre, Antoine Volodine, António LoboAntunes...

L’US Mag : Quels sont les principes déontologiques que vous vous imposez au Matricule ?Imposer suggère une contrainte. Les règles que nous respectons au Matricule des Anges sem-blent plutôt relever de l’évidence. Par exemple, vous ne trouverez pas dans nos pages larubrique « Nos collaborateurs ont publié ». Quand un journaliste du Matricule publie un livre,il se voit même interdit de chroniquer tout livre qui paraîtra chez son éditeur. Nous ne cri-tiquons pas non plus des livres que font paraître nos écrivains-chroniqueurs (Pierre Senges,Marie Cosnay, Charles Robinson) pendant toute la durée de leur collaboration. Il y a aussid’autres règles : l’interdiction du « je », des règlements de comptes, ou encore du mot « jubi-latoire » (dont l’emploi, si fréquent dans la presse, évite d’argumenter) ! Ces règles déon-tologiques nécessitent de travailler avec une équipe régulière. C’est pour cette raison que nousn’acceptons pas de contributions extérieures à notre rédaction. On pourrait parler de contratde confiance. Ce n’est pas une coquetterie en ces temps, qui durent, où le journalisme lit-téraire est gangrené par deux fléaux : la paresse et l’entre-soi.

L’US Mag : Quel est, selon vous, l’avenir de la presse papier face à la montée en puissancedu numérique ? Un récent documentaire annonçait la disparition de la presse papier en France en 2029. Crisedu papier ou crise des contenus ? Si la génération digitale est en marche, et c’est une trèsbonne chose, la presse papier a encore un bel avenir pour ceux qui seront curieux, créatifset peu soucieux de la tyrannie du buzz.

Une équipe◗ 25 collaborateurs permanents

Thierry Guichard : directeur de publicationPhilippe Savary : rédacteur en chef

Un site : www.lmda.net◗ Les archives du Matricule

◗ Des interviews ◗ Des centaines de chroniques

Une adresse◗ Le Matricule des anges, BP 20225,

34004 Montpellier Cedex 1

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Philippe Savary, rédacteur en chef

En bref... Des chiffres◗ 6 000 exemplaires chaque mois (tirage)

◗ 150 points de diffusion en librairies (et maisons de presse)◗ 2 300 abonnés, dont 600 bibliothèquesDes dates

◗ 1992. Création du Matricule, bimestriel◗ 2003. Le Matricule devient mensuel

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8 - US MAGAZINE - Supplément au no 749 du 17 janvier 2015

ACTUALITÉL’ÉCOLE AU CENTRE ? CHICHE !Les suites des attentats qui ont frappé la France continuent de faire couler beaucoupd’encre et de salive sur le rôle de l’École dans la transmission des valeurs de la République, le travail incontournable des enseignants.

La période de vœux est passée mais lesbeaux discours semblent bien perdurer.Les enseignants chercheront en vain dans

les propos de la ministre de l’Éducationcomme du président de la République, la traced’une promesse de revalorisation des condi-tions de salaire et de rémunération.

Au-delà du simple affichageTroublant paradoxe qui s’ajoute à cetteabsence de mesures concrètes : au moment oùon s’accorde à expliquer que c’est l’accès à laculture et l’appropriation de savoirs structurésqui permettent la distance et l’esprit critiqueface aux stéréotypes, les attaques éculéescontre la structuration disciplinaire du col-lège et le temps « excessif » passé à l’Écolereviennent en force dans les discussions sur laréforme du collège.Les informations glanées par le SNES sur lesujet ont manifestement suscité la réactiondes collègues enseignant en collège, si l’on encroit la participation à la journée de grève du3 février, nettement plus marquée qu’en lycée.Difficilement médiatisée dans le contexte

post-attentats, cette journée n’a pas rassemblésuffisamment une profession en proie au doutesur les possibilités de satisfaction de ses reven-dications, déçue du peu d’évolutions percep-tibles dans le quotidien. Cette mobilisationcependant, à l’appel de l’ensemble des syn-dicats de l’éducation de la FSU, rejoints dansplusieurs départements par d’autres organi-sations, a manifesté le mécontentement desenseignants confrontés à une préparation derentrée difficile, l’absence de reprise des dis-cussions sur l’éducation prioritaire, des salairestoujours aussi faibles. Elle a aussi donné augouvernement le signal que ni le SNES ni laFSU ne laisseraient remettre en cause leséquilibres arrachés au début du quinquennat,sur l’unité du second degré en particulier.Il s’agit maintenant de donner des suites àcette journée en revenant sur les problèmesréels que rencontrent personnels et élèves, ladégradation des taux d’encadrement(1), l’étatdes équipes pédagogiques et éducatives, celuide la formation continue.À cet effet, le SNES lancera une campagnepublique, utilisant tous les supports (site, tract,

réseaux sociaux...) et faisant appel à diffé-rents témoignages (chercheurs, enseignants,parents...) afin de dresser l’état de l’existant etproposer des remèdes. Une adresse publiqueau président de la République suivra.Il s’agit de faire participer le maximum de col-lègues, donner un cadre aux différentes actionsmenées dans les établissements sur la prépa-ration de la rentrée afin d’envisager une mobi-lisation collective en mars si le gouverne-ment ne bouge pas. n Frédérique Rolet

(1) Source DEPP repères et références statistiques 2014

ENSEIGNANTES, ENSEIGNANTS

Le mythe de l’égalité

Colloque SNES-FSUJeudi 26 mars 2015

Espace Hermès, auditorium18, rue du Sergent-Beauchat, 75012, métro Montgallet

S’inscrire : par email à [email protected] ou par téléphone au 01 40 63 29 11

UN APPEL POUR L’ÉCOLELe débat public après les attentats de Paris enjanvier a conduit à une forte interpellationde l’École. S’il est positif que la société redé-couvre soudainement l’importance de l’ac-quisition d’une culture commune vivante dansla formation de citoyens éclairés et dans lacompréhension de la laïcité, il n’en reste pasmoins que les discours ne suffiront pas. LeSNES-FSU lance, sous forme d’une tribune,un appel pour une politique éducative qui soitenfin à la hauteur des enjeux, tant sur le plande la conception des programmes scolairesliée aux finalités de la scolarité obligatoire quesur celui de la revalorisation des professionsde l’Éducation.Cet appel est téléchargeable  sur le site duSNES : www.snes.edu/L-Ecole-au-coeur-du-debat.html.

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Collège • 1 classe sur 10 au moins à plus de 30 élèves• 53,6 % des classes de 25 à 29 élèves

Lycée • 4 classes sur 5 comptent plus de 30 élèves• 1 classe sur 3 compte plus de 35 élèves• La classe de Seconde étant la plus chargée

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Supplément au no 749 du 17 janvier 2015 - US MAGAZINE - 9

RENTRÉE 2015 : PRIORITÉ INVISIBLELa rentrée 2015 se prépare activement dans les établissements qui ont maintenant connaissancedes moyens qui leur sont attribués. Les CA vont délibérer très prochainement sur leur répartitionet les collègues qui en débattent aujourd’hui mesurent les difficultés qui se profilent.

IMP : DÉRIVES MANAGÉRIALES À COMBATTRELe projet de décret portant sur les Indemnités pour missions particulières (IMP) que le ministèreprésentera au CTM du 11 février est inacceptable en l’état (www.snes.edu/Rentree-2015-les-clarifications.html). D'après les informations dont nous disposons, la déclinaison que projette le ministère dans la circulaire d'application amplifie les dérives du projet de décret.

En effet, les nouveaux emplois créés pour le second degré, l’équi-valent de 2 550 postes à temps plein d’enseignants et dix emploisde CPE stagiaires, seront loin de suffire pour compenser la hausse

démographique et financer une relance ambitieuse de l’éducation prio-ritaire. Le ministère a lui-même convenu que ces moyens ne permettrontde prendre en compte la hausse démographique qu’à moitié. Or, la tension sur les effectifs est plus forte d’année en année : sur dixans, les effectifs moyens d’élèves par division ont augmenté d’uneunité environ et les établissements de l’éducation prioritaire ne sont pasépargnés. Le risque est grand d’un appauvrissement de l’offre de for-mation et la répartition des moyens va encore se faire en jouant les dis-ciplines les unes contre les autres.

Flou entretenuNous sommes dans cette préparation confrontés à une difficulté sup-plémentaire. En effet, le décret concernant les indemnités pour missionsparticulières (IMP) n’est toujours pas paru à ce jour et l’absence de textedonnant aux recteurs et chefs d’établissement des consignes sur l’ap-plication des nouveaux décrets régissant les obligations de service desenseignants engendre la plus grande cacophonie dans les collèges et leslycées. Prenant des libertés d’interprétation des plus fantaisistes avec lestextes réglementaires, ils continuent de faire la preuve que pour eux« autonomie des établissements » rime avec déréglementation et auto-ritarisme à tous les étages.

Le SNES-FSU s’adresse à la ministre pour lui demander de sortir dusilence et de faire en sorte que les textes de cadrage indispensables soientpris. Il appelle les collègues à intervenir notamment dans les CA pourimposer le respect des textes, une autre écriture du décret IMP et aussila prise en compte des besoins de chaque établissement en termes demoyens. n Fabienne Bellin

Malgré nos interventions, le ministère refuse de différencier, dansle projet de décret, les missions contribuant à la bonne orga-nisation des enseignements (celles qui pouvaient ouvrir droit

à décharges dans les décrets de 1950(1)), et dont la mise est en placedevrait être une obligation, decelles relevant des politiqueséducatives au plan national,voire du projet d’établissement.En cela, le ministère donne plusde poids aux chefs d’établisse-ment pour faire pression sur leséquipes pédagogiques et édu-catives en jouant sur la réparti-tion des IMP.Les missions inscrites dans leprojet de décret trouvent leurdéclinaison dans un projet decirculaire d’application. Dans la droite ligne des conseils de cycle oudes conseils école / collège, il envisage de créer des hiérarchiesintermédiaires en donnant, par exemple, à des coordonnateurs deniveaux ou de cycle des prérogatives dignes de celles d’un adjoint.Le SNES-FSU combat ces orientations.

Réduction de moyensCertains établissements font le constat que le volume des IMP va au-delàde ce qui est consacré, pour l’année 2014-2015, aux décharges, à l’IFIC(2)

et aux éventuelles indemnités versées aux coordonnateurs de disci-plines. Parallèlement, la baisse dunombre d’HSA attribuées restreint lapetite marge de manœuvre qui pou-vait exister pour apporter des soutiensou dédoublements ponctuels...(www.snes.edu/La-DGH-2015-dans-les-CA. html). Le SNES appelle à refuser que desmoyens soient attribués à des fonctionsde coordination de cycle, de coordinationde niveau, ou toute mission s’apparentantà des prescripteurs locaux de la « bonnepédagogie » ou autres préfets des études

et à demander qu’ils soient consacrés à une amélioration des conditions detravail des personnels et d’étude des élèves.n Xavier Marand

(1) Cabinet d’histoire-géographie, heures de laboratoire, coordination EPS(2) IFIC : Indemnité pour fonctions d’intérêt collectif

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10 - US MAGAZINE - Supplément au no 749 du 17 janvier 2015

ACTUALITÉÉDUCATION PRIORITAIRE : UN PEUD’ESPOIR, BEAUCOUP D’INSATISFACTIONAprès un long parcours, la réforme de l’éducation prioritaire a abouti à une nouvelle carte. Dans lemême temps, dans les 102 REP+ préfigurateurs, les personnels témoignent trop souvent de dérives.

La liste des REP et REP+ à compter de larentrée 2015 vient d’être publiée auBO du 5 janvier. Elle s’établit à 1 089

réseaux, soit 350 REP+, comme prévu ini-tialement, et 789 REP, soit sept de plus quiont été ajoutés lors du Comité techniqueministériel du 17 décembre.

Manque de transparenceMême si l’EP n’a pas subi un mouvement deconcentration, ni de délabellisation totale, onne peut se satisfaire d’une carte dite « isopé-rimétrique » qui laisse de côté nombre desituations qui appelaient pourtant des réponsesdans un contexte d’aggravation des difficul-tés sociales et de la grande pauvreté. On nepeut être satisfait non plus de modalités de

délimitation de cette carte, trop souvent mar-quée localement par une absence de concer-tation et un refus de toute transparence. Celane pouvait susciter que de l’incompréhen-sion de la part des personnels, voire de lacolère de ne pas être entrés ou d’être sortis del’éducation prioritaire sans raison apparente.Dans la plupart des académies, des établis-sements continuent de se mobiliser pour pré-server leurs moyens ou voir reconnaître leursdifficultés.

Et les lycées ?La nouvelle carte présente aussi le défautd’évacuer la question des lycées pour lestraiter plus tard, comme des entités décon-nectées des réseaux, comme si la liaison col-

lège/lycée n’avait guère d’importance. L’in-certitude demeure donc sur le devenir desLGT et LP qui relèvent aujourd’hui, à untitre ou à un autre, de l’éducation prioritaire.Il est urgent que le ministère s’en préoccupeet qu’il ne répète pas les mêmes erreurs.

Petits arrangements avec la pondérationDe nombreux témoignages signalent delourdes dérives dans les REP+.Il en va ainsi de la pondération de 1,1 qui sevoit « triturée » dans tous les sens au méprisdes règles qui ont été fixées par le décret.En Seine-Saint-Denis par exemple, il ne s’agitpas de la réduction des obligations de serviceque définit pourtant le décret, mais d’unesimple base de calcul des HSA (voir illus-tration). Pour le SNES-FSU, le décret doit êtreappliqué et conduire donc à une réduction desobligations de service dans ces établisse-ments (pour un certifié, 16,4 heures soit17,4 heures avec une HSA qui peut être impo-sée par nécessité de service).

Ne rien se laisser imposerTrop souvent aussi, les chefs d’établissementcherchent à utiliser le temps libéré par lapondération pour imposer dans les emplois dutemps un créneau horaire avec présence obli-gatoire, voire un planning de concertationavec thèmes imposés – sans aucune concer-tation.Rappelons que la circulaire précise qu’il nes’agit pas « d’entrer dans une comptabilisa-tion » des tâches effectuées dans le cadre dela pondération. Les personnels doivent restermaîtres d’œuvre de l’usage fait du tempslibéré et du travail collectif de réflexion péda-gogique. Un travail de concertation doit per-mettre en amont d’identifier les besoins del’établissement et des élèves pour mettre enplace ce qui permettra d’y répondre. n

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Supplément au no 749 du 17 janvier 2015 - US MAGAZINE - 11

SALAIRES : LE GEL, ÇA SUFFIT !Le décret confirmant le versement de la garantie individuelle de pouvoir d’achat (GIPA)en 2015 est paru au JORF(1).

Après la journée d’action du 30 septembre2014, les retraités se sont fait entendre ànouveau dans les départements auprès

des préfectures et conseils généraux à l’appelde leurs organisations syndicales (UCR- CFT-FO- UNAR CFTC- FSU – Solidaires – FGR-FP – UNRPA – LSR).Ils se mobilisent sur la base d’un mémoran-dum construit autour de sept revendications,notamment le retour à la revalorisationannuelle des pensions et retraites au 1er janvieravec rattrapage des 30 derniers mois, l’in-dexation des retraites sur les salaires, le retourau droit à la retraite à 60 ans, le minimumretraite au SMIC, l’amélioration des pensionsde réversion, l’exonération fiscale des majo-rations de pension pour les retraités ayant eutrois enfants...

Méprise ou mépris ?Car le pouvoir d’achat des retraités – commecelui des actifs – est durement attaqué : 10 % des

retraités vivent sous le seuil de pauvreté,alors que 1 % de la population mon-diale a le même montant de ressourcesque l’ensemble des 99 % restants.Autre sujet de colère : le 5e report de la loid’adaptation de la société au vieillisse-ment pour le 1er trimestre 2016. Mais lesretraités imposables sur le revenu continuerontà verser les 0,3 % de la CASA, censée finan-cer la perte d’autonomie, contribution illégi-time qui rompt les solidarités.Seconde initiative, celle-là nationale : la ren-contre avec les élus au CESE. Seuls M. Watrin,sénateur communiste, et l’attaché parlementairede Mme Fraysse, députée Front de gauche,étaient présents. Les échanges ont été fruc-tueux, convergents, le sénateur du Pas-de-Calais proposant des rendez-vous réguliers.Que penser des autres groupes parlementairesqui n’ont envoyé aucun représentant, ni aucuncourrier pour répondre à l’invitation des huitorganisations syndicales ou associations de

retraités ? Cesderniers représententpourtant seize millions de citoyens.

Pour les retraités aussi, revalorisation !Les retraités ne désarment pas. Ils préparentdes initiatives autour du 1er avril, date de reva-lorisation des pensions avant la loi sur lesretraites de 2014 et le gel des pensions décidépeu après par Manuel Valls.Le combat des retraités n’est pas égoïste. Ils se battent aussi pour que les générations à venir n’héritent pas de reculs sociaux historiques. n

Marylène Cahouet

Soulagement pour les bénéficiaires, il estcependant associé à une politique sala-riale préjudiciable à nos professions.

Versement de la GIPALes fonctionnaires qui ont perdu du pouvoird’achat entre les 31 décembre 2010 et 2014percevront la GIPA en 2015. Sont aussiconcernés dans les mêmes conditions lescontractuels en CDI et ceux en CDDemployés de manière continue sur cettepériode. Pour apprécier la perte de pouvoird’achat, il est procédé à la comparaison del’évolution du traitement brut sur la périodede référence avec l’évolution des prix, horstabac. Le montant de l’indemnité correspondà la différence. Un arrêté devra préciser l’évo-lution des prix retenue, mais il est acquis quetous ceux dont l’indice de rémunération n’apas évolué sur la période de quatre ans sontconcernés. Cette indemnité est versée auto-matiquement, généralement au mois de juillet.

DéclassementLa GIPA, mise en place en 2008, n’existequ’en conséquence du choix des gouverne-

ments successifs de laisser le point d’indicese déprécier, puis de le geler.C’est donc toute la grille de rémunération dela Fonction publique qui dégringole, sedéforme et se tasse, car il faut bien en bas degrille maintenir les rémunérations au niveau duSMIC. On en arrive ainsi à recruter les ensei-gnants avec un salaire de 1,12 SMIC. Globa-lement, par rapport à la génération(2) qui nousa précédé, il nous manque un tiers du salaire.Cette situation insupportable doit être corri-gée. La FSU a adressé aux ministres de

l’Éducation nationale et de la Fonctionpublique des propositions(3) visant à remé-dier à la crise de recrutement. Tous les leviersstatutaires doivent être mobilisés : valeur dupoint, déroulement des carrières et échelles derémunération, politiques indemnitaires face àl’urgence. n Anne Féray

(1) Décret 2015-54 du 23 janvier 2015, JORF du25/01/15.(2) En considérant que 30 ans séparent deux géné-rations.(3) www.fsu.fr/Carrieres-et-remuneration-des.html

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REVENDICATIONS : LES RETRAITÉS SE FONT ENTENDREFace à la politique de baisse du « coût » du travail menéepar le gouvernement et à l’érosion des cotisations sociales qui en découle, les retraités ne désarment pas.

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ACTUALITÉBONNE NOUVELLE DE GRÈCEON PEUT REFUSER L’AUSTÉRITÉ !Le message venu de Grèce est clair tant le rejet de toute forme d’austérité par le peuple grec a été massif. Il est enfin temps de reconstruire un pays dévasté par la finance.

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ON PEUT FAIRE AUTREMENT !La victoire de Syriza change incontestablement la donne en Grèce et en Europe. Les Grecs, libérésde la troïka, ont enfin retrouvé le droit d’essayer.

En 2010, les institutions européennes ontrefusé la restructuration de la dettegrecque pour sauver les intérêts des

banques françaises et allemandes qui avaientgénéreusement profité du robinet à créditouvert en Grèce. Le peuple grec a été invitéà payer la note à leur place, avec les mémo-randums d’austérité imposés en contrepartied’une « aide » européenne qui consistait enfait à financer des prêts à 5 % par desemprunts auprès de la BCE à 1 % !

En 2012, la restructuration de la dette détenuepar des créanciers privés est enfin réalisée enla transférant sur les créanciers publics (BCE,États, fonds de soutien européens...). Et l’aus-térité a pour principal effet de gonfler la dettepublique à 175 % du PIB du fait d’une baissehistorique de la production (– 25 %).En Irlande, le gouvernement élu en 2013,confronté à la même situation, tente un coupde force en menaçant de faire défaut et obtientde la BCE une restructuration de la detteirlandaise permettant de réduire les coupesbudgétaires. La demande grecque a donc unprécédent, contrairement à ce que dit la BCE.Aujourd’hui, le gouvernement Tsipras adoptecette stratégie dite « du faible au fort », enrefusant de reconnaître la troïka et en deman-dant une négociation de la dette grecque pourfinancer le coût de son programme social(estimé à 12 milliards) destiné à sortir lepeuple grec de l’austérité.

Une leçon à méditerQuelle est l’alternative ? Poursuivre la mêmepolitique ? Baisser encore plus le niveau de

vie tout en refusant de négocier réellementsur la dette ? Impensable, ont dit les Grecsle 25 janvier. Précipiter la Grèce hors del’euro et de la zone euro ? Déstabiliser cepays qui occupe une position géostratégiqued’importance ?Le combat des Grecs est notre combat caron nous répète sans cesse : la dette ! l’austé-rité ! on ne peut pas faire autrement ! Dans les années 1920, la France s’est accro-chée à un slogan qui s’est avéré désastreux :l’Allemagne paiera ! En 1953, la Conférencede Londres a réduit la dette allemande de60 %. Retiendra-t-on les leçons de l’His-toire ? Le gouvernement français doit peser pourque l’Europe sorte de son hiver austéritaire. çan’en prendra pas le chemin : alors que lesnégociations avançaient la BCE a tenté uncoup de force en prenant la décision d’arretéles opérations normales de refinancementdes banques grecques afin de faire plier legouvernement grecques au risque de déclen-cher une crise bancaire catastrophique. n Daniel Rallet

Très attendu et scruté tant par les secteursfinanciers que par les citoyens européensavides de changement, le vote émis par

les Grecs traduit un message clair, celui durefus des politiques d’austérité qui ont eu ledouble effet d’aggraver la situation du payset de plonger dans la pauvreté une grandepartie de la population. Il montre égalementque, en dépit des scénarii agités avant l’élec-tion destinés à faire peur spéculant sur lasortie de la Grèce de l’euro, voire de l’Europe,les électeurs ont fait confiance à ceux quiproposent des orientations alternatives à l’aus-térité, plaident pour une refondation de l’Eu-rope plus démocratique et sociale.

Sursaut en Grèce...Ce qui s’est passé en Grèce avec la victoirede Syriza doit être vu comme une opportunitépour relancer le débat, quelque peu tari, surla conception de l’Europe, sur des mesuresd’harmonisation des droits, des politiquesde progrès social. La tournée que font actuel-lement en Europe le Premier ministre grecet celui des Finances a pour objectif d’obtenir

une renégociation de la dette du pays, montéeà 175 % du PIB, mais aussi de lancer undébat plus général sur la situation actuellede l’Europe, la genèse de la crise et lesremèdes à apporter à celle-ci.Les politiques devront tirer tous les enseigne-ments de ce qui a été imposé à la Grèce, unepolitique d’austérité brutale, enfonçant le paysdans une crise sociale d’une extrême gravité.Les contacts de la FSU et du SNES avec noshomologues ont permis de mesurer l’ampleurdes dégâts causés aux services publics, notam-ment dans l’Éducation, depuis les suppressionsde postes jusqu’aux baisses de salaire. Ces

contacts seront renforcés dans la période afinde recueillir les analyses des syndicalistesgrecs, confronter nos expériences et réfléchirensemble aux enjeux du mouvement syndicalet au rôle qu’il peut jouer pour contribuer àd’autres politiques économiques et sociales.

... et en France ?Le gouvernement français a affirmé sa volontéde respecter le résultat électoral démocratiquedes Grecs. Souhaitons également qu’il en tireles conséquences sur sa propre politique etsur le rôle de la Fonction publique, facteurde cohésion sociale. n Frédérique Rolet

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LOI MACRON :UN FOURRE-TOUT LIBÉRALLe projet de loi rebaptisé « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques »actuellement débattu à l’Assemblée nationale vise officiellement à casser « les rigidités » qui entraveraient l’activité économique.

FONCTION PUBLIQUE : QUALITÉ DE VIE AU TRAVAILLancée en novembre 2013, la concertation sur la qualité de vie au travail (QVT) vient de s’achever.Elle prolonge et complète le protocole d’accord relatif à la prévention des risques psychosociauxdans la fonction publique d’octobre 2013.

Il n’est pas facile de s’y retrouver dans les206 articles du texte tant il concerne desdomaines aussi variés que les professions

réglementées du droit, le travail dominical etde nuit, les transports, le logement, l’examendu permis de conduire, les licenciements, lajustice prud’homale, l’épargne salariale, lacession d’actifs de l’État...

Déréglementation sur toute la ligneCertaines mesures semblent positives commel’encadrement des « retraites-chapeau » oucelui des tarifs des autoroutes... Mais le texteest surtout guidé par une logique de dérégle-mentation au détriment des salariés. C’estsurtout la question du travail dominical qui aoccupé la scène médiatique, en raison desdébats vifs qu’elle suscite à juste titre. Lescommerces non alimentaires devaient pouvoirouvrir cinq dimanches par an sans autorisation

préalable et jusqu’à douze dimanches avecl’approbation de la mairie. Or, un amendementa supprimé le seuil des cinq dimanches, cequi impose désormais l’autorisation du mairepour toute ouverture dominicale, dès le pre-mier dimanche. Mais la libéralisation du tra-vail dominical est maintenue... pour descontreparties financières renvoyées à la négo-ciation locale.Peu médiatisé, le chapitre « Droit du travail »s’appuie sur l’idée (que portait déjà l’accordnational interprofessionnel du 11 janvier 2013transposé dans la loi dite « de sécurisation del’emploi » du 14 juin 2013) que les droitssociaux des salariés seraient un frein à la com-pétitivité des entreprises. Le code du travailest donc détricoté un peu plus en matière deprocédures de licenciement, d’inspection dutravail et de justice prud’homale. Pour cettedernière, priorité est donnée à la médiation

entre le salarié et son employeur en rendantle dépôt de plainte moins systématique pourdésengorger le système et en professionnalisantles conseillers prud’homaux. Le rôle des élusdu personnel s’en trouve affaibli. n Monique Daune

Les échanges ont pris plus de temps queprévu, tout cela car les organisationssyndicales ont pesé pour que le docu-

ment ne se limite pas à une liste de bonnesintentions, qu’il reconnaisse des principes etcrée des droits nouveaux. Tout cela afin quela parole des personnels soit encouragée etréellement prise en compte en ce qui concernele contenu et l’organisation de leur travail.L’accord proposé à la signature des organi-sations syndicales le 16 février prévoit notam-ment un droit d’expression directe des agentssur leur travail, un droit d’alerte sur des dif-ficultés de mise en œuvre de politiquespubliques néfastes et des études d’impactobligatoires en cas de réorganisation de ser-vice, le tout en lien avec les organisationssyndicales et les instances représentativesdes personnels (CT et CHSCT).

Des droits nouveaux à faire vivreCes droits devront être déclinés dans les troisversants de la fonction publique et par chaqueemployeur public, dans le strict respect des

principes énoncés dans le protocole. Ce der-nier reconnaît que l’agent est acteur de l’or-ganisation de son travail et prévoit la miseen place, sur le temps de service, d’espacesd’expression entre pairs, en présence ou nonde leur hiérarchie selon les besoins. La seconde partie de l’accord concerne laconciliation vie professionnelle/vie person-nelle et porte sur la charte de gestion destemps et le télétravail en affirmant notamment

le « droit à la déconnexion » de tout moyende communication et d’information en dehorsdes heures de service.Il faudra évidemment mener bien des bataillessyndicales pour que ces droits ne relèvent pasd’un simple affichage, cet accord-cadre constituedonc un point d’appui important pour la suitedes événements. C’est pourquoi le Conseil natio-nal du SNES des 27 et 28 janvier s’est prononcépour une signature de la FSU. n M. D.

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ACTUALITÉ

Les EAP sont des étudiants, boursiers,s’engageant dans des études amenantau métier d’enseignant. Ils perçoivent

en plus de leur bourse sociale, une boursede service public et un maigre salaire. Enéchange, ils devraient effectuer 9 heureshebdomadaires de présence en établissementet 3 heures de préparation pour leurs inter-ventions en présence de leur tuteur. Mais laréalité est tout autre : « Je fais 12 heures dont7 devant élèves » (G., en lycée, Paris), « Jefais 12 heures de tâches d’AED » (R., enlycée, Lyon). « J’ai fait 12 heures parsemaine au collège, et même jusqu’à21 heures par semaine de mai à débutjuillet » (L., Clermont). Suite aux interven-tions du SNES-FSU, les consignes ministé-rielles sont pourtant claires. La DGRH pré-cise dans une note du 28/05/2013 que ladurée hebdomadaire de 12 heures « inclutun temps de préparation égal à trois heureshebdomadaires au maximum [...] En effet,la réalisation des missions pouvant lui êtreconfiées [...] nécessite un travail préalablequi fait intégralement partie de ses activi-tés ». Même consigne réaffirmée par leministre à l’Assemblée Nationale, le23/10/2013 et plus récemment de nouveaupar la DGRH dans sa note pour le Comitétechnique ministériel du 12/03/2014 en pré-

cisant « pour permettre à l’étudiant de réus-sir ses études et le concours ».

Faire appliquer les engagements ministérielsLes résultats aux concours montrent que lesEAP ont moins bien réussi que les autrescandidats. Il est indispensable que danschaque établissement, la priorité soit donnée

à leurs études et à la réussite aux concoursen respectant les 9 heures de présence, et enles déchargeant lorsqu’ils doivent passer leursexamens et concours, sans rattrapage.Pour le SNES-FSU, il faut créer des pré -recrutements c’est-à-dire rémunérer des étu-diants sans contrepartie de travail, mais avecl’engagement de passer les concours et de ser-vir l’État cinq ans. n Caroline Lechevallier

TEMPS DE TRAVAIL DES EAP :L’ANARCHIE, ÇA SUFFIT !Les horaires de travail des Emplois d’avenir professeur (EAP) sont très variables et vont à l’encontredes consignes ministérielles, ce qui nuit à la réussite de leurs études universitaires et du concours.

STAGIAIRES : INÉGALITÉS DE TRAITEMENT FACE À LA VALIDATIONLes interventions du SNES avec la FSU ont permis de garantir le mi-temps pour les étudiantsdétenteurs d’un master à la rentrée 2015. L’action doit se poursuivre afin d’obtenir un cadragenational des modalités de formation et de validation.

Les stagiaires détenteurs ou dispensés de master constituent lamajorité des stagiaires et cette situation perdurera l’année pro-chaine. Les textes détaillant leur formation ne sont parus qu’en

juillet, sans cadrer ni les contenus de formation ni les modalitésd’évaluation et aucun moyen supplémentaire n’a été alloué. AucuneESPE n’a pu mettre en place une formation avec une évaluationréellement réfléchie en fonction des parcours antérieurs. Les dysfonctionnements sont nombreux, tant au niveau de l’organi-sation que des contenus de formation et ont provoqué chez les sta-giaires mécontentements des mobilisations comme à Créteil, Marseille,Montpellier, Bordeaux ou Toulouse.

Une première victoireLes interventions du SNES-FSU et des autres représentants de laFSU lors des réunions mensuelles du comité de suivi de la réformede la formation des enseignants et CPE ont permis une prise de

conscience, par l’administration, de l’ampleur du désastre. Maisla solution proposée était de faire suivre, au titre de la formationadaptée, tout ou partie du master 2 MEEF. Comme, à la rentrée2015, certains stagiaires seront détenteurs de ce master, le ministèreenvisageait même de les placer à temps plein ! La FSU a écrit sonopposition à ce projet dans une lettre à la ministre le 21 janvier.Le cabinet a annoncé au comité de suivi du 3 février qu’il aban-donnait ce projet ! Cette victoire n’est cependant qu’une étape. LeSNES-FSU revendique un tiers de temps de l’ORS comme le tempsde service de tous les stagiaires. D’autres problèmes demeurent.En l’absence de cadrage national sur les critères et modalités d’éva-luation, les stagiaires sont submergés de travaux à rendre et departiels à passer. Le SNES-FSU exige que le ministère prenne les mesures qui per-mettent une égalité de traitement entre les stagiaires quant aux moda-lités qui amènent à leur titularisation. n C. L.

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Les programmes de cycle seront articulésaux référentiels PEAC(1) et PIIODMEP(2)

ainsi qu’au nouveau socle en cours deréécriture suite à la consultation denovembre ; une nouvelle conception de l’in-terdisciplinarité et un nouveau DNB sontannoncés : des enjeux lourds pour la forma-tion des jeunes et pour nos métiers.

Un cadre à préciserPour le SNES-FSU, les nouveaux pro-grammes devront donner aux enseignants uncadre structurant et opérationnel pourconstruire leur enseignement.L’acquisition d’une culture commune déve-

loppée par le SNES et la FSU, et inscritedans les objectifs du nouveau socle deconnaissances, de compétences et de cultureimpose que soient développées dans les pro-grammes les dimensions culturelles,humaines, historiques, anthropologiques etsociales des savoirs enseignés. Nationaux, avec des repères annuels forts,les programmes devront être accompagnésd’indications sur les conditions matériellesd’enseignement, en particulier les horairesen classe entière et en groupe. Les attendus et les articulations entre connais-sances, compétences et culture, en lien avecdes pratiques pédagogiques possibles et avec

une réflexion sur l’évaluation des élèvesdevront être précisés.

Quelle interdisciplinarité ?Les objets d’études interdisciplinaires travailléspar le conseil supérieur des programmesdevront, pour le SNES-FSU, être inscrits dansles programmes, et être suffisamment largespour que chaque discipline puisse s’y impliqueret y trouver sens.Déconnecter ces objets des programmes etconstruire, à côté des horaires disciplinaires,un dispositif de type « itinéraire de décou-verte » financé en diminuant les horaires dis-ciplinaires, serait inacceptable et constitueraitun véritable retour en arrière. Le SNES-FSU demande que dès le début dela consultation sur les projets de programmes,les collègues puissent en débattre collecti-vement dans les établissements dans le cadrede demi-journées banalisées. n

Sandrine Charrier

(1) Projet d’éducation artistique et culturelle(2) Parcours individuel d’information et de décou-verte du monde économique et professionnel

PROGRAMMES DU COLLEGE : NOS EXIGENCESLa loi de refondation de l’École a prévu une élaboration nouvelle des contenus scolaires. La phase d’écriture des projets de programmes du collège touche à sa fin.

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Le rapport annexé à la loi de refondation prévoyait la création de4 000 postes, confirmés lors de la saisine du CSP (Conseil supé-rieur des programmes) et prévus pour se mettre en place gra-

duellement avec les nouveaux programmes.Il y a en effet urgence, tant le collège a été maltraité toutes cesdernières années. Avec un taux d’encadrement qui n’a cessé de sedégrader et des effectifs par classe qui ont crû inconsidérément,chacun peut légitimement attendre que la réforme du collège qui seprofile apporte des améliorations significatives pour favoriser laréussite de tous les élèves.

DynamitageOr, les informations qui nous sont parvenues laissent transparaîtreune réforme idéologique qui, loin de répondre aux difficultés du col-lège, en modifierait profondément le fonctionnement au détrimenttant des élèves que des personnels, avec :– la baisse globale des horaires des élèves, avec diminution plus oumoins importante des horaires de toutes les disciplines ;– la globalisation pour certaines disciplines, notamment en languesvivantes, mais aussi les enseignements artistiques, les enseignementsscientifiques et la technologie ;– la définition locale d’une partie des horaires par le choix d’ensei-gnements complémentaires « bidisciplinaires », dont le partage entredisciplines se ferait au sein de chaque établissement ;– des horaires élèves et des contenus qui seraient donc différentsd’un collège à l’autre.Pour le SNES-FSU, un tel projet, qui ne répond aucunement aux

difficultés du collège mais conduit plutôt à le dénaturer, aggraveraitl’atomisation du collège par le renforcement de l’autonomie locale,mettrait en concurrence les disciplines et les enseignants, et ne favo-riserait nullement la réussite des élèves.Faire réussir les élèves passe par une rénovation des apprentissageset l’amélioration des conditions de travail des personnels et d’étudedes élèves, non par la mise en pièces des structures et la dénaturationdes disciplines scolaires. n Bruno Mer

COLLÈGE : PROJET DE DÉNATURATION EN VUEDes informations multiples et convergentes permettent de dessiner les grandes lignes de la réforme du collège que le ministère cherche à mettre en place.

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ACTUALITÉ

Les contractuels ayant réussi les concourslors de sessions antérieures à 2014 peu-vent avoir intérêt à demander la révision

de leur classement mais cela doit impérati-vement être fait avant le 6 mars.

Reprise des services de contractuelLes anciens contractuels nommés stagiaires àla rentrée 2014 voient leurs services reprispour le classement dans le corps des agrégés,certifiés, CPE, CO-Psy, PLP ou PE, à hauteurde la moitié de leur durée jusqu’à douze ans,des trois quarts au-delà de douze ans. Souscertaines conditions, la clause de sauvegardeest maintenue pour ceux dont le classementne permet pas le maintien de la rémunération.Se reporter au site du SNES(2) ou à L’US n° 744.

Révision possible pour les lauréatsdes sessions antérieures à 2014À la demande de la FSU, les contractuelsnommés stagiaires lors d’une précédente ren-trée pourront demander la révision de leurclassement.

Cependant, les services effectués depuis lanomination en tant que stagiaire et jusqu’àla rentrée 2014 seront neutralisés dans le calcul. La FSU a contesté cette restrictionen déposant un amendement au CTM du9 juillet. Cette disposition peut en effet abou-tir, en cas de titularisation « ancienne », àpriver la révision de tout effet. L’adminis-tration a expliqué cette règle a minima commesimplement destinée à éviter que, touteschoses égales par ailleurs, un collègue titu-larisé avant un autre puisse être moins bienrémunéré.La demande devra être formulée avantle 6 mars 2015 et l’acceptation de la pro position de nouveau classement formu-lée dans les deux mois qui suivront sa transmission. n

Anne Féray

(1) Décret 2014-1006 du 4 septembre 2014(2) www.snes.edu/Le-reclassement-et-la-suppression.html et www.snes.edu/Reclassement-des-anciens.html

Le ministère a annoncé que le Conseilsupérieur de l’Éducation, lors de saséance du 12 mars examinerait une modi-

fication du calendrier scolaire.Le SNES-FSU, à l’initiative d’une pétitionintersyndicale à laquelle le SE-UNSA et le

SGEN-CFDT avaient refusé des’associer, avait obtenu le reportde la prérentrée 2014 au premierseptembre contre l’avis du SGEN-CFDT et de la FCPE qui ont votécontre cette modification au CSEdu 12 juin 2014 et de l’UNSA quine voyait que des problèmes degestion informatique à une prérentrée en août.Le SNES-FSU prend acte de cette décision.

Pour un calendrier équilibréLors du débat au CSE, il continuera à porterses revendications pour un calendrier scolaireéquilibré qui respecte un certain nombres deprincipes : pas de rentrée en août, rééquilibragedans l’alternance des périodes de cours et desvacances, remise en cause du zonage qui posede multiples problèmes, fin des jurys de bac-calauréat avant le 14 juillet, absence de toutdispositif de « rattrapage » comme on a puen connaître dans les années précédentes,

retour à une seule journée de prérentrée...Pour le SNES-FSU, les modifications ducalendrier scolaire doivent porter sur les deuxprochaines années scolaires et intégrer uneréflexion plus large sur le temps scolaire.Rappelons qu’une prérentrée en août poseaussi de redoutables questions pour l’affec-tation des stagiaires et pour les personnelsqui arrivent dans un établissement avec unarrêté de nomination daté du 1er septembre.Nous tiendrons au courant l’ensemble despersonnels des propositions ministérielles dèsqu’elles seront connues. n Roland Hubert

RAPPEL DE L’ACTUELCALENDRIER SCOLAIRE

2015-2016• Prérentrée des enseignants  : vendredi

28 août 2015.• Rentrée des élèves  : lundi 31 août 2015.• Fin des cours  : samedi 2 juillet 2016.

2016-2017• Prérentrée des enseignants  : mercredi

31 août 2016.• Rentrée des élèves  : jeudi 1er septembre

2016.• Fin des cours  : jeudi 6 juillet 2017.

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RECLASSEMENT : DEMANDE À DÉPOSER AVANT LE 6 MARSFruit de l’intervention syndicale, un décret du 4 septembre 2014(1) supprime la clause du butoir,laquelle privait souvent les contractuels titularisés de toute reprise d’ancienneté.

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CALENDRIER SCOLAIRE :DU NOUVEAU ?La rentrée 2014 a été repoussée en raison d’une forte mobilisation de la profession. Mais le ministère s’obstine à nous faire rentrer en août 2015...

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DANS LA CLASSE

Supplément au no 749 du 17 janvier 2015 - US MAGAZINE - 17

Le BALi

En 2010, un lieu indépendantdédié à l’image est ouvertdans une ancienne sallede bal. Projet de l’Associationdes amis de Magnum présidéepar Raymond Depardon, cetespace d’exposition interrogeles conditions de production,de diffusion et de réceptiondes images. Expositions(photographie, vidéo,cinéma), débats, conférences,rencontres animent ce lieu.Renseignements sur :http://www.le-bal.fr.

Événementi

Pour fêter les cinq ans du BAL,un projet participatif autourdu partage d’images estprévu fin mai sur les quaisde Seine.En coédition avec CANOPE,La Fabrique du Regardsouhaite développer une plate-forme numériqued’éducation à l’image. Cet outil permettrait de diffuser les différentesressources accumulées et de créer un espace de formation à l’image destinéà un plus grand nombred’élèves, d’enseignants, deprofessionnels et d’artistes.

Chiffresi

1500élèveset

68établissementsSix écoles, quinze collègeset trente-sept lycées participent actuellement aux programmes proposéspar La Fabrique du Regard.

DRAC/DAAC/IAi

Les Directions régionalesdes affaires culturelles,les Délégations académiquesà l’action culturelle etl’Inspection d’académie peuvent attribuer dessubventions aux équipeséducatives qui souhaitentconduire des projets dansleur établissement. Mais chaqueannée, les aides financièresse réduisent et mettent en causela viabilité de certains projets.

LE PROJET COMME MOTEUR DE CLASSE

Construire une dynamiqueavec les élèvesD

ans les années 1920, lestravaux du philosophe etpédagogue américain John

Dewey indiquaient qu’on pouvait« apprendre en faisant ». Demême, en France, le mouvementde l’Éducation nouvelle, mené parCousinet et Freinet, promeut lapédagogie active. Depuis, denombreux textes officiels valori-sent cette pédagogie en proposantdes dispositifs à mener avec lesélèves. La pédagogie de projet estune pratique de pédagogie activequi permet de développer desapprentissages à travers la réali-sation d’une production concrète.

Donner du sensLe film récent, Les héritiers (voirl’entretien en page 40), nous amontré à quel point un projet peutavoir des incidences positives surune classe et des élèves. En effet,

un projet permet de motiver voirede remotiver un élève. Impliquédans ses apprentissages, il les per-çoit différemment et en comprendl’intérêt. Mobilisateur, le projetfait aussi appel à l’esprit d’initia-tive et d’organisation de l’élève.Compétences disciplinaires maisaussi transversales sont travaillées.Ainsi, les valeurs de cohésion etd’entraide sont développées lorsd’un projet collectif où les élèvesdoivent s’unir autour d’un objec-tif commun. Le projet permetaussi à l’élève de renforcer sonidentité, de prendre confiance ensoi et de gagner en autonomie.De natures différentes et de formesvariées, les projets peuvent aussiêtre l’occasion d’un travail inter-disciplinaire favorisant leséchanges entre les enseignants.La cohérence des enseignementsauprès des élèves n’en est que

plus grande. Des partenariats entreenseignants sont possibles maisexistent aussi avec des structuresculturelles, des artistes ou des pro-fessionnels. Découvrant de nou-veaux lieux et de nouvelles pra-tiques qu’ils méconnaissent, lesélèves s’ouvrent l’esprit et per-çoivent plus concrètement lemonde qui les entoure.

Un investissement importantMais, si les projets sont censésfaciliter les interactions entreélèves, il s’avère que la réalité deleur mise en place se révèle parfoistrès différente. Les élèves en dif-ficulté peuvent se reposer sur lesmembres du groupe possédant lesmeilleures compétences. Tout pro-jet collectif n’assure donc pas quechaque élève s’implique de façonégale dans sa réalisation. Les résul-tats dépendent de la façon dont letravail est conduit et de son issue,plus ou moins motivante... Deplus, il ne faut pas oublier qu’unprojet est exigeant, qu’il demandeun réel investissement, en temps eten organisation, de la part de l’en-seignant. Il n’est pas toujours aiséde mettre en place un projet sur lesheures de cours et sans horairespécifique dédié. Certains projetssont coûteux et même si des sub-ventions existent, elles tendentchaque année à se réduire. n

Le BAL (voir colonne ci-contre) s’est donné pourmission d’éduquer les jeunes en les sensibilisant aux

enjeux de l’image. Ainsi, en 2008, le photographeRaymond Depardon et Diane Dufour, actuelle prési-dente du BAL, lancent une plate-forme pédagogique,La Fabrique du Regard. Depuis, un travail en profondeurest mené avec le public scolaire. Il ne s’agit pas de fairede la médiation mais de construire des projets d’éduca-tion à l’image comme l’expliquent Valentine Guillien etLaura Samoilovich, toutes deux chargées de coordinationde La Fabrique du Regard : « nous voulons transmettreaux jeunes des outils pour analyser, décrypter lesimages ». Il s’agit « d’apporter une ouverture à différentstypes d’images pour amener les élèves à comprendre lachaîne de production, de diffusion et de réception desimages ». Pour cela, une vingtaine d’artistes, entre quaranteet cinquante professionnels de l’image (photographes,

graphistes...) accompagnent les élèves dans la construc-tion et la réalisation de leur projet. La plate-forme est orga-nisée autour de cinq programmes destinés aux élèves dezones d’éducation prioritaire et aux élèves en difficultésscolaires (SEGPA, ULIS, primo-arrivants). Selon Valen-tine Guillien « l’image est une entrée qui permet de valo-riser des élèves qui sont en échec scolaire. C’est aussi l’oc-casion pour eux de s’inscrire dans un travail de groupe,de faire des choix pour réaliser une production collec-tive ». Après avoir analysé des images, les élèves font unfilm, un journal, une affiche, une publication... Les formessont variées et d’une réelle qualité. Laura Samoilovitchnote qu’au moment du bilan, qui est positif, « les élèvessont fiers de leur travail et se rendent compte qu’ils sontdevenus acteurs d’un projet collectif ». n

Rubrique réalisée par Caroline Gros

L’Éducation à l’image : « Construire son regard pour s’ouvrir au monde »

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Réseaux d’eaui

20 % de fuitesLe rapport 2014 de l’Observatoire des ser-vices publics d’eau et d’assainissement(Onema) révèle que les fuites d’eau dansles réseaux d’eau potable atteignent1 Md m3 par an, soit 20 % de l’eau traitéeet mise en distribution. Certains obser-vateurs parlent même de 40 % ! À l’ori-gine de cette situation, la réduction croissante des investissements des col-lectivités locales dans le renouvellementdes réseaux d’eau et d’assainissement(– 2 % et – 7 % entre 2009 et 2011). Unesituation qui va encore s’aggraver avecles réductions budgétaires qui frappentdésormais les collectivités locales.

OCDEi

Inégalités vs croissanceUn nouveau rapport (décembre 2014)met en évidence que jamais depuis30 ans, les inégalités n’ont été aussi prononcées et n’ont autant pesé sur lacroissance du fait, notamment, du retardgrandissant pris par les 40 % de foyersles plus modestes. L’OCDE l’explique parle fait que « les personnes issues desmilieux défavorisés n’investissent passuffisamment dans leur instruction ».Elle préconise de lutter contre les inéga-lités par l’impôt et les transferts, « qui nenuisent pas à la croissance », s’ils privi-légient « les familles avec enfants et lesjeunes » et s’ils « encouragent le déve-loppement des compétences et la for-mation ». Si l’OCDE le dit…

Francei

65 millionsSelon les derniers résultats de l’Insee, lecap des 65 millions de résidents en Francea été franchi en 2012. Elle reste 2e des payseuropéens derrière l’Allemagne (80,3 mil-lions) même si la population de cettedernière diminue exactement aussi vite(– 0,5 % par an) qu’augmente celle dela France (+ 0,5 %). Elle devance tou-jours le Royaume-Uni (63,5 millions)même si la population britannique progresse plus vite (+ 0,8 %). Sur les100 départements, 81 bénéficient d’unecroissance démographique significative(plus de 0,1 % par an en moyenne, avecune mention spéciale à l’arc atlantique, duMorbihan aux Landes). En revanche, onzedépartements sont en régression (de– 0,1 % à – 0,6 % en moyenne annuelledans le Nord-Est et le Centre).

iCDDi

Record historiqueLe ministère du Travail indique que lesembauches en contrat à durée détermi-née (CDD) ont atteint au 2e trimestre 2014,hors intérim, un nouveau sommet histo-rique à 84,2 % du total des embauches(+ 0,1 pt par rapport au trimestre précé-

ECO/SOCIALPUBLICATION

Démocratie « réelle » et mise en commun

18 - US MAGAZINE - Supplément au no 749 du 17 janvier 2015

Quelle définition du « Commun », quel lien avec la lutte pour la démocratie qui a marqué tous les mouvements récents ?La domination du néolibéralisme est contestée demultiples manières et partout dans le monde. « Commun » est le concept de lalogique alternative au néolibéralismeet à son fanatisme de la concurrenceet du profit. Et c’est en même tempsle principe politique qui permet d’ima-giner un monde réellement démocra-tique. La diffusion assez extraordi-naire de ce terme renvoie à deuxgrands types de logiques alternativesqui sont en train de s’articuler prati-quement : l’exigence de la démocra-tie politique et celle d’un droit d’usageirréductible au droit de propriété. C’est au nom de ce principe à doubleface que les mouvements d’occupa-tion des places (Indignados, OccupyWall Street, place Taksim, etc.) ou que les« zadistes » exigent à la fois une démocratie « réelle »à laquelle tous participent également et une mise encommun des ressources ou des espaces.

En quoi ce concept peut-il se traduire par « la révolution » ? Quel contenu donner ?La « défense du commun » qui est devenue unaspect très important de la sensibilité collectiveest un impératif pour la sauvegarde des conditionsélémentaires de vie dans la société et sur la planète.Le capitalisme néolibéral fondé sur la concurrencegénéralisée et l’appropriation illimitée est inca-pable d’assurer ces conditions vitales, il les détruitsystématiquement et nous mène à la catastrophe.Une rupture est inévitable si l’on veut éviter l’ef-fondrement. On n’a donc pas seulement affaire à une « résis-tance », mais à une recherche collective, à une inven-tion sociale. C’est cela un mouvement révolution-naire : il commence par une « insurrection desconsciences » et se poursuit par une invention de pra-tiques collectives. Il conviendra de refonder radica-lement le moment venu les institutions sociales,politiques, économiques qui permettront de traduireà grande échelle le principe du commun dans les faits,dans les relations sociales, dans les modes d’orga-nisation politique.

Quels liens entre le commun et les services publics ? Pour ce qui est des services publics, la question àse poser c’est comment les transformer en institu-tions du commun, c’est-à-dire en véritables « ser-

vices communs » qu’une société se donne, en lesfinançant, en mandatant des fonctionnaires poursatisfaire des besoins collectifs, en orientant démo-cratiquement les objectifs qu’ils se donnent. Ces ser-vices publics ont été largement pervertis par la

domination qu’exerce sur eux unecaste bureaucratique de hauts digni-taires et de petits chefs qui ont perducomplètement le sens de la missionde service commun et sont de plusen plus en connivence étroite avecles puissances privées. Plus que jamais la refondation desservices publics selon le principe ducommun est à l’ordre du jour. Cequi signifie : redéfinition de leur mis-sion selon la prévalence des droitsfondamentaux, primat de l’égalité etorganisation réellement démocra-tique de leur fonctionnement.

Quelles propositions concrètes pour élaborer un projet révolutionnaire pour le XXIe siècle ?Être concret, ce n’est pas faire un programme demesures à prendre par un gouvernement sans queles individus n’aient à participer à la transforma-tion de la société. Être concret, c’est se demandercomment chacun peut contribuer au commun,c’est se demander comment dans sa pratique cha-cun peut recréer de l’agir commun. Pour cela, ilfaut donc qu’à tous les instants, et pour toutesles questions, on soit capable de mettre en relationce qui nous arrive dans nos vies, dans notre travail,avec la logique générale qui nous traverse et nouscontraint, en nous demandant comment résisterensemble et comment inventer une autre pratique.Le commun, comme manière de vivre et de faire,c’est nous et c’est maintenant. n

Entretien réalisé parNicolas Béniès et Stéphane Rio

Professeur à l’Université ParisOuest Nanterre, Christian Laval estmembre de l’Institut de recherchede la FSU. Il est l’auteur deL’Homme économique : essai surles racines du néolibéralisme, 2007,et a participé, entre autre, auxouvrages : Appel des appels, pourune insurrection des consciences,2009 et La nouvelle écolecapitaliste, 2012.

Pierre Dardot et Christian Laval viennent de publier, aux éditions La Découverte, un livre de réflexions, plus qu’une thèse, Commun, essai sur la révolution au XXIe siècle. Comment luttercontre le libéralisme ? Comment refonder un projet de transformation sociale ? Les questionssoulevées sont d’importance et interrogent le syndicalisme dans son ensemble. Le SNES-FSUs’est entretenu avec Christian Laval.

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dent et + 24 pts par rapport au 1er tri-mestre 2008, juste avant la crise). Cetteprogression s’explique pour une bonnepart, notamment depuis la mi-2011, parl’explosion des CDD «  courts  » (moinsd’un mois). À noter que cette progressionn’a pas été enrayée par la loi de juillet2013 qui prévoit, notamment pour lesCDD de très courte durée, un alourdisse-ment de leur coût pour les employeurspar le biais d’une majoration des cotisa-tions chômage.

Pauvretéi

Cri d’alarmeLe rapport du Secours catholique, intitulécette année « Ces pauvretés que l’on nevoit plus », s’inquiète « du délitementdu lien social, dans un contexte sociétalqui se durcit » et d’une « pauvreté qui s’in-tensifie toujours davantage ».Il relève, sur la base des 1,5 million de per-sonnes accueillies en 2013, trois ten-dances fortes :– la paupérisation croissante des seniors,notamment des femmes (61 % des plus de60 ans reçus, soit + 7 pts en dix ans) ;– un niveau de vie moyen de 515 € parunité de consommation, ne permettantpas de faire face aux dépenses incon-tournables (loyer, alimentation, énergie) ;– la grande exclusion des hommes seulsavec un très faible niveau de vie (166 €)et souvent même sans ressources (28 %d’entre eux).

Assises de l’énergiei

27-29 janvierElles ont réuni, à Bordeaux, 2 000 acteurslocaux (élus, responsables de collectivi-tés locales, institutionnels, organismesprivés et associatifs) autour du thème« Transition énergétique : tous concernés,faisons-la ensemble ». L’objectif était defaire avancer les initiatives à l’échelleterritoriale. La 16e édition de ces assisesa pris une dimension particulière après ledébat parlementaire sur la loi sur la tran-sition énergétique (intégrant notammentun appel à initiatives pour 200 « terri-toires à énergie positive ») et à quelquesmois de la Conférence de Paris fin 2015.

iSMICi

Même l’AllemagnePorté par le Parti social-démocrate (SPD),qui en faisait une condition pour entrerdans un gouvernement de coalition avecla CDU d’A. Merkel, le « Mindestlohn » doitbénéficier, à compter du 1er janvier, pour unmontant de 8,50 € de l’heure (9,61 € enFrance), à 3,7 millions de salariés dès 2015et, une fois pleinement appliqué, à 4,5 mil-lions de salariés en 2017. Cependant, desexemptions sont prévues, notammentpour les stagiaires ou lors de l’embauchede chômeurs de longue durée. Pour ce qui

TRAVAIL ET EMPLOI

Quelques différences plus ou moins visiblesLe monde du travail est hétérogène. Rien de plus normal dans une société développée fondée sur une forte division du travail et sur la spécialisation en professions ou métiers.Mais cette diversité se traduit par de très fortes inégalités, plus ou moins visibles, ce que montrent certaines données de l’INSEE ou de la DARES.

Suite page 20 ‰‰‰

L’inégalité la plus médiatisée en ce débutd’année concerne l’accès à l’emploi. Lechômage de masse s’est certes installé dans le

paysage depuis le milieu des années 80, maisavec la crise nous sommes sur une trajectoiredramatique. En décembre, on comptait 5,2 millionsde personnes partiellement ou totalement privéesd’emploi et inscrites à Pôle-Emploi. L’inégalitéface au chômage est forte. En 2013, le taux dechômage des cadres a été de 3,9 %, contre 10 %pour les employés et 14,6 % pour les ouvriers(jusqu’à 20 % pour les ouvriers non qualifiés).Les taux de chômage des hommes et des femmessont proches mais masquent des inégalités : letaux d’activité féminin reste inférieur et lesfemmes sont plus fréquemment en temps partielcontraint (9,7 % contre 3,5 % des hommes). Cesinégalités hommes/femmes se sont cependantréduites depuis une trentaine d’années, grâcenotamment à l’école puisque, parmi les généra-tions les plus récentes, les femmes sont plussouvent diplômées que les hommes.

Égaux en droits, mais...Il y a aussi des différences entre les âges. Le tauxde chômage des jeunes est très élevé (plus de 23 %chez les 15-24 ans). Mais leur durée moyenne dechômage est plus courte que celle des chômeurs de50 ans et plus, qui sont 56 % à y être depuis aumoins un an. En outre, pour les jeunes, il convientde rappeler qu’au-delà de la galère qui marque lepassage des études à l’emploi, le diplôme reste unatout. Ainsi le taux de chômage des non-diplômés(avec une qualification inférieure au niveau V)est de 16,1 %, mais il se situe entre 5 et 6 % pourceux qui ont obtenu leniveau bac + 2. Ajou-tons que plus de 90 %des diplômés en emploi(y compris les titulairesd’un CAP) sont stabi-lisés (CDI ou fonction-naires) 11 ans après lafin de leurs études. Sil’entrée dans le mondedu travail est marquéepar la précarité, lanorme reste l’emploistable, qu’il faut conti-nuer de défendre !Les autres différenceset inégalités concernentles revenus et lesconditions de travail.Côté revenus, les

employés perçoivent en moyenne les salaires lesplus faibles : 1 570 € mensuels nets contre plus de4 000 € pour les cadres du privé. La différencehomme/femme perdure aussi avec un écart moyenà temps plein de 19 %.

Dimanche des cadres vs soirées des employésCôté conditions de travail, les situations sontdisparates. Par exemple, la persistance decontraintes physiques cumulées caractérise l’agri-culture, la construction et la fonction publiquehospitalière, l’exposition importante aux risquesinfectieux touche, elle, les trois fonctionspubliques (en raison du contact avec les usagers).L’activité dans les différentes fonctions publiquesimplique aussi plus fréquemment que dans leprivé la gestion des émotions et des comporte-ments hostiles.Enfin, les horaires atypiques (soir, nuit, samedi etdimanche) permettent d’évoquer à nouveau lesinégalités entre les catégories sociales. Sans grandesurprise, les agriculteurs exploitants cumulentl’ensemble des contraintes horaires. Mais chez lessalariés, en focalisant sur deux catégories, lescadres travaillent souvent le soir et le samedi,mais peu le dimanche, alors que les employés sont24 % à travailler le dimanche tout en percevant lessalaires les plus bas (cf. supra). Coïncidence éton-nante, les employés représentent 2,6 % des députés,les cadres 81,5 %. Ce sont donc des cadres quis’apprêteraient à assouplir le travail (des employés)le dimanche. Pour pouvoir faire tranquillementles achats qu’ils ne peuvent pas faire facilement lesoir en semaine ? n Hervé Moreau

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ECO/SOCIALle concerne, le patronat fait, sans sur-prise, planer des menaces d’augmentationdes prix, de réduction des investisse-ments et de suppression d’emplois(200 000 rien qu’en 2015)…

iFrançaisi

« Accros » auxréseaux sociauxPour Médiamétrie, le nombre de françaisinscrits est resté stable en 2014 à 32 mil-lions comme en 2013, mais ils sont plusassidus, étant inscrits à trois réseaux enmoyenne chacun en 2014 contre deuxen 2013. En 2010 le nombre total d’inscritsn’était que de 20,3 millions. Facebook  reste en 2014 de très loin leréseau le plus utilisé : 85 % des inscrits àun réseau social. Google+ poursuit sondéveloppement avec 33 %, suivi de Twitter(30 %). Le réseau dédié à la photo et à lavidéo Instagram décolle avec 13 %, sédui-sant surtout les femmes et les jeunes.Les réseaux sociaux professionnels inté-ressent surtout les catégories socialesélevées et les hommes, avec 27 %.

iAfriquei

« Ultra-connectée » ?Une étude d’Afrobaromètre, menée dans34 pays de 2011 à 2013, a révélé le19 novembre que 93 % des Africains accè-dent au téléphone mobile et pour beau-coup à Internet. Mais ils ne sont que 88 %à pouvoir aller à l’école, 59 % à avoiraccès à l’eau et 28 % à être reliés à un sys-tème d’épuration des eaux. Autre faitmarquant : 25 % seulement des Libériensn’ont pas accès au portable, alors que82 % d’entre eux n’ont pas accès à l’élec-tricité ! Afrobaromètre souligne « lesbesoins énormes en services de base queconnaît encore une grande partie du conti-nent », et note que « l’absence d’infra-structures de services clefs est liée àl’ampleur et à la sévérité de la pauvreté ».

iGlaciers de l’Antarctiquei

Fonte d’un « Everest »tous les deux ansLa fonte des grands glaciers de l’ouest del’Antarctique, qui contiennent assez d’eaupour faire monter le niveau des océansd’au moins un mètre, s’accélère sous l’ef-fet du réchauffement et paraît irréver-sible. Le volume total de glace perdudepuis 1992 a été en moyenne de 83 mil-liards de tonnes par an, soit l’équivalentd’un Everest tous les deux ans ! De plus, le rythme de la perte de cesglaces qui s’accélérait en moyenne de6,1 milliards de tonnes chaque annéedans les années 1990, s’est accéléré de16,3 milliards de tonnes chaque annéedans les années 2000, soit un triplementde la vitesse de fonte de ces glaciers enl’espace de dix ans.

20 - US MAGAZINE - Supplément au no 749 du 17 janvier 2015

‰‰‰ Suite de la page 19

Dès sa reparution en1992, Charlie Hebdoeut chaque semaine sa

page consacrée à l’éco-nomie, confiée à un certain« Oncle Bernard ». Il sepassa quelque temps avantque les lecteurs ne réali-sent que la rubrique« Parlons pognon, monp’tit » , devenue cesdernières années « Journald’un économiste en crise »était écrite par un vraiprofesseur d’économie,Bernard Maris, dont ondécouvrit aussi l’accenttoulousain grâce aux ondesde France Inter. Son style,son savoir, ses qualités depédagogue – et ses prisesde position « d’économisteatterré » bien avant leManifeste de 2011 – ontsans aucun doute aidé de nombreux lecteurs etauditeurs à comprendre les phénomènes et poli-tiques économiques.

Un chasseur de grands fauvesBernard Maris était donc devenu un auteur de réfé-rence pour ceux que la vision néolibérale du monderebute et qui ne sont pas des spécialistes de lascience économique.« Menteur comme un statisticien », « Les pauvressont trop riches », « Ah Dieu ! Que la guerreéconomique est jolie » et « La Bourse ou la vie »avec P. Labarde : ces quelques titres piochés parmises chroniques dans Charlie Hebdo et ses essaisdonnent la mesure de son ironie et la liste de sesbêtes noires, apôtres de la « rigueur », spécialistesautoproclamés de l’économie, « crétins producti-vistes » responsables de destruction de la planète...Dans un style aussi inimitable que réjouissant,Bernard Maris publia dans l’hebdomadaire sati-rique de 2000 à 2007 des dizaines de portraits degrands acteurs de la vie économique, « La vie desgrands fauves », chefs d’entreprise et technocrates,contribuant à éclairer la lanterne des citoyens sur lesvéritables détenteurs du pouvoir.Mais il préférait encore consacrer son énergie àmettre en avant de grands penseurs qu’il admi-rait : son Antimanuel d’économie paru chez Bréalen 2006 est dédié entre autres À la mémoire de JohnMaynard Keynes qui avait tout compris. Le tome 1de cet ouvrage accessible, Les fourmis, explique « laface émergée de l’iceberg de l’économie » tandisque le tome 2 Les cigales est un éloge de l’inutile,du don et se propose de démontrer que « la gratuitéengendre de la richesse (non pas une richesse

abstraite, mais bel et bien unerichesse monétaire) ».Bernard Maris y confrontaitl’économie à l’anthropologie,à la psychologie, la socio-logie, et à l’histoire, ce quien rend la lecture particuliè-rement stimulante.

Hétérodoxe et éclectiqueSa culture éclectique et songoût de la littérature appa-raissaient dans tous sesouvrages et il n’hésitait pas àrecommander dans CharlieHebdo, en marge de « sa »rubrique, les romanciers qu’ildécouvrait. Ainsi, il avaitpublié en 2013 L’homme dansla guerre, Maurice Genevoixface à Ernst Jünger ; BernardMaris préférait la guerre dupremier, auteur de Ceuxde 14, guerre « de la chair et

des sentiments » à celle du second, guerre « del’idéologie ».« Les économistes ne sont pas démocrates, commeles savants souvent, qui ont toujours apprécié queles dictatures leur foutent la paix pour macérer dansleurs recherches, bidouiller leurs éprouvettes et ychercher, au sommet de tours d’ivoire fermées auxmiasmes du monde, les lois de ce même monde »(Marx, ô Marx, pourquoi m’as-tu abandonné,2010). C’est pourquoi « Oncle Bernard » avaitbien du mal à accepter pour lui-même ce nomd’économiste, lui qui était avant tout un écrivain,un passeur, un esprit libre dont la curiosité restaitinsatiable. n Amélie Hardt-Hutasse

« ONCLE BERNARD »

Il faisait partie de la familleLa bêtise insondable du fanatisme n’a pas fait qu’emporter de grands dessinateurs. Elle a également fait taire un écrivain touche-à-tout qui, parce qu’il méprisait l’orthodoxielibérale à la hauteur des autres cléricalismes, avait tant de mal à se dire économiste.

Dessin de Fred Duval en hommage à Bernard Maris aprèsles attentats qui ont touché la rédaction de Charlie Hebdo

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DOSSIERL’agriculture de demain

L’agriculture est

au cœur des

problématiques

environnementales et

sociales. Ce dossier

se propose de faire

un état des lieux de

l’agriculture française

aujourd’hui, entre

enjeux alimentaires

et respect

de l’écosystème.

Dossier coordonné par Jean-François Claudon, réalisé par Marylène Cahouet, Monique Daune, Didier Herbert (SNUITAM-FSU), Élizabeth Labaye,Jean-Louis Le Boîteux (SNETAP-FSU), Thierry Petrault, Daniel Rallet, François Sauterey, Olivier Sillam, Valérie Sipahimalani, Aurélia Sarrazin

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Supplément au no 749 du 17 janvier 2015 - US MAGAZINE - 21

Quelles alternatives au productivisme ?

Les progrès de l’agriculture depuis cinquante ans ont conduit à d’importantes transforma-tions. En France, les rendements à l’hectare ont été multipliés par sept en moyenne pour le maïset par quatre pour le blé. La productivité du travail, surtout, a été démultipliée, le nombre d’actifsagricoles passant de cinq millions en 1950 à moins d’un million dans les années 2000. Noncontente de nourrir la population française, l’agriculture représente une part importante dans

les exportations nationales. Mais à quel prix !Aujourd’hui, cette évolution atteint ses limites avec le plafonnement des rendements, l’épuisement desressources, la dégradation des milieux et les impératifs du changement climatique. L’agriculture est doncde fait au cœur des problématiques environnementales et sociales de ce siècle. Le modèle industriel produc-tiviste et hyper-consommateur est ainsi souvent pointé du doigt comme responsable de la dégradationde la biodiversité ou des sols agricoles, ainsi que des pollutions en tout genre.Du coup, de plus en plus d’observateurs et d’acteurs considèrent qu’il est parfaitement possible de nourrirles 66 millions de Français avec une agriculture raisonnée plus respectueuse de l’environnement.Cette agriculture durable est promue par de multiples associations qui tentent de mettre en place des circuitscourts, de développer une production agricole économiquement viable, socialement équitable, et qui nenuit ni à l’environnement ni à la santé. Cette vision se heurte parfois aux intérêts d’une agriculture version« PAC » qui prédomine dans la conception du développement durable. Elle débouche ainsi sur des conflitsaux dimensions plus complexes dont les plus médiatisés sont ceux de Notre-Dame-des-Landes ou derniè-rement de Sivens. En ce sens, l’école a donc un rôle à jouer pour expliquer la pertinence d’un modèlequi répond aux besoins alimentaires tout en protégeant les ressources. n

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L’agriculture productiviste a été encoura-gée en Europe par la Politique agricolecommune (PAC), fondée en 1961-1962

sur une politique de prix plancher pour abriterl’agriculture des fluctuations du marché mon-dial. L’intensification de l’agriculture s’estfaite par la mécanisation, l’usage croissantd’engrais, de produits phyto et zoosanitaires,l’irrigation intensive mais aussi par les cultureset élevages hors-sol. Avec des conséquencesdramatiques sur l’économie, la nature et lasanté publique que nul n’ignore aujourd’hui.

De mal en pisL’intensification de l’agriculture s’est traduitedans les années 1980 par la disparition despetites exploitations et le développement degrandes exploitations qui adoptent les critères del’industrie capitaliste. Avec la fin des quotas enavril 2015, les éleveurs de vaches laitières serontdavantage soumis à la volatilité des cours du lait,ce qui risque de favoriser l’ouverture de fermes-usines comme celle, très controversée, des Millevaches dans la Somme. Mais le gigantisme touche aussi d’autres éle-vages : batteries de poules pondeuses commele poulailler gigantesque de 250 000 volaillesqui devrait prochainement ouvrir ses portes àDoullens (hangars de trois étages éclairés à lalumière artificielle), maternité porcineKer Anna de Trébrivan parfois nommée« l’usine des 1 000 truies » en référence auxMille vaches de la Somme... La concentration de l’élevage a donc suivicelle des terres agricoles, déjà bien avancée.

Ces concentrations sont le fruit de logiquespurement financières. Elles ont été favoriséespar la PAC, avec un montant des subventionseuropéennes lié à la taille des exploitations.

L’agriculture industrielle qui se développe àmarche forcée entraîne également une pollu-tion des eaux (souterraines, fluviales etmarines) et des sols.

Danger sur l’écosystèmeLes traitements chimiques ont aussi des effetsdévastateurs sur les insectes pollinisateurs oules micro-organismes régénérant les sols agri-coles. Et un impact sur la santé (on connaîtnotamment le lien entre des pesticides et cer-tains cancers) des agriculteurs et ouvriers agri-coles, mais aussi des consommateurs. n

En 2011, le nombre d’exploitationss’élevait à 499 000 (2 millions en 1963).Entre ces deux dates, le nombred’agriculteurs est passé de près de4 millions à moins de 1 million.

En 2011, 44 % des subventionseuropéennes ont été verséesaux 13 % des exploitationsfrançaises les plus grandes.

500 000 / 1 millionLe nombre d’éleveurs de vaches laitièresest passé en France de 162 000 en 1993à 67 000 en 2013 (– 58 %) alors quela production de lait progressaitde 5 % dans le même temps.

– 58 % d’éleveursQui sont les « assistés » ?Chiffres

Pour relever le défi de la sécurité alimentaire d’une population mondiale en forte hausse,l’agriculture s’est orientée après la Seconde Guerre mondiale vers un modèle productiviste qui vise à accroître

et optimiser les productions agricoles, mais qui est de plus en plus décrié aujourd’hui.

Face aux tenants du productivisme, commela FNSEA, qui affirment qu’il n’y a pasd’alternatives au productivisme, de plus en

plus de voix s’élèvent pour défendre une agri-culture plus respectueuse de l’environnementet des êtres humains. Les solutions passentnotamment par des productions agricoles plusdiversifiées, une agriculture raisonnée voirebiologique, « intensive en main-d’œuvre eten connaissance, mais sobre en énergie », deschaînes d’approvisionnement plus courtes...mais aussi de nouvelles habitudes alimentaires

(manger moins de viande et plus de protéinesvégétales, par exemple). C’est dans ce sens que doit être orientée laPAC. Les subventions européennes doiventaller principalement aux petits producteurspour encourager les circuits courts produc-tion-consommation. Elles doivent être com-plétées d’une régulation des prix. n

Une PAC à repenser

La concentration des activitésagricoles est le fruit de logiquespurement financières

Les subventions européennesdoivent aller aux petits producteurs

Le système productiviste en question

Produire toujours plus ?

Quand la spéculation envahit les marchés agricolesLe souci de l’agriculteur devendre sa production à l’avanceà un prix déterminé existedepuis longtemps. En revanche,quand un acteur financier achètele même contrat à terme, il faitun pari sur le futur : le produitagricole devient alors un actiffinancier, objet de spéculation. Les marchés de produits déri-vés se sont développés dansl’agriculture à partir des an -

nées 90 du fait de la libérali-sation des marchés agricoleset des fluctuations de prixqu’elle entraîne. L’abandon pro-gressif des politiques de régu-lation des marchés (parexemple la PAC) a contribué àla volatilité des cours. De nom-breux acteurs financiers sesont mis à spéculer sur cesmarchés de la même façon quesur le pétrole.

Des bulles spéculatives se forment comme en 2001, annéeau cours de laquelle 4 400 mil-lions de tonnes de blé ont étééchangées à la Bourse de Chi-cago alors que la productionmondiale est seulement de670 millions de tonnes !En 2008, le prix du blé a doubléet 140 millions de personnessupplémentaires ont souffertde malnutrition.

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Détournement de l’abréviationadministrative Zone d’AménagementDifféré, ce terme neuf désigne une ZoneÀ Défendre, il s’agit d’une nouvelle forme de lutte visant à défendre unezone naturelle.

ZAD La moitié de la surface agricoleutile est aujourd’hui exploitée par10 % d’exploitants.

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Sécurité alimentaire et scandales alimentaires

Parallèlement aux concentrations desterres et de l’élevage, les empires hexa-gonaux de l’agrobusiness se sont éten-

dus, que ce soit en amont avec les intrants(engrais, pesticides, semences, machines)ou en aval avec les industries de transfor-mation et la commercialisation des produitsagricoles.

Cultures et dépendanceÀ titre d’exemple, le groupe coopératifInVivo peu connu du grand public règne surune grande partie de la filière agricole fran-çaise. Avec le stockage et le trading decéréales, la fabrication de médicaments et denourriture pour les animaux, la vente de pes-ticides, ce groupe a construit un solide empireinternational qui n’a plus rien à voir avecles valeurs coopératives de ses débuts. C’està partir de ses bureaux à Paris que se décideau quotidien le sort d’une partie des céréalesfrançaises.Sofiprotéol, rebaptisé Avril depuis le 1er jan-vier 2015, est un holding qui pèse prèsde 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires

dans l’alimentation humaine (huiles, œufs,porc et volaille) et animale, et dont le prési-dent n’est autre que Xavier Beulin, le prési-dent de la FNSEA, le syndicat professionnelmajoritaire dans la profession agricole. L’industrie agroalimentaire (IAA) quiregroupe les activités de transformation desmatières premières issues de l’agriculture,de l’élevage ou de la pêche, en produits ali-mentaires destinés essentiellement à laconsommation humaine, constitue le premiersecteur industriel français, aussi bien entermes de chiffre d’affaires que d’emplois(environ 19 % de l’industrie manufacturière).

Pression sur les producteursLa course aux profits dans la grande distri-bution pèse aussi inexorablement sur les petitsproducteurs agricoles, étranglés financière-ment par les prix de vente que leur impo-sent les grandes enseignes de la distribution,sans que cette pression à la baisse ne soitrépercutée sur les prix de vente aux consom-mateurs. L’actualité est donc régulièrementmarquée par des manifestations spectacu-

laires de petits producteurs pour dénoncerune politique qui tire les prix vers le bas aumépris de l’appareil de production. n

Selon les comptes prévisionnels del’agriculture de l’Insee, le revenu agri-cole en France aurait augmenté de 1 %

(hors inflation) en 2014, après une chute de22 % en 2013. Ces chiffres cachent degrandes disparités selon les filières (seuls lelait et le vin bénéficiant à la fois d’unehausse des volumes et des prix). Les varia-tions sont de très grande ampleur d’uneannée sur l’autre, ce qui confirme que l’agri-culture est fortement exposée à la volatilitédes prix, sans réelle perspective de régula-tion des marchés.

Le contrôle de la filière alimentaire relèvedu ministère de l’agriculture et plus pré-cisément de la DGAL (Direction géné-

rale de l’alimentation). Des agents de l’État enposte dans les abattoirs contrôlent chaquecarcasse de bovin, porcin ou mouton afind’écarter de la chaîne alimentaire des ani-maux porteurs de pathologies. D’autres agentsinspectent les usines de plats cuisinés ainsi queles cantines, les cuisines d’hôpitaux, les hyper-marchés, les restaurants, etc. Pourtant desscandales alimentaires conséquents ont fait

la une des médias ces dernières années : lavache folle, les steaks hachés à escherichiacoli, les lasagnes à la viande de cheval, etc.

Comment en est-on arrivé là ?La transcription de la directive 93-43 estvenue changer fondamentalement l’architec-ture des contrôles. Cette directive institution-nalise l’auto-contrôle dans toute la chaîne ali-mentaire. Désormais, l’industriel fabricantdes plats cuisinés est responsable de toute sachaîne de fabrication, les agents de l’État

n’ont pas à le contrôler, mais à le superviser.L’affaire des lasagnes à la viande de cheval estsymptomatique de cette évolution réglemen-taire et de la course aux profits à tout prix…Ajoutez à cela la RGPP qui a déstabilisé lesagents et les services avec mille suppressionsd’emploi en cinq ans et vous détiendrez larecette à produire des scandales alimentaires.Le SNUITAM-FSU ne cesse de dénoncercette situation et exige l’abandon de la poli-tique de l’auto-contrôle et le recrutementd’agents pour réaliser des contrôles. n

L’empire de l’agrobusiness

Une emprise accrue sur la production agricole

Si elle n’est pas régulée,l’agriculture est fortementexposée à la volatilité des prix

Une crise des revenus

En 2013, les 11 852 entreprises du secteuragroalimentaire français ont employé 492 727personnes réparties sur tout le territoire national,réalisé un chiffre d’affaires de 160,5 Md d’euros etgénéré un excédent commercial de 8,5 milliards d’euros.

Les IAA ne sont pas à la diète

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La Confédération paysanne n’a eu de cessed’alerter depuis quelques années sur les dis-parités dans la répartition des aides et l’écartgrandissant des revenus entre paysans, avecun rapport de 1 à 5 en 2012 entre les élevagesde petits ruminants (16 500 euros par actif enmoyenne) et les fermes en grandes cultures(85 300 euros). n

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Face à la dérive productiviste, une autre agriculture est possible. Une agriculture raisonnée.Protection des écosystèmes, maîtrise des risques sanitaires, de la sécurité au travail et du bien-être animal, cette agriculture

conjugue les équilibres et rapproche le producteur du consommateur. Notamment en privilégiant les circuits courts.

La rencontre entre agriculteurs confrontésà la difficulté de vivre de leur travail etconsommateurs désireux de produits

locaux a suscité de multiples initiatives. Parmiles plus développées et les plus connues, lesAMAP. L’Association pour le maintien del’agriculture paysanne est née en 2001 àAubagne, sur un modèle existant au Japon ouaux États-Unis. La Charte des AMAP rap-pelle les raisons qui ont conduit à leur création :insécurité et gaspillage alimentaires, impératifsécologiques, déperdition des agricultures pay-sannes au profit d’agricultures productivistes,forte pression foncière sur les terres agricoles,hégémonie de la grande distribution et inéga-lité alimentaire ici et ailleurs : autant d’enjeuxqui ont mobilisé des citoyen(ne)s pourconstruire et expérimenter un autre modèleagricole, économique et alimentaire, inspiré

de la charte de l’agriculture paysanne et desmouvements de l’agriculture biologique.

Rejet du modèle productivisteEn lien avec des organisations (Confédéra-tion paysanne), soutenues par les combats desconsommateurs contre la malbouffe ou desmouvements d’éducation populaire commeATTAC, les AMAP veulent maintenir et déve-lopper une agriculture paysanne locale contreun modèle productiviste dominant sur le mar-ché, en instaurant des échanges relocalisés etsolidaires entre consommateurs et producteursagricoles. Cela suppose aussi une éducation àl’alimentation, pour protéger la santé et l’en-vironnement. L’AMAP est plus qu’un« panier », elle s’inscrit dans une dynamiquede territoire et contribue à créer une économiede proximité, solidaire et équitable.

L’AMAP est plus qu’un « panier »,elle contribue à créer une économie de proximité,solidaire et équitable

Avec Les Robins des BioCette Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) créée en Normandieconjugue à raison « bio, local, équitable, solidaire, écologique et expéri-mental », les six valeurs autour desquelles s’articulent les projets de cettecoopérative. D’abord commerce de produits bio les plus locaux possible, la SCIC aideau maintien de l’agriculture paysanne et au développement des circuitscourts, en proposant aux consommateurs une offre de produits de qua-lité à un prix juste et abordable pour tous. Une quinzaine de producteurslocaux fournissent l’épicerie en œufs, poulets, bœuf, fromages, produitslaitiers, agneaux, produits cidricoles, porc, fruits et légumes de saison,pains, viennoiseries, gâteaux, fruits, miel, bière... mais pas de poisson d’es-pèce menacée, pas de produit surgelé, pas de produits agricoles issus deserres éclairées ou chauffées aux combustibles fossiles ou à l’électricité...Avec Le Petit Minotier, elle fournit un pain bio et sans gluten. Originalitédes Robins des Bio, la SCIC développe également un espace d’échanges

autour de la problématique du bio : sensibilisation au développementdurable, santé, aide et orientation des publics vers des pratiques vertueusesrespectueuses de l’environnement. Elle est également un lieu culturel oùse produisent des artistes locaux et régionaux dans un souci de lieninter générationnel. L’association, qui compte une trentaine de bénévoles et deux salariés, estnotamment soutenue par la ville d’Elbeuf et la Région Haute-Normandie,ainsi que par les mairies de Thuit-Signol et Thuit-Anger, le Crédit Coopératifet Haute-Normandie Active.Pour la présidente des Robins des Bio, Valérie Auvray, conseillère régio-nale (et membre du SNUEP-FSU) : « sur un territoire où une part impor-tante de la population dépend des prestations sociales pour vivre, nousavons souhaité relever le défi d’ouvrir une épicerie de bons produits bio,locaux... Préserver les emplois agricoles non délocalisables et créerd’autres emplois localement, c’est notre pari ! ».

Concrètement, producteurs et consommateursétablissent un contrat – en général pour deuxsaisons de production : printemps/été etautomne/hiver –, en définissant la quantité etla diversité des produits à livrer sous forme depaniers ou colis payés à l’avance. Le contratétablit un prix « juste et rémunérateur » quiprend en compte la viabilité économique de laferme et les conditions sociales de celles etceux qui y travaillent.

Recréer du lien socialLes consommateurs bénéficient de produitssains dont ils connaissent l’origine. Au-delà desproduits, on recrée par ce biais du lien socialentre des catégories qui s’ignoraient et on res-pecte le travail fourni, on maintient l’activitéagricole sur les territoires. D’autres initiativesproposent de répondre aux attentes desconsommateurs en quête de produits frais surcircuits courts, soit des ventes directes sansintermédiaire, soit de la vente indirecte avec unseul intermédiaire, dans des réseaux de proxi-mité, avec des chartes qualité ou des labelscomme « bienvenue à la ferme » par exemple,qui garantit à la fois l’origine des produits,les techniques de production et d’élaboration,mais aussi le contact direct entre producteur etconsommateur, la visite des installations... n

Une autre agriculture est possible

Quand production rime avec passion

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Régulièrement des mobilisations contrede grands travaux font irruption dansles médias. Partisans et opposants s’af-

frontent. Le processus est souvent le même :avis défavorable et les travaux qui, dansl’attente d’autorisation, commencent toutde même. Pour le projet du Center Parc deRoybon, le Conseil national de protection dela nature a rendu un avis défavorable en2010, puis en 2014 ; les premiers coups depelleteuse viennent pourtant d’avoir lieualors qu’il s’agit d’une zone humide. Aprèsle mouvement de contestation, le dossierest actuellement au point mort.

Le drame de SivensSivens illustre de façon tragique les conflitsd’aménagement dans un contexte deréchauffement climatique où se croisent lapolitique de gestion de l’eau et celle dudéveloppement agricole. Le barrage reçoitl’autorisation de construction du conseilgénéral mais son utilité est contestée jusquedans les bureaux du ministère de l’Envi-ronnement. Si le rapport d’experts, dévoiléaprès la mort de Rémi Fraisse, conclut à lanécessité d’un barrage, il réfute l’ampleur duprojet. « Retenir l’eau à des fins agricoles nepermet pas une recharge optimale desnappes qui alimentent les cours d’eau »,souligne Chantal Gascuel, directrice derecherche à l’INRA. « La disparition de lazone humide, véritable éponge qui retientl’eau et la relâche par temps sec, priveraitla vallée de cette régulation naturelle. » Orla production de maïs destiné à l’alimenta-tion animale ou aux semences a besoind’eau, d’où le barrage indispensable pourl’irrigation. Bataille d’experts, mais aussiremise en cause par les citoyens isolés ou encollectifs, les associations, des décisions

des élites en général.Remise en cause pourd’autres systèmes deproduction parce quedes règles collectivesdoivent exister pour évi-ter l’épuisement des res-sources par des exploi-tations prédatrices. Ledossier est gelé dansl’attente de solutionsalternatives. Mais lescas se multiplient.Par ailleurs, commentpenser un seul instantcautionner l’agricultureindustrielle de la fermedes « Mille vaches »,véritable usine qui a bafoué les permis deconstruire, qui tue le métier de paysan,entraîne la pollution des eaux, des sols etaura un aspect dévastateur sur la santé ?Certes le gouvernement favorise l’agroéco-logie mais il simplifie les démarches pouragrandir les élevages. Et ce sont les militantsde la Confédération paysanne qui sont tra-duits en justice.

Créer une expertise environnementaleCes exemples posent toute la question de ladémocratie et de la prise de décision : com-ment se construisent les politiques d’amé-nagement du territoire ? Ne confondons pasles quelques « professionnels de la contes-tation » avec le combat légitime pour orga-niser une véritable concertation, une réponselocale, en amont de toute décision. En don-nant la parole « aux associations, aux rive-rains, aux usagers et le droit de saisir unehaute autorité environnementale », expliqueAlain Pagano, professeur d’écologie à l’uni-

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En... quête d’utilité publiqueU

ne enquête d’utilité publique est uneprocédure codifiée préalable à toutegrande réalisation ou aménagement du

territoire. Pour plus de démocratie dans leurréalisation. Alors pourquoi sont-elles aujour-d’hui pointées du doigt justement pour leurmanque de démocratie ? En fait, souvent lesexperts consultés n’ont qu’un avis facultatif(comme ce fut le cas pour le barrage du Tes-tet où l’avis était défavorable) et les enquêtesen tiennent de moins en moins compte. Fina-lement, ce qui devait être garant d’équité et dedémocratie est devenu au fil des décennies uninstrument entre les mains des industriels et de

certains élus qui tiennent de moins en moinscompte des avis contradictoires à leurs projets.Seules comptent les « retombées écono-miques » supposées (et pas toujours véri-fiées). Les questions liées à l’environnementet à la qualité de vie n’entrent finalement quepeu en considération sauf quand la loi estcontraignante ce qui n’est pas toujours le cas.Il faut aujourd’hui poser la question d’unenécessaire réforme de la procédure et dupoids donnés à ces enquêtes publiques, pourplus de démocratie, plus de transparence etune vraie séparation des rôles pour éviterles conflits d’intérêts. n

Défendre leszones humides

Les zones humides, en ce qu’elles abritentde nombreuses espèces tant végétalesqu’animales, participent de la conservationd’une biodiversité d’une grande richesse.Ces zones ont aussi un rôle fondamentaldans l’épuration et dans la régulation descours d’eau.En mettant en vigueur le 1er octobre 1986 laconvention de Ramsar, la France s’est engagée à la conservation et la gestionrationnelle de ces zones.Mais la nature a horreur du vide... surtout lanature spéculatrice ! Ainsi ces zones, parfois«  inutilisées », attirent les investisseurs etsont l’objet de la convoitise des bâtisseurset autres bétonneurs. Notre-Dame-des-Landes et Sivens en sont deux exemples !Ainsi ce sont plus de 2 000 hectares deterres agricoles bocagères représentant98 % de zones humides qui serontdétruites si le projet de Notre-Dame-des-Landes abouti. Le barrage de Sivens détrui-rait, lui, près de 20 ha de la zone humide duTestet.

versité d’Angers, qui milite aussi pour unservice public de l’expertise environne-mentale. Il ne s’agit pas d’être systémati-quement contre tout projet mais de savoir sice dernier améliore ou non le sort de l’hu-manité, sachant que « l’humain est une com-posante de l’écosystème ». n

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Éviter l’épuisement desressources par des

exploitations prédatrices

Projets d’aménagementPour une concertation citoyenne

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L’US Mag : Les paysans ont payé un lourd tribut à lamodernisation agricole depuis le début des années 1960 et leur image est devenue floue dans une société urbaine de moins en moins en prise avec l’agriculture. Qui sont les paysans dans la France de 2015 ? Quelles sont les conditions de vie de la majorité d’entre eux ?Depuis les années 60, effectivement, le monde paysan a grandementévolué. Le nombre de paysans a drastiquement diminué, passant de2,5 millions en 1970 à 600 000 en 2011. Aujourd’hui, l’agriculture est de plus en plus à deux vitesses. Certainspaysans vivent bien, et de l’autre côté, nombreux sont ceux qui sur-vivent avec des revenus extrêmement faibles, sur des temps de tra-vail très importants (3 000 h/an pour les éleveurs en moyenne).Certaines régions se désertifient alors que d’autresconcentrent la production agricole. Les paysanssont des habitants des territoires. Leur disparition,en lien avec la concentration des populations enville, conduit à des fermetures d’écoles, de ser-vices publics, de commerces, etc. C’est la totalitéde la vie rurale qui est mise à mal par le modèleagricole dominant. En parallèle, dans les zonesoù l’agriculture s’intensifie, les conséquencessont néfastes en termes de pollution, comme lesalgues vertes en Bretagne.

L’US : C’est devenu un lieu commun dans notre société que de dénoncer lesméfaits de l’agriculture productiviste(pollution, malbouffe, fin des terroirs...).Cependant bien peu de gens s’interrogentsur les raisons profondes de cette « grandetransformation ». Quelle est l’analyse de la Confédération Paysanne sur ce point ?Peu à peu, la sociologie des structures fami-liales fait que les paysans et les citadins se sontéloignés les uns des autres. De fait, la consommation de masse, maisaussi l’altération du pouvoir d’achat, ont fait que les gens ontperdu le lien entre la production et la consommation. Les politiques agricoles ont contribué à creuser ce fossé en favorisantla concentration des productions, notamment via la Politique agri-cole commune (PAC). Les industriels de l’agroalimentaire ontjoué, et jouent encore, un rôle très important en la matière.C’est pour défendre leurs bénéfices qu’il est aujourd’hui plusfacile de vendre des lasagnes surgelées à la viande de chevalque des yaourts fabriqués sur la ferme. Les contraintes dites sani-taires n’ont pas pu empêcher les divers scandales, mais pèsent lour-dement sur les paysans, tant elles sont déconnectées de la réalitéde leur travail.Consommer est un acte citoyen, trop de gens l’ont perdu de vue.Pourtant, pour inverser la tendance, il faut recréer ce lien. Et la pre-mière étape, c’est de se poser la question en faisant ses courses.

L’US : On connaît la Confédération Paysanne comme étant à la pointe des mobilisations pour une agriculture paysanne.Quelle est sa place dans les mouvements de protestation citoyenscontre la ferme des Mille vaches ? Pouvez-vous nous parler de votre implication personnelle dans ce combat ?La Confédération paysanne est fortement impliquée depuis deuxans dans le combat contre la ferme usine des Mille vaches, sym-bole de l’industrialisation de l’agriculture. Nous avons organisé trois grosses actions, principalement de démon-tage, sur le site même de cette usine à Drucat. Ces actions, en appuià celles de l’association de riverains NOVISSEN(1), ont permis demédiatiser le dossier et de faire reculer ce projet. Mais bien au-delà,les questions de la dérive de l’agriculture vers une industrialisationcroissante ont été posées sur la table et dans le débat public.

En tant que porte-parole, ce dossier me tient àcœur. Je vois au quotidien des paysans galérer,des exploitations disparaître et là, dans laSomme, on crée de toutes pièces cette usine !Cette tendance à construire de véritables usinesà fabrication d’alimentation accélère encoredavantage ce déclin du monde paysan auquelnous nous opposons.Le gouvernement et la justice ont choisi de tra-duire neuf militants de la Confédération Pay-sanne, dont moi, devant un tribunal pour des-truction en réunion. En tant que porte-parole, j’aiété condamné pour « incitation à la dégradationen réunion », une qualification qui dénote uneméconnaissance totale du fonctionnement col-lectif de la Conf’. Nous attendons désormais deconnaître la date de notre procès en appel.

L’US : Quelles sont les solutions préconiséespar la Confédération Paysanne pour promouvoir, au niveau national et européen,

une agriculture soutenable garantissant aux paysans des revenussatisfaisants et aux consommateurs des produits de qualité ?Il nous semble que l’argent alloué à la politique agricole com-mune doit permettre une réorientation de l’agriculture, c’est-à-dire une véritable transition agricole. Nous revendiquons que seulel’agriculture paysanne peut permettre de maintenir une paysanne-rie nombreuse en remplissant les fonctions essentielles de notremétier : préserver, employer, produire.Seul un changement de cap des politiques publiques peut permettrede changer l’agriculture. Simplement, il va falloir du couragepolitique à ceux qui nous gouvernent. Et depuis 2012..., on attendtoujours ! n

(1) Association fondée fin 2011 par les habitants de Drucat pour luttercontre la ferme-usine et dont l’acronyme signifie « NOs VIllages Se Sou-cient de l’ENvironnement ».

Entretien

« Seul un changement de cap des politiques publiquespeut permettre de changer l’agriculture »Laurent Pinatel est le porte-parole de la Confédération Paysanne depuis mai 2013. Il est par ailleurséleveur de bovins dans la Loire. Il produit du lait et de la viande, et commercialise ses produitsnotamment via le réseau des Amap. En tant que responsable de la Confédération Paysanne, LaurentPinatel intervient en première ligne dans la lutte contre la « ferme des Mille vaches », érigée au rangde symbole pour les contempteurs de l’agriculture ultra-intensive. Analyses donc, mais aussi témoignage.©

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Enseignement agricole

Un siècle d’existence et toujours vertLes lycées d’enseignement général, technologique et professionnel agricole forment les agriculteurs et les techniciens agricolesde demain. Plus que jamais cet enseignement veut prendre toute sa place dans la transition écologique et prendre en charge ce

changement de modèle. Faut-il encore qu’on leur donne les moyens de cette ambition.

Fort de ses bientôt 170 ans – il est né en1848 – l’enseignement agricole a tracéson sillon et connu les mutations qui ont

accompagné (pas toujours en bien) les trans-formations de l’agriculture française. Créé au XIXe siècle pour répondre à la néces-sité de mettre en œuvre un système completd’enseignement à trois degrés (fermes-écoles,écoles régionales et institut national agrono-mique) et surtout former des agriculteurs, il seréformera dans les années 60 pour dépasser lecadre d’une simple formation agricole. Pourautant, l’emprise de « la profession » n’a cesséde s’accroître. Cette dépendance vis-à-vis dela profession explique notamment la repro-duction des modèles capitalistes et producti-vistes qui ont prévalu pendant les « Trenteglorieuses ».

Enseignement diversifié mais concurrencéAujourd’hui, il constitue un système éducatiforiginal placé sous la tutelle du ministèrechargé de l’agriculture. Initialement destinéà la formation d’un public d’origine agricoleet essentiellement rural, il s’est considérable-ment développé pour accueillir un public àplus de 80 % d’origine urbaine.L’enseignement agricole a depuis largementdiversifié ses formations vers les métiers del’agroalimentaire, de l’aménagement du terri-toire, du service aux entreprises et aux per-sonnes, tout en intégrant les préoccupationsenvironnementales. Il représente aujourd’huil’équivalent d’une petite académie. Une particularité qui rend les relations plus directesavec l’autorité de tutelle, ce qui pourrait appa-raître au premier abord sympathique, maisn’est pas sans poser des problèmes au quotidien.

Pour autant, il n’en partage pas moins lesmêmes problèmes que sa grande sœur del’Éducation nationale. Car l’ensemble de cesmutations, certes positives puisqu’elles ontpermis d’instaurer des diplômes valorisants,cachent bien souvent des réalités difficiles,celles d’une politique de démantèlement del’Enseignement Agricole Public par une dimi-nution des moyens dans tous les budgetsvotés avant 2012.Depuis le début des années 2000, les sup-pressions de postes, les fermetures de classes

et d’établissements, la dégradation des condi-tions d’accueil et d’enseignement se sont tra-duites concrètement par une diminution del’offre des formations scolaires dans le publicau profit d’un enseignement privé qui scolariseprès des deux tiers des élèves de l’enseigne-ment agricole.

Pas un problème mais une solutionLes établissements subissent ainsi de pleinfouet la concurrence du privé. Notammentdes Maisons familiales et rurales, ce quiexplique principalement la baisse des effectifsconstatée ces dernières années. Ces structures,sous couvert d’un enseignement par alter-nance, pratiquent une concurrence déloyalecar elles n’ont pas les mêmes contraintes etpeuvent recruter dès la Quatrième. En Rhône-Alpes le nombre d’élèves scolarisés en Qua-trième-Troisième dépasse les 4 000 alors qu’ilatteint péniblement 400 dans le public agricole. Il est donc nécessaire de redonner un nouvelélan à cet enseignement qui a toute sa placedans le système éducatif français.D’autant plus que l’agriculture traverseactuellement une grave crise. Elle ne pourrapas faire l’impasse d’une véritable transi-tion écologique. Ce changement de modèledoit alors être pris en charge par l’enseigne-ment agricole. Pour le SNETAP-FSU, syn-dicat majoritaire, « il faut donc redonnertoute sa place et ses moyens à l’enseignementagricole public ». C’est la condition sinequa non pour que « l’Enseigner à produireautrement » ait une réelle chance de fonc-tionner sachant « que notre système est le seulgarant d’une réelle indépendance vis-à-vis dela profession et le seul en mesure d’appliquerles politiques publiques ». n

L’agriculture dans les programmes du second degréDans les programmes du second degré, l’agriculture est évoquée enparticulier dans les cours d’histoire-géographie et en SVT.Au collège, l’agriculture est surtout évoquée en Cinquième quand onétudie en géographie la question des ressources alimentaires sous l’angledu développement durable (10 % du programme de géographie). Ce sujetest abondamment repris en Seconde dans la même discipline. En histoire,l’agriculture est évoquée dans le premier chapitre sur l’évolution de la popu-lation mondiale depuis les origines, avec les systèmes agraires traditionnels,leur limite et la fameuse « révolution agricole » du XVIIIe siècle.En Première, l’agriculture occupe une place plus limitée et la question estde nouveau abordée à plusieurs reprises en Terminale (étude sur le Brésil, l’Afrique, et encore sur les défis de la croissance en Asie). Les ques-tions d'actualité ne sont pas éludées, loin s'en faut, puisque ce sont ellesqui donnent du sel au sujet  : débat sur les OGM, sur l'agriculture pro-ductiviste, sur l'agriculture bio.

En Sciences de la vie et de la Terre, l’agriculture est évoquée enSixième, en Troisième et en Seconde, ainsi qu’en séries générales,avec une entrée développement durable. Au lycée en particulier, lequestionnement part de la croissance continue d’une population mon-diale qu’il s’agit de nourrir dans la durée et dans le respect de la bio-diversité.Les élèves travaillent sur les sols, leur fonctionnement, leur fragilité. Ilsabordent les conditions de développement des végétaux, la question desengrais et de la pollution. Sont aussi abordées des «  pratiques au ser-vice de l’alimentation humaine  », permettant de traiter quelques pro-cédés d’amélioration des productions animales et végétales (pratiquesculturales, sélection et manipulations génétiques). La principale difficultéde cet enseignement réside dans son lien avec l’actualité, les différentstypes d’agriculture tout comme les OGM n’étant pas des savoirs scolaires«  stabilisés  » .

Pour que « l’enseigner à produireautrement » ait une chance defonctionner, il faut redonner saplace et sa force à l’enseignementagricole public.

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28 - US MAGAZINE - Supplément au no 749 du 17 janvier 2015

MÉTIER

CALENDRIER DU BAC 2015. Il évitera a priori aux élèves les conditions difficiles qui ont pu exister dans les années récentes. Un cadrage national parfois insuffisant voire inexistant et les modalités inadmissibles des épreuves renvoyées aux aléas du local entretiennent hélas les inégalités de traitement entre les candidats.

Du mieux mais pas seulement...

1 000 FORMATEURS formés pendant deux jours sur la laïcité et l’enseignement moral et civiqued’ici la fin de l’année scolaire, a déclaré la ministre lors du grand sursaut républicain du 22 janvier dernier. Bel effet d’annonce, alors que rien n’est prêt, tant sur le fond que sur la forme.

Enseignement moral et civique :une précipitation délétèreL

e projet de morale laïque de l’ancienministre Peillon a été recyclé dans unprogramme d’éducation morale et

civique, en cours de consultation avec desmodalités aberrantes (voir L’US 749 du mois

dernier). Selon le ministère, ses contenusdevraient évoluer en lien avec les mesuresprises suite aux attentats de janvier. Prévupour une application dès septembre 2015,rien n’a encore été précisé sur ses modalitésde prise en charge : horaires, disciplines, for-mation sur le terrain...

Des contenus à préciserPour le SNES-FSU, tous les enseignements,ainsi que la vie scolaire, sont concernés parla laïcité et la citoyenneté. Leurs programmesdoivent intégrer cette dimension. Pour autant,au collège, l’histoire-géographie-éducationcivique doit garder son horaire identifié, per-mettant de traiter plus spécifiquement cer-tains aspects. Au lycée, cet enseignementne doit pas remettre en cause les équilibresétablis en ECJS. Les contenus d’un enseignement de la moraledoivent être conçus pour mettre les élèves ensituation de débattre en lien avec des notions

au programme afin d’éviter d’asséner uncatéchisme laïque. La morale est un sujetdélicat qui est traité pour lui-même en phi-losophie seulement et n’est donc abordé ettravaillé que par une partie de la jeunesse. Ilest donc nécessaire de se pencher sur la placede la philosophie au lycée, mais aussi deformer largement les personnels afin que lessujets impliquant un questionnement d’ordremoral soient convenablement pris en chargepar les disciplines à partir de points de pro-grammes permettant d’ouvrir ce débat. Leministère a annoncé au CSE du 5 févrierque l’EMC se substiturait à l’ECJS en lycéeet, de façon transitoire, à l’éducation civile encollège avec une adaptation de l’épreuve duDNB. En ce qui concerne les séries techno-logiques qui n’ont actuellement pas d’ECJS,il faudra prendra prendre les heures sur lesmarges horaires des dotations. Le grand bri-colage continue. n

Valérie Sipahimalani, Alice Cardoso

Organisées sur six jours, du mercredi17 juin au mercredi 24 juin, les épreuvesécrites ne devraient pas donner lieu à

des journées « à rallonge », difficiles pourtous les élèves, intenables pour ceux bénéfi-ciant d’un tiers-temps. On peut aussi noter queles épreuves d’évaluation des capacités expé-rimentales (série S) bénéficient d’un cadrageplus pertinent que les années précédentes.

Les problèmes persistentConcernant la question des corrections descopies, il est précisé que les enseignants dephilosophie sont dispensés de toute sur-veillance d’autres épreuves écrites, dèsla remise de leur lot de copies à corriger, ce quine résout pas la question du délai – ni en phi-losophie ni dans les autres disciplines.Un certain nombre de problèmes persistentcependant. Le calendrier académique variablede certaines épreuves orales (DNL, histoire-géographie en STI2D) ne met pas les candidatsdans les mêmes conditions de préparation àl’échelle nationale. Le SNES-FSU dénoncepour la troisième année consécutive les moda-lités inadmissibles des épreuves en cours d’an-née de langues vivantes (ECA) et les dérivesde l’organisation locale des épreuves (CCF,

TPE, projets...). Mais le ministère reste sourdà tous les arguments et met ainsi sciemment encause le caractère national du diplôme.Au-delà de cette liste malheureusement nonexhaustive, le SNES-FSU continue d’inter-peller régulièrement le ministère sur d’autresproblèmes structurels : l’accumulation deconvocations, parfois de dernière minute, et les

pressions, quelquefois insupportables, sur lescorrecteurs de la part de la hiérarchie. Comptetenu des disparités selon les académies, letype d’épreuve et les disciplines, il est cruciald’informer les sections académiques de tousles problèmes qui peuvent surgir afin de sai-sir à temps rectorats et ministère. n

Claire Guéville

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Supplément au no 749 du 17 janvier 2015 - US MAGAZINE - 29

Peu consulté sur le décret d’application, leSNES-FSU l’a été sur la circulaire deprévention de l’absentéisme. Ses inter-

ventions ont visé à rendre le dispositif plusopérationnel et à mieux cerner les rôles dechacun dans la chaîne d’intervention.La circulaire (BO du 1/01/2015) met l’ac-cent sur des mesures de prévention et d’ac-compagnement des familles. Elle rappelleles motifs d’absence réputés légitimes. Aprèsune brève analyse de la complexité du phé-nomène, le texte détaille les procédures delutte. Il insiste sur la notion de dialogue avecles familles (dès la première absence) et pré-voit un rapport d’information au CA deslycées et des collèges une fois par an.

Accompagner et moins sanctionnerLes sanctions pour ce motif ne sont plusdésormais que l’avertissement ou le blâme,pour éviter d’accentuer la rupture scolaireen excluant. La commission éducative estréunie dès quatre demi-journées d’absencesmensuelles non justifiées afin d’analyser lescauses de l’absentéisme et de proposer des

solutions éducatives auxélèves et aux familles. Undocument signé par lesresponsables énonce lesmesures envisagées.Enfin, un dossier regrou-pant toutes les donnéesest transmis au DASENqui procède ou pas à unpremier rappel à la loi. En cas de persistance del’absentéisme, de l’ordrede dix demi-journées men-suelles, la « communauté éduca-tive » est à nouveau saisie et un autre dispo-sitif d’accompagnement est conclu. Un« personnel d’éducation référent » assure unsuivi personnalisé et peut s’appuyer sur lesdispositifs de prévention du décrochage. Encas d’échec, la saisine du procureur de laRépublique par le DASEN intervient. La loi concerne à la fois le premier et lesecond degré et présente des limites selon leniveau et l’âge des élèves. La réunion de lacommission éducative dès les quatre pre-

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Ce dispositif, hors temps scolaire, vise àproposer quatre jours par semaine toutau long de l’année pour une durée

indicative de deux heures des activitésdiversifiées aux « orphelins de 16 heures »(voir encadré). Souvent situé en fin d’après-midi, l’accom-pagnement éducatif a aussi été mis en placependant la pause méridienne, notamment enzone rurale en raison des transports scolaires.Cette disposition ouvrait dès son origine à delourds dangers : un transfert de l’aide auxélèves (les heures d’ATP en Sixième ontd’ailleurs souvent été réduites voire suppri-mées à cette occasion) ; une externalisation

des activités, voire des ensei-gnements d’EPS et artistiques(la chorale a ainsi souvent étéretirée du temps scolaire).

Suppression du périscolaireMais avec plus de 750 000élèves qui en ont bénéficié en2010-2011, encadrés le plussouvent par des enseignantset d’autres personnels du col-lège, l’accompagnement édu-catif correspond à un besoinréel auquel l’organisation ducollège ne répond pas actuel-lement avec des classes plé-thoriques, quasiment aucunepossibilité de travail en groupe et des horairesdisciplinaires insuffisants.Pour le SNES-FSU, il est inacceptable desupprimer ainsi sans avertissement des dis-positifs imaginés par les personnels pourrépondre aux besoins. Il est encore moinsacceptable que la réforme du collège annon-cée (voir page 15) n’apporte aucune amélio-ration des conditions d’enseignement, maisaccroisse au contraire leurs difficultés. n

Bruno Mer

ABSENTÉISME. La loi Ciotti qui visait à sanctionner les familles des absentéistes par la suspension desallocations familiales a été abrogée en 2013. La philosophie des nouveaux textes réglementaires consiste àrenforcer l’accompagnement au plus près des élèves et des familles, et à mieux impliquer les établissements.

L’affaire de tous

COMBIEN D’ÉLÈVESCONCERNÉS ?

En 2010-2011, 780 624 collégiens du public,soit près de 33 % des élèves des collègesconcernés, bénéficient de l’accompagne-ment éducatif.• élèves de Sixième : 44 %• élèves de Cinquième : 35,6 %• élèves de Quatrième : 27,4 %• élèves de Troisième : 27,4 %

MIS EN PLACE EN ÉDUCATION PRIORITAIRE à la rentrée 2007 pour être généralisé à tous les collèges en 2008,l’accompagnement éducatif ne sera plus financé dans les collèges hors EP à la rentrée prochaine.

Accompagnement éducatif restreint

mières demi-journées d’absence est bien pré-coce, au lycée notamment, où une applicationstricte impliquera beaucoup de réunions. Maissurtout, les textes sont muets sur les emploisde CPE ou le renforcement des équipes de viescolaire, pourtant indispensables pouratteindre ces objectifs de réduction de l’ab-sentéisme que nous partageons. n

Valérie Héraut

QUELLES ACTIVITÉS ?Au cours de l’année scolaire 2013-2014, l’accompagnement éducatif  était répartiau collège en :• aide aux devoirs : 59,1 %• pratique artistique et culturelle : 23,8 %• pratique sportive : 11 %• langues vivantes : 6,2 %

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CATÉGORIES

Àl’heure où la plupart desgroupes de travail « vœux etbarèmes » sont terminés,

force est de constater qu’il n’estpas simple d’obtenir un traite-ment identique d’une académie àl’autre. Habitudes ici, incom-préhensions là, les commissairesparitaires du SNES-FSU ont eu,cette année encore, bien du malà faire prévaloir l’égalité de trai-tement. Ainsi en est-il allé de labonification liée à l’enseigne-ment dans un établissement del’éducation prioritaire pour lesTZR. Tandis que, depuis desannées, à Créteil ou Versaillespar exemple, on attribuait cettebonification aux TZR en AFA,dans d’autres académies, il n’enétait pas question.Le SNES a obtenu, non sans mal,que ce soit le cas partout et ycompris pour les collègues TZRen remplacement dès lors qu’ilsont effectué au moins un demi-

service (mi-temps ou plusde six mois) dans un telétablissement. C’est là, ànotre sens, la reconnais-sance minimale que l’ins-titution doit à cescollègues qui partagentles mêmes difficultés queleurs collègues en postefixe.

À la tête du client ?D’autres bonifications– telles celles liée au« handicap » ou auCIMM( 1 ) dans lesDOM – restent sou-mises à l’appréciationde l’administrationrectorale et, donc, àdes aléas qui posentproblème. Pour pallier, le SNES-FSU demande que se tiennentdes groupes de travail nationaux,seuls à même de garantir l’éga-lité de traitement. Le ministère,

comme si, pour de tellespriorités, l’égalité detraitement n’était pas unsujet...S’agissant des postes spé-cifiques nationaux, cesont presque 6 000 candi-datures, dont 3 500 enCPGE, qui ont été exami-nées dans les groupes detravail qui se sont tenus auministère du 2 au 6 février.Chaque adhérent deman-deur a eu communication durésultat le concernant. Prochain rendez-vous : lesFPMN et CAPN du 4 au 12mars, à l’issue desquellesseront prononcées les affecta-tions définitives sur les postesspécifiques nationaux et lesmutations interacadémiques. n

Lionel Millot

(1) Centre des intérêts moraux etmatériels

Prenant acte des fermeturesliées, ici au désengagementd’un conseil général, là à la

recherche d’économies à toutprix, le ministère s’était engagé àréorganiser le réseau des CIO auniveau national avec la préoccu-pation de maintenir un maillageterritorial selon des critères quidevaient être travaillés aprèsconcertation. Un groupe detravail devait se mettre en placeconcernant les critères d’im-plantation de cette carte avecles organisations syn -dicales. Or, aujourd’hui, unenouvelle étape estfranchie : profitant dumouvement desdirecteurs de CIO,certains recteurs n’ontpas hésité à demanderà la DPE de bloquer unnombre important depostes de directeurs deCIO ce qui facilitera les fer-

metures, puisque la dimension« ressources humaines » sera éco-nomisée...

Chasse aux postesPrès de soixante postesdevraient donc être bloqués !La palme revient au recteur deVersailles qui a demandé le blo-cage de trente-deux postes de

directeur sur... 33 ! Même chosedans l’académie de Lyon, où cesont tous les postes de directeurs

du département du Rhône quisont bloqués... Cette réorganisa-tion qui se profile va se traduirepar une baisse drastique dunombre de CIO (le tiers d’entreeux devrait disparaître selon cer-

taines estimations). La taille deceux qui resteront va aug-

menter, compliquant letravail des équipes et desdirecteurs qui auront

davantage de difficultéspour participer à l’anima-

tion du réseau d’établisse-ments scolaires d’un secteur quiaura de moins en moins de rap-port avec un district scolaire. Cesdécisions qui se profilent, liéesaux fermetures qui ont déjà eulieu, contribuent à augmenterl’inquiétude dans la profession.Le SNES-FSU continue à sebattre résolument sur le terrainaux côtés des collègues pourobtenir le maintien d’un réseau deCIO de réelle proximité. n

Marie-Agnès Monnier

DÉTRICOTAGE DU RÉSEAU DES CIO : quand les recteurs tirent les fils !

Geler pour mieux supprimer

30 - US MAGAZINE - Supplément au no 749 du 17 janvier 2015

MOUVEMENT 2015

Pour la transparence et l’égalitéde traitement

après nous l’avoir un momentpromis sur les CIMM, nous l’a,cette année encore, refusé

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Voici bientôt un mois quenous vivons dans la Francede l’après Charlie Hebdo,

et vient maintenant le temps desquestions, notamment vis-à-visde l’Éducation nationale et deson rôle au sein de la sociétérépublicaine. Si nous pouvonsnous réjouir, dans une certainedimension, que la premièreréponse du Gouvernement futde mettre en place des concerta-tions avec les syndicats et lesassociations de parents d’élèves,les mesures qui ont suivi nousincitent à la prudence.

En première ligneCeci dit, nous constatons que lesassistants d’éducation (AED)sont absents de la réflexion por-tée par le Gouvernement sur lerenforcement de l’école républi-caine. Le SNES-FSU le déplorecar les personnels chargés desmissions d’encadrement et desurveillance sont en premièreligne pour répondre aux inter-rogations des élèves que les évé-nements de janvier 2015 ont sus-citées. De part leur proximité

avec les collégiens et les lycéens,les AED sont aujourd’hui un élé-ment incontournable du dialogueentre l’Éducation nationale etses élèves. D’autre part, c’estégalement aux AED qu’estrevenu bien souvent la tâchedélicate d’appliquer le renforce-ment du plan Vigipirate, de partleur mission essentielle de sur-veiller les entrées et les sortiesdes établissements scolaires.

Se mobiliser pour gagnerMalheureusement, aucunemesure concrète n’a été prisepar le Gouvernement pour amé-liorer les conditions de travaildes AED, lesquels ne sont pour-tant pas avares de revendica-tions. À ce titre, la campagnede pétition, lancée par le SNES-FSU Nancy-Metz, en faveurd’une ouverture aux AED dudroit à la prime ZEP a rassembléplus de 500 signatures et faitdirectement écho à une reven-dication portée depuis long-temps par le syndicat. Les AEDsont aujourd’hui la dernièrecatégorie de personnels de l’É-

ducation nationale à de pas jouirde ce droit, ce qui nous a pousséà en formuler clairement lademande auprès du ministère endécembre dernier. Des négocia-tions sont donc en cours, maiselles ne pourront aboutir que sile SNES-FSU s’appuie sur unemobilisation de l’ensemble desassistants d’éducation.Cette lutte pour un nouveaudroit ne constitue qu’un premierpas dans l’instauration d’un sta-

tut d’étudiant-surveillant, béné-ficiant des mêmes droits que lesautres catégories (CPE, profes-seurs, CO-Psy) et permettant àchaque AED de poursuivre uneformation qualifiante. Plus quejamais, nous devons en finiravec la précarité de ces milliersd’AED, qui quittent l’Éducationnationale au terme des sixannées sans débouché profes-sionnel. n

Augustin Cluzel

Les premiers résultats desconcours réservés sontédifiants par le peu de candi-

dats ayant obtenu l’admissibilité.Il est déjà très facile decomprendre que les nouveauxlauréats ne suffiront pas à pour-voir les postes mis au concours.

De l’irresponsabilitéau cynismeCette situation laisse à penserque le recrutement des agentscontractuels va s’intensifier viales sites de Pôle emploi, du « Boncoin », qui recrutent principale-ment des agents sur la base devacations. Jusque-là, on peutencore admettre une certainecohérence dans l’action mais, enparallèle de ces appels du pied, sedéveloppe un nouveau mode delicenciement pour les non-titu-laires ayant de l’ancienneté, sans

doute ceux qui commencent àcoûter un peu trop cher àl’institution (...) : « l’insuffi-sance professionnelle », cephénomène touche des agentsexpérimentés qui enseignentdepuis 15, 30 ans et plus...Une aberration quand aucuneformation digne de ce nomn’est proposée.

Les besoins...et les actesDe même, des collègues pou-vant prétendre à un contrat àdurée indéterminé sont ins-pectés subitement et nonrenouvelés, d’autres sontmenacés d’être affectés surplusieurs établissements oudans des zones éloignées, etc.L’administration tente de nepas s’acquitter de ses obliga-tions.

Que cache cette contradictionentre les besoins et les actes de lagestion des ressources humainesau sein de l’Éducation nationale ?Le SNES-FSU continuera à sebattre :• pour un véritable plan de titu-larisation et l’abrogation desvacations ;• pour que les candidats auxconcours interne et réservé puis-sent choisir entre les épreuvesécrites ou le dossier RAEP, etque les plus anciens puissententrer directement en année destage ;• pour qu’en attendant, la gestiondes non-titulaires donne lieu àun cadrage par le ministère à par-tir de règles nationales, et quesoit établie et appliquée une grilleindiciaire nationale reconnaissantle travail des non-titulaires enCDI et CDD. n Nadine Krantz

ASSISTANT D’ÉDUCATION : qu’est-ce qui a changé depuis le 11 janvier ?

Les oubliés de l’École de la République

NON-TITULAIRES  : y a-t-il un pilote dans l’avion ?

Incohérence ministérielle

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Supplément au no 749 du 17 janvier 2015 - US MAGAZINE - 31

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Inédit en Europe, belle exception française !Dans les établissements du second degré, deséquipes pluriprofessionnelles se réunissentrégulièrement pour analyser collectivement lesdifficultés. Cristel Choffel(1) est assistante sociale(AS), elle insiste sur la chance unique quereprésentent de telles équipes sur le terrain, carcela permet de croiser des regards profession-nels différents et complémentaires : « les ASsont des personnels formés, qualifiés (en psy-chologie, en sociologie...) qui ont acquis descompétences professionnelles validées par undiplôme d’État. La profession s’appuie aussi surun code de déontologie et des valeurs éthiquestrès fortes, c’est un cadre éducatif très impor-tant. Par ailleurs, l’AS scolaire est le lien entrel’école, la famille et tous les partenaires exté-rieurs tels que l’ASE(2), le CMP(3), la maison desparents ou des adolescents, etc. ». Et ces per-sonnels sont au cœur des établis sements,

comme le sont les infirmier(e)s ou les CPE.Béatrice Gaultier (4) explique : « l’implantationde nos postes dans les établissements est fon-damentale : être présent au quotidien, connaîtreles élèves permet de débloquer certaines situa-tions ; agir pour la promotion de la santé dansun processus d’éducation à la santé demande

Il existe au sein de l’institution des per-sonnels ressources à même d’apporterdes réponses pertinentes et de dénouer

des situations difficiles : faire vivre leséquipes pluriprofessionnelles, c’est per-mettre aux enseignants d’élaborer desréponses, d’éviter que leur désarroi ne setransforme en profond découragement. Fairevivre les équipes pluriprofessionnelles, c’estaussi trouver des solutions à des situationsde mal-être, liées parfois à l’adolescence, quipeuvent se traduire par des tensions entre lesjeunes et les adultes, enseignants ou parents ;c’est enfin, grâce au concours de tous, l’oc-casion de porter un regard collectif sur lejeune pour le considérer dans sa globalité etplus seulement en tant qu’élève. Les diffé-rents personnels qui interviennent en cesens ont tous le même objectif : dénouerles problèmes pour permettre la réussitescolaire de l’élève.

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Croiser les regards pour cerner les maux de la jeunesse

« JE NE SAIS PAS FAIRE, JE N’AI PAS ÉTÉ FORMÉ, JE NE SUIS PAS ASSISTANTE SOCIALE, le cas de cet élève ne relèvepas de l’institution scolaire, on a tout essayé et on est “sans solution” pour cet élève... »Ce type de commentaire, fréquent en salle des profs, témoigne du profond désarroi dans lequel sont souventplongés les enseignants face à des situations qu’ils sont amenés à gérer seuls.

Équipes pluriprofessionnelles

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du temps ». Par ailleurs, il faut rappeler qu’il ya 15 millions de passages à l’infirmerie par an,dans le second degré : la fonction d’accueildes élèves est absolument indispensable. Valé-rie Héraut(5) poursuit, dans le même sens, sur laplace des CPE qui se situent à un carrefourdans le milieu scolaire : « le CPE a un rôlepivot, il assure l’interface entre l’équipe péda-gogique, la famille et l’élève, et fait le lienaussi avec tous les autres intervenants autourdu jeune : AS, infirmier, CO-Psy, éducateur... :il permet d’avoir une vision globale de l’élève ».

Des missions communes et complémentaires Nombre de missions sont communes à l’en-semble de la communauté éducative : pourpermettre à l’élève de réussir sa scolarité, il fautlever tous les obstacles : « le champ est trèsvaste, indique Cristel : il faut lutter contrel’absentéisme, garantir la protection de la jeu-nesse, permettre l’accès aux droits (bourses,restauration...). Certaines de nos missionschevauchent celles des CPE, mais lesapproches sont différentes. C’est la pluralitédes regards qui fait la richesse de l’analyse col-lective ». Valérie confirme que « ce n’est pasla même façon d’aborder les problématiques,de s’adresser à l’élève ; le CPE est centré surl’élève dans l’établissement et face aux appren-tissages, alors que l’AS considère aussi l’élèvedans sa famille ». La promotion de la santé,vaste programme également, concerne aussil’ensemble de la communauté éducative : Béa-trice précise que « le CESC (6) est un cadreinstitutionnel dont il faut se saisir : c’est en effetun lieu de rencontres entre professionnelspour la mise en place de projets collectifs, àpartir des besoins des élèves identifiés dansl’établissement, et soumis à évaluation ».

La réalité du terrain ? Des équipes incomplètesLe travail d’équipe qui permet de croiser lesregards se heurte à des obstacles importants : siles réunions de suivi réunissent la plupart dutemps l’AS, l’infirmière et le CPE, ce n’est pastoujours le cas, car les personnels sont appelésà intervenir sur plusieurs établissements ; mal-heureusement, il n’est que rarement possiblede faire participer les enseignants à de tellesréunions, placées pendant les heures de cours.Pourtant, Valérie insiste sur le fait « qu’il faudraitchercher à avoir un regard commun sur unesituation-problème : ce n’est pas toujours lecas avec les enseignants car il peut nous man-quer une culture professionnelle partagée ».Béatrice insiste elle aussi sur le fait que « letemps de présence au sein de l’établissement estsouvent insuffisant ». Les enseignants sont aussisouvent laissés à distance par le secret profes-sionnel qui est imposé aux personnels sociauxet de santé. « Le secret professionnel est essen-tiel, dit Cristel, dans la relation de confiance quinous lie au jeune. Mais ce n’est pas un obstacleà l’échange et au travail collectif, au besoin de

vailler à une réponse cohérente, tout cela par-ticipe de la mission éducative. Travaillerensemble, au sein de toute la communautééducative, c’est aussi permettre aux ensei-gnants de rompre avec leur solitude face à laclasse, et de bénéficier des ressources d’autrespersonnels. C’est enfin dépasser les obstaclesde certains jeunes qui sont « empêchés d’ap-prendre » par des conditions économiques,sociales, familiales, psychologiques qui fontécran... Puisque, comme l’affirment le SNESet la FSU, « tout jeune est éducable », il fautpouvoir trouver le moyen qui correspond àchacun, qui passe par la pédagogie mais ne selimite pas à elle. D’où l’absolue nécessité deces regards croisés. n Véronique Ponvert

(1) Cristel Choffel est militante du SNUAS-FP-FSU dansl’académie de Créteil(2) ASE : Aide sociale à l’enfance(3) CMP : Centre médico-psychologique(4) Béatrice Gaultier est cosecrétaire générale du SNICS-FSU(5) Valérie Héraut est secrétaire de catégorie des CPE duSNES-FSU(6) CESC : Commission d’éducation à la santé et à la citoyenneté

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Nathalie Grelot, éducatrice PJJ (militante du SNEPES-PJJ-FSU)

Trois questions à...

Pour quels motifs, dans quelles circonstances l’éduca-teur(trice) intervient-il(elle)auprès des jeunes scolarisés ?La déscolarisation des adoles-cents que nous suivons est,même chez les moins de 16ans, assez courante malheu-reusement. Nous sommes doncfréquemment en relation avec l’Éducation nationale pour desdémarches de rescolarisation. Pour lesjeunes scolarisés, les éducateurs de milieuouvert ne prennent pas contact de façonsystématique avec les établissements sco-laires, ils demandent aux parents la photo-copie des derniers bulletins afin de détecterd’éventuelles difficultés. Quand les parentssont présents auprès de l’école, l’éduca-teur ne se substitue pas à eux. Lorsque leséducateurs de milieu ouvert prennentcontact avec l’école, c’est qu’ils pensentque leur intervention peut permettre aujeune de se positionner différemment parrapport à l’institution scolaire. Cela peutaussi permettre à l’établissement d’appré-hender la situation de l’adolescent de façondifférente, plus globale au regard de sasituation familiale et sociale notamment.Dans tous les cas, les éducateurs associentles parents à ces démarches, soit en leurdemandant de venir aux rencontres, soit enles en informant et en leur faisant un retour. Les éducateurs de foyer, eux, sont encontact systématiquement avec l’établisse-ment. En général, c’est le foyer qui fait

l’inscription. Par la suite, le foyers’occupe de la gestion quoti-dienne de la scolarité. Avec desplacements de moins en moinslongs et de plus en plus axés surle maintien de l’ordre public, lascolarisation des adolescents pla-cés à la PJJ n’est pas aisée...

Quelle est la réalité du travail enéquipe pluriprofessionnelle, quels

sont vos interlocuteurs dans les établisse-ments ?En général, le premier interlocuteur est leCPE. C’est souvent des problèmes d’ab-sentéisme et de comportement qui condui-sent l’éducateur à prendre contact avecl’école. Par la suite, les éducateurs peuventêtre en lien avec les professeurs dont leprofesseur principal, l’AS scolaire, l’infir-mier ou le chef d’établissement.

Quelle est la spécificité du regard de l’édu-cateur(trice) pour la jeunesse en difficulté ?La scolarité est un élément central de lavie du jeune, mais qui ne peut être dissociéde sa situation sociale et familiale. Les ado-lescents qui nous sont confiés ont tendanceà cumuler les difficultés. Celles-ci s’entre-mêlent et s’alimentent. Seule une inter-vention globale sur la situation des adoles-cents peut permettre une évolution, maiscelle-ci prend du temps. C’est ce que leséducateurs PJJ, avec les assistants sociauxet les psychologues de leur service tententde mener à bien.

Rubrique réalisée par Véronique Ponvert

Conseillers d’orientation-psychologues pour tous les élèvesLes CO-Psy font partie des équipes de suivi etparticipent aux réunions où sont examinés lescas des élèves rencontrant des difficultés d’ordredivers quand l’emploi du temps le leur permet.Mais il leur faut aussi intervenir sur leurs établis-sements (deux, trois voire quatre) et assurer lespermanences du CIO. Un CO-Psy prend en chargeenviron 1 300 élèves par an.Les demandes d’entretien peuvent concerner toutaussi bien des questions liés à leur avenir quedes difficultés scolaires ou d’ordre plus personnel.

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partager l’analyse de la situation avec les autres personnels. Et certains détails peuvent être tuscar ils n’apportent rien à la relation pédago-gique avec le jeune, pire, ils peuvent même parasiter cette relation... ».

Le contexte impose de travailler ensemble !À l’heure où l’institution réfléchit à la néces-sité de porter un discours éducatif fort, il estessentiel de renforcer le travail d’équipe :être en capacité de proposer à l’élève en dif-ficulté un éventail d’interlocuteurs et tra-

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Tonus est le premier hebdomadaire médicalentièrement conçu et rédigé par des plumesétrangères à la profession. L’appel rencontreun écho auprès du GIMCU (Groupe d’inter-vention médicale et chirurgicale d’urgence),fondé en 1970 par quelques médecins commePascal Grellety-Bosviel, Max Récamier ouBernard Kouchner. Tous se sont engagésauprès de la Croix-Rouge Française dans lagrande cause humanitaire de la fin des années1960 : le Biafra (1967). Puisant à la fois dansdes idéaux tiers-mondiste, humaniste et chré-tien, ces médecins urgentistes s’associent à desjournalistes pour fonder ce qui est devenuaujourd’hui l’une des plus importantes ONGmondiales.

MSF dans la guerre froide« Œuvrant dans la plus stricte neutralité etune complète indépendance », les Médecinssans frontières s’interdisent « toute immixtiondans les affaires intérieures des États ».Publiée à la une de Tonus, le 3 janvier 1972,la charte de MSF met ainsi au premier plande son action le secours d’urgence aux popu-lations en détresse. Difficile cependant derester neutre en période de guerre froide.Certains voient dans les drames humanitairesqui touchent le Cambodge et le Vietnam lesdérives du communisme. Il ne suffit pas d’ai-der, il faut aussi dénoncer, comme lors decette marche pour la survie du Cambodgeorganisée le 6 février 1980, où Ronny Brau-

Àl’image d’Oxfam, de Greenpeace ou deCare, Médecins Sans Frontières estreprésentative de ces multinationales

du cœur, comme les qualifient Marc-OlivierPadis, de la revue Esprit et Thierry Pech, deTerra Nova. Fondée en 1971, MSF a inventéle « sans-frontiérisme », une nouvelle formed’action humanitaire qui cherche à s’af-franchir des frontières et de la raison d’Étaten s’appuyant sur les médias et les opinionspubliques. Les French Doctors sont-ilsparvenus à concilier action transnationale,neutralité et indépendance ?

Biafra : le mythe des originesEn 1999 MSF reçoit le prix Nobel de la paix,consécration de son investissement dans lescrises humanitaires des dernières années.Revenant sur la genèse de l’ONG, des jour-naux rappellent alors les origines « biafraises »de Médecins sans frontières. La réalité estplus complexe. C’est le 22 novembre 1971qu’un appel à la création d’un corps médicald’urgence est lancé dans les pages du journalmédical Tonus. Fondé en 1963 sous les aus-pices du laboratoire états-unien Winthrop,

L’AFFICHE COUVRE LES MURS DE LA CAPITALE : une infirmière qui court avec un bébé dans les bras. Un slogan : « l’urgence n’attend pas ». Tout ce qui fonde l’action de MSF est au cœur de cette campagne publicitaire : le recours aux médias, l’urgence, et la solidarité transfrontalière.

FENÊTRE SUR

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Histoire et philosophie d’une« multinationale du cœur »

MSF est une entité complexe avec :◗ Vingt-quatre sections, des associations nationales indépendantes réparties dans le monde. ◗ Cinq centres opérationnels (Paris, Bruxelles, Amsterdam, Genève, Barcelone).◗ Un bureau international installé à Genève, dont la présidente est le docteur Joanne Liu.◗ Un Centre de réflexion sur l’action et les savoirs humanitaires (CRASH).◗ Une association de recherche et de formation (Épicentre).◗ Une association s’occupant de la logistique (MSF Logistique).

MSF (Médecins sans frontières)

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man et Claude Malhuret, dirigeants de MSF,se retrouvent aux côtés de BHL, Joan Baez etAlain Madelin pour soutenir « le peupleKhmer ». Dans les années 1980, l’Afgha-nistan succède au Biafra comme mythe fon-dateur de l’engagement humanitaire au seinde MSF. L’ONG enfreint allègrement lesrègles du droit international et pénètre sansvisa ni autorisation sur le territoire afghan.Elle agit dans des zones contrôlées par laguérilla, et doit composer avec les différentsgroupes armés tout en évitant l’instrumenta-lisation. Celle-ci n’est jamais loin, commelors de la famine en Éthiopie (1984-1985) oùMSF est confrontée à un pouvoir qui détournel’aide alimentaire, et procède à la déportationdes populations. Ayant décidé de rompre lesilence et de témoigner, MSF est expulsée dupays en 1985.

MSF : du bénévolat à la professionnalisationDans ses premières années MSF peine à exis-ter. Sans autonomie financière, l’ONG estdépendante des Transals de l’armée françaiseou des dons du Rotary Club, dont le président,Tony de Graaf, est proche de Lagardère et dugroupe Matra. À la fin des années 1970 MSFapparaît comme une coquille vide. Envoyésen urgence dans certains pays, les bénévolesde l’association sont livrés à eux-mêmes.

Après un an passé en Thaïlande (1977-1978),dans le camp d’Aranya-Prathet, C. Malhuretsouhaite transformer MSF en une véritableorganisation. Il décide de recourir notammentà la publicité, à la collecte de fonds, ou auxproduits d’entreprise, à l’image des flacons deshampooing Mixa-Bébé flanqués du logo del’association. L’humanitaire est aussi un mar-ché avec des marques qui doivent se battrepour exister. Le budget de MSF-France estainsi multiplié par treize entre 1978 et 1980,et par huit entre 1981 et 1985. L’argent col-lecté par le biais des appels aux dons permetà l’ONG d’acquérir des équipements, de seprofessionnaliser (élaboration de kits médi-caux, d’aide-mémoire pour les missions), derecruter des salariés, mais aussi d’intervenirdans des zones lointaines.

MSF depuis 1991« La grande aventure du XXe siècle quis’achève s’appelait le marxisme. La grandeaventure du XXIe siècle commence et s’ap-pellera mouvement humanitaire », écritB. Kouchner dans les pages de la revueLe Débat en 1991. Moins messianique etplus critique, M. Agier voit dans « l’actionhumanitaire la main gauche de l’empire » :

une main qui frappe, l’autre qui soigne(Afghanistan, 2001 ; Irak, 2003). MSFincarne ce recul permanent des frontières del’humanitaire. Le sans-frontiérisme accom-pagne la mondialisation, et l’urgence devientun état d’exception permanent. Véritabletransnationale, avec des associations-sœursimplantées dans divers pays, l’ONG a tout àla fois multi-plié les inter-v e n t i o n s(Rwanda en1994, Soudanen 2004) etdiversifié seschamps d’ac-tion (lutte contre l’exclusion et les épidé-mies). Elle surprend parfois par ses choix,comme en 2005 lorsqu’elle suspend sa col-lecte pour les victimes du tsunami asiatique,arguant du fait qu’elle a reçu suffisamment defonds pour soutenir le travail des équipes.MSF « fait ainsi de la critique des pratiqueshumanitaires sa sagesse privée et son visagepublic » (E. Rambaud), comme en 1994 lors-qu’elle dénonce les paravents humanitaires augénocide rwandais. n

Nicolas Sueur

Sources◗ Garrigue (P.), «  Action humanitaire interna -tionale », www.universalis-edu.com/encyclopedie/action-humanitaire-internationale.◗ Paugam (S.), Repenser la solidarité, Paris, PUF,2007.◗ Rambaud (E.), «  L’organisation sociale de la critique à Médecins sans frontières  », Revue Française de Sciences politiques, vol. 59, n° 4,août 2009, p. 723-756.◗ Ryfman (P.), La question humanitaire, Paris,Ellipses, 1999. ◗ Vallaeys (A.), Médecins sans frontières, Paris,Fayard, 2004.

MSF en quelques dates1971. Création de MSF.1975. Intervention au Liban.1980-1990. Intervention en Afghanistan.1980. Recrutement du premier médecin sala-rié (R. Brauman). Naissance de la premièreantenne régionale : MSF Belgique.1981. Premier financement institutionnel (HCR)1985. Naissance de Liberté sans frontières.MSF est expulsé d’Éthiopie.1991. Intervention au Kurdistan.1994. Intervention au Rwanda.1997. Dénonciation du génocide rwandais.1999. Prix Nobel de la paix.2004. Intervention au Soudan.2005. MSF suspend sa collecte pour le tsunami.2011. MSF critique l’intervention militaire française au Sahel.

Trois questions à...

L’US Mag : Vous avez été membre élu duCA de Médecins sans Frontières pen-dant plusieurs années. Qu’est-ce quivous a amené à vous investir dans la viede cette association ?Michel Agier : En 2000, j’ai engagé desrecherches sur les camps des réfugiés. Pouravoir accès aux camps, j’ai contacté leHaut-Commissariat des Nations Unies pourles Réfugiés (HCR), mais cela n’a pasabouti. Des collègues de travail m’ont intro-duit auprès de la direction MSF à laquellej’ai exposé mon projet. Cela les a intéres-sés et j’ai pu enquêter dans différents campsoù l’ONG était présente. Entre 2000 et2007, je me suis rendu au Kenya, en Zam-bie, en Sierra Leone, au Liberia et dansles camps de réfugiés palestiniens en Cis-jordanie, grâce à MSF. Cette activité dechercheur s’est, en partie, accompagnéed’un engagement personnel, « citoyen »,comme élu de l’association MSF.

L’US Mag : Qu’est-ce qui fait l’originalitéd’une association comme MSF ? M. A. : MSF est connue dans le mondehumanitaire pour ses postures critiques vis-à-vis des États, des armées, pour sa volontéde se détacher des pouvoirs et d’avoir unrecul sur l’action humanitaire, tout en ayantquand même la volonté d’agir. L’autocri-tique est présente dans les rapports internesou les publications de MSF. L’ONG

s’interroge par exemple sur les risques decompromission que fait planer l’actionhumanitaire.

L’US Mag : Vos recherches ont-elles amenéMSF à adapter sa manière de gérer lescamps ? M. A. : L’anthropologue se tient par principeà l’écart de toute posture normative. Jen’ai jamais dit aux humanitaires : « il fautfaire ceci ou cela ! ». J’ai simplement misen évidence les malentendus qui peuventexister entre les travailleurs humanitaires etles populations auxquelles ils viennent enaide. Aux yeux des réfugiés ou des dépla-cés, les humanitaires exercent un pouvoir.Le discours occidental mêlé de compassionque l’on tient sur les « victimes » est endécalage avec le sentiment d’enfermementqu’éprouvent les « encampés ». Qu’on leveuille ou non, les ONG et les grands orga-nismes internationaux participent de cegouvernement humanitaire qui est un modede gestion des « indésirables ». Actuelle-ment, le HCR sous-traite la gestion descamps à des ONG nationales (400) et inter-nationales (150). La politique de l’« encam-pement » qui donne droit à l’aide humani-taire, interroge. Certaines ONG, commeMSF, critiquent ce gouvernement de l’ur-gence mais ne vont pas plus loin car lecamp est aussi leur raison d’être, le théâtreidéal de leur action, et de leur publicité.

Michel AgierAnthropologue, directeur de recherche à l’Institut de Recherche pourle Développement et à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales.Il a publié Gérer les indésirables (Flammarion, 2008) et coordonnéla publication de l’ouvrage Un monde de camps (La Découverte, 2014).

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CULTURE L iv res/Revues

À LIRENotre sélection� DES NOUVELLES

À L’HUMOUR DISTANCIÉIl faut aimer JeanEchenoz, pour saconcision, sa finesse,sa précision fausse-ment méticuleuse,son sens de l’humourdécalé. Aussi pourquelque chose d’in-définissable qui rendses textes tellementhumains. Peut-être

une touche de lassitude face à l’ab-surdité de la vie, à la complexité dumonde tel qu’il va, aux relations avecles autres si difficiles. Il accumule les détails, infimes, poursuivre la banalité du quotidien, la peti-tesse des sentiments. Il nous mènepar le bout du nez, car là réside l’es-sence du métier d’auteur comme nousle montre sa nouvelle À Babylone. Et ilnous livre des chutes pleines de déri-sion et de philosophie. Stéphane Rio• Caprice de la reine, Jean Echenoz, Les Édi-tions de Minuit.

� UN LIVRE POUR «  TOUCHER » L’HISTOIRE

On feuil lette unalbum d’images etle passé prend vie :ici, un fac-similéd’une fiche de paiede l’ouvrier de cehaut-fourneau, là,celui du cahier desoffres et demandes

de l’office HLM ou encore du contratd’embauchage entre l’usine Renault ettel agent de maîtrise... Les éditions« Les arènes » publient là un ouvragecomplet, « livre-objet », pour rendrecompte de l’histoire des ouvriers enFrance entre 1880 et 1980. Sous ladirection de Xavier Vigna, historien,le livre rassemble des documentsauthentiques et touchants, qui témoi-gnent de la grande histoire des gensordinaires, de la vie quotidienne detravail de millions d’hommes et defemmes. Photos, images d’archives,documents d’époque et fac-similésfont de ce livre-objet un recueil desouvenirs et un lien vers notre passécollectif. Véronique Ponvert• Les ouvriers : la France des usines et desateliers (1880-1980), Xavier Vigna, Éd. Lesarènes.

Les ventes en jeunesse arrivent au deuxième rangaprès la littérature adulte et cette vitalité profite àtous, elle profite entre autres à nos enfants, des

tout-petits aux adolescents et aux enseignants, qui sui-vent cette grande aventure depuis ses débuts puisquele succès dans l’apprentissage de la lecture passe par lamotivation qui passe elle-même d’abord par le plaisirde lire ! Depuis 2011 le Salon décerne sept « pépites ». Elles sontattribuées à des ouvrages de grande qualité par un jury

de professionnels. Cette année, parmi6 000 nouveautés, Timothée de Fom-belle a été récompensé pour son romanado Le livre de Perle, très belle histoired’amour et de résistance à la violence,mêlant action et poésie (Gallimard Jeu-nesse), et Michel Galvin, pour son album

ambitieux La vie rêvée (Rouergue) qui pose une ques-tion cruciale : sommes-nous ce que nous affirmonsêtre ou sommes-nous ce que nousvoyons dans le regard des autres ? Dans la catégorie documentaire,Nicolas Jolivot a reçu une pépitepour Chine, scènes de la vie quoti-dienne, qui allie renseignements pas-

sionnants sur le quotidien et magnifiques illustrations(Hong Fei), et Didier Cornille pour Tous les pontssont dans la nature, précis, allant à l’essentiel sur laconstruction d’ouvrages exceptionnels, livre d’art etdocumentaire à la fois, pour tous (Hélium).En album pour tout-petits, Emmanuelle Houdart a étérécompensée pour La boîte à images, un joli coffretcontenant quatre mini-imagiers au graphisme recher-ché et plein d’humour (T. Magnier). Eten BD, Luke Pearson pour Hilda et lechien noir (Casterman) et M. Seku-lic-Struja pour Pelote dans la fumée(Actes Sud). Jaromír Plach a été primépour Botanicula, jeu numérique (Répu-blique Tchèque). On le voit, la littéra-ture jeunesse est une porte ouverte sur un vaste espacede liberté pour les créateurs où aucun sujet n’est inter-dit. C’est un formidable laboratoire pour enseigner latolérance et le respect de l’autre aux jeunes. Plus quejamais indispensable dans le contexte actuel. De grandsauteurs et de grands illustrateurs s’y sont exprimés,mais sera-t-elle un jour reconnue comme elle le méritec’est-à-dire comme une expression artistique à partentière et indispensable ? La question se pose tou-jours aujourd’hui. n Catie Pillé

Les 30 ans du Salon du Livre et dela Presse de Jeunesse de Montreuil

La Série noire fait peau neuve.Une fois encore. Pour fêter son70e anniversaire. Fondée en

1945 par Marcel Duhamel, de retourdes États-Unis avec une profusionde ces livres bon marché, desPulp fictions – du nom du mauvaispapier sur lequel ils sont imprimés– qu’il va faire traduire en un formatimmuable et au langage qui fait lapart belle à l’argot parisien. Unesorte de trahison pour rendre hom-mage à la collection. Jacques Prévertsollicité pour le titre trouvera, avecsa simplicité coutumière, « Sérienoire ». La collection évoluera au fildu temps. 70 ans après, elle fera lapart belle à la nouvelle générationd’écrivains français à commencerpar Elsa Marpeau qui détourne lesouvenir des 70 ans en mettant enscène un meurtre en 2015 lié à cetteannée 1945. Et ils oublieront est untitre tout en sous-entendus...Restons chez les écrivains françaisde romans avec Jean Chaumeil quicommet là son « premier crime ». Ilest dans la mode actuelle faite d’unpersonnage qui se raconte, là untueur à gages qui n’a pas de nom. Il

Beaux livres,essais, polars,CD jazz,

festivals, films... :CRITIQUES SUR LE SITE

WWW.SNES.EDU

trième opus, S. J. Parris nous pro-jette en août 1585, à Plymouth pourle départ de la grande expéditionque prépare Francis Drake contreles navires espagnols alors que laguerre n’est pas déclarée. Elizabeth– première du nom – se sert descorsaires pour pratiquer une sorte deguerre froide. La flotte est bloquée,un meurtre a été commis. S. J. Par-ris dresse un portrait du corsaire,de ses origines et de ses relationsavec la Cour. Trahison pourrait icis’écrire au pluriel tant les hérétiquesse succèdent autour d’un Évangilenon reconnu par le Vatican, celui deJudas l’Iscariote. Des remises encause multiples qui marquent ceXVIe siècle, siècle de basculement.Une série qui à la fois permet deréviser son histoire et de lire un« Thriller ». n Nicolas Béniès• Et ils oublieront, Elsa Marpeau, Sérienoire/Gallimard ; Ground zero, Jean-PaulChaumeil, Rouergue Noir ; Trahison,S. J. Parris, traduit par Hélène Prouteau, 10/18.

Le coin du polarse trouve embringué dans une his-toire qu’il ne comprend pas – nousnon plus quelquefois – entre milicesd’espions proches du fascisme enItalie, la CIA et autres fractions plusou moins légales dans le contextedes attentats du 11 septembre 2001.La destruction des tours – le titreGround zero y fait explicitementréférence – lui permet des retours enarrière pour saisir l’enfance d’untueur à gages et son acceptation detoutes les compromissions. Pas tou-jours convaincant. Il doit exister deslimites en chaque individu. L’ap-pât du gain ne suffit pas… Un peutrop téléphoné mais cet essai laisseprésager un futur auteur... Passons le Channel et remontons letemps pour suivre les aventures deGiordano Bruno exilé en Grande-Bretagne et poursuivi par l’Inquisi-tion pour cause de théorie hérétique.Il prétendait que la terre tournaitautour du soleil ! Il sera brûlé vif en1600 et aura une grande descen-dance. La mémoire collective l’avaitoublié. On ne sait pas grand-chosede ce philosophe et savant, même sadate de naissance... Pour ce qua-

Comment dire la barbarie, l’amitié et l’amour ?Les assassinats des caricaturistes comme ceux de l’Hyper Cacher ont suscité de l’émotion. Et des réactions de restriction des liber-tés malgré tous les beaux discours. Mais seuls les poètes savent se mettre à distance pour éviter tout esprit de vengeance touten faisant œuvre de mémoire. Juan Gelman, poète argentin mort en 2014, écrit pour ses amis, ses amours morts sous les coupsde la dictature. Ces poèmes s’adressent aussi à nous. Ils nous parlent de ces meurtres qui laissent un goût de barbarie, une sen-teur d’un monde en train de se décomposer. Plongez-vous dans ce recueil « Vers le sud et autres poèmes », allez voir la postfacede Julio Cortazar. Elle dit l’essentiel pour s’introduire dans les mondes de cet auteur qui vous deviendra essentiel. N. B.• Vers le sud et autres poèmes, Juan Gelman, présenté et traduit par Jacques Ancet, Poésie/Gallimard.

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La crise systémique ducapitalisme ouverteen août 2007 s’ins-

crit dans le contexted’une onde longue à ten-dance récessive – ouphase B du Kondratieff –qui débute en 1974-1975.L’idéologie libérale esten train de s’évanouircomme référence. Lavision du monde des politiquesaurait dû fondamentalement chan-ger pour répondre à l’impératif dece basculement. Pour l’instant, cetimpératif s’est heurté à l’inertie despolitiques qui restent enferméesdans le libéralisme malgré toutesles dénégations de la réalité. Le capitalisme a-t-il un avenir ?– titre de ce livre collectif de« macrohistoriens », ceux et cellesqui considèrent les évolutions dessystèmes ou des interactions àl’échelle de plusieurs siècles – estune question clé qui provient direc-tement de l’analyse de « l’écono-mie-monde » pour parler commeBraudel et Wallerstein. Le capita-lisme a atteint ses limites en termesd’accumulation du Capital, de l’ex-ploitation de ce bien gratuit qui estla terre. La crise écologique et lamutation climatique obligent à des

réponses fondamentalespour permettre de donnerun avenir aux généra-tions futures. Les auteurs réunis iciconvergent sur plusieursconclusions provenantde corpus théoriques dif-férents. La plus impor-tante : la forme actuelledu capitalisme, ce

régime d’accumulation à domi-nante financière, n’est pas viable. Ilpourrait entraîner la faillite de toutle système capitaliste et ouvrir lavoie au socialisme ou à des formeshybrides mêlant propriété privéeet collective. La deuxième portesur la capacité de l’action politiqueà changer la donne. Elle pourraits’incarner dans d’autres institutionsque l’État-Nation. Ils notent quetoutes les créations de gouvernance– FMI, G7, G20... – sont desexpressions d’un passé dépassé. Leurs divergences sont nom-breuses. Sur la possible sortie« socialiste » du capitalisme, sur laconstruction d’un « capitalismed’État », sur la prégnance d’unesolution de type fasciste, autori-taire pour faire accepter la pour-suite des inégalités et une redistri-bution qui favorise les riches au

détriment des pauvres. 80 per-sonnes possèdent désormais 49 %de la richesse nationale grâce àcette intervention des États, un fac-teur d’explosion sociale. La fin desclasses moyennes due au progrèstechnologique pourrait accélérerces processus. L’avenir n’est pasécrit mais la prise de consciencedes élites dirigeantes tarde...Au fil des développements se des-sine aussi une tentative d’écriturede l’histoire de ce XXe siècle. Ten-tative qui ouvre un champ dedébats importants, notamment surla révolution russe de 1917 et lesraisons de l’effondrement des paysde l’Est comme du choix des diri-geants chinois de s’orienter versle capitalisme. L’incertitude domine ce monde.Le futur n’est pas défini. C’est unechance. Le champ des possiblesest ouvert. C’est la dernièredémonstration de ce livre qui ouvred’énormes chantiers. Une choseest sûre : demain ne sera pascomme hier ! n Nicolas Béniès

• Le capitalisme a-t-il un avenir ?Immanuel Wallerstein, Randall Collins, Michael Mann, Georgi Derluguian, Craig Collins, traduit parMarc Saint-Upéry, La Découverte/L’horizon des possibles.

Une société de castesAprès la Somalie dans sonprécédent roman Le grillon,notre collègue T. Koegel nousentraîne au Népal. Upendratombe amoureux de Satiya,une ancienne Kumari, despetites filles considéréescomme des déesses vivantes. La famille de l’adolescent est de condi-tion modeste. Upendra aimerait devenirchef d’expédition en montagne, maisdoit se contenter de vendre des barbesà papa avec son ami Arjun de la caste des« dalit », des pauvres méprisés de tous.Respectant la hiérarchisation de lasociété népalaise, les parents de Satiyadécident de la marier avec un riche bijou-tier. Satiya accepte. Upendra, déses-péré, part sur les routes de son pays.Intéressant pour montrer aux ados unesociété inégalitaire où injustice et pau-vreté règnent. À partir de la Quatrième.

C. Pillé• Les sandales de Rama, Tristan Koegel,Didier Jeunesse, 2014.

FOR THE KIDS

NOS COLLÈGUES PUBLIENT� QUEL MOUVEMENT

SYNDICAL DEMAIN ?Les crises récurrentes dusyndicalisme interrogent.Que faut-il changer ?Quelles transformations decet outil nécessaire ? Com-ment prendre en comptela crise systémique quetraverse le capitalisme ?Comment unifier les travailleurs, àcommencer par ceux et celles pri-vés d’emploi ? Quelles revendica-tions ? Et enfin, but not least, quelprojet de société ? Toutes ces ques-tions sont abordées dans cet ouvragecollectif qui réunit des militant(e)sde toutes les organisations syndi-cales françaises à l’exception de FO.Pour continuer le débat…• Syndicalisme : cinq défis à relever, coordonné par Jean-Claude Brancheronet Patrick Brody, Syllepse.

� QUE FERAIT-ON POUR UN GÂTEAU ?

André Khalifa, prof delettres classiques, s’estprojeté dans ce person-nage de fable, un hommequi cherche le meilleurpanettone du monde, unedélicieuse confiserie ita-lienne. L’homme au panettonecherche quelque chose, quelqu’un ourien. Fait-il ça pour la gloire, pourfaire parler de lui ? Et s’il se cherchaitsimplement à travers une gourman-dise ? L’auteur sait flatter nos yeuxpour nous faire saliver… La fin, mal-heureusement n’est pas à la hauteurde la recherche.• L’homme au panettone, A. Khalifa, L’Harmattan, collection Amarante.

En 2006, Les Bienveillantes, le roman de JonathanLittell, défraie la chronique. Il présente l’horreurde la Seconde Guerre mondiale, non pas du côté

des victimes, mais de celui des bourreaux, à travers lesmémoires fictives de Maximilien Aue, un officier nazidu IIIe Reich. En 1995, Marcel Beyer, un jeune auteurallemand avait déjà osé cette approche dérangeante dunazisme à travers Voix de la nuit. C’est ce livre qui aété adapté récemment par la dessinatrice autrichienneUlli Lust. Un roman graphique fort. Le récit repose sur le parcours croisé de deux person-nages emblématiques : Herman Karnau, un scienti-fique du Reich et Helga Goebbels, la fille aînée duministre de la propagande qu’il est amené à côtoyer.Karnau est acousticien. Il est responsable de la sono-risation des meetings politiques. Scientifique pas-sionné, doux et falot, son existence se noue lors d’uneconférence dans laquelle il postule l’existence d’unevoix aryenne. Pour ne pas être renvoyé sur le frontrusse, Karnau accepte de prendre part à un programmede recherches nazies. Ses études n’aboutiront pas,mais elles le conduiront à pratiquer sans état d’âme destortures abjectes sur des cobayes humains. Lors d’uneséquence particulièrement marquante, Ulli Lust dessineen montage alterné un discours de Goebbels et uneexpérience atroce sur un prisonnier livré au scalpel. Cet effondrement des consciences, cette folie meur-trière, va apparaître à travers le regard d’Helga. L’ado-

lescente qui joue à imiter le com-portement des SS avec son frère etses petites sœurs sera durementrappelée à l’ordre par sa mère,Magda Goebbels. Cet événementconduit la toute jeune fille à une prise de conscienceprogressive des mensonges des adultes et de l’inhu-manité de la pensée nazie. La force dramatique durécit réside dans le contraste entre la lucidité de l’en-fant et la barbarie des adultes. Voix de la nuit retranscrit à échelle humaine la folie durégime nazi à travers le personnage de Karnau, unhomme apparemment sympathique, doux et attentif auxenfants Goebbels. La métaphore de la voix court toutau long du récit à travers la multiplicité des sons enre-gistrés par l’acousticien, son aversion pour « les voixvulgaires », la défaite du nazisme perçue comme la sou-mission aux « voix brisées » des victimes, jusqu’à lamort de la voix des enfants Goebbels en avril 1945 dansle bunker d’Hitler. Dessiner des sons, un véritabledéfi pour Ulli Lust ! L’auteur de Trop n’est pas asseza eu à cœur de réaliser cette adaptation. Dans cer-taines interviews, l’artiste regrette que ses compa-triotes se posent en victimes de la guerre et en rejettentla responsabilité sur l’Allemagne. Il s’agissait d’inno-ver graphiquement pour revivifier le devoir demémoire. n Stéphanie Marco• Voix de la nuit, Ulli Lust et Marcel Beyer, Çà et Là, 2014.

Le coin de la BDPlongée au cœur du pouvoir nazi

QUELLES RÉPONSES À LA CRISE SYSTÉMIQUE DU CAPITALISME ?

Renouveau du débat sur les alternatives

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Modeste employé funéraire dans une commune de la banlieue deLondres, John May se passionne pour son travail qui consti-tue l’essentiel de son existence. Quand une personne décède

sans famille connue, c’est à lui que revient la mission de retrouverses proches. Malgré sa bonne volonté, il est le plus souvent le seul à assister auxfunérailles, à écouter le prêtre dire le texte toujours élogieux qu’il alui-même rédigé. Jusqu’au jour où arrive sur son bureau un dossierqui va bouleverser sa vie : celui de Billy Stoke, son propre voisin.Le film d’Uberto Pasolini accompagne le personnage de John Maydans l’exercice de ses fonctions et dans sa vie d’homme solitairerompu aux habitudes et aux rituels, à un timing rigoureux. Il le montre de telle sorte que le spectateur développe une relation per-sonnelle, voire intime avec lui et que sa présence provoque une

empathie de plus en plus grande.Le choix du comédien Eddy Marsanest judicieux dans la mesure où il està la fois un monsieur tout-le-mondeet un être singulier, presque inquié-tant. Regards courts, gestuelle réduite,une tendance à longer les murs carac-térisent cet individu sans beauté, àla personnalité éteinte, mais qui lorsqu’il rassemble toute son énergiedans l’exercice scrupuleux de sa mission, révèle une force inattendue.Trajectoire humaine dont l’absence de relief finit par animer le récitde remous passionnants ; par distiller, de façon presque souterraine,une sorte de suspense second, une intensité dramatique prégnante. n

Francis Dubois

CINÉMAAmour toujours ?

Sur la petite île de Sareemaen Estonie, Kertu, 30 ans,considérée comme handi-capée mentale, vit sousl’étroite surveillance d’unpère despotique, violentmais aimant. Au cours

d’une fête de village, elle se rap-proche de Villu, un jeune hommealcoolique et séducteur dont elleest secrètement amoureuse. Unehistoire d’amour totalement impré-visible naît entre ces deux laisséspour compte... Sur le thème de l’amour salvateur,Ilmar Raag réalise un film tout ennuances dont les points narratifstournent autour de l’étouffementpar l’amour paternel excessifcomme le contexte géographiqueréducteur. Il garde à son récit une grandesobriété jusqu’au moment où lespersonnalités profondes, longtempsrefoulées, de Kertu et de Villu serévèlent. Le film abandonne alorsune tonalité contemplative pourlaisser place à un bel exercice desuspense. n F. D.• Kertu, un film de Ilmar Raag (Estonie).

SÉRIEPaix au Proche-Orient ?Cette série, The HonourableWoman, tient du portrait intimistesur fond de conflit israélo-palesti-nien. Nessa Stein est une femmed’affaires israélienne dont le pèrefut marchand d’armes et qui, pourracheter ce lourd passé, s’impliquedans le processus de paix avec lesPalestiniens. Elle se heurte à la foisaux services secrets américain,

anglais et israélien, aux extrémistesisraéliens et palestiniens, au racismeet à ses propres secrets. Auprès dequi trouver de l’aide ? À qui se fier ? Un thriller construit qui rendcompte de la complexité des enjeuxdans ce conflit. Émouvante inter-prétation de M. Gyllenhaal. n

Catie Pillé• The Honourable Woman, série GB-US.

RADIOSi tu écoutes, j’annule toutLa belgitude se répand sur les ondesfrançaises ! Charline Vanhoenackeret sa joyeuse équipe font régner unvent de joie, de rire décalé et d’in-telligence. Voilà un « magazined’actu tourné vers la déconne » oùl’on s’informe avec un humour quis’aventure souvent aux frontièresdu surréalisme. La journaliste belges’est entourée d’une équipe quinous fait beaucoup rire, découvrir etpenser. Alex Vizorek qui animaitavec elle le Septante cinq cet été,Guillaume Meurice et ses repor-tages absurdes, André Manouchianet Clara Dupont-Monod qui l’en-touraient l’année dernière dans le 5-7 heures. n Stéphane Rio• Si tu écoutes, j’annule tout, du lundi auvendredi à 17 heures sur France Inter.

MUSIQUE• CLASSIQUEUne version de référenceLes Suites an -glaises, suites dedanses – alle-mande, courante,sarabande, etc. –pour clavier, pré-cédées d’un prélude, furent vrai-semblablement composées par JeanSebastian Bach entre 1720 et 1724.Parfois sombres, parfois entraî-nantes, ces suites sont ici magnifi-quement servies par l’interpréta-tion de Pierre Hantaï, virtuose et

CULTURE Cinéma/Théât re/Spectac leUNE BELLE FIN, UN FILM DE UBERTO PASOLINI

Une inquiétante familiarité

profonde à la fois, robuste et vigou-reuse, loin de toute mièvrerieromantique. Après ses enregistre-ments des Variations Goldberg etdu Clavier bien tempéré de Bach,suivis de trois disques consacrés àune sélection de Sonates de Scar-latti, c’est un bonheur de retrou-ver P. Hantaï chez Bach. Ce beaudisque est aussi l’occasion d’écou-ter le célèbre concerto italien, servipar un jeu vif et expressif. P. Han-taï démontre qu’il est le maîtreincontesté de l’interprétation de J.-S. Bach au clavecin. n

Nicolas Morvan• Bach, Pierre Hantaï, clavecin. Suitesanglaises nos 2 et 6, Concerto italien.

• ÉLECTRO-ROCK-FUNKDans la chaleur de la JungleUne sobre po -chette noireen tourée d’unliseré doré,Jungle s’af-fiche au centreen majusculesd’or. Le U esttraversé de deux barres en soncentre : Jungle ou Jangle ? Le nomdu groupe est aussi celui de l’al-bum. La pochette se déplie et laisseapparaître la statue d’un Hermèsaérien habillé d’une veste surlaquelle s’affiche le nom dugroupe. Sa jambe gauche reposesur le souffle d’Éole, dont le visagesert de piédestal. « Classé » tantôten musique électronique tantôt en« indépendant », le duo londonienne se revendique pas d’un style enparticulier. Ce mélange d’électro,de rock, de funk invite en tout casau déhanchement, à l’ondulation.Les textes qui structurent les onzechansons de l’album sont souventimpénétrables et ne se laissent pasfacilement saisir. C’est peut-êtretout cela qui fait le charme mysté-rieux et envoûtant de Jungle. n

Nicolas Sueur

• JAZZHiver, 24e

Le festival Sons d’hi-ver a démarré le 23 jan-vier. Je ne vous diraipas ce que vous avezraté. Il reste à voir et àentendre : Archie Sheppet son Attica Blues Big Band quipermettra de découvrir les jeunesmusiciens de la scène de jazz ; LouisSclavis et son quartet ; le retour duquatuor iXi de Régis Huby etGuillaume Roy où brillera le violonde Théo Ceccaldi ; Ambrose Akin-musire, trompettiste contemporainqui pratique la fusion des styles ;Fred Frith, guitariste britannique etson trio Massacre, tout un pro-gramme ; du blues et, pour terminer,un bal brésilien à la Java avec lecollectif Son Libre. n N. B.• Sons d’hiver dans le Val-de-Marne,jusqu’au 15 février.

Une table d’orientationJean-Pierre Jacksons’est spécialisé dansles biographies degrands musiciens dejazz à commencerpar Miles Davis. Ilprend le risque deproposer une disco-thèque qui se vou-drait « idéale ». Une gageure ! Il sedit amateur de musique dite clas-sique pour construire un panoramades enregistrements de jazz néces-saires à tout honnête homme (oufemme). La frustration provient del’oubli de musiciens qui, pour êtreimportants, ne font pas partie de lapanoplie habituelle. Pour autant,l’auteur n’oublie aucun des géniesdu jazz ni des « petits maîtres ».Une discographie de base pour tousceux et celles qui veulent s’intro-duire dans ces mondes étranges etpassionnés. n Nicolas Béniès• La Discothèque idéale du jazz, Jean-Pierre Jackson, Actes Sud.

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L’actualité culturellewww.snes.edu

Savez-vous que les pages de ce maga-zine sont complétées chaque semainepar de nombreux nouveaux articles surwww.snes.edu/-Culture-.html ? Unedizaine de rubriques à consulter, parmilesquelles sont le plus fréquemmentactualisées : cinéma, théâtre, musique,arts plastiques, rencontres et débats,festivals, livres et créations de col-lègues... Outre de nombreuses infor -mations sur l’actualité culturelle, estaccessible en permanence la liste encours d’actualisation de la centaine delieux culturels et festivals partenaires« Réduc’SNES » (= tarif réduit sur réser-vation et présentation de la carte SNES)dans toute la France...N’hésitez pas à solliciter des lieux oufestivals que vous appréciez et qui neseraient pas partenaires pour qu’ils ledeviennent, et nous en informer...

[email protected]

20 ans, le bel âgeCassandre, pour son n° 100, inter-roge tout à la fois les vingt annéesde son vécu (1915-2015 l’art àcontre-courant), et la notion d’ex-ception culturelle française qui atendance à s’effilocher. Cetterevue, intéressante et intelligente,est une des rares publications – tri-mestrielle – qui propose une analyse appro-fondie des démarches culturelle innovantes.Elle met l’accent sur les ponts qui se construi-sent pour dépasser les cloisonnements artis-tiques. Elle se positionne d’emblée contre lamarchandisation, en dénonçant « l’insidieusemais très réelle destruction des servicespublics » qui « fragilise tout ce qui n’a pasvocation à être rentable ». L’adage gramscien« allier le pessimisme de l’intel ligence à l’op-timisme de la volonté » donne le ton au dossierprincipal de ce numéro. D’autres propositionssur le net et un appel à soutien de Cassandre/Horschamp, www.horschamp.org et au quotidiensur www.l’insatiable.org. P. Laville• De vents et de marées, 1915-2015 l’art à contre- courant, Cassandre/Horschamp.

Histoire des conflits du travailLes Cahiers d’histoire se situent dansle droit-fil des réflexions portées parles organisateurs des « Rendez-vousde l’histoire à Blois » en 2014.Rebelles au travail est le titre dudossier de 124 pages de la publicationde décembre. Il ne s’agit pas de l’his-toire de la résistance au travail, dudroit à la paresse, mais d’analyserl’histoire plus rude des conflits dans le travail,des formes diverses de résistance, de l’insou-mission, de la revendication. P. L.• Cahiers d’Histoire, Rebelles au travail, décembre2014. Sommaire en ligne sur http://chrhc.revues.org.

Jazz, trompette et ouvertureNicolas Folmer est trompet-tiste, bourré de diplômes, quia choisi l’aventure et l’ouver-ture à d’autres cultures.Horny Tonky, son dernieropus, en fait une nouvelle foisla preuve. N. B.• Horny Tonky, N. Folmer, Cristal Records/Harmonia Mundi

Une chose estsûre. Le sys-tème marchand,

qui se saisit de toutesles opportunités, nesera pas avare d’édi-tions et de rééditionsde Charlie Hebdo,sur la caricature et laliberté de la presse.

Voici quelques idées de lecture...Pour se replonger dans l’esprit de Charlie,peut-être commencer par un des livres deCabu, Peut-on rire encore de tout ?(Le Cherche Midi, 2012), dans la préface

duquel il écrivait :« Ni les religions etleurs intégristes, niles idéologies et leursmilitants, ni les bien-pensants et leurs pré-jugés ne doivent pou-voir entraver le droità la caricature, fût-elle excessive ».Les dessinateurs et

collaborateurs de Charlie auront ri de tout oupresque. Des beaufs (Cabu, Beaufs. L’inté-gral, Michel Lafon, 2014), des patrons(Tignous, Tas de riches et Tas de pauvres,Denoël, 1999), des profs et de leurs élèves(Charb, La salle des profs, Éd. 12bis),des croyants de tout type et de leurs dieux

(Charb, Petit traitéd’ in to lérance ,tomes 1 et 2, Librio2012), des préju-gés et des conser-vatismes de toutpoil... (Wolinsky,Mes années 70,Les échappés ,

2014), des politiqueset de leurs pratiques(coll. La reprise tran-quille, Les échappés,2014)...Ils auront alerté aussisur le monde quiv i en t . Su r c e t t esociété capitalisteconsumériste qu’ilsdénonçaient en lamoquant (coll. L’immortelle connerie de lapub, Les échappés, 2014), mais aussi en l’ana-lysant (Bernard Maris, Antimanuel d’écono-mie, Tomes 1 et 2, Bréal, 2003 et 2006). Pour rester dans l’es-prit de Charlie qui seméfiait de tous lesunanimismes ets’acharnait à faireexploser tous lessymboles, indiquonsune excellente ana-lyse de l’histoire del’hebdomadaire avecses faces d’ombre.Mathias Rémond a publié pour ACRIMED(www.acrimed.org, 8/09/2008) Une histoire deCharlie Hebdo. Il y retrace le « recentrage »de la rédaction orchestré par Philippe Val.Cette volonté de respectabilité conduira aulicenciement de Sinéà cause d’une chro-nique sur Jean Sar-kozy qui choqua lesbien-pensants...Oui vraiment, reli-sons tous ces auteurspour nous nourrir deleur subversion et deleur esprit critique ! n

Stéphane Rio

On est dans une salle declasse. M. X et M. Y,profs de maths déjantés, à

l’aide d’objets tout simples,insolites et loufoques, vont revi-siter les fonctions, la numéra-tion, la trigonométrie et autreslogarithmes. Avec une logiquetoute mathématique, des idéesdélirantes et beaucoup de poé-sie pour créer un système denumération innovant à l’aidede cris d’animaux, des tuyauxmusicaux en guise de fractions,des sinusoïdes en rubans... Le rythme effréné de la mise enscène ne laisse aucun répit entredeux rires. Les élèves, après unpremier moment d’hésitation(« a-t-on le droit de rire des

mathématiques ? »), jubilent devoir cette matière scolaire tantredoutée tomber de son pié-destal..., sans se rendre compteque toutes les notions abordéessont conformes à leurs manuelsde mathématiques.

Ce spectacle, créé en 2004 parOlivier Faliez (qui a étudié lesmathématiques) et KevinLapin, a beaucoup tourné,notamment en lycée ; il a fait

l’objet de critiques élogieuses(Tangente) et a été l’invité deFrance Inter dans « La tête aucarré ». Depuis 2010, deuxnouveaux comédiens, Guil -laume Tagnati et Jean-BaptisteGuinchard, ont pris le relais.Son succès dans le Off d’Avi-gnon, en 2005, répété depuis etcette année encore, montre, s’ilen est besoin, qu’il s’agit d’unspectacle à part entière, bienloin de se réduire à une ani-mation scolaire. À voir et revoir, sans modéra-tion ! n Sylvie Chardon

• Mad maths continue à tournerdans les établissements scolaires.Les renseignements et contacts sontsur le site : www.madmaths.fr.

Les maths en spectacle

UN CHARLIE HEBDO MEURT, VIVE CHARLIE HEBDO

Esprit critique es-tu là ?

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ENTRETIEN ANNE ANGLES

L’US Mag : Quel rôle avez-vous tenudans la préparation du film ?Anne Angles : Pendant l’écriture du scénario,on a souvent échangé avec la réalisatriceautour de mes classes, de mes élèves, de mes« états d’âme ». Elle a subi régulièrement mescours depuis le fond de la classe. Cette année-là, une de mes classes a refusé de regarderla mosaïque de Torcello, au prétexte queMahomet est représenté sur cette mosaïque, etqu’en plus il est en enfer, ce qui a scandalisémes élèves. J’ai réussi à recadrer les chosesen resituant cette image dans le courantdes images de propagande, puisque cettemosaïque est faite au Moyen-Âge, au momentoù la chrétienté affronte l’islam. Ce qui estassez bien montré dans le film.J’étais là au moment du tournage où LéonZygel est venu pour témoigner. Je tenaisà revoir ce monsieur qui avait marquéma classe. L’équipe a été d’une gentillesseextrême et m’a ouvert à chaque fois les portes.C’était une expérience très étrange d’entendredes phrases que je prononce devant mes élèvesdans la bouche d’Ariane Ascaride...

L’US Mag : Dans le film, la classe de Seconde est présentée comme difficile. Était-ce particulierà cette année-là ? Pourquoi avoir choisi de la faire participer au Concours national de la Résistance et de la Déportation ?A. A. : C’est vrai que cette classe de Secondeavait un profil tout à fait différent des classesque j’avais eues jusque-là. Ces élèvesvenaient presque tous du même quartier,du même collège, avec de nombreusesdifficultés. Ils manquaient de cultureet n’attendaient rien de l’école. Dèsles premières semaines, les rapportss’accumulaient. À Blum, on a des classeshétérogènes et c’est une très bonne chose. En2013-2014, j’ai de nouveau eu une Secondepresque plus difficile, parce que c’étaientdes élèves qui ne venaient pas à l’école. Etmalgré le travail de l’ensemble de l’équipe

élèves qui avaient de nombreux problèmes, etqu’il ne fallait pas qu’ils soient confrontés àmon chagrin. Ce décès m’a aussi fait prendreconscience que la génération qui avait connula guerre était en train de disparaître, et qu’ily avait une part de mémoire, d’histoirequi était perdue définitivement. Et ceconcours est justement basé sur l’idée quedes élèves rencontrent des témoins.Le sujet cette année-là, c’était : « les enfantset les adolescents dans l’universconcentrationnaire nazi ». Et en même temps,c’est un concours d’histoire, ce qui étaitimportant. Le but n’était pas de sombrerdans le funèbre, dans l’émotion. L’histoirepermet de traiter le sujet en prenant un peude la distance.Je me suis dit aussi que ce que je neparvenais pas à leur faire mettre en œuvredans le cadre du programme d’Histoire,j’allais peut-être leur en démontrer l’utilitéet la nécessité face à des témoignages, desimages, des affiches de propagande de Vichy.Il y avait donc des enjeux pédagogiques.C’était une autre manière de faire progresserles élèves.

L’US Mag : Le film met en avant les momentsimportants pour l’implication des élèves.Comment cela se passait-il au quotidien ?A. A. : Mon choix, face à des élèvesqui n’aimaient pas beaucoup l’école, etcontrairement à ce qui est montré dans lefilm, a été de les faire travailler sur leursheures de cours, en HIDA et ECJS. Mais enfin de préparation de ce concours, en mars,ils allaient au CDI sur le temps du déjeuner.On était passé à autre chose, ils étaientdevenus des lycéens très impliqués dansce concours.Les moments importants, ça a été d’abordde leur présenter, avec Sylvette Aumage,les enjeux du concours, de les décortiqueravec eux, ce qui est montré dans le film.Une rencontre avec des témoins à lapréfecture a suivi. Peu à peu, on a partagé letravail, les élèves se sont répartis en équipeset ils ont décidé de travailler sur les supportsqu’on leur a conseillés. Certains sont allés auMémorial de la Shoah, d’autres travaillaientaux archives départementales, notamment sur

« Ce projet était une autre manièrede faire progresser les élèves »

Anne Angles enseigne l’histoire-géographie et l’histoire des arts au lycée Léon-Blum de Créteil.En 2008-2009, elle propose à sa classe de Seconde, pourtant très difficile, de participer

au Concours national de la Résistance et de la Déportation. En 2012, elle est contactée par Marie-CastilleMention-Schaar qui projette de réaliser un film sur cette expérience. La première version du scénario lui

a été apportée par Ahmed Dramé, ancien élève de cette classe, qui joue son propre rôle dans le film.Sorti en décembre, Les Héritiers est toujours à l’affiche deux mois après. Il donne des élèves et de l’enseignement

dans les établissements difficiles une image loin des clichés et résonne particulièrement en ce début 2015.

éducative, nous ne sommes pas parvenusà les faire tous revenir en classe. En 2008-2009, ils venaient en classe.La participation au concours n’était pasprévue, c’est le fruit des circonstances.D’abord, un constat d’échec, le bilan avantles vacances de la Toussaint était calamiteuxet pour moi, on ne peut pas enfermerdes adolescents dans l’échec.La documentaliste, Sylvette Aumage,m’avait alors suggéré de faire ce concoursavec cette classe justement parce qu’elle étaiten difficulté. Elle a porté pendant des annéesce concours, en y inscrivant et en y préparantelle-même des élèves, soit par petits groupes,soit pour les épreuves individuelles.Et puis, quatre jours après la rentrée dela Toussaint, j’ai perdu ma maman. Un deuilbrutal, inattendu. Mon souci à mon retour,ça a été de me dire que j’allais retrouver des

« Faire ce concours aveccette classe justement parcequ’elle était en difficulté »

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Filmographie de Marie-Castille Mention-SchaarProductrice depuis 2003 (dont Je crois que je l’aime, 2007, de Pierre Jolivet), elle est aussi scénaristesur La première étoile (2007) puis elle passe à la réalisation tout en restant scénariste. AprèsMa première fois (2011), et Bowling (2012), Les Héritiers, sorti en décembre 2014 est son troisième film.

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des témoignages enregistrés, et entreautres d’un enfant tsigane qui avait étéinterné dans un camp en France.C’était une dimension que je tenaisà leur rappeler, que les enfants dansl’univers concentrationnaire, cen’étaient pas que des juifs, et ce n’étaitpas seulement en Europe centrale ouorientale. Qu’il y avait eu des campsen France et que des enfants avaient étéinternés dans ces camps.Le moment décisif a été la venuede Léon Zyguel. Il s’est passé dansla classe ce qui se passe dans le film.Les élèves ont vu entrer un vieuxmonsieur qui semblait un peu fatigué.Et puis ils ont été tenus en haleinependant trois heures par ce monsieurqui n’était plus du tout fatigué, qui lesregardait droit dans les yeux, qui leura raconté des histoires terribles et leur acommuniqué une force, un espoir et sesvaleurs avec une énergie incroyable. Et c’estvrai que les élèves ont tour à tour pleuré et riet ne voulaient pas quitter le CDI, lieu de larencontre. À partir de là, ils se sont emparésdes matériaux qui étaient les leurs, les ontapprofondis, ont fait des propositions.Quand ça ne nous convenait pas, à Sylvetteou à moi, on les incitait à recommencer.Ce qu’ils ont accepté.Je voulais aussi les faire travailler sur l’idéede la représentation. Comment des artistes,des romanciers s’emparent de ce thème.Qu’est-ce qu’on représente et comment ? Est-ce qu’il y a des tabous dans les chosesque l’on représente et est-ce qu’il y a deschoses qu’on ne montre pas ?Cela s’est terminé dans une sorte de frénésiede relecture, de mise en page. J’en ai mauditcertains qui avaient une orthographedéfaillante quand il a fallu finir de mettreen forme le dossier...

L’US Mag : Est-ce qu’il y a d’autres situations où l’on peut enseigner à plusieurs ?A. A. : Pour moi, c’est essentiel. Toutesles expériences que j’ai pu mener en invitantdes représentants d’associations, des juges,des artistes ou des médiateurs culturels mel’ont confirmé. Même si c’est compliqué,que l’on s’expose en faisant venir d’autresinterlocuteurs dans la classe, que l’on perd desheures par rapport aux programmes. Moi je lefais, en HIDA surtout, dans le cadre de projets.À Léon-Blum, nous travaillons à plusieursenseignants d’HIDA dans la même classeet en partenariat avec des institutionsculturelles comme le MAC/VAL(1), le Louvre,ou la MAC(2). Ces institutions mettent à notredisposition des professionnels de la médiationet nous permettent de travailler avec des artistes contemporains, des scientifiques...Cela apporte aux élèves une ouvertureculturelle, de la confiance en eux. Trèssouvent les médiateurs, les artistes leur disent que la question qu’ils posent est très

pertinente, ce que nous, enseignants,oublions très souvent de leur dire. Cela les construit aussi. Ce que le médiateurleur dit, ils l’ont trouvé quand on a préparéun travail sur une œuvre d’art en amont.Trop souvent on leur demande de restituerdes connaissances à l’écrit alors qu’à l’oral,en situation, on s’aperçoit qu’ils saventmettre en œuvre une analyse. Et quecette compétence qu’ils ont acquise,on l’avait méconnue.

L’US Mag : Au générique de fin du film, il estrappelé que la plupart des élèves ont réussi leurbac. Est-ce que selon vous, l’expérience de ce concours y est pour quelque chose ?A. A. : Ils ne me l’ont pas ditimmédiatement. Ahmed dit que pour lui, çaa été décisif. Il s’est aperçu qu’il était capabled’aller au bout d’un projet, de travailler enéquipe. Que les adultes pouvaient être fiersde lui. Quand les élèves se sont retrouvésau mois de décembre suivant pour recevoirle prix national, la rencontre avec d’autresclasses, avec le secrétaire d’État aux AnciensCombattants et le ministre de l’Éducationnationale, pour eux ça a été l’entréeen République.Ça leur a donné le courage de penserqu’ils pouvaient réussir, y compris dansdes entreprises qui leur auraient paruimpossibles. C’est le cinéma pour Ahmed.Ça va être pour un autre élève l’organisationd’événements, de spectacles. Mélanie est entrain de passer le concours de la gendarmerienationale...

« Le moment décisif a été la venuede Léon Zygel (...). Les élèves ont tour à tour pleuré et ri »

L’US Mag : Quels sont vos projets avec vos classes ?A. A. : J’ai deux projets en Seconde. Unautour de Jérôme Bosch (1453-1516) et du500e anniversaire de sa mort. C’est un projetdans un cadre européen, avec le MAC/VAL,le Louvre. D’autre part, les élèves suiventune exposition sur « La Thrace antique »qui va se tenir au Louvre. J’ai par ailleursdes Terminales, en HG, et là le projet,c’est d’avoir le bac. Donc de venir à boutde programmes qui demeurent trèsencyclopédiques. Et qui rendent difficilesla mise en œuvre de projets.

L’US Mag : Quelles évolutions constatez-vousdans l’exercice du métier ?A. A. : C’est d’abord une révolutiontechnologique, avec les TICE. Nous vivonsce qu’ont dû vivre les Humanistes quand ilsont découvert l’usage que l’on pouvait fairede l’imprimerie. Ce sont aussi des évolutionssur les prescriptions sur lesquelles on doits’interroger. On ne fait pas de coursmagistral. Et en même temps, on revient surl’activité à tout prix, qui a été une sorte dedogme à un moment. On est maintenant surune alternance de mise en activité des élèveset de reprise dans un cadre problématisé.Ce qui me convient assez bien.Il y a un invariant, c’est le nombre d’élèves.On nous demande de travailler davantagel’oral, l’esprit critique des élèves. Mais lesclasses demeurent très chargées. Commentdonner la parole à 35 élèves ?Et puis la lourdeur de nos programmes.On demande beaucoup aux enseignants,et on demande encore plus aux élèves, ce que je regrette.Ce que me montre l’exercice de mon métier,c’est que nos élèves ont des soucis, leursjournées au lycée sont longues et en mêmetemps ils progressent, ils réussissent etla classe de Seconde d’Ahmed l’a montré.Mais je dirais que tous les ans, les élèvesnous le montrent. Ils ont leur bac et on ne le brade pas. On est même d’une exigenceénorme envers les candidats au bac. n

Propos recueillis par Alain Tissier

(1) MAC/VAL : Musée d’Art Contemporain du Val-de-Marne(2) MAC : Maison des Arts de Créteil

Sélection de films récents À L’ÉCOLE DE LOUISE MICHEL, réalisation : Marion Lary, 2007, FranceENTRE LES MURS, réalisation : Laurent Cantet, 2008, FranceLES RÊVES DANSANTS, SUR LES PAS DE PINA BAUSCH, réalisation : Anne Linsel, Rainer Hoffmann, 2010, FranceTEMPÊTE SOUS UN CRÂNE, réalisation : Clara Bouffartigue, 2012, FranceD’UNE ÉCOLE À L’AUTRE, réalisation : Pascale Diez, 2013, FranceLA COUR DE BABEL, réalisation : Julie Bertuccelli, 2014, FranceLES HÉRITIERS, réalisation : Marie-Castille Mention-Schaar, 2014, France

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L’US : Quelles sont les carac-téristiques de la politique édu-cative conduite par le gouver-nement Orban ?Piroska Gallö : Dès l’arrivéeau pouvoir d’Orban, la restruc-turation globale du système édu-catif a été un objectif importantdans le but d’assurer l’influenceexclusive de l’État. La gestionde l’ensemble du systèmedépend de l’État, qui, au-delàdu contrôle de la mise en œuvredes règlements émis, décide éga-lement de l’emplacement desétablissements scolaires et deleur rôle. Tous les établissementsde Hongrie fonctionnent à pré-sent sous l’égide d’un grandOffice (Centre Klebelsberg) sansdisposer d’un budget spécifiqueet sans que les chefs d’établis-sement puissent exercer le droitd’employeur. Les programmesd’enseignement sont définis auplan national avec une marge deliberté de 10 %. L’âge de la sco-larité obligatoire est passé de 18à 16 ans. L’État n’assume plusses responsabilités à l’égard desélèves qui ont plus de 16 ans.

L’US : Quelles sont les consé-quences d’une telle politique ?P. G. : L’État décide du destindes élèves, faisant ainsi le tri

entre ceux qui peuvent suivreune formation en lycée généralou en lycée professionnel et ceuxqui peuvent seulement acquérirune qualification profession-nelle. Le niveau de formationdans les écoles professionnellesest très faible, il ne permet pasd’avoir une culture généraledigne de ce nom. Des restric-tions importantes ont été intro-duites pour les élèves qui pour-suivent leurs études dansl’enseignement supérieur. Moinsd’étudiants bénéficieront de lagratuité pour ce qui concerne lesfrais d’inscription. Et ceux quiont été pris en charge auront

l’obligation de travailler en Hon-grie pendant une période égale àleurs années d’études.

L’US : Tous ces sujets ont-ilsfait l’objet de discussions et deconsultations ?P. G. : Il n’y a pas eu la moindreconsultation. « Une Chambre nationale desenseignants » a été constituéeet tous les enseignants ont l’obli-gation d’y adhérer. La« Chambre » éditera d’ailleursune charte déontologique pourles enseignants. L’élaborationde cette charte ne fera pas l’ob-jet de discussions. Le dialogue

avec le ministère est réduit au minimum. La loi sur l’éducationne mentionne pas pour le minis-tère l’obligation de procéder àdes consultations avec les syn-dicats représentatifs dans laphase de préparation des textesrelatifs aux personnels. Endécembre 2014, le Parlement amême adopté un amendement àla loi sur l’éducation tout en éli-minant les garanties concernantla sauvegarde des droits des syn-dicats face à la « Chambre natio-nale des enseignants ».

L’US : Quid des conditions detravail ?P. G. : Les conditions d’emploides personnels enseignants ontchangé dans le sens d’une aug-mentation du nombre d’heuresde cours à assurer et de temps deprésence dans l’établissement.30 heures au total par semaine.Pour ce qui est des rémunéra-tions, toutes les indemnités liéesà des qualifications ont été sup-primées. Dans ces conditions, ilest difficile d’exercer le métierpour assurer la réussite de tousles élèves. Une charge de tra-vail de plus en plus forte pour lesenseignants. n

Propos recueillis par Odile Cordelier

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INTERNATIONAL

TROIS QUESTIONS À FELIPE VAN KEIRSBILCK, ACV CSC Belgique

« Le Manifeste d’Athènes sert de référence dans les débats »L’US : Après deux années d’existence, l’objectif initial de pesereffectivement et ensemble sur le cours politique de l’Union euro-péenne a-t-il été atteint ?Felipe Van Keirsbilck : Peser sur la politique européenne est unetâche énorme, tant les forces économiques qui impriment sa ligne sontpuissantes. Pourtant, l’Alter Summit (AS) a permis de faire un pasimportant dans cette direction. Il a permis de créer un espace de dis-cussion et de décision au niveau européen, entre mouvementssociaux, associations et organisations syndicales. Par ailleurs, leManifeste d’Athènes sert de référence dans des débats sur la dette,les banques, la fiscalité. Il a notamment été largement commenté dansla campagne qui vient de s’achever en Grèce.

L’US : Quels sont les acquis de l’AS et que reste-t-il à faire parrapport aux objectifs initialement fixés de lutte contre l’austéritéet pour une démocratie véritable ? F. V. K. : Influer concrètement sur la politique européenne exige dumouvement social plus que des discussions. Nous devons êtrecapables d’organiser le rapport de force pour que nos revendicationssoient prises en compte, c’est-à-dire pouvoir mobiliser toute la force

de nos organisations sur des actions communes. Nous travaillons àcela mais ce n’est pas une mince affaire.

L’US : Quel bilan fais-tu des différentes actions encouragées, sice n’est menées, par l’AS ces derniers mois ? F. V. K. : Nous participons à toutes les initiatives de plus en plus nom-breuses prises au niveau européen. Nous prenons part aux décisionsquant aux contenus ou aux types d’actions. La coordination s’améliore.Par contre, nos capacités de mobilisation restent encore modestes.Mais le nouveau contexte pourrait favoriser une meilleure mobilisationau niveau européen, par exemple autour d’un soutien au peuple grecqui a courageusement décidé de s’opposer à l’austérité.Nous avons participé à des mobilisations à Bruxelles lors de sommetseuropéens, et à Francfort, siège de la Banque Centrale. L’enjeu iden-tifié comme crucial est de pouvoir organiser des actions localescoordonnées et simultanées visant un objectif « central ». Le soutientransnational apporté à la « grève ibérique » du 14 novembre 2013a été une expérience hélas difficile à reproduire jusqu’ici. En 2015cette question sera surtout posée dans la lutte contre le traité trans-atlantique (TAFTA). n Propos recueillis par Henri Nouri

QUELQUES CHIFFRES SUR LES SALAIRESLa grille salariale des personnels enseignants en lycée comprendquatre catégories :• les stagiaires : personnels en début de carrière ;• les enseignants I : c’est la majeure partie des enseignants.

Trois ans d’exercice et plus ;• les enseignants II : au moins quatorze ans d’enseignement.

21 000 enseignants au total, pas de données concernant ceux qui exercent en lycée ;

• les enseignants « Master » : quatorze ans au moins dans le métier.5 000 enseignants au total.

Le salaire moyen (mensuel net) était de 446 € en 2012, 490 € en 2013et 554 € au premier semestre 2014.

PIROSKA GALLÖ, présidente du SEH, syndicat des enseignants de Hongrie, analyse quelques éléments de la politique éducative conduite par le gouvernement Orban réélu en juin 2014.

Être prof au pays d’Orban

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En 2000, l’ONU avait déter-miné une liste de huit« objectifs du millénaire pour

le développement » à atteindreen 2015, le deuxième s’intitulant« assurer l’Éducation primairepour tous ». Depuis deux ans, lesbilans se multiplient, contrastés.Le nombre d’enfants non scola-risés a par exemple été réduit demoitié. Il est acquis que de nou-veaux objectifs doivent être défi-nis. Il a été décidé que, cette fois,ils concerneraient l’ensemble despays, et pas seulement ceux endéveloppement. Mais surtout,afin de se donner davantage dechances d’atteindre les objectifs,le processus de définition a étévoulu participatif. Tout au longde l’année 2014, un lourd pro-cessus de consultations a permisà la société civile de faireentendre sa voix. De manière

inégale tout de même, puisquedans certains pays d’Afrique,aucune consultation n’a été orga-nisée. En France, le ministère desAffaires étrangères a recueilli àplusieurs reprises les remarqueset les propositions du réseau« Beyond 2015 », dont fait partiele SNES-FSU.

Les moyens, ce détail...Comme synthèse de ces consul-tations, le secrétaire général del’ONU a produit en décembreun rapport intitulé « la dignitépour tous d’ici à 2030 : éliminerla pauvreté, transformer nos vieset protéger la planète ». L’Édu-cation est le quatrième des 17objectifs : « veiller à ce que touspuissent suivre une éducation dequalité dans des conditionsd’équité et promouvoir les pos-sibilités d’apprentissage tout au

long de la vie ». Les semainesqui viennent vont être mises àprofit pour le délicat travail dedéfinition des cibles et des indi-cateurs. Dans ces négociationsentre États où aucun intérêtconvergent ne se dégage, cettenouvelle étape s’avère cruciale :que faire d’un objectif dont lesindicateurs constitutifs neferaient pas accord ? Mais le défimajeur reste sans aucun doute lefinancement des actions quiseront nécessaires pour atteindreces objectifs. Qu’il s’agissed’éducation, de santé, d’envi-ronnement, les défis sont colos-saux. Les relever va requérir desinvestissements publics biensupérieurs à ce qu’ils sont actuel-lement. Les sociétés civiles doi-vent partout se mobiliser pourpousser à ce qu’il en soit ainsi. n

Florian Lascroux

Supplément au no 749 du 17 janvier 2015 - US MAGAZINE - 43

OITI

Hausse continue du chômageLe rapport annuel del’Organisation internationale dutravail (OIT), publié le 20 janvier,souligne que le chômage vacontinuer d’augmenter dans lesannées à venir, l’économiemondiale étant entrée dans unenouvelle période qui cumulecroissance lente, amplification desinégalités et agitation sociale.En 2019, plus de 212 millions depersonnes seront privées d’emploi,chiffre en hausse par rapport aux201 millions actuellementrecensés. Résumé du rapport« Perspectives pour l’emploi et lesocial dans le monde, tendancespour 2015 » disponible sur le site :www.ilo.org.

Accords commerciauxI

Libéralisation des services publicsDans un communiqué de presse endate du 14 janvier, le Comitésyndical européen de l’éducation(CSEE) et la Fédération syndicaleeuropéenne des services publicsinsistent sur le fait qu’ils« demandent depuis denombreuses années un agendaeuropéen des services publicspour l’Europe sociale... Lesgouvernements devraientconcentrer leurs efforts sur desobjectifs et des mesures visant àprotéger et à améliorer l’accès detout un chacun à une santé, uneéducation et à d’autres servicespublics de grande qualité ». Enligne de mire, le TAFTA, le CETA(accord commercial négociédepuis 2009 entre le Canada etl’UE) et le TISA (accord sur lecommerce des services).

CongrèsI

Internationale de l’Éducation

L’IE tiendra son congrès statutaire,qui a lieu tous les quatre ans,sur le thème général « Uneéducation de qualité pour unmonde meilleur ».

SOUS L’ÉGIDE DE L'ONU, les États entament une dernière phase de négociationspour définir les objectifs à atteindre à l’horizon 2030.

Objectifs post-2015  :vers une éducationsecondaire pour tous ?

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RATTRAPAGE

Fin août 2014 est paru le nouveau décret modifiant les obligations réglementaires de service (ORS) des enseignants du second degré. Les anciens décrets, dits « de 1950 », devaient leur réputation protectrice à l’interprétation qui en était faite et ils étaient en cela susceptibles d’être remis en cause. Des dispositions, qui étaient jusque-là l’expressiondu rapport de force avec l’administration, sont désormais inscrites dans un texte réglementaire. Mais la mise en placedu nouveau décret et les insuffisances que recèle le projet de décret indemnitaire appellent la vigilance de la profession.

44 - US MAGAZINE - Supplément au no 749 du 17 janvier 2015

Les obligations de service des professeurs

De 312,5 à

3 750 euros...

Le combat ne fait que commenceriLe décret instituant les indemnités pour les « missions particulières », encore en discussion,est inacceptable en l’état :1. La liste ministérielle met sur le même plan les tâches qui devraient être effectuées

obligatoirement dans tous les établissements (labos, coordinations) et celles qui relèvent despolitiques éducatives (responsable de la liaison CM2-Sixième...).

2. Même si leur choix devra être présenté au CA, le texte actuel permet aux chefs de déciderarbitrairement des missions qui seront assurées dans «  leurs » établissements.

3. Le taux de base de «  l’indemnité pour mission particulière » (IMP) est nettement insuffisant.Plus d’informations sur le site du SNES-FSU  : www.snes.edu/Projet-de-decret-indemnitaire.html

À consulteriUne publication du SNES-FSUtraitant des nouvelles ORS,réalisée en septembre 2014, aété distribuée dans les sallesdes professeurs et une versionPDF est également disponible

sur le site du syndicat à l’adresse suivante :www.snes.edu/Publication-du-decret-sur-les-ORS.html

Indemnité◗ Le service d’un enseignant peut également comporterdes « missions particulières ». Leur attribution ne peut se faire que sur la base du volontariat.◗ Outre l’entretien des laboratoires sont comprisesdans ces missions complémentaires, ouvrant droit au versement d’une indemnité, les coordinationsdisciplinaires. Cinq taux de rémunération sont prévusen fonction de l’importance de la mission, si bien queles indemnités iront de 312,5 à 3 750 euros ! Le taux de base, correspondant à 1 250 euros, est comprisentre les taux de l’heure supplémentaire d’un certifitéet d’un agrégé. n

Pondération◗ Une heure de cours en REP+ vaut 1,1 heure de servicedepuis la rentrée 2014. Le temps de travail en équipen’ayant pas vocation à être comptabilisé, cette pondération ne peut pas être l’occasiond’imposer des réunions oudes tâches supplémentaires.◗ En remplacement del’heure de première chaire,une pondération identiquesera instaurée en cycleterminal à partir deseptembre 2015. Certains y perdront, mais d’autrescollègues, plus nombreux, pourront enfin jouir d’une décharge horaire.◗ La pondération BTS de 1,25 est, quant à elle, maintenueet étendue à toutes les heures de cours. n

Devant élèves◗ Le nouveau décret impose à l’administration de prendre en compte, dans la ventilation de service(VS), l’intégralité des heureseffectuées devant élèves.Plus aucune distinction entreheure de cours, de TP, d’AP, de chorale... C’en est fini dela majoration de service poureffectifs faibles, qui figuraitdans les décrets de 1950.◗ Parallèlement, les heures

de cabinet d’histoire-géographie, de laboratoires en langues, entechno et en sciences relèvent des missions particulières. Ellespeuvent être reconnues soit sous la forme d’une décharge soit sousla forme d’une indemnité. L’heure de préparation, dite « heure devaisselle », est, elle, préservée en collège sous forme de décharge. n

Maxima de service

◗ Le service de tous les collègues est défini par un maximumhoraire hebdomadaire. N’en déplaise à certains, aucuneannualisation du temps de travail n’est envisageable !◗ Le maximum des certifiés s’élève à 18 heures, celui desagrégés à 15 heures. Par disposition dérogatoire, le service des documentalistes correspond à 36 heures et se décomposeen 30 heures « d’information et de documentation » et 6 heures consacrées aux « relations avec l’extérieur ». n

Vous avez dit

1607 heures? 1 h=

1,1 h

Toutes

les heures

comptent !

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iDéfinitioni

xMOOC ou cMOOC ?On distingue deux types de MOOC :

• les xMOOC proposent des coursmagistraux en vidéos sur desplates-formes appartenant à desentreprises privées et ont pourobjectif de valider lescompétences acquises par lesparticipants en délivrant unecertification ;

• les cMOOC (« c » pour« connectiviste ») sont, eux, baséssur une pédagogie ouverte, parles pairs, où chaque participantcontribue au contenu de laformation.

iChiffresi

3 036MOOC ont été recensés au 1er août2014 dans le monde par OpenEducation Europa. Ce chiffre aprogressé de 44 % en six mois.

80 %des participants posséderaientdéjà un diplômede l’enseignement supérieuravant de s’inscrire à un MOOC.

En France, FUN, en un an,c’est : 400 000 personnes, 53 MOOC et 29 universitéset grandes écoles partenaires.

iÀ lirei• Cisel M.& Bruillard E.,« Chroniquedes MOOC »,rubrique dela revueSTICEF, vol. 19,2012

(en ligne) : http://sticef.org.

• Mœglin Pierre,« L’enseignementsupérieur au défidu numérique.MOOC : del’importance d’unépiphénomène »,Futuribles n° 398(janvier-février 2014), pp. 5-21.

Initiés dès les années 2000, les programmes d’en-seignement à distance de nombreuses univer-sités américaines ont évolué pour aboutir en 2008

au développement de MOOC (“Massive openonline course”). Traduits littéralement par « coursen ligne ouverts et massifs », les MOOC sont desplates-formes de cours gratuits accessibles et ouvertsà tous. Portant sur des thématiques spécifiques, ilssont généralement limités dans le temps. Les parti-cipants peuvent donc avancer en toute autonomie,à leur rythme et prolonger leur réflexion via desforums. Aux États-Unis, le succès est tel que leNew York Times qualifiait l’année 2012 d’« annéedes MOOC ». S’appuyant sur la loi du 22 juillet2013, qui insiste sur le recours au numérique, leministère de l’Enseignement supérieur et de laRecherche s’est d’ailleurs saisi de cet engouementet a lancé, en octobre 2013, la première plate-formenumérique française de MOOC : la FUN (Franceuniversité numérique).

Démocratisation de l’accès au savoir...L’accès gratuit et mondialisé à la connaissance queproposent les MOOC se révèle utile dans certainspays. En Afrique, face à une Université débordée(manque d’enseignants, locaux surchargés etvétustes), ces cours en ligne sont accueillis commeune opportunité. Encore nécessitent-ils uneconnexion internet et du matériel en état de fonc-tionnement.Mais il ne faut pas oublier que si les MOOC faci-litent l’accès au savoir et comptent un nombreimportant d’inscrits (parfois plusieurs milliers depersonnes), beaucoup abandonnent en cours deroute. Ainsi 5 à 10 % seulement des inscrits iraientjusqu’au bout de ces programmes de formation.En effet, chronophage, le suivi d’un MOOCdemande un réel investissement et de l’assiduité de

la part des participants. Or, être seul devant sonécran n’est pas toujours simple. Il ne suffit pas eneffet de mettre une personne dans une posture deformation pour qu’elle se forme. L’accompagne-ment et les interactions directes avec un enseignantdisparaissent avec le numérique. D’ailleurs, lamajorité des personnes qui vont au bout d’unMOOC sont diplômées et salariées, et ont doncdéjà « appris à apprendre ».À cela s’ajoute la question de la validation desacquis, qui est compliquée à mettre en place àgrande échelle. Les MOOC ne conduisent généra-lement pas à un diplôme, mais à une certification.Mais quelle reconnaissance celle-ci a-t-elle sur lemarché de l’emploi ?

... ou marchandisation de l’enseignement supérieur ?Les coûts d’investissement pour financer ces for-mations sont énormes pour les établissements. Cer-taines plates-formes de MOOC, financées par desinvestisseurs privés, mettent en place des straté-gies pour vendre des services autour des cours,comme l’achat de certifications. Le risque est defaire des MOOC un produit d’appel pour attirerun maximum d’étudiants dans un souci de rentabi-lité. Aux États-Unis, un changement de modèleéconomique semble s’opérer de la part des plates-formes de MOOC, qui s’orientent de plus en plusvers le secteur privé. Ainsi la plate-forme Courseramet au point des partenariats avec Yahoo pourvendre les cours de ses universités partenaires. Le faible taux de réussite, les questions de pro-priété intellectuelle des contenus des cours, l’éva-luation ainsi que les interrogations liées au modèleéconomique des plates-formes doivent faire l’objetde réflexions et interroger les usages de ces outilsnumériques que sont les MOOC. n

CHANGER D’ÈREENSEIGNEMENT EN LIGNE

L’enseignement supérieur àl’heure de la « MOOC-mania »Retourner à l’Université tout en restant chez soi pour y apprendre gratuitement et à son rythme ? Aujourd’hui les MOOC le permettent. Mais que sont-ils exactement ?

Supplément au no 749 du 17 janvier 2015 - US MAGAZINE - 45

OUTIL POUR LE SECONDAIRE ?Aux États-Unis, l’éducation est depuis longtemps un « objet » de consommation. Le développement des MOOCy est une variable d’ajustement économique pour les universités : économies pour les petites, guerrehégémonique pour les grandes. D’ailleurs, les MOOC les plus « commercialisés » sont ceux relatifs à desdomaines très spécialisés. La certification obtenue pour un cours ainsi suivi coûte souvent très cher. Par ailleurs,ils n’existent pas dans le secondaire. Le système français n’est pas basé sur la certification, mais sur le diplôme.La finalité « éducative » est donc très différente.Le MOOC se situe entre l’enseignement programmé et le cours inversé, et, le plus souvent, sans partie enprésentiel. Il peut donc être un outil d’enseignement à utiliser parmi d’autres. Mais ilnécessite la capacité de savoir travailler en autonomie. C’est en ce sens qu’il n’estabsolument pas adapté pour l’enseignement dans le secondaire : car c’est alors qu’onapprend à apprendre et à être autonome. Ce n’est donc pas cet outil qui améliorera lesperformances de nos élèves qui ont besoin de se confronter entre eux pour valider lapertinence de leurs idées ou réponses, sous la direction d’un enseignant.

Jean-François Clair, SNES-FSU, secteur Contenus, groupe TICE ©D

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Rubrique réalisée par Caroline Gros

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DROITS ET LIBERTÉSÉlèves étrangersi

Un titre de séjour à 18 ans pour tousLassana Bathily, ce héros, a étélycéen sans papiers. Arrivé en2006 pour rejoindre son père quitravaille en France, il fait sesétudes au lycée Jean-Jaurès(Paris 19e) puis au lycée Guimard.Comme tant d’autres, il devientsans-papier à sa majorité. Il estalors accompagné par sesprofesseurs et par RESF et estparrainé à la mairie du 19e. Lassanaobtient deux CAP, mais malgré toutla préfecture lui refuse un titre deséjour et veut l’expulser. Il estfinalement régularisé en 2010après vingt mois de lutte.Lassana représente parfaitementtous ces lycéens auquel l’Étatfrançais refuse la possibilité devivre et travailler légalement enFrance au mépris del’enseignement qu’ils ont reçu etde l’avenir dont ils font de toutefaçon partie car la plupartresteront ici et finiront par êtrerégularisés après un parcourssouvent très difficile.

Chiffrei

8,5 millionsC’est le nombre de personnesprivées de logement ou mal logéesen France, d’après le rapportannuel de la fondation Abbé-Pierre.

Répression anti-syndicalei

Réintégrez Yann le MerrerYann Le Merrer, militant SUD PTT àLa Poste, dans les Hauts-de-Seineet fonctionnaire, a été révoqué.Une exclusion définitive pour faitssyndicaux. Que lui reproche-t-on  ?Tout simplement d’avoir fait son

travail desyndicaliste  :intrusions répétéespendant les heuresde service dansplusieursétablissementspostaux, prises deparole nonautorisées, refus dequitter les locaux endépit des injonctions.Le SNES, avec la FSU,

condamne cette sanction qui viseYann Le Merrer, mais aussi tous lespostiers qui aujourd’hui sont enlutte. Nous n’oublions pas que lapolitique de management danscette entreprise a conduit nombred’agents au suicide  !

LUTTE CONTRE LES LGBT-PHOBIES À L’ÉDUCATION NATIONALE

Circulez, y’a rien de nouveau !L

e contexte semblait favorable lors de l’électiondu nouveau gouvernement : une mission inter-ministérielle de lutte contre les LGBT-phobies

était confiée à la ministre des Droits des femmes,aujourd’hui notre ministre de l’Éducation. À lasuite de cela, un rapport, ambitieux, était écritpar Michel Teychenné pour le ministre de l’Édu-cation, qui faisait un constat et une analyse justede ce qu’il fallait faire. Ce rapport, Vincent Peillonl’avait assorti d’une belle déclaration : « l’homo-phobie, qui contredit le droit à l’éducation ». Depuis, il faut vraiment nous contenter de décla-rations, qui tentent de cacher la réalité : la reculadedu ministère. Entre temps, Belghoul et ses peursdélirantes, la manif pour « tous » et ses fantasmesmoyenâgeux, et des déclarations peu courageuseset erronées sur le genre de responsables politiquesque l’on croyait plus au fait que cela, sont passés parlà. Arrêt brusque. L’homophobie doit moins contre-venir au droit à l’éducation en 2015 qu’en 2013,question de réchauffement climatique sans doute.Tout ce qui était prévu est arrivé... mais c’est hélasplutôt ce que veut la manif pour « tous » : recul sur

les ABCD de l’égalité, diffusion de la Ligne Azurreportée, groupes de travail au ministère préconi-sés dans le rapport – notamment sur le suicide desjeunes LGBT – qui ne se sont jamais réunis.

Sortir du militantismeHeureusement, des actions ont toujours lieu dansles établissements, grâce aux personnels et auxassociations de lutte contre les LGBTphobies.Mais des résistances sont toujours là, y compris dela part de collègues, par manque de formation etméconnaissance du sujet. Ainsi, un chef d’éta-blissement a encore refusé il y a peu l’interventiond’une association de lutte contre les LGBTphobies,sous prétexte qu’il n’y aurait pas de problèmed’homophobie dans son collège. En donnant l’impression de reculer pendant deuxans sur le sujet, le ministère n’envoie pas un mes-sage favorable, et de soutien, aux collègues quis’engagent. Il faut vraiment qu’il fasse en sorte quece sujet devienne un élément de la culture professionnelle des collègues, notamment par laformation. n Olivier Lelarge

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La mobilisation suite aux attentats des 7 au 9 jan-vier a redonné l’espoir, après le drame. Lesrassemblements ont montré que les citoyens

étaient capables de se mobiliser très fortement pourmontrer leur indignation, manifester leur refus dela haine et de la violence, et leur attachement auxlibertés. Mais cette unanimité en faveur de la libertéd’expression, des valeurs républicaines est en traind’être brisée. Les enseignant-es ont répondu présent-es, malgréles difficultés rencontrées, notamment lors de laminute de silence et des échanges avec les élèves,se plaçant dans une perspective d’éducation et dedialogue.Pourtant certains, recteurs, chefs d’établissement,ont tenté – par lâcheté ? – de sanctionner certain-esd’entre nous qui, avec courage, avaient tenté de dia-loguer avec leurs élèves pour promouvoir la libertéd’expression. Très vite, nous avons assisté à unechasse aux incidents, qu’il fallait punir, voire àl’audition d’enfants de 8 ans, de 3 ans par la police. À Poitiers, le recteur, s’appuyant sur des « signa-lements » notamment de parents, annonce sur sonsite avoir « comptabilisé une trentaine » d’inci-dents. Suite à des dénonciations, deux professeursd’école ont écopé d’un blâme et un professeur dephilosophie d’une suspension de quatre mois etd’une menace de commission disciplinaire. Cetteméthode expéditive et arbitraire favorise la délation,installe le malaise dans une profession qui a surtoutbesoin de sérénité et de confiance.À Strasbourg, un collègue est accusé à tort,

condamné d’avance par le chef et le recteur, sus-pendu, avant d’être blanchi et réintégré. Loin des’excuser, l’administration prétendra ensuite avoiragi pour « protéger » le collègue. C’est pour le moins faire preuve d’un grand manquede courage politique que de laisser les enseignant-esseul-es face à l’injonction de transmettre et dedéfendre les valeurs républicaines, tout en brandis-sant la menace au moindre soupçon de difficulté.Le SNES-FSU demande la levée des sanctions et laréintégration des collègues.Les libertés qui fondent notre démocratie ne sontjamais acquises, elles doivent être expliquées etdéfendues, en particulier dans l’École, tout commedoit l’être la laïcité. Redonnons de la voix pourl’éducation ! n Aurélia Sarrasin

ENSEIGNANTS SUSPENDUS APRÈS CHARLIE HEBDO

Puni-es pour avoir fait leur travail

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Supplément au no 749 du 17 janvier 2015 - US MAGAZINE - 47

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un serv ice du SNES

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