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Dossier Q Quand on regarde la planète, on est effrayé par l’étendue des zones en crise. La diminution des régions en paix est agrante. Les phénomènes naturels se transforment en désastre sur tous les continents. La vulnérabilité de franges entières de populations, qui ne trouvent pour s’installer que des écosystèmes fragiles et exposés, est en crois- sance rapide. Les solidarités traditionnelles sont souvent fragilisées par l’économie de la mondialisa- tion. Il faut donc replacer les crises et leur gestion (prévention , réaction et de sortie de crise) au cœur même des réexions sur les politiques de développe- ment. Pour repérer les enjeux et outils utiles dans cette gestion des crises, il importe de se donner un cadre conceptuel holistique. Le « cycle de gestion de la réponse aux crises et désastres » constitue un cadre approprié pour cet exercice, tant au niveau théorique qu’au niveau opérationnel. Développé ini- tialement pour les contextes de catastrophes qu’on appelle souvent à tort des « désastres naturels » (ou « socio-naturels » comme les appellent nos collègues latino-américains, terme qui décrit mieux l’inte- raction entre phénomènes naturels et action des hommes), il s’est progressivement adapté aux con- textes de guerre et aux environnements instables. Y a-t-il des options de prévention ? Les catastrophes naturelles se produisent souvent en fonction de vulnérabilités (facteur de fragilité) et de risques (probabilités). L’équatio n souvent uti- lisée par les analystes est : Vulnérabilité x Risques = Impact. Le développement devrait alors consister non pas en une croissance échevelée mais en une réduction des « vulnérabilités » au sein d’une zone, et une diminution des risques zone par zone. C’est en développant cette approche que l’on introduit un paramètre de prévention au sein des politiques de développement : quelle justice sociale, quelle répartition des ressources, quel accès à la terre et au capital, etc. Les derniers désastres en Amérique Centrale et latine, en Inde et en Turquie sont des exemples caricaturaux de ce qu’entraîne la non- application de cette règle, lorsque surgissent des soubresauts violents de la croûte terrestre ou des phénomènes climatiques de grande ampleur. La prévention des conits est elle du domaine de la Diplomatie. C’est aux ambassades, à l’ONU que doit revenir cette charge, les humanitaires eux ne peuvent que mettrent des pansements et tenter de réparer ce que les autres ont cassé ou laissé casser.… La crise actuelle en Asie remet dans l’actualité à la fois des images dramatiques et des débats connus sur l’aide, sa gestion, ses impacts. Pour les observateurs engagés de ces pratiques humanitaires, une fois encore, le système de l’humanitaire devenu spectacle est victime de son succès. Les polémiques repartent, comme si souvent. Mais en même temps, l’extraordinaire élan de générosité et la motivation des équipes sur le terrain ne doivent pas amener au cynisme du « toujours le même cirque ». Mais quid  de la gestion réelle à court, moyen et long termes de ce type de situations ? Par François Grunewald, Président du groupe URD Le cycle de gestion de la réponse aux désastres (Quelques repères et concepts) Focus Catastrophe « Grave interruption de fonctionnement d’une société, causant des pertes humaines, matérielles ou environnementales que la société affectée ne peut surmonter uniquement avec ses propres ressources. Les catastrophes sont souvent classées en fonction de leur mode d’occurren ce (brusque ou progressif) ou de leur origine (naturelle ou anthropique) » (1). Evénement hors norme qui rompt les équilibres naturels, de façon temporaire ou dénitive, tant dans le domaine des événements climatiques que dans celui des événements telluriques (2). L’EM-DAT (3) dénit également une catastrophe comme un événement provoquant au moins une dizaine de morts et/ou affectant au moins une centaine de personnes et/ou conduisant à une déclaration d’état d’urgence. Aléa (Hazard / Threat / Amenaza) Phénomène menaçant d’origine naturelle et/ou anthropique, susceptible d’affecter un espace donné, en particulier par la nature et la valeur des éléments exposés que cet espace supporte (hommes, biens, activités, etc.). Il se caractérise par sa nature, son intensité, sa probabilité d’occurrence et sa fréquence (quand elle peut être estimée). Enjeu Personnes, biens, activités, moyens, patrimoine, systèmes... susceptibles d’être affectés par un aléa naturel ou anthropique et de subir des préjudices ou des dommages. Plus un enjeu est vulnérable à un aléa donné, plus le risque engendré par l’exposition de l’enjeu à l’aléa est grand. A l’opposé, plus un enjeu est résilient, plus le risque est faible. La vulnérabilité des enjeux peut être analysée à partir de différentes perspectives : physique, sociale, politique, institutionnelle, technologique, idéologique, culturelle, éducative, environnementale, etc., bien que, d’une façon ou d’une autre, toutes ces « catégories » soient liées entre elles. (Le terme « enjeu » n’existe qu’en français, la plupart des modèles anglais et espagnol utilisent le terme «vulnérabilité» pour représenter les enjeux vulnérables).  Vulnérabil ité Ensemble de conditions et de processus résultant de facteurs physiques, sociaux, économiques et environnementaux, qui augmentent la sensibilité des enjeux d’une communauté, d’une région, d’une nation aux effets des aléas. La vulnérabilité est un ensemble de pré-conditions qui se révèlent au moment de la catastrophe. On parle aussi de capacité ou de résilience pour qualier l’ensemble des conditions et des processus résultant de facteurs physiques, sociaux, économiques et environnementaux qui favorisent la faculté d’affronter et de récupérer de l’occurrence d’un phénomène extrême. CRISES ET  CONFLITS Des mots et des concepts, par le Haut Conseil de la Coopération Internati onale et la Croix Rouge Risque majeur Le risque majeur est la situation dans laquelle des enjeux vulnérables se trouvent face à la menace d’occurrence d’un aléa qui aurait pour conséquences de graves pertes, dommages et dysfonctionnements. La vulnérabilité des enjeux est le facteur interne du risque, l’aléa en est le facteur externe. Prévention (Prevention / Prevención) En France, le concept - générale ment admis par les institutions gouvernemen tales - de prévention, au sens large du terme, regroupe toutes les activités qui participent à l’élimination et/ ou à la réduction des risques et à la préparation à l’urgence. Au sens strict du terme, c’est l’ensemble des activités et des mesures mises en place pour connaître le risque (étude sur les aléas et la vulnérabilité des enjeux) et développer une culture du risque au sein de la population, de la société civile et des autorités locales, notamment au moyen de campagnes de sensibilisation. Protection Ensemble des activités et des mesures visant à assurer un certain niveau de protection physique des personnes et des biens, à long terme et de manière quasi dénitive (ouvrages de protection, habitats résistant aux aléas…), contrairement à la préparation qui n’est effective qu’au moment où la catastrophe a lieu. La « protection » fait partie de la « prévention » au sens large. Atténuation / Mitigation (Mitigation / Mitigación) En français, ces termes sont très peu utilisés. En revanche, on les rencontre fréquemment en anglais ou en espagnol. Il s’agit de l’ensemble des actions et des mesures visant à réduire et/ou à contrôler les risques existants. Préparation (Preparedness / Preparación) Ensemble des dispositions garantissant que les systèmes, les procédures et les ressources nécessaires pour faire face à une catastrophe sont en place pour venir rapidement en aide aux personnes touchées, en utilisant dans toute la mesure du possible des mécanismes existants (formation , sensibilisation, plans d’urgence, système d’alerte précoce…). En français, la « préparation » fait partie de la « prévention » au sens large. L’acception du terme « prépa ration » est quasiment identique dans toutes les langues ; il arrive toutefois qu’on utilise ce terme pour signier la « prévention » au sens large. Depuis plus de 20 ans, le concept de prévention au sens large n’a cessé d’évoluer. Il a évolué en Disaster Risk Management (DRM) en anglais, et Gestión de Riesgo en espagnol, ces termes regroupant les activités et mesures de Prevention, Mitigation et Preparedness. Les termes Disaster Risk Reduction (DRR) en anglais et Reducción de Riesgo en espagnol sont aussi très utilisés mais ils ne regroupent généralement que la Prevention et la Mitigation. En français, le terme « gestion des risques » est aussi utilisé, mais de manière encore minoritaire, de même que pour le terme « réduction des risques ». Le terme « gestion des catastrophe s » (Disaster Management) est un autre concept que l’on rencontre souvent. Il inclut la prévention au sens large (la gestion des risques), la réponse d’urgence, la réhabilitation et la reconstruction. Notes : 1nition issue de UN-DHA, 1992, http://  www.cred.b e/centre/pu bli/171 f/. 2nition issue de Jacques Bethemont (2000), « Un espace mobile et fragile », Géographie de la Méditerranée, Armand Colin, p.43. 3 EM-DAT : EMergency DATabase, banque de données du CRED. Extrait de : HCCI et la Croix-Rouge française.  La prévention des catastrophes naturelles , Paris, juillet 2004, 59 p. Réhydratation par perfusion en Somalie. (© Groupe URD) Diplomatie 13 Mars - Avril 2005

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QQuand on regarde la planète, on est effrayé parl’étendue des zones en crise. La diminution desrégions en paix est flagrante. Les phénomènesnaturels se transforment en désastre sur tous lescontinents. La vulnérabilité de franges entières depopulations, qui ne trouvent pour s’installer quedes écosystèmes fragiles et exposés, est en crois-sance rapide. Les solidarités traditionnelles sontsouvent fragilisées par l’économie de la mondialisa-tion. Il faut donc replacer les crises et leur gestion(prévention, réaction et de sortie de crise) au cœurmême des réflexions sur les politiques de développe-ment. Pour repérer les enjeux et outils utiles danscette gestion des crises, il importe de se donner uncadre conceptuel holistique. Le « cycle de gestion

de la réponse aux crises et désastres » constitue uncadre approprié pour cet exercice, tant au niveauthéorique qu’au niveau opérationnel. Développé ini-tialement pour les contextes de catastrophes qu’onappelle souvent à tor t des « désastres naturels » (ou« socio-naturels » comme les appellent nos collègueslatino-américains, terme qui décrit mieux l’inte-

raction entre phénomènes naturels et action deshommes), il s’est progressivement adapté aux con-textes de guerre et aux environnements instables.

Y a-t-il des optionsde prévention ?

Les catastrophes naturelles se produisent souventen fonction de vulnérabilités (facteur de fragilité)et de risques (probabilités). L’équation souvent uti-lisée par les analystes est : Vulnérabilité x Risques= Impact. Le développement devrait alors consisternon pas en une croissance échevelée mais en uneréduction des « vulnérabilités » au sein d’une zone,

et une diminution des risques zone par zone. C’esten développant cette approche que l’on introduitun paramètre de prévention au sein des politiquesde développement : quelle justice sociale, quellerépartition des ressources, quel accès à la terre etau capital, etc. Les derniers désastres en AmériqueCentrale et latine, en Inde et en Turquie sont des

exemples caricaapplication de csoubresauts violphénomènes cliprévention des la Diplomatie. Cdoit revenir cettpeuvent que mde réparer ce qcasser.…

La crise actuelle en Asie remet dans l’actuaà la fois des images dramatiques et des débconnus sur l’aide, sa gestion, ses impacts. P

les observateurs engagés de ces pratiquhumanitaires, une fois encore, le système

l’humanitaire devenu spectacle est victime son succès. Les polémiques repartent, comme

souvent. Mais en même temps, l’extraordinaélan de générosité et la motivation déquipes sur le terrain ne doivent pas amen

au cynisme du « toujours le même cirqueMais quid  de la gestion réelle à court, moy

et long termes de ce type de situation

Le cycle de gestion de laréponse aux désastre

(Quelques repères et concepts

FocusCatastrophe« Grave interruption de fonctionnement d’une société, causant des perteshumaines, matérielles ou environnementales que la société affectée ne peutsurmonter uniquement avec ses propres ressources. Les catastrophes sont souventclassées en fonction de leur mode d’occurrence (brusque ou progressif) ou de leurorigine (naturelle ou anthropique) »(1). Evénement hors norme qui romptles équilibres naturels, de façon temporaire ou définitive, tant dans ledomaine des événements climatiques que dans celui des événementstelluriques (2). L’EM-DAT (3) définit également une catastrophe comme

un événement provoquant aumoins une dizaine de morts et/ouaffectant au moins une centainede personnes et/ou conduisant àune déclaration d’état d’urgence.

Aléa (Hazard / Threat/ Amenaza)Phénomène menaçant d’originenaturelle et/ou anthropique,susceptible d’affecter un espacedonné, en particulier par lanature et la valeur des élémentsexposés que cet espace supporte(hommes, biens, activités, etc.).Il se caractérise par sa nature,

son intensité, sa probabilitéd’occurrence et sa fréquence(quand elle peut être estimée).

EnjeuPersonnes, biens, activités, moyens, patrimoine, systèmes...susceptibles d’être affectés par un aléa naturel ou anthropique et desubir des préjudices ou des dommages. Plus un enjeu est vulnérableà un aléa donné, plus le risque engendré par l’exposition de l’enjeuà l’aléa est grand. A l’opposé, plus un enjeu est résilient, plus lerisque est faible. La vulnérabilité des enjeux peut être analysée àpartir de différentes perspectives : physique, sociale, politique,institutionnelle, technologique, idéologique, culturelle, éducative,environnementale, etc., bien que, d’une façon ou d’une autre, toutesces « catégories » soient liées entre elles. (Le terme « enjeu » n’existequ’en français, la plupart des modèles anglais et espagnol utilisentle terme «vulnérabilité» pour représenter les enjeux vulnérables).

 VulnérabilitéEnsemble de conditions et de processus résultant de facteurs physiques,

sociaux, économiques et environnementaux, qui augmentent lasensibilité des enjeux d’une communauté, d’une région, d’unenation aux effets des aléas. La vulnérabilité est un ensemble depré-conditions qui se révèlent au moment de la catastrophe. Onparle aussi de capacité ou de résilience pour qualifier l’ensembledes conditions et des processus résultant de facteurs physiques,sociaux, économiques et environnementaux qui favorisent la facultéd’affronter et de récupérer de l’occurrence d’un phénomène extrême.

CRISES ET CONFLITSDes mots et des concepts,par le Haut Conseil de la CoopérationInternationale et la Croix Rouge

Risque majeur Le risque majeur est la situation dans laquelle des enjeuxvulnérables se trouvent face à la menace d’occurrence d’unaléa qui aurait pour conséquences de graves pertes, dommageset dysfonctionnements. La vulnérabilité des enjeux est lefacteur interne du risque, l’aléa en est le facteur externe.

Prévention (Prevention / Prevención)En France, le concept - généralement admis par les institutionsgouvernementales - de prévention, au sens large du terme,regroupe toutes les activités qui participent à l’élimination et/ou à la réduction des risques et à la préparation à l’urgence. Ausens strict du terme, c’est l’ensemble des activités et des mesuresmises en place pour connaître le risque (étude sur les aléas et lavulnérabilité des enjeux) et développer une culture du risque ausein de la population, de la société civile et des autorités locales,notamment au moyen de campagnes de sensibilisation.

ProtectionEnsemble des activités et des mesures visant à assurer un certainniveau de protection physique des personnes et des biens, à longterme et de manière quasi définitive (ouvrages de protection,habitats résistant aux aléas…), contrairement à la préparationqui n’est effective qu’au moment où la catastrophe a lieu. La« protection » fait partie de la « prévention » au sens large.

Atténuation / Mitigation (Mitigation / Mitigación)En français, ces termes sont très peu utilisés. En revanche,on les rencontre fréquemment en anglais ou en espagnol.Il s’agit de l’ensemble des actions et des mesures visantà réduire et/ou à contrôler les risques existants.

Préparation (Preparedness / Preparación)Ensemble des dispositions garantissant que les systèmes, lesprocédures et les ressources nécessaires pour faire face à unecatastrophe sont en place pour venir rapidement en aide aux

personnes touchées, en utilisant dans toute la mesure du possibledes mécanismes existants (formation, sensibilisation, plansd’urgence, système d’alerte précoce…). En français, la « préparation »fait partie de la « prévention » au sens large. L’acception du terme« préparation » est quasiment identique dans toutes les langues ; ilarrive toutefois qu’on utilise ce terme pour signifier la « prévention »au sens large. Depuis plus de 20 ans, le concept de préventionau sens large n’a cessé d’évoluer. Il a évolué en Disaster RiskManagement (DRM) en anglais, et Gestión de Riesgo en espagnol,ces termes regroupant les activités et mesures de Prevention,Mitigation et Preparedness. Les termes Disaster Risk Reduction(DRR) en anglais et Reducción de Riesgo en espagnol sont aussi trèsutilisés mais ils ne regroupent généralement que la Prevention etla Mitigation. En français, le terme « gestion des risques » est aussiutilisé, mais de manière encore minoritaire, de même que pour leterme « réduction des risques ». Le terme « gestion des catastrophes »(Disaster Management) est un autre concept que l’on rencontresouvent. Il inclut la prévention au sens large (la gestion des risques),la réponse d’urgence, la réhabilitation et la reconstruction.

Notes :1 Définition issue de UN-DHA, 1992, http:// www.cred.be/centre/publi/171f/.2 Définition issue de Jacques Bethemont (2000),« Un espace mobile et fragile »,Géographie de la Méditerranée, Armand Colin, p.43.3 EM-DAT : EMergency DATabase, banque de données du CRED.

Extrait de : HCCI et la Croix-Rouge française.  La prévention des catastrophesnaturelles, Paris, juillet 2004, 59 p.

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Peut-on se préparer à lagestion des crises ?

Les crises ne sont pas toutes évitables, ni tous les phénomènesnaturels susceptibles d’être prévenus. Constituer et entretenirdes capacités de gestion des crises est alors essentiel et concerneautant les populations à risques que les pouvoirs publics et lesformes organisées de la société civile. L’ expérience montre quedans la plupart des cas, c’est l’aide de proximité qui joue lerôle prépondérant des premiers jours : les voisins, les maires,les bénévoles de la Croix-Rouge locale, etc. Etablir et entretenirune capacité de réponse aux désastres, c’est comme payer sonassurance : ça ne révèle son importance que quand la crise arrive.Crises, conflits et désastres naturels sont souvent prévisibles.La planète est scrutée nuit et jour sous toutes ses coutures par

une flotte de satellites, une multitude de palpeurs sismologiqueset des armadas d’analystes. Les signes avant-coureurs existent

la plupart du temps et ont même souvent étéenregistrés. Il en a été ainsi pour le génocide auRwanda, pour le conflit du Darfour. Les zonesà risque (probabilité élevée qu’un désastre aitlieu) sont en général connues. Ces connaissan-ces ne se transforment pas nécessairement ensystème de d’alerte. Autrefois, dans nos cam-pagnes, tous se mobilisaient quand résonnaitle tocsin. Ce que les dernières années nous ontdémontré, c’est qu’il y a à la fois une croissanceexponentielle d’informations et de moins enmoins de tocsin. Enfin, il ne faut pas oublier

que ce n’est souvent pas tant l’alerte précoce quimanque que la volonté politique d’y répondre.Combien de pays ont nié les crises que vivaientdes franges entières de leurs populations pourdes enjeux de prestige politique ou pour élimi-ner tout simplement des groupes entiers. Et nenous leurrons pas, ce n’est pas tant la créationde SAMU internationaux ou de Sécurité Civileeuropéenne qui comptera, que la volonté d’yaller avec intelligence…

 Malgré tout, le désastre peut arriver : Le cycle degestion de la réponse aux désastres nous faitressortir un certain nombre d’étapes et de lignesd’intervention cruciales.

Comment réduirela gravité, retarderl’impact et réduire ladurée de la crise ?Lorsque la crise s’annonce, plusieurs stratégiessont possibles. L’une d’entre elles consiste à es-sayer d’infléchir les dynamiques destructrices àl’oeuvre. Il s’agira, selon les cas, de mesures po-

litiques (gels des avoirs des acteurs de la crise), diplomatiques(médiations, missions de bons offices, etc.), techniques (lâchers ouretenues d’eau en cas d’inondation ou de sécheresse), démographi-ques (évacuation des populations des zones à très fort risque surune période courte prévue), économiques (jouer sur les prix descéréales pour éviter les dynamiques de décapitalisation),etc. Pourque de telles mesures soient prises, il faut avoir réalisé un investis-sement important dans la connaissance des facteurs de risques (casdes désastres socio-naturels), des dynamiques « crisogènes » et desacteurs de la violence (con-flits et tensions internes).Il faudrait aussi résolumentinvestir dans la formationaux métiers de la médiation

et de la transformation deconflit, mais l’expérienceinternationale manque for-tement de références et de« success story » !

Camps de déplacésau Darfour

(© Groupe URD)

Suite page 60

 

 

 

 

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 Volcan du Niracongo auCongo, en pleine activité.

(© Groupe URD)

F[ Le tsunami du 26/12

NOTE

«Au nom de la communauté internationale, les Nations uniesdoivent répondre aujourd’hui à la plus grande catastrophenaturelle qu’elles aient jamais connues au cours de leurs 60ans d’histoire.» Kofi Annan, Secrétaire générale de l’ONU 

Plus de deux mois après le tsunami en Asie du Sud-Est, laCoordination humanitaire de l’ONU annonce que l’appel d’urgencede 977 millions de US $ pour les six premiers mois a déjà reçu 721millions d’US $. Le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF)et le Programme alimentaire mondial (PAM) ont reçu 100 % deleurs appels d’urgence tandis que d’autres restent sous-financés(le Programme des Nations unies pour le développement).L’assistance humanitaire bilatérale s’élève à 6,28 milliards d’US $,et provient en priorité de l’Allemagne (683 millions de US $), de la

Banque asiatique de développement (500 millions de US $), de laCommission européenne (494 millions de US $), de la France (443millions de US $), l’Australie (431 millions de US $), les Etats-Unis(354 millions de US $) et le Canada (351 millions de US $). LesEtats-Unis pourraient être en tête, s’ils confirment l’accroissementde leur contribution.

Le Programme de l’ONU pour l’environnemende reconstruire différemment afin de diminues’agit donc de commencer par dresser une topoplus vulnérables afin d’y limiter l’urbanisationsa part déjà décidé d’interdire toute constructmètres de la ligne moyenne de marée hauteTsunami - Rapid Environmental Assessement» du tourisme d’édifier les hôtels et stations blieux moins vulnérables aux inondations ou avolume des débris occasionné par le tsunamsept à dix millions de mètres cubes.

Pour plus d’informations, le rapport du PNenvironnementale préliminaire du tsunami

www.unep.org.

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Affaires stratégiques et cultures interna

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ossier

Cycle de gestionde la réponseaux crisesSource : François Grünewald - © AREION 2005

Quelles stratégies pour sauverle plus de vies possibles :

Pour réellement pouvoir sauver, il faut avoir accès aux victimes,maîtriser les savoir-faire nécessaires et avoir les moyens de tra-vailler. La mobilisation des moyens est une activité importante :les guichets sont en effet nombreux et la compétition féroce.Gare à ceux qui n’ont pas ou peu de fonds propres : ils seront àla merci des « bailleurs institutionnels ». Le vrai enjeu demeurel’accès aux victimes : accès trop souvent refusé (la Tchétchénie,mais aussi jusqu’à peu sur Aceh), parfois sur-contrôlé (Corée duNord, zone des Tigres Tamoul à Sri Lanka), rendu extrêmementdangereux par le jeu des acteurs de la violence (Somalie), de la

logistique (voir Anda Aceh ou la côte du Sri Lanka) mais aussi par-fois par la perte des repères humanitaires. Quand se mélangentsans fin militaires et humanitaires, ces derniers finissent par êtreperçus comme le bras agissant d’une des parties au conflit, il n’y arien d’étonnant à se retrouver dans le viseur : les Nations unies enIrak, les ONG et le CICR en Afghanistan ont payé un lourd tributà cette loi d’airain. L’implication manifestement politique des For-

ces armées d’origines diverses estcertes nécessaire pour des ques-tions logistiques, mais participeau brouillage des cartes…Maissurvivre aujourd’hui pour mourirdemain serait absurde. Les pro-grammes d’urgence ne doiventpas entraver la reconstruction dessociétés, des économies, des indi-vidualités. Il est parfois urgent dedonner des semences pour que lespaysans ne ratent pas les prochai-

nes pluies, de vacciner le bétail pour que cette ressource rare ne

parte pas avec la première épidémie, etc. Ce soutien aux stratégiesde survie s’avère être un des outils les plus puissants mais lesmoins bien utilisés de la palette des intervent ions possibles. Ceciest d’autant plus important que l’on est finalement de plus en plussouvent confronté à des crises qui durent, à des conflits gelés, àdes catastrophes récurrentes. Dans ces contextes, dans lesquelsles populations font souvent montre d’une grande ingéniositéet d’une énergie de vie considérable, soutenir ces stratégies desurvie devient une vraie priorité.Et puis il faudra bien trouver une sortie à la crise, à moins qu’ellene se transforme en désastre durable ou récurrent. Ces périodessont des temps éprouvants. La crise a révélé des fractures etdes antagonismes. Elle a mis à jour des trésors de générositéet des potentiels d’abomination. Il faudra vivre avec le souvenirdes blessures.

Il s’agit d’abord de soutenirles énergies positives deréhabilitation sociale et sociétale

Pour les populations qui ont vécu l’indicible ou les camps de l’exil,la reconstruction de la société est un long processus de cicatrisa-tion. On ne referme pas les plaies ouvertes dans les âmes et lescœurs par quelques décisions politiques prises à la capitale ou àNew York. Il faut en même temps éviter de « victimiser » les sur-

“ Et puis il faudra bientrouver une sortie à la

crise, à moins qu’elle ne se transforme en désastre

durable ou récurrent

vivants. L’être hu-main a d’étonnan-tes capacités decicatrisation…Il faudra recons-truire du nouveau

et non pas recons-truire à nouveau.Dans ces périodes où tout est urgent à reconstruire, il importede savoir faire des choix et d’établir des pri orités. Il s’agit notam-ment de savoir établir le diagnostic des infrastructures préexis-tantes à la crise, d’analyser ce qui de l’ordre ancien avait induit,suscité ou accentué la crise. Il s’agit en effet de ne pas investirdes ressources rares pour les remettre en état. Les mêmes causesreproduiraient les mêmes effets …

Quel Etat pour quels droitsDe même que les atteintes au Droit avant la crise p ouvaient servird’indicateur d’alerte précoce sur cette crise en devenir, la recons-truction du Droit à la sortie du désastre doit être un objectifessentiel. Dans le contexte post-conflit, l’Etat de Droit qui doitémerger doit à la fois lutter contre le syndrome d’impunité etpromouvoir pardon et réconciliation. Face à des désastres commeceux que vient de subir l’Asie, les problèmes juridiques sont aussiconsidérables en partie d’un autre ordre : pénaux, droits fonciers,

droits du travail, droits économiques et commerciaux, etc.

Cette approche globale ne s’applique pas qu’aux pays du Sud etde l’Est. Les difficultés à gérer les catastrophes en Europe montreque le cycle de gestion des désastres est un outil fondamentalpour tous dans un monde de plus en plus fragile. La croissancedémographique, la concentration des populations pauvres dansdes zones « à haut risque » et les conflits croissants pour le con -trôle des ressources rares doivent en effet nous amener à uneréelle « révolution culturelle » : celle qui met le développementde capacités de gestion des crises à venir au coeur des agendasdu développement, mais aussi des attentes de transparence quiémergent dans l’opinion publique qui a su être si généreuse. Faceà l’amplitude des moyens mobilisés, la question de la qualité

de la réponse, de l’adaptation de l’aide et de son impadéjà dans le débat public. Face à ces interrogations légitles institutions humanitaires devront se soumettre à l’exde l’évaluation. Elles ont déjà démontré dans le passé qu’étaient souvent prêtes. Les ONG prennent peu à peu consde l’importance de l’apprentissage que l’on peut faire à parleçons tirées par l’évaluation. Les services de l’Etat impdans l’utilisation de ressources considérables devront euxs’y soumettre. La Délégation à l’Action Humanitaire du Mides Affaires étrangères vient d’ailleurs tout juste de se dune doctrine dans cette direction…v

 François Grun

Enfant-réfugiélibérien en

Sierra Leone.(© Groupe URD)

Camps de réfugiés libériensen Sierra Leone.

(© Groupe URD)

“  Cette approche globalene s’applique pas qu’aux pays du Sud et de l’Est.Les difficultés à gérer lescatastrophes en Europemontre que le cycle de

 gestion des désastres estun outil fondamental pour

tous dans un monde de plus en plus fragile.

Diplomatie 13

Mars - Avril 2005Diplomatie 13

Affaires stratégiques et cultures internationales