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COURRIER JURIDIQUE DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2010 - N° 61 - 10 euros DROIT PRIVÉ La loi sur le crédit à la consommation DOSSIER FONCTION PUBLIQUE Les évolutions récentes de la protection juridique des agents publics Une nouvelle ère de démocratie sociale dans la fonction publique COMMANDE PUBLIQUE Arbitrage international : le funambulisme juridique du Tribunal des conflits Un candidat informé que son offre n’est pas retenue est délié de son engagement L’information des candidats évincés : une étape à ne pas manquer DROIT INTERNA TIONAL L’adhésion de l’UE à la CEDH : un défi pour le système conventionnel européen D I R E C T I O N D E S A F F A I R E S J U R I D I Q U E S C J F I ÉTUDE LE DYSFONCTIONNEMENT DU SERVICE PUBLIC DE LA JUSTICE LE POINT SUR… La création de l’Autorité des normes comptables et son plan stratégique Les « Restatements of the Law »

D C J F I - Le portail des ministères économiques et … · 2016-02-24 · Il n’en reste pas moins que le droit fiscal restera très probablement un des terrains de prédilection

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COURRIER JURIDIQUE DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIEJUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2010 - N° 61 - 10 euros

DROIT PRIVÉ

La loi sur le crédit à la consommation

DOSSIER FONCTION PUBLIQUE

Les évolutions récentesde la protection juridique des agents publics

Une nouvelle ère de démocratie socialedans la fonction publique

COMMANDE PUBLIQUE

Arbitrage international : le funambulismejuridique du Tribunal des conflits

Un candidat informé que son offre n’est pasretenue est délié de son engagement

L’information des candidats évincés :une étape à ne pas manquer

DROIT INTERNATIONAL

L’adhésion de l’UE à la CEDH : un défi pourle système conventionnel européen

D I R E C T I O N D E S A F F A I R E S J U R I D I Q U E S

C J F IÉTUDE

LE DYSFONCTIONNEMENT DU SERVICE PUBLIC DE LA JUSTICE

LE POINT SUR…

La création de l’Autorité des normescomptables et son plan stratégique

Les « Restatements of the Law »

Sommaire

ÉditorialLes questions prioritaires de constitutionnalité à Bercy : l’heure des premiers bilans ........... Page 155

ÉtudeLe dysfonctionnement du service public de la justicePar Jean-Paul Besson, magistrat, sous-directeur du droit privé et droit pénal(Direction des affaires juridiques) .......................................................................................... Page 157

Droit privéLoi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommationPar Claire Montfollet-Laget et Vanessa Barini (Direction des affaires juridiques) ................... Page 165

Dossier Fonction publiqueLes évolutions récentes de la protection juridique des agents publicsPar Philippe Brun, Tiphaine Petit et Maxence Delorme (Direction des affairesjuridiques) ............................................................................................................................. Page 171

Une nouvelle ère de démocratie sociale dans la fonction publiquePar Caroline Krykwinski (Direction générale de l’administration et de la fonctionpublique) ............................................................................................................................... Page 181

Commande publiqueArbitrage international : Le funambulisme juridique du Tribunal des conflitsPar Guillaume Delaloy (Direction des affaires juridiques) ...................................................... Page 187

Du bon usage de la notification du rejet des offresPar Marie-Charlotte Bontron et Guillaume Delaloy (Direction des affaires juridiques) ............ Page 195

L’information des candidats évincés : une étape à ne pas manquerPar Guillaume Delaloy (Direction des affaires juridiques) ...................................................... Page 199

Droit internationalL’adhésion de l’Union européenne à la Convention de sauvegarde des droits del’homme et des libertés fondamentales : un défi pour le système conventionnel européenPar Wiebke Trumm (Direction des affaires juridiques) ........................................................... Page 205

Le point sur…La création de l’Autorité des normes comptables et son plan stratégiquePar Jérôme Haas, Président de l’Autorité des normes comptables ...................................... Page 210

Les « Restatements of the law » en droit américainpar Pauline Girot de Langlade (Direction des affaires juridiques) ........................................... Page 212

Ce numéro est imprimé sur du papier recyclé

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010 155

Éditorial

Les questions prioritaires de constitutionnalité à Bercy :l’heure des premiers bilans

Six mois après l’entrée en vigueur de la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité(QPC), les Hautes juridictions se sont livrées à un premier bilan : 435 QPC ont été reçues par leConseil d’État et par la Cour de cassation, 58 d’entre elles ont été renvoyées au juge constitutionnel.

Si ce délai est encore trop court pour dresser un bilan complet, il permet de constater que lespremières tendances qui se sont dessinées dès les premières QPC1 soulevées se confirment.

Les ministères financiers ont été les premiers visés par les QPC – 250 au total : en effet à eux seulsils représentaient, au 1er septembre 2010, 40 % des QPC enregistrées devant le Conseil d’État,17 % des QPC enregistrées devant la Cour de cassation et 30 % de celles parvenues au ConseilConstitutionnel.

Bercy a cependant passé jusqu’ici avec succès le test constitutionnel. Fin septembre, deux déclarationsd’inconstitutionnalité seulement ont été prononcées. La première est celle relative à la décristallisationdes pensions : le Conseil constitutionnel a jugé certaines dispositions législatives instaurant unedifférence de traitement non justifiée entre titulaires de pensions civiles ou militaires de retraite étaientcontraires au principe d’égalité proclamé par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et ducitoyen. La seconde porte sur la garde à vue douanière dans laquelle le juge constitutionnel a considéréque les conditions de la retenue ne permettaient pas de concilier l’équilibre entre le maintien del’ordre public et la protection des libertés constitutionnellement garanties. Cette décision est laconséquence logique de la décision rendue sur le régime de la garde à vue judiciaire. Dans ces deuxdécisions, le Conseil constitutionnel a abrogé les dispositions litigieuses avec un effet différé afin delaisser au législateur un délai pour résoudre la contrariété constatée avec la Constitution. Les travauxde remise à niveau constitutionnelle des textes ont aussitôt été engagés.

Les terrains d’élection de la QPC restent les droits fiscal et douanier. Mais les requérants s’attaquentdésormais à l’ensemble du domaine de la régulation économique, où 30 QPC ont déjà été soulevées.

Certaines décisions du juge constitutionnel ont heureusement limité le champ des moyens opérantsen matière fiscale : ainsi, la décision n° 2010-5 QPC, « Kimberly Clark », du 18 juin 2010, écarte, enmatière fiscale, le moyen – jusque là très souvent invoqué – de l’incompétence négative du législateur.Il faut y ajouter la décision n° 2010-28, « FC Metz », relative à la taxe sur les salaires, par laquelle leConseil constitutionnel juge que l’incompétence négative, même lorsqu’elle affecte un droit ou uneliberté, ne peut être invoquée contre une disposition législative antérieure à la Constitution du4 octobre 1958.

Il n’en reste pas moins que le droit fiscal restera très probablement un des terrains de prédilection dela QPC, en raison de la multiplicité des changements législatifs qui coexistent avec des dispositifsparfois anciens et peu toilettés, ainsi bien sûr qu’en raison des intérêts financiers en jeu.

La Directrice des affaires juridiques

Catherine Bergeal

1 Voir l’éditorial du CJFI n° 60.

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010 157

Étude

L’article 11 de la loi du 5 juillet 1978, codifiéà l’ancien article L. 781-1 du code del’organisation judiciaire (COJ), disposaitque : « L’État est tenu de réparer ledommage causé par le fonctionnementdéfectueux du service de la justice. Cetteresponsabilité n’est engagée que par unefaute lourde ou par un déni de justice. »

Par une ordonnance n° 2006-673 du 8 juin2006, portant refonte du code del’organisation judiciaire et modifiant le codede commerce, le code rural et le code deprocédure pénale, ce texte a été suppriméet remplacé par un nouvel article L. 141-1.

La loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007,relative à la simplification du droit, a modifiéle COJ et dans son chapitre unique dutitre IV sur la responsabilité du fait dufonctionnement du service de la justice, aréécrit l’article L. 141-1 en indiquant que :« L’État est tenu de réparer le dommagecausé par le fonctionnement défectueux duservice de la justice. Sauf dispositionsparticulières, cette responsabilité n’estengagée que par une faute lourde ou parun déni de justice. »

Cette loi a aussi et surtout modifiél’article L. 141-2 du COJ relatif à laresponsabilité pour faute personnelle dumagistrat.

Deux systèmes juridiques de responsabilitécohabitent. Le premier reposant sur la fautede service permet d’engager directement laresponsabilité de l’État (article L. 141-1 etancien article L. 781-1, alinéa 1er), lesecond, articulé autour de la fautepersonnelle du magistrat, engage uneresponsabilité indirecte de l’État, quin’intervient qu’à titre de garantie(article L. 41-2 et ancien article L. 781-1,alinéa 2ème). Seule la première hypothèsesera évoquée ici.

Nous n’évoquerons pas non plus, le régimespécial de réparation intégrale de ladétention provisoire devenue injustifiée,institué par les articles 149 et suivants ducode de procédure pénale. Ce régime peutd’ailleurs se cumuler avec celui prévu parl’article L. 141-1 du COJ.

Afin d’éviter toute dérogation au principe deséparation des autorités judiciaires etadministratives, issu de la loi des 16 et24 août 1790, le juge judiciaire ne peutconnaître de la responsabilité de l’État, dufait du service judiciaire, que sur lefondement de l’article L. 141-1 du COJ.

En effet, en vertu de la jurisprudence duConseil d’État (CE, 29 décembre 1978), laresponsabilité de l’État du fait dufonctionnement du service public de lajustice administrative relève des juridictionsadministratives.

Concernant les actions en responsabilitédirigées contre l’État pour durée excessivede la procédure devant les juridictionsadministratives, le décret n° 2005-911 du28 juillet 2005 donne compétence enpremier et dernier ressort au Conseil d’État.

Enfin, le contentieux relatif à l’organisation duservice public de la justice judiciaire,conformément à la décision « Préfet de laGuyane » du Tribunal des conflits de 1952,relève de la compétence du juge administratif,juge habituel des dysfonctionnements duservice public.

1. Le service public de la justice

Ce texte conditionne la mise en cause dela responsabilité de l’État à l’existence d’undysfonctionnement du service public de lajustice.

Le dysfonctionnement du service public de la justicePar Jean-Paul Besson

La justice est-elle un service public comme un autre ? Chez nombre de nos voisinseuropéens, qui ont institué un médiateur ou un organisme similaire, cette autoritéindépendante est compétente pour recevoir les plaintes relatives aufonctionnement de la justice. Certains vont même plus loin et lui donnent lapossibilité de demander des sanctions. En France, sauf à réformer les pouvoirsdu Conseil supérieur de la magistrature, les dysfonctionnements de la justicejudiciaire, même en tant que service public, sont en effet régis par le code del’organisation judiciaire, et ressortent de la compétence des juridictions de l’ordrejudiciaire, et non administratives.

La responsabilitéde l’État peutêtre engagéepour une fautelourde ou undéni de justice

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010158

Étude

La jurisprudence a donné une interprétationextensive à cette notion : sont doncconcernées toutes activités du service de lajustice dans lesquelles interviennent, nonseulement les magistrats, mais aussi lescollaborateurs de ce service (greffiers,assistants, agents et officiers de policejudiciaire, bureaux d’aide juridictionnelle), quisont appelés à faire des actes juridiques oumatériels. Ainsi, « le fonctionnement duservice de la justice ainsi défini doits’entendre comme comprenant l’activité depolice judiciaire » (CA Angers, 16 juin 2004).

Il faut, néanmoins, s’assurer que ledysfonctionnement invoqué est biensurvenu lors d’opérations de police judiciaireet non administrative.

Le Tribunal des conflits a récemment estiméque « le lit ige ayant pour objet laresponsabilité de l’État sur le fondementprétendument défectueux des services depolice dans l’exercice de leur mission depolice administrative, relève de lacompétence de la juridiction administrative »(Tribunal des conflits, 12 décembre 2005).

Quant aux magistrats, qu’ils soient jugesprofessionnels ou non, à l’exemple desmagistrats du tribunal de commerce,l’article L. 141-1 leur est applicable (TGIDouai, 13 juillet 2005).

En revanche, même s’ils interviennent dansun cadre judicaire, les experts, lesmandataires-liquidateurs et les officiersministériels (notaires, greffiers des tribunauxde commerce, huissiers de justice) ne sontpas concernés par l’article L. 141-1 du COJ.

Il en est de même des experts judiciaires ;la jurisprudence estime alors que « lesexperts judiciaires ne sont pas desauxiliaires de justice, mais descollaborateurs occasionnels du servicepublic de la justice » (TGI Paris, 6 mars2002 et 10 novembre 2004).

1.1. La qualité d’usager du service

Bien que l’article L. 141-1 ne le prévoie pasexpressément, le droit de mettre en causela responsabilité de l’État pour lefonctionnement défectueux du service publicde la justice n’est accordé qu’aux usagersde ce service. L’étude de la jurisprudenceen la matière permet de distinguer deuxquestions principales :

• la question des « usagers virtuels »,

• la question des ayants droits desvictimes.

1.1.1. La question des « usagersvirtuels »

En l’absence d’une définition légale de lanotion d’usager du service public, il faut tenircompte de la nature de l’activité du serviceconsidéré. Les droits de l’usager sur ceservice ne sont effectifs que lorsqu’ildispose de la possibilité de bénéficier desprestations ou des services rendus parl’organisme qui en a la charge.

Une évolution jurisprudentielle est toutefoisintervenue dans ce domaine.

Dans un premier temps, seules les partiesau procès avaient la qualité d’usager.

Puis certaines décisions ont semblé étendrela notion d’usager du service public de lajustice à toutes les victimes de dysfonc-tionnement (TGI Évry, 16 février 2004, et CAParis, 29 mars 2004).

Désormais, l’usager est compris commecelui qui est « directement concerné » parla procédure litigieuse.

Ce qui a notamment pour conséquencequ’un « dirigeant d’entreprise dont lessociétés font l’objet d’une procédurecollective, relève de la catégorie desusagers, et non des tiers, dès lors qu’il estconcerné par la procédure à l’occasion delaquelle il a subi un dommage » (Cass.Civ. 1ère, 25 janvier 2005, Bull. n° 41). Enrevanche, un porteur de parts d’une société,par ailleurs salarié de cette structure, estirrecevable à agir en dysfonctionnementd’une procédure pénale engagée àl’encontre de la société qui a abouti à lacessation des activités de celle-ci (Cass.Civ. 1ère, 30 octobre 2006). De même,« messieurs X. n’ont pas été parties à laprocédure ayant conduit à l’ouverture d’uneprocédure de redressement judiciaire àl’égard de la SA […] les consorts X. n’ayantpas été les usagers directs du servicepublic de la justice dans le cadre de laprocédure qui fait l’objet de la présenteaction en responsabilité de l’État, il convientde déclarer irrecevable leur action » (TGIMetz, 28 juin 2006).

L’usager duservice est« directementconcerné » parla procédurelitigieuse

Le dysfonction-nement duservice public dela justice : unenotion extensive

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Étude

Ainsi donc, « ne sont pas considéréscomme des usagers du service de la justiceles personnes non visées par la procédureou qui sont des tiers à la procédure » (TGIChâlons-en-Champagne, 16 mars 2005 ;TGI Paris, 2 février 2005).

1.1.2. La question des ayants droit desvictimes

1.1.2.1. Si les ayants droit agissent enleur nom propre

Ils devaient, jusqu’à deux décisions renduespar la Cour de cassation le 16 avril 2008,remplir toutes les conditions nécessairespour bénéficier de la qualité d’usager (êtrepartie ou directement concerné par laprocédure litigieuse, avoir un préjudicepropre…).

Le 16 avril 2008, la première chambre de laCour de cassation a consacré une solutiondifférente.

Pour sanctionner les deux décisionsrendues par la cour d’appel de Lyon, lapremière chambre de la Cour de cassationreprend le même attendu de principe etfonde son raisonnement sur l’existence« d’un dommage par ricochet causé par lefonctionnement défectueux du servicepublic de la justice ».

Elle considère désormais qu’il résulte del’article L. 141-1 du COJ « que l’État esttenu de réparer le dommage personnelcausé aux victimes par ricochet par lefonctionnement défectueux du servicepublic de la justice, lorsque cetteresponsabilité est engagée par une fautelourde ou un déni de justice ».

Les victimes par ricochet sont lespersonnes qui, en raison des rapportsqu’elles entretiennent avec la victimeimmédiate d’un dommage, sont légitimesà réclamer la réparation de leur préjudicepersonnel, conséquence du dommageprincipal. Après avoir fondé la légitimité dudroit à réparation des victimes par ricochetsur l’existence d’un lien de droit caractérisépar une obligation alimentaire entre lavictime et son ayant droit1, puis d’un liende parenté ou d’alliance, les juges de laCour de cassation ont élargi le champ des

personnes éligibles à agir à ce titre. Il s’agit,bien évidemment, des proches, qui doiventnéanmoins rapporter la preuve de leursliens, affectifs ou patrimoniaux, avec lavictime dont la perte ou le dommage qu’ellea subi leur a causé un préjudice, sans quesoit toutefois exigée l’existence d’un liende droit2. C’est ainsi que l’on admetaujourd’hui, sur ce fondement, lesdemandes de fiancés, de concubins ouencore des personnes assistées par lavictime, qui leur versait des secoursréguliers.

1.1.2.2. Si les ayants droit agissent aunom du justiciable décédé

Les ayants droit peuvent également agir,même si leur auteur est décédé avant d’avoirintenté une action en dysfonctionnement duservice de la justice, au nom du justiciabledéfunt, dans la mesure où l’action endysfonctionnement du service de la justiceest une action patrimoniale et nonpersonnelle. « Le droit à réparation dudommage moral subi par une personnedéfunte, entré dans son patrimoine, setransmet à ses héritiers » (TGI Paris, 26 avril2006). La Cour de cassation ayant d’ailleursprécisé, dans un autre contexte, que l’actiondirigée à l’encontre de l’État, sur lefondement de l’article L. 781-1 a uncaractère patrimonial, susceptible d’affecterles droits des créanciers (Com., 12 juillet2004, Bull. n° 154 ; TGI Paris, 28 juin 2006).

Dans cette hypothèse, la personne au nomde laquelle ils agissent doit, néanmoins,avoir la qualité d’usager (TGI Paris,7 décembre 2005).

1.2. La prescription quadriennale

Lorsqu’elle est assignée sur le fondementde l’article L. 141-1 du COJ, comme danstous les autres types de contentieux, laDirection des affaires juridiques, dansl’exercice de sa fonction d’agent judiciairedu Trésor, examine systématiquement s’il ylieu d’opposer la prescription quadriennale.

L’article 1er de la loi n° 68-1250 du31 décembre 1968 prévoit en effet que« sont prescrites, au profit de l’État, desdépartements et des communes, sanspréjudice des déchéances particulièresédictées par la loi, et sous réserve des1 CE, 11 mai 1928, Rec. Lebon, p. 607 ; Cass. Civ.,

13 février 1937, D. P. 1938, I, 5 ; Cass. Civ., 27 juillet1937, S. 1938, 1, p. 321. 2 Chambre mixte, 27 février 1970.

La victime parricochet peutaussi êtreindemnisée

La prescriptionquadriennale,opposable danscertains cas

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010160

Étude

dispositions de la présente loi, toutescréances qui n’ont pas été payées dans undélai de quatre ans à partir du premier jourde l’année suivant celle au cours de laquelleles droits ont été acquis ».

En 2001, la Cour de cassation a aligné saposition sur celle du Conseil d’État et duTribunal des Conflits, en considérant que« la déchéance commence à courir lepremier jour de l’année au cours de laquelles’est produit le fait générateur du dommageallégué » (Ass. Plén., 6 juillet 2001, Bull.A.P. n° 9 ; Civ. 1ère, 15 juin 2004, pourvoin° 00-22218).

2. La preuve d’une fautecommise par le service publicde la justice

L’article L. 141-1 du COJ précise que laresponsabilité de l’État n’est engagée quepar une faute lourde ou par un déni dejustice.

2.1. Une faute lourde

2.1.1. Une nouvelle définition

La définition de la faute lourde a subi uneévolution jurisprudentielle. Initialement, elleétait définie en référence au comportementd’un bon magistrat, par une appréciation,in abstracto, par référence au bon père defamille du droit romain. La Cour decassation considérait donc classiquementque « la faute lourde est celle commisesous l’influence d’une erreur tellementgrossière, qu’un magistrat normalementsoucieux de ses devoirs n’y eut pas étéentraîné » (Civ. 1ère, 13 octobre 1953), ouencore celle qui révèle l’animositépersonnelle, l’intention de nuire ou quiprocède d’un comportement anormalementdéficient.

Cependant, en 2001, la Cour de cassationabandonne toute référence aucomportement des juges et adopte unedéfinition objective de la faute, qui, si elleest susceptible de permettre d’engager plusfacilement la responsabilité de l’État,correspond davantage à la philosophie del’alinéa 1er de l’article L. 781-1 du COJ. Ainsidésormais, « constitue une faute lourdetoute déficience caractérisée par un fait ouune série de faits, traduisant l’inaptitude duservice public de la justice à remplir lamission, dont il est investi » (Ass. Plén.,23 février 2001, Bull. A.P. n° 5).

La cour d’appel de Paris a caractérisé lafaute lourde par « une série d’erreurs etmanquements commis dans le cadre del’instruction […] [traduisant] l’inaptitude duservice public à remplir la mission, dont ilest investi » (CA Paris, 28 juin 2004).

Les juges examinent donc librement chacundes faits dénoncés, séparément ou dansleur ensemble. Il s’agit d’une appréciationin concreto : « la faute du service publicde la justice doit s’apprécier, in concreto,au moment où l’acte critiqué, générateur dupréjudice, est adopté » (TGI Paris,1er mars 2006).

2.1.2. Dans le cadre d’une procédurejuridictionnelle

La nouvelle définition de la faute lourde duservice public de la justice s’applique à tousles actes et toutes les phases de laprocédure juridictionnelle. La DAJ doit doncvérifier si nonobstant l’existence d’une fautecommise au cours d’une phase de laprocédure judiciaire, cette faute, replacéedans la globalité de la procédure, constitueou non une faute lourde, empêchant leservice public de la justice d’accomplir samission.

2.1.2.1. L’enquête judiciaire

Dans le cadre d’une procédure pénale, desrequérants peuvent demander réparation àl’État des préjudices qu’ils auraient subisdu fait des erreurs commises par lesenquêteurs.

La faute lourde est également invoquée quantau bien fondé et au sérieux des diligencesaccomplies par les services de policejudiciaire, à l’exemple de « constatationserronées et de diligences manifestementinsuffisantes de gendarmes enquêteurs lorsd’un grave accident de la circulation, ayantde ce fait retardé l’indemnisation de lavictime », qui ont été qualifiées de fautelourde (CA Paris, 13 décembre 1990).

De même, si « les moyens existants pourrechercher l’auteur de l’enlèvement desenfants et empêcher la commission d’uncrime n’ont pas été employés », il convientde considérer qu’en l’espèce « la carencedes services de police a gravementcontribué à la mort tragique des deuxenfants, leur faisant ainsi perdre uneimportante chance de survie. Les montants

La faute lourdeest appréciée inconcreto

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010 161

Étude

des indemnisations sollicitées par lademanderesse apparaissent légitimes »(TGI Paris, 15 juin 1999).

2.1.2.2. Le Ministère Public

L’existence d’une faute lourde est rarementretenue dans le cadre de l’activité duparquet.

En effet, les requérants ne peuvent mettreen cause la décision du parquet de classersans suite, en raison du principe selonlequel le parquet est maître de l’opportunitédes poursuites. Dans ces conditions,sa responsabilité n’est quasimentjamais engagée sur le fondement del’article L. 141-1 du COJ.

2.1.2.3. Les actes d’instruction

Au cours de l’instruction, des fautes peuventêtre commises mais elles n’engagent laresponsabilité de l’État que si elles ont faitobstacle à la bonne exécution de la missionde service public de la justice. L’absence deperspicacité du magistrat instructeur surl’irrégularité de sa saisine ne constitue pasune faute lourde, au sens de l’article L. 781-1du COJ (CA Lyon, 18 mars 2004).

En revanche, « l’oubli de faire une copie decertaines pièces du dossier, alors mêmeque l’article 81 du code pénal en faitl’obligation, constitue une faute lourde, étantdonné que l’instruction du dossier a étéretardée par cette omission, ces piècesayant disparu sans explications » (TGI Paris,5 janvier 2000).

2.1.2.4. Les scellés

La mesure proprement dite de saisie neconstitue pas, en général, une faute lourde.Une mesure d’apposition des scellés peuttoutefois donner lieu à une indemnisation,sur le fondement de la rupture d’égalité descharges.

« Considérant que c’est à bon droit que lespremiers juges ont décidé qu’aucune fautelourde traduisant l’inaptitude du servicepublic de la justice à remplir la mission dontil est investi n’avait été commise àl’occasion du placement sous scellés deslocaux et du matériel appartenant àl’association C. ; qu’en effet la mesureordonnée trouve sa justification dans lesnécessités de l’information pénale menée

par le magistrat instructeur auquel aucuncomportement fautif ne peut être reprochétant dans l’appréciation du bien fondé de lamesure que dans les conditions de sa miseen œuvre » (CA Paris, 24 mars 2003).

Il n’en va pas de même pour la conservationet la procédure de restitution des scellés.

« L’impossibilité d’exécuter la restitutionordonnée en raison de la disparition au greffedu tribunal de grande instance de Nice desscellés en cause constitue une faute lourde,en tant que déficience caractérisée » (CAAix-en-Provence, 13 février 2003, confirmépar Cass. Civ. 1ère, 18 mai 2005).

2.1.2.5. Le fond des décisions

Les décisions prises par les juges du siègesont régulièrement mises en cause, maisseule la façon dont ils ont pris leur décisionpeut être contestée sur le fondement del’article L. 141-1 du COJ. La décision, elle-même, ne peut être attaquée que parl’exercice des voies de recours existantes.

« L’erreur de droit commise par le JAF, sielle peut entraîner la censure desjuridictions de second degré ou de la courde cassation, ne peut cependant pas suffireà établir une faute lourde et à engagerconsécutivement la responsabilité de l’État.Ainsi, si une erreur de droit a, en effet, étécommise, il semble cependant excessif derelever, de ce seul fait, l’existence d’unefaute lourde commise par les magistrats,engageant ainsi la responsabilité de l’État »(TGI Reims, 29 avril 2003).

2.1.2.6. Le déroulement du procès

Les justiciables contestent aussi ledéroulement des procès et le non-respect desprincipes fondamentaux de bonne justice surle fondement de l’article L. 141-1 du COJ,comme l’exigence d’un procès équitable (CAParis, 22 octobre 2002), le respect du secretdu délibéré (TGI Avranches, 17 juillet 2003)ou du principe du contradictoire (CA Nancy,22 novembre 2004). Mais il a été jugé que leservice public de la justice avait fonctionnénormalement, « même si la décision finalene convient pas au demandeur », dans lamesure où « monsieur L. a eu tout le loisir depréparer son argumentation et qu’il a eu unprocès équitable » (TGI Albi, 17 mai 2006).

L’article L. 141-1du COJ permetseulement decontester lafaçon dont ladécision est prise

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010162

Étude

De nombreux requérants invoquentl’article 6 de la Convention européenne desdroits de l’Homme (CEDH), selon lequel« toute personne a droit à ce que sa causesoit entendue équitablement, publiquementet dans un délai raisonnable, par un tribunalindépendant et impartial établi par la loi,qui décidera soit des contestations sur sesdroits et obligations de caractère civil, soitdu bien fondé de toute accusation enmatière pénale dirigée contre elle ».

2.1.3. Pour des actes se rattachant àl’activité juridictionnelle

Les justiciables invoquent, également, unefaute lourde commise à l’occasion d’actesse rattachant à l’activité du greffe, du faitdes carences ou erreurs commises parcelui-ci.

La faute lourde peut être constituée par leretard pris par le greffe, pour la délivranced’une décision : « Compte tenu de l’urgenceassortissant l’ordonnance de référé allouantune provision à la demanderesse le délaide plus d’un mois observé par le secrétariatdu greffe du service commercial du tribunalde grande instance de Carpentras pour ladélivrance de l’ordonnance de référé du6 mars 2002 est excessif et caractérisel’inaptitude du service public de la justice.Le lien de causalité entre la faute et lepréjudice résulte de l’impossibilité d’obtenirl’exécution de la décision du fait de latardiveté de la délivrance de l’ordonnancede référé » (TGI Paris, 7 janvier 2004).

De même, « la tardiveté de la transcriptionpar le Greffe du jugement de curatelle estconstitutive d’une faute lourde » (TGI Nîmes,26 mars 2001) ou encore « en raison de ladifférence patente entre les sommesannoncées et celles fixées par la décisionécrite » (TGI Montpellier, 5 mars 2002).

« L’exécution d’une partie d’un jugement nonencore exécutoire par un fonctionnaire dejustice qui n’avait pas qualité pour y procédermarque l’inaptitude du service public de lajustice à remplir sa mission » (TGI Aix-en-Provence, 9 décembre 2004).

2.2. Un déni de justice

L’article L. 141-1 du COJ permet l’engagementde la responsabilité de l’État aussi en cas dedéni de justice. Celui-ci peut s’entendre durefus de répondre aux requêtes ou de lanégligence du juge à juger les affaires en l’état

et aussi, plus largement, de tout manquementde l’État à son devoir de protection juridiquede l’individu et notamment du justiciable, endroit de voir statuer sur ses prétentions, dansun délai raisonnable, conformément auxstipulations de l’article 6 de la Conventioneuropéenne des droits de l’homme.

2.2.1. Refus de répondre ou négligence

Le refus du juge de répondre aux requêtesou sa négligence à juger les affaires en l’étatsont constitutifs d’une faute lourde, sauf àdémontrer que les requérants n’ont pasexercé toutes les voies de recours quiauraient permis de pallier une éventuellenégligence.

« Attendu que l’indemnisation contre l’Étatpour déni de justice n’est ouverte qu’au profitdes parties qui ont fait preuve d’une diligencenormale pour utiliser toutes les voies de droitqui leur sont offertes ; qu’il convient pourapprécier l’étendue de cette obligation detenir compte de leur compétence juridique.Attendu que la SA en cause disposaitmanifestement des conseils nécessairespour avoir connaissance des voies de droitqui lui étaient ouvertes ; attendu qu’il résultede ces explications que la SA a négligéd’utiliser une voie de droit qui lui était ouverte,qu’elle ne peut donc invoquer le déni dejustice » (CA Chambéry, 2 mars 2004).

« Attendu que le refus d’informer pris dansles conditions de l’article 86 du CPP etsoumis à l’exercice des voies de recours nesaurait constituer un refus ou une carencedu juge à répondre aux requêtescaractérisant le déni de justice ; que la simpleomission de statuer qui procède d’une erreurd’appréciation susceptible d’être réparéecomme en l’espèce par l’exercice des voiesde recours prévues à cet effet, ne peut àelle seule caractériser le déni de justice »(TGI Paris, 16 juin 2004).

Néanmoins, il y a déni de justice, lorsque« l’absence de réponse aux requêtes demadame G, et de manière générale lesilence des magistrats, caractérise unmanquement de l’État à son devoir deprotection juridictionnelle de l’individu » (TGIMontpellier, 21 mars 2006).

2.2.2. Délais déraisonnables

À titre liminaire, il convient de souligner quele caractère raisonnable ou non du délai dela procédure est examiné avec plus de

Le refus derépondre auxrequêtes ou lanégligenceconstituent undéni de justice

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010 163

Étude

sévérité, dans les contentieux mettant encause le droit du travail : un délai de trente-trois mois entre la saisine d’une cour d’appelet l’arrêt ne pouvait pas être considérécomme raisonnable « pour le traitementd’un contentieux du droit du travail quiimplique une célérité particulière » (TGIParis, 7 septembre 2005).

Toutefois, lorsque le moyen du délaidéraisonnable est soulevé, trois argumentspeuvent être opposés : la complexité del’affaire, le comportement du requérant et lecomportement des autorités compétentes(TGI Bordeaux, 12 décembre 2006).

Une juridiction a, en effet, considéré que« le délai raisonnable de la procédures’apprécie notamment en fonction ducomportement du requérant et de celui desautorités compétentes ; les retards dont seplaint le requérant résultent principalementde quatre changements d’avocats désignéspar l’aide juridictionnelle pour l’assister, etégalement des demandes qu’il a adresséesau Procureur Général de Pau puis auProcureur Général près la Cour decassation pour solliciter le renvoi à une autrejuridiction de l’information suivie sur saplainte avec constitution de partie civile ;le demandeur n’établit pas dans cesconditions l’existence des fautes lourdesqu’il invoque et sera débouté de sesprétentions à l’encontre de l’État » (TGIParis, 18 décembre 2002).

Par ailleurs, il a été « jugé que les délaisobservés par les juridictions judiciairesavaient été raisonnables au regard de lacomplexité du litige laquelle résultait tant desmesures d’instruction et des demandes desursis à statuer, sollicitées par monsieur V.que de l’imbrication des procédures civiles,pénales et administratives et des voies derecours exercées par les parties […] que parces constatations objectives des raisonsexpliquant la longueur de la procédure […]elle a légalement justifié sa décision »(Civ. 1ère, 22 mars 2005, Bull. n° 149).

En outre, toute cette jurisprudencenationale est sous tendue par les exigencesde la Cour européenne des droits del’homme en matière de procès équitable quidétermine notamment les délais excessifsde jugement au regard des dispositions del’article 6 de la Convention de sauvegardedes droits de l’homme et des libertésfondamentales du 4 novembre 1950.

Pour engager la responsabilité de l’État, ilfaut nécessairement démontrer l’existenced’une faute, d’un préjudice direct et certainet d’un lien de causalité entre cette faute etce préjudice.

3. La preuve du préjudice

3.1. Un préjudice direct et certain

Le requérant doit démontrer l’existence d’unpréjudice direct et certain. Ainsi, seradéboutée, de sa demande en réparation,l’appelante qui « ne caractérise ni une fautelourde de nature à engager la responsabilitéde l’État pour le fonctionnement défectueuxdu service de la justice, ni même la réalité dupréjudice que lui aurait causé le manquementqu’elle dénonce » (CA Paris, 26 janvier 2004).Un jugement rappelle également que « pourengager la responsabilité de l’État, lesdemanderesses doivent non seulementcaractériser la faute lourde mais démontrerl’existence d’un préjudice certain, en rapportde cause à effet avec cette faute ; qu’ils’ensuit que les demanderesses quisuccombent dans la démonstration de leurpréjudice doivent être déboutées del’intégralité de leurs prétentions » (TGINanterre, 18 juin 2003).

En revanche, « considérant qu’à raison dela perte de confiance en l’institution judiciairechargée d’élucider les circonstances de lamort de son fils qui a été nécessairementprovoquée chez monsieur X. par cesdéfaillances, fussent-elles intervenues dansle déroulement de la procédure ouverte pouratteinte à l’intimité de la vie privée, celui-cia subi un préjudice moral qui seraintégralement réparé par l’allocation d’unesomme de 15.000 euros » (CA Paris,28 avril 2003).

De même, la cour d’appel de Paris a estiméque la victime d’un viol avait subi un préjudiced’un fait du dysfonctionnement de la justice,dans la mesure où, alors que son agresseuravait été condamné à de la prison par unecour d’assises, le non-respect du délai devingt jours pour statuer sur la demande demise en liberté en attendant le procèsd’appel a entraîné automatiquement laremise en liberté de l’agresseur condamné,lequel s’est alors soustrait à la justice (CAParis, 14 juin 2004, confirmé par Cass.Civ. 1ère, 4 juillet 2006, Bull. 1, n° 347).

Le préjudice doitréellementexister et ne pasêtre encoreréparé pour êtreindemnisable

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010164

Étude

3.2. Un préjudice indemnisable denature variée

Le préjudice allégué peut tout d’abord êtremoral, à l’exemple « des angoissesmultiples liées à la longueur de laprocédure » (TGI Fontainebleau, 31 octobre2001), « de la tension psychologiquerésultant de la durée excessive de laprocédure et de l’incertitude de l’exercicede la voie d’appel » (TGI Paris, 15 mars2006), ou encore d’une atteinte à la dignité :« notable dans la bourgade où il n’a cesséd’exercer son activité de cardiologue, ladignité du docteur D. a été gravemententamée par les procédés d’investigationcritiquables util isés par le juged’instruction » (TGI Paris, 2 mai 2002).

Ensuite, le préjudice subi peut avoir uncaractère matériel, tel que les préjudicesde « perte de revenus liés à l’exploitationhôtelière, la disparition du fonds decommerce, les pertes de revenus duménage depuis le jugement de liquidationjudiciaire, les pertes dues à la disparitionprogressive du chiffre d’affaires durestaurant » (CA Angers, 11 septembre2002). De même, les frais financiersengagés du fait d’un dysfonctionnementjudiciaire sont indemnisables (CA Nîmes,19 décembre 2002). Bien sûr, la non-restitution de biens saisis sera indemnisée,par équivalent en argent : « le préjudicefinancier des demandeurs est égal à la valeurdes bijoux qui n’ont pu leur être restitués »(TGI Marseille, 11 janvier 2001).

Le préjudice subi peut aussi s’analyser enune perte de chance, exemple : « la perte d’undossier a privé les consorts V. de la chanced’obtenir de la juridiction pénale un titreexécutoire » (CA Nîmes, 19 décembre 2002).

3.3. Un préjudice qui n’a pas encoredonné lieu à indemnisation

Le préjudice ne doit pas avoir été déjàindemnisé, dans le cadre d’autres instances.

Par ailleurs, la Cour de cassation est venuepréciser que l’État, condamné sur lefondement de l’article L. 781-1 du COJ, nepeut être considéré comme une des« personnes responsables du dommagecausé par l’infraction ou tenues à un titrequelconque d’en assurer la réparation totaleou partielle » au sens de l’article 706-11 ducode de procédure pénale. Dans ces

conditions, le Fonds de Garantie desvictimes d’actes de Terrorisme et d’autresInfractions n’est pas fondé à engager uneaction récursoire contre l’AJT pour paiementdes sommes versées à la victime de cetteinfraction, car la faute lourde est sansrapport avec l’infraction ayant ouvert le droità l’indemnisation par la CIVI (Civ. 2ème,5 juillet 2006, Bull. n° 186).

3.4. L’existence d’un lien de causalitéentre la faute et le préjudice

« La consécration de la faute lourde ne peutentraîner l’indemnisation du préjudice invoquépar la demanderesse que pour autant quecelle-ci rapporte la preuve, qui lui incombe,de l’existence d’un préjudice avéré en relationde causalité avec ce fonctionnementdéfectueux du service de la justice. Le liende causalité entre la faute et le préjudicerésulte de l’impossibilité d’obtenir l’exécutionde la décision du fait de la tardiveté de ladélivrance de l’ordonnance de référé » (TGIParis, 7 janvier 2004).

Ainsi, il a été jugé qu’« aucun dommagen’étant démontré comme résultant du longdélai écoulé avant de clôturer la procédurede liquidation judiciaire le concernant, il seradébouté de sa demande en dommages etintérêts, sans même qu’il soit nécessairede rechercher si ce retard mérite laqualification de faute lourde » (TGIPérigueux, 12 septembre 2006, confirmé parCA Bordeaux, 7 janvier 2008).

Au 20 septembre 2010, la DAJ a en stock775 dossiers sur le fondement del’article L. 141-1 du COJ. Ce chiffre a trèsfortement augmenté depuis 2000 puisqu’ilétait de 385 initialement pour passer à 444en 2005. Le nombre annuel de saisines aégalement subi une augmentation notable,étant de 136 en 2000, 157 en 2004, 167en 2005, et avoisinant les 200 enseptembre 2010. Pour autant, le nombredes condamnations de l’AJT sur cefondement reste relativement faible et lessommes allouées aux requérants sont trèsen deçà de leurs demandes initiales.

Jean-Paul Besson, magistrat, sous-directeur du droit privé et droit pénal(Direction des affaires juridiques)

Il est nécessaireque la faute duservice de lajustice soit àl’origine directedu préjudice

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010 165

Droit privé

La loi relative au crédit à la consommation,publiée le 2 juillet 2010, avait pour objectifinitial de transposer en droit français ladirective européenne du 23 avril 2008concernant les contrats de crédit auxconsommateurs1. Bien que d’harmonisationmaximale, cette dernière ne modifie pourtantpas radicalement les dispositionsstructurantes de la législation nationale,relative au crédit à la consommation2. Lelégislateur a, néanmoins, saisi cetteopportunité pour aller plus loin qu’une simpletransposition et opérer également, dans uncontexte d’augmentation du nombre dedossiers liée à la hausse du chômage, uneréforme de la procédure de traitement dusurendettement des particuliers. Le lien entrecrédit à la consommation et surendettementn’est pas neutre. Le législateur a pensé qu’enaméliorant la réglementation du crédit à laconsommation, en particulier des crédits pluscomplexes comme le crédit renouvelable, onpourrait limiter le surendettement3. À ces deuxgrands axes se sont ajoutées d’autresdispositions, parmi lesquelles la préfigurationd’un fichier positif est celle qui a fait l’objetdes plus importants débats.

1. Les dispositions relatives aucrédit à la consommation ontpour objectif d’assurer uneplus grande protection del’emprunteur

Comme l’a précisé le ministre del’économie, de l’industrie et de l’emploidevant l’Assemblée nationale lors de ladiscussion générale du texte, cette loi n’apas vocation à décourager le crédit à la

consommation, qui est un outil utile etindispensable aux ménages (plus de 30 %des Français détiennent un tel crédit) et unmoteur de croissance (les dépensesfinancées par le crédit à la consommationreprésentent environ 5 % du PIB). La loi nebouleverse donc pas fondamentalement ledispositif existant, mais elle modifie tousles éléments de la chaîne du crédit à laconsommation, pour la rendre plusprotectrice du consommateur4.

1.1. Le législateur a étendu le champd’application des règles relativesau crédit à la consommation

Le code de la consommation ne donnait nide définition du crédit à la consommation,ni de liste des opérations relevant de cettecatégorie. Le législateur a intégré la listedes définitions de la directive, permettantainsi de délimiter un champ d’applicationtrès large de ces règles (article L. 311-1 ducode de la consommation) comprenant toutcrédit sous la forme de prêt, mais aussi dedélai de paiement, de découvert ou de touteautre facilité de paiement similaire, concluà titre onéreux ou à titre gratuit(article L. 311-2).

Le principe d’application des règles relativesau crédit à la consommation reste identique :tous les crédits accordés aux consommateursrelèvent des règles du crédit à laconsommation, sauf ceux qui en sontexpressément exclus5. L’objectif degénéralisation de l’application de laréglementation relative au crédit à laconsommation a conduit le législateur àréduire la liste des exclusions figurant àl’article L. 311-3 du code de la consommation.Sont ainsi exclus les crédits dont le montanttotal est inférieur à 200 euros ou supérieur à75.000 euros. Le relèvement du plafond qui

La loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réformedu crédit à la consommation

Par Claire Montfollet-Laget et Vanessa BariniDéposé le 9 avril 2009 devant le Sénat, le projet de loi relatif au crédit à laconsommation a été adopté sans modification en deuxième lecture par le Sénat le21 juin 2010. Promulguée le 1er juillet, cette loi porte sur le crédit à la consommation,la procédure de surendettement et le fichier relatif aux incidents de paiement.

1 Directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 concernantles contrats de crédit aux consommateurs.2 Même si elle rendait nécessaire de modifier unpan du code de la consommation consacré à cesujet, notamment pour y introduire les définitionsde prêteur, d’emprunteur, d’opération de crédit.3 Travaux de la commission spéciale chargéed’examiner le projet de loi portant réforme du crédità la consommation, présidée par monsieur PhilippeMarini, séance du 29 avril 2009.

4 Alain Gourio, « La réforme du crédit à laconsommation », La semaine juridique Entrepriseset Affaires n° 29, 22 juillet 2010, 1675.5 Alain Gourio, « Un nouveau cadre juridique pourle crédit à la consommation », Revue Banque,n° 726, juillet-août 2010.

La loi réforme à lafois le crédit à laconsommation etle traitement dusurendettementdes particuliers

Mieux protégerl’emprunteur enétendant lechamp des règlesdu crédit à laconsommation

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010166

Droit privé

était de 21.500 euros est considérable :nombreux sont les crédits qui vont tombersous l’emprise du texte alors qu’ils ne l’étaientpas. De même, le champ d’exclusion à raisonde la durée6 et de l’objet7 est réduit.

Certes, les crédits immobiliers et de travauxde construction, qui étaient exclus, ledemeurent. Mais les crédits souscritsuniquement pour des travaux de rénovationou d’amélioration d’un immeuble ne sontpas mentionnés, ce qui signifie que c’estle montant du crédit qui sera pris enconsidération. Ils relèveront du crédit à laconsommation, dès lors que leur montantsera inférieur ou égal à 75.000 euros. Ilsseront soumis aux dispositions du créditimmobilier au-delà.

Enfin, la loi a comblé le vide juridique enmatière de regroupement de crédit,désormais doté d’un statut juridique propre(article L. 313-15). Le regroupement decrédit consiste à substituer un contrat decrédit unique à plusieurs contrats existantsde durée, de taux et parfois de naturedifférente (crédit à la consommation et créditimmobilier) : le prêteur, qui effectue leregroupement de crédit, rembourse lemontant dû au titre des crédits directementaux prêteurs initiaux. Le régime juridiqueinstitué est le suivant : lorsque le nouveaucrédit résulte d’un regroupement de créditsde même nature, il est soumis au régimedes contrats d’origine. Ainsi, unregroupement de crédits à la consommationest soumis aux règles du crédit à laconsommation, même lorsque le montantdu nouveau crédit est supérieur au plafonddes 75.000 euros (article L. 311-3, 2°). Demême, un nouveau crédit qui résulte d’unregroupement de crédits immobiliers serasoumis au régime du crédit immobilier.Lorsque les crédits regroupés sont descrédits de nature différente, le régime

juridique, applicable au nouveau contrat,dépendra de la part relative du créditimmobilier dans le nouveau crédit8.

1.2. L’information des emprunteurs estrenforcée

La loi renforce les obligations du prêteur,durant la période précédant la formation ducontrat.

Pour que les consommateurs aient accèsde manière certaine aux informationsessentielles concernant les offres de crédit,la publicité est mieux encadrée (articlesL. 311-4 et L. 311-5). La publicité chiffréedevra mentionner, de façon claire, précise etvisible, une liste exhaustive d’informationsessentielles, à l’aide d’un exemplereprésentatif. Toute publicité écrite devrarespecter des exigences formelles (taille decaractère, emplacement sous formed’encadré), pour rendre plus lisibles lesinformations essentielles, en particulier lecoût du crédit. Ainsi, les informationsrelatives au taux annuel effectif global, aumontant dû par l’emprunteur et au montantdes échéances devront figurer dans une taillede caractère supérieure à tout autre typed’information chiffrée (par exemple un tauxpromotionnel) et s’inscrire dans le corpsprincipal du texte.

À ce nouveau cadre de la publicité sontajoutées deux mesures, non requises par ladirective et présentées comme des avancéesmajeures lors des débats parlementaires :l’obligation d’insérer dans toute publicité lamention suivante « Un crédit vous engage etdoit être remboursé. Vérifiez vos capacitésde remboursement avant de vous engager »et l’interdiction de laisser entendre que « leprêt améliore la situation financière del’emprunteur, entraîne une augmentation desressources, constitue un substitut d’épargneou accorde une réserve automatique d’argentimmédiatement disponible, sans contrepartiefinancière identifiable ».6 Les opérations de crédit consenties pour une

durée totale inférieure ou égale à trois mois serontdésormais exclues du champ d’applicationuniquement lorsqu’elles ne seront assorties d’aucunintérêt ou d’aucuns frais ou seulement de frais d’unmontant négligeable (article L. 313-3, 4°) et lorsqu’ils’agira d’autorisation de découvert remboursabledans un délai d’un mois (article L. 313-3).7 Les prêts, contrats et opérations de crédit passésen la forme authentique ne sont plus exclus duchamp d’application des règles relatives au crédit àla consommation.

8 Si la part relative des crédits immobiliers estsupérieure à un seuil fixé par décret, le nouveaucontrat sera soumis aux règles du crédit immobilier.Lorsque cette part sera inférieure à ce seuil, il serafait application du régime du crédit à laconsommation ; le décret n° 2010-1004 du 30 août2010 détermine ce seuil (C. consom., article R. 313-11 nouveau : il est atteint lorsque la part des créditsimmobiliers représente 60 % du montant total del’opération de regroupement de crédits.

Le regroupementde crédits soumisà un régimejuridique propre

Des emprunteursmieux informéssur le fonction-nement d’uncrédit à laconsommation

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010 167

Droit privé

Aucune disposition n’a été prévue par ladirective en ce qui concerne le créditrenouvelable, mais le législateur lui aconsacré une attention particulière9. La loiprévoit qu’un crédit renouvelable devra êtredénommé, en tant que tel, dans toutdocument publicitaire (article L. 311-16).

Enfin, la loi innove en matière d’informationprécontractuelle, qui devra être donnée aucandidat emprunteur. Elle instaure denouvelles règles touchant à la création d’undocument spécifique d’informationprécontractuelle. Désormais, avant que leconsommateur ne soit lié par un contrat decrédit, une fiche d’information distincte del’offre et du contrat devra lui être remise(article L. 311-6). Il s’agit de donner àl’emprunteur les informations nécessairesà la comparaison des différentes offresémanant de différents prêteurs en Franceou en Europe, pour qu’il puisse déterminerquel crédit sera le plus avantageux pour lui10

et lui permettre d’appréhender l’étendue deson engagement.

1.3. La réforme aménage aussi lesconditions générales de formationet d’exécution du contrat

Conformément à la directive, la loi imposedeux nouvelles obligations au prêteur : undevoir d’explication et un devoir devérification de la solvabilité. Le devoird’explication consiste à expliquer auconsommateur, si le crédit est adapté à sesbesoins et à sa situation financière et àattirer son attention sur les caractéristiquesessentielles du crédit ainsi que sur lesconséquences que ce crédit peut avoir sursa situation financière, y compris en casde défaut de paiement. Cette nouvelleobligation du prêteur va au-delà du devoirde mise en garde dégagé par lajurisprudence de la Cour de cassation, quis’imposait au prêteur pour les seulsemprunteurs non avertis11.

L’obligation de vérification de la solvabilitéde l’emprunteur a conduit le législateur àsubstituer à « l’évaluation » une « vérifi-cation » de celle-ci, à partir d’un nombresuffisant d’informations fournies parl’emprunteur (article L. 311-8). Il a aussicontraint le prêteur à consulter le fichier desincidents de paiement des particuliers12

(article L. 311-9).

Le prêteur qui ne respecterait pas cesobligations s’expose à la déchéance de sondroit à intérêts, la sanction étant laissée àl’appréciation du juge. Le juge seravraisemblablement amené à préciserjusqu’où le prêteur doit se renseigner etjusqu’où va désormais son obligation devérifier la solvabilité de l’emprunteur.

L’offre de contrat de crédit, qui en casd’acceptation de l’emprunteur deviendra lecontrat de crédit, doit être établie, par écrit,sur un document distinct de tout documentpublicitaire (article L. 311-18). Le contrat estaussi affecté par de nouvelles exigencesde forme, telles que l’obligation d’introduireun encadré récapitulant les caractéristiquesessentielles du crédit et par des exigencesde contenu telles que la mention desconditions d’exercice du droit de rétractationet du droit de résiliation. La liste desinformations figurant dans le contrat serafixée par décret en Conseil d’État. Autreinnovation, le droit de rétractation del’emprunteur passe de 7 à 14 jours(article L. 311-12). S’agissant de lacatégorie particulière du crédit renouvelable,la loi introduit l’obligation de prévoir unamortissement minimal du capital empruntéà chaque échéance, ainsi que l’obligationpour le prêteur d’obtenir un consentementexprès de son client pour reconduire uneouverture de crédit qui n’a fait l’objetd’aucune utilisation pendant deux ans. Cesdispositions ont pour but de limiter la duréedes crédits renouvelables, voire d’y mettrefin (article L. 311-16).

Le législateur a aussi posé de nouvellesconditions d’exécution du contrat eninstaurant de nouvelles obligationsd’information (information annuelle sur lecapital restant dû, information spécifique en

9 Le décret n° 2010-1005 du 30 août 2010 est venupréciser le contenu et les modalités de présentationde l’exemple représentatif utilisé pour les publicitésportant sur des crédits renouvelables.10 L’article L. 311-6 renvoie à un décret en Conseild’État le contenu des informations devant figurerdans la fiche standardisée, conformément audocument figurant en annexe de la directive.11 Cass, 1ère Civ., 24 septembre 2009, n° 2009-049540 : le prêteur a un devoir de mise en garde del’emprunteur non averti au regard de ses capacitésfinancières et des risques d’endettement.

12 Le législateur n’a donc pas retenu de seuil desolvabilité (de 30 ou 40 % des revenus par exemple)car la capacité de remboursement des ménagespeut varier en fonction des ressources, mais surtoutdes dépenses courantes du ménage.

Faciliter lacomparaisonentre lesdifférentes offresde crédit

Une plus grandeformalisationpour lasouscription etl’exécution ducontrat de crédit

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010168

Droit privé

cas de modification du taux variable ourévisable) et en modifiant le régime duremboursement anticipé en réintroduisantla possibilité pour le prêteur de percevoirune indemnité de remboursement(articles L. 311-21 et L. 311-22).

2. L’amélioration du dispositif detraitement du surendettement

Le nombre de dossiers de surendettementa enregistré une forte hausse, passant d’unemoyenne de 70.000, entre 1991 et 1995, àune moyenne de 185.000, entre 2004et 2008, pour atteindre 216.400 en 200913.Pour faire face à cette forte augmentationdu nombre de dossiers, tout en accélérantles procédures de surendettement pourfaciliter le rebond des personnes endettées,le titre IV de la loi a modifié en profondeur laprocédure. Pour parvenir à ce résultat, lelégislateur a renforcé les pouvoirs descommissions de surendettement, qui sontdes organes administratifs, en recentrant lescompétences du juge sur les actes les plusimportants.

2.1. Les pouvoirs des commissions desurendettement sont étendus

L’essentiel des nouveautés concerne lesprérogatives de la commission desurendettement dans le cadre desprocédures de traitement du surendettement.

2.1.1. Dans le cadre des mesures detraitement du surendettement ordinaires, lacommission recherche, en premier lieu, unaccord entre la personne surendettée etl’ensemble de ses créanciers en vue del’élaboration d’un plan conventionnel deredressement14.

Le législateur a confié à la commission denouvelles prérogatives, en accentuant sonpouvoir de décision, lorsque le plan deredressement ne recueille pas l’accord detoutes les parties.

En effet, les recommandations de lacommission devaient, en vertu desanciennes dispositions législatives, êtresoumises à l’homologation du juge del’exécution. Constatant qu’en pratique, lesrecommandations de la commission étaientpresque systématiquement homologuées,le législateur lui a donné la possibilité deles imposer, sans qu’il ne soit plusnécessaire que le juge leur donne forceexécutoire (article L. 331-7). Cette optionest ouverte, dès lors que le plan ne portepas atteinte au capital de la créance, c’est-à-dire dans le cas de mesures derééchelonnement de dettes, d’imputationprioritaire de paiement sur le capital, deréduction du taux d’intérêt et de suspensionpendant deux ans et d’exigibilité descréances autres qu’alimentaires.

Bien que ces mesures puissent êtreimposées sans l’aval du juge, les partiespeuvent les contester devant le juge del’exécution, dans les quinze jours de lanotification de la décision qui leur sera faite(article L. 332-2).

Pour les mesures portant les atteintes lesplus importantes aux droits des créanciers(la vente forcée ou la cession amiable dulogement, l’effacement partiel des dettes),l’homologation par le juge reste nécessaire.

2.1.2. La procédure de rétablissementpersonnel instituée par la loi du 1er août 2003a instauré une sorte de « faillite civile », quipeut être prononcée, lorsque le débiteur setrouve dans une situation irrémédiablementcompromise, c’est-à-dire dans laquelle lesmesures ordinaires de traitement dusurendettement ne permettent pas derésoudre ses difficultés financières. Cette

13 Cour des comptes, Rapport public 2010, « La luttecontre le surendettement des particuliers : unepolitique publique incomplète et insuffisammentpilotée » , page 461, et Banque de France,statistiques du surendettement.14 Instituée dans chaque département au sein desservices de la Banque de France, la commission desurendettement a pour mission de traiter unesituation de surendettement en recherchant unaccord entre le surendetté et l’ensemble de sescréanciers. Si un accord est trouvé et accepté parl’ensemble des créanciers, la commission a lepouvoir de valider le plan. En cas d’échec, elle ne[Suite en bas de colonne suivant]

[Suite du bas de colonne précédent]peut élaborer que des recommandations, dont laforce exécutoire est donnée par le juge. Par ailleurs,si la commission considère que les difficultésfinancières sont trop graves (« situation irrémé-diablement compromise »), elle peut d’emblée,préconiser l ’orientation du dossier vers uneprocédure judiciaire de rétablissement personnelqui aboutit à l’effacement total des dettes encontrepartie de la vente des biens.

Un pouvoir dedécision renforcépour lescommissions desurendettement

Faciliter la sortiedu surendet-tement pour lespersonnesconcernées

Le recours à laprocédure derétablissementpersonnel

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010 169

Droit privé

procédure, qui ne peut être menée quedevant un juge, permet au débiteur debénéficier d’un effacement total de sesdettes. Il en a résulté pour les juridictionsun afflux massif de dossiers, alors qu’iln’existe pas toujours d’actif liquidable.

Soucieux d’accélérer le déroulement etl’issue des procédures, le législateur a accrule rôle de la commission, en fonction dupatrimoine de la personne endettée. Lorsquele patrimoine est inexistant ou quasimentinexistant, la commission pourra désormaisrecommander l’ouverture d’une procédure derétablissement personnel, sans liquidationjudiciaire (article L. 330-1). Saisi d’une tellerecommandation, le juge devra contrôler larégularité et le bien fondé de cette mesureet lui donner force exécutoire, ce qui aboutiraà l’effacement total des dettes15. À l’inverse,lorsque le débiteur, en situationirrémédiablement compromise, possède desbiens susceptibles de faire l’objet d’uneliquidation judiciaire, la commission nepourra pas élaborer de recommandations,mais devra saisir le juge de l’exécution auxfins d’ouverture d’une procédure derétablissement personnel avec liquidation(article L. 331-3). Ces nouvelles dispositionsrépondent à la même logique que dans lecadre des mesures de traitement ordinaires :le recours au juge est limité aux hypothèsesconsidérées comme les plus importantes,telles que celles qui débouchent sur unevente forcée des biens du débiteur16.

Parmi les autres dispositions améliorant laprocédure, on peut citer, notamment, leraccourcissement des délais pour seprononcer sur la recevabilité, qui passentde 6 à 3 mois (article L. 331-3), et la duréemaximale du plan de surendettement, quis’établit désormais à 8 ans.

2.2. Plusieurs dispositions ont pourobjet d’assurer une plus grandeprotection des débiteurs endifficulté

Les conditions d’ouverture d’une procédurene sont pas modifiées, mais le législateura précisé les conditions de prise en compte

de la résidence principale dans la situationde surendettement (article L. 330-1).L’objectif du législateur a été de mettre finà la pratique de certaines commissions, quiprononçaient l’irrecevabilité du dossier, aumotif que le débiteur était propriétaire deson logement. Ainsi, la loi a précisé que leseul fait d’être propriétaire de sa résidenceprincipale ne peut plus empêcher que lasituation de surendettement soitcaractérisée. Évidemment, sa valeur devraêtre prise en compte, au moment del’évaluation de l’actif patrimonial du débiteur.

Parmi les autres dispositions ayant pourobjet d’assurer une plus grande protectiondu débiteur endetté, on trouve aussi lasuspension des procédures d’exécution, dèsque le dossier est jugé recevable(article L. 331-3-1). Jusqu’alors, le code dela consommation prévoyait que lasuspension ne pouvait être accordée que parle juge, sur demande de la commission. Àdéfaut d’une telle décision du juge, lescréanciers pouvaient engager une procédurede recouvrement forcée à l’encontre dudébiteur, alors même que ce dernier avaitdéposé un dossier devant une commissionde surendettement. La réforme prévoit,désormais, que la décision de recevabilitédu dossier emporte suspension etinterdiction des procédures d’exécutiondiligentées à l’encontre des biens du débiteurainsi que des cessions de rémunérationsconsenties par celui-ci et portant sur lesdettes autres qu’alimentaires.

Enfin, l’interdiction faite au débiteurd’aggraver son insolvabilité, affirmée àl’article L. 331-3-1, est renforcée, puisquetout acte accompli en violation de cetteinterdiction pourra désormais être annulépar décision du juge saisi par la commission(article L. 333-2-1).

3. La création d’un fichier positifa fait l’objet d’importantsdébats

À l’heure actuelle, il n’existe en France qu’unfichier dit « négatif », le fichier national desincidents de remboursement des crédits auxparticuliers (FICP), qui recense les défautsde paiement portant sur des crédits et quipermet aux établissements prêteurs d’êtreinformés systématiquement des difficultéséventuelles de certains emprunteurs. La loile modernise et progresse vers l’instaurationd’un fichier positif.

15 En sont tout de même exclues les dettesalimentaires et celles résultant de condamnationspénales, de prêt sur gage, les dettes payées enlieu et place du débiteur par la caution.16 S. Piedelièvre, « Les nouvelles règles relativesau surendettement des particuliers », La semainejuridique Entreprises et affaires n° 29, 22 juillet2010, 1676.

Une plus grandeprotection dudébiteur endifficulté

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010170

Droit privé

3.1. Le FICP est modernisé

Le FICP, qui reste un fichier négatif c’est-à-dire ne répertoriant que des incidents depaiement et des informations relatives à desprocédures de traitement des situations desurendettement, a fait l’objet de plusieursmodifications. Inversant la tendance quijusqu’ici tendait à allonger la durée deconservation des données, la loi réduit laplupart des durées d’inscription. L’inscriptiondes incidents de paiement reste fixée à5 ans, mais la durée des inscriptions liéesaux procédures de rétablissementpersonnel est réduite de 10 à 8 ans. Deplus, une radiation anticipée au bout de cinqans est prévue, lorsque l’exécution du plande remboursement se déroule sansincident (article L. 333-4).

3.2. La loi n’a pas abouti à la créationd’un registre national des créditsaux particuliers mais a posé lecadre du débat sur cette création

La création d’un registre national des créditsaux particuliers, c’est-à-dire répertoriantl’ensemble des opérations de crédits, et nonpas seulement les incidents de paiement(comme le fichier actuel) fait l’objet denombreux débats. Au titre de ses avantages,elle permettrait d’informer et de respon-sabiliser les prêteurs professionnels. Àl’inverse, ses détracteurs doutent de sonefficacité (les causes du surendettementétant dans la majorité des cas desaccidents de la vie) et de son utilisation (lesdonnées pourraient être utilisées à des finscommerciales).

À l’issue de longues discussions auParlement, la loi prévoit l’institution d’uncomité chargé de préfigurer la création d’unregistre national des crédits aux particuliers.Ce comité de préfiguration, comprend17 membres17, parmi lesquels desparlementaires, des représentants de la CNIL,de la Banque de France et de l’État, desreprésentants des établissements de crédits,des associations de consommateurs, desassociations familiales, des associations demicrocrédit, d’une association intervenantdans le domaine de la lutte contre l’exclusionet l’insertion sociale, et un représentant du

secteur du commerce de détail18. Ce comité,dont le secrétariat sera assuré par la DirectionGénérale du Trésor, est chargé de rendre unrapport au Gouvernement et au Parlement auplus tard le 2 juillet 2011, sur la création d’unregistre national des crédits aux particuliers,placé sous la responsabilité de la Banque deFrance.

Claire Montfollet-Laget et VanessaBarini (Direction des affaires juridiques)

17 Le comité a été institué par le décret n° 2010-827du 20 juillet 2010.

18 Les membres ont été nommés par arrêté du17 août 2010.

Une radiationplus rapide dufichier desincidents depaiement

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Dossier Fonction publique

Le texte de référence en la matière estl’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet1983 portant droits et obligations desfonctionnaires, dite « loi Le Pors1 ». Cettedisposition, qui consacre le principe de laprotection fonctionnelle, prévoit troishypothèses justifiant son application. Il s’agit,d’abord, de protéger les fonctionnaires contre« les menaces, violences, voies de fait,injures, diffamations ou outrages dont ilspourraient être victimes à l’occasion de leursfonctions ». La protection fonctionnelle leurgarantit, également, la prise en charge parla collectivité publique « des condamnationsciviles prononcées » à leur encontre par desjuridictions judiciaires, lorsque le conflitd’attribution n’a pas été élevé et qu’aucunefaute personnelle détachable de l’exercicede ses fonctions ne leur est imputable. Enfin,à la suite d’une modification législativeimportante opérée par la loi n° 96-1093 du16 décembre 1996, l’article 11 de la loi LePors protège maintenant les agents publicscontre les poursuites pénales dont ils peuventêtre l’objet pour des faits n’ayant pas lecaractère d’une faute personnelle.

Cette disposition, pour essentielle qu’ellesoit, ne suffit plus cependant aujourd’hui àappréhender toute l’étendue et l’évolutiondu droit de la protection fonctionnelle. C’estla raison pour laquelle la circulaire B8n° 2158 de la direction générale del’administration et de la fonction publiquedu ministère du budget, du 5 mai 2008,relative à la protection fonctionnelle desagents publics de l’État, a été élaborée. Les

mesures législatives en matière deprotection fonctionnelle sont, en effet, deplus en plus éparses et le rôle de lajurisprudence administrative demeuredéterminant. La dynamique à l’œuvre estdouble. Le champ d’intervention de laprotection fonctionnelle ne cesse des’étendre, pour une large part en raison del’action du législateur. Alors que,corrélativement, les conditions de sa miseen œuvre par l’administration deviennentplus rigoureuses et complexes, sous lecontrôle du juge administratif. Le propos decet article est d’éclairer ces évolutions.

** *

1. Une évolution du champ et desconditions d’octroi favorableaux agents publics

1.1. L’élargissement du champ desbénéficiaires de la protectionfonctionnelle

1.1.1. La situation des agents publicseux-mêmes

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du13 juillet 19832, le champ des personnessusceptibles de bénéficier de la protectionjuridique n’a eu de cesse de s’élargir.

Dans sa version initiale, le texte ne visaitque les seuls fonctionnaires, ce qui couvre,principalement, les fonctionnaires civils desadministrations de l’État, des collectivitésterritoriales et de leurs établissementspublics à caractère administratif. Étaientégalement visés les fonctionnaires retraités,au titre des faits survenus durant la périodeoù ils étaient en activité.

Les évolutions récentes de la protection juridiquedes agents publics

Par Philippe Brun, Tiphaine Petit et Maxence Delorme

Les agents publics, en raison de la nature de leur action, peuvent être exposés àdes relations parfois conflictuelles avec les usagers du service public, ainsi qu’à lamise en cause de leur responsabilité juridique. À travers eux, c’est, en réalité,souvent l’État, ou la collectivité publique au sein de laquelle ils exercent leursfonctions, qui est visé. C’est donc dans le but de ne pas laisser les fonctionnaires sedéfendre seuls et pour préserver la continuité et le bon fonctionnement du servicepublic que le principe de leur protection statutaire a été instauré par le législateur.

1 On notera cependant que plusieurs autresdispositions ont consacré le bénéfice de laprotection des agents qui ne sont pas soumis austatut général de la fonction public. Tel est le casdes magistrats (article 11 de l’ordonnance du22 décembre 1958 portant loi organique relative austatut de la magistrature) ou encore les militaires(article 24 de la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portantstatut général des militaires).

2 Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits etobligations des fonctionnaires, JO du 14 juillet 1983.

Un texte deréférence : la« loi Le Pors » du13 juillet 1983

Le champs desbénéficiaires dela protectionjuridique n’acessé de s’élargir

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010172

Dossier Fonction publique

Plusieurs réformes sont venues complétercette liste.

La loi du 16 décembre 1996 relative àl’emploi dans la fonction publique et àdiverses mesures d’ordre statutaire3 aétendu le bénéfice de la protection auxagents publics non titulaires. Cettecatégorie regroupe deux catégories depersonnes : les agents publics noncontractuels, ce qui couvre, pour l’essentiel,les fonctionnaires stagiaires, agentsvacataires et membres non-fonctionnairesdes cabinets ministériels ; les agentscontractuels de droit public, ce quicorrespond aux personnels travaillant pourle compte d’un service public ou d’unétablissement public à caractère admi-nistratif4.

Plus récemment, la loi du 3 août 20095

relative à la mobilité et aux parcoursprofessionnels dans la fonction publique aprécisé que les intérimaires travaillant ausein des personnes publiques sont soumisaux obligations des agents publics, etbénéficient, en contrepartie, de la protectionfonctionnelle6.

1.1.2. La situation des membres de leurfamille

Le mouvement d’extension de la protectionfonctionnelle concerne également lesproches de certains agents publics. Ceux-ci sont susceptibles de bénéficier de laprotection prévue à l’article 11 de la loi du13 juillet 1983 soit en raison du décès del’agent soit d’atteintes dont ils sont eux-mêmes victimes du fait des fonctionsexercées par l’agent.

1.1.2.1. La protection fonctionnelleaccordée, du fait du décèsd’un agent public

La protection fonctionnelle est accordée auxfamilles de certaines catégories d’agents,du fait de la nature particulière de leurs

fonctions. Il s’agit des magistrats de l’ordrejudiciaire et des fonctionnaires en chargede missions de sécurité.

C’est, principalement, l’article 112 de laloi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour lasécurité intérieure7, récemment modifiépar l’article 16 de la loi n° 2009-1436 du24 novembre 20098, qui régit ce dispositif9.

Cette disposition prévoit un droit à laprotection juridique susceptible d’êtrereconnu aux ayants droit de certains agents« décédés dans l’exercice de leurs fonctionsou du fait de leurs fonctions, à raison desfaits à l’origine du décès ou pour des faitscommis postérieurement au décès mais dufait des fonctions qu’exerçait l’agentdécédé ».

Sont limitativement énumérés les corps oucatégories d’agents concernés par cetteextension du champ d’application du droità la protection fonctionnelle.

Il s’agit, en premier, « des membres du corpspréfectoral et du cadre national despréfectures, des fonctionnaires de la policenationale, des adjoints de sécurité, des agentsde surveillance de Paris, des agents de laville de Paris visés à l’article L. 2512-16 ducode général des collectivités territoriales, desagents des services de l’administrationpénitentiaire, des agents des douanes, desgardes champêtres ainsi que des agents depolice municipale ainsi que des militaires dela gendarmerie nationale, de la brigade dessapeurs-pompiers de Paris et du bataillon desmarins-pompiers de Marseille ainsi que desunités d’instruction et d’intervention de lasécurité civile et des sapeurs-pompiersprofessionnels ou volontaires, des médecinscivils de la brigade de sapeurs-pompiers deParis et du bataillon des marins-pompiers deMarseille et des volontaires civils de la sécuritécivile ».

Sont, également, expressément visés, les« magistrats de l’ordre judiciaire ».

L’article 112 précise que sont considéréscomme ayants droit les « conjoints, enfantset ascendants directs ».

3 Loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative àl’emploi dans la fonction publique et à diversesmesures d’ordre statutaire, JO du 17 décembre 1996.4 Voir notamment, concernant les agents publicsnon titulaires : CJFI n° 27, mai et juin 2004, Étude :« Protection des agents de l’État : état etperspectives », Nicole Planchon.5 Loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilitéet aux parcours professionnels dans la fonctionpublique, JO du 6 août 2009.6 Article L. 1251-60 et suivants du code du travail.

7 JO du 19 mars 2003.8 JO du 25 novembre 2009.9 On notera que le décret n° 81-328 du 3 avril 1981accordant une protection particulière aux enfantsde magistrats, fonctionnaires civils et agents del’État, autorise l’octroi d’aides financières auxenfants mineurs de fonctionnaires décédés ougravement invalides.

Une loi du 16décembre 1996étend le bénéficede la protectionaux agents nontitulaires

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010 173

Dossier Fonction publique

On remarquera, sur ce point, que la listene comprend ni les concubins, ni lespersonnes auxquelles les agents sont liéspar un pacte civil de solidarité.

1.1.2.2. La protection fonctionnelleaccordée, en raison d’atteintesportées à l’encontre desmembres de la famille d’unagent public

Deux textes régissent le droit applicable enla matière. Tous deux prévoient l’octroi dela protection fonctionnelle aux ayants droitde certains agents, lorsque, du fait desfonctions de ces derniers, « ils sont victimesde menaces, violences, voies de fait,injures, diffamations ou outrages ».

• • • • • L’article 112 de la loi n° 2003-239 du18 mars 2003 pour la sécuritéintérieure organise l’octroi de laprotection fonctionnelle « aux conjoints,enfants et ascendants directs » desmagistrats de l’ordre judiciaire et decertaines catégories d’agents publics àsavoir, celles précédemment visées (voirchapitre 1.1.2.1.) auxquelles s’ajoutentles « agents des services du Trésorpublic, des services fiscaux, desservices de la concurrence, de laconsommation et de la répression desfraudes, des directions départementalesdu travail, de l’emploi et de la formationprofessionnelle, dans l’exercice de leursmissions de sécurité intérieure ».

• • • • • L’article 16 de la loi pénitentiairen° 2009-1436 du 24 novembre 2009 sedistingue du texte précédent par la listedes ayants-droit des agents publics del’administration pénitentiaire susceptiblesde bénéficier de la protection. Sont visés,non seulement les enfants, ascendantsdirects et conjoints de ces agents, maiségalement « leurs concubins » et les« personnes auxquelles ils sont liés parun pacte civil de solidarité ».

Cette précision conduit à exclure que leterme de « conjoints » employé àl’article 112 de la loi du 18 mars 2003permette d’étendre la protection auxconcubins et pacsés.

On peut, cependant, dans l’attente de cequi sera jugé par le juge administratif,s’interroger sur la différence de régime ainsi

créée entre les agents de l’administrationpénitentiaire et les autres agents publicsdont les fonctions sont particulièrementexposées.

L’article 16 de la loi du 24 novembre 2009crée, en conséquence, un régime plusfavorable, applicable uniquement auxconcubins et pacsés des agents publics del’administration pénitentiaire.

1.2. L’élargissement du champ desévènements ouvrant droit à laprotection fonctionnelle

Parmi les motifs susceptibles de justifierl’octroi de la protection juridique figure,notamment, les attaques dont peuvent êtrevictimes les agents publics à l’occasion deleurs fonctions. Le troisième alinéa del’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 dispose,en effet, que « la collectivité publique esttenue de protéger les fonctionnaires contreles menaces, violences, voies de fait, injures,diffamations ou outrages dont ils pourraientêtre victimes à l’occasion de leurs fonctions,et de réparer le cas échéant, le préjudicequi en est résulté ». La jurisprudenceadministrative précise, cependant, que cetteénumération n’a pas valeur exhaustive10.Dans le prolongement de cette jurisprudence,le Conseil d’État vient de franchir une nouvelleétape en admettant que les « agissementsrépétés de harcèlement moral [sont] de ceuxqui [peuvent] permettre, à l’agent public quien est l’objet, d’obtenir la protectionfonctionnelle » (CE, 12 mars 2010,Commune de Hoenheim, n° 308974).

Cette évolution n’allait pas de soi. Le jugeaurait pu considérer que les faits deharcèlement moral visaient personnellementl’agent et non pas, à travers lui, la collectivitépublique. La conclusion d’un tel raisonnementaurait alors été d’exclure l’octroi de laprotection fonctionnelle aux cas deharcèlement moral.

Dans la pratique, pour les cas les plussimples où l’administration est en mesured’établir la responsabilité de l’auteur duharcèlement, l’octroi de la protection

10 CE, 8 mars 2010, madame Monique-Marie A.,n° 335543 : dans cet arrêt, l ’ancien terme« d’attaques » encore employé à l’avant dernieralinéa de l’article 11 est repris par le Conseil d’Étatet laisse entendre que l’énumération donnée n’estqu’indicative.

Les concubins etles partenairesde PACS sontexclus dudispositif

Les agentspublics sontnotammentprotégés contre« les menaces,violences, voiesde fait, injures,diffamations ououtrages… »

… maiségalementcontre les« agissementsrépétés deharcèlementmoral »

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010174

Dossier Fonction publique

fonctionnelle dans le cadre de lajurisprudence « Commune de Hoenheim »peut se traduire par des mesuresd’éloignement ou de suspension desfonctions, assorties d’une action disciplinairecontre le harceleur. L’administration pourraégalement prendre en charge les frais d’uneaction pénale ou civile susceptible d’êtreengagée par la victime devant les tribunauxjudiciaires, afin d’obtenir réparation de sonpréjudice.

Dans les cas plus complexes, oùl’administration est dans l’incapacité dedéterminer la réalité du harcèlement et defaire la part des choses entre les accusionsréciproques, l’administration pourra octroyerle bénéfice de la protection aux deux agentsen cause. Les mesures susceptibles d’êtreadoptées se limiteront alors, à des mesuresimmédiates d’éloignement et à la prise encharge, pour chacun d’entre eux, des fraisd’une éventuelle procédure judiciaire lesopposant.

1.3. Le cantonnement strict des motifs derefus de la protection fonctionnelle

On rappellera en premier lieu que selon lajurisprudence du Conseil d’État, si unecollectivité publique saisie d’une demandede protection est incompétente pour laconnaître, celle-ci est alors « tenue », « derejeter la demande de protection juridique ».La Haute juridiction précise, par ailleurs, quela collectivité publique compétente en lamatière est « celle dont [l’agent] relèveà la date à laquelle il est statué sur sademande11 ».

Cette solution est toutefois susceptibled’évoluer. En effet, l’article 37 de laproposition de loi n° 1890 de simplificationet d’amélioration de la qualité du droit,adoptée en première lecture parl’Assemblée Nationale le 2 décembre 2009prévoit que la protection fonctionnelle sera« organisée [donc octroyée] par lacollectivité publique qui […] emploie [lefonctionnaire] à la date des faits en causeou des faits ayant été imputés de façondiffamatoire au fonctionnaire. » Ainsi,l’administration ayant à connaître d’unedemande de protection fonctionnelle pourramieux apprécier le bien fondé de celle-ci.

En second lieu, il faut souligner que laprotection ne peut être octroyée que dansles hypothèses prévues à l’article 11 de laloi du 13 juillet 1983.

Un arrêt récent du Conseil d’État, du9 décembre 2009, le rappelle, confirmantle rejet de la protection en matièredisciplinaire, conformément à unejurisprudence établie. La Haute juridictionrelève que l’article 11 de la loi du 13 juillet1983 n’a « ni pour objet, ni pour effet d’ouvrirdroit à la prise en charge par l’État des fraisqu’un fonctionnaire peut engager pour sadéfense dans le cadre d’une procéduredisciplinaire diligentée à son encontre parl’autorité hiérarchique dont il relève ou desfrais qu’il expose pour contester devant lajuridiction administrative une sanctiondisciplinaire prise à son encontre12 ».

Lorsqu’un agent se trouve dans un casd’octroi de la protection, seuls deux motifspeuvent justifier qu’elle lui soit refusée13 : lafaute personnelle et l’intérêt général.

Ce dernier motif, introduit par lajurisprudence14, ne fait l’objet d’aucunedéfinition précise et, dans la plupart descas, n’a été mentionné que pour être écarté.Il doit s’agir d’un motif susceptible dediscréditer l’administration ou de faireobstacle de façon particulièrement grave àla bonne marche des services publics.

La définition de la faute personnelle est,quant à elle, mieux connue.

L’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 prévoit,à son quatrième alinéa, que « la collectivitépublique est tenue d’accorder sa protectionau fonctionnaire ou à l’ancien fonctionnairedans le cas où il fait l’objet de poursuitespénales à l’occasion de faits qui n’ont pasle caractère d’une faute personnelle ».

Le Conseil d’État a jugé qu’en l’absence defaute personnelle de l’agent, l’administrationest tenue d’accorder sa protection en casde poursuites pénales et ne peut arguer d’unmotif d’intérêt général pour refuser cettemesure15.

11 CE, 5 décembre 2005, Commune du Cendre,n° 261948, concl. Glaser.

12 CE, 9 décembre 2009, Vavrand, req. n° 312483.13 Le défaut de lien avec les fonctions peuts’analyser comme un motif d’irrecevabilité de lademande.14 CE, 14 février 1975, Teitgen, Rec. CE 1975, p. 112.15 CE sect., 14 mars 2008, Portalis, req. n° 283943,Lebon 99.

Seuls deuxmotifs peuventjustifier le refusde l’octroi de laprotectionfonctionnelle

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010 175

Dossier Fonction publique

En vertu du principe d’autonomie des notionsde faute personnelle et de faute pénale16, uneinfraction pénale, même intentionnelle17, neconstitue pas nécessairement une fautepersonnelle. En conséquence, l’appréciationde la faute personnelle doit se fonderexclusivement sur les critères dégagés parle juge administratif.

La distinction entre la faute de service et lafaute personnelle repose sur unejurisprudence ancienne du Tribunal desconflits, selon laquelle la faute personnelleest la faute d’un agent « comportant uneintention de nuire ou présentant une gravitéinadmissible18 ».

Cette jurisprudence retient plusieurscritères pour caractériser la fautepersonnelle :

• soit les faits, à l’origine de la fautepénale, sont commis matériellement etjuridiquement hors du service ;

• soit, si les faits sont commis pendantou à l’occasion du service, ceux-ci :

- manifestent une intention de nuire,ce qui sera le cas d’« actes deviolence injustifiés, au regard despratiques administratives normales »révélant « une attitude malveillante »à l’égard d’un usager19 ;

- ou présentent une gravité inad-missible au regard du service ; à titred’exemple, le caractère inexcusablede la faute a été retenu au regard dela déontologie de la profession,s’agissant d’un chef de servicehospitalier ayant caché l’erreurmédicale commise dans sonservice20 ; par ailleurs, le Conseild’État a souligné l’« extrême gravité »de la faute, s’agissant d’un officierpratiquant un tir à balle réelle sur desappelés en dehors de tout exerciceorganisé par l’autorité supérieure21.

La faute personnelle doit, ainsi, s’apprécier,au cas par cas, par l’autorité administrative« au vu des éléments dont [elle] dispose àla date de la décision22 ». Il peut s’agir deséléments d’une enquête administrative,comme de ceux tirés d’une procédurepénale. Par ailleurs, en cas de recourscontentieux, le juge administratif apprécierasouverainement la valeur des élémentsmatériels ayant justifié la qualification de lafaute personnelle.

Il faut, toutefois, souligner l’importanceparticulière des décisions pénales pourl’administration et le juge.

En effet, la jurisprudence administrativeconsidère que l’autorité administrative estliée par les constatations du juge pénalrelatives à l’exactitude matérielle des faits.Elle ne peut, sur ce point, entrer encontradiction avec la chose jugée au pénal.Il en va ainsi en cas de jugement définitif.Cette jurisprudence administrative, quiconcerne principalement la fautedisciplinaire (CE, 28 janvier 1948, Manon :S. 1949, p. 27 ; CE, 22 mai 1981, Min.universités : D. 1982, inf. rap. p. 27), paraîtgénéralisable à l’appréciation de la fautepersonnelle.

Dans un arrêt récent du 23 décembre 2009,le Conseil d’État a admis, par ailleurs, quedans le cadre d’un contentieux administratifrelatif à une décision de refus d’octroi de laprotection fonctionnelle, le juge peut appuyerson raisonnement sur une décision pénalepostérieure à l’acte administratif attaqué(CE, 23 décembre 2009, G., n° 308160). Ilne s’agit pas pour le tribunal de prendre encompte des faits ultérieurs, mais d’éclairerla situation de fait existant à la date de ladécision « au besoin par des élémentsd’information connus ultérieurement23 ».

Dans cette affaire, l’agent, condamné pourprise illégale d’intérêts et atteinte à la libertéd’accès ou à l’égalité dans les marchéspublics (appelé également délit defavoritisme), était en charge de la passationde commandes auprès d’entreprisesd’études de marchés, de sondages et deconseil en publicité.

Le Conseil d’État a relevé « que ces faitsétaient, de par leur gravité eu égard tant aucaractère organisé et répété des

16 TC, 14 janv. 1935, Thépaz, n° 00820, Lebon 224.17 Ce sera le cas notamment si le délit a été dictéexclusivement par la considération de l’intérêt duservice. Voir : CE, 8 juin 1966, les orphelinsapprentis d’Auteuil.18 TC, 30 juillet 1873, Pelletier.19 TC, 21 décembre 1987, Kessler.20 CE, 28 décembre 2001, Valette. 21 CE, 17 décembre 1999, Moine.

22 CE, 14 mars 2008, Portalis, n° 283943.23 CE, 31 août 2009, Commune de Gregols,n° 296458.

La distinctionentre fautepersonnelle etfaute de servicea été préciséepar le Tribunaldes conflits

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010176

Dossier Fonction publique

manquements constatés qu’aux responsa-bilités exercées par M. G., constitutifs d’unefaute personnelle détachable du service ».

2. Une mise en œuvre contrai-gnante pour l’administration

2.1. Des conditions de retrait etd’abrogation strictement encadrées

2.1.1. En l’absence de fraude, unedécision de protection fonction-nelle ne peut plus être retirée aprèsquatre mois, seule l’abrogationdemeurant alors possible en casde faute personnelle

Une des difficultés que rencontrel’administration dans la mise en œuvre de laprotection fonctionnelle tient à la contraintedans laquelle elle est placée de devoir seprononcer sur l’octroi de la protectionfonctionnelle sur la base d’informations biensouvent parcellaires, voire parfois inexactes.Ce problème se pose, tout particulièrement,lorsqu’un agent faisant l’objet de poursuitespénales sollicite le bénéfice de la protectionfonctionnelle. En effet, il peut alors arriverque, postérieurement à l’octroi de laprotection, des éléments d’informationsissus d’une décision de justice ou pluslargement de la procédure pénale révèlentl’existence d’une faute personnelle de l’agentqui, si elle avait été portée à la connaissancede l’administration antérieurement, auraitconduit la collectivité publique à refuserl’octroi de la protection.

Pour prévenir une telle situation, le ministèrede la défense, saisi d’une demande deprotection fonctionnelle émanant d’un agentmis en examen pour des faits notammentde corruption, a prévu dans sa décisiond’octroi que « l’État serait fondé à demander[à l’agent] le remboursement des sommesengagées par l’administration pour sadéfense si, par décision devenue définitive,une juridiction pénale venait à établir unefaute personnelle dans les faits qui ontmotivé sa mise en examen ». Condamnépénalement, l’agent s’est vu demander parson administration le remboursement desfrais engagés pour sa protection juridique,ce qui a donné lieu à un contentieuxadministratif porté à la connaissance duConseil d’État. Dans cette affaire, la Hautejuridiction a rendu le 14 mars 2008 un arrêtd’une grande importance24, dans lequel elle

précise les conditions de retrait etd’abrogation d’une décision d’octroi de laprotection fonctionnelle.

Le Conseil d’État souligne ainsi « que ladécision accordant le bénéfice de laprotection » est un « acte créateur dedroits » et qu’en conséquence :

• elle ne peut être assortie par l’autoritéadministrative « d’une condition suspen-sive ou résolutoire » ;

• elle ne peut être retirée « plus de quatremois après sa signature » (et à conditiond’être illégale25) « […] hormis dansl’hypothèse où celle-ci aurait été obtenuepar fraude » ;

• il ne peut être mis fin à celle-ci que « pourl’avenir s’il constate postérieurement,sous le contrôle du juge, l’existenced’une faute personnelle ».

Dans le cas d’espèce, le délai de quatremois étant dépassé et aucune fraudedémontrée, les magistrats ont donc censuréla décision du ministre de la défense, retirantla protection fonctionnelle accordée àl’agent et lui demandant le remboursementdes sommes déjà engagées pour sadéfense dans le cadre de la procédurepénale.

2.1.2. Vers une réforme des conditionsde retrait

L’administration n’ayant cependant que trèsrarement les moyens de constater la fautepersonnelle au moment de la demande, oudans les quatre mois suivant l’octroi de laprotection, cette jurisprudence, contrai-gnante, n’offre en réalité que peud’occasions, hors le cas d’une fraude, depouvoir retirer une décision de protection.

De fait, la conséquence de cette jurispru-dence risquait d’être de dissuader l’adminis-tration d’accorder la protection fonctionnelle,de crainte de ne pouvoir ensuite la retirer,après une éventuelle condamnation pénale.

C’est la raison pour laquelle l’article 37 dela proposition de loi n° 1890 desimplification et d’amélioration de la qualitédu droit prévoit également de permettre à

24 CE, 14 mars 2008, Portalis, n° 283943.25 Par exemple en cas de révélation d’une fautepersonnelle de l’agent dans le délai des quatre mois.

La décisionaccordant lebénéfice dela protectionest un actecréateurde droits

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010 177

Dossier Fonction publique

l’administration de retirer la protectionaccordée à un agent, dans un délai de sixmois à compter du jour où une décisionpénale ou civile, devenue définitive, révèleraitl’existence d’une faute personnelle.

On notera qu’en pratique, afin de pallier lesdifficultés engendrées par les dispositionsactuelles, il peut arriver que l’administrationdécoupe la procédure pénale en phasesdistinctes et impose à l’agent de formulerune nouvelle demande de protection àchaque nouvelle étape de la procédure(phase d’instruction, première instance,appel, cassation). L’administration a ainsila possibilité de réexaminer, à chaquephase, si les conditions d’octroi sont encoreréunies.

2.2. Des modalités de mise en œuvredes mesures de protection auxcontours subtils

2.2.1. Les faibles chances de succèsd’un recours juridictionnel nesuffisent pas à justifier le refus deprise en charge des frais deprocédure

La mise en œuvre de la protectionfonctionnelle peut recouvrir de multiplesformes. Il peut s’agir, d’abord, d’actions deprévention et de soutien : changement dunuméro de téléphone ou de l’adresseélectronique professionnels de l’agent,signalement des faits aux autoritéscompétentes ; mais aussi, lettre de soutiende la hiérarchie ou entretien personnel avecl’agent, prise en charge médicale de cedernier, si nécessaire ; sans oublier, danscertains cas, la possibilité d’adresser unelettre d’admonestation à l’auteur del’agression ou de le convoquer dans leslocaux administratifs, voir, s’il s’agit d’unagent public, d’engager à son encontre uneprocédure disciplinaire. Il peut égalements’agir pour l’administration d’indemniserl’agent victime. Cela peut consister, enfin,comme c’est très souvent le cas, à apporterune assistance juridique et judiciaire àl’agent, en le conseillant et en prenant encharges les honoraires et les frais deprocédure inhérents à la défense de sesintérêts devant les autorités judiciaires26.

Par ailleurs, selon une jurisprudence établie,l’autorité publique compétente pour octroyerla protection demeure libre d’apprécier lesmodalités de mise en œuvre de laprotection les plus appropriées à l’objectifpoursuivi. Celle-ci peut même refuser l’octroide la protection fonctionnelle, si aucunemesure adaptée ne semble plusenvisageable ou justifiée27.

Cette latitude permet-elle pour autant àl’administration de refuser de prendre encharge des frais de procédure d’une actionjuridique en arguant du caractèremanifestement dépourvu de ses chancesde succès ? C’est à cette question que leConseil d’État a récemment apporté, dansun arrêt du 31 mars 2010, une réponseempreinte d’une certaine subtilité28.

Il s’agissait, pour la Haute juridiction, destatuer sur le refus de la Ville de Parisd’octroyer la protection fonctionnelle à unde ses inspecteurs généraux dans le cadredu pourvoi en cassation formé par cet agentcontre l’arrêt d’appel rejetant sa constitutionde partie civile en diffamation, au motif qu’ilne remplissait pas les conditions pour seprévaloir des dispositions de l’article 31 dela loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de lapresse. Le maire de Paris estimait « qu’auvu de la jurisprudence, [l’agent] n’avaitaucune chance d’obtenir la cassation del’arrêt de la cour d’appel et que dans cesconditions, le souci de la gestion desdeniers publics conduisait à rejeter sademande ».

La Haute juridiction, reprenant en cela leraisonnement de la Cour Administratived’appel, en a décidé autrement, enconsidérant que « la protection ne pouvaitpas être refusée à ce stade à [l’agent], alorsqu’elle lui avait été accordée aux étapesantérieures de la procédure et que lepourvoi en cassation portait sur unequestion d’application de la loi utile à sadéfense et ne pouvait ainsi être regardé,en tout état de cause, commemanifestement dépourvu de toute chancede succès ».

Le raisonnement du Conseil d’État ne remetpas en cause la possibilité pourl’administration de refuser l’adoption d’une

26 Nicole Planchon, CJFI, n° 27, mai et juin 2004,Étude : « Protection des agents de l’État : état etperspectives », p. 16.

27 CE, 24 octobre 2005, Mme G., n° 259807.28 CE, 31 mars 2010, Ville de Paris, n° 318710.

Une réformepermettant, dansun certain délai,de retirer laprotectionprofessionnelleaccordée est encours

La protectionfonctionnellepeut prendre demultiples formes

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010178

Dossier Fonction publique

mesure « dépourvue de toute chance desuccès » (ou l’octroi d’une protection seconfondant avec une telle mesure). Elledonne simplement de cette notion uneappréciation fondée sur des critères plusqualitatifs, que simplement probabilistes, etqui méritent d’être soulignés. Il s’agit ainsipour l’administration de prendre enconsidération, à la fois, l’utilité de laprocédure pour la défense de l’agent, maisaussi les décisions antérieures d’octroi dela protection afférente à une mêmeprocédure judicaire.

2.2.2. Une mesure de soutien généraleet impersonnelle ne saurait êtreregardée comme une mesure deprotection suffisante

En contrepartie de son pouvoird’appréciation sur les mesures de protectionà mettre en œuvre, l’administration demeuretenue, sous le contrôle du juge, de s’assurerque celles-ci sont bien appropriées au casd’espèce.

L’arrêt rendu le 28 décembre 2009 par leConseil d’État, dans l’affaire opposant laveuve du juge Borrel au ministre de lajustice29 a été l’occasion de précisercertains des critères auxquels doit répondreune mesure de protection, pour êtreconsidérée comme suffisante et quel’administration puisse être regardée commeayant satisfait à son devoir de protection.

Dans le cas d’espèce, à la suite des propostenus dans la presse par le conseiller duPrésident de la République pour lesquestions africaines, évoquant le suicide dumagistrat, sa veuve sollicitait du ministrede la justice la prise en charge des frais dela procédure pénale intentée, contre leconseiller, du chef de pression sur la justice.Le Garde des Sceaux, pour sa part,considérait que le communiqué publié parle Procureur de la République, visant àdémentir l’idée que l’information judiciaires’orientait vers la thèse du suicide,constituait une mesure de protectionsuffisante.

Le Conseil d’État donna raison à la veuvedu juge Borrel en considérant que la mesurede protection adoptée, à savoir lapublication d’un communiqué, « ne saurait

être regardé comme ayant suffi à assurerla protection exigée par l’article 11 ». Eneffet, ce communiqué ne manifestait aucunsoutien personnel ni prise de position enfaveur du juge. Comme le souligne lerapporteur public dans cette affaire,monsieur Cyril Roger-Lacan30, la protectionfonctionnelle comporte une dimensionpersonnelle et subjective qui, dans le casd’espèce, faisait défaut.

2.3. La protection fonctionnelle peutjustifier un recours subrogatoirecontre la collectivité publique

Dans le cadre de la protection fonctionnelle,l’administration est tenue d’indemniser lepréjudice, tant matériel que moral31, subi parses agents lorsqu’ils sont victimesd’attaques. Les modalités de cetteréparation peuvent toutefois varier.

L’agent peut ainsi privilégier la voie judiciaire,en engageant une action en dommages etintérêts, contre l’auteur des faits devant unejuridiction civile ou pénale. C’est généralementce dernier choix qui est retenu. La voie pénaleoffre, en effet, à la victime la possibilité de voirl’auteur des faits condamné au plan pénal,tout en lui permettant d’obtenir la réparationcivile de son préjudice. Dans cette perspective,il incombe à l’administration de prendre encharge les honoraires d’avocat et les frais dela procédure.

L’agent a également la possibilité,indépendamment de toute procédurejudiciaire, de solliciter l’indemnisation deson préjudice directement auprès de sonadministration. Dans cette hypothèse, lajurisprudence précise que ce droit àréparation « n’entraîne pas la substitutionde la collectivité publique […], pour lepaiement des dommages et intérêtsaccordés par une décision de justice, auxauteurs des faits lorsqu’ils sont insolvablesou se soustraient à l’exécution de cettedécision de justice ». Il s’agit simplementpour l’administration d’assurer à l’agent« une juste réparation du préjudice subi32 ».En d’autres termes, l’administration, saisie

29 CE, 28 décembre 2009, Mme Borrel, n° 317080.

30 AJDA, 14 juin 2010, p. 1140, Fonction publique,Chroniques : « Le régime de protection des agentspublics ».31 CE, 17 décembre 2004, Barrucq, n° 265165.32 CE, 8 décembre 2004, n° 265170.

L’affaire Borrela permis depréciser certainséléments de laprotectionjuridique

L’administrationdoit indemniserle préjudicematériel et moraldu bénéficiaire

L’indemnisationpeut êtresollicitéedirectementauprès del’administration

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010 179

Dossier Fonction publique

d’une demande indemnitaire au titre de laprotection fonctionnelle, fera, sous lecontrôle du juge, une appréciationsouveraine du droit à réparation de sonagent. Il ne saurait, en effet, y avoir dedouble indemnisation du préjudice. Ellen’est, par ailleurs, aucunement tenue parl’évaluation du préjudice susceptible d’avoirété décidée par une juridiction judiciaire.

Enfin, l’agent peut aussi décider, s’il remplitles conditions, de s’adresser à lacommission d’indemnisation des victimesd’infractions (CIVI) ou au service d’aide aurecouvrement des victimes d’infractions(SARVI), afin d’obtenir réparation de sondommage. Le fonds de garantie desvictimes des actes de terrorisme et d’autresinfractions (FGTI) est alors chargé de verserle montant de la réparation octroyée à lavictime. En contrepartie, l’article 706-11,alinéa 1er du code de procédure pénaleprévoit que le FGTI est « subrogé dans lesdroits de la victime pour obtenir despersonnes responsables du dommagecausé par l’infraction », mais aussi decelles « tenues à un titre quelconque d’enassurer la réparation totale ou partielle leremboursement […] dans la limite dumontant des réparations à la chargedesdites personnes ».

Or, dans des décisions récentes du 10 avril2009 (CE, FGTI, n° 307871 et 307872 ;ainsi que : Ministre de l’intérieur, del’outre mer et des collectivitésterritoriales, n° 307920), le Conseil d’Étata admis, sur le fondement de la protectionfonctionnelle, le bien fondé d’un tel recourssubrogatoire du FGTI dirigé contre l’État.La Haute juridiction considère, en effet, que« la collectivité publique, dont dépend unagent victime de violences dans le cadrede ses fonctions, dès lors qu’elle est tenue,au titre de la protection instituée parl’article 11 de la loi du 13 juillet 1983, deréparer le préjudice résultant de cesviolences, est au nombre des personnes àqui le FGTI peut réclamer le remboursementde l’indemnité ou de la provision qu’il aversée à cet agent à raison des mêmesviolences, dans la limite du montant à lacharge de cette collectivité ». En d’autrestermes, le FGTI pourrait réclamer àl’administration compétente leremboursement des dommages et intérêts,mais aussi des frais irrépétibles octroyéspar une décision pénale rendue sur intérêts

civils, au bénéfice de l’agent victime d’uneattaque dans le cadre de ses fonctions,assorti d’une majoration de 30 %.

Le Conseil d’État a, toutefois, encadré detels recours subrogatoires dont le coûtfinancier peut être important.

L’administration est ainsi libre d’apprécier,sous le contrôle du juge, le montantapproprié de la réparation. Elle n’est pastenue de faire droit à l’intégralité desdemandes du FGTI. D’un point de vuepratique, cela pourrait par exemple signifierque l’administration, dans la mesure où ellea supporté l’ intégralité des frais ethonoraires de la procédure incombant àl’agent, n’a pas à rembourser au FGTI lesfrais irrépétibles. Cette analyse demandetoutefois encore à être confirmée par lajurisprudence.

On notera, par ailleurs, que dans un arrêtdu 7 mai 2010 (CE, 7 mai 2010,Compagnie d’Assurances générales deFrance, n° 304376), le Conseil d’État,arguant du caractère statutaire de laprotection fonctionnelle, a refusé d’étendre,au profit de l’assureur d’un général degendarmerie, dont la villa avait été détruitelors d’un attentat en Corse, le principe d’untel recours subrogatoire33.

La Haute juridiction a, en effet, considéréqu’en raison « des liens particuliers quiunissent l’État à ses agents », la protectionfonctionnelle constituait un « droitstatutaire », qui ne se réduit pas à un régimede responsabilité de l’État à l’égard de sesagents et qui « n’a pas vocation à sesubstituer à celles offertes par lesassureurs, moyennant paiement d’unecotisation notamment au titre desassurances obligatoires ».

** *

Arrivé au terme de cette analyse, un doubleconstat s’impose.

D’une part, le champ de la protectionfonctionnelle ne cesse de se développer. Ils’agit ainsi pour l’administration des’adapter aux évolutions de la société et

33 Fondé, cette fois, sur l’article L. 121-12 du codedes assurances.

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aux contraintes modernes de l’actionpublique. Les chiffres en la matière sontéloquents, puisque selon des statistiquesconsolidées disponibles en 2006 pour lesprincipaux ministères, l’administration avaità connaître à cette date près de17.000 dossiers de protection (+ 3 % parrapport à 2005), pour un coût globalavoisinant les 15 millions d’euros34 (- 6 %par rapport à 2005).

D’autre part, ce droit demeure une garantieimportante pour les agents publics, dont lamise en œuvre comporte, non seulement desaspects matériels importants, comme lepaiement des frais d’avocat, mais aussi unedimension psychologique fondamentale,caractérisée par le soutien effectif de lacollectivité publique employeur à son agentdans un moment difficile.

Philippe Brun, Tiphaine Petit etMaxence Delorme (Direction desaffaires juridiques)

34 Assemblée nationale, réponse à la question écriten° 8293, publiée au JO le 5 août 2008, p. 6745.

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010 181

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Signés par six des huit organisationssyndicales représentatives de la fonctionpublique (FSU, CGT, UNSA, CFDT, Solidaires,CGC), ces accords constituent un précédenthistorique : aucun accord, avant cette date,n’avait recueilli une telle adhésion dans lafonction publique. Ils sont également porteursd’une modernisation profonde des relationssociales dans la fonction publique, encohérence avec les objectifs poursuivis dansle secteur privé par la « position communesur la représentativité » du 10 avril 2008 et laloi n° 2008-789 du 28 août 2008 portantrénovation de la démocratie sociale et réformedu temps de travail.

Présenté en Conseil des ministres le 1er avril2009, le texte de loi a été complété par leGouvernement par un titre dédié à diversesdispositions relatives à la fonction publiquepar voie de lettre rectificative le 23 février2010. Il a été examiné, en première lecture,respectivement par l’Assemblée nationaleet le Sénat les 27 avril et 1er juin 2010, puispar la Commission mixte paritaire le 8 juin2010. Il a été adopté définitivement par lesdeux assemblées les 22 et 23 juin 2010.

Pierre angulaire de la transposition desaccords de Bercy, la loi du 5 juillet 2010revisite toutes les composantes du dialoguesocial, qu’il s’agisse des conditions d’accèsaux élections professionnelles, des lieux dela concertation, de la place de la négociationou des garanties et moyens alloués auxsyndicats pour faire vivre ce dialogue.

En prévoyant la création de comitésd’hygiène, de sécurité et de conditions detravail dans les fonctions publiques de l’Étatet territoriale, elle satisfait, également, à unautre engagement du Gouvernement,contracté, dans le cadre des accords du20 novembre 2009 sur la santé et la sécuritéau travail dans la fonction publique.

La loi comporte, par ailleurs, plusieursinnovations juridiques, permettant d’améliorerles parcours de carrière, l’évaluation et larémunération des agents publics (créationdu grade à accès fonctionnel, introductionde l’intéressement collectif et de primes à laperformance, généralisation de l’entretienprofessionnel, etc.). Enfin, elle autorise leGouvernement à procéder par voied’ordonnance à la codification du droit de lafonction publique.

À l’exception des dispositions relatives àla négociation, qui sont d’applicationdirecte, ses dispositions requièrentl’intervention de décrets d’application. Lesdécrets relatifs au dialogue social devraientêtre publiés d’ici la fin de l’année 2010, afinde permettre l’entrée en vigueur, la plusrapide possible, des nouvelles règles issuesdes accords du 2 juin 2008 et du20 novembre 2009.

1. Principales dispositions pré-vues par la loi en matière dedialogue social

1.1. Renforcement de la place de lanégociation dans la fonctionpublique (articles 1er et 28)

Prenant acte du développement de lanégociation sur des thèmes aussi variés quele déroulement des carrières ou la formationprofessionnelle tout au long de la vie, la loidu 5 juillet 2010 consacre le champ de lanégociation dans le statut général etentend favoriser le développement despratiques de négociation à tous les niveauxd’administration.

Pourront, notamment, faire l’objet denégociations le déroulement des carrièreset la promotion professionnelle, la formation

Une nouvelle ère de démocratie socialedans la fonction publique

Par Caroline Krykwinski

La loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportantdiverses dispositions relatives à la fonction publique constitue une nouvelle étapede la modernisation de la gestion des ressources humaines dans la fonctionpublique. Fruit d’une importante concertation avec les partenaires sociaux et lesreprésentants des employeurs des trois fonctions publiques, elle traduitl’engagement pris par le Gouvernement, dans le cadre des accords de Bercy du2 juin 2008, de revivifier les pratiques de dialogue social dans la fonction publiqueet de conforter la responsabilité et la légitimité de ses acteurs.

Des accordscontresignés parsix organisationssyndicales surhuit

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professionnelle et continue, l’action socialeet la protection sociale complémentaire,l’hygiène, la sécurité et la santé au travail,le télétravail, l’insertion professionnelle despersonnes handicapées ou l’égalitéprofessionnelle entre les hommes et lesfemmes.

La loi promeut, par ailleurs, ledéveloppement de la négociation auxniveaux de proximité, au sens le pluslarge de ce terme, qu’il s’agisse d’unversant de la fonction publique, d’uneadministration ou de ses servicesdéconcentrés, d’une collectivité territorialeou d’un établissement public hospitalier.

Dans ce même esprit, elle définit descritères permettant d’attester la validitédes accords conclus. Si la fonctionpublique de statut et de carrière conserveses spécificités, notamment l’absenced’applicabilité directe des stipulations d’unaccord conclu dans son champ, quicontinuera de devoir faire l’objet de mesuresd’application, ces dispositions permettrontde conforter la valeur politique de lasignature dans une logique deresponsabilisation de l’ensemble desacteurs parties prenantes aux négociations.

La règle de l’accord majoritaireconstituera l’unique critère de validité desaccords au plus tard en 2014. L’article 28prévoit, avant ce terme, des dispositionsspécifiques qui permettent aux acteurs dela négociation de s’approprier ce dispositifde reconnaissance de la validité desaccords, inédit dans la fonction publique.

Au cours de cette phase intermédiaire, lavalidité d’un accord est ainsi reconnue, dèslors que celui-ci est signé par une ouplusieurs organisations syndicales ayantrecueilli au total au moins 20 % des voixaux dernières élections professionnelles etqu’il n’a pas rencontré l’opposition d’une ouplusieurs organisations syndicales, ayantrecueilli la majorité des voix à ces mêmesélections. La validité d’un accord signésuivant la règle majoritaire (une ou plusieursorganisations syndicales réunissant aumoins 50 % des voix) est égalementreconnue.

Ces nouvelles dispositions sont d’ores et déjàentrées en vigueur. Leurs modalitésd’application seront précisées prochainementpar voie de circulaire.

1.2. Consécration de l’élection commesource de la représentativité et dela légitimité des organisationssyndicales (articles 4, 7, 8 et 9notamment)

La loi du 5 juillet 2010 prévoit différentesmesures à cet effet :

1.2.1. D’une part, elle élargit les conditionsd’accès aux élections des représentantsdes personnels au sein des instances deconcertation, en ne conditionnant plus laprésentation de listes par les organisationssyndicales de fonctionnaires à certainscritères de représentativité ou au bénéficed’une présomption de représentativité.

Pourront désormais se présenter auxélections professionnelles les syndicats qui,dans la fonction publique où celles-ci sontorganisées, sont légalement constituésdepuis au moins deux ans et satisfont auxcritères de respect des valeurs républicaineset d’indépendance, ou sont affiliés à uneunion de syndicats qui remplit ces critères.Conséquence directe de cette ouverture auplus grand nombre, les scrutins necomporteront plus qu’un seul tour, quelque soit le nombre de votants.

Ces nouvelles règles seront mises en œuvrepour les principales instances deconcertation de la fonction publique :comités techniques (CT) et commissionsadministratives paritaires (CAP) des troisfonctions publiques, comités consultatifsnationaux (CCN), ainsi que dans toutes lesinstances de concertation apparentées,présentes dans certains organismes publicsou privés employant des agents publics (LaPoste, France Télécom, etc.).

Elles entreront en vigueur à une date fixéepar décret et au plus tard le 31 mars 2011.Ainsi les élections professionnellesorganisées d’ici la fin de l’année 2010restent régies par les dispositionsantérieures prévues par le statut général.

1.2.2. D’autre part, la loi généralise lerecours à l’élection pour la compositiondes comités techniques de l’État (voirinfra), de manière à favoriser la représen-tation la plus complète possible de lacommunauté de travail au sein de cesinstances : alors que jusqu’à maintenant la

Le principe del’accordmajoritairea été consacré

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Dossier Fonction publique

plupart de ces instances, composées àpartir des résultats des élections auxcommissions administratives paritaires, neprenaient en compte que les seuls suffragesdes fonctionnaires, désormais, les agentscontractuels de droit public ou de droit privéseront également électeurs sous conditiond’une durée minimale d’ancienneté de leurcontrat. Dans le même esprit, ce sont lesrésultats de ces élections aux comitéstechniques et non plus ceux descommissions administratives paritaires quiserviront de fondement à la composition desconseils supérieurs de la fonction publique.

1.2.3. Enfin, elle favorise l’harmonisation ducalendrier des élections professionnellesdans les trois fonctions publiques(article 34). Cette convergence constitue unestipulation essentielle des accords de Bercy.Il s’agit également d’un signal politique etsocial fort de l’unité de la fonction publique.Pour ce faire, les mandats de l’ensemble desinstances de consultation de la fonctionpublique seront fixés à quatre ans.L’année 2011 sera, dans ce contexte, unepremière étape indispensable pour regrouperles cycles électoraux de la fonction publiquede l’État, caractérisés aujourd’hui par uneabsence totale de synchronisation,contrairement aux fonctions publiquesterritoriales et hospitalières. Sauf exception,les commissions administrativesparitaires et les comités techniques del’État, notamment les comités techniquesministériels, seront élus en octobre 2011selon les nouvelles règles prévues par laloi. Les résultats des élections aux comitéstechniques seront pris en compte pourrecomposer le Conseil supérieur de la fonctionpublique de l’État en décembre 2011.

1.3. Création d’un Conseil commun dela fonction publique (article 5)

La création de cette instance vise àpromouvoir le dialogue social inter-fonctions publiques. Elle réaffirme, avecforce, l’unité des trois fonctions publiques.

Ce Conseil ne se substituera pas aux troisconseils supérieurs actuellement compétentspour chaque fonction publique (CSFPE,CSFPT, CSFPH) mais sera consulté dansson champ propre, sur les textes communsaux trois fonctions publiques ainsi que sur

les problématiques communes telles quel’évolution de l’emploi public, la mobilité oubien le dialogue social européen.

Le Conseil commun de la fonction publiquerassemblera des représentants desorganisations syndicales des trois fonctionspubliques, ainsi que des employeurs del’État, des collectivités territoriales et de lafonction publique hospitalière. Il devrait êtremis en place au second semestre 2011,dans le prolongement des électionsorganisées pour la désignation desreprésentants du personnel dans lescomités techniques de l’État et de lafonction publique hospitalière.

1.4. Réforme des comités techniques(article 9)

La loi du 5 juillet 2010 consacre, tout d’abord,le principe de l’élection des représentantsdes personnels au sein de ces instances, àl’instar des comités techniques des autresfonctions publiques. Les représentants despersonnels au sein des comitéstechniques ministériels et des comitéstechniques de proximité (sauf en casd’insuffisance des effectifs) serontdésormais élus au scrutin de liste parl’ensemble des personnels qui relèventde leur périmètre. Pour les autrescatégories d’instances, d’autres modes deconstitution pourront être privilégiés, parexception, pour tenir compte de besoinsparticuliers.

En supprimant l’exigence deparitarisme numérique au sein de cesinstances, la loi favorise, par ailleurs, lareprésentation la plus légitime et la plusefficace possible de l’administration. Cetteévolution permettra, en effet, d’adapter lareprésentation de l’administration enfonction de l’ordre du jour et de faire siégerainsi les interlocuteurs les plus concernéspar les projets ou les textes discutés ausein de ces instances. Seuls lesreprésentants des personnels prendrontdésormais part au vote, ce qui permettrade faire ressortir davantage les positions desacteurs en présence.

Enfin la loi conforte les attributions descomités techniques, pour tenir compte desnouveaux enjeux de la gestion publique. Au-delà des problèmes d’organisation et de

Le calendrier desélectionsprofessionnellesest harmonisé

Les agentscontractuelsparticiperont àl’élection desreprésentants enCAP

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010184

Dossier Fonction publique

fonctionnement des services, ces instancesconnaîtront ainsi des questions relatives auxeffectifs, aux emplois et aux compétencesdes agents. Ils seront également informésdes principales décisions à caractèrebudgétaire ayant des incidences sur lagestion des emplois.

Ces nouvelles dispositions s’appliquerontaux comités techniques élus àl’automne 2011. Elles seront égalementrendues applicables en partie aux comitéstechniques renouvelés en 2010 dans desconditions qui seront prochainementprécisées par le décret d’application de la loi.

1.5. Création des comités d’hygiène, desécurité et de conditions de travaildans la fonction publique de l’État(article 10)

Afin de développer une véritable culture deprévention dans la fonction publique, lescomités d’hygiène et de sécurité seronttransformés en CHSCT, sur le modèle desinstances existantes dans la fonctionpublique hospitalière et le secteurprivé.

Lieux de dialogue et de concertation surles problématiques de santé et de sécuritéau travail, ces comités seront dotés depouvoirs nouveaux en matière decontrôle, afin de veiller au respect desprescriptions légales prises en cesmatières. Par ailleurs, ils pourront proposertoute évolution du droit ou despratiques, de nature à mieux assurer laprotection de la santé physique et mentaleet la sécurité des agents au travail, demême que l’amélioration des conditions detravail.

À l’instar des comités techniques auxquelsils sont la plupart du temps adossés, cescomités ne seront plus composés demanière paritaire, et seuls lesreprésentants des personnels pourrontvoter en leur sein.

Le décret d’application de la loi offriral’occasion de moderniser la cartographie,les attributions et le mode defonctionnement de ces instances.

1.6. Renforcement des garanties decarrières des agents investis demandats syndicaux (articles 2 et 3)

La vitalité du dialogue social suppose desmoyens syndicaux proportionnés auxenjeux et des droits capables de garantiret de valoriser l’engagement syndical. Ils’agit non seulement d’éviter toutediscrimination à l’encontre de cespersonnels dans le déroulement de leurcarrière, mais également de mieuxreconnaître l’expérience acquise au titre del’exercice du mandat syndical dans laconstruction des parcours professionnels.

L’article 2 de la loi permet ainsi la prise encompte des compétences acquisesdans l’exercice d’un mandat syndicalau titre des acquis de l’expérienceprofessionnelle dans le cadre desconcours internes ou des promotions decorps par voie d’inscription sur un tableaud’avancement ou d’examen professionnel.L’article 3 supprime, quant à lui, lesobstacles juridiques à la promotioninterne des personnels consacrant latotalité de leur temps de service àl’activité syndicale.

2. Autres dispositions prévuespar la loi

2.1. Modernisation des règlesd’avancement des fonctionnaires

L’article 39 de la loi prévoit la possibilité decréer de nouvelles conditions d’avancementde grade pour les corps et cadresd’emplois de catégorie A afin de mieuxprendre en compte le parcoursprofessionnel des agents et lesresponsabilités exercées.

Il s’agit de créer, un « grade à accèsfonctionnel », accessible sous réserved’avoir préalablement occupé certainsemplois ou fonctions, impliquant unniveau de responsabilité élevé, pendantune certaine durée.

Cette réforme permettra d’assurerl’attractivité des carrières dans la duréeet de mieux reconnaître la valeurprofessionnelle, les responsabilités, lemérite et la performance des agents.Elle requiert la modification des statuts

Les CHS ont ététransformés enCHSCT

La création d’ungrade à accèsfonctionnelgarantitl’attractivitédes carrièresdans la durée

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Dossier Fonction publique

particuliers des corps concernés etinterviendra donc progressivement, pour lescorps et cadres d’emplois pour lesquels unbesoin sera identifié.

2.2. Généralisation de dispositifsd’intéressement collectif et derémunération à la performancedans la fonction publique

Mieux rémunérer les fonctionnaires enfonction de leurs niveaux de qualification etde responsabilité, comme de leurperformance, est au cœur de la« refondation » de la politique salarialeengagée par le Gouvernement depuisdeux ans.

La loi du 5 juillet 2010 pose clairement,dans le statut général des fonction-naires, le principe de la modulation durégime indemnitaire des agents, auregard de leurs fonctions et de leursrésultats professionnels ainsi que de laperformance collective des services.

Elle fournit ainsi le cadre juridiquenécessaire à l’extension de la prime defonctions et de résultats aux deux autresfonctions publiques (PFR) et à l’instaurationde dispositifs d’intéressement collectif dansla fonction publique dans le prolongementdes recommandations du rapportDiefenbacher.

Caroline Krykwinski (Direction généralede l’administration et de la fonctionpublique)

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010 187

Commande publique

En mars 2007, le rapport Labetoulle sur laréforme de l’arbitrage des litiges intéressantles personnes publiques1 a suscité un débatdoctrinal passionnant – et passionné – entreles défenseurs d’un arbitrage civil etjudiciaire par nature et les tenants d’unarbitrage administratif autonome. En effet,malgré l’existence d’un consensus surl’intérêt de promouvoir l’arbitrage en droitpublic, les auteurs se déchirent sur laquestion de la compétence juridictionnelle,pour connaître du recours dirigé contre unesentence arbitrale rendue sur un différendné d’un contrat passé entre une personnemorale de droit public français et unepersonne de droit étranger2.

Par sa décision du 17 mai 2010, INSERMc/ Fondation Letten F. Saugstad, le Tribunaldes conflits tente de mettre fin à lacontroverse, par une solution de principedont l’ambition est de concilier ce qui,jusqu’alors, semblait inconciliable.

En 1998, l’Institut national de la santé etde la recherche médicale (INSERM) et lafondation Letten F. Saugstad, associationde droit norvégien, avaient conclu unprotocole d’accord, en vue de la réalisationd’un projet de construction d’un pôle derecherche en neurobiologie sur un terrainappartenant à l’université d’Aix-Marseille. Àla suite de différends survenus entre lesparties, la fondation norvégienne a notifié àl’Inserm la rupture de leurs relationscontractuelles.

L’Inserm assigna alors la fondation enpaiement du solde du montant de sonengagement financier, devant le TGI de Parisqui accueillit cette demande. Mais, comptetenu de la clause compromissoire stipuléedans le protocole d’accord, la cour d’appelde Paris a infirmé ce jugement, déclaré letribunal incompétent pour connaître de l’affaireet invité les parties à saisir la juridictionarbitrale.

L’arbitre, désigné par ordonnance de référédu président du TGI de Paris, a déboutél’Inserm de sa demande en paiement et l’acondamné à restituer à la fondation, avecintérêts, les sommes que celle-ci avait déjàversées.

Arguant de la nullité de la clause compro-missoire, l’Inserm a fait appel de la sentencearbitrale devant la Cour administratived’appel de Marseille, qui a transmis l’affaireau Conseil d’État3, et saisi concomi-tamment la cour d’appel de Paris d’unrecours en annulation de la même sentencearbitrale.

Cette dernière a admis sa compétence, enretenant que « le recours en annulation dela sentence arbitrale rendue en France enmatière d’arbitrage international est, en vertude l’article 1505 du code de procédure civile,porté devant la cour d’appel dans le ressortde laquelle la sentence a été rendue », avantde rejeter le recours au fond au motif que laprohibition pour un État de compromettreest une règle de droit interne qui demeuresans effet dans le cadre d’un arbitrageinternational.

Arbitrage international : le funambulisme juridiquedu Tribunal des conflits

Par Guillaume Delaloy

Le Tribunal des conflits met fin aux controverses doctrinales sur la question de lacompétence juridictionnelle, pour connaître du recours dirigé contre une sentencearbitrale rendue sur un différend né d’un contrat international de l’administration.Dans une sorte de compromis, il organise un partage équilibré, voire équilibriste,des compétences, en consacrant le principe de la compétence judiciaire en matièred’arbitrage international, tout en réservant une niche de compétence au jugeadministratif, dès lors que le contrat à l’origine du litige relève d’un régimeadministratif d’ordre public.

1 Rapport du Conseil d’État relatif à l’extension del’arbitrage pour les personnes morales de droitpublic, La Documentation française, 2007.2 Voir notamment : S. Lemaire, C. Jarrosson etL. Richer, « Pour un projet viable de l’arbitrage endroit administratif », AJDA 2008, p. 617 ;P. Terneyre et C. Vérot, « Le projet de réforme deslitiges intéressant les personnes publiques esttout à fait viable », AJDA 2008, p. 905.

3 Lorsque le recours à l’arbitrage est autorisé pourun litige de droit public, le tribunal arbitral présentele caractère d’une juridiction administrativespécialisée et sa sentence est susceptible d’appeldevant le Conseil d’État (CE Ass., 4 janvier 1957,Lamborot, p. 12).

TC, 17 mai 2010,Inserm c/ FondationLetten F. Saugstad,n° 3754

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010188

Commande publique

De son côté, le Conseil d’État, estimantque le litige soulevait des difficultéssérieuses, a renvoyé l’affaire devant le jugedes conflits.

Afin de déterminer l’ordre juridictionnelcompétent pour trancher cette question, leTribunal des conflits procède à un délicatexercice de funambulisme juridique destinéà rapprocher les positions divergentes desjuridictions administratives et judiciaires (1.),en organisant un partage des compétencesjuridictionnelles en matière d’arbitrageinternational (2.).

1. Les approches divergentesdes juridictions en matièred’arbitrage international

Par la décision commentée, le juge desconflits tente de concilier sa jurisprudencetraditionnelle (1.1.) avec le régime juridiquede l’arbitrage international tel que défini parla Cour de cassation et dont la cour d’appelde Paris a fait, dans le cas d’espèce, unestricte application (1.2.).

1.1. La position traditionnelle duTribunal des conflits

En vertu de la jurisprudence traditionnelledu Tribunal des conflits, la juridictioncompétente pour connaître du recours dirigécontre une sentence arbitrale est celle quile serait pour connaître du contrat qui adonné lieu à l’arbitrage4. Selon cetteapproche, l’arbitrage n’est qu’un mode derèglement des litiges, empruntant d’autresvoies que les recours ouverts devant lesjuridictions étatiques de droit commun. Iln’a aucune incidence sur la déterminationdu droit applicable aux litiges et, parconséquent, quant à la désignation del’ordre de juridiction compétent pourl’exercice des voies de recours contre lasentence arbitrale.

Cette position était en accord avec celle dela juridiction administrative, selon laquelle,sauf dans les cas spécifiquement prévuspar un texte5, le recours à l’arbitrage n’a ni

pour objet, ni pour effet, de modifier la naturepublique ou privée des litiges, qui ne cessentpas d’être régis par les règles juridiques quileur sont applicables6.

Dès lors, la juridiction compétente estdéterminée, en fonction des critèrestraditionnels de définition des contratsadministratifs et des contrats de droit privéet, jusqu’à sa décision du 17 mai 2010, cettesolution s’appliquait également dans les casoù la convention initiale revêt un caractèreinternational7.

1.2. La jurisprudence de la Cour decassation

Dans une perspective diamétralementopposée, la Cour de cassation fait une stricteapplication des dispositions du code deprocédure civile sur l’arbitrage international.Elle retient une lecture purement« économique » de l’article 1492 de ce codeselon lequel « est international l’arbitrage quimet en cause les intérêts du commerceinternational ». Dès lors que le litige serapporte à une opération transfrontalière, ilrelève du commerce international et peut fairel’objet d’un arbitrage, quand bien même unepersonne publique est en cause. Selon cetteconception, l’internationalité du litige justifieson arbitrabilité et, en application del’article 1505 du même code, la compétencedu juge judiciaire, indépendamment de lanature privée ou administrative de ce litigeau regard du droit interne.

La jurisprudence judiciaire exclut toute priseen compte du contrat initial. La clausecompromissoire est indépendantejuridiquement du contrat principal, qui lacontient directement ou par référence et sonexistence et son efficacité s’apprécientd’après la commune volonté des partiessans qu’il soit nécessaire de se référer àune loi étatique. La liberté des parties n’estlimitée que par le respect de l’ordre publicinternational et des lois de police8.

4 TC, 16 octobre 2006, Caisse centrale deréassurance c/ Mutuelle des architectes français,p. 639.5 L’article 128 du code des marchés publics renvoieexpressément au livre IV du code de procédure civile.

6 CE Section, 2 mars 1956, SARL Le secteurélectrique de Reuilly, Lebon, p. 102.7 TC, 19 mai 1958, Société Myrtoon Steamship, p. 793,D. 1958, p. 699.8 Cass. 1ère Civ., 20 décembre 1993, Bull. Civ. I,n° 372.

L’approcheadministrativistede l’arbitrage liela compétence etle fond

Pour le jugejudiciaire, laclausecompromissoireest indépendantedu contrat initial

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Commande publique

Le principe de l’autonomie de la clausecompromissoire implique, selon la Cour, quecette clause ne saurait être affectée, ni parl’illicéité du recours à l’arbitrage, ni parl’éventuelle nullité ou invalidité du contratqui la contient9. Dès lors, une personnemorale de droit public ne saurait se prévaloir,en matière d’arbitrage international, desdispositions du droit interne prohibant sonadhésion à une convention d’arbitrage10.

Cette solution est, d’ailleurs, conforme à laConvention européenne sur l’arbitragecommercial international, signée à Genèvele 21 avril 1961, qui reconnaît « auxpersonnes morales qualifiées par la loi quileur est applicable de personnes moralesde droit public, la faculté de conclurevalablement des conventions d’arbitrage ».

Ainsi, la Cour de cassation a consacrél’existence d’un véritable ordre juridiquearbitral, autonome des ordres juridiquesétatiques, et dans lequel les parties etl’arbitre sont libres du choix du droitapplicable au fond. Ce principe, qui découlede l’article 1496 du code de procédure civile,implique que « l’arbitre peut se référer aussibien à un droit national qu’il jugeraitparticulièrement adapté au litige qu’à desnormes spécialement élaborées pour régirle contrat litigieux, qu’il s’agisse des usagesinternationaux ou de la lex mercatoria11 ».

La sentence arbitrale, qui n’est rattachée àaucun ordre juridique étatique, est unedécision de la justice internationale, dont larégularité est examinée au regard des règlesapplicables dans le pays où sareconnaissance et son exécution sontdemandées12. Dans cette optique, le contrôleexercé par le juge étatique ne saurait portersur le fond du litige, au regard du droit interne.Il tend essentiellement à vérifier la régularitéinternationale de la sentence au regard desrègles matérielles relevant de l’ordre publicinternational, c’est-à-dire des valeursfondamentales internationalement partagéesdont le respect ne peut être ignoré ni par lesparties ni par leur arbitre13.

2. La solution de compromis duTribunal des conflits

Convaincu par la clarté de l’argumentationdéveloppée par son commissaire dugouvernement14, le Tribunal des conflitsparvient à trouver un « compromis surl’arbitrage15 », qui concilie la logiqued’ensemble de l’arbitrage international issuede la jurisprudence judiciaire (2.1.) et lerespect de l’intérêt général, dont lescaractéristiques propres des personnespubliques constituent l’imparable reflet (2.2.).

2.1. La reconnaissance de l’existenced’un ordre juridique arbitralautonome

Faisant écho à la jurisprudence de la Courde cassation, l’arrêt commenté pose leprincipe selon lequel « le recours formécontre une sentence arbitrale rendue enFrance, sur le fondement d’une conventiond’arbitrage, dans un litige né de l’exécutionou de la rupture d’un contrat conclu entreune personne morale de droit publicfrançaise et une personne de droit étranger,exécuté sur le territoire français, mettant enjeu les intérêts du commerce international,fut-il administratif selon les critères du droitinterne français, est porté devant la courd’appel dans le ressort de laquelle lasentence a été rendue, conformément àl’article 1505 du code de procédure civile ».

Au-delà de la stricte application de la règlede compétence juridictionnelle qui figure àl’article 1505 du code de procédure civile,dont il précise au passage qu’elle « ne portepas atteinte à la séparation des autoritésadministratives et judiciaires », le Tribunaldes conflits admet qu’un arbitre, lorsqu’ilse trouve saisi d’un litige qui revêt,économiquement parlant, un caractèreinternational, fasse application des règleslibrement déterminées par les parties ou, àdéfaut, de celles qu’il aura choisies.

Et c’est parce que la sentence arbitrale netrouve son fondement dans aucun ordrejuridique étatique que le juge administratif,9 Cass. 1ère Civ., 11 juillet 2006, Bull. Civ. I, n° 364.

10 Cass. 1ère Civ., 2 mai 1966, Galakis, Bull. Civ. I,n° 256, D. 1966, Jurisp. p. 575.11 S. Lemaire, C. Jarrosson et L. Richer, articleprécité.12 Cass. 1ère Civ., 29 juin 2007, Putrabali, Bull. Civ. I,n° 250.13 Cass. 1ère Civ., 4 juin 2008, Bull. Civ. I, n° 162.

14 Conclusions M. Guyomar, Revue de l’arbitrage,2010, n° 2, Jurisp., p. 27515 F. Brenet et F. Melleray, « La répartition descompétences à propos des recours formés contreune sentence arbitrale mettant en jeu les intérêtsdu commerce international », Dr. adm. Août 2010,comm. 122.

L’arbitrageinternationalconstitue unordre juridiqueautonome desordres juridiquesétatiques

La compétencede principe dujuge judiciairepour connaîtredes sentencesarbitralesinternationales

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dont la compétence d’attribution estsubordonnée à l’application du droit français,ne possède aucun titre pour en connaître.

En statuant ainsi, le Tribunal des conflits necontredit pas totalement sa jurisprudenceantérieure. Comme le Conseil d’État avantlui16, il avait déjà admis que la juridictionadministrative n’était pas compétente pourconnaître des litiges nés de l’exécution etde la rupture de contrats qui ne sont pasrégis par la loi française, et dont laconnaissance appartient au seul jugejudiciaire, en vertu des règles de conflit delois et de compétence juridictionnelle17.Cette solution reposait, à la fois, sur laspécificité de la juridiction administrative, quiest un juge d’attribution, et sur la portée, enmatière contractuelle, du principe de laliaison de la compétence et du fond.

Dès lors, il n’était pas possible, pour leTribunal des conflits, de déterminer larépartition des compétences juridictionnelles,pour connaître d’un recours dirigé contre unesentence arbitrale rendue à propos del’exécution ou de la rupture d’un contratinternational de l’administration au seul vu descritères classiques, applicables en droitfrançais, qui permettent de distinguer lescontrats administratifs et les contrats de droitprivé. Une telle solution, fondée sur la naturedu contrat à l’origine du litige, aurait eu poureffet de supprimer tout l’intérêt du recours àl’arbitrage international, qui résideprécisément dans l’application d’un droitparfaitement autonome, sans autre contrôleque celui, par le juge de l’exequatur ou del’annulation, du respect de l’ordre publicinternational.

2.2. La prise en compte de la spécificitédes personnes publiques

Il n’était pas davantage possible que leTribunal des conflits applique, sans nuance,la conception judiciaire de l’arbitrageinternational. La totale autonomie reconnueaux parties pour déterminer la règleapplicable au litige n’est pas compatibleavec l’une des caractéristiques essentiellesdes personnes publiques qui résideprécisément dans l’absence, en ce qui les

concerne, de complète autonomie de lavolonté. Les personnes publiques sont, eneffet, impérativement soumises, eu égardà leur qualité, au respect, dans l’intérêtgénéral, d’un certain nombre de règles quitraduisent autant de sujétions qui pèsentsur elles, sujétions qui, pour la plupart,constituent l’écho d’exigences de valeurconstitutionnelle.

C’est d’ailleurs cette forme d’incapacité, quirenvoie, en réalité, à l’absence, pour lapersonne publique, de libre disponibilité desdroits, qui justifie la règle selon laquelle lespersonnes morales de droit public se voient,en principe, interdire d’avoir recours àl’arbitrage.

Cette interdiction constitue un principegénéral du droit public français, qui prendappui sur des dispositions législatives figurantaujourd’hui à l’article 2060 du code civil auxtermes duquel : « On ne peut compromettre[…] sur les contestations intéressant lescollectivités publiques et les établissementspublics et plus généralement dans toutesles matières qui intéressent l’ordre public ».C’est pourquoi, l’Assemblée générale duConseil d’État, dans un avis du 6 mars 1986,énonce qu’« il résulte des principes générauxdu droit public français, confirmés par lesdispositions du premier alinéa del’article 2060 du code civil que, sous réservedes dérogations découlant de dispositionslégislatives expresses ou, le cas échéant,des stipulations de conventionsinternationales incorporées dans l’ordrejuridique interne, les personnes morales dedroit public ne peuvent pas se soustraire auxrègles qui déterminent la compétence desjuridictions nationales en remettant à ladécision d’un arbitre la solution des litigesauxquels elles sont parties et qui serattachent à des rapports relevant de l’ordrejuridique interne18 ».

Si cette spécificité des personnes publiquesn’est pas de nature à justifier une« inarbitrabilité » absolue des litiges relatifsà leurs contrats19, elle implique, à tout le

16 CE Section, 19 novembre 1999, Tegos, p. 356.17 TC, 22 octobre 2001, Mme Issa et Mme Le Gouy c/ Lycée Jean Mermoz à Dakar et Agence pourl’enseignement du français à l’étranger, p. 751.

18 CE Ass. gén., avis n° 339710, 6 mars 1986, EDCE1987, n° 38, p. 178.19 La prohibition du recours à l’arbitrage pour lespersonnes morales de droit public, qui n’a pas valeurconstitutionnelle, connaît de nombreusesdérogations d’origine législative, soit en raison despersonnes publiques concernées, soit en raisonde la nature du litige en cause.

L’absence decomplèteautonomie de lavolonté despersonnesmorales de droitpublic

Le principe deprohibition durecours àl’arbitrage dansles matière quiintéressentl’ordre public

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moins, une adaptation du régime juridiquede l’arbitrage à ces caractéristiquesessentielles.

C’est pourquoi le Tribunal des conflitsapporte un tempérament au principe de lacompétence judiciaire, pour connaître desrecours formés contre une sentencearbitrale internationale en précisant aussitôtqu’« il en va cependant autrement lorsquele recours, dirigé contre une telle sentenceintervenue dans les mêmes conditions,implique le contrôle de la conformité de lasentence aux règles impératives du droitpublic français relatives à l’occupation dudomaine public ou à celles qui régissent lacommande publique et applicables auxmarchés publics, aux contrats departenariat et aux contrats de délégation deservice public », pour conclure que « cescontrats relevant d’un régime administratifd’ordre public, le recours contre unesentence arbitrale rendue dans un litige néde l’exécution ou de la rupture d’un telcontrat relève de la compétence du jugeadministratif ».

Les « règles impératives du droit publicfrançais », dont il est question ici, ne sontpas sans rappeler « les exigencesconstitutionnelles inhérentes à l’égalitédevant la commande publique, à laprotection des propriétés publiques et aubon usage des deniers publics »consacrées par le Conseil constitutionneldans sa décision n° 2003-473 DC du 26 juin2003. Pour le Tribunal des conflits, lerecours à l’arbitrage doit rester sansincidence sur « l’impérieuse obligation pourles parties, et donc pour l’arbitre, derespecter ces règles20 », dont le champcorrespond à celui des lois de police dontle Règlement « Rome I21 » réservel’applicabilité de plein droit aux situationscontractuelles. Ainsi, alors même que lesparties auraient entendu soumettre larésolution du litige à un droit étranger ouaux lois du commerce international, lecaractère impératif de ces règles entraînantla soumission du contrat litigieux à unrégime administratif d’ordre public,l’arbitrage ne pourra se dispenser de cesrègles.

Dans cette optique, et par exception aurégime de principe, la sentence arbitraleperd sa complète autonomie, pour êtrerattachée à l’ordre juridique français, aumoins en partie, c’est-à-dire en tant qu’elleest rendue sur le fondement de ces règlesimpératives de droit public français. Parconséquent, en application du principe deliaison de la compétence et du fond, le jugeadministratif retrouve sa compétenced’attribution.

Dès lors, on peut légitimement penser quele juge administratif exercera un véritablecontrôle au fond de la décision arbitrale. Lecontrôle minimaliste opéré par le jugejudiciaire, limité à la compatibilité de lasentence avec l’ordre public international,est incompatible avec le nécessaire contrôledes sujétions particulières pesant sur lespersonnes morales de droit public. La Courde justice de l’Union européenne a rappeléque l’application correcte et uniforme dudroit communautaire, qui fait d’ailleurs partiede la conception française de l’ordre publicinternational, impose aux juges de procéderà un contrôle effectif des sentencesarbitrales22. Le juge administratif seravraissemblablement attaché à ce quel’arbitrage international respecte les lois depolice que constituent, dans l’ordre interne,les législations régissant les relationscontractuelles des collectivités publiques et« dont le respect est crucial pour lasauvegarde des intérêts publics et pour lamoralisation de ces relations23 ».

C’est à ce titre qu’il devra vérifier la licéitéde la clause compromissoire, étant amené,contrairement à ce qu’aurait fait le jugejudiciaire, à annuler toutes sentencesrendues sur le fondement d’une clauseillégale.

** *

Loin de révéler une quelconque défiance duTribunal des conflits à l’égard des arbitresou du juge judiciaire24, ou d’être l’outil de la

20 Conclusions Guyomar précitées.21 Règlement (CE) n° 593/2008 du Parlementeuropéen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loiapplicable aux obligations contractuelles (Rome I),JOUE L 177 du 4 juillet 2008.

22 CJCE, 1er juin 1999, Eco Swiss China Time etBenetton International, aff. C-126/97.23 E. Paris, « Arbitrage international et contratadministratif », RJEP, 2010, comm. 40.24 E. Gaillard, « Masochisme français », JCP éd. G,2010, 585.

La nécessaireadaptation durégime del’arbitrage auxcaractéristiquesessentielles despersonnespubliques

La réserve decompétence dujuge administratifpour les contratsrelevant d’unrégimeadministratifd’ordre public

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« vengeance de la justice publique sur cettejustice privée qui lui échappe25 », la décisiondu 17 mai 2010 apparaît comme une« solution équilibrée26 », fondée sur leprincipe d’une compétence partagée entreles deux ordres de juridiction, en matièred’arbitrage international, comme c’était déjàle cas en matière d’arbitrage interne.

Une nouvelle niche de compétence de lajuridiction administrative au sein d’unecompétence de principe dévolue à lajuridiction judiciaire vient s’ajouter à cellesque le Tribunal des conflits a déjà pu établir,par exemple, en matière d’homologation destransactions27 ou pour connaître des litigesnés des activités des établissements publicsà caractère industriel et commercial28.

Il n’y a donc pas de « reprise en main del’arbitrage international29 » par le jugeadministratif. Au contraire, le juge judiciairereste le juge naturel de l’arbitrageinternational, y compris en présence d’unepersonne morale de droit public, la niche decompétence administrative étant strictementlimitée au « noyau dur » du droit public.

Une question reste néanmoins en suspens :quelles seront les règles applicables devantle juge administratif ? Appliquera-t-il le codede procédure civile ou dégagera-t-il desprincipes propres à l’arbitrage internationalen matière de contrats publics ?

Compte tenu du principe de prohibition durecours à l’arbitrage pour les personnespubliques, les cas de compétenceadministrative devraient rester, en l’étatactuel du droit, assez rares. On attend avecintérêt la première décision du jugeadministratif sur le fondement de cettejurisprudence.

Guillaume Delaloy (Direction desaffaires juridiques)

25 T. Clay, « Les contorsions byzantines du tribunaldes conflits en matière d’arbitrage », JCP éd. G,2010, 552.26 J. Ortscheidt, « La dualité du contrôle dessentences arbitrales internationales : une solutionéquilibrée », JCP éd. G, 2010, 644 ; S. Deygas,« Recours contre une sentence arbitrale enmatière de contrats de droit public à caractèreinternational : quelle compétence ? », Procédures,2010, comm. 299.27 TC, 18 juin 2007, Sté Briançon Bus et Brunet,p. 600 : l’homologation d’une transaction et les litigesnés de son exécution relèvent de la compétencejudiciaire, hormis le cas où il est manifeste que lesdifférends qui s’y trouvent compris ressortissentprincipalement à la compétence du juge administratif.28 TC, 29 décembre 2004, Blanckeman, p. 525 : leslitiges nés des activités d’un EPIC relèvent de lacompétence judiciaire, à l’exception de ceux relatifsà celles de ses activités qui ressortissent par leurnature de prérogatives de puissance publique.29 T. Clay, article précité.

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Tribunal des conflits

N° 3754

Lecture du 17 mai 2010

Considérant que, le 4 août 1998, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et lafondation Letten F. Saugstad, association de droit norvégien, ont conclu un acte sous seing privé, dénommé« protocole d’accord », par lequel les parties, eu égard à leurs missions respectives, sont convenues « de mettreen commun leurs efforts pour favoriser la réalisation d’un projet de construction d’un pôle de recherche enneurobiologie, appelé institut méditerranéen de neurobiologie (IMED), centre de recherche Saugstad-INSERM »,la fondation s’obligeant à verser, à trois stades d’avancement de l’opération de construction du bâtiment à édifiersur un terrain appartenant à l’université d’Aix-Marseille et destiné à abriter l’IMED, la somme totale de 25 millionsde francs et l’INSERM s’engageant à formuler deux demandes budgétaires successives à concurrence de 5 millionsde francs chacune ; que l’acte stipulait que, si apparaissaient des difficultés d’application du protocole d’accord,en l’absence de solution amiable et en cas de vaine médiation, les parties auraient recours à l’arbitrage ; qu’à lasuite des différends survenus, la fondation Letten F. Saugstad, qui, le 28 avril 1999, avait versé la premièretranche de 2 millions de francs, a, par lettre du 28 août 2000, notifié à l’INSERM la rupture de leurs relations ;que celui-ci ayant assigné la fondation en paiement du solde du montant de son engagement, soit3.506.327,40 euros, devant le tribunal de grande instance de Paris qui a accueilli sa demande, la cour d’appel deParis a infirmé le jugement, déclaré le tribunal incompétent pour connaître de l’affaire et renvoyé les parties à sepourvoir devant la juridiction arbitrale, sur le fondement de la clause compromissoire stipulée dans le protocoled’accord ; que l’arbitre, désigné par ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Paris,saisi par l’INSERM, a rendu sa sentence le 4 mai 2007 aux termes de laquelle il a débouté l’INSERM de sademande en paiement de la somme de 3.506.327,40 euros et a condamné l’INSERM à restituer à la fondationLetten la somme de 304.878,03 euros versée le 28 avril 1999 avec intérêts et anatocisme ; que, par requêteprésentée le 12 juillet 2007, l’INSERM a saisi la cour administrative d’appel de Marseille d’un appel à l’encontrede la sentence arbitrale pour en voir prononcer l’annulation en raison de la nullité de la clause compromissoire etvoir la fondation condamnée à exécuter ses obligations financières ; qu’ayant concomitamment saisi la courd’appel de Paris d’un recours en annulation de la même sentence arbitrale, cette juridiction a, par arrêt du13 novembre 2008, rejeté son recours en annulation et l’a débouté de ses demandes, en retenant sa compétencesur le fondement de l’article 1505 du code de procédure civile et en considérant que la prohibition pour un État decompromettre est limitée aux contrats d’ordre interne, sous réserve de dispositions législatives contraires, maisqu’au vu du principe de validité de la clause d’arbitrage international cette prohibition n’est pas d’ordre publicinternational ; que, saisi de la requête présentée initialement à la cour administrative d’appel, le Conseil d’État aestimé qu’elle présentait à juger des difficultés sérieuses de nature à justifier le recours à la procédure prévue parl’article 35 du décret du 26 octobre 1849 modifié par le décret du 25 juillet 1960 ;

Considérant que le recours formé contre une sentence arbitrale rendue en France, sur le fondement d’uneconvention d’arbitrage, dans un litige né de l’exécution ou de la rupture d’un contrat conclu entre une personnemorale de droit public française et une personne de droit étranger, exécuté sur le territoire français, mettant enjeu les intérêts du commerce international, fût-il administratif selon les critères du droit interne français, est portédevant la cour d’appel dans le ressort de laquelle la sentence a été rendue, conformément à l’article 1505 ducode de procédure civile, ce recours ne portant pas atteinte au principe de la séparation des autorités administrativeset judiciaires ; qu’il en va cependant autrement lorsque le recours, dirigé contre une telle sentence intervenuedans les mêmes conditions, implique le contrôle de la conformité de la sentence aux règles impératives du droitpublic français relatives à l’occupation du domaine public ou à celles qui régissent la commande publique etapplicables aux marchés publics, aux contrats de partenariat et aux contrats de délégation de service public ;que, ces contrats relevant d’un régime administratif d’ordre public, le recours contre une sentence arbitralerendue dans un litige né de l’exécution ou de la rupture d’un tel contrat relève de la compétence du juge administratif ;

Considérant que le protocole d’accord conclu entre l’INSERM, établissement public national à caractère scientifiqueet technologique, et la fondation Letten F. Saugstad, association de droit privé norvégienne, dont l’objet est laconstruction en France d’un bâtiment destiné à abriter un institut de recherche juridiquement et institutionnellementintégré à l’INSERM et qui en prévoit le financement partiel par la fondation, met en jeu les intérêts du commerceinternational ; que, dès lors, le recours en annulation formé contre la sentence arbitrale rendue dans le litigeopposant les parties quant à l’exécution et à la rupture de ce contrat, lequel n’entre pas au nombre de ceuxrelevant du régime administratif d’ordre public ci-dessus défini, relève de la compétence de la juridiction judiciaire ;

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Commande publique

D É C I D E :

Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour connaître du recours en annulation formé par l’INSERMà l’encontre de la sentence arbitrale rendue dans le litige qui l’oppose à la fondation Letten F. Saugstad ainsi quede la demande en paiement dirigée contre celle-ci.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés, qui estchargé d’en assurer l’exécution.

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010 195

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Il n’est pas fréquent de rencontrer unenchaînement d’erreurs aussi multiples quecelles commises lors de la procédure depassation du marché à l’origine de l’arrêtdu Conseil d’État, Société Cassan, du31 mai 2010. Néanmoins, à partir de faitscomplexes, le juge administratif va dégagerune solution relativement simple1.

En 1999, l’OPHLM de l’Hérault, devenul’Office public de l’habitat « HéraultHabitat », a lancé une procédure d’appeld’offres visant à passer un marché pour laréhabilitation de 128 logements. La sociétéCassan, candidate au lot plomberie, setrompe dans le calcul de son prix en leminorant de 17 % et dépose de ce fait uneoffre particulièrement attractive pourl’acheteur public, mais difficile voireimpossible à honorer. La société, malconseillée par les propres services dupouvoir adjudicateur, fait part de sa volontéde se retirer de la consultation en arguantd’un surcroît d’activité, alors que l’aveu del’erreur aurait coupé court à tout litigecompte tenu des dispositions du règlementde consultation.

À sa plus grande joie, la société Cassanreçoit un courrier de l’Office, daté du 11 mai1999, lui notifiant le rejet de son offre. Maisle répit fut de courte durée : c’était là uneerreur de l’Office qui a adressé le mêmecourrier de rejet à tous les soumissionnaires.Pour son plus grand malheur, la société reçoitun nouveau courrier en date du 27 mai 1999,l’informant que son offre avait bien été retenuepar la commission d’appel d’offre. Malgré larenonciation de l’entreprise, l’Office signe lemarché le 8 juin 1999 et, le même jour,adresse à la société un ordre de service.Face au refus opposé par la société Cassand’exécuter le marché, l’acheteur public confiele lot plomberie à un nouveau titulaire et émetà l’encontre de la société Cassan un titre derecettes correspondant à la différence entrele montant de son offre et celle de l’entreprisequi lui a succédé.

La société conteste ce titre exécutoiredevant le Tribunal administratif de Montpellierqui, compte tenu des erreurs commises parles parties, réduit le montant du titre demoitié. La société fait appel de ce jugementdevant la Cour administrative d’appel deMarseille qui, au terme d’un raisonnementdifférent, parvient à une solution équivalente.L’affaire est alors portée devant le Conseild’État qui, suivant les conclusions de sonrapporteur public Nicolas Boulouis2, annulele titre de recettes au motif que le marchén’avait pas été valablement conclu.

Au-delà du caractère rocambolesque del’affaire, l’intérêt de cette décision résidedans le fait qu’elle a été l’occasion, pour laHaute juridiction, de se prononcer à la foissur l’applicabilité de la jurisprudence sur lesactes créateurs de droits dans le cadre dela passation des marchés publics (1.), etsur les effets de l’information des candidatsnon retenus sur le délai de validité desoffres (2.).

1. Les actes détachables duprocessus contractuel ne sontpas tous créateurs de droits

1.1. La jurisprudence « Ternon » n’estpas applicable à la décision de lacommission d’appel d’offres seprononçant sur les offres descandidats

La dissemblance entre la solution duConseil d’État et celle des juges du fondprovient d’une analyse divergente de lanature juridique de la décision de lacommission d’appel d’offres et des lettresde rejet et d’acceptation de l’offre.

Devant la Cour administrative d’appel deMarseille, la société invoquait, entre autres,le moyen tiré de la résiliation du marchépar l’Office. Les juges d’appel ont alors

Du bon usage de la notification du rejet des offresPar Marie-Charlotte Bontron et Guillaume Delaloy

La décision d’attribution de la commission d’appel d’offres n’étant pas créatricede droits, la lettre par laquelle le pouvoir adjudicateur informe par erreur uncandidat du rejet de son offre ne constitue pas un retrait illégal de la décision. Aucontraire, elle a pour effet de délier la société de son engagement de sorte quele marché ne peut être conclu sans un nouvel accord de sa part.

1 A. Ménéménis, Faits complexes, principes simples,achatpublic.info, 12 juillet 2010.

2 Que nous remercions pour leur aimablecommunication.

CE, 31 mai 2010,Société Cassan,n° 315851

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010196

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appliqué la jurisprudence « Ternon3 »,relative au retrait des actes créateurs dedroits afin de déterminer si, en l’espèce,l’Office avait effectivement résilié le marché.L’arrêt « Ternon » pose la règle de droitsuivante : sous réserve de dispositionslégislatives ou réglementaires contraires, ethors le cas où il est satisfait à une demandedu bénéficiaire, l’administration ne peutretirer une décision individuelle explicitecréatrice de droits, si elle illégale, que dansun délai de quatre mois suivant la prise decette décision.

Le juge d’appel, appliquant cettejurisprudence à l’espèce, a adopté leraisonnement suivant : la décision parlaquelle la commission d’appel d’offres aretenu l’offre de la société Cassan est unedécision créatrice de droits. De ce fait, lalettre du 11 mai 1999 (lettre de rejet), n’estpas conforme à la décision prise par lacommission d’appel d’offres, et doit êtreregardée comme une décision irrégulière,retirant illégalement une décision créatricede droits. L’OPHLM était donc en droit dela retirer, dans un délai de quatre mois. Dèslors, le courrier du 27 mai 1999 par lequell’office a informé la société que la lettreprécédente lui avait été envoyée par erreuret que son offre avait bien été retenue parla commission d’appel d’offres doit êtreregardée comme une décision légale deretrait de la lettre de rejet. En conséquence,le marché n’a pas été résilié par l’Office.

Le Conseil d’État ne reprend pas à soncompte cette analyse. Au contraire, ilrappelle que la décision de la commissiond’appel d’offres se prononçant sur les offresprésentées par des entreprises ne constituepas pour ces candidats une décisioncréatrice de droits. Cette position s’inscritdans la droite ligne d’une jurisprudenceconstante, selon laquelle une décision parlaquelle l’administration informe unsoumissionnaire que son offre est acceptéene crée pour l’attributaire aucun droit à lasignature du contrat4. La Haute juridictionréaffirme donc que certains actesdétachables du processus contractuel necréent aucun droit au profit des candidatsou du futur attributaire du marché.

1.2. Une solution fondée sur les préro-gatives de l’acheteur public dansle cadre de la procédure depassation des marchés

Pour parvenir à cette solution, le rapporteurpublic Nicolas Boulouis fonde sonraisonnement sur l’existence d’unecondition suspensive, tenant à « lasignature d’un marché, c’est-à-dire la latitudedont dispose l’autorité compétente de nerien faire du tout ». Or, un acte souscondition suspensive ne crée aucun droit,tant que la condition n’est pas réalisée. Ilen résulte que la décision de la commissiond’appel d’offres choisissant une offre n’esteffective que lorsque le marché est dûmentsigné par le pouvoir adjudicateur.

Le Conseil d’État a suivi son rapporteurpublic. L’inapplicabilité à l’espèce de lajurisprudence « Ternon » sur les actescréateurs de droits est expliquée de lamanière suivante : « compte tenu du pouvoirconféré à la personne responsable dumarché par l’article 298 du code desmarchés publics de ne pas donner suite àun appel d’offres pour des motifs d’intérêtgénéral et de ce que la décision de conclurele contrat relève du seul exécutif de lapersonne publique dûment habilité à cettefin, la décision de la commission d’appeld’offres se prononçant sur les offresprésentées par des entreprises ne constituepas pour ces candidats une décisioncréatrice de droits ».

Par ce considérant de principe, le Conseild’État rappelle la nécessaire distinction àopérer entre les attributions des deuxorganes décisionnels en matière de marchépublic, que sont la commission d’appeld’offres et l’autorité habilitée à agir au nomdu pouvoir adjudicateur (ou de l’entitéadjudicatrice).

Ainsi, la Haute juridiction vient affirmer, demanière simple et pragmatique, la non-application de la jurisprudence relative auretrait des actes créateurs de droits, tant àla décision de la commission d’appel d’offrequ’aux lettres de rejet et d’acceptation desoffres.

3 CE, 26 octobre 2001, Ternon, n° 197018.4 CE, 10 octobre 1984, Compagnie générale deconstruction électronique, n° 16234.

La décision de laCAO n’est pascréatrice dedroits

Un partage descompétencesentre les organesdu pouvoiradjudicateur

Une lettrecontraire à ladécision de laCAO ne constituepas un retraitillégal de cettedécision

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2. L’envoi erroné d’une lettre derejet au candidat attributaire luipermet de renoncer au marché

2.1. La lettre de rejet a pour effet dedélier les candidats de leurengagement, avant même quen’expire le délai de validité desoffres

Le règlement de consultation prévoit, enrègle générale, que les entreprisescandidates sont tenues par leur offre jusqu’àune date fixée par l’acheteur public. Si laprocédure de passation est ouverte, le délaiminimum de validité des offres doit êtreindiqué dans l’avis d’appel public à laconcurrence5. Ce délai est laissé àl’appréciation de l’acheteur public enfonction de la durée prévisionnelle de laprocédure de consultation. Pendant cedélai, l’entreprise est tenue de maintenir sonoffre, sans la modifier, sauf à engager saresponsabilité6. En revanche, au-delà de cedélai, elle est déliée de son engagement.

Du fait de la longueur de la procédure, ilpeut arriver que le délai de validité des offresexpire avant l’attribution du marché. Pourprévenir cette difficulté, le pouvoiradjudicateur peut, pendant le délai devalidité des offres, solliciter l’accord dessoumissionnaires pour prolonger ce délai.Afin de ne pas porter atteinte au principed’égalité de traitement des candidats, cetteprolongation est conditionnée par l’obtentionde l’accord exprès de chacun des candidatsadmis à présenter une offre7.

À l’inverse, dans la décision commentée,le Conseil d’État rappelle que la notificationaux candidats du rejet de leur offre a poureffet de les délier des obligations nées del’acte d’engagement qu’ils ont signé, et ce,avant même que le délai de validité desoffres n’expire.

Ainsi, en recevant la lettre lui faisant partdu rejet de son offre, la société Cassan aété déliée de son engagement. Elle pouvait

donc renoncer au marché8, alors mêmequ’un ordre de service de commencerl’exécution des prestations lui avait étéadressé9.

2.2. L’Office ne pouvait régulièrementconclure le marché qu’après avoirrecueilli l’accord de l’attributaire

Pour le Conseil d’État, la circonstance quela lettre de rejet de son offre ait été envoyéepar erreur n’en efface pas les effets, quandbien même la commission d’appel d’offresavait attribué le marché à la sociétéCassan.

On aurait pu envisager de tenir unraisonnement audacieux, selon lequel lacirconstance que l’Office a informé la sociétéCassan de son erreur et lui a notifié l’attributiondu marché a eu pour effet de réengagercontractuellement l’entreprise. Dans cetteoptique, le marché aurait pu être valablementsigné. Ce n’est pas le raisonnement adoptépar le Conseil d’État : pour que le marchésoit valablement conclu, l’Office devait recueillirà nouveau le consentement de la société. Or,cette dernière ayant expressément renoncéau marché, elle n’était tenue, ni d’exécuter lecontrat notifié, ni d’indemniser l’Office de ladifférence entre le prix du marché desubstitution passé avec une autre entreprisepour l’exécution des travaux et le prix de l’offrequ’elle avait déposée et qui avait été retenuepar la commission d’appel d’offre.

Ainsi, quel que soit le déroulement de laprocédure de passation, la notification durejet de son offre, même envoyée par erreurà un candidat, a pour effet de le délier deson engagement. Toutefois, la simpleconfirmation de sa volonté de conclure lemarché suffit à ce que le contrat puisse êtrerégulièrement signé.

Cette solution rejoint celle qu’avait déjàdégagée le Conseil d’État dans sa décisiondu 26 septembre 2007, « OPAC duCalvados », selon laquelle la signature dumarché, après l’expiration du délai devalidité des offres n’est pas de nature àrendre le marché nul, si la décision

5 CE, 15 juin 2007, Ministre de la défense, n° 300097.6 CE, 21 mars 1962, Société nationale des chantiersde reconstruction, n° 52304.7 CE, 13 décembre 1996, Syndicat intercommunalpour la revalorisation des déchets du secteurCannes-Grasse, n° 169606.

8 CAA Nantes, 30 décembre 2003, Madecc/ Commune de Bono, n° 99NT022444.9 Commission centrale des marchés, MP juillet 1985,n° 21, p. 4.

Les candidatsne peuvent sedésengagerpendant toute ladurée de validitédes offres

La notification durejet des offresdélie lescandidats de leurengagement

À l’issue du délaide validité desoffres,l’attributaire peutconclure lemarché, mais iln’y est pas tenu

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d’attribution a été prise dans ce délai et sil’attributaire n’a pas renoncé au marché10.De même, lorsqu’un candidat est délié deson offre du fait de l’envoi erroné de la lettrede rejet, il pourra toujours accepter ànouveau de contracter, mais n’y serapas tenu.

Par cette décision, la Haute juridiction fait,une nouvelle fois, preuve de pragmatisme,de logique et de simplicité, et rappelle queles entreprises n’ont pas à supporter leserreurs des acheteurs publics.

Marie-Charlotte Bontron et GuillaumeDelaloy (Direction des affairesjuridiques)

10 CE, 26 septembre 2007, OPAC du Calvados,n° 262607.

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L’information des candidats évincésconstitue une obligation de publicité et demise en concurrence, dont le non-respectest susceptible d’être sanctionné par le jugedes référés précontractuel et contractuel1.Toutefois, ce manquement ne peut êtreinvoqué par le requérant que s’il estsusceptible de le léser ou risque de le léser2.Tel est le cas, lorsque la méconnaissancede l’obligation d’information a empêchél’entreprise de contester utilement le rejetde son offre3. En revanche, ce manquementn’est plus constitué, si les motifs détaillésde ce rejet ont été communiqués aucandidat évincé à la date à laquelle le jugedes référés statue4.

Les obligations qui s’imposent auxacheteurs publics en matière d’informationdes candidats malheureux à la procédureont été récemment modifiées avec lestextes de transposition de la directive« Recours » du 11 décembre 20075, quirenforcent le référé précontractuel et créentle référé contractuel6.

Les articles 80 et 83 du code des marchéspublics prévoient deux types d’information :l’information immédiate des candidats dès

que l’acheteur public a fait son choix surune candidature ou une offre (1.) etl’information à la demande des entreprisesayant participé à la consultation (2.).

1. L’information immédiate

L’article 80-I-1° du code des marchés publicsdispose que, « pour les marchés et accords-cadres passés selon une procédureformalisée autre que celle prévue au II del’article 35, le pouvoir adjudicateur, dès qu’ila fait son choix pour une candidature ou uneoffre, notifie à tous les autres candidats lerejet de leur candidature ou de leur offre, enleur indiquant les motifs de ce rejet ».

1.1. Champ d’application de l’obligationd’information immédiate

Cette disposition ne vise que les marchéset accords-cadres passés selon uneprocédure formalisée, à l’exception de ceuxqui ont été passés selon une procédurenégociée sans publicité préalable et sansmise en concurrence, en application du II del’article 35. L’obligation d’informationimmédiate des candidats évincés s’imposeégalement aux marchés passés dans lecadre d’un système d’acquisition dynamique,en vertu de l’article 78-II-3° du code.

En revanche, les dispositions du I del’article 80 ne sont pas obligatoirementapplicables aux marchés passés selon uneprocédure adaptée7. L’acheteur public peut,dans un souci de transparence, voire decourtoisie à l’égard des candidats, sesoumettre volontairement à cette formalité,mais aucune disposition du code desmarchés publics ne confère à cette mesurefacultative d’information un quelconque effetjuridique.

L’information des candidats évincés :une étape à ne pas manquer

Par Guillaume Delaloy

L’information des candidats non retenus à l’issue d’une procédure de marché publicconstitue une formalité essentielle d’achèvement de la procédure, tant en vertu duprincipe de transparence rappelé à l’article 1er du code des marchés publics, qu’auregard de ses effets sur les voies de recours ouvertes à ses destinataires contre laprocédure ou contre le contrat lui-même.

1 CE, 21 janvier 2004, Sté Aquitaine Démolition,n° 253509.2 CE Section, 3 octobre 2008, SMIRGEOMES,n° 305420.3 CE, 6 mars 2009, Commune d’Aix en Provence,n° 314610.4 CE, 6 mars 2009, Syndicat mixte de la régiond’Auray Belz Quiberon, n° 321217.5 Dir.2007/66/CE du Parlement européen et du Conseildu 11 décembre 2007 modifiant les directives 89/665/CEE et 92/13/CEE du Conseil en ce qui concernel’amélioration de l’efficacité des procédures derecours en matière de passation des marchéspublics, JOUE, 20 décembre 2007, L. 335/31.6 Ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 et décretn° 2009-1456 du 27 novembre 2009 relatifs auxprocédures de recours applicables aux contratsde la commande publique.

7 TA Lyon, 26 mars 2010, Sté Chenil service, req.n° 1001296.

L’informationdes candidatsévincés : uneobligation

L’informationimmédiate n’estpasobligatoirementapplicable auxMAPA

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Certains tribunaux administratifs ontrécemment jugé que, dans le cadre d’uneprocédure adaptée, la notification volontairede la décision d’attribution aux candidatsévincés et le respect du délai de suspensionde la signature suffisaient à rendreirrecevable un éventuel référé contractuel8.Toutefois, compte tenu de la rédactionexplicite du 3° du I de l’article 80 du codedes marchés publics, cette solution doit êtreaccueillie avec prudence, tant que leConseil d’État ne s’est pas prononcé surce point.

En effet, il résulte de l’article 80-I-3° qu’enprocédure adaptée, seule la publication auJournal officiel de l’Union européenne(JOUE) d’un avis d’intention de conclure lemarché, dans les conditions prévues àl’article 40-1, accompagnée du respect – làaussi volontaire – d’un délai de onze joursavant la signature du marché, permet defermer la voie du référé contractuel, enapplication de l’article L. 551-15 du code dejustice administrative (CJA). Cette facultéest également ouverte aux marchésnégociés sans publicité ni mise enconcurrence.

Les marchés fondés sur un accord-cadrepassé selon une procédure formalisée sontégalement soumis à l’obligation d’informationimmédiate, conformément à l’article 41 dela directive 2004/18/CE du 31 mars 2004,aux termes duquel « les pouvoirs adjudi-cateurs informent dans les meilleurs délaisles candidats et les soumissionnaires desdécisions prises concernant la conclusiond’un accord-cadre, l’adjudication d’un marchéou l’admission dans un système d’acquisitiondynamique » et qui ne prévoit aucuneexception pour les marchés subséquents.

1.2. L’information des candidatsévincés doit être rapide mais pasprécipitée

Le pouvoir adjudicateur doit procéder àl’information des entreprises non retenues,« dès qu’il fait son choix pour une candidatureou une offre ». Ainsi, à l’issue de l’examendes candidatures, l’acheteur public doitinformer, à ce stade, toutes les entreprisesdont la candidature a été écartée, sans

attendre la fin de la procédure, en indiquantles motifs de ce rejet. Ensuite, lorsquel’acheteur public a sélectionné le candidatauquel il envisage d’attribuer le marché, ilnotifie aux autres candidats admis àprésenter une offre le rejet de celle-ci et lesmotifs de ce rejet.

Il convient toutefois de ne pas se précipiter.La notification du rejet des offres a pour effetde délier les entreprises de leur enga-gement, y compris lorsqu’elle a été envoyéepar erreur9. C’est pourquoi le code desmarchés publics précise, pour chaqueprocédure formalisée, que cette informationn’intervient qu’après que le candidat auquelil est envisagé d’attribuer le marché aproduit les attestations fiscales et socialesmentionnées à l’article 46 du code (CMP,articles 59-II, 64-II, 66-VI, 67-VIII et 70-IX).Cette sécurité permet, en cas de défaut deproduction de ces documents parl’attributaire, de solliciter le candidat classéen deuxième position. Si celui-ci avait déjàreçu la lettre lui faisant part du rejet de sonoffre, il ne serait plus tenu de conclure lemarché.

L’information des candidats s’imposeégalement, dans les plus brefs délais,lorsque l’acheteur public décide de déclarerla procédure sans suite. Cette décision doitêtre motivée (CMP, article 80-II).

1.3. Le contenu de l’information descandidats non retenus

1.3.1. Les motifs de la décision de rejetou d’abandon de la procédure

Quel que soit l’objet de la notification (rejetdes candidatures, rejet des offres ouabandon de la procédure), celle-ci doitmentionner les motifs détaillés de ladécision.

Alors que le code des marchés publics, danssa rédaction antérieure au décret n° 2009-1456 du 27 novembre 2009, permettait dene communiquer à ce stade qu’un exposésynthétique des motifs de la décision et den’indiquer les motifs détaillés que si lesentreprises le demandaient, la nouvellearticulation entre les dispositions des

8 TA Saint-Denis, 18 mai 2010, Sté SACPA, req.n° 1000309 ; et, a contrario, TA Lyon, 26 mars 2010,Sté Chenil service, précité.

9 CE, 31 mai 2010, Sté Cassan, n° 315851 ; voir lecommentaire de Marie-Charlotte Bontron dans cetterevue, p. 41.

La notificationdu rejet desoffres délie lesentreprises deleur engagement

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articles 80 et 83 impose de communiquer lesmotifs détaillés, dès le stade de l’informationimmédiate. En effet, désormais, lorsquel’acheteur public a procédé à l’informationdes candidats en application de l’article 80,il est dispensé de procéder à de nouvellesmesures d’information à la demande desentreprises au titre de l’article 83 (voir ci-dessous chapitre 2.1.). L’informationimmédiate doit donc être complète, ycompris lorsqu’elle est effectuée de manièrevolontaire, dans le cadre d’un marché passéen procédure adaptée ou d’un marchénégocié sans publicité préalable.

1.3.2. Le nom de l’attributaire et lesmotifs de ce choix

Lorsqu’elle a lieu à l’issue de la procédure,la notification doit également préciser lenom de l’attributaire du marché et les motifsqui ont conduit au choix de son offre.

1.3.3. La durée du délai minimal desuspension de la signature dumarché

Pour les marchés et accords-cadres passésselon une procédure formalisée, sauf lesmarchés négociés sans publicité ni miseen concurrence, le I de l’article 80 disposeque la signature du marché ne peut interveniravant l’expiration d’un délai de 16 jours, àcompter de la date de la notification(11 jours en cas de notification par voieélectronique).

Ce délai de suspension (ou de « standstill »)a pour objet de permettre aux candidatsévincés d’exercer le référé précontractuelprévu aux articles L. 551-1 et suivantsdu CJA.

Le code prévoit expressément que lerespect de ce délai ne s’impose pas dansle cas des appels d’offres ou des marchésnégociés, lorsque le marché est attribué auseul candidat ayant présenté une offrerépondant aux exigences indiquées dansl’avis d’appel public à la concurrence oudans les documents de la consultation nidans le cas des marchés fondés sur unaccord-cadre ou un système d’acquisitiondynamique (CMP, article 80-I-2°).

Il ne s’impose pas non plus en procédureadaptée. Avant la transposition de ladirective « Recours », il était recommandéde respecter un délai raisonnable entre

l’information des candidats non retenus etla signature du marché. La jurisprudencecommunautaire avait en effet jugé quel’absence de délai de suspension obligatoirene devait pas avoir pour effet de faireéchapper ces marchés à tout recours10. Or,avec la création du référé contractuel parl’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009,les marchés passés selon une procédureadaptée et les marchés fondés sur unaccord-cadre peuvent toujours faire l’objetd’un recours après qu’ils ont été signés.Ces marchés peuvent donc être signés dèsqu’ils ont été attribués.

1.3.4. Les voies et délais de recours

Contrairement à ce qui a pu être écrit11, laliste des voies et délais de recours qui doitfigurer dans la lettre de notification ne doitpas couvrir l’ensemble du contentieux desmarchés publics.

Les décisions de rejet et d’attributionconstituent des décisions administrativesdétachables du contrat et susceptibles defaire l’objet d’un recours pour excès depouvoir, devant le juge administratif, dansun délai de deux mois à compter de leurnotification.

Conformément au droit commun (arti-cle R. 421-5 du CJA), ce délai n’estopposable qu’à la condition d’avoir étémentionné dans la notification12. Toutefois,outre que l’absence d’une telle informationest sans incidence sur la légalité même dela décision, l’intérêt de mentionner cettevoie de recours dans la notification auxcandidats évincés est limité.

En effet, il ressort de l’arrêt du Conseild’État du 16 juillet 2007, Société TropicTravaux signalisation, par lequel la Hautejuridiction a ouvert une nouvelle voie de droitcontre les contrats administratifs13, que lescandidats évincés ne sont plus recevablesà demander l’annulation pour excès de

10 CJCE, 28 octobre 1999, Alcatel Austria,aff. C-81/98.11 Voir notamment : Ph. Neveu, « Éviction descandidats d’une procédure d’attribution de marchépublic : du bon usage des clauses relatives auxvoies et délais de recours », JCP éd. A, 2010, 2174.12 CE, 8 juin 1994, M. Mas, n° 141026.13 CE, 16 juillet 2007, Sté Tropic Travaux signalisation,n° 291545.

La signature dumarché ne peutintervenir avantl’expiration d’undélai de« standstill »

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010202

Commande publique

pouvoir des actes détachables à compterde la conclusion du contrat, c’est-à-dire desa signature par le représentant du pouvoiradjudicateur. En outre, et même si le jugene s’est pas encore prononcé sur ce point,il est permis de penser que « dansl’hypothèse où il n’aurait pas encore étéstatué sur d’éventuels recours dirigés contreles actes détachables lorsque se produitla signature du contrat, le juge de l’excèsde pouvoir se verra dans l’obligation derendre une décision de non-lieu14 ».

Ainsi, l’indication du recours pour excès depouvoir dans la notification aux candidatsévincés ne présente un intérêt que lorsquele pouvoir adjudicateur estime que lemarché ne sera pas signé dans les deuxmois qui suivent cette notification ou, entout état de cause, avant que le juge seprononce sur un éventuel recours contre ladécision de rejet.

En outre, les autres voies de recours(référés précontractuel et contractuel,recours en contestation de validité ducontrat) ne sont pas ouvertes contre lesdécisions qui font l’objet de la notification,mais contre la procédure ou le contrat. Ladate de la notification de ces décisions estsans incidence sur l’opposabilité ou lacomputation des délais attachés à cesvoies de recours. Il n’y a donc pas lieu deles mentionner dans la lettre de notification.Ces voies et délais de recours figurent, parailleurs, obligatoirement dans les avis depublicité (avis d’appel public à laconcurrence, avis d’intention de conclureet avis d’attribution).

1.3.5. Les limites du contenu del’information des candidats

Le III de l’article 80 interdit aux acheteurspublics de communiquer des renseignementsdont la divulgation serait contraire à la loi ou àl’intérêt public ou pourrait nuire à uneconcurrence loyale entre les opérateurséconomiques.

L’information des candidats évincés nesaurait, en effet, porter atteinte aux secretsprotégés par la loi, notamment le secret dela vie privée ou le secret professionnel ainsique le secret en matière commerciale etindustrielle, dit également « secret des

affaires », qui selon la Commission d’accèsaux documents administratifs, couvre lesecret des procédés, le secret desinformations économiques et financières etle secret des stratégies commerciales15.

De même, dans le cadre des achats quis’inscrivent dans une suite répétitive demarchés portant sur une même catégoriede biens ou services, les renseignementsne doivent pas être susceptibles de porteratteinte à la concurrence lors durenouvellement de ces marchés.

1.4. Les modalités d’information

Le code des marchés publics n’impose pasde formalisme particulier. La notification desdécisions de rejet et d’attribution peut êtreeffectuée par voie postale ou par voieélectronique (courrier électronique outélécopie). La notification par un moyen detransmission électronique permet deraccourcir de 16 à 11 jours le délai minimalde suspension de la signature.

La notification constitue le point de départde ce délai. Les acheteurs publics doiventdonc pouvoir démontrer que celle-ci a bienété effectuée. À cette fin, il est recommandéde demander un accusé de réception oud’effectuer la notification électronique parle biais du profil d’acheteur, qui bénéficied’une fonction sécurisée et horodatée detransmission de documents aux candidats.

2. L’information sur demandedes candidats écartés

Aux termes de l’article 83 du code desmarchés publics, « le pouvoir adjudicateurcommunique à tout candidat écarté, qui n’apas été destinataire de la notification prévueau 1° du I de l’article 80, les motifs du rejetde sa candidature ou de son offre dans lesquinze jours de la réception d’une demandeécrite à cette fin ».

2.1. Champ d’application de l’article 83du code des marchés publics

Les articles 80 et 83, dans leur rédactionantérieure au décret n° 2009-1456 du27 novembre 2009, organisaient un

14 J. Boucher et F. Lenica, chr. AJDA 2007, p. 1582.15 Voir G. Delaloy et A. Lambotin, « Secret desaffaires et marchés publics », CJFI n° 51, p. 113.

L’information descandidats nepeut porteratteinte auxsecrets protégéspar la loi

Le code desmarchés publicsn’impose pas deformalismeparticulier

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010 203

Commande publique

système d’information en deux phases quin’étaient pas exclusives l’une de l’autre :l’information immédiate des candidatspouvait être complétée à la demande desentreprises. Désormais, les champsd’application respectifs des articles 80 et 83ne se recoupent pas dans la mesure où lenouvel article 83 ne vise que les candidatsqui n’ont pas été destinataires de lanotification prévue au 1° du I de l’article 80.

En conséquence, si le pouvoir adjudicateura notifié, de façon complète, aux candidatsévincés les décisions de rejet et d’attributionet les motifs détaillés de ces décisions, enapplication de l’article 80 – soit parce qu’ily était tenu, soit parce qu’il s’y estvolontairement soumis –, il n’est pas tenude communiquer à nouveau ces motifs, enapplication de l’article 83.

2.2. La communication à tout candidatdes motifs du rejet de sa candidatureou de son offre

L’acheteur public est tenu de communiquerà tout candidat qui en fait la demande parécrit, les motifs du rejet de sa candidatureou de son offre, dans un délai de 15 jours àcompter de la réception de cette demande.

Les demandes d’information ne sontenserrées dans aucun délai. Elles peuventêtre faites à tout moment, avant, commeaprès la signature du marché.

À l’instar de l’information immédiate, lesmotifs doivent être suffisamment détaillés,pour permettre au candidat de contester lerejet qui lui est opposé16.

2.3. La communication à certainscandidats d’informations relativesà l’offre retenue

L’acheteur public doit également commu-niquer aux candidats, dont l’offre a étéécartée pour un autre motif que soncaractère inapproprié, irrégulier ouinacceptable, les caractéristiques et lesavantages relatifs de l’offre retenue, ainsique le nom du ou des attributaires dumarché ou de l’accord-cadre.

Depuis 2006, le code des marchés publicsn’impose pas la communication du montantdu marché. Cette information figure dansl’avis d’attribution.

Bien évidemment, et même si l’article 83ne le précise pas, l’acheteur public ne peutcommuniquer des informations, dont ladivulgation porterait atteinte à un secretprotégé par la loi, à l’intérêt public ou à laconcurrence loyale entre les entreprises17.

Guillaume Delaloy (Direction desaffaires juridiques)

16 CE, 10 juillet 2009, Département de l’Aisne,n° 324156. 17 CE, 4 juillet 2005, n° 269177.

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010 205

Droit international

À l’issue des négociations menées entrela Commission de l’Union européenne et leComité des ministres du Conseil del’Europe1, qui ont officiellement débuté le7 juillet dernier, l’Union européenne devraitdevenir la 48ème partie à la Convention desauvegarde des droits de l’homme et deslibertés fondamentales (CEDH).

Cette adhésion a été rendue possible par lalevée récente des obstacles rencontrés parchacune des parties en négociation. Depuisl’entrée en vigueur du traité de Lisbonne le1er décembre 2009, l’article 6 § 2 du traité surl’Union européenne (TUE), complété par unprotocole annexe, permet – voire, prescrit –l’adhésion de l’Union à la CEDH. Désormais,l’Union européenne (UE) dispose donc d’unfondement textuel indiscutable2. Du point devue du Conseil de l’Europe, le protocole n° 14à la CEDH, finalement entré en vigueur le1er juin 2010, a inscrit la possibilité pour l’UEd’adhérer à la CEDH, à l’article 59 de laConvention.

L’adhésion de l’UE devrait prendre la formed’un accord d’adhésion, conclu entre leComité des ministres du Conseil de l’Europeet le Conseil de l’UE statuant à l’unanimité,avec l’assentiment du Parlement européen.Cet accord devrait ensuite être ratifié parl’ensemble des quarante-sept États partiesà la CEDH, y compris les États membresde l’UE.

Qu’apportera l’adhésion de l’Union à laprotection des droits fondamentaux dansl’UE ? Sur le plan des droits garantis, l’apportparaît limité. Les droits fondamentaux, telsqu’ils sont garantis par la CEDH, font déjàpartie du droit de l’Union, en tant que principes

généraux (article 6 § 3 TUE). À ce titre, ilssont depuis longtemps appliqués par la Courde Luxembourg, qui n’hésite pas à se référerà la CEDH et à la jurisprudence de la Cour deStrasbourg3. De plus, la Charte des droitsfondamentaux est devenue juridiquementcontraignante, avec l’entrée en vigueur dutraité de Lisbonne (article 6 § 1 TUE). Sonarticle 52 § 3 prévoit que, dans la mesure oùla Charte contient des droits correspondant àdes droits garantis par la CEDH, leur sens etleur portée sont les mêmes que ceux queleur confère la CEDH, sous réserve d’uneprotection éventuellement plus étendue offertepar le droit de l’Union.

L’intérêt principal de l’adhésion de l’Unionau système conventionnel consiste plutôtà rendre l’UE directement justiciable devantla Cour européenne des droits de l’Homme(CrEDH). Désormais, les institutions etorganes de l’UE seront directement soumisau contrôle juridictionnel de la CrEDH, enmatière de droits de l’homme, ce quipermettra de combler une lacuneinstitutionnelle. En l’état actuel du droit, letraitement des requêtes dirigées contre unou plusieurs États membres de l’Unionsoulève souvent des questions trèsdélicates, lorsque ces affaires concernentla mise en œuvre du droit de l’Union4.

Pour l’UE, la soumission à un contrôlejuridictionnel externe n’est pas inédite.Ainsi, l’Union a accepté la compétence del’organe de règlement des différends de

L’adhésion de l’Union européenne à la Conventionde sauvegarde des droits de l’homme

et des libertés fondamentales : un défi pourle système conventionnel européen

Par Wiebke Trumm

Situation inédite pour le système conventionnel, l’adhésion d’une partie non-étatique et, de surcroît, non membre du Conseil de l’Europe nécessiterad’importantes adaptations, tant sur le plan institutionnel que sur le plan procédural.

1 Représenté par son organe subsidiaire, le Comitédirecteur pour les droits de l’homme.2 Auparavant, la Cour de justice des communautéseuropéennes avait refusé à la Communauté cettecompétence, « en l’état actuel du droit communau-taire » (Avis de la Cour du 28 mars 1996, avis 2/94).

3 CJCE, 14 mai 1974, Nold, affaire 4/73 ; CJCE,28 octobre 1975, Rutili, affaire 36/75.4 Par exemple : CrEDH, Senator Lines, décision du10 mars 2004 sur la recevabilité (refus par letribunal de première instance des Communautéseuropéennes de surseoir au recouvrement d’uneamende infligée par la Commission) ; CrEDH,Bosphorus c/ Irlande, arrêt du 30 juin 2005 (saisied’un aéronef par les autorités irlandaises, enexécution d’un règlement communautaire relatif auxsanctions contre la République fédérative deYougoslavie).

L’UE, future48ème partie àla CEDH

Une adhésionrendue possiblepar la ratificationdu protocolen° 14 et du traitéde Lisbonne

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010206

Droit international

l’Organisation mondiale du commerce etcelle du Tribunal international du droit de lamer, institué par la Convention de MontégoBay5. En revanche, l’adhésion de l’UEconstituera une nouveauté radicale pour lesystème de la CEDH : l’UE sera la premièreentité non-étatique à devenir partie à laCEDH. Elle sera également la premièrepartie à ne pas être également membre duConseil de l’Europe. Cette double spécificiténécessitera des aménagements signifi-catifs, qui porteront aussi bien sur desaspects institutionnels, que sur laprocédure devant la CrEDH.

1. L’UE participera aux institutionsdu Conseil de l’Europe, sansdevenir membre de cetteorganisation

La qualité de partie à la CEDH implique ledroit et l’obligation de participer aumécanisme conventionnel de contrôle. Cemécanisme comprend, d’une part, laCrEDH, juridiction internationale créée parla CEDH, et, d’autre part, plusieurs organesdu Conseil de l’Europe.

1.1. La participation de l’UE à l’activitéde la Cour : la question d’un jugede l’Union

Selon l’article 20 de la CEDH, la Cour secompose d’un nombre de juges égal à celuides parties contractantes. Littéralement,cette disposition n’exige pas la désignationd’un juge par chacune des parties. Mais sonobjectif est de mettre à la disposition de laCrEDH des juges représentatifs del’ensemble des systèmes juridiques,capables de lui fournir l’expertise nécessairesur chacun des systèmes. Par là même,cette règle contribue à renforcer la légitimitédes décisions prises par la Cour.

Dotée d’une personnalité juridique propre etd’un ordre juridique très spécifique, l’UE neserait sans doute pas suffisammentreprésentée à travers les vingt-sept juges élusau titre de ses États membres. Pour autant,elle n’est pas assimilable à un État,puisqu’elle ne dispose pas d’une pleine

compétence souveraine, mais uniquement decompétences d’attribution6. Si l’hypothèsed’une absence totale d’un juge de l’Unionsemble devoir être écartée, plusieursmodalités restent envisageables pour tenircompte des caractères spécifiques de l’UE.

La première solution consisterait à élire unjuge ad hoc pour chaque affaire impliquantle droit de l’Union. La désignation d’un jugead hoc est déjà prévue par l’article 29 durèglement de la Cour, en cas d’empêchementdu juge élu au titre de la partie concernée.Mais cette formule pourrait se révélerinadaptée à une application systématique.D’un point de vue pratique, la désignationd’un juge ad hoc semble lourde à mettre enœuvre, en cas de contentieux en grandnombre. Ensuite, son choix par le présidentde chambre pourrait affecter la légitimité dujuge de l’UE par rapport à celle de sescollègues, désignés par l’Assembléeparlementaire du Conseil de l’Europe.

À cette solution, on pourrait préférer ladésignation d’un juge permanent, dont laparticipation serait limitée aux affairesimpliquant le droit de l’UE. Cette formuleaurait l’avantage d’assurer au juge de l’UEune légitimité égale à celle des autres jugeset de permettre à ce juge une participationcontinue à l’activité de la Cour. Comme lasolution précédente, elle présenteraitnéanmoins l’inconvénient d’exiger uneappréciation préalable sur l’implication ounon du droit de l’Union par une affairedéterminée.

Finalement, la nomination d’un juge à tempscomplet, participant sur un pied d’égalitéavec les autres juges paraît être la solutionla plus conforme à l’esprit de l’article 20CEDH. En plus de garantir l’égalité detraitement entre les parties à la CEDH, ellepermettrait de compenser l’accroissementde l’activité de la Cour (déjà encombrée),lié à l’adhésion de l’UE. Elle permettraitaussi au juge de l’UE d’acquérir unemeilleure connaissance du système de laCEDH et de participer pleinement àl’évolution de la jurisprudence de la CrEDH.

Le choix d’un futur juge élu au titre de l’UEdevrait respecter l’article 21 CEDH, qui posedes exigences de qualité morale, de

5 Convention des Nations Unies sur le droit de lamer, ouverte à la signature le 10 décembre 1982 etentrée en vigueur le 16 novembre 1994.

6 L’article 6 § 2 TUE rappelle d’ailleurs que l’adhésionà la CEDH ne modifie en rien les compétences del’UE, telles qu’elles sont définies dans les traités.

Le principe : unjuge par partiecontractante

Plusieursformules sontenvisageablespour laparticipation del’UE à l’activitéde la Cour

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010 207

Droit international

compétence, d’indépendance et d’impartialité.Compte tenu de ces deux dernières qualités,la désignation d’un juge exerçantparallèlement des fonctions à la Cour dejustice de l’Union européenne ne paraît guèreenvisageable.

1.2. La participation de l’UE auxorganes du Conseil de l’Europe,lorsqu’ils exercent les pouvoirsconférés par la CEDH

En raison des liens étroits entre la CEDHet le Conseil de l’Europe, plusieurs organesde cette organisation internationaleinterviennent dans le mécanismeconventionnel. L’UE n’étant pas membre duConseil de l’Europe, sa participation pourraitlégitimement être limitée à l’exercice parces organes des pouvoirs qui leur sontconférés par la CEDH.

Aux termes de l’article 22 CEDH, les jugesde la Cour sont élus par l’Assembléeparlementaire du Conseil de l’Europe, à lamajorité des voix exprimées, sur une liste detrois candidats présentés par la partiecontractante concernée. L’article 25 desstatuts du Conseil de l’Europe prévoit quecette assemblée est composée dereprésentants de chaque membre, issus deson Parlement national. Par ailleurs,l’article 38 du règlement de l’Assembléeparlementaire réserve le droit de vote à sesmembres. Si le statut d’invité spécial(article 58) ou d’observateur (article 59) peutêtre octroyé à certains Parlements nationauxnon membres du Conseil de l’Europe, il donneuniquement droit à la parole, sur autorisationdu Président de l’Assemblée. La participationau vote n’est pas autorisée. Les articles 617

et 628 ne permettent pas davantage à l’UEde participer à la désignation des juges de laCour. Il conviendrait donc de compléter lerèglement intérieur de l’Assemblée générale,afin d’autoriser l’UE à prendre part au voteconcernant la désignation des juges à laCrEDH, par l’intermédiaire d’un certain nombrede représentants issus du Parlementeuropéen.

Le Comité des ministres, organe politiqueprincipal du Conseil de l’Europe, est chargéde surveiller l’exécution des arrêts de laCour (article 46 § 2 CEDH). L’exécutionintégrale d’un arrêt peut impliquer lepaiement d’une satisfaction équitable aurequérant, la prise de mesures individuellesen faveur du requérant, ainsi que l’adoptionde mesures générales destinées à prévenirde nouvelles violations similaires. La libertélaissée par la Cour aux États dans le choixdes mesures individuelles et générales estcontrebalancée par le contrôle du Comitédes ministres, qui n’accepte d’adopter unerésolution finale, que s’il juge les mesuresprises satisfaisantes. La pleine participationde l’UE au Comité des ministres revêt doncune importance particulière. Au stade del’exécution de l’arrêt, l’UE doit être enmesure de faire connaître les contraintesspécifiques du droit de l’Union et de définir,en concertation avec le Comité desministres, les mesures adéquates.

Selon l’article 14 des statuts du Conseil del’Europe, le Comité des ministres comprendun représentant par membre du Conseil del’Europe (généralement le ministre des affairesétrangères), dont chacun dispose d’une voix.Un amendement de l’article 46 § 2 CEDHpourrait permettre à l’UE de participer auxtravaux du Comité des ministres enapplication de l’article 46 § 2 CEDH9. Si uneparticipation limitée au suivi de l’exécution desarrêts impliquant le droit de l’UE estthéoriquement possible, elle ne paraît passouhaitable, si l’on veut préserver le traitementégalitaire entre les parties à la CEDH.

Enfin, l’extériorité de l’UE au Conseil del’Europe soulève la question de laparticipation aux frais de fonctionnement dela Cour, qui sont à la charge du Conseil del’Europe (article 50 CEDH). Une contributionde l’UE, via le budget ordinaire du Conseilde l’Europe, pourrait être prévue par l’accordd’adhésion.

7 Possibilité pour le Président de l’Assembléeparlementaire d’inviter une organisationinternationale à lui présenter des rapports oucommunications.8 Coopération entre l’Assemblée parlementaire et leParlement européen dans des domaines d’intérêtcommun.

9 Grâce à la primauté de la règle postérieure sur larègle antérieure, on pourrait éventuellement éviterune modification – plus lourde – des statuts duConseil de l’Europe : voir rapport du Comité directeurpour les droits de l’homme du 28 juin 2002 (« Étudedes questions juridiques et techniques d’uneéventuelle adhésion des CE de l’UE à la Conventioneuropéenne des droits de l’homme »).

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010208

Droit international

2. Des aménagements procé-duraux pourraient s’appliqueraux requêtes dirigées contrel’UE

Le texte conventionnel comporte denombreuses références aux « Étatsparties » et des termes à connotationétatique (exemples : sécurité nationale,bien-être économique du pays), qui pourrontêtre rendus applicables à l’UE mutatismutandis, à travers une clause généraleinsérée dans l’accord d’adhésion. Enrevanche, la procédure devant la Cournécessitera, sans doute, des adaptationsplus importantes.

2.1. L’aménagement du statut de l’UEcomme partie à l’instance

Dans l’hypothèse où l’acte critiqué devantla CrEDH n’est pas clairement imputable,soit à l’UE, soit à un État membre10,l’institution d’un mécanisme de codéfendeurpermettrait d’articuler les responsabilitésrespectives. Il peut, en effet, arriver que lerequérant dirige sa requête contre l’uneseulement des parties. Afin d’améliorer laqualité de la défense et de faciliterl’exécution de l’arrêt de la Cour, laparticipation de l’autre partie concernée peutse révéler utile. À cet égard, la tierceintervention prévue par l’article 36 § 2 CEDHsemble insuffisante, car la personneintervenante reste extérieure à la procédure.

Les modalités de ce mécanisme decodéfendeur restent à définir. En tout étatde cause, il ne semblerait pas opportun deconférer l’initiative du déclenchement à laCrEDH, puisque cette décision pourraitl’amener à préjuger des responsabilitésrespectives. Sous certaines conditions11,une faculté de réorientation pourrait êtrereconnue au requérant. L’UE et les Étatsmembres devraient également pouvoirdemander la mise en œuvre de ce

mécanisme. Enfin, le caractère facultatif ouobligatoire pour une partie appelée àl’instance d’y donner suite, prête àdiscussion.

Étant donné qu’il s’agit, en grande partie,de questions internes à l’UE et ses Étatsmembres, on pourrait se limiter à prévoirune base juridique dans la CEDH,permettant à l’UE (ou à un État membre)de se joindre au défendeur, aprèsl’autorisation – purement procédurale – dela CrEDH.

Enfin, l’article 36 § 1 CEDH ouvre un droitde tierce intervention à toute partiecontractante, dont un ressortissant estrequérant. Cette disposition permettrait àl’UE d’intervenir devant la CrEDH, danstoutes les affaires introduites par unressortissant de l’UE, éventuellement enplus de l’intervention de l’État membred’origine. Afin d’éviter une multiplicationexcessive des tierces interventions, cettefaculté pourrait être limitée pour l’UE, parexemple aux seules affaires portées par unressortissant de l’Union, contre un État nonmembre.

2.2. La règle de l’épuisement des voiesde recours interne, appliquée auxrequêtes dirigées contre l’UE

Avec l’adhésion de l’UE à la CEDH, la Courde justice de l’Union européenne deviendra,sans doute, une « juridiction interne », ausens de l’article 35 CEDH, qui fait del’épuisement des voies de recours internesune condition de recevabilité des requêtesindividuelles.

Toutefois, l’accès des particuliers à la CJUEest restreint, aussi bien en matière decontrôle de légalité des actes12, qu’enmatière de renvoi préjudiciel13. Pour satisfaireaux exigences de l’article 35 CEDH, lerequérant devrait certainement saisir la

10 Par exemple : mise en cause d’une disposition dedroit primaire (CrEDH, Matthews c/ Royaume-Uni,arrêt du 18 février 1999), transposition d’unedirective par un État membre (CrEDH, Cantonic/ France, arrêt du 15 novembre 1996), applicationd’un règlement par un État membre, sans marged’appréciation (CrEDH, Bosphorus c Irlande, arrêtdu 30 juin 2005).11 Exemple : respect du délai de six mois(article 35 CEDH).

12 L’article 263 alinéa 4 TFUE admet le recours contreles actes dont le particulier est destinataire ou quile concerne directement et individuellement, ainsique contre les actes réglementaires qui leconcernent directement et qui ne comportent pasde mesure d’exécution.13 Selon l’article 267 TFUE, le renvoi préjudiciel estobligatoire pour les juridictions nationales dont lesdécisions ne sont pas susceptibles d’un recoursjuridictionnel de droit interne. Pour les autres jugesnationaux, le renvoi est facultatif.

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010 209

Droit international

CJUE, au cas où cela lui est possible, ousolliciter un renvoi préjudiciel auprès du jugenational.

Malgré tout, la CrEDH risque d’être saisiepar des requérants qui n’ont jamais eul’occasion de porter leurs griefs devant laCJUE. Or, le principe de subsidiarité, sous-jacent à la règle de l’épuisement des voiesde recours internes, implique de laisser auxparties le soin de redresser les violationsdes droits de l’Homme, avant toute saisinede la Cour. Et les juges nationaux peuvent,certes, interpréter et appliquer le droit del’Union, mais la CJUE est seule compétentepour invalider un acte émanant d’uneinstitution de l’UE14.

Pour remédier à cette difficulté, on peutenvisager d’instituer un renvoi préjudicieldevant la CJUE, avec suspension de laprocédure devant la CrEDH. Un mécanismeatténué pourrait consister à solliciter unsimple avis de la CJUE. Une telle procédureprésenterait néanmoins quelques inconvé-nients. Instituée au profit de la seule UE,elle créerait une disparité significative detraitement entre les parties à la CEDH. Deplus, elle aurait inévitablement pour effetd’allonger la procédure devant la CrEDH.Enfin, en raison de son caractère inédit,l’institution d’un renvoi préjudiciel entre laCrEDH et la CJUE nécessiterait proba-blement une modification du TFUE. Undébat autour de la création d’un mécanismede renvoi préjudiciel entre les deux Courseuropéennes a néanmoins le mérite desouligner l’importance d’un dialogue entreles juges de l’UE et les juges de la CrEDH,qui permet de limiter, autant que possible,les divergences d’interprétation de la CEDH.

L’intégration de l’UE constitue un déficonsidérable pour le système conventionnel.En dehors des questions institutionnelles etprocédurales, dont certaines ont étéabordées dans le présent article, l’adhésionde l’UE soulève encore de nombreusesautres interrogations (exemple : surl’adhésion aux protocoles additionnels), quinourriront les négociations en cours. Ilappartiendra aux négociants de trouver unéquilibre entre la prise en compte des

spécificités de l’UE et le maintien d’uneégalité de traitement entre les parties àla CEDH.

Wiebke Trumm (Direction des affairesjuridiques)

14 Confère ; articles 264 et 267 TFUE ; CJCE, Foto-Frost, 22 octobre 1987, affaire 314/85 ; CJUE,Melki et Abdeli, 22 juin 2010, affaires C-188/10 etC-189/10.

La CJUEdemeure seulecompétente pourinvalider un actede l’UE

L’importance dudialogue desjuges

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010210

Le point sur…

L’ANC est une institution dont la partie laplus visible est le collège, composé de16 personnalités, qui représentent unegrande variété de points de vue. Le collègeest assisté de deux commissions (normesnationales, normes internationales) de9 membres chacune, réunissant desspécialistes reconnus. Ces organess’appuient eux-mêmes sur plusieurs dizainesde groupes de travail, composés d’expertsreprésentatifs de tout le tissu économiquefrançais. Ces derniers élaborent despropositions de règlements ou des prises deposition, des recommandations ou des avis.Un comité consultatif de 25 membres permetd’ouvrir encore plus l’ANC sur la sociétéfrançaise.

Sans attendre, l’ANC a élaboré un Planstratégique pour les années 2010 et 2011.Ce plan a d’abord été l’occasion d’établirun « état des lieux » de la normalisationcomptable, vue de France. Les débatsactuels sur les normes comptables,souvent animés malgré la technicité dusujet, surtout depuis la crise, justifiaientcette tentative de clarification.

En résumé, la conclusion atteinte est quela France, dans le cadre juridique européen,dispose à la fois :

• des normes comptables les plusanciennes et les plus robustes, qui sontles normes inventées en Europe dès laRenaissance, où elles sont toujours envigueur à travers des directives de la findes années 1970 ; ces normes sontintégrées dans le droit, la fiscalité,l’économie et les institutions des paysd’Europe ; elles sont plutôt axées sur lamesure de la performance de long termedes entreprises ; nombre de pays, surd’autres continents, sont intéressés parce modèle unique et éprouvé par letemps ; ces normes sont appliquéesessentiellement par les PME, soitl’immense majorité des entrepriseseuropéennes ;

• des normes comptables les plusrécentes et les plus sophistiquées, les« normes internationales » dites IFRS,conçues pour les marchés financiersglobaux et l’extrême complexité de leurstechniques ; elles sont plutôt utiles pourles transactions de négoce à courtterme, et recourent largement à desapproches de valorisation instantanées ;ces normes sont appliquées par lesgrandes entreprises cotées, pour leurscomptes consolidés.

Comment conduire la coexistence,nécessairement délicate, de deuxréférentiels aussi différents, mais égalementlégitimes et indispensables ?

L’ANC identifie d’abord un certain nombrede « valeurs » : les normes édictées doiventnotamment répondre aux besoins desentreprises et des autres parties prenantes,plutôt que traduire des vérités conceptuellespréétablies ; elles doivent tenir compte deleur impact sur l’économie ; les normesdoivent être élaborées suivant un processusassociant tous les acteurs.

Sur ces bases, ont été élaborés les thèmesprioritaires du plan :

• les normes destinées aux PMEcorrespondent à leurs besoins actuels, etl’ANC plaide pour la stabilité des directiveseuropéennes, ce qui n’empêche pas lamodernisation des référentiels nationaux,comme cela a été très largement fait enFrance dans les dernières années ; uneffort de simplification est indispensable,et des propositions concrètes sontformulées par l’ANC en ce sens ;

• les normes internationales doiventprendre en compte les exigences de lastabilité financière, ce qui impose de fixerdes limites, par exemple, au recours auxvalorisations aux prix de marché (« fairvalue »), tenant ainsi compte des leçonsapprises pendant la crise ; cela peut

La création de l’Autorité des normes comptableset son plan stratégique

Par Jérôme Haas

L’Autorité des Normes Comptables (ANC) a été créée en 2010 pour renforcer lacapacité collective à produire les meilleures normes nationales et à intervenirdans le débat sur les normes internationales.

Un collège de16 personnalitésassisté de deuxcommissions

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010 211

Le point sur…

justifier des changements dans le moded’élaboration des normes IFRS parl’IASB, l’organisme international privé quiles émet ;

• la recherche en comptabilité est aussiapparue comme une priorité nouvelleconstitutive du projet de création del’ANC ;

• par ailleurs, l’ANC veut consolider leréférentiel de textes comptablesapplicables en France.

Au total, l’ANC veut exprimer avec force lacohérence du droit comptable français dansle cadre juridique européen, et sa vision pourla normalisation en Europe et dans lemonde. En même temps, elle doit aussiêtre capable de l’intégrer dans un contexteoù d’autres positions, d’autres visions sontexprimées avec autant de force. L’ANC doitcontribuer à faire émerger, dans lamondialisation, un « juste » centre degravité, où les acteurs français sereconnaissent.

Jérôme Haas, Président de l’Autoritédes normes comptables

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010212

Le point sur…

Les Restatements of the Law sont des« traités » de doctrine, consacrés à desquestions de common law. L’objectif est detirer, de la jurisprudence, des règlesjuridiques ou « black letter law » dansdifférents domaines du droit. CesRestatements sont rédigés et publiés parl’Institut Légal Américain (ALI), uneorganisation créée en 1923 et composée demagistrats, d’avocats, de juristes etd’universitaires reconnus.

1. Présentation des Restatements

Chaque Restatement est divisé en chapitres,eux-mêmes divisés en sections. Chaquesection pose une règle juridique ou blackletter rule et comprend des commentairesexplicatifs, des exemples et des reporter’snotes, relatives au développement de la règleposée avec des références jurisprudentielles,législatives, réglementaires et doctrinales.

Initialement, les Restatements faisaientuniquement référence aux règles de droitmajoritairement admises. Aujourd’hui,cependant, les règles dites minoritairessont parfois mentionnées.

En tant que « sources secondaires », lesRestatements ne sont pas juridiquementcontraignants. Toutefois, les tribunaux leurreconnaissent une certaine autorité etpeuvent s’y référer1, en particulier au soutiend’arguments juridiques qui n’ont pas étédéfinitivement tranchés par la jurisprudence.

2. Les trois séries de Restatements

Trois séries de différents Restatements ontété publiées depuis la création de l’ALI.

2.1. Le « First Restatement of the Law »

Une première série de Restatements a étépubliée entre 1923 et la fin de la secondeguerre mondiale. Cette série est composéede différents Restatements consacrés audroit des mandats, aux conflits de loi, audroit des contrats, au droit des décisionsjudicaires, au droit des biens, au droit de laresponsabilité civile et au droit de laconcurrence2.

2.2. Le « Second Restatement of theLaw »

Au début des années 1950, ces différentsRestatements ont été mis à jour. Denouveaux Restatements ont également étérédigés sur le droit des relations interna-tionales des États-Unis3 ainsi qu’en droitdes biens, sur les loyers et les donations4.

2.3. Le « Third Restatement of the Law »

Depuis 1987, une troisième série deRestatements est en cours de publication.Là encore, outre une mise à jour desversions antérieures, cette série vientcompléter les Restatements sur le droit desbiens, le droit de la concurrence et le droitde la responsabilité avec l’élaboration denouveaux Restatements consacrés auxavocats, aux hypothèques, aux servitudes,aux testaments, au partage de responsa-bilité, à la responsabilité du fait desproduits, à la responsabilité pour dommagesphysiques ou moraux, à la Prudent InvestorRule et à la concurrence déloyale.

Il peut ainsi exister plusieurs versions d’unmême Restatement. Les tribunaux peuventnéanmoins choisir d’appliquer, quand bienmême de nouvelles versions ont étépubliées, une version plus ancienne, s’ilsl’avaient adoptée initialement.

Les « Restatements of the Law » en droit américainPar Pauline Girot de Langlade

1 Voir par exemple, pour la Cour Suprême del’Oklahoma : Founders Bank and Trust Co v. Upsher,830 P.2d 1355 (1992), Neil Acquisition, L.L.C.,v. Wingrod Investment Corportation, 932 P. 2d 1100(1996).

2 Restatements of Agency, of conflict laws, ofContracts, of Judgments, of Property, of Torts, etRestatment of Trusts.3 Restatement of Foreign Relations Law of theUnited States.4 Restatements of Donative Transfers and Landlordand Tenant.

Restatement ofthe Law, ou ladoctrine Outre-Atlantique

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010 213

Le point sur…

3. Un exemple : le « Third Resta-tement of the Foreign RelationsLaw of the United States »

Le Third Restatement of the ForeignRelations Law of the United States estconsacré au droit international, tel qu’ils’applique aux États-Unis, et au droit interne,essentiellement fédéral (Constitution, loisvotées par le Congrès et jurisprudence), desrelations internationales. Comme les autresRestatements, il reflète la position de l’ALIsur les règles qu’un tribunal impartial doitappliquer, lorsqu’il tranche un litige.

Il est divisé en neuf chapitres : (1) le droitinternational et le droit américain ; (2) lespersonnes en droit international ; (3) lesAccords Internationaux ; (4) compétence etjugements ; (5) le droit de la Mer ; (6) le droitde l’environnement ; (7) la protection despersonnes ; (8) le droit des relationséconomiques internationales ; (9) lesrecours pour violation du droit international.

Il met principalement l’accent sur lesderniers développements du droitinternational, notamment le droit del’environnement, les droits de l’homme,certains secteurs du droit internationaléconomique, le droit de la mer, le droit desrelations diplomatiques, le règlement deslitiges internationaux et la coopération dansl’application de la loi. Il fournit aussi uneanalyse sur des questions juridiques peutraitées par les praticiens américainscomme les sources du droit internationalet leur place dans la jurisprudenceaméricaine.

À titre d’illustration, la France a invoqué,parmi plusieurs Restatements , leRestatement (third) of foreign relations lawof the United States dans l’affaire Morrisonc/ National Australia Bank. La France a,en effet, déposé le 26 février dernier, devantla Cour Suprême des États-Unis, unmémoire d’amicus curiae pour demander àla Cour d’adopter une règle établissantl’incompétence absolue des juridictionsaméricaines à l’égard des « foreign cubedsecurities class action » . Dans sonmémoire, elle s’est notamment appuyée surun principe posé par ce Restatement, selonlequel en cas d’ambiguïté, les lois

américaines doivent être interprétées demanière à ne pas interférer indument avecla souveraineté des autres États5.

Dans sa décision du 24 juin 2010, la CourSuprême a suivi en partie la position de laFrance et écarté l’application extrater-ritoriale des dispositions antifraude del’Exchange Act.

Pauline Girot de Langlade (Directiondes affaires juridiques)

5 Au titre de la section 403(1), notamment, les Étatsdoivent éviter d’exercer leur compétence « whenthe exercise of such jurisdiction isunreasonable ».

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010214

Le point sur…

Restatement of the Law, Third, Foreign Relations Law of the United StatesCopyright (c) 1987, The American Law Institute

Part 1 – International Law and Its Relation to United States LawChapter 1 – International Law : Character and Sources

§ 101 International Law Defined

International law, as used in this Restatement, consists of rules and principles of general applicationdealing with the conduct of states and of international organizations and with their relations inter se,as well as with some of their relations with persons, whether natural or juridical.

COMMENTS & ILLUSTRATIONS : Comment :

a. International law and remedies : cross-references. The character and general content of international law arediscussed in the Introductory Note to this chapter. The sources of international law are set forth in § 102. Theremedies for violation of international law are dealt with in Part IX.

b. « State » and « international organization » : cross-references. « State » is defined in § 201, « internationalorganization » in § 221.

c. Private international law (or conflict of laws). International law, which in most other countries is referred to as« public international law », is often distinguished from private international law (called conflict of laws in theUnited States). Private international law has been defined as law directed to resolving controversies betweenprivate persons, natural as well as juridical, primarily in domestic litigation, arising out of situations having asignificant relationship to more than one state. See Restatement, Second, Conflict of Laws § 2.

In some circumstances, issues of private international law may also implicate issues of public international law,and many matters of private international law have substantial international significance and therefore may beconsidered foreign relations law, § 1. In recent years, private international law has been coordinated and harmonizedamong states, and many of its rules are the subject of international agreements. The concepts, doctrines, andconsiderations that inform private international law also guide the development of some areas of public internationallaw, notably the principles limiting the jurisdiction of states to prescribe, adjudicate and enforce law. See IntroductoryNote to Part IV, Chapter 1, and §§ 402-403, 421, and 431. Increasingly, public international law impinges onprivate international activity, for example, the law of jurisdiction and judgments (Part IV) and the law protectingpersons (Part VII).

To the extent that conflict of laws in the United States refers to laws of two or more States of the United States,or conflicts between federal and State law, it is, except as otherwise noted, beyond the scope of this Restatement.

d. General international law and particular agreements between states. Unless otherwise indicated, « internationallaw » as used in this Restatement is law that applies to states and international (intergovernmental) organizationsgenerally. It includes law contained in widely accepted multilateral agreements. Undertakings of a particularstate or international organization under a particular international agreement – for example, the obligation of astate under a bilateral tax treaty with another state – are binding under international law, but the substantivecontent of such undertakings is not international law applicable generally (unless there is a wide network ofsimilar bilateral arrangements that results in general international law ; see § 102, Comment f).

e. Comity distinguished. Comity has been variously conceived and defined. A well-known definition is : « Comity,in the legal sense, is neither a matter of absolute obligation, on the one hand, nor of mere courtesy and goodwill, upon the other. But it is the recognition which one nation allows within its territory to the legislative,executive or judicial acts of another nation, having due regard both to international duty and convenience andto the rights of its own citizens or of other persons who are under the protection of its laws. » Hilton v. Guyot,159 U.S. 113, 163-64, 16 S.Ct. 139, 143, 40 L.Ed. 95 (1895). See also § 403, Comment a.

Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 61 - troisième trimestre 2010 215

Le point sur…

REPORTERS NOTES : 1. Previous Restatement. The previous Restatement defined international law in § 1 andelaborated upon that definition in comments to that section. This section indicates the scope of internationallaw ; the character and jurisprudence of international law are dealt with in the Introductory Note to this chapter,and the sources and evidence of international law in §§ 102-103.

Section 1 of the previous Restatement defined international law as follows :

« International Law », as used in the Restatement of this Subject, means those rules of law applicable to a stateor international organization that cannot be modified unilaterally by it.

As compared with that definition, this section indicates that international law has ceased to apply exclusively tostates and international organizations and now deals also with their relations with individuals and juridical persons.The reference in the previous Restatement’s definition to the fact that international law cannot be changedunilaterally by a state is alluded to in the Introductory Note to this chapter.

Section 3 of the previous Restatement, « Effect of Violation of International Law », is the subject of Part IX of thisRestatement, Remedies. Definitions of « state » and « international organization » contained in §§ 4 and 5 of theprevious Restatement are included here in §§ 201 and 221.

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Publication trimestrielle de la direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie, de l’Industrie et del’Emploi et du ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique, le Courrier Juridique desFinances et de l’Industrie apporte un éclairage sur des thèmes juridiques d’actualité, au travers d’articles desynthèse et d’analyse des jurisprudences constitutionnelle, judiciaire, administrative et européenne.Fruit d’une expertise pluridisciplinaire, portant sur tous les domaines du droit (droit privé et public, droiteuropéen et international, droit des sociétés, droit économique et financier, droit des participations de l’État etdroit des marchés publics), cet outil a vocation à permettre, avec ses quatre numéros annuels, de mieux saisir lesenjeux juridiques de la société actuelle.Le Courrier Juridique des Finances et de l’Industrie est également disponible sous forme numérisée accessible en ligne(au format PDF ou mode texte) par téléchargement payant, sur le serveur internet de la Documentationfrançaise, en vente au numéro ou par abonnement. Plus d’information sur www.ladocumentationfrancaise.fr

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Membres externesFrédéric Ancel, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, Catherine Beauvois, conseiller juridique à laDGEFP, Claudie Boiteau, professeur d’université, Rémi Bouchez, conseiller d’État, Olivier Douvreleur, directeurjuridique de l’AMF, Françoise Dufresnoy, sous-directrice des affaires juridiques de la DGCIS, Régis Fraisse, chefdu service juridique au Conseil constitutionnel, Hubert Gasztowtt, conseiller juridique du directeur général duTrésor et de la Politique économique, Stéphane Hoynck, directeur juridique de l’ARCEP, Chantal Jarrige, sous-directrice de la légistique de la DGAFP, Bertrand Louvel, avocat général, directeur du service de la documentationà la Cour de cassation, Christian Michaut, avocat général à la Cour des comptes, Marie-José Palasz, chef demission au contrôle général économique et financier

Rédacteur en chefAnnick Biolley-CoornaertRédactionAgnès ZobelAntonin Nguyen

Direction des affaires juridiques :bâtiment Condorcet - Télédoc 353 - 6, rue Louise Weiss - 75703 Paris Cedex 13adresse courriel : [email protected]