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 © INHE S / OND – Rapport 2006  4 4 3 LA VIOLENCE À L’ÉCOLE, ENTRE EXAGÉRATION ET MÉCONNAISSANCE E n France, la fin de l’année 2005 et le début de l’année 2006 auront été marquées par le retour en force du débat sur la violence à l’école. L’agression d’une enseignante à Etampes aura en particulier suscité une vive campagne médiatique, et des prises de position politique parfois controversées. La réalité de la violence dans les écoles françaises justifie-t-elle un tel tapage ? Que connaissons des formes et de la mesure de cett e violence ? Les statistiques officielles produites sur le sujet sont-elles suffisantes pour en prendre mesure ? Eric Debarbieux Université Victor Segalen Bordeaux 2 Directeur de l’Observatoire international de la violence à l’école, Observatoire européen de la violence scolaire La fascination pour l’exceptionnel Dans bien des pays, la violence à l’école est dans l’esprit du public et des médias vue à travers le prisme de faits-divers exceptionnels, qui appellent bien souvent à des généralisations hâtives sur le surgissement de la barbarie et du chaos dans les lieux d’enseignement. En fait, les crimes de sang et les violences les plus dures sont en nombre restreint dans les écoles, et pas seulement en France. Le nombre de délinquants juvéniles, auteurs de violences dures, est relativement réduit quoiqu’on en pense (Farrington, 1986). La délinquance des mineurs, entre autres à l’école, est essentiellement une petite délinquance de masse, usante, mais qui n’a rien à voir avec ce spectacle sanglant. Après une remarquable revue de la question aux États-Unis, Denise Gottfredson peut d’ailleurs conclure que la victimation en milieu scolaire n’a guère évolué dans ses types entre ses premières études de 1985 (Gottfredson et Gottfredson, 1985) et les études plus récentes (Gottfredson, 2001) : l’expérience personnelle de victimation est, autant pour les élèves que pour les enseignants, liée à des incidents mineurs, les victimations sérieuses sont très rares. Dès 1985 les Gottfredson affirmaient que leurs enquêtes permettaient de conclure que le véritable problème dans les établissements scolaires tient à une haute fréquence de minor victimizations et d’incivilités (indignities) beaucoup plus qu’en une délinquance dure. Il en est de même en France. En relativisant la fréquence des crimes, il ne s’agit pas pour nous de relativiser leur gravité, mais de refuser de nous laisser fasciner par ceux-ci. Il ne s’agit pas non plus de négliger les victimes, mais au contraire de mieux les écouter. Cette fascination pour les crimes de sang et la violence dure est bien trop souvent encore une mise en scène qui cache les violences quotidiennes oppressives, celles sur lesquelles nous insisterons. La violenc e à l’école : une violenc e spécifi que ? Pour autant, nous ne disons évidemment pas que rien n’est nouveau sous le soleil et que cette violence n’est que la répétition d’une sorte de « guerre des boutons » traditionnelle. Nous ne disons pas non plus que la violence à l’école n’est qu’un fantasme d’insécurité, selon un modèle qui reste tentant. En fait, un des blocages principaux concernant la connaissance de la violence à l’école est en France le refus d’en reconnaître la spécificité. Il faut, en effet, accepter qu’il existe une violence spécifique au milieu scolaire, que celle ci n’a pas à être noyée dans la masse de la délinquance juvénile. Or, la construction de l’objet « violence à l’école » s’est heurtée à un amalgame avec les violences extérieures, et pour bien des politiques, comme pour beaucoup de praticiens elle n’est même que cela. Le débat scientifique et politique a longtemps été saturé par la question urbaine, dans laquelle se perdait le problème spécifique 1 Le risque du sensationnel

Debarbieux-2006 (en Frances)

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Violencia en la escuela

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  • INHES / OND Rapport 2006

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    LA VIOLENCE LCOLE, ENTRE EXAGRATION ET MCONNAISSANCE

    En France, la fin de lanne 2005 et le dbut de lanne 2006 auront tmarques par le retour en force du dbat sur la violence lcole. Lagressiondune enseignante Etampes aura en particulier suscit une vive campagne

    mdiatique, et des prises de position politique parfois controverses. La ralit de laviolence dans les coles franaises justifie-t-elle un tel tapage ? Que connaissons desformes et de la mesure de cette violence ? Les statistiques officielles produites sur lesujet sont-elles suffisantes pour en prendre mesure ?

    Eric DebarbieuxUniversit Victor Segalen Bordeaux 2

    Directeur de lObservatoire international de la violence lcole, Observatoire europen de la violence scolaire

    La fascination pour lexceptionnelDans bien des pays, la violence lcole est dans lesprit du public et des mdias vue travers

    le prisme de faits-divers exceptionnels, qui appellent bien souvent des gnralisations htivessur le surgissement de la barbarie et du chaos dans les lieux denseignement. En fait, les crimes desang et les violences les plus dures sont en nombre restreint dans les coles, et pas seulement enFrance. Le nombre de dlinquants juvniles, auteurs de violences dures, est relativement rduitquoiquon en pense (Farrington, 1986). La dlinquance des mineurs, entre autres lcole, estessentiellement une petite dlinquance de masse, usante, mais qui na rien voir avec cespectacle sanglant. Aprs une remarquable revue de la question aux tats-Unis, DeniseGottfredson peut dailleurs conclure que la victimation en milieu scolaire na gure volu dans sestypes entre ses premires tudes de 1985 (Gottfredson et Gottfredson, 1985) et les tudes plusrcentes (Gottfredson, 2001) : lexprience personnelle de victimation est, autant pour les lvesque pour les enseignants, lie des incidents mineurs, les victimations srieuses sont trs rares.Ds 1985 les Gottfredson affirmaient que leurs enqutes permettaient de conclure que le vritableproblme dans les tablissements scolaires tient une haute frquence de minor victimizations etdincivilits (indignities) beaucoup plus quen une dlinquance dure. Il en est de mme en France.

    En relativisant la frquence des crimes, il ne sagit pas pour nous de relativiser leur gravit, maisde refuser de nous laisser fasciner par ceux-ci. Il ne sagit pas non plus de ngliger les victimes,mais au contraire de mieux les couter. Cette fascination pour les crimes de sang et la violence dureest bien trop souvent encore une mise en scne qui cache les violences quotidiennes oppressives,celles sur lesquelles nous insisterons.

    La violence lcole : une violence spcifique ?Pour autant, nous ne disons videmment pas que rien nest nouveau sous le soleil et que cette

    violence nest que la rptition dune sorte de guerre des boutons traditionnelle. Nous nedisons pas non plus que la violence lcole nest quun fantasme dinscurit, selon un modlequi reste tentant. En fait, un des blocages principaux concernant la connaissance de la violence lcole est en France le refus den reconnatre la spcificit.

    Il faut, en effet, accepter quil existe une violence spcifique au milieu scolaire, que celle ci napas tre noye dans la masse de la dlinquance juvnile. Or, la construction de lobjet violence lcole sest heurte un amalgame avec les violences extrieures, et pour bien des politiques,comme pour beaucoup de praticiens elle nest mme que cela. Le dbat scientifique et politiquea longtemps t satur par la question urbaine, dans laquelle se perdait le problme spcifique

    1 Le risque du sensationnel

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    de la violence scolaire. Cette ccit sur la violence spcifique au milieu scolaire sexplique aussipar des raisons idologiques : la forte tradition rpublicaine de lcole franaise la sacralise aupoint de ne pouvoir souffrir de remise en cause de ce rle. Il ne peut dans ce cas y avoir deviolences que venues de lextrieur et lcole ne peut donc tre que la forteresse assige , lcole agresse , et dans ce cas cest logiquement des institutions extrieures, la police et la justice, quil est demand de traiter le problme. Ce refus de considrer en soi la violence enmilieu scolaire est totalement inadapt et plusieurs faits simples plaident pour une tude sparede cette violence spcifique :

    Le fait que les lves sont moins victimes de certaines agressions dans les coles particulirement les plus graves (homicides, viol) et nettement plus victimes lcole dautrestypes dagressions (harclement, vols, extorsions, agressions verbales).

    Le fait quil existe des victimations spcifiques lespace scolaire : par exemple celles lies auxagressions contre les professeurs et membres de ladministration, mais aussi celles de cesderniers contre les lves. On peut mme penser que cette violence est une violencehyperspcifique des mineurs dlinquants.

    Le fait que le fonctionnement scolaire puisse induire des comportements dlictueux et quil y aun rle des tablissements dans la construction de la violence qui ne peut tre rduit uneagression venue des seules conditions sociales extrieures.

    Le fait que dans les enqutes, officielles ou scientifiques, cest toujours nettement moins de 10 %des faits de violences qui sont perptrs par des personnes extrieures ltablissement, etmme dans ce dernier cas, beaucoup de ces extrieurs sont connus le cas habituel tant celuidun lve renvoy. Ainsi dans une enqute de victimation mene dans le dpartement duDoubs (Carra & Sicot, 1997, p.78) les agresseurs sont des personnes extrieures au collge dans6,2 % des cas dans les collges urbains contre 2,2 % dans les collges ruraux . Dans lesstatistiques produites par lducation nationale seuls 2,30 % des faits connus sont des intrusionsdlments extrieurs.

    Lducation nationale franaise a pris conscience de cette spcificit en crant un relevobligatoire des violences lcole, renseign par les tablissements scolaires laide dun logicielspcifique, le logiciel Signa (dsormais galement utilis en Suisse romande). Ce relev, malgrses insuffisances, est une tentative encore trs rare au niveau mondial de quantification duphnomne.

    2 Le compte de la violence lcole entre statistiques officielles et enqutes scientifiquesCe paragraphe va examiner les principaux signalements raliss par les tablissements scolaires

    grce au logiciel Signa. Il comparera ces chiffres aux donnes recueillies laide des enqutes devictimation que notre quipe ralise depuis maintenant plus de 10 ans en France avec les alaset les limitations des financements publics.

    Enqutes officielles en France : Le logiciel Signa et ses rsultatsLes principaux signalements dans les tablissements de lenseignement secondaire franais

    pendant lanne 2004/2005 sont rsums dans le tableau suivant (tableau 1).

    Ce tableau montre en trois colonnes le type dactes constats (colonne 1), qui ne sont pas toutesdes victimations directes dailleurs, le nombre de ces actes (colonne 2) et enfin en dernirecolonne le pourcentage de ces actes par rapport la population scolaire concerne (colonne 3), soitenviron six millions dlves. Le total des faits graves vu par lducation nationale rvle unefrquence faible. En effet, pour prendre les cinq victimations les plus frquentes, le nombredlves victimes serait trs limit en proportion 1. Pour les faits de violences physique sans arme(ce qui implique en principe les bagarres entre lves) on pourrait considrer que 0,38 % deslves sont concerns, 0,35 % pour les insultes et menaces graves, 0,13 % pour les vols et tentatives

    (1) De plus, nous ne pouvons travailler partir de ces statistiques officielles que sur la frquence des victimations, non sur leur prvalence dans la population totale, ce qui pondrerait encore la baisse lepourcentage de victimes.

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    Actes signals signalements2004-2005

    % au nombredlves 2nd

    degrViolences physiques sans arme 23094 0,38Insultes ou menaces graves 20732 0,35Vols ou tentatives 8051 0,13Autres faits graves 4736 0,08Dommages aux locaux 3049 0,05Intrusions lments trangers 1840 0,03Jets de pierres 2214 0,04Racket ou tentative 1557 0,03Consommations stupfiants 1698 0,03Tags 1769 0,03Violences physiques avec armes (ou par destination)

    1651 0,03

    Fausse alarme 1488 0,02Dommages aux vhicules 1276 0,02Dommages au matriel 1349 0,02Violences physiques caractre sexuel 1156 0,02Dommages matriel scurit 958 0,02Trafics de stupfiants 614 0,01Ports darme autre quarmes feu 590 0,01Tentatives dincendie 546 0,01Tentatives de suicide 429 0,01Dommages aux biens personnels autresque vhicules

    415 0,01

    Incendies 192 0,00Bizutages 295 0,00Trafics autres que stupfiants 229 0,00Ports darmes feu 40 0,00Suicide 19 0,00

    ENSEMBLE 79987

    ou encore 0,03 % pour le racket ou tentatives. Si lon ne considre que les victimations directes(hors trafics, autoviolence, dgradations des locaux etc.) cest moins de 0,60 % des lves quiseraient victimes, encore faut-il penser que dans bien des cas ne sont signals que les faitsconcernant les adultes. Ceci dit (DEP, 2004) les victimes sont 78 % des lves, 20 % despersonnels, 0,4 % des parents dlves, 1,6 % des personnes extrieures. Elles sontmajoritairement rparties dans peine 6 % des tablissements du second degr, essentiellementen zones sensibles . Les auteurs identifis ou probables sont 86 % des lves, 12 % des

    personnes extrieures, 1,3 % des personnels, 0,7 % des parents dlves 2.

    On sait bien que les statistiques officielles de la dlinquance cachent un chiffre noir entrefaits signals et victimations subies. Ce chiffre noir atteint ici des proportions caricaturales,montrant bien les difficults des recensements officiels. Prenons un premier exemple avec laconsommation de stupfiants par exemple ; Signa relve que 0,02 % des adolescents sontconcerns par cette consommation et moins de 0,01 % par le trafic, alors que toutes les enqutesmontrent une prvalence trs forte de ce type de conduite risque chez les adolescents ds 13-14ans. Lenqute ESCAPAD 2000-2002 (enqute sur la sant et les consommations lors de lappel deprparation la dfense) rvle qu 17 ans lusage rgulier du cannabis est de 54,6 % chez lesgarons et 17,7 % chez les filles. Lge moyen dexprimentation est de 15 ans environ. Le quart desconsommateurs exprimente pour la premire fois le cannabis lintrieur dun tablissement

    Tableau1 :Actes de violence recenss dans les tablissements du second degr en FranceAnne scolaire 2004-2005 adapt de Ministre de lducation nationale,novembre 2005

    (2) Il est intressant de noter malgr le discours dominant sur les parents agresseurs que ceux-ci sontmoins souvent mis en cause que les personnels, eux mmes faiblement reprsents

  • scolaire. Dans notre enqute, prs dun tiers des adolescents de collge dit connatre la prsencede drogue dans leur tablissement. En ce qui concerne les agressions, le chiffre noir est tout aussiimportant. En effet, les enqutes de victimation lcole ralise en France montrent lenvilimmense dcalage entre les signalements administrativement produits et les victimations autodclares dans des protocoles scientifiques. Ainsi, nos propres enqutes (Debarbieux, 1999 ;Debarbieux, 2006) rvlent un nombre dlves victimes trs suprieur celui des signalementsinformatiques du ministre.

    Le dcalage des statistiques officielles :frquence de la violence selon les enqutes de victimation

    Les enqutes franaises de victimation en milieu scolaire ont t peu nombreuses. Les deuxpremires ont t celle ralise dans le dpartement du Doubs par lquipe forme par CcileCarra et Franois Sicot (1996) et celle que notre quipe a ralis au niveau national (Debarbieux,1996). Lenqute du Doubs na pas t duplique, linverse de notre enqute, qui a t prolongeen 1998, 1999 et 2003 en ce qui concerne les collges et en 2000 et 2003 en ce qui concerne lescoles lmentaires. Une partie de lenqute ESPAD (European Survey Project on Alcohol and other drugs)comporte galement des informations sur les victimations subies par les lves de lenseignementsecondaire. Elle a t passe en France, en 2003, sous la responsabilit dune quipe de lINSERM(Choquet, Hassler & Morin, 2005). Elle peut donc, en partie, tre assimile ce type denqutes.

    Lenqute de Carra et Sicot a comptabilis 23,7 % dlves se dclarant victimes de vols, 15,6 %de coups, 9,7 % de racisme, et 4,3 % de racket, 2.8 % de harclements et agressions sexuelles. Dansles chiffres officiels franais ces diverses catgories ne dpassent jamais un risque de 0.3 %, pourles lves. Rappelons que ces chiffres concernent un dpartement ordinaire et ne comprennentpas les zones les plus sensibles du territoire franais, dans les banlieues urbaines les pluspeuples et les plus touches par lexclusion sociale. Cest pour nous ce qui explique unediffrence avec nos propres chiffres.

    Nous avons pour notre part, depuis 1993, interrog plus de 30 000 lves dans des enqutes devictimation et de climat scolaire. Notre dernire enqute, en 2002-2003, a port sur un chantillonde 3 871 lves de collges et 2 744 lves dcoles primaires soit 6 615 lves dans 37tablissements (en Aquitaine, Ile-de-France et en PACA). Or, le dcalage avec les statistiquespubliques est tout aussi criant (on utilisera ici les chiffres de Signa 2002-2003). Nous prcisons quelObservatoire europen de la violence scolaire ralise actuellement une nouvelle enqute devictimation dans un chantillon national tir au hasard.

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    (3) Sur la diffrence entre les chiffres de cette enqute et nos propres chiffres cf. notre dernier ouvrage(Debarbieux, 2006, p. 85 seq.).

    Tableau 2 :La victimation en collge comparaison enqute de victimation 2003 - chantillonredress N= 3871 Debarbieux & Montoya 2004 - et signalements officielsMEN/Signa 2002-2003

    Ce tableau rcapitule le dcalage entre les statistiques produites par les institutions et letmoignage des victimes suivant un protocole denqute et cest sans appel Ainsi, si lon sentient au seul racket dans les tablissements de lchantillon, celui-ci est 210 fois plus frquent quece qui est dclar dans les statistiques de lducation nationale. Ce nest pas quuneapproximation enfantine : daprs les rponses des 525 adultes interrogs dans une autre enqute en 1999-2000 54,2 % connaissaient lexistence du racket dans leur collge. Quant au racisme, quiest dans la loi franaise un dlit, et certainement pas une opinion, 16,7 % des lves sen dclarentvictimes contre un risque de 0,01 % pour les chiffres officiels, 1 670 fois plus. Lenqute Choquet,mme si elle ne concernait pas directement la violence lcole, donne aussi des chiffrestmoignant dun fort dcalage (par exemple 20 % des lves se dclarant frapps, 3.5 % racketts) 3

  • Bref, posant de srieux problmes de mthodes, les sources officielles franaises ne permettentpas de prendre mesure de lampleur du phnomne 4. Elles sont dautant moins pertinentesquelles dpendent largement des incitations hirarchiques les produire et de la peur tout faitlgitime quont les coles dalimenter une mauvaise rputation par un trop grand nombre designalements. Daprs le National Crime and Victimization Survey, aux USA, (NCVS, Whitaker et Bastian,1991) seules 9% des agressions violentes contre les adolescents sont signals la police lorsquilssont commis dans les coles contre 37 % lorsquils sont commis dans les rues. Linstitution scolairea tendance traiter en interne les faits de dlinquance et les transgressions de lordre, voire lescacher ou les minorer. Les enqutes de victimation spcifiques au milieu scolaire sont sans aucundoute une des mthodes essentielles pour mieux cerner la ralit quantitative des violences lcole. Autre avantage important : elles permettent de mieux comprendre ce quest la victimationen milieu scolaire.

    Une violence rptitiveLexprience de victimation peut rester unique, ce qui ne veut pas dire quelle ne ncessite pas

    parfois un suivi post traumatique. Cest le cas des victimes du terrorisme. linverse, la situationde victimation peut tre rpte. De ce fait son sens change du tout au tout, pour la victime commepour lagresseur (ou les agresseurs), car elle ncessite une relation rgulire entre les deux parties.Cest une interaction qui se construit dans la dure. La violence nest pas toujours un vnementisol, imprvisible, accidentel : au moins une partie de la violence et de la dlinquance se construisent, etelles se construisent dans le tnu et le continu. La violence et la dlinquance peuvent trs bien tre desfaits avrs, mais aussi un ensemble de petits actes souvent qualifiables pnalement- mais si peupnaliss quils restent la priphrie de la dlinquance apparente, il sont des pri-dlits ,selon la belle expression du criminologue canadien Maurice Cusson (Cusson, 2000, p. 120), ce quepour notre part nous nommons les microviolences . Chaque microviolence prise isolment napas grande importance, mais, et cest ce que nous allons maintenant dvelopper, le problme estdans la rptition de ces faits.

    La limite dune analyse ne portant que sur la frquence du phnomne analyse qui estquasiment la seule dans les statistiques officielles franaises est quelle cache la ralit delexprience victimaire : derrire le nombre dactes relevs combien de victimes et comment sont-elles victimes : victimes seules ou victimes en groupe, victimes une seule fois ou victimesrptes ? Pour rpondre ces questions, nous utiliserons les rsultats dune de nos enqutesmene en 1999-2000 auprs de 5 619 collgiens de 33 tablissements sensibles , classs zoneviolence par lducation nationale (en Ile-de-France, Bouches-du-Rhne et Nord).

    En combinant les diffrentes catgories dagressions tudies dans nos enqutes(nos indicateurs de victimations), il est possible de dresser un tat des multivictimations, de leursconsquences sur le rapport lcole des victimes et de lingalit devant le risque de ces victimessuivant lge, le sexe, ltablissement scolaire. Nous pouvons tout dabord regrouper lesrpondants selon 6 catgories depuis les non-victimes, jusquaux lves dclarant avoir subi les 5types de victimations qui nous servent dindicateurs.

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    (4) Dans sa dernire livraison (MEN, 2005) le ministre prcise que le nombre moyen dincidents pour100 lves est de 2,4 soit un risque encouru de 0.024 incident par lve.

    Tableau 3 :Types de multivictimations subies par les collgiens (collges dfavoriss)(Debarbieux & Montoya, 2000)

    multivictimes 2 Nb. cit. Frq.

    pas victime 778 13,8 %

    1 victimation 1 485 25,9 %

    2 victimations 1 653 29,4 %

    3 victimations 1 171 20,8 %

    4 victimations 415 7,4 %

    5 victimations 144 2,6 %

    TOTAL CIT. 5 619 100 %Moyenne=2,90 cart type=1,24

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    Peu de collgiens dclarent navoir subi aucune des victimations prcises dans le questionnaire(13,8 %) et une trs faible minorit (2,6 %) dit avoir subi la totalit de ces agressions. Toutefois nostravaux montrent combien cette rptition des victimations est probablement le problme le plusimportant traiter quant la violence scolaire quil sagisse des lves, ou des enseignantsdailleurs, ce qui nous a amen proposer un modle doppression rptitive (Debarbieux, 2002).Les choses sont extrmement claires : plus le nombre de victimations augmente, plus le sentimentdinscurit grandit chez les collgiens, plus leur rapport gnral ltablissement scolaire sedtriore. Les travaux de Catherine Blaya (Observatoire europen de la violence scolaire, paratreen 2006) montrent dailleurs le lien existant entre absentisme et victimation, mais aussidpression et dcrochage scolaire. Limportance de la rptition victimaire est aussi la base desrecherches internationales sur le Bullying, qui mritent dtre voques lappui de notredmonstration. Le concept de Bullying est dabord associ une exprience particulire devictimation : le harclement entre pairs dans lenceinte scolaire. Le School Bullying, traduit parharclement et brutalits entre lves dans la version franaise de louvrage de Dan Olweus(Olweus, 1993) est un concept prgnant dans la lutte contre la violence en milieu scolaire depuisles annes 70-80 en Europe du Nord. Limportance donne ce phnomne est due son impactsur le climat et la russite scolaire et aux consquences psychologiques graves quil peut entraner.En effet, ces consquences peuvent varier du dcrochage scolaire et expliquer des problmesdabsentisme importants la perte de confiance en soi entranant parfois des conduites auto-violentes telles que le suicide de la victime (Smith et alii 1999).

    Ainsi le tableau suivant nous donne une bonne image de la dgradation du sentiment de scuriten fonction du nombre des victimations. Il montre les carts des rponses la question Y-a-t-ilde la violence dans ton collge ? suivant le nombre de victimations subies.

    Tableau 4 :Dgradation du sentiment de scurit en fonction du nombre des victimationssubies par les collgiens (collges ZEP et sensibles ; Debarbieux & Montoya, 2000)

    La dpendance est trs significative. chi2 = 446,83, ddl = 20, 1-p = >99,99%.

    Les valeurs du tableau sont les pourcentages en ligne tablis sur 5541 citations.

    violences mul-tivictimes 2 normment beaucoup moyennement un peu pas du tout TOTAL

    pas de victime 12,9 % 14,8 % 21,9 % 39 % 11,3 % 100 %

    1 victimation 13,9 % 17,1 % 27,4 % 35,4 % 6,1 % 100 %

    2 victimations 17,6 % 23,6 % 27 % 29,2 % 2,5 % 100 %

    3 victimations 23 % 28,7 % 26,1 % 19,4 % 2,8 % 100 %

    4 victimations 28,7 % 32,4 % 22,1 % 14,8 % 1,9 % 100 %

    5 victimations 43,2 % 29,5 % 12,9 % 9,4 % 5 % 100 %

    TOTAL 18,6 % 22,6 % 25,5 % 28,6 % 4,7 % 100 %

    Comme on le constate, il y a une lvation de la violence perue en lien avec llvation dunombre de victimations subies, ce qui est pour le moins logique : le sentiment dinscurit ne peutdcidment pas se rduire un fantasme. Il nest pas une simple construction mdiatique oupolitique. Ce type de rsultats est mthodologiquement trs intressant : bien souvent on affirmeque les personnes les moins risque dtre victimes (les personnes ges en particulier)dveloppent pourtant le plus fort sentiment dinscurit. En ralit, comme la prouv Lagrange, sieffectivement il y a des carts de sensibilit forts suivant lge et le sexe, la neutralisation de cesvariables montre bien que la peur dtre agress monte avec les victimations subies (Lagrange,1995, p. 216 seq.). Le sentiment dinscurit nest pas plus dans nos recherches que dans celle deLagrange un fantasme sans lien avec la ralit du crime.

    Bien entendu, on pourrait se contenter de penser que la violence reflte une socialisationnormale, surtout en milieu populaire o lusage de la force serait plus frquent par culture ,contrairement lidologie de la mdiation qui serait celle des classes moyennes (Thin, 1998,Roch, 2001). Il y aurait l de la dispute admise suivant les canons de notre gauloise et ouvrirevirilit. Ce nest pourtant pas si simple, et linscurit ressentie est nettement corrle aux zonessensibles o le phnomne du racket est peru avec une plus grande intensit. Ainsi, en utilisantnotre chantillon initial de collges de tous types sociaux (9 362 collgiens interrogs en 1994-1995)on remarque quel point le sentiment de violence est plus dvelopp en tablissement sensible : difficile donc daffirmer que la virilit brutale est somme toute valorise dans lesdites classes populaires. Il y a ingalit devant le risque et cette ingalit corrle justement lesentiment dinscurit : les lves de zones urbaines dducation prioritaire sont par exemple plus

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    de 30 % penser que la violence est trs prsente dans leur tablissement contre 8 % des lvesdes collges de classe moyenne ou favorise.

    Plus loin, et nous pouvons tenter de rpondre une question lancinante, nos enqutes devictimation permettent de penser sur la dure lvolution du phnomne.

    volution de la violence lcole en FranceNous ne pouvons ici que rsumer les conclusions de notre dernier rapport sur la question

    (Debarbieux, 2004), qui ne peuvent donc tenir compte des volutions trs rcentes, mais quisemblent annoncer ces volutions, et que confirmeront ou non les rsultats de notre enqute 2006en cours, sous la direction de Catherine Blaya. Ces conclusions, qui tentaient de faire le bilan denos enqutes depuis 1995 taient nuances : stabilit importante dans les coles primaires, voireamlioration de la relation aux adultes peut-tre lie la mesure emploi-jeunes qui avait tefficace au primaire, moins au collge, sans augmentation de la victimation, stabilit moyenne encollge mais avec une forte dgradation dans les tablissements les plus populaires. Au del de la violence cest le climat des tablissements populaires qui sest fortement dgrad climat dontles principaux travaux sur la question (par exemple Gottfredson, 2001, Astor et Benbenishty, 2005)ont montr le lien avec la victimation et la dlinquance.

    Ainsi, lcart entre les collges situs en ZEP et les autres sest creus. En 1995, 21 % des collgiensen ZEP et 17 % des autres valuaient ngativement la relation enseign-enseignant : ils taientprs de 28 % en 2003-2004. Les lves des tablissements plus populaires semblent bien tmoinsdune monte de lagressivit tourne vers les enseignants, alors mme que celle ci semblediminuer en tablissement ordinaire : nous sommes passs en ZEP de 22 % 25 % des collgiensdcrivant une agressivit forte contre les enseignants et nous pouvons noter linverse une mmediminution de 3 points hors de ZEP (de 15 % 12 %). Leffet cumul de ces deux mouvementscontraires a agrandi notablement lcart de perception de cette agressivit, les lves de ZEP tantmaintenant un peu plus du double (1 lve sur 4 contre 1 lve sur 8) avouer une forte agressivitdans la relation avec les professeurs. Il en est de mme de la perception de lapprentissage scolaire(la manire dont on apprend) : nous sommes passs en ZEP de 11 % 15 % des collgiens critiquantlenseignement donn et nous pouvons noter linverse une diminution de 2 points hors de ZEP,passant de 10 % 8 % dopinions ngatives. Lcart de perception mme si dominent largement lesopinions positives stablit prs du double (1 lve sur 6 contre 1 lve sur 12).

    Cela est encore plus net en collges classs sensibles . Bref, pour tre prcis, le climat scolairese dgrade avec laugmentation de lexclusion sociale par exemple respectivement 17 % des lveshors ZEP, 27% des lves en ZEP ordinaire, 30 % en collges sensibles se plaignent dune mauvaiserelation aux enseignants. Le sentiment dinscurit augmente galement : respectivement 16 % puis34 % et enfin 37,5 % des collgiens peroivent une trs forte violence selon limplantation sociale deleur tablissement. Les victimations augmentent aussi avec cette classification : respectivement5,3 %, puis 7,6 % et enfin 8,7 % des collgiens sont victimes dun racket peru plus dur mesurequaugmente lexclusion sociale. De nombreuses revues de la question montrent cette fortecorrlation entre ingalits sociales et violences : par exemple Lipsey et Derzon (1997) partirdune mtaanalyse de 34 enqutes longitudinales indpendantes ou Lagrange (2001). Il sembledonc lgitime de penser avec Denise C. Gottfredson, lissue de sa propre revue de question(Gottfredson, 2001 p. 64) : La pauvret et lingalit de revenus, la russite scolaire, la mobilitde la population, la composition ethnique, la densit de la population et de haute proportions demre de familles monoparentales, sont corrls avec le taux de dlinquance .

    Bref, quon le veuille ou non, la sociologie de la violence lcole reste, en France, une sociologiede lexclusion sociale, que nous ne sommes pas parvenus combler au niveau des collges, tandisque les rsultats sont encourageants en cole lmentaire. Ce qui ne veut pas dire quelle nexistepas dans les coles de quartiers moyens ou favoriss, mais elle y est plus rare. Lurgence socialereste au traitement prioritaire des violences dans les coles de quartiers dfavoriss. Ceci nest pasen contradiction avec les donnes fournies par SIGNA et lon retrouve ici une convergence souventconstate (Fillieule, 2001) en termes de tendances entre donnes officielles et enqutes devictimation.

    Ceci dit, la reconnaissance de la multiplicit des causes de la violence implique que les facteurssocioconomiques ne peuvent tout expliquer. Ainsi, la pauvret ou le chmage ne peuvent euxseuls entraner la violence. Seule une combinaison de facteurs de risque augmente la probabilitde la violence lcole. Parmi ces facteurs de risque on a souvent tendance privilgier les facteursfamiliaux. Or, rappelons cet gard la recherche lourde mene par Soule et lquipe de luniversitdu Maryland (Soule, 2001) dans un chantillon de 234 coles. Cette ample recherche a montr queles deux facteurs les plus explicatifs de laugmentation de la victimation sont linstabilit de

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    lquipe enseignante (Teachers turnover, 0.91), le manque de clart et linjustice dans lapplicationdes rgles (fairness, clarity, 0.69), mme si les facteurs exognes, tels la concentration desdsavantages, sont des facteurs explicatifs. De mme, de nombreuses recherches en France et ltranger ont montr combien la concentration dans des classes ethniques tait un lmentmajeur dans le dlitement du climat scolaire et laugmentation des agressions (synthse inDebarbieux, 2006). Le dveloppement dun ressentiment contre les enseignants est massif dansles tablissements plus populaires et cest particulirement vrai dans les tablissementssensibles, mme si, malgr tout, une part importante des lves des zones populaires continue faire confiance en leurs enseignants. Mais cette part dcrot, particulirement mesurequaugmentent les victimations et que se creuse la distance sociale, qui est alimente par le modede recrutement des enseignants du secondaire. Linstabilit des quipes en zones urbainesdfavorises est plus frquente (Gottfredson, op. cit.). En France elle est lie un mode de gestionobsolte et corporatiste 5: le fait par exemple que le tiers des jeunes enseignants forms lIUFM dAquitaine prenne ses fonctions en tablissement sensible de la rgion parisienne nestvidemment pas sans effet sur leur sentiment dappartenance leur tablissement. Leffet de lanon-stabilit des quipes lie au recrutement national est criminogne : instabilit des quipes,climat scolaire dgrad et climat scolaire dgrad victimations plus frquentes et plus intenses.

    3 ConclusionLa violence en milieu scolaire est surtout, en France comme ltranger, une violence

    quotidienne, faite de petites victimations, de pridlits, bref de microviolences. Lapproche par leseul fait-divers, si elle est mdiatiquement payante, est la fois errone, fantasmatique et contre-productive au niveau des politiques publiques : ces politiques deviennent alors uniquement ousurtout ractives lvnement, au lieu dtre proactives, cest dire cherchant aller au devantdes difficults, par une prvention de longue haleine. Il ne sagit pas de nier limportance decertaines agressions subies, mais les prendre au srieux nest justement pas les banaliser. Ce sontdes faits dramatiques et comme tels ils doivent effectivement tre dramatiss, mais considrer travers eux toute la violence scolaire est une erreur. Cest le pige de lexagration.

    Lautre grand pige est celui de la ngation de limportance des agressions rptes moinsspectaculaires, mais dont les consquences sont importantes tant sur les personnes que sur lesinstitutions ou le lien social. La violence en milieu scolaire ne peut alors pas tre traite par desmesures ponctuelles : elle fait partie des problmes routiniers denseignement et doit alors fairelobjet dune intgration dans les pratiques ordinaires de lenseignant et des quipes ducatives avec laide des institutions extrieures (sans en exclure les familles). Cela nira pas sans unchangement profond de la formation des professionnels de lcole et sans une mutation dusystme de nomination des enseignants, tant est importante la stabilit des quipes.

    Si ltat franais a pris conscience de limportance de mieux comprendre la violence lcole, lesstatistiques publiques sont insuffisantes pour connatre ce phnomne de rptition oppressive,ce qui ne signifie pas que ces statistiques soient inutiles, bien sur. Cependant, la voie suivie parles tats-Unis semble plus efficace, avec, par exemple, depuis plus de 33, ans des enqutes devictimation annuelles, dont une partie est spcifique au milieu scolaire. On ne peut que plaiderpour la poursuite et lapprofondissement denqutes rgulires indpendantes de victimation lcole. On notera dailleurs quil devient urgent de refaire des enqutes au niveau du lyceprofessionnel par exemple.

    La violence en milieu scolaire mesure par enqutes de victimation et de climat scolaire aconnu une volution contraste en France depuis 1995. Lcole lmentaire a non seulementstabilis ses rsultats mais elle les a consolid sur plusieurs points, non seulement en coleordinaire mais aussi dans les quartiers populaires. Le collge est rest stable en gnral avec parcontre une forte dgradation dans les tablissements populaires et pas seulement dans lestablissements sensibles. Il ne faut pas non plus dramatiser la situation au niveau du collge : lasituation reste en grande partie stable et matrise et les tablissements scolaires ne sontcertainement pas feu et sang. Cependant, en collge, la stabilit relative des tablissementsordinaires ne doit pas masquer une dgradation sensible tant au niveau du climat scolaire, quauniveau du sentiment dinscurit et des victimations en tablissements populaires. Cest limagede lenseignant qui a le plus souffert en collge populaire, et cest un des signes les plus srs dudveloppement des violences anti-scolaires.

    (5) Le terme corporatiste est sans doute inappropri, car on ne voit pas bien quel est lintrt dune corporation voir se dcourager une fraction importante de ses lments les plus jeunes ds les premires annes de la prise de fonction.

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    Les commentaires des membres du conseil dorientation

    Les commentaires qui suivent sont extraits des rponses des membres du conseil dorientation suite leur lecture de larticle. Les remarques prises en compte dans larticle lui-mme et celles caractre technique, qui ont fait lobjet dunerponse de lOND, ny figurent pas.

    Direction des tudes et de la prospective, Ministre de lducation nationale, de lenseignement suprieur et de la recherche

    Statistiques officielles et enqutes de victimation : deux approches diffrentes

    Dans cet article Eric Debarbieux insiste fortement sur le dcalage quantitatif entre les actes de violence dclars par les lves interrogs lors des enqutes de victimation et les actes recensspar le ministre de lEducation Nationale grce lenqute SIGNA (cf. article les actes de violencerecenss dans SIGNA en 2004-2005 ). Il semble faire grief de ce dcalage SIGNA et au Ministrede lducation nationale.

    Ces diffrences quantitatives sont parfaitement normales, et refltent le fait que lune et les autresde ces enqutes nont pas les mmes finalits. Pour ce qui est de lenqute SIGNA, elle a tconue avant tout comme un outil de pilotage pour les responsables de lEN, et ses objectifs essentiels sont de mesurer les volutions de la violence lcole et de reprer les tablissements- ou les types dtablissements - les plus exposs la violence, de manire pouvoir dgager despriorits pour les politiques de lutte et de prvention.

    SIGNA dont Eric Debarbieux ne cite pas toujours correctement les donnes ne prtend doncpas ce quaucune statistique institutionnelle ne saurait faire mesurer la frquence laquelle lesvictimes se considrent comme atteintes.

    En tout tat de cause, il est trs positif comme le souligne dailleurs Eric Debarbieux que lesresponsables de lducation nationale puissent disposer, grce SIGNA, de donnes sur lvolutionde la violence scolaire qui rejoignent celles des enqutes de victimation (par exemple, quant auxvolutions respectives entre les tablissements sensibles et les autres).

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