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(~ Masson, Paris. Ann Fr Anesth Roanim, 11 • 475, 1992 LETTRES .,~ LA REDACTION Dec6s postoperatoire d'une malade atteinte d'un volumineux meningiome Madame M., 41 ans, est adress6e pour un carci- nome in situ du col ut6rin. Dans ses ant6c6dents, on note des c6phal6es intermittentes depuis une dizaine d'annEes, entra~nant la prise rEguli6re de 3 5 g de parac6tamol par jour. I1 faut noter aussi la presence de plusieurs malaises avec perte de connaissance durant quelques secondes et une cer- taine apathie au cours des trois derniers mois. Ces cEphalEes et malaises n'ont alertE personne et ont EtE rapportEs aux probl6mes personnels et fami- liaux de la patiente. Le carcinome du col utErin est traitE par conisa- tion sous anesthEsie gEnErale, en ventilation spon- tanEe, associant 2 mg de midazolam, 3 ixg-kg -t de fentanyl, 2,5 mg. kg -1 de propofol, suivis d'une perfusion continue de ce dernier h raison de 7 rag-kg -1 h -1 pendant 40 min. L'anesthEsie gEnErale dure une heure et la patiente se reveille 10 rain apr6s la fin de l'anesthEsie en salle de rEveil. La patiente se plaint de douleurs abdomi- nales et re~oit 2 g de proparacEtamol par voie i.v. qui calment partiellement les douleurs, suivis une heure plus tard de 10 mg de nalbuphine par voie sous-cutanEe. A la 4 e heure postopEratoire, s'installe un coma profond, cote 4 sur l'6chelle de Glasgow. La patiente est aussit6t mise sous oxy- g6ne, tandis que l'administration de 0,4 mg de naloxone n'amEliore pas l'Etat de conscience. L'examen neurologique note un myosis gauche, une mydriase droite arEactive, des r6flexes cor- n6ens presents, une paralysie faciale droite, des mouvements de dEcErEbration aux membres supd- rieurs et en flexion aux membres infErieurs, avec une motilitE ~ la stimulation plus faible h gauche. Le reste de l'examen clinique reste sans particula- ritE, avec notamment une pression artErielle ~ 140/ 80 mmHg et une ventilation normale. Les gaz du sang en ventilation spontanEe sous 51-min -l d'oxyg6ne montrent un pH ~ 7,40, une Paco2 41,5 mmHg et une Pao2 fi 140 mmHg. La patiente est transfErEe dans un service de neurochirurgie. Le scanner cEr6bral met en Evi- dence une tumeur occupant l'espace frontal polaire droit avec un oed6me pErilEsionnel tr6s important, un effet de masse majeur et des signes d'engage- ment sous la faux du cerveau et d'engagement temporal. L'artEriographie carotidienne confirme la volumineuse masse frontale droite hypervascula- risEe par les branches corticales cErEbrales antE- ricures et par le syst6me mEningE moyen. Devant ces donn6es cliniques et radiologiques, le diagnos- tic de m6ningiome est 6voqu6. La patiente est intub6e, ventil6e et re~oit un traitement anticedd- mateux associant 1,5 g • kg 1 de mannitol et 0,5 mg. kg -l de dexam6thasone. Elle est op6r6e le jour m6me pour ex6r6se totale du m6ningiome. L'6tat neurologique reste alt6r6 en p6riode posto- p6ratoire et aucune am61ioration de la vigilance n'est observ6e. Au 3 e jour postop6ratoire, le scan- ner c6r6bral montre une extension des 16sions c6r6brales avec une hypodensit6 touchant tout le territoire c6r6bral post6rieur droit. I1 s'y associe un engagement sous la faux et une hypodensit6 frontale droite. Au 7 e jour, la patiente est totale- ment ar6active, en mydriase bilat6rale ar6active et les r6flexes corn6ens sont abolis. Deux 61ectroen- c6phalogrammes iso61ectriques confirment la mort c6r6brale. Cette observation permet d'illustrer deux 616- ments importants ; le premier est souvent n6glig6 car banal et le second souvent m6connu car heu- reusement rare. D'une part, l'examen pr6anesth6- siq.ue ne doit pas n6gliger les c6phal6es, quel que solt ieur contexte de survenue, surtout si elles s'accompagnent de malaises et de pertes de con- naissance ; d'autre part, le retard de r6veil posta- nesth6sique ou le coma apr6s un r6veil transitoire peut 6tre r6v61ateur d'une tumeur c6r6brale [1, 2]. Non seulement l'anesth6sie g6n6rale mais l'anes- th6sie p6ridurale et la rachianesth6sie peuvent 6tre r6v61atrices d'une affection neurologique m6con- nue. Bien entendu, ~ c6t6 des causes pr6exis- tantes, il en existe aussi des intercurrentes (h6mor- ragie, accident vasculaire c6r6bral, embolie c6r6- brale, thrombose du tronc basilaire en particulier). A. BOUTROS, J.P. LAPORTE Service d'Anesth6sie Centre Hospitalier Intercommunal 94000 Cr6teil BIBLIOGRAPHIE 1. FRASER ACL, GOAT VA. Unrecognised presentation of a meningioma. Anaesthesia, 38:128-131, 1983. 2. LAMER C, BELLEC C, RAGGUENEAU JJ, PAYEN D, ECHTER E . Coma postanesth6sique, diagnostic et traitement (pp 269- 292). In: Le r6veil de l'anesth6sie, JEPU, Arnette, Paris, 1989.

Décès postopératoire d'une malade atteinte d'un volumineux méningiome

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Page 1: Décès postopératoire d'une malade atteinte d'un volumineux méningiome

(~ Masson, Paris. Ann Fr Anesth Roanim, 11 • 475, 1992

LETTRES .,~ LA REDACTION

Dec6s postoperatoire d'une malade atteinte d'un volumineux meningiome

Madame M., 41 ans, est adress6e pour un carci- nome in situ du col ut6rin. Dans ses ant6c6dents, on note des c6phal6es intermittentes depuis une dizaine d'annEes, entra~nant la prise rEguli6re de 3

5 g de parac6tamol par jour. I1 faut noter aussi la presence de plusieurs malaises avec perte de connaissance durant quelques secondes et une cer- taine apathie au cours des trois derniers mois. Ces cEphalEes et malaises n 'ont alertE personne et ont EtE rapportEs aux probl6mes personnels et fami- liaux de la patiente.

Le carcinome du col utErin est traitE par conisa- tion sous anesthEsie gEnErale, en ventilation spon- tanEe, associant 2 mg de midazolam, 3 i x g - k g - t de fentanyl, 2,5 m g . kg -1 de propofol , suivis d 'une perfusion continue de ce dernier h raison de 7 r a g - k g -1 h -1 pendant 40 min. L'anesthEsie gEnErale dure une heure et la patiente se reveille 10 rain apr6s la fin de l'anesthEsie en salle de rEveil. La patiente se plaint de douleurs abdomi- nales et re~oit 2 g de proparacEtamol par voie i.v. qui calment partiellement les douleurs, suivis une heure plus tard de 10 mg de nalbuphine par voie sous-cutanEe. A la 4 e heure postopEratoire, s'installe un coma profond, cote 4 sur l '6chelle de Glasgow. La patiente est aussit6t mise sous oxy- g6ne, tandis que l 'administration de 0,4 mg de naloxone n'amEliore pas l'Etat de conscience. L 'examen neurologique note un myosis gauche, une mydriase droite arEactive, des r6flexes cor- n6ens presents, une paralysie faciale droite, des mouvements de dEcErEbration aux membres supd- rieurs et en flexion aux membres infErieurs, avec une motilitE ~ la stimulation plus faible h gauche. Le reste de l 'examen clinique reste sans particula- ritE, avec notamment une pression artErielle ~ 140/ 80 m m H g et une ventilation normale. Les gaz du sang en ventilation spontanEe sous 5 1 - m i n - l d 'oxyg6ne montrent un pH ~ 7,40, une Paco2 41,5 m m H g et une Pao2 fi 140 mmHg.

La patiente est transfErEe dans un service de neurochirurgie. Le scanner cEr6bral met en Evi- dence une tumeur occupant l 'espace frontal polaire droit avec un oed6me pErilEsionnel tr6s important , un effet de masse majeur et des signes d 'engage- ment sous la faux du cerveau et d 'engagement temporal. L'artEriographie carotidienne confirme la volumineuse masse frontale droite hypervascula- risEe par les branches corticales cErEbrales antE- ricures et par le syst6me mEningE moyen. Devant

ces donn6es cliniques et radiologiques, le diagnos- tic de m6ningiome est 6voqu6. La patiente est intub6e, ventil6e et re~oit un trai tement anticedd- mateux associant 1,5 g • kg 1 de mannitol et 0,5 m g . kg - l de dexam6thasone. Elle est op6r6e le jour m6me pour ex6r6se totale du m6ningiome. L'6tat neurologique reste alt6r6 en p6riode posto- p6ratoire et aucune am61ioration de la vigilance n'est observ6e. Au 3 e jour postop6ratoire, le scan- ner c6r6bral montre une extension des 16sions c6r6brales avec une hypodensit6 touchant tout le territoire c6r6bral post6rieur droit. I1 s 'y associe un engagement sous la faux et une hypodensit6 frontale droite. Au 7 e jour, la patiente est totale- ment ar6active, en mydriase bilat6rale ar6active et les r6flexes corn6ens sont abolis. Deux 61ectroen- c6phalogrammes iso61ectriques confirment la mort c6r6brale.

Cette observation permet d'illustrer deux 616- ments importants ; le premier est souvent n6glig6 car banal et le second souvent m6connu car heu- reusement rare. D 'une part , l ' examen pr6anesth6- siq.ue ne doit pas n6gliger les c6phal6es, quel que solt ieur contexte de survenue, surtout si elles s 'accompagnent de malaises et de pertes de con- naissance ; d 'autre part, le retard de r6veil posta- nesth6sique ou le coma apr6s un r6veil transitoire peut 6tre r6v61ateur d 'une tumeur c6r6brale [1, 2]. Non seulement l 'anesth6sie g6n6rale mais l 'anes- th6sie p6ridurale et la rachianesth6sie peuvent 6tre r6v61atrices d 'une affection neurologique m6con- nue. Bien entendu, ~ c6t6 des causes pr6exis- tantes, il en existe aussi des intercurrentes (h6mor- ragie, accident vasculaire c6r6bral, embolie c6r6- brale, thrombose du tronc basilaire en particulier).

A. BOUTROS, J.P. LAPORTE Service d'Anesth6sie

Centre Hospitalier Intercommunal 94000 Cr6teil

BIBLIOGRAPHIE

1. FRASER ACL, GOAT VA. Unrecognised presentation of a meningioma. Anaesthesia, 38:128-131, 1983.

2. LAMER C, BELLEC C, RAGGUENEAU J J, PAYEN D, ECHTER E . Coma postanesth6sique, diagnostic et traitement (pp 269- 292). In: Le r6veil de l'anesth6sie, JEPU, Arnette, Paris, 1989.