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UNIVERSITE RENNES 2 Master 2 « Sport Culture Education » Effets dun match de Cartaping sur l’activité délèves et de lutilisation du Cartaping lors dune leçon sur lactivité d’un enseignant Mémoire présenté par : Alisée Vivot Sous la direction de Jérôme Visioli Année universitaire 2010-2011

délèves et de l utilisation du Cartaping lors une leçon ... · master 2 « sport culture education » ... 2.1 la planification de la « leÇon cartaping ... chapitre 6 : apports

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UNIVERSITE RENNES 2

Master 2 « Sport Culture Education »

Effets d’un match de Cartaping sur l’activité

d’élèves et de l’utilisation du Cartaping lors

d’une leçon sur l’activité d’un enseignant

Mémoire présenté par :

Alisée Vivot

Sous la direction de Jérôme Visioli

Année universitaire 2010-2011

2

Remerciements

3

Remerciements

J’aimerais remercier les nombreuses personnes qui ont participé à ma recherche, qui lui ont

permis de prendre sens et de se concrétiser.

Aux participants de mon étude : collégiens, étudiants, enseignant, sans qui cette étude n’est

rien. Vous y avez donné du sens, merci.

Jérôme et Jean, j’aimerais vous dire combien vous m’avez apporté l’un et l’autre, et, l’un avec

l’autre. Jérôme parce que tu as été mon directeur de mémoire, tu as su me guider, m’éclairer, me

pousser, tu m’as suivi et tu as toujours trouvé les mots justes pour me faire avancer dans l’écriture.

Parce qu’il faut bien le reconnaître, ça n’a jamais été une tâche facile avec moi. Jean, parce que tu

as toujours su me conseiller lorsque j’en avais besoin. Un grand merci à vous deux, si l’université

gagne à vous avoir tous les deux, les étudiants encore plus.

Gilles, les jeudis au collège ont été ma bouffée d’oxygène, merci à toi de m’y avoir accueillie,

tes élèves ont été supers.

A toutes les personnes qui ont gravité autour de cette recherche : Jean-Paul, le personnel

éducatif du collège, le service audiovisuel de l’IUFM de Rennes, et beaucoup d’autres encore.

Une mention toute particulière à toi Justine, pour l’amie que tu es, et toute l’aide et le

soutien que tu as su m’apporter. Et aussi à vous : Framboise, Céline, Oriane, Manu, les « Sous-

doués », Flavien et j’en passe... J’ai rencontré des amis, des enseignants devenus collègues au fur et

à mesure de ma formation, avec qui discuter d’EPS, d’éducation ou de toutes autres choses est

devenu un réel plaisir. L’aboutissement de cette recherche marque pour moi la fin de mes études

Remerciements

4

universitaires et le début d’une grande aventure humaine dans l’enseignement de l’EPS, dont je

l’espère, vous ferez toujours partie.

A ma famille, aussi loin de vous que j’ai été, vous m’avez toujours apporté l’écoute et le

réconfort dont j’avais besoin.

5

Sommaire

REMERCIEMENTS 3

SOMMAIRE 5

CHAPITRE 1 : INTRODUCTION 7

1. L’ORIGINE DE MA RECHERCHE 7

1.1 UN INTERET POUR LES INNOVATIONS PEDAGOGIQUES 7

1.2 UN INTERET POUR LE POINT DE VUE DES ELEVES 9

1.3 UN PROJET LIANT LA THEORIE A LA PRATIQUE 10

2. LE CARTAPING 11

2.1. PRESENTATION GENERALE DU JEU 11

2.2. DEROULEMENT DU JEU 14

2.3. LE CARTAPING EN EPS 14

2.4. LES INTERETS EDUCATIFS DU CARTAPING 15

2.5. LE JEU DE CARTAPING EN QUESTION 17

CHAPITRE 2 : REVUE DE LITTERATURE 19

1. L’INFLUENCE DES « SITUATIONS-JEU »SUR L’ACTIVITE DES JOUEURS 19

1.1 LES ETUDES PORTANT SUR LES ASPECTS DECISIONNELS DE L’ACTIVITE DES JOUEURS 20

1.2 LES ETUDES PORTANT SUR LA NATURE ET LA STRUCTURE DES CONNAISSANCES STRATEGIQUES ET

TECHNIQUES DES JOUEURS 20

1.3 LES ETUDES PORTANT SUR LES CONNAISSANCES MOBILISEES EN SITUATION NATURELLE DE MATCH 21

2. LES RECHERCHES EN ACTION SITUEE SUR LES EFFETS DES « SITUATIONS-JEU » 22

3. OBJET D’ETUDE 29

CHAPITRE 3 : CADRAGE THEORIQUE 30

1. PRESENTATION DES PRESUPPOSES DE L’ACTION SITUEE 30

2. PRESENTATION DU COURS D’ACTION 33

2.1 LE COURS D’EXPERIENCE 34

2.2 LES CONTRAINTES ET LES EFFETS EXTRINSEQUES 34

3. CONSTRUIRE LE COURS D’ACTION 35

3.1 LE SIGNE HEXADIQUE 35

3.2. LES STRUCTURES SIGNIFICATIVES 37

6

4. L’ORGANISATION DU COURS D’ACTION 37

4.1. L’ORGANISATION LOCALE DU COURS D’ACTION 37

4.2. L’ORGANISATION GLOBALE DU COURS D’ACTION 38

CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE 42

1. HISTORIQUE DE L’EVOLUTION DE NOTRE RECHERCHE 42

2. METHODOLOGIE 43

2.1 ETUDE DE CAS N°1 : « LE CARTAPING ET LES COLLEGIENS » 43

2.2 ETUDE DE CAS N°2 : « LA « LEÇON CARTAPING » ET L’ENSEIGNANT » 52

CHAPITRE 5 : RESULTATS/DISCUSSION 64

1. ETUDE DE CAS N°1 : « LES COLLEGIENS ET LE CARTAPING » 64

1.1 CONTEXTUALISATION DU MATCH DE CARTAPING 64

1.2 PRESENTATION DES RESULTATS 66

1.3 DISCUSSION AU REGARD DES HYPOTHESES DE J-P MONNET 82

1.4 DISCUSSION AU REGARD DES TRAVAUX EN ACTION SITUEE 85

2. ETUDE DE CAS N°2 : « « LA LEÇON CARTAPING » ET L’ENSEIGNANT » 87

2.1 LA PLANIFICATION DE LA « LEÇON CARTAPING » 87

2.2 L’ACTIVITE DE JEAN DURANT LA « LEÇON CARTAPING » 89

2.3 DISCUSSION DE L’ETUDE DE CAS N°2 107

3. A PROPOS DE L’UTILISATION DU CARTAPING EN EPS 110

3.1 APPRENDRE EN JOUANT : VERS UNE RELATION DE PLAISIR A LA PRATIQUE 110

3.2 LE CARTAPING AU CŒUR D’UN DEBAT : DIDACTIQUE DE L’EPS / DIDACTIQUE DES APS 111

CHAPITRE 6 : APPORTS TRANSFORMATIFS/LIMITES ET PERSPECTIVES 113

1. APPORTS TRANSFORMATIFS 113

1.1 LES EFFETS FORMATIFS POUR LES ACTEURS PARTICIPANT À LA RECHERCHE 113

1.2 LES APPORTS POUR LE CONCEPTEUR DU JEU ET LES UTILISATEURS POTENTIELS 114

2. LIMITES ET PERSPECTIVES 114

2.1 LIMITES ET CHANGEMENTS POUR UNE PROCHAINE ETUDE 114

2.2 PERSPECTIVES NOUVELLES POUR UNE PROCHAINE ETUDE 116

BIBLIOGRAPHIE 117

7

Chapitre 1 : Introduction

Ce travail de master 2ème

année porte sur l’activité de deux élèves, et d’un enseignant

lors d’une forme de pratique particulière du tennis de table : le Cartaping. Dans ce premier

chapitre, nous allons tout d’abord expliciter l’origine de ce projet de recherche, à la croisée de

préoccupations personnelles et professionnelles. Puis dans un second temps, nous proposerons

une présentation détaillée du jeu de Cartaping afin de déboucher sur un premier faisceau

d’interrogations.

1. L’origine de ma recherche

1.1 Un intérêt pour les innovations pédagogiques

Ma passion des activités physiques et sportives m’a permis de vivre des expériences

mémorables dans de nombreux sports au cours de stages en club, de centres omnisport, de

colonies de vacances. Cette passion a joué un rôle essentiel dans mon cursus scolaire puis

universitaire. Ces expériences sont ainsi à l’origine de ma vocation professionnelle : être

enseignante d’EPS, et c’est l’un des déterminants qui explique mon choix d’objet d’étude sur

la situation d’enseignement / apprentissage en EPS.

Plus précisément, j’ai toujours porté un grand intérêt aux expériences pédagogiques

innovantes, originales, qui tentent de transformer le quotidien des élèves parfois lassant lors

de leçons dites « traditionnelles » d’EPS. Qui n’a jamais vécu une leçon d’endurance,

consistant à courir durant 20 minutes autour d’un terrain de football ? Qu’en est-il de la

lassitude de l’élève qui rencontre toujours plus fort que lui et ne gagne sur aucun tableau dans

8

les sports dits d’opposition ? La prégnance des sports dits « traditionnels » dans les

programmations d’APSA (Bessy, 1991) permet-elle de mobiliser réellement la nouvelle

génération d’élève ? L’ouvrage « Le plaisir des élèves en EPS : futilité ou nécessité ? »

(coordonné par G. Bui-Xuan, 2007) m’a beaucoup apporté dans cette réflexion sur l’utilité de

prendre en compte le plaisir ressenti des élèves pour organiser l’enseignement de l’EPS et

envisager cette discipline comme un moment privilégié pour permettre à l’élève de

développer une relation de plaisir à la pratique physique. En effet, on observe une diminution

des pratiques physiques de l’élève tout au long de sa scolarité : de la 6ème

à la Terminale

(Deslaurier, 2007). Or si les préoccupations de santé peuvent dans un premier temps motiver

l’implication des individus dans une pratique physique, leur persévérance sur le long terme est

liée aux sensations de plaisir et de bien être qu’ils pourront en tirer (Biddle et Goudas, 1994).

C’est pourquoi « la construction d’une relation de plaisir à la pratique des APSA, doit être

considérée comme l’acquisition fondamentale en EPS, conditionnant toutes les autres

acquisitions, leur réinvestissement, et en définitive leur utilité sociale » (Delignières et

Garsault, 2004, p.57). Delignières (2003), identifie quatre sources différentes de plaisir perçu

par un individu dans la pratique physique : un plaisir lié à l’effet de nouveauté, un plaisir

d’affiliation à un groupe/une équipe, un plaisir lié aux sensations engendrées par l’activité, et

enfin un plaisir lié au sentiment d’accomplissement. C’est ce dernier type de plaisir qui est le

plus enclin à fidéliser durablement à la pratique physique (Biddle et Goudas, 1999). Nous

comprenons alors qu’ « Il s’agit donc de faire passer l’élève du plaisir de s’éprouver ou de se

perdre, à la joie de progresser, d’apprendre, de se transformer » (Ubaldi et Philippon, 2003,

p.34).

L’utilisation d’innovations pédagogiques peut participer au développement chez l’élève

d’une relation de plaisir à la pratique, d’abord à court terme par un plaisir né de la nouveauté,

et on peut l’espérer à plus long terme par le développement d’un sentiment

9

d’accomplissement. À titre d’illustration, Lavie et Roussel (2008) proposent d’engager les

élèves en handball sur le duel gardien-tireur grâce à l’utilisation d’un gardien-tapis. Le

gardien utilise un « Stop-Shoot », sorte de tapis semi-transparent pour permettre la prise

d’information, qui le protège de l’impact de la balle. Cette innovation pédagogique permet

aux deux protagonistes du duel de s’engager sans peur. Mais pas uniquement, en permettant

au GB l’utilisation d’un tapis, l’enseignant augmente les possibilités de ce dernier ce qui

relève le niveau de difficulté pour le tireur, l’engageant ainsi dans un vrai défi. Cette

innovation doit permettre aux élèves d’éprouver du plaisir à réussir en tant que GB mais

également en tant que tireur d’autant plus que la tâche est présentée comme une épreuve.

Beaucoup d’autres innovations pédagogiques existent et son inventées et réinventées au

quotidien dans les classes et permettent également de développer un plaisir à pratiquer comme

l’Enduro (Hestin, 1995), la chenille (Ubaldi, 2006), le triple score (Ubaldi, 2005), le 6 par 4

(Leveau, 2005), etc.

Mon projet de recherche repose sur la volonté d’étudier une proposition innovante dans

l’activité tennis de table, le jeu de Cartaping, afin notamment de mettre en évidence les

incidences de cette pratique sur l’activité des élèves et de l’enseignant.

1.2 Un intérêt pour le point de vue des élèves

« Que se passe t-il dans la tête de mes élèves ? », que celui qui ne s’est jamais posé la

question me jette la première pierre. Certaines lectures, comme « Chagrin d’Ecole » (Pennac,

2007) ont aiguisé mon intérêt pour la prise en compte du point de vue des élèves, lors de

l’analyse de leur activité en classe. Cet auteur écrit : « Nos mauvais élèves (élèves réputés

sans devenir) ne viennent jamais seuls à l’école. C’est un oignon qui entre dans la classe :

quelques couches de chagrin, de peur, d’inquiétude, de rancœur, de colère, d’envies

10

inassouvies, de renoncement furieux, accumulées sur fond de passé honteux, de présent

menaçant, de futur condamné » (p.70). Ce petit extrait m’intéresse parce qu’il met en

évidence la nécessité de considérer toutes les « couches de l’oignon », c'est-à-dire d’une prise

en compte de l’histoire et de la singularité de l’élève, et plus globalement de son propre point

de vue. C’est la raison principale de mon choix de m’inscrire dans la perspective de l’action

située qui accorde un primat à l’intrinsèque lors de l’analyse de l’activité des élèves (et des

enseignants).

1.3 Un projet liant la théorie à la pratique

Si mes passions et mes lectures ont largement participé à nourrir ma curiosité pour

l’acte éducatif et ses nombreux mystères, mon parcours universitaire a été décisif quant au

choix de réaliser un master 2 « Education Sport, Culture » sur l’étude du jeu de Cartaping. Ce

sont notamment les rencontres que j’ai pu y faire qui ont été réellement déterminantes pour

cette recherche.

Mon intégration en septembre 2007 au département EPS (ancienne dénomination) de

l’Ecole Normale Supérieur de Cachan / Antenne de Bretagne, m’a permis de réaliser mes

ambitions professionnelles. J’ai pu en effet préparer le concours du CAPEPS, en partenariat

avec l’IUFM, puis à l’issue de ma 3ème

année d’ENS, le concours de l’agrégation externe

d’EPS. Ces années de préparation ont attisé ma curiosité et ont alimenté ma réflexion sur

l’école d’une part, et l’Education Physique et Sportive d’autre part. Au final, elles m’ont aussi

orienté vers le projet d’un Master 2 « Education Sport Culture » ciblé sur une problématique

d’enseignement et s’intéressant aux points de vue des élèves et de l’enseignant.

Quant à l’idée même de travailler sur le jeu du Cartaping, elle tient son origine des

premières journées de l’A3EPS en avril 2010 (Association des Elèves de l’ENS département

11

EPS). Ces journées ont pour objectif de réunir des enseignants d’EPS, enseignants-

chercheurs, élèves, anciens élèves, IPR, chercheurs, étudiants, etc. autour de tables rondes sur

des thèmes diversifiés (Sport et EPS, Handicap, EP dans le monde, etc.). A l’issue des 1ères

journées, nous avions lancé l’idée de renforcer le lien théorie-pratique dans les recherches sur

l’enseignement de l’EPS en créant ou en renforçant le partenariat entre anciens élèves

devenus enseignants d’EPS et élèves actuels de l’ENS. J’ai découvert le jeu du Cartaping au

fil des discussions, puisqu’il s’agit d’un jeu inventé par J-P Monnet lui-même élève de la

toute première promotion du département EPS en 2002, actuellement professeur agrégé

d’EPS.

2. Le Cartaping

Afin de mieux comprendre l’intérêt de notre recherche,

nous allons nous attacher à présenter de façon précise ce qu’est

le Cartaping (Monnet, 2009). Ce travail nous permettra de faire

émerger un premier niveau de questionnement susceptible

d’orienter notre projet.

2.1. Présentation générale du jeu

Le Cartaping est un outil pédagogique utilisé en Tennis de table, crée par J-P Monnet en

2009. Il se présente sous la forme d’un jeu, composé de « cartes pouvoirs » attribuées aux

deux joueurs de tennis de table lors d’un match. Du point de vue pédagogique, chaque « carte-

pouvoir » renvoie à une situation d’apprentissage précise permettant de développer un aspect

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particulier du jeu. Ce jeu permet d’introduire une infinité de variables allant de l’inversion des

scores à la contrainte de jouer collé à la table ou encore de servir à 3m de celle-ci, etc.

Lorsque J.P. Monnet crée ce jeu, il souhaite en faire un outil pédagogique avant tout

ludique dans le but de favoriser d’abord l’engagement des élèves dans une démarche

d’apprentissage. En effet, bien que le tennis de table offre de multiples possibilités pour

contraindre l’action des élèves sans trop décontextualiser l’activité, aux yeux de l’élève ces

situations peuvent être mal vécues. Or l’expérience négative peut amener l’élève à contourner

voir abandonner la tâche d’apprentissage au profit de son envie de jouer, « de faire des

matchs ». En créant ce jeu, il permet à l’élève de modifier par lui-même les composantes du

jeu avec l’idée que cette activité lui soi bénéfique et puisse l’aider à mesurer les effets de ces

modifications sur le déroulement du jeu.

Le Cartaping est commercialisé sous la forme d’un « Kit » et présenté dans un

baluchon. Il se compose de 2 jeux de 39 cartes (niveau 1 et niveau 2). Dans le baluchon on

trouve l’ensemble des accessoires nécessaires : 4 balles de dimension, forme et matière

différentes, 2 jetons, 1 dé rond, 1 cache-œil, 4 ficelles de couleur, 2 cibles (une grande et une

petite), 1 zone interdite et 1 boule de Patafix pour coller les cartes sur le rebord de la table.

L’un des intérêts de ce jeu réside dans le fait que certaines règles sont susceptibles

d’être modifiées selon le niveau des joueurs. Chaque carte est renseignée par : « Quoi ? » pour

l’effet de la carte, « Qui ? » à qui elle s’adresse, « Quand ? » pendant combien de temps

l’effet dure. Ce sont ces trois caractéristiques qui peuvent être modifiées facilement afin de

permettre une meilleure adaptation aux problèmes rencontrés par les joueurs. Le tableau ci-

dessous (Tableau n°1) illustre les quatre familles de cartes existantes.

13

Tableau n°1 : Illustration des 4 familles de cartes

Cartes Familles

Elles imposent une contrainte particulière à l’adversaire.

Ex : « Service à distance » Le serveur doit servir derrière une

ficelle située à 2 m de sa demi-table.

Elles modifient le jeu pour les deux joueurs.

Ex : « Balle en mousse » On joue avec la balle en mousse.

Elles augmentent les possibilités du possesseur de la carte

Ex : « A la rue » Les points non touchés par l’adversaire

comptent triple.

Elles n’influencent pas directement le jeu mais modifient

d’autres paramètres (score, pioche des cartes, etc.)

Ex : « Espionnage » Possibilité de regarder les cartes de

l’adversaire.

14

2.2. Déroulement du jeu

Une partie de Cartaping se joue en deux sets

gagnants de 11 points, avec changement de serveur

tous les 2 services. Au début du match, chaque joueur

pioche 5 cartes au sort, puis les colle sur le rebord de

sa demi-table. Entre chaque point chaque joueur peut

poser une carte dans « la zone de carte ». Cette « zone

de carte » se situe près du filet sur le côté de la table. Il ne peut pas y avoir plus de 3 cartes

actives sur la table. Lorsque l’effet de la carte est terminé, le joueur la retourne face cachée ou

la donne à l’arbitre. Entre chaque set, le perdant reprend deux cartes dans la pioche alors que

le gagnant n’en reprend qu’une seule.

2.3. Le Cartaping en EPS

Le Cartaping peut servir de support à l’enseignement de l’EPS durant un cycle de

Tennis de table. À cet égard, dans son article J-P Monnet propose une illustration de

l’utilisation du Cartaping sur un premier cycle avec des élèves de 6ème

– 5ème

, et sur un second

cycle avec des élèves de 4ème

– 3ème

. Il propose de fonctionner sur chaque leçon d’EPS de la

façon suivante : le cœur de la leçon sur des situations d’apprentissage à partir de cartes

sélectionnées au regard de l’objectif principal du cycle, puis en fin de leçon réintégrer les

cartes au cours d’un match façon Cartaping. Plus le cycle avance et plus le nombre de cartes

réintégrées à la phase de match sera grand. L’intérêt de la réintégration des cartes sur une

phase de match est de permettre aux élèves de faire varier les paramètres en fonction des

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cartes qu’il possède et de s’inscrire alors dans un projet de jeu à court terme. Le tableau ci-

après (Tableau n°2) présente l’illustration donnée par J-P Monnet dans son article.

Tableau n°2 : Présentation d’un exemple de leçon Cartaping 6ème

– 5ème

1er

cycle de Cartaping avec une classe de 6ème

– 5ème

Objectif principal du cycle :

Développer une organisation corporelle adaptée afin d’améliorer la maîtrise du contact

balle/raquette, de produire des trajectoires variées et de remporter le gain du match.

Compétence attendue des programmes N1 :

« En simple, rechercher le gain loyal d’une rencontre en assurant la continuité de l’échange,

en coup droit ou en revers et en profitant d’une situation favorable pour rompre par une balle

placer latéralement ou accélérée »

Situation n°1 Situation n°2 Situation n°3

1ère

partie de la

leçon : exemple non

exhaustif de

situations

Carte violette

« Jonglage »

Quoi ? Renvoyer en

servant après trois

rebonds sur sa

raquette.

Carte violette

« Balle qui colle »

Quoi ? Contrôler la

balle sur sa raquette

avant de la renvoyer

en servant.

Carte violette

« Double touche »

Quoi ? Faire rebondir

la balle une fois sur

sa raquette avant de

renvoyer

2ème

partie de la

leçon : phase de

matchs Cartaping

Intégration des cartes travaillées + ajout des cartes oranges

Exemple de carte orange => « Multi-ping » Quoi ? Le prochain point

compte double.

2.4. Les intérêts éducatifs du Cartaping

J-P. Monnet évoque trois intérêts éducatifs à l’utilisation du Cartaping en EPS : 1)

Favoriser l’engagement des joueurs, 2) Développer des capacités motrices, 3) Favoriser

l’acquisition de compétences plus générales. Nous allons détailler ci-dessous plus précisément

ces trois intérêts.

1) Favoriser l’engagement

16

Il explique qu’en s’appuyant sur de nombreuses variables (balles de formes différentes,

hauteur du filet, longueur de la table, coups interdits, coups et cibles valorisées, scorage

particulier, etc.) cela permet à l’enseignant d’apporter une dimension ludique à l’activité

tennis de table. De plus, l’utilisation de noms de carte évocateurs et d’illustrations

humoristiques renforce cette dimension.

2) Développer des capacités motrices

Les cartes viennent contraindre les actions des élèves de façon à susciter leur adaptation

motrice et permettent ainsi d’améliorer différents pans de leur jeu. Certaines cartes permettent

donc de travailler les aspects techniques du jeu (amélioration du contact balle-raquette,

placement par rapport à la balle, production de trajectoires variées, etc.), alors que d’autres

cartes permettent de travailler les aspects tactiques du jeu (prise en compte du placement de

l’adversaire, du rapport de force et son évolution, etc.). De plus, J-P. Monnet explique que le

Cartaping vient renforcer la dimension tactique du jeu en ce sens qu’il implique de nouvelles

questions à résoudre pour l’élève à savoir : « quand jouer mes cartes ? Comment gérer mes

cartes tout au long du match ? Est-ce que toutes mes cartes constituent un avantage pour

moi ? ».

3) Favoriser l’acquisition de compétences plus générales

J-P Monnet fait référence à deux catégories de compétences générales susceptible d’être

particulièrement développer lors de ce jeu à savoir : 1) La relation à la règle et aux consignes,

2) La relation aux autres. En effet, « la lecture attentive des cartes pour en comprendre les

effets, leur durée et leur destinataire, demande concentration, rigueur et application,

17

notamment au début de l’utilisation du jeu » (Monnet, 2009, p2-3). De ce fait, le Cartaping

devient un outil de familiarisation avec les consignes écrites et permet de travailler de façon

implicite pour l’élève la maîtrise de la langue française lors de la reformulation à voix haute à

son adversaire. Mais bien au-delà de cette idée de confrontation à la règle, en jouant au

Cartaping les élèves vont être amenés à jouer avec la règle à en comprendre le sens et à en

négocier certains aspects. Concernant le rapport à l’autre, la dynamique de ce jeu va amener

les élèves à s’expliquer les cartes à haute voix, à échanger sur des désaccords possibles et

même à rire ensemble ou partager en fin de match sa stratégie de jeu.

2.5. Le Jeu de Cartaping en question

Les objectifs évoqués par J-P Monnet ont été pensés au regard de son expérience en tant

qu’enseignant d’EPS et qu’entraîneur. Le point de vue proposé est donc celui d’un

professionnel, sur la base d’intuitions extrinsèque à l’élève. L’intérêt de notre étude est donc

de pouvoir apporter un éclairage scientifique de sorte à vérifier ces hypothèses. Nous nous

posons alors les questions suivantes : le Cartaping a-t-il un effet sur l’engagement des élèves ?

Le Cartaping sollicite-il une activité stratégique chez l’élève ? Place-t-il l’élève dans un

contexte favorable à la mobilisation et à la construction de connaissances ? Provoque-t-il une

relation particulière à la règle et aux autres ? Si oui, de quelle(s) nature(s) sont les effets de ce

jeu sur l’activité des élèves ?

Aussi, il nous semble que la proposition d’un tel outil pédagogique en milieu scolaire

doit s’accompagner d’une réflexion en amont, sur le rôle de l’enseignant dans

l’accompagnement de ce jeu. Puisque l’enseignant inscrit son cours d’EPS à la croisée de

multiples exigences éducatives, quelle répercussion peut avoir l’introduction d’un outil

comme le Cartaping, sur son activité de planification et d’intervention ? La richesse

18

pédagogique que présente l’ensemble des cartes peut-elle être considérer comme une aide à

l’enseignement ? Si oui, à quelles conditions ?

Depuis la finalisation du jeu du Cartaping en 2009, et son exploitation dans divers

milieux (clubs sportifs, Association Sportive (AS) des établissements scolaires, en EPS, dans

la sphère familiale), J-P. Monnet dispose de multiples retours d’enseignants ayant utilisé son

jeu, mais il nous semble qu’une recherche sur cette proposition novatrice, notamment dans

une perspective située qui permet d’accéder au point de vue des différents acteurs (élèves et

enseignant), peut être particulièrement intéressante afin d’optimiser son utilisation au sein du

cours d’EPS.

19

Chapitre 2 : Revue de littérature

Ce chapitre se déroulera en trois temps. Tout d’abord, nous dresserons un état des lieux

des recherches portant sur l’influence des « situations-jeu » sur l’activité des joueurs en sport

de raquette. Dans un second temps, nous focaliserons notre réflexion sur les deux études les

plus proches de notre travail de recherche, dans le but d’affiner notre questionnement. Sur la

base de cette revue de littérature, nous expliciterons notre objet d’étude ainsi que nos

questions de recherche.

1. L’influence des « situations-jeu »sur l’activité des

joueurs

L’originalité du Cartaping est de confronter des joueurs à une multitude de matchs à

thème : en jouant sur la modification du cadre règlementaire (notamment le rapport au

matériel utilisé, au système de points, à l’espace, aux autres joueurs…), l’intervenant souhaite

induire un processus d’adaptation de la part du pratiquant. Metzler évoque également la place

importante que tiennent ces situations, qu’il nomme pour sa part « situations-jeu »,

principalement dans les processus de construction de connaissances en EPS (Metzler, 2002).

Pourtant, comme le soulignent Guérin, Testevuide et Roncin (2005), malgré la forte

représentation dans la littérature technique et professionnelle, de l’influence des « situations-

jeu » sur l’activité des joueurs (Bodin, 2000 ; Sève, 2002, Gomet, 2003) , peu de recherches

se sont intéressées précisément à l’effet de leurs aménagements sur l’activité décisionnelle des

joueurs, alors que celles-ci représente une grande part des situations proposées en EPS (Alain,

1988 ; Louis, 1993, 1996 ; Sève, 1995 ; Leveau, 2005).

20

L’ensemble de ces recherches peuvent être regroupées en trois grandes catégories : 1)

les études portant sur les aspect décisionnels de l’activité des joueurs, 2) les études portant sur

la nature et structure des connaissances stratégiques et techniques des joueurs, 3) les études

portant sur les connaissances mobilisées en situation naturelle de match.

1.1 Les études portant sur les aspects décisionnels de l’activité des

joueurs

Certaines études se sont intéressées aux stratégies décisionnelles des joueurs (Alain et

Proteau, 1978 ; Alain et Sarrazin, 1985, 1990 ; Alain, Sarrazin et Lacombe, 1986) et ont pu

mettre en évidence les relations existantes entre l’activité anticipatoire d’un état de

préparation neutre, total ou partiel et les probabilités d’occurrence d’un coup chez l’adversaire

accordées par un joueur ainsi que la perception subjective de la pression temporelle. L’intérêt

de ces études repose sur la mise en évidence d’alternatives décisionnelles fondamentales en

sports de raquette. Cependant, lors du protocole expérimental, ces études ont réduit les

situations de match à une succession de tâches expérimentales de « temps de réaction de

choix », qui selon nous ne permettre pas d’appréhender la réelle complexité de cette situation.

1.2 Les études portant sur la nature et la structure des connaissances

stratégiques et techniques des joueurs

D’autres études se sont intéressées à la nature et à la structure des connaissances chez

les sportifs novices et experts en tennis (Mc Pherson, 1999, 2000 ; Mc Pherson et Thomas,

1989). Ces études ont révélé une plus grande base de connaissance et une plus grande mise en

relation des différentes catégories de connaissances chez les experts par rapport aux novices.

French et al. (1996) en badminton, pour évaluer les connaissances des joueurs, ont utilisé la

21

technique du « point interview » consistant à arrêter les joueurs entre chaque point pour les

faire verbaliser sur le point joué ainsi que sur le suivant.

Bien que ces deux premières catégories de recherches apportent une meilleure

connaissance du fonctionnement décisionnel des joueurs, ces recherches ne permettent pas de

prendre en compte toute la complexité d’une situation de match, puisqu’elles considèrent les

situations de matchs étudiées comme une succession de tâche de « temps de réaction de

choix », éludant ainsi le rôle particuliers de certaines contraintes spécifique comme

l’engagement des joueurs dans « l’historicité du match » (Sève, 2000), l’influence du contexte

environnant, l’histoire personnelle de chacun des joueurs. Ceci étant dû à une centration de

l’étude des prises de décisions des joueurs sur la base d’indices prélevés uniquement chez

l’adversaire ou à l’étude de la construction des connaissances après chaque point de match

joué et non au cours du match en lui-même.

1.3 Les études portant sur les connaissances mobilisées en situation

naturelle de match

Une troisième catégorie de recherche a étudié les connaissances mobilisées en cours de

situation de match, dans une perspective de cognition située (Sève, Saury, Theureau et

Durand, 2002). Ces auteurs s’intéressent à l’activité de pongistes experts lors de matchs

internationaux. Ils ont montré que ceux-ci manifestaient une grande activité exploratoire des

conditions favorables au gain des points et du match et qu’ils construisaient et remaniaient

continuellement leurs connaissances relatives à la situation de compétition. Sève et al. (2002)

ont également mis en évidence une différence d’activité entre la situation d’entraînement et la

situation de match vis-à-vis de ces processus de mobilisation-construction de connaissances,

allant dans le sens des résultats de l’analyse des matchs internationaux. L’apprentissage au

cours des compétitions consiste essentiellement en la validation et la construction de

22

connaissances relatives aux particularités de l’adversaire et à la situation d’interaction

présente. Lors du match, les joueurs construisent en permanence leur situation en fonction de

leurs préoccupations dominantes à un instant t, de ses attentes et des connaissances

mobilisées.

Nous faisons donc le choix de nous inscrire dans ce courant de recherche, de façon à

appréhender toutes les dimensions de la situation vécue de Cartaping par les élèves, et de la

« leçon Cartaping », par l’enseignant. Le travail de thèse de V. Simon-Quentin (Soutenu en

2011, sous la direction de J. Trohel) sur l’activité de jeunes joueurs en situation de retour de

service, débouche sur une proposition d’adaptation du jeu du Cartaping pour l’entrainement

des joueurs. Notre travail de recherche permettrait d’enrichir cette réflexion sur la formation

du joueur en sport de raquette.

2. Les recherches en action située sur les effets des

« situations-jeu »

Nous avons constaté que l’influence de ces « situations-jeu » sur l’amélioration de la

prise de décision dans les sports de raquette fait très peu l’objet de recherche. Aussi, notons

que très peu d’étude jusqu’alors se sont intéressées aux effets de ces « situations-jeu » sur la

situation d’enseignement en EPS, que ce soit d’ailleurs des effets sur l’activité des élèves ou

de celle de l’enseignant. Afin de préciser notre positionnement, nous nous proposerons

d’aborder plus en détails deux études s’ancrant sur le courant de l’action située, et portant sur

l’analyse de l’activité d’élèves en « situation de jeu ». Ces deux études représentent donc un

point d’ancrage pour notre recherche.

23

1ère

étude : Guérin J., Testevuide S. et Roncin C. (2005). « Les effets des aménagements

des « situations-jeu » en Tennis de table sur l’activité d’un élève en cours d’éducation

physique », STAPS, 69, 105-118.

Description de l’étude :

Le but de cette étude était de décrire et de caractériser les effets de l’aménagement de

« situations-jeu » sur l’activité d’un élève de collège, en Tennis de table. Les « situations-

jeu » dans lesquelles l’activité de l’élève a été analysée étaient des situations avec

aménagement du système de marque, et des possibilités d’intervention sur la balle. L’activité

de l’élève a été étudiée durant 6 leçons de deux heures. Les résultats obtenus ont été analysés

selon la méthodologie du cours d’action. Les « situations-jeu » analysées se déroulaient dans

la seconde partie du cours d’EPS après une première partie consacrée à l’acquisition ou au

perfectionnement des savoir-faire techniques. Dans la situation n°1, l’élève devait « marquer

des points directs » pour gagner. Tout point touché par l’adversaire n’était pas comptabilisé.

L’objectif visé pour cette situation était de développer la capacité de l’élève à créer des

conditions favorables pour rompre l’échange. Dans la situation n°2, l’élève devait « lifter les

balles » pour marquer (les points marqués sans lifter ne comptaient pas). Ces deux situations

se sont déroulées sous forme de montante-descendante.

Principaux résultats :

a) L’activité de l’élève au regard de la situation-jeu

Pour la situation n°1, l’activité de l’élève s’organisait autour de deux structures

archétypes : n°1 « Explorer le jeu de l’adversaire », n°2 « Reproduire un schéma de jeu ». Les

24

séquences qui ont été repérées sont : « vérifier l’efficacité de schémas de jeu » et « rechercher

une parade aux coups adverses ».

Pour la situation n°2 l’activité de l’élève s’organisait autour d’une structure archétype :

« Exécuter un coup préférentiel ». Les séquences qui ont été identifiées sont : « Reproduire un

CD lifté en variant le placement latéral » et « Pivoter pour éviter de jouer RV ».

b) L’activité de l’élève au regard du rapport de force

Lorsque le rapport de force était favorable à l’élève, la structure archétype de son

activité était « intégrer la consigne ». Par exemple, lors d’un rapport de force favorable (écart

de score jugé suffisant pour l’élève), ce dernier acceptait de modifier sa stratégie de jeu en

mobilisant des savoir-faire ou des schémas de jeu appris en cours.

Lorsque le rapport de force était défavorable pour lui, la structure archétype de son

activité était « transgresser la consigne ». Par exemple, l’élève a été amené dans la situation

n°2 « lifter les balles » à tester l’effet coupé sur son adversaire. En testant il a validé les deux

connaissances suivantes : « je peux faire un effet coupé sans que mon adversaire s’en

aperçoive » et « mon adversaire a du mal à renvoyer mon revers coupé ». Ce faisant, étant

mené au score il a transgressé plusieurs fois la consigne.

Intérêt pour notre étude :

Cette étude met en évidence une activité exploratoire chez l’élève lorsque

l’aménagement de la « situation-jeu » jouait sur le décompte des points (cf. « marquer des

points directs »). Ce mode d’engagement particulier s’apparente à celui des pongistes experts

comme l’ont montré les travaux de Sève (2003). Au regard des hypothèses énoncées par J-P

25

Monnet sur les effets du Cartaping, nous sommes amenés à nous intéresser à cette activité

d’exploration, qu’il souhaite valoriser. Les élèves en Cartaping développent t’ils une activité

exploratoire ?

Cette étude met également en évidence l’apparition de dilemmes pour l’élève face aux

exigences de la tâche et à ses propres préoccupations (à savoir pour l’élève en question : la

certification liée à sa place dans la montée-descente). Ces dilemmes l’ont amené à

transgresser la règle au profit de sa préoccupation première. Les auteurs révèlent donc la

précarité de l’équilibre de l’accord entre l’élève et l’enseignant instauré en début de cours lors

de l’annonce des règles. Ils notent ainsi que l’équilibre est maintenu uniquement lorsque le

rapport de force à été jugé favorable pour et par l’élève. Lors d’un match de Cartaping, l’élève

réagit-il de la même manière en fonction de l’évolution du rapport de force ?

2ème

étude : Rossard C., Testevuide S. et Saury J. (2005). « Évolution de la perception et

de l’exploitation du rapport de force chez des joueurs de badminton dans une tâche de

perfectionnement tactique », STAPS, 68, 95-110.

Présentation de l’étude :

Le but de cette étude était de caractériser la perception et l’exploitation du rapport de

force chez des joueurs en badminton engagés dans la « situation du banco » (Leveau, Louis et

Sève, 1999). Trois étudiants de DEUG STAPS ont participé à l’étude. Le jeu du banco a été

conçu pour favoriser le passage d’un jeu en continuité à un jeu en création de rupture. Dans la

situation du banco, tout point marqué annoncé préalablement par le mot « banco » compte

triple. En revanche, tout point préalablement annoncé « banco » et perdu vaut un retrait d’un

point. Enfin, tout point marqué sans annonce vaut un point. Pour Leveau et al. (1999), la

26

consigne du « banco » permettrait de focaliser l’attention du pratiquant sur la lecture du

rapport de force et permettrait le développement d’intentions tactiques visant à créer, exploiter

ou gérer ce rapport de force. Trois matchs ont été analysés selon la méthodologie du cours

d’action.

Principaux résultats :

Les principaux résultats décrivent et caractérisent (1) La perception du rapport de force

et son évolution au cours du match par les joueurs (2) Les modalités typiques de constructions

de la rupture de l’échange exploitée par les joueurs.

1) La perception du rapport de force et son évolution au cours du match

Les auteurs ont observés trois traits caractéristiques de la perception du rapport de force

à savoir : a) une évolution caractéristique de la configuration de jeu jugée favorable pour le

gain du point, b) la persistance des configurations associées à l’annonce des bancos validés et

c) l’impact des annonces des bancos par l’adversaire sur l’identification de configuration

défavorable de jeu.

a) Une évolution de la configuration de jeu jugée favorable

En effet, au début l’annonce du banco était systématiquement associée à une seule

configuration : « volant haut, au milieu du terrain, permettant le smash en coup droit ». Puis

au fur et à mesure du jeu, la configuration intégrait les déplacements en profondeur du

joueur par rapport au volant. Cette évolution traduit un enrichissement au cours du jeu des

27

éléments significatifs (Représentamen). Au début les Représentamens sont uniquement

visuels, puis proprioceptifs.

b) La persistance des configurations associées aux bancos validés

Il a été mis en évidence que la validation par la rupture effective de l’échange sur des

configurations de jeu en début de match avait pour effet d’ériger cette configuration comme

la configuration préférentielle pour rompre l’échange et limitait de fait la recherche d’autres

configurations favorable. Aussi, il a été montré que l’invalidation de cette configuration

préférentielle dans le cours du match (banco non validé) n’avait pas eu pour effet de relancer

la recherche de nouvelles configurations favorables.

c) L’impact des bancos sur l’identification de configuration défavorables

L’annonce du banco par l’adversaire a eu des répercussions également sur

l’identification par le joueur de configuration de jeu au rapport de force défavorable. En effet,

la récurrence des annonces de l’adversaire s’est accompagnée au fur et à mesure du jeu de la

préoccupation d’éviter la configuration de jeu correspondante à l’annonce. A contrario, ce

phénomène ne s’observe pas toujours pour des configurations non annoncées où l’adversaire

va pourtant marquer le point.

2) Les modalités typiques de construction de la rupture de l’échange

Deux évolutions caractéristiques ont été relevé par les chercheurs : a) d’une logique

« opportuniste » à une logique « provocatrice », b) du smash à l’amorti.

a) De « l’opportuniste » au « provocateur »

28

Pour les trois étudiants, les auteurs ont observé une évolution dans la construction de la

rupture de l’échange. La première modalité de construction de la rupture de l’échange était du

type « opportuniste ». C'est-à-dire que le joueur exploitait l’opportunité donnée par

l’adversaire. Puis, chacun des joueurs a évolué vers une logique « provocatrice ». C'est-à-dire

que les joueurs se sont engagés dans une activité visant à contraindre l’adversaire à produire

cette configuration favorable de smash.

b) Du smash à l’amorti

Les auteurs ont pu mettre en évidence une évolution dans l’exploitation du type de coup

pour rompre l’échange efficacement. Au début, le smash fut le seul coup associé à l’annonce

du banco malgré plusieurs points marqués sur amorti. Seule une configuration favorable de

rupture de l’échange par le smash était recherchée par les joueurs. Puis progressivement la

configuration favorable de rupture de l’échange par l’amorti va être recherchée par un joueur

plus particulièrement.

Intérêts pour notre étude :

À l’issue de cette recherche, les auteurs ont mis en évidence le caractère significatif

dans l’activité des joueurs de l’annonce des points « bancos », et ce à différents niveaux : leur

engagement dans la situation, leurs préoccupations et leur activité de construction de

connaissances. Le Cartaping en regroupant divers matchs à thème, va-t-il également engager

les joueurs dans cette activité de « typification » permettant ainsi aux joueurs de construire et

valider rapidement des connaissances dans le cours du match ?

29

3. Objet d’étude

Nous souhaitons grâce à notre étude analyser l’effet du Cartaping sur l’activité d’élèves

et d’un enseignant. Dans cette perspective, notre projet repose sur l’analyse de deux études de

cas : (1) L’activité de deux collégiens durant un set de Cartaping ; (2) L’activité d’un

enseignant pour planifier et mettre en place une leçon de tennis de table à partir du Cartaping.

Notre proposition vise à focaliser l’analyse d’une part sur la nature et la dynamique des

préoccupations et émotions qu’entretiennent les acteurs, et d’autre part aux processus

éventuels de construction, validation ou invalidation de connaissances au cours du jeu et de la

leçon.

Ce faisant, nous souhaitons que cette recherche puisse à la fois permettre un apport

épistémique relatif à la validation de certaines connaissances déjà mises en évidence dans

d’autres études et à l’établissement de connaissances plus originales (contre intuitives peut

être) sur l’activité des élèves et de l’enseignant en Cartaping. Il nous apparaît également

essentiel de placer cette étude comme un outil d’aide à la compréhension pour l’élève de ses

actions en lui permettant un retour finalisé sur sa pratique. Enfin, nous souhaitons pouvoir

apporter des éléments d’aide à la mise en place et à l’utilisation du Cartaping en milieu

scolaire.

30

Chapitre 3 : Cadrage théorique

Lors de ce chapitre, nous allons présenter le cadre théorique dans lequel nous nous

inscrivons : le cadre sémiologique du cours d’action (Theureau, 1992, 2000, 2004 ; Theureau

et Jeffroy, 1994). Ce cadre contribue à une anthropologie cognitive située en étudiant

l’activité cognitive, vécue, incarnée, située, dynamique (Theureau, 2004). Cette perspective

théorique se propose de rendre compte de l’activité humaine en ce qu’elle a de significatif

pour l’acteur c'est-à-dire ce qui est « montrable, racontable et commentable par lui à tout

instant, moyennant des conditions favorables » (Theureau, 2004, p. 48).

En nous positionnant dans cette approche, nous allons pouvoir accéder à la signification

singulière des élèves et de l’enseignant, et donc aux effets de cette situation originale sur leurs

activités.

1. Présentation des présupposés de l’action située

Le cadre d’analyse du cours d’action se fonde sur cinq présupposés fondamentaux

(Theureau, 2006) que nous présenterons lors des cinq points suivants : (1) Le couplage

« activité-situation » ; (2) Une activité située dynamiquement ; (3) Le caractère incarnée de la

cognition ; (4) L’activité comme une construction de signification ; (5) L’activité comme à la

fois singulière et typique.

Le couplage « activité-situation »

Le premier présupposé est que l’activité adaptative de tout être humain s’inscrit dans un

couplage « activité – situation » au sein duquel l’activité et la situation se définissent l’une et

31

l’autre (Varela, 1989). On parle alors d’un système « auto-organisé » en ce sens qu’il

autodétermine son état d’instant en instant, considérant simultanément l’environnement et sa

propre dynamique. Dans cette approche, la « situation », est la construction signifiante

qu’opère l’acteur dans et à partir d’un contexte donné du fait de ses intentions et intérêts

pratiques (Suchman, 1987 ; Theureau, 2004). L’activité consiste alors en des interactions

asymétriques entre l’acteur et « sa situation », puisque ce dernier interagit non pas avec

l’ensemble de l’environnement, mais avec ce qui lui est significatif. Il nous faut donc

comprendre que le monde ne s’offre pas à nous de façon déterminée comme une contrainte

purement externe, mais que lorsque nous agissons, nous donnons sens de façon singulière à

l’environnement qui nous entoure en rendant pertinents certains éléments sur et avec lesquels

nous interagissons. De ce fait, les perturbations quelconques de l’activité d’un système ne

peuvent être questionnées qu’à partir d’un point de vue intrinsèque, de sorte à rendre compte

du caractère asymétrique du couplage « action-situation ».

En accord avec ce présupposé, l’effet du Cartaping sur l’activité d’un élève ou d’un

enseignant est donc à envisager comme le résultat d’une dynamique intrinsèque, autonome et

imprévisible du fait du couplage structurel qu’entretiennent ces acteurs avec la situation en

Cartaping.

Une activité située dynamiquement

Le deuxième présupposé est que l’activité est située dynamiquement. D’une part,

l’acteur n’exécute pas un plan ou un programme d’instructions : il est toujours en train

d’interpréter et de réinterpréter la situation. Son action se déploie en relation avec l’historique

des interprétations réalisées, les ressources présentes dans la situation et les conséquences des

actions antérieurement effectuées. D’autre part, l’activité est indissociable de la situation dans

laquelle elle prend forme. En effet, le couplage structurel entre l’acteur et sa situation se

32

transforme en permanence au cours de l’activité, puisqu’il émerge d’un effort d’adaptation à

un contexte dont les éléments significatifs pour l’acteur constituent des ressources qu’il utilise

pour agir (Hutchins, 1995 ; Lave, 1988 ; Norman, 1993).

Dès lors, rendre compte des effets du Cartaping sur l’activité des acteurs, suppose

d’appréhender la dynamique de ce couplage structurel entre les acteurs et leurs situations.

Le caractère incarné de la cognition

Le troisième présupposé repose sur la définition du caractère incarné de la cognition.

Ainsi, les émotions, intentions, perceptions, attentes, actions, interprétations et connaissances,

sont toutes des composantes de la globalité insécable de l’activité (Theureau, 2004). Nous

comprenons alors que les processus sensoriels, moteurs, cognitifs et affectifs forment un tout

indissociable dans la mesure où ils ne sont pas associés dans les individus par simple

contingence : ils évoluent ensemble.

L’effet du Cartaping est donc à envisager au regard de l’ensemble de ces composantes,

de façon à en relater toute sa complexité.

L’activité comme une construction de signification

Le quatrième présupposé repose sur l’idée selon laquelle, l’activité donne lieu à une

expérience pour l’acteur et donc à la construction de phénomènes significatifs locaux

concaténés dans le déroulement de l’activité. Elle renvoie au concept de conscience

préréflexive (Theureau, 1992, 2004, 2006) exprimant la capacité d’un acteur à rendre compte

de ce qu’il vit. Cette notion d’expérience correspond à ce que l’on désigne habituellement par

conscience. Mais elle est précisée avec le concept de « conscience réflexive » qui caractérise

une modalité particulière de vécu constitutive de l’activité : « il ne s’agit que d’un accès

partiel puisqu’il n’ouvre que sur la part de l’activité qui est montrable, mimable, racontable

33

et commentable par cet acteur à un observateur engagé avec lui dans une enquête sur son

activité » (Durand, 2008, p.5). Il est postulé que, moyennant certaines conditions favorables,

l’expression par l’acteur de cette expérience permet à l’observateur un accès à la dynamique

interne et à la signification pour lui de son couplage structurel.

L’activité comme à la fois singulière et typique

Le cinquième présupposé réside dans le fait que l’activité exprime à la fois une

singularité et une appartenance à une communauté (Lave et Wenger, 1991). L’action et la

cognition sont conçues comme fondamentalement socialement et culturellement situées.

Chaque activité est à la fois singulière dans la mesure où elle ne se reproduit jamais à

l’identique, mais présente toujours des traits communs, des traits de typicalité avec d’autres

activités (Barbier et Galatanu, 1998 ; Rosch, 1978). Tout comportement en dépit de son

irréductible singularité comporte une part de typicalité.

Ainsi, envisager l’effet du Cartaping sur l’activité d’élèves, étudiants et d’un

enseignant, c’est à la fois l’envisager sous un angle singulier, mais également typique.

A l’issue de cette présentation, nous comprenons que le cadre théorique de l’action

située résulte d’un effort de modélisation de la complexité de l’activité humaine. Et ce, dans

ses dimensions comportementale, perceptive, affective, cognitive, culturelle et sociale, en

s’appuyant sur des données empiriques. Ce cadre permet la construction de « modèles

locaux » relatifs à l’activité d’acteurs engagés dans un domaine spécifique d’intervention.

2. Présentation du cours d’action

34

Le cours d’action est constitué du cours d’expérience, des contraintes et effets

extrinsèques à l’acteur. Nous allons les présenter ci-dessous.

2.1 Le cours d’expérience

Le cours d’expérience est fondé sur le postulat que le niveau d’activité montrable,

racontable et commentable peut donner lieu à des observations, descriptions et explications

valides et utiles de la part de l’acteur (Theureau, 2004) aboutissant à une « description

symbolique acceptable » (Varela, Thompson et Rosch, 1993) du cours de son action. Le cours

d’expérience regroupe ainsi les actions, communications, interprétations, focalisations et

sentiments de l’acteur (Theureau et Jeffroy, 1994). Il traduit ainsi la singularité de

l’engagement de l’acteur dans son environnement. Le caractère dynamique du cours

d’expérience induit l’interdépendance entre toutes les unités significatives élémentaires.

Le fait d’appréhender le cours d’expérience d’un élève ou d’un enseignant durant un

match ou la leçon de Cartaping nous permettra de mettre en évidence la nature des

préoccupations, sentiments, etc. ainsi que leur dynamique.

2.2 Les contraintes et les effets extrinsèques

Le cours d’expérience en tant que constituant du cours d’action permet donc d’analyser

l’engagement singulier d’un acteur dans la situation qu’il construit d’instant en instant.

Toutefois, considérant que l’activité résulte d’un couplage structurel entre l’acteur et son

environnement (Varela, 1989), la construction du cours d’action se doit de prendre en compte

les contraintes extrinsèques (la délimitation et la structuration de l’environnement avec lequel

35

l’acteur interagit) et les effets extrinsèques (les transformations que le cours d’action produit

dans cet environnement) relatifs à l’état de l’acteur, à sa situation et à sa culture.

Nous comprenons alors que l’engagement de l’élève ou de l’enseignant est

conjointement influencé par ce qu’il vit avant, pendant et après le point/la leçon, et par sa

culture. En retour, leur engagement produit des effets dans leur environnement qui influence

et transforme le sens du match/de la leçon. Cette précaution théorique traduit la nécessité

d’étudier l’activité de l’acteur en ce qu’elle a de significative pour lui, mais aussi dans sa

dimension située, contextualisée et singulière. Ce faisant nous pourrons accéder à la nature

des influences du Cartaping, sur leur activité.

3. Construire le cours d’action

La théorie sémiologique du cours d'action s’inspire de l’hypothèse de la « pensée signe

» de Peirce (1978) selon laquelle l’homme pense et agit par signes : « toute action toute

pensée est un signe dans un cours de signes » (Theureau, 2004, p. 52). Chacun de ces signes

émerge de l’interaction de l’acteur avec l’environnement. L’analyse de l’activité procède

finalement de l’analyse de la succession de ces unités de signification pour l’acteur. Deux

notions essentielles sont à la base du cours d’expérience de l’acteur : le signe hexadique, et les

structures significatives (Theureau, 2004).

3.1 Le signe hexadique

Theureau (2004) considère qu’un cours d’expérience est composé d’un enchaînement

d’unités d’activités significatives pour l’acteur : unités significatives élémentaires (USE).

Chacune de ces unités peut être renseignée par un signe dit « hexadique » reliant entre elles

36

six composantes susceptibles de rendre compte de la construction de l’expérience humaine à

un niveau local. Ces 6 composantes sont à la fois indissociables et distinctes les unes des

autres (Cf. Figure n°1).

Les trois premières composantes : l’Engagement dans la situation (E), l’Actualité

potentielle (A) et le Référentiel (S) constituent la « structure d’attente » de l’acteur (liée à son

histoire, son vécu) et délimite le champ des possibles pour cet acteur à l’instant t. Les deux

composantes suivantes, le Représentamen (eR) et l’Unité significative élémentaire du cours

d’action (USE) constituent l’actualité de l’acteur à l’instant t. L’Interprétant (I) quant à lui

traduit l’hypothèse de la constante transformation des connaissances de l’acteur au cours de

ses interactions.

Figure n°1 : Représentation simplifiée des principaux apports des composantes du

signe hexadique (Poizat, Sève, Serres et Saury, 2008)

37

3.2. Les structures significatives

La notion de structure significative est complémentaire de celle de signe hexadique. Par

hypothèse, l’articulation ou « concaténation » (Theureau, 2000) des signes hexadiques

construit des structures significatives continues, discontinues et enchâssées. Ces structures

traduisent des continuités et discontinuités d’ouverture, de création, de transformation et de

fermeture des possibles.

4. L’organisation du cours d’action

Ces deux notions (Signe hexadique et structures significatives), et les hypothèses

qu’elles traduisent, mettent en évidence deux niveaux d’organisation du cours d’action qui

s’articulent : l’organisation locale et l’organisation intrinsèque globale.

4.1. L’organisation locale du cours d’action

Puisque le cours d’action repose sur l’hypothèse de la succession des signes, décrire et

analyser le cours d’expérience implique alors de reconstruire les processus de construction de

ces signes en action. En fonction de ses attentes à un instant t, l’acteur est plus ou moins

sensible à tel événement et donc susceptible de lui donner plus de sens qu’à un autre. Chacun

de ces signes est constitué de six composantes dont l’ordre (E-A-S-R-U-I) exprime le fait que

« chaque composante suppose et inclut dans sa construction les composantes qui la précèdent

dans la liste » (Theureau, 2000).

38

Ainsi théoriquement, la structure d’attente de l’acteur (E-A-S) relative à l’histoire de

l’acteur (Engagement (E)), à sa culture (Référentiel (S)) et à ses attentes potentielles

(Actualité potentielle (A)) dans la situation héritée des cours d’action passés, sélectionne ce

qui fait signe ou « choc » pour l’acteur dans la situation (Représentamen (R)), et qui est

susceptible de devenir de l’ordre de l’actuel. En retour, la structure d’attente (E-A-S) est

focalisée puis réduite pour partie par le représentamen (R) en (eR-aR-sR). Ce couplage

dynamique entre l’acteur et sa situation donne naissance à une émotion, une action ou une

interprétation (Unité élémentaire (U)). Il conduit également à la validation ou à l’invalidation

des connaissances mobilisées et à la construction de nouvelles connaissances (Interprétant

(I)).

Les transformations de la structure d’attente (E-A-S) en (eR-aR-sR) par la focalisation

du représentamen (R) préfigurent le signe suivant puisque la base (eR-aR-sR) constitue la

nouvelle structure d’attente ouvrant sur un nouveau champ des possibles avant d’être elle-

même transformée par un nouveau représentamen (R’) en (eR’-aR’-sR’). Cette évolution

permanente de signe en signe met en évidence la dynamique de l’expérience, de l’action et du

savoir engagé pour toute activité humaine.

4.2. L’organisation globale du cours d’action

La construction globale du cours d’action spécifie l’hypothèse selon laquelle le cours

d’expérience consiste en un enchaînement et un enchâssement d’unités significatives

élémentaires (Theureau, 2004). Chaque USE est insérée dans une succession d’USE qui lui

donne du sens et elles peuvent se succéder, s’enchâsser et composer des unités plus larges.

Nous pouvons alors distinguer trois niveaux d’analyse possible de l’organisation intrinsèque

globale du cours d’action : le niveau de chacune des unités significatives élémentaires (USE),

39

le niveau de l’enchaînement des USE dans un cours d’action particulier et le niveau des

relations de composition entre les USE à l’intérieur d’un cours d’action.

4.2.1. Le niveau de chaque USE

L’unité significative élémentaire du cours d’action est l’expression synthétique de

l’activité d’un individu, au niveau où il peut en rendre compte de la façon la plus détaillée. On

trouve cinq catégories fondamentales d’USE organisées dynamiquement : les actions, les

communications, les interprétations, les focalisations et les sentiments.

4.2.2. Le niveau de l’enchaînement des USE

Chaque USE est insérée dans une succession d’USE qui lui donne du sens.

L’enchaînement des USE d’un acteur forme un « récit réduit » (Theureau et Jeffroy, 1994) du

cours d’action de l’acteur. Aussi la réalisation de certaines actions dépend directement de

celles qui précèdent, certaines actions participent à la composition d’une action plus large,

enfin certaines actions engagées peuvent être momentanément interrompues par d’autres, puis

poursuivies ultérieurement.

4.2.3. Le niveau des relations de composition entre les USE

Les USE s’enchâssent dans le temps au sein d’unités plus larges extraites de différentes

structures significatives qui permettent de prendre les différentes relations que peuvent

entretenir les USE au sein du cours d’action. Ces relations peuvent être des relations de

continuité et dans ce cas la réalisation de certaines actions dépend directement de celles qui

40

précèdent. Aussi, les relations peuvent être des relations d’inclusion et dans ce cas second cas,

certaines actions participent à la composition d’une action plus large : par exemple « répéter

la règle d’une carte » peut participer d’une préoccupation plus large qui est de clarifier la

règle, pour l’enseignant. Enfin, les relations peuvent être des relations d’enchâssement et

dans ce dernier cas, certaines actions engagées peuvent être momentanément interrompues par

d’autres, puis poursuivies ultérieurement. Par exemple la préoccupation de clarifier la règle

peut être entrecoupée par l’action de donner des conseils de réalisation à un élève.

En restant sur un niveau intrinsèque global d’analyse, trois autres sortes de structures

significatives dites fondamentales (de rang supérieur aux structures significative élémentaires)

peuvent être mise en évidence : les structures significatives à caractère séquentiel (les

séquences), sériel (les séries) et synchrone (les synchrones) (Theureau, 1992, 2004).

Les « séquences » sont composées d’unités ou de structures significatives entretenant

entre elles des relations diachroniques (s’inscrivant à des moments différents de l’histoire du

cours d’action) et dyadiques (se succédant de proche en proche, l’une déterminant l’autre).

Les « macro-séquences » sont des unités significatives du cours d’action plus larges que les

séquences. Elles sont composées de plusieurs séquences entretenant des relations de

cohérence séquentielle, c’est-à-dire que les préoccupations de chacune de ces séquences

participent à une préoccupation plus globale qui les relie (Theureau, 2000).

Les « séries » composées de plusieurs séquences (ou de plusieurs unités élémentaires ne

composant pas des séquences) traduisent la cohérence entre les objets des USE qui la

composent. C’est le caractère global qui différencie les séries des séquences : les USE ne

s’inscrivent pas dans une relation de dépendance séquentielle (une USE n’est pas déterminée

par la précédente) mais participent à une préoccupation globale de l’acteur.

Les « synchrones » sont composés d’USE entretenant entre elles des relations de

cohérence synchronique. Une relation synchronique traduit le fait que les objets de différents

41

signes sont sélectionnés à partir de l’engagement de l’acteur dans la situation globale, dans un

laps de temps donné. Les synchrones peuvent ainsi être composés de plusieurs structures

significatives à caractère séquentiel et/ou sériel, de différents rangs.

4.2.4. Les « structures archétypes »

Les séquences, les macro-séquences, les séries et les synchrones peuvent donner lieu à

la construction de structures archétypes : les séquences archétypes, les macro-séquences

archétypes, les séries archétypes et les synchrones archétypes. Ces structures archétypes

regroupent (ou classent) des séquences, des macro-séquences, des séries ou des synchrones

présentant des similarités (critères de typicalité). Ces structures archétypes révèlent les

propriétés d’auto-organisation du cours d’action : son organisation émerge de sa dynamique

intrinsèque et de phénomènes d’ajustement à des contraintes extrinsèques. La construction de

ces structures archétypes procède d’une démarche de modélisation qualitative et d’abstraction,

qui ne reflète pas forcément une fréquence d’occurrence au sein du corpus.

42

Chapitre 4 : Méthodologie

Lors de ce chapitre, il nous a semblé important de retracer dans un premier temps,

l’historique de l’évolution de notre recherche. Puis dans un second temps, d’aborder les

aspects méthodologiques liés aux différents temps de notre recherche : intégration du

chercheur dans le cours, familiarisation au protocole, recueil des données, construction des

protocoles à deux volets, analyse des données. Ces aspects ont été regroupés par étude de cas

(1) Le Cartaping et les collégiens ; (2) La « leçon Cartaping » et l’enseignant.

1. Historique de l’évolution de notre recherche

Notre idée de départ était d’étudier l’effet du Cartaping sur l’activité de collégiens. Pour

cela nous avons sollicité un professeur agrégé d’EPS en poste sur Mayenne. Nous avons pu

effectuer nos expérimentations durant deux mois, de novembre à décembre 2010, sur 2 élèves

de d’une de ses classes de 4ème

. A l’issue des entretiens d’auto-confrontation avec les

collégiens, nous nous sommes rendu compte qu’il était difficile de parvenir à leur faire

expliciter suffisamment précisément à propos de leur activité, et ce malgré leur bonne volonté.

Sur la base de ce constat, nous avons décidé de compléter cette première étude de cas par une

seconde réalisée à l’université avec des étudiants en STAPS. Ce choix était guidé par

l’hypothèse d’une plus grande capacité d’explication du cours d’action, et par voie de

conséquence, des effets du jeu de Cartaping sur leur activité. Nous avons donc sollicité 4

étudiants volontaires et intéressés par l’expérience, pour réaliser une seconde phase

d’expérimentation. Cependant, les résultats des étudiants ne sont pas présentés dans ce

mémoire, ils constituent une perspective de ce travail de recherche, car nous manquions de

43

temps afin de produire un travail de qualité. En parallèle de cette expérimentation, nous avons

présenté lors d’un séminaire de recherche, l’avancée de notre travail. Les nombreux échanges

que nous avons pu avoir avec des chercheurs en action située et en didactique, mais également

avec des praticiens, ont permis de porter plus loin la réflexion autour des apports épistémiques

et transformatifs d’une telle recherche. Notamment, au fil des échanges, il est apparu

également important d’interroger le rôle de l’enseignant d’EPS dans le cadre de l’utilisation

du jeu de Cartaping. De ce fait, nous avons choisi d’effectuer une troisième étude de cas

portant sur les effets du Cartaping sur l’activité d’enseignement. Nous avons donc réalisé une

troisième phase d’expérimentation en sollicitant un enseignant agrégé d’EPS en STAPS lors

d’une leçon de tennis de table avec des étudiants.

Au final, nous avons donc retenu deux études de cas : les collégiens et l’enseignant,

pour ce travail de master 2. Nous présenterons donc uniquement la méthodologie utilisée pour

ces deux études.

2. Méthodologie

2.1 Etude de cas n°1 : « Le Cartaping et les collégiens »

2.1.1 Les collégiens

Deux élèves garçons appartenant à une classe de 4ème

ont participé à notre recherche.

Ces élèves étaient âgés de 13 ans au moment de l’étude. Ils étaient volontaires et pouvaient à

tout moment décider de leur retrait de l’étude. De façon à préserver leur anonymat, ces deux

élèves ont été renommés Pierre et Jules. Pierre est gaucher, il pratique le Tennis en club

depuis quelques années. Jules est droitier, il pratique le football en club depuis quelques

44

années. Les deux garçons aiment l’EPS, ils se trouvaient parmi les meilleurs de la classe dans

l’activité Tennis de table (table haute lors de la Montante-Descendante des deux premières

leçons).

2.1.2 L’intégration du chercheur à la classe

La mise en place d’un observatoire des pratiques des élèves pose la question de la

relation chercheur / élève(s). En effet, à quelles conditions les élèves acceptent-ils de dévoiler

à un chercheur la signification de leur expérience vécue en classe ? Il a donc fallu procéder

par étape. L’enseignant nous a tout de suite intégré dans son organisation pédagogique de la

sorte que nous puissions suivre les élèves depuis la cour du collège jusqu’à la salle de tennis

de table. Ce petit rituel était l’occasion pour nous d’échanger quelques sourires, et quelques

mots brefs au début, puis des brides de conversations au fur et à mesure des leçons. Lors de la

toute première prise de contact, l’enseignant nous a présenté nominativement, a expliqué aux

élèves notre statut d’observateur. Par la suite, dans la salle de tennis de table, nous nous

sommes présentés en tant qu’observateur extérieurs à l’établissement venus prendre des

informations sur des élèves de leur tranche d’âge dans le cadre de nos études à l’université.

Dès la première leçon, nous avons joué le rôle d’un élève absent, en participant à la montante-

descendante. Cela nous a valu de suite une considération bienveillante de la part des élèves,

qui a permis d’instaurer une relation amicale et de confiance par la suite. Nous avons fait

l’effort de toujours utiliser le vocabulaire des élèves, de les rassurer constamment sur notre

détachement vis-à-vis d’un quelconque jugement de leurs comportements.

2.1.3 Planification de l’expérimentation

45

L’étude de cas des collégiens s’est déroulée en plusieurs étapes. Le déroulement est

présenté dans le tableau ci-dessous (tableau n°3).

Tableau n°3 : Déroulement de l’étude de cas des collégiens

Agenda Leçon n°1

04/11/2010

Leçon n°2

18/11/2010

Leçon n°3

25/11/2010

Leçon n°4

8/12/2010

Lundi

14/02/2011

Etapes Intégration

du chercheur Familiarisation

Recueil vidéo du

match + EAC

individuelle

Recueil vidéo du

match + EAC

individuelle

Bilan

2.1.4 Familiarisation au protocole

La phase de familiarisation au protocole consiste à présenter et faire tester aux élèves la

méthodologie utilisée au cours de l’étude. Ainsi, lors de notre deuxième visite, nous avons

installé une caméra en retrait, permettant de filmer les élèves jouant sur deux tables l’une à

côté de l’autre (cf. figure n°2). Nous avons choisi de faire passer cette étape de familiarisation

à quatre élèves, afin de sélectionner pour la suite de l’étude, les deux élèves les plus à même

expliciter sur leurs actions. Le cours durant lequel les manipulations ont été réalisées se

déroulait le jeudi de 13h30 à 15h30. Lors de la familiarisation, quatre élèves ont été filmés

durant un set de Cartaping. C’était la première fois qu’ils jouaient au jeu. Avant de réaliser ce

set, ils se sont échauffés durant 10 minutes, puis ont pu tester quelques cartes du jeu durant

environ 15 minutes. Après leur avoir expliqué les règles du jeu (préalablement notées sur un

tableau blanc situé derrière les deux tables), les élèves ont été lancés en autonomie sur un set

de Cartaping.

L’enregistrement vidéo obtenu à l’issus de ce set de Cartaping, a pu être directement

visualisé par les élèves lors d’un entretien d’auto-confrontation collectif, dans la salle de

tennis de table (cf. figure n°2). Cet entretien avait un double objectif : familiariser les élèves

avec ce type d’expérience, sélectionner les deux élèves les plus à même d’expliciter leur

46

activité. Pierre et Jules ont manifesté le plus de facilité à s’exprimer sur leur pratique, sans

gêne, en étant capable de se resituer au moment même de l’action. La vidéo visualisée durait

environ 15 minutes. Nous n’avons pas pu la regarder en totalité, la contrainte de l’horaire du

cours d’EPS nous obligeant à libérer les élèves pour la fin de leurs cours à 15h30. L’EAC a

duré environ 25 minutes.

Figure n°2 : Cartographie de l’organisation pour l’expérimentation

2.1.5 Recueil des données

Trois types de données ont été recueillies : (1) des données pendant l’action (vidéo +

audio) ; (2) des données après l’action (entretien d’auto-confrontation « EAC ») ; (3)

l’ensemble des contraintes liées aux acteurs ou à la situation susceptible d’influencer le cours

d’action (horaires, lieux…), nommé « volet 3 ».

Les données vidéos et d’EAC ont été recueilli lors de deux leçons (leçon n°3 et n°4).

Pour ces deux leçons, l’ensemble du match a été filmé. Un micro-cravate était installé en

47

« zone de carte », afin de récupérer les communications des élèves. Cependant, au regard de la

contrainte horaire (2h de cours d’EPS) pour effectuer le recueil de données, nous avons fait le

choix de réaliser l’EAC pour chaque élève, uniquement sur le premier set de chaque match. Il

nous paraissait en effet plus intéressant de pouvoir renseigner, suite à l’analyse des données,

le cours d’action des deux élèves protagonistes du match sur le même set de Cartaping, plutôt

que d’obtenir le cours d’action d’un seul élève sur le match de Cartaping entier. L’EAC avait

lieu juste après le match. L’élève qui ne passait pas en premier rejoignait le reste de la classe

en attendant son tour.

Le 1er

match a duré 23 minutes (Leçon n°3). Le 1er

set a duré 11 minutes. Le 2ème

set a

duré 12 minutes. L’EAC sur le 1er

set de Pierre a duré 28 minutes. L’EAC de Jules sur le 1er

set a durée 23 minutes.

Le 2ème

match (Leçon n°4) s’est disputé en trois sets. Les EAC ont été réalisés mais

n’ont pas été traitées par la suite (cf. chapitre 5 Résultats/Discussion).

2.1.6 Traitement des données

Les données vidéos et audio ont été retranscrites de façon à rendre compte des actions et

communications de Pierre et Jules (cf. tableau n°4). L’entretien a été retranscrit verbatim (cf.

tableau n° 5), la ponctuation a été utilisée pour tenter de rendre compte au mieux de la

dynamique de l’élocution des acteurs. Certaines indications ont été placées entre parenthèses

(par exemple : « fin de la carte n°47r » pour signaler la fin de l’effet d’une carte, ou « rire »),

quand elles s’avéraient nécessaire à la compréhension du discours.

48

Tableau n°4 : Extrait du Volet 1 de Pierre et Jules, 1er

set du 1er

match

Actions-communications de Pierre Actions-communications de Jules

... J sert CD sur côté CD de P

P fait faute de filet en renvoyant CD J remporte le point (3-7 ; fin de la carte

n°43r)

P prend la carte et la pose dans la bassine

par terre

J se déplace hors cadre pour reposer le jeton

pingouin puis reviens à sa table

P est debout il regarde ses cartes J est debout il regarde ses cartes

Tableau n°5 : Extrait du Volet 2 de Pierre, 1er

set du 1er

match

Volet 2

Chercheur Pierre

« Tu te souviens là, tu regardes tes cartes, y

a euh 7-3 euh… »

« Que c’était pas fini, t’étais serein, que

t’allais remonter ou pas ? »

« Ok. donc là euh t’avais envie de poser une

carte ou pas ? »

D’accord, on va voir on va voir…

« Non j’me dis que c’était pas fini. »

« Ouais ouais. »

Euh non là jvoulais attendre, j’voulais

d’abord qu’il mette toutes ses cartes, pour

qu’il évite de me contrer, mais… ça n’a pas

marché (rire) j’me suis fait surprendre.

donc euh, au début j’voulais vraiment qu’il

mette toutes ses cartes, comme ça j’pouvais

contre attaquer, mais ça n’a pas marché

c’était pire que j’pensais (rire).

Une fois le volet 1 et 2 retranscrit, nous avons procédé à la construction du « protocole à

deux volets » (cf. tableau n°6), pour chaque élève, en associant le volet 1 et le volet 2 de façon

à ce qu’ils correspondent l’un à l’autre. Enfin, nous avons établi le récit réduit des deux élèves

49

en fonction de l’évolution du score et du temps à l’aide du protocole à deux volets (cf. tableau

n°7). Dans les tableaux n°4, 6 et 7, le surligné jaune nous permet de mieux comprendre cet

étape de construction du récit réduit à partir du protocole à deux volets (volet 1 et volet 2).

Tableau n°6 : Extrait du récit réduit de Jules et Pierre, 1er

set du 1er

match

Volet 1 Score /

temps

Volet 2

Chercheur Pierre

P est debout

il regarde ses

cartes

4’35’’ « Tu te souviens là, tu

regardes tes cartes, y a euh

7-3 euh… »

« Que c’était pas fini,

t’étais serein, que t’allais

remonter ou pas ? »

« Ok. donc là euh t’avais

envie de poser une carte

ou pas ? »

D’accord, on va voir on va

voir…

« Non j’me dis que c’était pas fini. »

« Ouais ouais. »

Euh non là jvoulais attendre, j’voulais

d’abord qu’il mette toutes ses cartes,

pour qu’il évite de me contrer, mais…

ça n’a pas marché (rire) j’me suis fait

surprendre. donc euh, au début

j’voulais vraiment qu’il mette toutes

ses cartes, comme ça j’pouvais contre

attaquer, mais ça n’a pas marché

c’était pire que j’pensais (rire).

Tableau n°7 : Extrait du récit réduit de Jules et Pierre, 1er

set du 1er

match

USE Récit Réduit de Jules

Score /

Temps Récit réduit de Pierre

USE

52 J sert CD sur côté CD de P ... 67

53 J remporte le point (3-7 ; fin de la

carte n°43r) 4'22'' 7-3

P fait faute de filet en

renvoyant CD 68

54 Soulagé, J se déplace hors cadre pour

reposer le jeton pingouin puis revient

à sa table

P prend la carte et la pose dans

la bassine par terre 69

50

55 J est debout il regarde ses cartes 4'35''

P est debout il regarde ses

cartes en se disant que ce n'est

pas fini 70

P veut que J mette d'abord ses

cartes pour qu'il évite de le

contrer 71

56 J se penche sur une carte ne sachant

pas laquelle jouer

P est debout il regarde ses

cartes 72

57 J se déplace hors cadre P regarde J 73

58 J décroche une carte

P regarde J 74

2.1.7 Analyse des résultats : choix d’une analyse globale

Ayant rencontré des difficultés à faire verbaliser de façon conséquente les élèves, et

compte tenu de la centration de notre objet d’étude sur l’influence du Cartaping sur

l’ensemble de l’activité de l’élève (nature des influences et dynamique), nous avons décidé de

réaliser une analyse globale de l’activité. Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur le récit

réduit afin de procéder à la mise en évidence de séquences types (que nous nommerons

séquences), puis de séquences archétypes (que nous nommerons catégorie) dans l’activité des

élèves durant le set de Cartaping.

Pour ce faire, nous avons procédé en deux étapes : (1) La construction de séquences ;

(2) La construction de catégories.

La construction de séquences

A partir du récit réduit de Pierre et Jules, nous avons fait émerger des préoccupations

sous jacente à plusieurs USE au cours du set de Cartaping, sous forme de séquences de jeu

(cf. tableau n°8).

51

Tableau n°8 : Exemple de construction d’une séquence

N°USE Récit réduit Pierre Séquences

70 P est debout il regarde ses cartes en

se disant que ce n'est pas fini

Attend que J mette ses cartes pour ne pas se

faire contrer

71 P veut que J mette d'abord ses

cartes pour qu'il évite de le contrer

72 P est debout il regarde ses cartes

73 P regarde J

74 P regarde J

La construction de catégorie

Nous avons ensuite regroupé l’ensemble des séquences obtenues sous forme de

catégories (cf. tableau n°9). Ces catégories correspondent à un niveau d’analyse plus global

que les séquences. Elles illustrent le caractère typique de l’effet du Cartaping sur l’activité des

élèves durant un set de Cartaping. Comme expliqué lors du chapitre 2 (Cadrage théorique),

ces catégories n’ont pas nécessairement un caractère redondant dans l’activité analysée de

l’élève, mais elles peuvent prétendre révéler le caractère général de l’effet du Cartaping sur

l’activité d’un élève.

Tableau n°9 : Construction d’une catégorie à partir de séquences

Séquences Catégories

Attend que J mette ses cartes pour ne pas se

faire contrer

Susciter une activité stratégique Se demande quand poser la carte

Décide de jouer la carte ovni à la fin du set

Ceci est un extrait, le tableau complet est visible dans le chapitre 5 Résultat/Discussion

Lors de la phase de construction des séquences, il se peut que plusieurs séquences se

chevauchent. Dans ce cas, ce chevauchement se traduit par la mise en parallèle des séquences

dans le tableau (cf. surligné jaune, tableau n°10).

52

Tableau n°10 : Extrait des Séquences de Pierre et Jules au cours du 1er

set

Séquences de Jules N°

USE

Score /

temps

USE Séquences de Pierre

ressent une

émotion

positive car

il repose le

jeton

pingouin

54 69

Pose la carte

pingouin dans

la bassine

Choisit une

carte pour

creuser

l'écart

55 4'35'' 70

regarde ses

cartes

se

remotive

71 Attend que J

mette ses

cartes pour ne

pas se faire

contrer

56 72

57 73

58 74

59 4'48'' 75 Prend

connaissance

de la carte

"cloué au sol"

attend que P

soit prêt 60 4'51'' 76

2.2 Etude de cas n°2 : « La « leçon Cartaping » et l’enseignant »

2.2.1 L’enseignant

Pour notre recherche, l’enseignant a été renommé Jean. Il est enseignant agrégé d’EPS

depuis 12 ans. Il enseigne actuellement à l’UFR STAPS (Licence et Master), et à l’ENS

antenne de Bretagne au département 2SEP. Avant d’enseigner à la faculté, il a enseigné 3 ans

en EPLE (établissement public locaux d’enseignement). Il est « spécialiste » des sports de

53

raquettes (Brevet d’Etat Badminton 1er

degré) et très intéressé par les pratiques innovantes,

notamment par le Cartaping.

2.2.2 La leçon de Cartaping

La leçon dans son ensemble

La leçon a eu lieu le mardi 15 février de 16h à 18h au gymnase des STAPS. Elle s’est

déroulée en 4 temps bien distincts, prévus par Jean. En effet, l’accord passé entre nous pour le

déroulement de cette leçon impliquait les contraintes suivantes : Jean devait proposer une

leçon à partir du Cartaping dans le but de viser un ou plusieurs objectifs de transformation

pour son groupe classe, et tester plusieurs formats pédagogiques pour fonctionner. Jean s’est

appuyé sur 4 formats pédagogiques dont il avait déjà fait l’expérience (Cf. Tableau n° 12).

Tableau n°12 : Les 4 formats pédagogiques utilisés dans la leçon

Formats

pédagogiques Organisation Détail

N°1

Echauffement

spécifique

Une carte pour tous : Jean présente aux

étudiants une carte, ces derniers

appliquent la consigne de la carte, sous

forme de match à thème.

Jean a sélectionné 3 cartes pour cette

partie de leçon : « Cours toujours »,

« Laisser tomber » et « Balle qui colle ».

N°2

Travail sur le

Service

Montante-Descendante : les perdants

descendent d’une table (table 1 vers 2),

les gagnants montent (table 2 vers 1).

Une carte par table. Les étudiants jouent

en respectant le match à thème donné

par la carte de la table à laquelle ils sont.

N°3

Travail en

groupe de

besoin

Trois groupes de besoins : un tas de trois

ou quatre cartes par groupe, par terre. Au

moins un set de 11 points avec une carte.

A chaque set, ils doivent essayer une

autre carte. Les trois groupes sont : n°1

« Attaque-défense » ; n°2 « Contrainte

technique » ; n°3 « Précision et

déplacement »

54

N°4

Découverte

des cartes

« barrées »

Rotation toutes les 5 minutes : les

étudiants font un match en respectant les

consignes de la carte à leur table. Au

bout de 5 minutes, la doublette tourne

(table 1 ver 8, table 8 vers 7, etc).

Les cartes utilisées durant le format pédagogique n°1 :

Ci-dessous, sont présentées les 3 cartes utilisées par Jean durant le premier format

pédagogique. Les cartes ont été adaptées de façon à ce qu’elles s’adressent à tous, pour toute

la durée de l’échauffement.

« Cours toujours » (violette)

QUOI ? On doit jouer court !!! La balle doit pouvoir rebondir 2 fois sur la demi-table adverse

sinon le point est perdu.

QUI ? Les deux joueurs.

QUAND ? Pendant les 6 prochains points.

« Laisse tomber » (violette)

QUOI ? On laisse un rebond par terre avant de renvoyer la balle (services courts interdits)

QUI ? Les deux joueurs

QUAND ? Pendant les 4 prochains points

« Double touch » (violette)

QUOI ? On renvoie la balle en la faisant rebondir auparavant une fois sur la raquette (smashs

interdits)

QUI ? Les deux joueurs

QUAND ? Pendant les 4 prochains points

Les cartes utilisées durant le format pédagogique n°2 :

Ci-dessous, sont présentées les 8 cartes utilisées par Jean durant le deuxième format

pédagogique. La règle des cartes a été adaptée de façon à ce qu’elle s’adresse aux deux

joueurs de la table, pour toute la durée du match.

55

« Service à distance » (rouge)

QUOI ? Obligation de se mettre derrière une ficelle placée à 3m de la table pour servir

QUI ? L’adversaire

QUAND ? Pendant les 4 prochains services

« Scotché à la table » (rouge)

QUOI ? Obligation de coller une cuisse à la table lorsqu’on est en position de retour de

service

QUI ? L’adversaire

QUAND ? Pour les 2 prochains points

« Mets-toi là » (rouge)

QUOI ? Obligation de se placer où le serveur l’a décidé pour recevoir le service (mettre une

ficelle en rond dans un rayon de 2m derrière la table)

QUI ? L’adversaire

QUAND ? Pendant les 4 prochaines remises de service

« Dans les étoiles » (rouge)

QUOI ? Obligation de lancer la balle à 2 mètres de haut (« dans les étoiles ») pour servir

QUI ? L’adversaire

QUAND ? Pendant les 4 prochains services

« Bas les pattes » (rouge)

QUOI ? Obligation de poser sa raquette sur sa table tant que le serveur n’a pas lancé la balle

QUI ? L’adversaire

QUAND ? Pendant les 4 prochaines remises de service

« Serviping » (violette)

QUOI ? Jeu de service à service (on joue uniquement en servant sans arrêter la balle)

QUI ? Les deux joueurs

QUAND ? Pendant les 4 prochains points

« Service en or » (verte)

QUOI ? Tout service gagnant compte double

QUI ? Le possesseur de la carte

56

QUAND ? Pendant tout le set

« Let express » (verte)

QUOI ? Tout service let est considéré comme gagnant

QUI ? Le possesseur de la carte

QUAND ? Pendant tout le set

Les cartes utilisées durant le format pédagogique n°3 :

Ci-dessous, sont présentées les 9 cartes utilisées par Jean durant le troisième format

pédagogique. Les cartes ont été divisées par Jean en trois tas, correspondant aux trois groupes

de besoin. Les règles ont été adaptées de façon à ce qu’elles s’adressent aux deux joueurs de

la table (dans la mesure du possible), pour toute la durée du match en 11 points. Chaque

binôme d’étudiant devait réaliser au moins un match avec chaque carte de son groupe de

besoin.

Tableau n° : Répartition des cartes selon le groupe de besoin

Groupe 1

« Attaque-défense »

Groupe 2

« Coups technique »

Groupe 3

« Précision »

« Faut pas pousser » « Boom » « La grande cible »

« Cessez le feu » « Revers de feu » « La petite cible »

« N’œuf à plat » « Dévastator » « Zone interdite »

« Faut pas pousser » (violette)

QUOI ? Interdiction de faire des poussettes

QUI ? Les deux joueurs

QUAND ? Pendant toute la fin du set

« Cessez le feu » (rouge)

QUOI ? Interdiction d’attaquer

QUI ? L’adversaire

QUAND ? Pendant les 4 prochains points

57

« N’œuf à plat » (violette)

QUOI ? Interdiction de mettre de l’effet = obligation de jouer à « plat »

QUI ? Les deux joueurs

QUAND ? Pendant les 9 prochains points

« Boom » (verte)

QUOI ? Un smash gagnant annoncé par un « boom » compte double (si l’adversaire renvoie

la balle après le « boom », il gagne un point)

QUI ? Le possesseur de la carte

QUAND ? Pendant toute la fin du set

« Revers de feu » (verte)

QUOI ? Tous les points marqués sur une attaque revers comptent double

QUI ? Le possesseur de la balle

QUAND ? Pendant tout le set

« Dévastator » (verte)

QUOI ? Tous les points marqués sur une attaque du coup droit comptent double

QUI ? Le possesseur de la carte

QUAND ? Pendant tout le set

« La grande cible » (verte)

QUOI ? Tous les points tombant dans la grande cible rapportent le point

QUI ? Le possesseur de la carte place librement la cible sur la demi-table adverse

QUAND ? Jusqu’à la fin du set

« La petite cible » (verte)

QUOI ? Toute balle tombant dans la petite cible rapporte deux points

QUI ? Le possesseur de la carte place la petite cible librement sur la demi-table adverse

QUAND ? Jusqu’à la fin du set

« Zone interdite » (rouge)

QUOI ? Interdiction de jouer dans la zone interdite, toute balle y tombant est considérée

comme faute

QUI ? Le possesseur de la carte place la zone interdite librement sur sa demi-table

58

QUAND ? Pendant les 6 prochains points

Les cartes utilisées durant le format pédagogique n°4 :

Ci-dessous, sont présentées les 8 autres cartes qui ont remplacé les 9 utilisées par Jean

dans le troisième format pédagogique. Jean a progressivement remplacé les cartes, groupe par

groupe, pour basculer vers le fonctionnement du quatrième format pédagogique. Les règles

ont été adaptées par les étudiants de façon a ce qu’elles permettent à tous de s’essayer.

« Balle en mousse » (violette)

QUOI ? On joue avec la balle en mousse

QUI ? Les deux joueurs

QUAND ? Pendant toute la fin du set

« O.V.N.I » (violette)

QUOI ? On joue avec la balle « ovni » (balle coquée)

QUI ? Les deux joueurs

QUAND ? Pendant les 3 prochains points

« Big Ping » (violette)

QUOI ? On joue avec la grosse balle

QUI ? Les deux joueurs

QUAND ? Pendant toute la fin du set

« Ping Pirate » (rouge)

QUOI ? Obligation de mettre le cache-œil pour jouer

QUI ? L’adversaire

QUAND ? Pendant les 4 prochains points

« A deux mains » (rouge)

QUOI ? Obligation de tenir sa raquette à 2 mains

QUI ? L’adversaire

59

QUAND ? Pendant les 4 prochains points

« Monde à l’envers » (violette)

QUOI ? On joue avec l’autre main

QUI ? Les deux joueurs

QUAND ? Pendant les 4 prochains points

« A cloche Ping » (rouge)

QUOI ? Obligation de jouer sur un pied

QUI ? L’adversaire

QUAND ? Pendant les 2 prochains points

« Ping…Ouin »

QUOI ? Obligation de garder le jeton pingouin sous l’aisselle du bras avec lequel on joue (s’il

tombe le point est perdu)

QUI ? L’adversaire

QUAND ? Pendant les 4 prochains points

2.2.3 Recueil des données

Deux types de données ont été recueillis lors de cette phase d’expérimentation : des

données pendant la leçon (vidéo), des données après la leçon (EAC). Pour la leçon de

Cartaping, les données vidéo ont été enregistrées par une caméra réglée en grand angle (cf.

figure n°4, et les communications de Jean enregistrées et associées directement à la vidéo

grâce à un micro cravate fixé sur sa chemise. Une caméra supplémentaire et un micro cravate

ont été installés derrière la table n°3 afin de suivre les actions et communications d’un

étudiant durant la leçon. Toutefois ces données n’ont pu être exploitées pour cause de

problème technique.

60

Figure n°4 : Organisation de l’expérimentation pour la leçon « Cartaping »

L’EAC a porté sur l’ensemble de la leçon « Cartaping », sur la base de ce corpus, nous

avons réalisé une sélection. Les extraits vidéos ont été sélectionnés selon les deux principaux

critères suivants : (1) les extraits les plus signifiants du point de vue de l’enseignant

(impressions explicitées de façon autonome par Jean lors de l’EAC) ; (2) les extraits les plus

signifiants du point de vue du chercheur compte tenu de l’objet de recherche, c’est-à-dire les

extraits correspondant à la mise en place d’un format pédagogique et d’une ou plusieurs cartes

de Cartaping.

Tableau n°13: Extraits vidéo sélectionnés pour l’analyse de l’activité de Jean

Temps n°1

Format

pédagogique n°1

Temps n°2

Format pédagogique

n°2

Temps n°3

Format pédagogique

n°3

Temps n°4

Format

pédagogique n°4

≈ 30 minutes ≈ 15 minutes ≈ 10 minutes ≈ 5 minutes

Le tableau n°13 nous comprenons que plus nous avançons dans la leçon, plus l’extrait

vidéo questionné est restreint. Ceci s’explique d’abord au regard du caractère typique de

l’intervention de Jean. En effet, nous avons mis en évidence des phases typiques, communes à

61

l’ensemble des 4 temps d’intervention, liées, pour partie, à l’utilisation du Cartaping (Cf.

Chapitre 5, Résultats/Discussion). Au fur et à mesure de l’entretien nous avons donc gagné du

temps sur l’EAC puisque nous n’avons pas eu besoin de tout visionner pour bien comprendre

et renseigner l’activité de Jean. Aussi, l’EAC a duré environ 2h30, ceci implique une

accumulation de fatigue cognitive à la fois pour Jean et pour nous. Cette fatigue est à l’origine

également de la diminution du temps de questionnement sur les derniers formats

pédagogiques de la leçon.

2.2.4 Traitement des données

A partir du protocole à deux volets obtenu à l’issu du recueil des données et de leurs

retranscriptions, le flux de l’activité de l’enseignant a été découpé en unités significatives

élémentaires (USE). Les USE ont été classées chronologiquement afin d’obtenir un résumé du

cours d’action de l’enseignant : le récit réduit (Tableau n°14). Ce récit réduit, présente : (a) la

succession des USE de l'enseignant, (b) les préoccupations (eR) le mobilisant dans la

situation, (c) la tonalité émotionnelle de son action renseignée grâce à l’EAC.

Tableau n°14: Extrait du récit réduit de l’enseignant pendant la « leçon Cartaping »

TEMPS USE DESCRIPTION DES ACTIONS

4 Regarde les étudiants, debout depuis le fond du gymnase (SIGNE 3)

2’14 5 S’adresse à la classe « Vous pouvez laisser tomber, mais si jamais elle

dépasse vous laissez tomber »

2’40 6 S’adresse à deux étudiants : « essayez, essayez, essayez, j’vais réguler

après » « nan c’est tout le temps »

L'indication en gras « (SIGNE 3) » annonce la présentation du Signe hexadique 1 à la

suite de l'extrait du récit réduit. Le découpage du cours d'action en différents extraits de récit

réduit a été opéré pour rendre compte de la fluidité de l'expérience des enseignants (par

62

l'enchaînement de plusieurs USE) et de sa complexité (par la présentation alternée des

différentes composantes des signes hexadiques).

Suite à la construction des récits réduits, la troisième étape a consisté à identifier pour

chaque unité significative les composantes des signes hexadiques. Ceci a permis de

caractériser le couplage à l’instant t d’un acteur à sa situation d’enseignement (tableau n°15).

Tableau n° 15 : Exemple de signe hexadique (Signe N°4)

Construction locale

SIGNE 4

Engagement (E) Echelle Plaisir/ Déplaisir : -

E1 : Faire progresser les étudiants sur un objectif précis

E2 : Faire découvrir des cartes amusantes aux étudiants

Représentamen (R)

R1 : Les étudiants jouent en coopération de façon nonchalante

Préoccupation(s) (eR)

eR1 : Est à l’affut des productions des étudiants

eR2 : Comprendre l’intérêt de la carte

Actualité potentielle (aR)

aR1 : Attente liée au fait de trouver une solution en observant les étudiants de la table n°1

Référentiel (sR)

sR1 : La table n°1 où se trouve Arnaud et Josselin est une table repère car ces deux étudiants

se débrouillent bien techniquement et montrent souvent un comportement adaptatifs

intéressant.

Sentiment : n’aime pas leur attitude car ils se contentent d’échanger la balle

Unité élémentaire (USE)

Se déplace et regarde les étudiants de la table 1

Interprétant (I)

Augmentation de la fiabilité du type : « La carte cours toujours ne fonctionne pas »

2.2.5 Analyse des résultats : choix d’une analyse locale et globale

Choix d’une analyse locale :

Dans un premier temps, nous avons souhaité renseigner, au travers l’analyse locale de

certains extraits vidéo, l’activité d’enseignement de Jean influencée par une nouvelle

méthode : le Cartaping. En effet, en choisissant ce type d’analyse, nous pouvons accéder de

63

manière plus précise aux préoccupations, sentiments, et connaissances mobilisées par

l’enseignant durant la leçon. Aussi, cela nous permet de mettre en évidence les processus de

construction-validation-invalidation de connaissances relatives à l’utilisation du jeu de

Cartaping pour la leçon. Dans cette optique, nous avons renseigné 10 signes, répartis sur

l’ensemble des quatre temps de la leçon.

Choix d’une analyse globale :

Dans un second temps, nous avons choisi de traiter l’ensemble des préoccupations de

Jean de manière globale afin de rendre compte de son caractère dynamique, tout au long de la

leçon. Cette analyse globale consistait à représenter graphiquement la nature des

préoccupations de Jean, en fonction de l’évolution temporelle dans la leçon et des temps de la

leçon. Cette analyse nous a permis de mettre en évidence des typicalités dans l’activité

d’enseignement de Jean influencée ou non par l’utilisation du Cartaping (cf. Chapitre 5

Résultats/Discussion).

64

Chapitre 5 : Résultats/Discussion

Ce chapitre s’organisera en deux temps, correspondant aux deux études de cas : (1) Le

Cartaping et les collégiens ; (2) La « leçon Cartaping » et l’enseignant. Pour chacun des cas,

nous présenterons les résultats, puis nous les discuterons au regard des hypothèses de J-P

Monnet et/ou de la littérature scientifique.

1. Etude de cas n°1 : « Les collégiens et le Cartaping »

Nous procéderons d’abord à une contextualisation du match analysé, puis nous

présenterons et discuterons les résultats obtenus.

1.1 Contextualisation du match de Cartaping

Le match de Cartaping s’est déroulé durant le cours d’EPS du jeudi après-midi. Nous

avons accompagné la classe avec l’enseignant depuis le collège jusqu’à la salle de TT, se

situant à environ 500m. Auparavant, nous avions installé l’ensemble du dispositif précisé dans

le chapitre 4. Une fois l’appel réalisé par l’enseignant, celui-ci a expliqué à Pierre et Jules

qu’ils ont été choisis pour continuer, s’ils le souhaitaient, l’expérience du Cartaping. Les deux

élèves ont acceptés tout de suite. En effet, puisque la semaine d’avant, Jules et Pierre ont pu

s’essayer avec deux autres élèves, lorsqu’ils sont arrivés, ils étaient plutôt impatients de

pouvoir y rejouer car ils avaient trouvé cela amusant.

Les deux garçons se sont échauffés avec les autres élèves de la classe, mais sur la table

prévue pour le match de Cartaping. L’échauffement a duré environ 15 minutes et il a consisté

65

en une répétition d’échanges de type « routine en coopération » durant 2 minutes, puis

« routine en opposition » sur 1 minute (CD sur CD, RV sur RV, RV sur CD et CD sur RV).

L’objectif pour les élèves était de réaliser un maximum d’échanges possible à chaque fois.

Ensuite, Jules et Pierre nous ont été confiés par l’enseignant pour le reste de la leçon.

Nous avons procédé à une explication complète du jeu : règles du jeu, organisation entre

les deux sets, utilisation du matériel et rangement de celui-ci. Pour permettre aux élèves de se

gérer le plus possible en autonomie, nous avons affiché les règles d’or du Cartaping sur un

tableau situé en arrière de la table (cf. figure n°5).

Figure n°5 : Règles d’or du Cartaping pour les collégiens

Match en 2 sets gagnants de 11 pts

5 cartes par joueurs

Une carte posée à la fois entre chaque point

Maximum 2 cartes/ joueur en même temps sur la table

Obligation de lire la carte à voix haute à l’adversaire

Changement de serveur tous les 3 points

A l’issue de cette explication, Jules et Pierre ont débuté leur match de Cartaping en

piochant 5 cartes chacun, face cachées sur la table (voir ci-dessous, les deux jeux). Ils ont

collé leur carte chacun de leur côté, à l’aide de patafixe. Ils ont réalisé une balle de trois, puis

ont débuté le match. Pierre se situait à gauche sur la vidéo et Jules à droite, quasiment face à

la caméra.

66

Jeu de Pierre : « Ping-ouin » ; « Multi-ping » ; « Jocker » ; « O.V.N.I. » ; « Service à

distance » (cf. Annexe, Dossier « Les cartes et leurs définition », pour la définition des

cartes).

Jeu de Jules :: « 2 minutes please » ; « Faut pas pousser » ; « Un revers ça va » ; « Cloué au

sol » ; « Miroir » (cf. Annexe, Dossier « Les cartes et leurs définition », pour la définition des

cartes).

1.2 Présentation des résultats

A l’issue de l’analyse globale des données, plusieurs effets du Cartaping ont été mis en

évidence. Nous les avons regroupé en quatre catégories : (C1) Susciter des émotions ; (C2)

Susciter une activité stratégique ; (C3) Susciter la construction de connaissances ; (C4)

Susciter la communication. Nous allons les présenter de manière séparée par soucis de clarté.

Toutefois, il est essentiel de considérer ces catégories comme nécessairement

interdépendantes.

1.2.1 Catégorie (C1) : « Susciter des émotions »

Le Cartaping exerce une influence sur le ressenti émotionnel et sur la motivation des

collégiens au cours du set (Cf. Tableau n°17 et n°18).

Tableau n°17 : Catégorie (C1) « Susciter des émotions » chez Pierre

Catégorie N° Séquences de Pierre USE

(C1)

« Susciter

des

émotions »

S1 Ressent une émotion positive car il est pressé de jouer 1

S2 Ressent une émotion négative car il s’inquiète de la carte que

peut jouer Jules 25

S3 Ressent une émotion négative car il a raté le point 48

S4 Se remotive en regardant ses cartes 70

67

S5 Veut s’amuser en posant la carte « balle ovni » 95-

113

S6 Ressent une émotion positive car il sait qu’il ne joue pas en

poussette 124

S7 Ressent une émotion positive car il a gagné le point sur un

coup rigolo 152

S8 Ressent une émotion négative car il est stressé de perdre le 1

er

set

156-

166

S9 Ressent une émotion positive car il a gagné le 1er

set 167-

169

Tableau n°18 : Catégorie (C1) « Susciter des émotions » chez Jules

Catégorie N° Séquences de Jules USE

(C1)

« Susciter

des

émotions »

S1 Ressent une émotion positive car il est pressé de

découvrir ses cartes 1/2

S2 Ressent une émotion négative car il est déçu de ses

cartes 3

S3 Est motivé pour jouer 6-12

S4 Ressent une émotion positive car il a remporté la balle

de trois 15

S5 Veut gagner des points 16-142

S6 Se remotive après avoir perdu le point 30

S7 Ressent une émotion positive car il a gagné le point 37/38

S8 Ressent une émotion négative pour la carte « pingouin » 42-44

S9 Ressent une émotion positive car il a gagné le point avec

le jeton pingouin sous l’aisselle 46

S10 Ressent une émotion positive lorsqu’il repose le jeton

pingouin 54

S11 Ressent une émotion négative car il a perdu le point 72

S12 Ressent une émotion positive vis-à-vis de la carte ovni 77

S13 Ressent une émotion négative car il a perdu le point et a

peur de perdre 111/112

S14 Est stressé 111-123

S15 Ressent une émotion négative car il trouve qu’il joue

mal 115

S16 Ressent une émotion négative car il a perdu le point 119

S17 Est encore plus stressé 123-142

S18 Ressent une émotion négative car il perd le point 130

S19 Ressent une émotion positive car il recolle au score 133

S20 Se remotive 133

S21 Ressent une émotion négative car il joue mal et perd le

set 142

68

Avant le match de Cartaping :

A chaque fois que les élèves arrivaient en classe, ils manifestaient leur joie de rejouer au

Cartaping. Au début de chaque match les deux élèves ont éprouvé de l’envie et de

l’impatience à jouer : « Ressent une émotion positive car il est pressé de jouer » (Pierre,

C1/S1) ; « Ressent une émotion positive car il est pressé de découvrir ses cartes » (Jules,

C1/S1).

Pendant le match de Cartaping :

Au cours du set de Cartaping, Pierre et Jules ont tous les deux ressentis des émotions à

la fois positives et négatives. Ces émotions ont été suscitées par plusieurs facteurs liés au jeu

du Cartaping: le déroulement du jeu (points/sets gagnés/perdus), l’évolution du rapport de

force (positif/négatif) et l’utilisation des cartes. Ainsi les deux élèves vivent au cours du set

des moments de plaisir et de déplaisir, plus ou moins longs, dont nous avons synthétisé

l’ensemble ci-dessous.

=> Les moments de déplaisir

Lorsqu’il perd un point ou qu’il se sent en danger vis-à-vis de l’évolution du score

(rapport de force en sa défaveur et fin du set proche), Jules ressent du stress : « Est stressé »

(Jules, C1/S14/USE 111-123), puis « Est encore plus stressé » (Jules, C1/S17/USE 123-142).

Tout comme Jules, Pierre ressent également du stress à l’approche de la fin du set, car il doute

de sa capacité à le remporter : « Ressent une émotion négative car il est stressé de perdre le

1er

set » (Pierre, C1/S8/USE 156-166). Lorsque Pierre et Jules jouent des cartes, ils imposent

69

à l’autre des contraintes diverses créant ainsi un rapport à la carte pouvant être négatif :

« ressent une émotion négative pour la carte Pingouin » (Jules, USE 42-44). Dans ce cas,

Jules pense qu’il ne va pas réussir à jouer avec le jeton pingouin sous le bras. En effet, lors de

la phase de familiarisation il avait pu construire une connaissance relative à cette carte,

puisqu’il a vu Pierre jouer avec et en avait conclue que c’était une tâche difficile. C’est

pourquoi il anticipe une issue négative (perte de point) lorsque Pierre lui impose cette carte.

=> Les moments de plaisir

Le Cartaping amène les deux collégiens à ressentir des émotions positives liées au gain

du point, mais pas uniquement. Pour Jules, nous observons qu’il éprouve de la satisfaction

suite au gain d’un point alors qu’il avait le jeton pingouin sous le bras : « Ressent une émotion

positive car il a gagné le point avec le jeton pingouin sous l’aisselle » (Jules, USE 46) et qu’il

s’attendait à ne pas réussir : « Ressent une émotion négative pour la carte « pingouin » »

(Jules, USE 42-44). Pour Pierre, ces émotions positives sont également liées à l’aspect

amusant des situations que provoque le Cartaping : « Veut s’amuser en posant la carte « balle

ovni » » (Pierre, USE 95-113). D’ailleurs, nous nous rendons compte lors de l’EAC, que l’une

des motivations de Pierre, qui l’influence dans le choix des cartes à poser, relève du plaisir à

jouer plus qu’à gagner. Effectivement, alors que Pierre vient de visionner un extrait vidéo où

il y a litige sur le score entre lui et Jules, il nous dit : « Ouais ouais, ben j’dis, si y a 4-2 c’est

pas grave, parce que c’que j’aimais bien c’est ce jeu là… ça me faisait m’marrer de mettre

des gages aux autres ou euh, leur poser des difficultés, donc euh pour moi c’est pas grave.. »

(Extrait de l’EAC de Pierre).

70

1.2.2 Catégorie (C2) « Susciter une activité stratégique »

Le Cartaping suscite une activité stratégique chez les collégiens au cours du set (Cf.

Tableau n°19 et n°20). Cette activité stratégique se compose de différentes phases : réflexion

et exploration sur le jeu adverse ou sur son propre jeu, planification d’une stratégie et mise en

place de celle-ci. L’activité stratégique des élèves consiste alors en la résolution de dilemme à

la fois sur : la pose des cartes (lesquelles ? quand ?), et la manière de jouer (quels coups ?

quels effets ? à quels moments ?).

Tableau n°19 : Catégorie (C2) « Susciter une activité stratégique » chez Pierre

Catégorie N° Séquences de Pierre USE

(C2)

« Susciter une

activité

stratégique »

S1 Se demande quand poser la carte « balle ovni » 6/7

S2 Décide de jouer la carte « balle ovni » à la fin du set 10

S3 Décide de tout remettre sur le RV de Jules 32

S4 Réalise sa stratégie de jeu sur le RV de Jules 37-43

S5 Se décale sur son RV dès la réception de service car il

pense que Jules va frapper ici 44-47

S6 Choisit de jouer la carte « pingouin » car il pense que ça va

lui permettre de gagner des points 54-56

S7 Décide de jouer RV car c’est difficile de couvrir toute la

table lorsqu’on a le jeton pingouin 54-56

S8 Veut gagner des points avec la carte pingouin 59-68

S9 Veut lifter un maximum pour faire courir Jules qui a le

jeton pingouin sous l’aisselle 59-68

S10 Attend que Jules mette ses cartes pour ne pas se faire

contrer 71-74

S11 Réfléchi à une stratégie pour jouer correctement avec la

carte « cloué au sol » 77/78

S12 Décide d’une stratégie de jeu pour jouer correctement avec

la carte « cloué au sol » 77/78

S13 Réalise sa stratégie de jeu pour contrer la carte « cloué au

sol » 80-90

S14 Pose la carte ovni 95-99

S15 Se demande quel effet mettre sur la balle ovni 103

S16 Pense qu’il faut jouer plus régulier 110

S17 Décide de lifter un maximum 136

S18 Réalise sa stratégie de lifter un maximum

137-

155

S19 Décide de ne pas jouer risqué pour ne pas perdre de points

bêtement 157

71

S20 Réalise sa stratégie de ne pas jouer risqué pour ne pas

perdre de point bêtement

158-

166

Tableau n°20 : Catégorie (C2) « Susciter une activité stratégique » chez Jules

Catégorie N° Séquences de Jules USE

(C2)

« Susciter une

activité

stratégique »

S1 Veut gagner des points

16-

142

S2 Pose la carte « un revers ça va » 19

S3 Choisi une carte pour creuser l’écart 55-58

S4 Pose la carte « cloué au sol » pour creuser l’écart 59

S5 Cherche la carte qui va lui rapporter des points rapidement 91/92

S6 Cherche à remporter le set rapidement 91/92

S7 Choisi la carte « faut pas pousser » et la pose 96

S8 Pense à vite gagner dans le prochain set 145

Au cours du set, Pierre et Jules ont développé une stratégie de jeu singulière vis-à-vis de

l’utilisation des cartes. Chacun a du répondre, à sa manière, aux dilemmes suivant : quelles

cartes vais-je jouer, à quel moment et comment vais-je jouer ? Ce dilemme s’est posé dès la

prise de connaissance des cartes au début du match pour les deux élèves : alors que sur la

vidéo nous voyons Pierre qui accroche sa deuxième carte, il nous dit en EAC (après

questionnement) : « Ben je savais pas comment la mettre parce que si je gagnais au début

pour euh commencer à prendre de l’avance ou si je perdais et j’voulais gagner plus donc

euh… je savais pas trop, j’voulais pas trop la mettre parce que j’étais pas trop sure… »

(Extrait de l’EAC de Pierre). Alors que Jules accroche ses cartes, et qu’il est déçu par leur

nature (C1/S1), il nous dit en EAC, qu’il aurait préféré des cartes comme le « pingouin »,

c'est-à-dire des cartes qui permettent de gagner des points rapidement grâce à la forte

contrainte qu’elle implique sur le jeu de l’adversaire. Pierre explique également au moment

de la balle de trois, qu’il était pressé de voir les cartes de Jules et qu’il pensait déjà jouer en

premier la carte pingouin car c’est une carte qui selon lui, lui permettrait de rapporter des

points : C : (…) toi à ce moment là tu savais ce que tu allais jouer ou pas ? » J : « Ben

j’allais jouer euh plutôt avec le pingouin en premier, parce que la semaine dernière j’ai joué

72

avec et j’avais vachement de mal à… à jouer avec. Donc je savais que j’allais faire des

points. » (Extrait n° de l’EAC de Pierre). Le gain du point est donc pour les deux élèves, le

facteur décisif dans le choix d’une stratégie de pose des cartes en début de match.

=> La stratégie de pose des cartes de Pierre et Jules, au cours du 1er

set.

Jules a d’abord posé ses deux cartes rouges, avant de jouer sa carte violette. Quant à

Pierre il a d’abord posé une de ses cartes rouge puis sa carte violette. Les cartes rouges

correspondent aux cartes à forte contrainte pour l’adversaire uniquement. Au cours de la

première séance de découverte du jeu, les deux élèves ont en effet pu construire la

connaissance suivante : « Les cartes rouges me permette de gagner des points rapidement car

elles sont très contraignantes uniquement pour l’adversaire ». C’est pourquoi ils ont fait le

choix de jouer d’abord ces cartes, dans l’optique de creuser l’écart rapidement, sans se mettre

en danger. Dans le tableau ci-dessous, est représenté l’ordre de pose des cartes au cours du set

de Pierre et Jules. Sont également renseignés : le score, le numéro du point joué correspondant

au score, et les éléments susceptibles de nous permettre de mieux comprendre l’évolution du

score ou de la pose des cartes.

Tableau n° : Ordre de pose des cartes au cours du set en fonction du score

JULES PIERRE Points

joués Cartes jouées Score Score Cartes jouées

« Un revers ça va » (rouge) 0 0 -

0 1 1

0 2 2

0 3 3

0 4 4

1 4 5

Fin de la carte 2 4 6

Litige de points, reprise du score en faveur de Jules

4 2 « Ping-ouin » (rouge) -

5 2 7

73

5 3 8

6 3 9

7 3 Fin de la carte 10

« Cloué au sol » (rouge) 7 3 -

7 4 11

8 4 12

Négociation de Pierre avec Jules pour rejouer le point (faute directe) qu’il vient de faire

Fin de la carte 7 5 12

7 5 « O.V.N.I » (violette) -

8 5 13

8 6 14

9 6 Fin de la carte 15

« Faut pas pousser » (violette) 9 6 -

10 6 16

10 7 17

Rejoue le 17ème

point à l’issu d’une erreur de serveur (retour à 10-6)

10 7 17

Commence à stresser ! 10 8 18

10 9 19

10 10 20

10 11 21

11 11 22

11 12 23

12 12 Commence à stresser ! 24

12 13 25

Fin de la carte 12 14 26

Nous constatons que les élèves ont joué l’ensemble du set sous l’influence d’une carte à

chaque fois, pour au moins un des deux. Jules a posé les cartes : « Un revers ça va » avant le

début du match, « Cloué au sol » après le 10ème

point, puis « Faut pas pousser » après le 15ème

point. Pierre a posé les cartes : « Ping-ouin » après le 6ème

point, puis « Balle O.V.N.I. » après

le 12ème

point. Lorsque l’effet d’une carte était terminé, soit Jules, soit Pierre, jouait une autre

carte.

Le premier à poser une carte est Jules. Il choisit la carte « Un revers ça va » car il pense

que c’est la carte parmi celle dont il dispose, qui va lui permettre de marquer rapidement des

points. Sa stratégie est donc de creuser l’écart le plus rapidement possible dès le début du set :

C : « Ok donc là le match va commencer, tu te souviens… t’étais dans quel état d’esprit, tu

pensais à quoi ? » J : « Ben d’essayer de gagner le plus de points au début » (Extrait n° de

74

l’EAC de Jules, cf. C2/S1 Jules). De plus lorsque Jules fait le choix de cette carte, il le fait au

regard des caractéristiques de Pierre et de ses possibilités de jeu sur le revers de Pierre (côté

gauche pour Jules) : C : (…) et pourquoi tu lui as mis celle-là, à ce moment là tu savais

pourquoi ou pas ? » J : « En plus, il est gaucher donc euh moi j’suis droitier donc c’est plus

facile pour mettre à gauche » (Extrait n° de l’EAC de Jules). Jules avait l’intention d’utiliser

prioritairement son CD pour jouer sur le Revers de Pierre. Quant à Pierre, il décide de jouer

sur le revers de Jules dès qu’il le peut : C : « t’avais une intention particulière ? » J : « Ben

tout remettre sur son revers » (Extrait n° de l’EAC de Pierre, cf. C2/S3/S4 Pierre). Ainsi,

malgré la planification d’une stratégie à priori pertinente, Jules va perdre les 4 prochains

échanges. Toutefois, après la fin de la carte, les deux élèves sont en litige sur le score, qui

retourne à l’avantage de Jules (4-2).

Pierre est donc en position dominée dans le rapport de force, il va jouer une carte pour

regagner des points (cf. C2/S6), même si ce changement de score ne l’affecte pas (cf. C1). En

effet, lors de l’EAC, Pierre nous explique qu’il pose la carte « Ping-ouin » car c’est une carte

qu’il juge « pourrie » c'est-à-dire qui va forcer Jules à courir : « parce que quand j’avais testé

je savais très bien que j’avais du mal à me déplacer avec » (Extrait n° de l’EAC de Pierre).

La stratégie de Pierre à cet instant du jeu est donc de déplacer Jules, en jouant sur son revers,

pour le mettre en difficulté (cf. C2/S7 Pierre). En effet, avec le jeton pingouin sous l’aisselle,

il est impossible d’allonger le bras sous peine de faire tomber le jeton, ce qui oblige le porteur

du jeton à se déplacer. Cette stratégie de pose de carte s’est également effectuée au regard de

l’ensemble des autres cartes dont disposait Pierre : « j’pensais que c’était une technique qui

marchait mieux que euh… la balle euh, la balle OVNI là » (Extrait n° de l’EAC de Pierre).

Après la pose de cette carte par Pierre, le rapport de force restera cependant en faveur de Jules

jusqu’à la fin de l’effet de la carte sur le score de 7-3. Pierre a en effet effectué beaucoup de

fautes en voulant jouer lifté le plus possible (cf. C2/S9 Pierre). A l’issu de ce 10ème

point joué,

75

Jules repose le jeton pingouin, « soulagé » (Extrait de l’EAC de Jules), car il s’attendait à ne

pas réussir avec cette contrainte.

Alors que Jules va reposer le jeton, Pierre regarde ses cartes, comme s’il souhaitait

trouver une solution pour recoller au score. Toutefois, il nous explique qu’il voulait d’abord

que Jules mette ses cartes, pour ne pas se faire contrer. Une stratégie d’attente est donc

utilisée par Pierre à cet instant : il fait mine de regarder ses cartes pour pousser Jules à en faire

de même et jouer une carte (cf. C2/S10 Pierre). Cette stratégie est payante puisque Jules va

poser la carte « Cloué au sol ». La volonté de Jules associée à cette pose de carte est de

« creuser l’écart » (Extrait de l’EAC de Jules). Lors des points joués avec cette carte, Jules

met en place une stratégie de jeu qui est de changer de côté en prenant en compte le

placement de Pierre : C : (…) au moment où tu jouais qu’est-ce que tu regardais ? J : « ben

son placement » (Extrait n° de l’EAC de Jules). Pierre quant à lui va résoudre le problème

posé par la carte de Jules (cf. C2/S11/S12/S13 Pierre) en se positionnant de façon à pouvoir

aller chercher loin sur les côtés et à être stable sur ses appuis en les écartant : C : « Tu te

souviens du coup à ce moment là, quand il te dit…tu dois pas bouger tes pieds ? » J : « Ouais

là j’me dis que faut vraiment étendre, chercher loin, pour euh et puis surtout bien se placer au

départ, bien se centrer pas trop près de la table ni trop loin, pour vraiment aller chercher un

maximum la balle, j’réfléchissais comment lui bloquer ses balles et à quelles zones, pour que

j’aille les chercher » (Extrait n° de l’EAC de Pierre). La stratégie de Pierre lui permet de

remonter au score sans toutefois inverser le rapport de force qui reste de 7-5 en faveur de

Jules à la fin du 12ème

point.

A l’issue de ce 12ème

point, Pierre qui est mené au score se sent obligé de poser une

carte (cf. C2/S14 Pierre) : C : « Donc là euh, tu pose la balle ovni, comment ça se fait ? » P :

« Ben euh, j’voulais pas contrer, j’me suis sentis obligé parce que… j’avais ma carte jocker,

la verte et j’avais une autre carte « les doubles » euh non c’est la carte verte qui comptait

76

triple ». Pierre à ce moment du jeu répond au dilemme suivant : poser une carte qui lui

permettrait à la fois de potentiellement regagner des points mais de ne pas en perdre

facilement non plus. Il explique ceci lors de l’EAC : C : « D’accord et du coup tu t’es dit ? »

J : Et puis j’avais peur de perdre des points qui, j’avais pas trop d’avance, je crois que j’ai

perdu au score » J : « t’as fait un choix stratégique ? t’as pris celle que tu pensais être la plus

sûre ? » J : « Ouais, ouais » (Extrait n° de l’EAC de Jules). Pierre ne sait pas quel effet

donner à ce type de balle et se questionne sur la meilleure stratégie à prendre (cf. C2/S15

Pierre). Alors que Jules se prépare à servir, Pierre s’attend à ne pas réussir avec cette balle car

il sait que c’est une balle difficile à jouer (cf. C3 Pierre). Toutefois, ce qui motive Pierre à cet

instant du jeu est également l’amusement suscité par cette balle « coquée » de part les

trajectoires aléatoires qu’elle implique (cf. C1 Pierre). A l’issue du 15ème

point joué avec la

balle OVNI, Pierre est toujours mené au score (9-6) mais se dit que ce n’est pas perdu, il

pense qu’il faut jouer plus régulier, car Jules fait pas mal de fautes (cf. C2/S16).

Jules va alors poser sa carte violette : « Faut pas pousser » dans le but de gagner le set le

plus vite possible (cf. C2/S6/S7). Jules avait le choix entre trois cartes à ce moment là : ses

deux cartes orange (« 2 minutes please » et « Miroir ») et sa carte violette. Le choix à priori

dont dispose Jules à ce moment là, est un faux choix puisque les deux cartes orange ne

pouvaient s’appliquer. En effet, aucune carte n’était déjà en jeu, rendant ainsi inefficace

l’effet de la carte « 2 minutes please », et, Pierre n’a pas joué de carte rouge ce qui rendait

totalement inutile la carte « Miroir » (susceptible de renvoyer l’effet d’une carte rouge sur son

destinataire). La pose de cette carte par Jules va nécessiter l’explication par la chercheuse, de

la nature d’une poussette en tennis de table aux deux élèves (cf. C3).

Cette dernière carte jouée par Jules va lui poser problème pour gagner des points et va le

faire stresser de plus en plus (cf. C1 Jules), car il n’avait pas connaissance de son habitude

d’utiliser des poussettes en jouant. Dès lors, Pierre, qui lui connaît bien sa façon de jouer

77

(c'est-à-dire sans « abuser » des poussettes), reste serein lorsqu’il prend toute la mesure de la

carte que Jules vient de poser. Dans un premier temps, Pierre décide alors de jouer en

accélérant au maximum la vitesse de la balle à l’aide de TopRV et de TopCD afin de forcer

Jules à ralentir la balle en jouant en poussette (cf. C2/S17/S18 Pierre) : C : « t’avais une

stratégie particulière à ce moment là ? » P : « Ben jouer en accéléré parce que quand on

accélère souvent la balle c’est dur » C : « d’accord, donc là dans ta tête ton but c’était de tout

lifter le plus possible de balle quoi ? P : « ouais pour qu’il soit obligé de ralentir la balle »

(Extrait n° de l’EAC de Pierre). Grâce à cette stratégie, il force Jules à faire des fautes et

remonte au score de 12-12. A ce moment là, Pierre pense qu’il faut qu’il joue moins risqué,

car il perd trop de point « bêtement » (cf. C2/S19 Pierre) : P : « Non que… fallait pas que je

joue des coups risqués, que je joue lent, tranquillement » (Extrait n° de l’EAC de Pierre).

Pierre applique sa stratégie de jeu non risqué en jouant les points n°25 et n°26 sur l’axe

central ou sur le côté revers de Jules, sans donner d’effet lifté. Il remporte le set sur le score de

14-12.

1.2.3 Catégorie (C3) « Susciter la construction de connaissances »

Jouer au Cartaping pour les collégiens, nécessite de leur part la mobilisation de

connaissances sur le jeu, les cartes, sur l’adversaire et soi même. Mais nous relevons

également une activité d’élaboration de connaissances au cours du set (Cf. Tableau n°21 et

n°22).

Tableau n°21: Catégorie (C3) « Susciter la construction de connaissances » chez Pierre

Catégorie N° Séquences de Pierre USE

(C3)

« Susciter la

construction de

connaissances »

S1 Prend connaissance de ses cartes et les colle 2-12

S2 Prend connaissance de la carte « un revers ça va » 26-30

S3 Pense que tout jouer sur le revers est la meilleure stratégie 32

S4 A la confirmation que tout jouer sur le revers est la 43

78

meilleure stratégie

S5 Pense que J va frapper sur son revers 44

S6 Pense que la carte pingouin va lui permettre de gagner des

points 54-56

S7 Prend connaissance de la carte « cloué au sol » 75/76

S8 Réfléchi et trouve la stratégie pour jouer « cloué au sol » 77/78

S9 Pense que la carte « cloué au sol » est mieux que la carte

« pingouin » car elle lui apprend à aller chercher loin 86

S10 Prend connaissance de la carte « faut pas pousser »

118-

123

S11 Construit la signification de la carte « faut pas pousser »

en demandant au chercheur 123

Tableau n°22: Catégorie (C3) « Susciter la construction de connaissances » chez Jules

Catégorie N° Séquences de Jules USE

(C3)

« Susciter la

construction de

connaissances »

S1 Prend connaissance de ses cartes 3-5

S2 Regarde ses cartes 18

S3 Regarde ses cartes 74

S4 Prend connaissance de la carte « balle ovni » 76/77

S5 Essaye la « balle ovni » 78

S6 Se rend compte qu’il joue tout le temps en poussette 107

S7 A la confirmation qu’il joue tout le temps en poussette 123

=> L’élaboration de connaissances sur les cartes au cours du set

Cette élaboration s’effectue par l’activité de lecture des cartes en début de set, lorsque

Pierre et Jules les accrochent à leur demi-table respective (cf. C3/S1 Pierre ; C3/S1 Jules),

mais également par la lecture des cartes au cours du set, lorsque l’un ou l’autre pose la carte

en zone de carte (cf. C3/S2/S7/S10 Pierre ; C3/S4). Les connaissances alors construites sont

de l’ordre de la règle propre à la carte, et donnée par sa définition écrite sous la forme

« QUOI ? QUI ? QUAND ? ». Au cours du set, les deux collégiens ont pu également

construire la connaissance technique relative à la définition d’un coup joué en poussette (cf.

C3/S11 Pierre ; C3/S6 Jules). Jules en testant la balle OVNI, se construit une connaissance

expérientielle sur les caractéristiques aléatoires des rebonds de cette balle (cf. C3/S5).

79

=> L’élaboration de connaissances tactiques au cours du set

Pierre lors de l’EAC, nous a beaucoup renseignés sur son activité stratégique. Nous

avons pu mettre en évidence chez lui, une activité de mobilisation et de construction de

connaissances tactiques au moment de la pose d’une carte par l’adversaire. En effet, lorsque

Jules pose sa première carte « Un revers ça va », Pierre nous explique qu’à ce moment là, il

connait la solution pour contrer l’interdiction de faire plus d’un revers : C : « Donc en fait euh

tu savais comment résoudre le problème ? » P : « ouais, faut se décaler » C : « c'est-à-dire

euh faut se décaler en fait ? » P : « Ben faut… faut anticiper la balle qu’on lise vite la

trajectoire de la balle » (Extrait n° de l’EAC de Jules). Ensuite, Pierre émet l’hypothèse

qu’en jouant sur le Revers de Jules il va gagner des points, ce qu’il validera effectivement au

regard des 4 premiers points (cf. C3/S4 Pierre) : P : « (...) parce que… au début j’étais pas,

j’étais pas très sure, mais après avec ces résultats j’me suis dis ça marche bien » (Extrait n°

de l’EAC de Pierre).

Lorsqu’il pose à son tour la carte « Ping-ouin », Pierre s’appuis sur sa connaissance

expérientielle de la carte pour mettre en place sa stratégie de gain de points (cf. C3/S6). En

effet, lors de l’EAC, Pierre nous explique qu’il fait ce choix « parce que quand j’ai testé je

savais très bien que j’avais du mal à me déplacer avec » (Extrait n° de l’EAC de Pierre).

Pierre s’attend alors à ce que Jules ait des difficultés. Cependant, cela se révèle infructueux au

regard de l’évolution du score en faveur de Jules durant la durée de cette carte.

Lorsque Pierre joue sous la contrainte de la carte « Cloué au sol », c'est-à-dire avec les

deux pieds fixes, il construit les connaissances suivantes : « Avoir les pieds cloués au sol

m’oblige à aller chercher loin et à bien me positionner » (cf. extrait n° de l’EAC de Pierre),

« L’exercice proposé par cette carte m’apprend à anticiper sur la balle en évitant de faire des

pas inutiles » (cf. extrait n° de l’EAC de Pierre).

80

=> L’élaboration de connaissances sur soi au cours du set

Jules a construit une nouvelle connaissance sur son jeu lorsqu’il jouait sous la contrainte

de la carte « Faut pas pousser ». Effectivement, Jules croit d’abord poser une carte qui pourra

l’avantager et lui faire gagner des points. A l’issue de l’explication du coup technique que

représente la poussette, Jules croit qu’il ne joue jamais comme ça, et s’engage donc dans le

premier point, relativement confiant. Les deux élèves, doivent donc jouer sans utiliser de

poussette. Jules réalise alors à l’issu de ce premier point qu’il s’est trompé : « mais je joue

tout le temps comme ça moi ! » (Extrait du Volet 1 de Jules), C : « Ouais et donc là au

moment où tu t’aperçois que tu dois plus faire de poussette ça t’as fait quoi ? » J : « Ben que

ça va être mort parce que je joue tout le temps comme ça » (Extrait de l’EAC correspondant à

l’extrait du Volet 1 de Jules). Jules construit donc une nouvelle connaissance relative à ses

habitudes de jeu : « je joue tout le temps en poussette ».

1.2.4 Catégorie (C4) « Susciter la communication »

Le Cartaping fait émerger chez les collégiens une activité de communication à propos

du jeu et de son déroulement (Cf. Tableau n°23 et n°24).

Tableau n°23 : Catégorie (C4) « Susciter la communication » chez Pierre

Catégorie N° Séquences de Pierre USE

(C4)

« Susciter la

communication »

S1 Explique ce qu’est la balle de trois à Jules 13-19

S2 Echange verbalement à propos d’un litige de point 52/53

S3 Lis la carte à haute voix 57/58

S4 Echange verbalement sur l’ordre de service avec Jules

pour la carte « cloué au sol » 79

S5 Négocie avec jules pour recommencer un point avec la

carte « cloué au sol » 84-86

S6 Echange verbalement à propos de la carte miroir avec

Jules 114

S7 Demande au chercheur ce que signifie la carte « faut pas

pousser » 123

81

S8 Parle à Jules 141-143

S9 Est en litige avec Jules sur le serveur 163/164

Tableau n°24 : Catégorie (4) « Susciter la communication » chez Jules

Catégorie N° Séquences Jules USE

(C4)

« Susciter la

communication »

S1 Ecoute ce que dit Pierre à propos de la balle de trois 8-13

S2 Parle avec Pierre 20-22

S3 Echange verbalement sur un litige de points avec Pierre 41

S4 Rappel la consigne de la carte « cloué au sol » à Pierre 61

S5 Echange verbalement sur l’ordre de service avec la carte

« cloué au sol » avec Pierre 62

S6 Négocie avec Pierre et accepte de rejouer un point 67

S7 Echange avec Pierre puis avec le chercheur sur la carte

« miroir » 93-95

S8 Lis à haute voix la carte « faut pas pousser » 97/98

S9 Demande au chercheur des explications sur la carte « faut

pas pousser »

101-

104

S10 Parle à pierre 120

S11 Est en litige avec Pierre sur le serveur 139/140

=> Une activité d’explicitation et de verbalisation des cartes et des règles

Lors que les élèves posent leurs cartes, ils doivent les lire à haute voix. Ceci les a amené

à verbaliser, de façon clair, la consigne de chaque carte à l’autre joueur (cf. C4/S3 Pierre ;

C3/S8 Jules). Cependant, nous observons que les élèves n’ont pas toujours respecté cette

consigne d’annoncer la règle à haute voix.

Certaines cartes ont posé des problèmes de compréhension ou d’adaptation vis-à-vis du

déroulement du jeu. Par exemple, Jules va demander à Pierre ce qu’est la carte « Miroir » (cf.

C4/S7 Jules ; C4/S6 Pierre), puis à la chercheuse, afin d’être certain d’avoir bien compris.

Jules se confronte au même problème avec la carte « Faut pas pousser » : il ne sait pas ce

qu’est une poussette et demande donc à la chercheuse une explication (cf. C4/S9 Jules).

=> L’apparition de litige sur le score et l’ordre du service

82

Sur le set, Pierre et Jules ont été trois fois en litige à propos : du score après le 4ème

point

joué (cf. C4/S2 Pierre ; C4/S3 Jules), de l’ordre des serveurs au début des 11 ème et 26 ème

points joués (cf. C4/S4/S9 Pierre ; C4/S5/S11 Jules). Pour chaque litige, les deux élèves sont

parvenus à se mettre d’accord sans l’intervention de la chercheuse.

=> Une négociation de la règle du jeu entre Pierre et Jules

Lors du 12ème

point joué, Pierre fait une faute directe au service. La carte en jeu est la

care « Cloué au sol », elle s’applique à Pierre. Suite à cette faute, Pierre demande à J s’il peut

rejouer le point avec la contrainte de la carte. Jules accepte après un temps d’hésitation mais

se montre mécontent de rejouer le point. Sur cet extrait, Pierre souhaite rejouer le point alors

que la règle de la carte spécifie clairement que l’effet ne dure que durant les deux prochains

points, or il s’agit ici du second point joué avec la carte. Si Pierre négocie la règle de la carte

avec Jules c’est parce qu’il aimait bien cet exercice : P : « parce que j’aimais bien cet

exercice là, j’aimerais bien le rejouer avec un autre service » C : « tu voulais réessayer en

fait ? » P : « Ouais c’était même mieux qu’avec le pingouin j’trouve » C : « en fait c’était

quoi là l’intérêt pour toi en fait ? » P : « ben m’habituer à vraiment aller chercher loin et puis

éviter de faire des pas inutiles » (Extrait n° de l’EAC de Pierre).

1.3 Discussion au regard des hypothèses de J-P Monnet

1.3.1 Favoriser l’engagement singulier des deux élèves sur toute la durée du match

1.3.1.1 Par l’instauration d’un climat ludique et compétitif : la nouveauté, la surprise,

le duel

83

Le Cartaping, sous sa forme ludique et colorée, intrigue les élèves. La curiosité qu’il

suscite de par sa nouveauté, et les émotions qu’il catalyse (cf. C1), favorise l’engagement des

élèves sur l’ensemble du match. Toutefois, une fois l’effet de nouveauté passé, les élèves

auront-ils encore envie de jouer avec des cartes qui peut être, auront pris pour eux, des

connotations négatives (échecs répétés sur une ou plusieurs cartes, sur l’ensemble du match).

Il semblerait au regard de nos résultats, qu’une fois la première utilisation du jeu passée

(phase de familiarisation), l’engouement demeure. Ceci peut s’expliquer par le nombre

important de cartes et de possibilités qui permet au jeu un renouveau sans cesse.

1.3.1.2 Par l’instauration d’un climat de maîtrise : les tâches

L’utilisation d’une carte à un moment critique du jeu, peut être perçue comme un

moyen de « garder » l’élève dans le match, et ce jusqu’à la fin : « Se remotive en regardant

ses cartes » (Pierre, USE 70). Il semblerait donc que la dimension ludique et stratégique

apportée par l’utilisation des cartes, permette à l’élève en situation dominée dans le rapport de

force, de ne pas se démotiver trop vite et de continuer à s’investir. L’utilisation de carte

permettrait à chaque élève de se fixer des buts à plus ou moins longs terme au cours du match

favorisant leur poursuite malgré leur domination au score. En effet, nous nous apercevons que

certaines fois, les élèves ressentent des émotions positives vis-à-vis de la réussite d’un point

(joué sous la contrainte d’une carte) alors qu’ils sont devancés au score. Cette émotion

positive peut être due à la réussite d’une tâche jugées difficile, plus qu’au gain du point pour

lui-même. De ce point de vue, nous pouvons considérer Le Cartaping comme un

« catalyseur » de défis à surmonter pour les élèves (cartes rouges et violettes) à l’aide de ses

propres moyens et d’autres cartes (oranges et vertes). Dès lors, nous pourrions envisager

d’utiliser ce jeu comme un moyen de susciter l’insatisfaction de l’élève afin de le faire entrer

84

dans une activité d’apprentissage. Nous convoquons ici, le concept d’insatisfaction-

satisfaction mis en évidence par Lavie et Roussel (2008) à l’origine de l’engagement de

l’élève dans une démarche de progression.

1.3.2 Favoriser les capacités motrices par l’acquisition de connaissances techniques et

tactiques

Nos résultats montrent que l’utilisation des cartes, provoque chez les élèves la

construction de connaissances technique et tactique (cf. C3). Le Cartaping a donc une

incidence sur l’évolution des capacités motrices des élèves. Toutefois, il nous faut surligner le

fait que l’activité stratégique suscité par l’utilisation des cartes est fortement dépendante de la

nature des cartes en la possession des élèves, du jeu adverse et surtout d’un vécu antérieur de

l’élève. En effet, le choix de pose des cartes des élèves relève à la fois de préoccupations

singulières mais également de la mobilisation de connaissances expérientielles sur les cartes.

Ainsi, si l’élève se construit une expérience négative (échec répété avec une carte) il aura

tendance à ne pas l’utiliser, pour ne pas perdre de point. Ce faisant, nous soulignons ici

l’importance du rôle de l’enseignant sur le choix des cartes et sur le règlement lié au

déroulement du jeu.

1.3.3 Provoquer des situations de négociation et de litiges pour un travail de la règle et

du rapport à l’autre

Lors de ce chapitre, nous avons mis en évidence des phases de verbalisation des cartes,

d’explicitation d’une règle, de litige de point au cours de l’activité des élèves. Ce faisant nos

résultats corroborent l’idée d’une incidence du Cartaping sur le rapport à la règle et à l’autre.

Toutefois, notre analyse ne nous permet pas de faire la preuve d’une réelle transformation. En

revanche, elle nous permet de souligner l’intérêt de ce jeu pour créer des situations

85

d’interactions entre les élèves favorables au travail en EPS du rapport à la règle et aux autres.

Dans cette optique, il nous semble important d’insister sur le rôle de l’enseignant pour

exploiter ces situations à des fins de transformation des attitudes des élèves.

1.4 Discussion au regard des travaux en action située

1.4.1 Une activité d’apprentissage par élaboration de connaissances

Les travaux de Sèves et coll. (2003) ont montré qu’au cours des compétitions de tennis

de table, l’activité d’apprentissage des pongistes experts repose essentiellement sur la

validation et la construction de connaissances relatives aux particularités de l’adversaire et à

la situation d’interaction présente. Guérin et coll. (2005), et Rossard et coll. (2005) ont

également mis en évidence cette activité d’apprentissage au cours de matchs à thème. Notre

étude va dans le sens de ces travaux, puisque lors de leur match de Cartaping, les élèves ont

également construit des connaissances relatives à l’adversaire et à la situation d’interaction,

c'est-à-dire relative à la pose des cartes et aux contraintes qu’elles impliquent sur leur jeu (cf.

Catégorie d’effet C3). Ils ont également pu construire des connaissances sur leur propre jeu :

améliorer la connaissance de son style de jeu, vérifier son efficacité sur certains coups

techniques, etc.

1.4.2 Une activité d’exploration/application de stratégie de jeu

Guérin et coll. (2005), Sèves et coll. (2002), Rossard et coll. (2005) ont montré que

l’activité d’élèves, de pongistes experts, ou d’étudiants « débutants » lors d’un match, ou d’un

match à thème, se caractérisait par une phase d’exploration du jeu adverse, puis d’exécution

d’une stratégie. Nos résultats vont dans le sens de ces travaux, puisque nous avons montré que

86

les collégiens ont développé une activité d’exploration/application, c'est-à-dire : tester sur

quelques points une stratégie, pour voir comment l’autre réagit et en déduire l’efficacité de

celle-ci pour l’utiliser dans la suite des points (cf. Catégorie C2). Toutefois, Rossard et coll.

(2005) mettent en évidence que l’activité d’exploration lors d’un match à thème (« le

Banco »), s’arrête lorsqu’une solution efficace a été trouvée. Ces auteurs en concluent que la

validation d’un « banco » par la rupture effective de l’échange sur des configurations de jeu

en début de match, a pour effet d’ériger cette configuration comme la configuration

préférentielle pour rompre l’échange et limite de fait la recherche d’autres configurations

favorable au cours du match. Or lors du set de Cartaping, les élèves ont pu tester et valider-

invalider plusieurs stratégies de jeu. Nous pourrions souligner alors ici, l’intérêt du Cartaping

pour susciter une activité d’exploration plus riche à l’issue d’un set joué. Cependant, cette

activité accrue d’exploration/application étant suscitée par l’utilisation des cartes au cours du

jeu, elle dépend alors essentiellement des préoccupations des élèves à l’instant t du set. Il est

donc difficile de contrôler à priori cette activité d’exploration/application. Toutefois, en jouant

sur la nature des cartes et leur nombre il semblerait que l’enseignant puisse orienter cette

activité de façon plus précise.

1.4.3 Rapport de force et respect de la consigne

Notre étude met en évidence des résultats que nous qualifierons de « contre intuitifs »

au regard de ce que montre Guérin et coll. (2005) à propos de la transgression de la règle en

situation de rapport de force dominé, lorsque les élèves sont en relative autonomie sur une

situation de match à thème. En effet, lors du set de Cartaping, les élèves n’ont pas transgressé

les règles prescrites par les cartes du jeu au profit d’une préoccupation qui pourrait s’avérer

divergente avec celle de l’enseignant, puisque la seule transgression, est celle de Pierre,

87

relative au déroulement du jeu et qu’elle est motivée par l’envie de retravailler encore une

fois l’exercice qu’implique la carte (cf. C4/S5 Pierre : rejouer un point).

Cette observation nous amène à discuter de l’intérêt du statu que recouvre le Cartaping

auprès des élèves vis-à-vis du statu d’une situation « prescrite » par l’enseignant et

correspondant au même match à thème que la carte, dans une perspective d’engagement dans

une démarche d’apprentissage des élèves. Il semblerait que l’aspect ludique du Cartaping et le

degré d’auto-détermination qu’il laisse à l’élève soit bénéfique à cet engagement : « parce que

tu travailles mais sans te rendre compte réellement de ce que tu fais, en jouant » (Extrait de

l’entretien bilan de Pierre).

2. Etude de cas n°2 : « « La leçon Cartaping » et

l’enseignant »

A partir des données de l’EAC, nous pouvons mettre en évidence que l’activité de Jean

pour cette « leçon Cartaping » s’est déroulée en deux phases distinctes : (1) Une phase de

planification de la leçon à l’aide du Cartaping ; (2) Une phase de mise en place de « la leçon

Cartaping ».

2.1 La planification de la « leçon Cartaping »

=> Donner de la cohérence à sa leçon : une tâche complexe face à la multitude de cartes

Lors de l’EAC, nous avons questionné Jean sur sa phase de planification. Il nous a

confié qu’il avait eu un peu de mal à faire du tri dans les cartes : « (…) le problème que j'ai

rencontré c'est ça quoi, que y avait beaucoup de carte et que assez vite fallait que je fasse un

tri (…) » (Extrait n°2 de l’EAC de Jean). Jean a donc procédé à un tri des cartes en les

parcourant de façon à faire des tas de cartes en fonction de thèmes commun de travail

88

auxquelles elles se rapportaient : « (…) y avait plein de cartes sur le travail du service, et puis

on travaille aussi sur rotation avant ou rotation arrière ou pas d'effet, donc voilà j'ai fait une

sélection aussi par rapport à ça, et puis ensuite j'ai fait euh une sélection aussi que j'ai retenu

c'est les cartes que j'trouvais vraiment marrantes parce que j'avais envie de les faire

essayer » (Extrait n°4 de l’EAC de Jean). Nous comprenons alors que deux types

d’engagement ont animé Jean pour préparer : (E1) Faire travailler les étudiants sur un objectif

précis ; (E2) Faire découvrir des cartes marrantes aux étudiants. De la multitude de cartes se

pose tout de suite le problème de la pertinence du choix des cartes et de la cohérence entre les

moments de la leçon. Jean étant contraint par l’expérience de sélectionner plusieurs formats

pédagogiques pour mener sa leçon, sa préoccupation forte à l’issue de la découverte des

cartes est de sélectionner des formats pédagogiques qui vont lui permettre d’atteindre ses deux

objectifs de travail et de découverte. Il a retenu quatre formats pédagogiques, les trois

premiers ont été ceux expliqué dans le chapitre méthodologie, le dernier était différent de

celui qui a été finalement mis en place dans la leçon. Le format pédagogique n°1 devait

permettre à Jean d’utiliser trois cartes comme trois matchs à thème, valable pour l’ensemble

des étudiants. Le format pédagogique n°2 devait permettre de faire travailler les étudiants

autour d’un thème commun : « (…) j'avais l'idée de poser à partir des cartes sur le service

d'en poser une sur chaque table en montante descendante ça permettait d'avoir un objectif

commun c'était le travail sur le service, y avait une montante descendante et puis ils

changeaient à chaque fois de match à thème » (Extrait n° de l’EAC de Jean). Le format

pédagogique n°3 devait permettre de faire un travail en groupe de besoin à partir d’un

ensemble de carte sélectionnée au regard du thème commun qu’elles abordent. Nous

comprenons que le choix de ces trois premiers formats pédagogiques relève principalement de

l’E1 de Jean. Enfin le dernier format envisagé était de faire tourner les cartes à chaque match

en supprimant la montante-descendante. Se faisant nous comprenons que le choix de ce

89

format pédagogique relève plus fortement de son E2 que de son E1 : « (…) alors que quelque

part de faire tourner, bon ça supprime la M/D, mais t'es sur qu'ils passent par tous les matchs

à thèmes » (Extrait n°11 de l’EAC de Jean).

Une des préoccupations essentielles de Jean lors de cette phase de planification, relevant

de son E1, était de choisir des formats pédagogiques qui puissent permettre d’optimiser la

mise en activité des étudiants : « C'est quelque chose d'important pour moi c'est que la séance

elle tourne » (Extrait n°15 de l’EAC de Jean). La signification d’une séance qui tourne pour

Jean repose sur la quantité de pratique des étudiants : « C'est que les élèves ils sont beaucoup

en activité, qu'ils en bouffent » (Extrait n°16 de l’EAC de Jean). Dès lors, nous comprenons

que l’activité de Jean lors de cette phase de planification a été de concilier ses propres

exigences d’enseignant, à celles de l’expérimentation d’une « leçon Cartaping ».

2.2 L’activité de Jean durant la « leçon Cartaping »

Lors de ce point, nous aborderons des extraits vidéo, afin de renseigner 10 signes,

répartis sur toute la durée de la leçon à savoir entre 4 temps correspondant aux 4 formats

pédagogiques expérimentés :

- Format pédagogique n°1 : signes 1, 2, 3, 4, 5

- Format pédagogique n°2 : signes 6, 7

- Format pédagogique n°3 : signe 8

- Format pédagogique n°4 : signes 9, 10

La présentation de ces 10 signes respecte la chronologie des événements de façon à

rendre compte au plus près de l’histoire de la leçon qu’a vécu Jean, et de la dynamique de ses

préoccupations.

90

2.2.1 Contextualisation de la « leçon Cartaping »

La leçon « Cartaping » s’est déroulée le mardi 15 février 2011 de 17h à 19h, au

gymnase des STAPS. Jean est arrivé alors que les étudiants avaient déjà installé une partie des

tables. Pendant que les étudiants étaient en autonomie pour l’installation et la première partie

de l’échauffement (échauffement libre), Jean a installé le matériel pédagogique dont il avait

besoin. Ce « coin matériel » se situait derrière les tables 4 et 5. Il y a déposé les différentes

cartes prévues en petits tas selon leur ordre d’utilisation dans la leçon. Puis il a attendu que

nous finissions d’installer notre matériel pour débuter sa leçon.

2.2.2 Extrait vidéo n°1 « Présentation de la leçon à la classe »

Cet extrait vidéo réunit deux signes. Il se situe au tout début de la leçon, lors de la mise

en place du format pédagogique n°1 : l’échauffement (cf. tableau n°).

Tableau n° : Extrait du récit réduit de Jean

TEMPS USE DESCRIPTION DES ACTIONS

0’38 1 S’adresse à la classe : « Top ! Vous venez là… venez ici » (SIGNE 1)

2 Est debout et regarde les trois cartes qu’il a dans ses mains en attendant les

étudiants

Jusqu’à

1’46 3

Il continue en s’adressant à la classe : « Alors aujourd’hui on va essayer de

faire une euh, une leçon à partir du, du Cartaping, donc euh j’expérimente

puisque j’ai jamais enseigné avec ça hein. Vous allez voir y a différentes

manières d’utiliser le Cartaping. Alors premier truc j’utilise trois cartes que j’ai

sélectionnées pour faire office d’échauffement. D’accord ? Donc c’est trois

matchs à thème. J’vous présente le premier, euh… ça s’appelle « cours

toujours » (il montre la carte aux étudiants), (il lit la carte) on doit jouer court,

la balle doit pouvoir rebondir deux fois sur la demi-table adverse sinon le point

est perdu (il relève la tête) d’accord ? (SIGNE 2) Donc là on utilise cette

carte là normalement c’est limité pendant les six prochains points, là c’est un

match directement, match à thème. Bon, d’accord ? Si euh y a qu’un seul

rebond sur la table puis qu’ensuite ça sort c’est perdu, donc on joue court c’est

91

la seule contrainte. Est-ce que c’est bon ? »

J est en retrait et observe les étudiants qui s’échauffent librement. Dans ses mains il tient

trois cartes. Lorsque le chercheur revient vers lui J intervient pour arrêter le groupe et

démarrer la leçon.

SIGNE 1

S’adresse à la classe : « Top !

Vous venez là… venez ici »

Verbalisation de l’enseignant J : Alors là d'habitude euh j'ai toujours un peu dans l'idée de la quantité d'activité tout ça enfin bon, avec

eux je les rassemble jamais…

C : tu ne les rassemble jamais donc déjà là...

J : je les rassemble jamais, je les rassemble éventuellement en fin de leçon si j'ai des trucs à leur dire, un

bilan où si je veux leur parler de la semaine d'après mais

C : ok et donc pourquoi là tu les a rassemblés ?

J : le début de cours avec eux, ils arrivent ils connaissent les règles, se sont des étudiants staps, ils arrivent

moi j'ouvre le machin et euh ils installent les tables et puis ils s'échauffent, puis ensuite souvent je dis stop

et y a le silence de toute façon et puis j'les lance sur les situations

C : ouais d’accord

J : là pourquoi je les rassemble ben c'est parce que y a un fonctionnement un peu particulier aujourd'hui,

que les situations que j'ai choisie se ne sont pas des situations que j'ai déjà faite donc j'ai ressentie la

nécessité de les rapprocher (…)

C : et du coup tu te sentais comment quand tu as bousculé tes habitudes ?

J : bah avec ces étudiants là euh on craint pas grand chose hein, c'est le deuxième semestre en plus ça c'est

un groupe avec qui je m'entends très bien donc j'ai pas d'anxiété, y a juste qu'il y a un peu d'incertitude

donc je sais pas trop comment ça va fonctionner, bon euh voilà c'est tout. C'est neutre quoi j'veux dire y a

pas non plus d'émotions positives ni négatives, y en aura après dans la leçon.

C : est-ce que si on utilise l'échelle de plaisir-déplaisir tu te situerais où?

J

92

J : ben j'te dis c'est neutre donc ce serait aux alentours de 0

Construction locale

SIGNE 1

Engagement (E) Echelle Plaisir/ Déplaisir : 0 (neutre)

E1 : Faire progresser les étudiants sur un objectif précis

E2 : Faire découvrir des cartes amusantes aux étudiants

Représentamen (R)

R1 : Les étudiants qui s’échauffent

R2 : La chercheuse qui installe son matériel

R3 : Les trois cartes qu’il a dans ses mains

Préoccupation(s) (eR)

eR1 : Expliquer une nouvelle façon de faire le cours aux étudiants (format pédagogique

n°1)

eR2 : Ne pas perdre de temps

Actualité potentielle (aR)

aR1 : Attente liée à une écoute attentive et au silence de la part des étudiants

aR2 : Attente liée à l’incertitude du bon fonctionnement du format pédagogique n°1

aR3 : Attente liée au retour de la chercheuse qui installe son matériel

Référentiel (sR)

sR1 : Avec ces étudiants pas besoin de rassemblement d’habitude

sR2 : Les étudiants connaissent les règles de début de cours pour l’échauffement libre

sR3 : Lorsque je dis « stop » il y a le silence

sR4 : Les consignes ou bilan en regroupement se font en fin de séance avec ces étudiants

Sentiment : ne sait pas trop où il va, ressent le besoin de rapprocher les étudiants

Unité élémentaire (U)

S’adresse à la classe : « Top ! vous venez là… venez ici »

Lors de l’EAC, l’enseignant explique que généralement il ne fonctionne pas en

regroupant les élèves. C’est la première fois qu’il va réaliser une leçon de Tennis de table à

partir du Cartaping. Il ressent donc des doutes quand à la bonne conduite de sa leçon à venir et

décide de regrouper les étudiants, pour leur expliquer la cohérence et l’organisation de la

leçon. Toutefois si l’enseignant modifie sa routine de fonctionnement, il prend cette décision

sans stress puisqu’il connait ce groupe de L2 et sait qu’ils sont disciplinés. Il s’attend donc à

obtenir le calme et à être compris rapidement. Ces données mettent en évidence un dilemme

propre à l’utilisation d’un nouvel outil en EPS : adapter ses routines de fonctionnement ou en

trouver de nouvelles ? De quelle marge dispose l’enseignant réellement, quelles en sont les

conséquences ? Nous discuterons de ce point lors de la synthèse en fin de présentation des

résultats.

93

A l’issue de cette première intervention, J va attendre que les étudiants se regroupent

pour continuer son discours. Ensuite, il explique aux étudiants qu’il souhaite faire une « leçon

Cartaping » en testant différents formats pédagogiques. Il décrit le premier format

pédagogique pour l’échauffement. Puis, il explique la première carte « cours toujours ». Le

signe n°2 correspond au moment où J demande l’approbation des élèves à l’issue de

l’explication de cette première carte.

SIGNE 2

En relevant la tête, s’adresse à la

classe : « d’accord ? »

Verbalisation de l’enseignant

J : ben là la carte je la connais pas très bien, j'me suis dis que ça pouvait être intéressant, en fait c'est la carte

qui va poser le plus de problème de toute la leçon

C : c’est vrai ?

J : ouais ouais, donc là je sens d'emblée que, que ça va poser problème cette carte. Très vite, parce qu'en fait

j'leur dis "ok?" pis y en a deux trois qui commencent déjà à me poser des questions quoi (…)

C : et là tu sens déjà que, t'as l'impression que ca va pas fonctionner?

J : ben ouais ouais j'te dis parce que y a les remarques des étudiants, alors déjà je sens que j'maitrise pas bien

la carte parce que je l'a connais pas bien et je sais pas moi même ce que ça va donner, j'ai pas une

connaissance expérientielle, et puis je sens qu'il y a des trucs voilà, à ce moment là c'est tout

Construction locale

SIGNE 2

Engagement (E) Echelle Plaisir/ Déplaisir : 0

E1 : Faire progresser les étudiants sur un objectif précis

E2 : Faire découvrir des cartes amusantes aux étudiants

Représentamen (R)

R1 : La réaction de deux étudiants qui posent une question tout de suite

Préoccupation(s) (eR)

eR1 : Clarifier la compréhension de la carte

Actualité potentielle (aR)

aR1 : Attente liée au mauvais fonctionnement de la carte « cours toujours »

Référentiel (sR)

sR1 : N’a pas de connaissance expérientielle sur la carte

sR2 : Lorsqu’il y a des questions dès le départ la situation va poser problème

94

Sentiment : sent qu’il ne maîtrise pas bien la carte, que ça ne va pas fonctionner

Unité élémentaire (U)

En relevant la tête, il s’adresse à la classe : « d’accord ? »

A cet instant, ce qui fait tout de suite sens pour J, ce sont les réactions de deux étudiants

qui commencent à poser des questions. Par expérience, J sait que si il y a interrogations

d’emblée, alors la situation risque de ne pas être comprise et de ne pas fonctionner (. Cette

connaissance couplée aux réactions des élèves et à la méconnaissance des effets de cette

situation sur l’activité des élèves, fait pré-sentir à J que la carte « cours toujours » ne va pas

fonctionner. Sa préoccupation première sera alors d’observer les comportements des étudiants

pour savoir comment ils s’y adaptent, et se bâtir ainsi des connaissances expérientielles sur la

carte.

2.2.3 Extrait vidéo n°2 «Jean observe le comportement des étudiants »

Cet extrait vidéo se situe à la suite du premier (cf. tableau n°).

Tableau n° : Extrait du récit réduit de Jean

TEMPS USE DESCRIPTION DES ACTIONS

4 Regarde les étudiants, debout depuis le fond du gymnase (SIGNE 3)

2’14 5 S’adresse à la classe « Vous pouvez laisser tomber, mais si jamais elle

dépasse vous laissez tomber »

2’40 6 S’adresse à deux étudiants : « essayez, essayez, essayez, j’vais réguler

après » « nan c’est tout le temps »

J vient de lancer la situation, il se déplace d’abord vers les tables hautes puis revient se

placer en arrière au fond du gymnase pour regarder l’ensemble des étudiants en activité à

partir de la carte « cours toujours ». Le signe 3 correspond au moment où J s’arrête pour

observer l’ensemble de la classe, depuis le fond du gymnase.

95

SIGNE 3

Regarde les étudiants, debout

depuis le fond du gymnase

Verbalisation de l’enseignant

C : là qu'est-ce que tu faisais là?

J : ben je regarde toutes les tables et les comportements des étudiants pour voir si ça marche et si ça marche pas.

Donc les indicateurs pour moi c'est euh, est-ce qu'ils sont en train de faire ou pas, mais c'est aussi euh est-ce que

le jeu il est faisable, est-ce que c'est rigolo ou pas, enfin voilà j'essaye de...

C : et tu te focalise sur quoi précisément?

J : là je suis pas sur une table précise je balaye un p’tit peu tout et j'te dis je regarde si euh, si ils échangent ou

s'ils discutent parce qu'il y a des trucs qui marchent pas (…) Construction locale

SIGNE 3

Echelle Plaisir/ Déplaisir : 0 => - (d’un état neutre à un début de déplaisir)

Engagement (E)

E1 : Faire progresser les étudiants sur un objectif précis

E2 : Faire découvrir des cartes amusantes aux étudiants

Représentamen (R)

R1 : Certains étudiants jouent les balles où il n’y a qu’un rebond sur la table

R2 : D’autres étudiants jouent en coopération uniquement central

Préoccupation(s) (eR)

eR1 : Mettre les étudiants en activité

eR2 : Observer et comprendre ce que font les étudiants

Actualité potentielle (aR)

aR1 : Attente liée à la connaissance des véritables problèmes posés par cette carte

aR2 : Attente liée à l’amusement éprouvé par les étudiants

aR3 : Attente liée au fait de trouver un moyen de réguler

Référentiel (sR)

sR1 : Au début de la leçon il faut mettre rapidement les élèves en activité

sR2 : Une fois que les élèves sont en activité c’est plus facile pour réguler

Sentiment : trouve que ce n’est pas très amusant et que ça ne fonctionne pas

Unité élémentaire (U)

Regarde les étudiants, debout depuis le fond du gymnase

Interprétant (I)

Construction du type : I1 :« La carte cours toujours limite le champ des possibles »

En observant les étudiants J se rend compte que ces derniers jouent sur les côtés mais

que la règle de la carte ne permet pas de gagner le point s’il n’y a pas deux rebonds. Il

96

construit de ce fait la connaissance suivante : « la carte cours toujours limite le champ des

possibles ». En effet, il s’aperçoit que pour respecter la règle de la carte, les étudiants ne vont

plus jouer sur les espaces latéraux, mais de plus en plus central afin de faire deux rebonds. En

s’appliquant ainsi, les étudiants basculent en coopération alors que la commande de J était de

faire un match. J trouve alors que la carte ne fonctionne pas comme il l’avait souhaité : « donc

j’me dis c’est nul, ils s’amusent pas, y a pas de quantité de pratique, j’le vois bien, c’est zéro

quoi » (Extrait n° de l’EAC de Jean). Suite à cette phase d’observation, J va intervenir en

tentant de clarifier le plus possible la règle de la carte, ce sera alors sa préoccupation

première.

2.2.4 Extrait vidéo n°3«Jean passe de table en table pour trouver une solution »

Cet extrait vidéo comprend les signes 4 et 5 (cf. tableau n°). Jean a lancé la situation

avec la carte « cours toujours » et trouve que les comportements des élèves ne sont pas

satisfaisant. Il se déplace de table en table afin de trouver un comportement adaptatif qui lui

permette de réguler la situation.

Tableau n° : Extrait du récit réduit de Jean

TEMPS USE DESCRIPTION DES ACTIONS

10 S'adresse à un étudiant: « laissez là jouer si elle tombe »

4’28

4’44 11

S'adresse à un étudiant : « faut jouer le filet, faut jouer le filet. Faut jouer juste

derrière, hyper court » « voilà c’est ça ! »

12 Se déplace vers les tables hautes en regardant la classe

5’25 13 Rigole

6’03

6’36 14 Se déplace et regarde les étudiants de la table 1 (SIGNE 4)

15 S’adresse aux deux étudiants de la table 2 : « ça joue au temps »

16 Regarde les étudiantes de la table 3 et dit « c’est bien, c’est bien, c’est

bien ! » (SIGNE 5)

7’01 7’35

17 S’adresse à la classe : « TOP ! Vous continuez mais je fais une petite variante

97

la règle n’est valable que en profondeur c'est-à-dire que par contre si elle sort

sur les côtés c’est bon » Un étudiant pose une question, J répond : « ouais

ouais comme on veut ouais », « c’est parti ! »

J sait que les étudiants A et J sont des étudiants qui d’habitude s’adaptent très vite aux

situations nouvelles (sR). Il décide d’aller les observer afin d’y trouver une régulation

possible pour l’ensemble du groupe classe.

SIGNE 4

Se déplace et regarde les

étudiants de la table 1

Verbalisation de l’enseignant

J : alors eux je viens souvent les voir parce qu'ils se débrouillent bien ils sont assez futés et c'est une table repère

pour moi, parce que j'me dis que eux quelque part à la fois techniquement c'est parmi les plus à l'aise et aussi au

niveau de l'adaptation j'me dis qu'ils vont peut-être trouver des trucs

C : tu vas à la pêche quoi

J : ouais, tu vois par exemple, puisque j'les regarde leur attitude elle me plait pas quoi, non pas de leur faute hein,

mais j'vois bien qu'il est comme ça ils sont en opposition mais vraiment euh en gros ce que leur corps donne à

voir c'est bon on le fait parce que tu nous le demande mais bon...

C : du coup ça confirme le fait que tu te dis cette carte elle est "pourrie" et là…

J : ouais là, oui c’est sure

Construction locale

SIGNE 4

Engagement (E) Echelle Plaisir/ Déplaisir : -

E1 : Faire progresser les étudiants sur un objectif précis

E2 : Faire découvrir des cartes amusantes aux étudiants

Représentamen (R)

R1 : Les étudiants jouent en coopération de façon nonchalante

Préoccupation(s) (eR)

eR1 : Est à l’affut des productions des étudiants

eR2 : Comprendre l’intérêt de la carte

Actualité potentielle (aR)

aR1 : Attente liée au fait de trouver une solution en observant les étudiants de la table n°1

Référentiel (sR)

sR1 : La table n°1 où se trouve Arnaud et Josselin est une table repère car ces deux étudiants

se débrouillent bien techniquement et montrent souvent un comportement adaptatifs

intéressant.

98

Sentiment : n’aime pas leur attitude car ils se contentent d’échanger la balle

Unité élémentaire (USE)

Se déplace et regarde les étudiants de la table 1

Interprétant (I)

Augmentation de la fiabilité du type : « La carte cours toujours ne fonctionne pas »

J se rend compte que même ces deux étudiants n’ont pas un comportement adaptatif car

ils jouent en coopération dans l’axe central. J sent que ces deux étudiants font leur « métier

d’élève » plus qu’autre chose et qu’ils ne prennent pas de plaisir. J est focalisé sur ce que le

corps des deux étudiants donne à voir. A ce moment là, cette observation va venir renforcer la

connaissance qu’il a construite en amont : « la carte cours toujours limite le champ des

possibles » et va permettre de confirmer son intuition selon laquelle la carte cours toujours ne

fonctionne pas.

J continue son observation en regardant les filles jouer cette fois ci. En les observant, il

relève un comportement adaptatif intéressant : elles attaquent en prenant de l’angle (sans

respecter la règle des rebonds). Cette observation va lui permettre juste après de réguler.

SIGNE 5

Regarde les étudiantes de la table

3 et dit « c’est bien, c’est bien,

c’est bien ! »

Verbalisation de l’enseignant

J : voilà, ben j'me suis dis qu'il fallait pas, j'ai vu que certain le jeu la carte elle repose sur le fait qu'on ne peut

pas jouer en profondeur mais pour que ça devienne intéressant il faut qu'ils puissent attaquer sur les côtés en

prenant l'angle quoi

1. J : là quelque part comme elles le font je dis "c'est bien c'est bien c'est bien" et euh...

C : ça y est ça repart ?

J : ouais c’est jouable ça devient intéressant

C : et euh avant ce petit épisode au niveau plaisir déplaisir t'étais à quel niveau?

J : mouais, bah c'est pas du stress mais j'étais gêné parce que ça me plaisait pas donc ce serait versant négatif et

j'suis à l'affut pour trouver un moyen de renverser le truc et quand ça fonctionne c'est l'inverse parce que j'suis

content d'avoir trouver quelque part on m'a posé un problème et j'ai résolu le truc quoi, plutôt contente ouais

Construction locale

SIGNE 5

99

Engagement (E) Echelle Plaisir/ Déplaisir : de – vers +

E1 : Faire progresser les étudiants sur un objectif précis

E2 : Faire découvrir des cartes amusantes aux étudiants

Représentamen (R)

R1 : Les filles jouent en double rebond puis coupent sur les espaces latéraux proches du filet

Préoccupation(s) (eR)

eR1 : Est à l’affut des productions des étudiants

eR2 : Comprendre l’intérêt de la carte

Actualité potentielle (aR)

aR1 : Attente liée à la résolution du problème de la carte

Référentiel (sR)

sR1 : La carte repose sur le fait qu’on ne peut pas jouer en profondeur

Sentiment : est content d’avoir trouvé

Unité élémentaire (U)

Regarde les étudiantes de la table 3 et dit « c’est bien, c’est bien, c’est bien ! »

Interprétant (I)

Construction du type : « Pour que ça devienne intéressant il faut qu’ils puissent attaquer sur

les côtés en prenant l’angle »

A l’issue de cette phase d’observation, J construit la connaissance suivante : « Pour que

ça devienne intéressant il faut qu’ils puissent attaquer sur les côtés en prenant l’angle ». C’est

à partir de cette nouvelle connaissance que J va baser sa régulation : « TOP ! Vous continuez

mais je fais une petite variante la règle n’est valable que en profondeur c'est-à-dire que par

contre si elle sort sur les côtés c’est bon » (…) « c’est parti ! » (Extrait du cours d’expérience

de Jean USE 15). J modifie la règle de la carte pour faire en sorte que les étudiants passent sur

de la confrontation et non de la coopération. Suite à cette régulation, J va intervenir

essentiellement pour clarifier la nouvelle règle et valoriser les étudiants qui tentent d’attaquer

les espaces latéraux.

2.2.5 Extrait vidéo n°4«Jean rassemble la classe pour un bilan »

Cet extrait vidéo comporte le signe n°6 (cf. tableau n°). Il montre la phase de transition

entre le format pédagogique n°1 (l’échauffement) et le n°2 (le travail sur le service).

100

Tableau n° : Extrait du récit réduit de Jean

TEMPS USE DESCRIPTIONS DES ACTIONS

86 S’adresse à une étudiante : « ouais bien joué, aller oh tu t’arrêtes de jouer là

(rire) »

28’34 87 Traverse les tables pour observer les étudiants depuis l’autre côté

88 Regarde sans bouger la classe

29’54 89 S’adresse à la classe : « TOP ! Vous venez ici ! » (SIGNE 6)

30’12 90

S’adresse à la classe : « Aller, rapprochez vous ! Alors en bilan de cet

échauffement ? en bilan, euh y a plusieurs limites mais là j’pointe surtout les

intérêts : un, ça casse un peu par rapport à euh la logique interne de l’activité

un peu mais c’est assez bien parce que les cycles autrement les élèves ils font

tout le temps la même chose, c’est original assez ludique, et puis ça suscite

des capacités d’adaptation un petit peu original quelque part donc euh mais

j’trouve ça plutôt pas mal »

L’enseignant va rassembler les étudiants car il s’apprête à changer de format

pédagogique pour basculer vers un fonctionnement en M/D. Il tient à présenter ce choix et

montrer aux étudiants comment il introduit un travail sur le service à partir des cartes du

Cartaping.

SIGNE 6

S’adresse à la classe :

« Top ! Vous venez ici »

Verbalisation de l’enseignant

C : Ok donc là tu les rassemble, c'est la fin de l'échauffement...

J : ah oui parce que là il va y avoir un changement d'organisation, donc euh je voulais quand même leur

expliquer que ce nouveau fonctionnement c'était une nouvelle possibilité d'exploiter le cartaping, donc j'vous dis

comment je fonctionne. bon je crois qu'auparavant j'ai mis une carte sur chaque table

C : ouais t'es passé et t'as mis pendant qu'ils terminaient l'échauffement

J : et donc j'avais un paquet où chaque carte permettait le travail au service. Donc ça j'voulais essayer de voir

comment on pouvait choisir des cartes au cartaping et les resserrer autour d'un thème de travail

C : tu vas voir c'est intéressant j'trouve de voir ce que ça donne les différents formats pédagogiques

J : ouais ben j'voulais vraiment voir ce que ça donnait. Ouais bon là, autant tout à l'heure j'avais un peu du flou

sur la compréhension de certaines cartes autant là c'est l'autoroute

C : tu t'attendais à ce que se soit compris rapidement?

101

J : bah M/D je sais que ça fonctionne, c'est vraiment structurant, en plus ces gamins là je sais qu'ils vont vraiment

jouer les matchs parce que pour eux ça les branchent, ensuite les cartes tout est sur le service y a pas de difficulté

à comprendre, par contre assez vite j'me pose la question… Construction locale

SIGNE 6

Engagement (E)

E1 : Faire progresser les étudiants sur un objectif précis

E2 : Faire découvrir des cartes amusantes aux étudiants

Représentamen (R)

Préoccupation(s) (eR)

eR1 : Recentrer l’activité des étudiants autour d’un thème de travail : le service

eR2 : Expliquer le format pédagogique n°2

Actualité potentielle (aR)

aR1 : Attente liée au fait que le format pédagogique utilisé fonctionnera bien c'est-à-dire que

les étudiants seront rapidement en activité

aR2 : Attente liée au fait qu’il n’y aura pas de difficulté de compréhension

Référentiel (sR)

sR1 : La M/D c’est structurant pour les étudiants

sR2 : Ces étudiants là vont vraiment jouer les matchs parce que ça les motive

Sentiment :

Unité élémentaire (U)

Rassemble les étudiants autour de lui pour expliquer le format pédagogique n°2

Ici, l’enseignant rompt sa routine en regroupant les étudiants, mais cela ne l’affecte pas

puisqu’il connait la plupart des cartes qu’il va utiliser et qu’il sait que ses étudiants ont

l’habitude de l’organisation en M/D. Il s’attend donc à être très vite compris et à ce que les

diverses situations fonctionnent bien.

Une fois la M/D lancée, l’une de ses préoccupations sera de trouver un moyen pour

que les étudiants passent sur un plus grand nombre de cartes. En effet, après quelques

rotations, il s’aperçoit que les étudiants se stabilisent dans les tables et ne jouent pratiquement

qu’avec une ou deux cartes. Or à ce moment là, l’engagement « susciter une relation de plaisir

à la pratique » devient plus fortement influant dans ses préoccupations. Il sera plus préoccupé

par le plaisir ressenti par les étudiants ainsi que le sien, dans les situations que par leur activité

d’apprentissage durant les deux prochains formats pédagogiques (n°3 et n°4).

2.2.6 Extrait vidéo n°5«Jean prépare l’organisation du format pédagogique

n°3 »

102

Cet extrait vidéo, comprend le signe 7 (cf. tabelau n°). Alors que les étudiants jouent

en M/D, J prépare l’organisation du prochain format pédagogique (n°3) à savoir un

regroupement par groupe de besoin. J va d’abord déposer les paquets de cartes entre les tables

pour ne pas perturber le fonctionnement pédagogique n° 2 qui tourne. Il préfère laisser tourner

les étudiants pour ensuite expliquer groupe par groupe le fonctionnement.

SIGNE 7

J dépose un paquet de carte à

terre entre la table n°1 et n°2

Verbalisation de l’enseignant

C : Là on voit que tu passe entre les tables et que tu dépose entre les tables des cartes, plusieurs cartes par terre…

J : ouais si y avait eu 6 j'aurais fait 2, 2, 2 mais là y avait 9 donc j'ai fait 3,3,3. Et puis plutôt que d'arrêter tout et

d'expliquer, mon idée c'était qu'ils fonctionnent en trois groupes donc là pour le coup c'était un peu par rapport à

des thématiques mais ça aurait pu être pour des groupes de besoin, donc je vais laisser la M/D rouler je vais aller

voir un groupe leur expliquer, puis un autre groupe, pour pas faire une grande messe quoi

C : donc t'as une double préoccupation quoi ?

J : ouais ça je sais que c'est une procédure qui fonctionne bien avec les classes en EPS plutôt que de rassembler

tout le monde et faire une grande messe tu laisse quelque chose qui fonctionne bien, j'ai utilisé ça

Construction locale

SIGNE 7

Engagement (E)

E1 : Faire progresser les étudiants sur un objectif précis

E2 : Faire découvrir des cartes amusantes aux étudiants

Représentamen (R)

R1 : Les cartes sélectionnées

R2 : Le nombre de table et d’étudiant

Préoccupation(s) (eR)

eR1 : Faire travailler les étudiants par thématique

eR2 : Gérer l’hétérogénéité des élèves (groupe de besoin)

eR3 : Faire découvrir un nouveau fonctionnement avec les cartes du jeu

Actualité potentielle (aR)

aR1 : Attente liée à la bonne transition des étudiants sur le prochain format (sans perte de

temps)

Référentiel (sR)

103

sR1 : Il vaut mieux prendre les élèves par groupe pour leur expliquer et laisser les autres

fonctionner pendant ce temps car c’est une procédure qui fonctionne bien en EPS

Unité élémentaire (U)

J dépose un paquet de carte à terre entre la table n°1 et n°2

Nous comprenons qu’à ce moment, J est focalisé sur le nombre d’étudiants et le

nombre de tables afin de créer trois groupes autour des trois thèmes de carte qu’il avait

sélectionnée amont de la leçon. Grâce à l’EAC, nous comprenons que cette sélection a été

réalisée plus par rapport à une volonté de faire découvrir des cartes (E2) et d’expérimenter des

formats pédagogiques plus que de travailler par groupe de besoin (E1).

2.2.7 Extrait vidéo n°6 « J prend un groupe à part »

Cet extrait vidéo comporte le signe 8 (cf tableau n°). Lors de cet extrait, Jean prépare

le prochain format pédagogique (n°4 : découverte des cartes).

Les deux premiers groupes jouent déjà à partir des cartes présélectionnées par J, et le

troisième groupe est encore sur la M/D. J regroupe les étudiants afin de leur expliquer ce

nouveau fonctionnement et ce qu’ils ont à faire. Nous allons voir comment J s’approprie les

cartes avec les étudiants.

SIGNE 8

J explique les cartes au groupe n°3 et

une étudiante pose une question

Verbalisation de l’enseignant

J : alors là c'est pareil je connais pas les cartes, sur une carte c'est si tu touche la cible ou si faut conclure en

marquant sur la cible, là elle me pose des questions j'suis un peu en impro non planifiée, donc je repars sur le

104

bon sens vis à vis de match à thème que je connais donc il faut valoriser la cible mais pas empêcher de marquer

quand on atteint pas la cible.

J : C il va me dire un truc "match en 11 points, 10 points ca va être un peu court!!" là c'est l'exemple typique

que j'improvise des règles, je jongle avec pas mal de trucs en plus car dans le Cartaping normalement c'est un

seul des deux qui va avoir la carte tandis que là mon idée c'était de dire on change à chaque changement de

service, tu vois ça amène des adaptations par rapport au jeu classique du Cartaping puisque là ça doit concerner

les deux joueurs. Et c'est vrai que y a des moments où j'suis un peu en live quoi!

C : et là ta préoccupation principale c'est quoi?

J : ah bah la c'est le passage d'un fonctionnement en M/D à un fonctionnement en groupe de besoin et que ça se

fasse rapidement, c'est une préoccupation permanente ça que ça se fasse rapidement.

Construction locale

SIGNE 8

Engagement (E)

E1 : Faire progresser les étudiants sur un objectif précis

E2 : Faire découvrir des cartes amusantes aux étudiants

Représentamen (R)

R1 : Ce que disent les étudiants

Préoccupation(s) (eR)

eR1 : Ne pas perdre de temps, mettre en activité rapidement

eR2 : La transition entre un mode de fonctionnement en M/D et un mode de fonctionnement

en groupe de besoin

Actualité potentielle (aR)

aR1 : Attente liée à la recherche, par les élèves d’une solution de façon rapide

Référentiel (sR)

sR1 : Ne connait pas très bien toutes les cartes

sR2 : Avec ces étudiants, on peut se permettre de les laisser chercher une solution

Unité élémentaire (U)

J explique les cartes au groupe n°3 et une étudiante pose une question

Interprétant (I)

Construction du type : « Il faut adapter les cartes du Cartaping selon le format pédagogique

utilisé »

Lors de ce passage, J rencontre la difficulté suivante : une étudiante demande qui doit

prendre la cible et comment gérer les changements vu que la carte s’applique en principe à un

seul joueur et que J a demandé à ce qu’elle s’applique aux deux dans la mesure du possible.

Une autre question apparaît également sur la valorisation des points lorsque la cible n’est pas

touchée. Nous observons que J sollicite les étudiants en construisant à haute voix avec eux la

solution la plus adaptée en fonction de ses exigences et des possibilités de matériel. Il nous dit

en EAC qu’il improvise complètement mais qu’il se rattache toutefois à des situations à thème

qu’il a déjà expérimenté en convoquant le principe de valorisation des points sur lequel il sait

que la carte doit reposer pour fonctionner. De ce fait, s’instaure un dialogue avec les étudiants

pour trouver la meilleure solution.

105

2.2.8 Extrait vidéo n°7 « J prépare la transition vers le format pédagogique n°4 »

Pendant que les étudiants continuent à jouer avec les cartes du format pédagogique n°3,

J va retourner vers les cartes qu’il avait déjà mises de côté pour le format pédagogique n°4.

SIGNE 9

Regarde les cartes par terre

Verbalisation de l’enseignant

C : là tu regardes les autres cartes

J : ouais en gros j'avais prévu un 4ème temps avec ou non pas avec de la M/D, avec les cartes barrées, je voulais

terminer avec les cartes complètement. et là j'hésite entre zapper ça et puis les faire tourner complètement là

dessus, et j'hésitais aussi entre finalement ce groupe là venaient travailler sur les autres cartes et une rotation

comme ça. Et en fait ce que je vais faire euh parce que les cartes qui sont proposées c'est très proche des matchs

à thèmes qu'on fait d'habitude, j'ai pas senti un enthousiasme débordant

J : pour ces cartes, donc je vais faire le choix, ils vont faire leurs tours, et puis en fait je vais faire le choix de

venir remplacer ces cartes là, par des cartes

C : complètement barrées

J : ouais, et en fait j'vais les placer une sur chaque table, et je vais enchaîner avec le mouvement des joueurs de

telle manière à ce qu'ils passent tous par les cartes et là j'vais vraiment me fendre la gueule, j'vais vraiment

rigoler

C : ta préoccupation c'était quoi?

J : ben je suis pas sur l'exploitation des matchs à thème puisqu'ils ont tous des matchs différents

C : ouais t'es dans l'animation là

J : j'suis dans l'animation, ensuite les matchs ils les connaissent, pff, j'suis plus sur qu'est-ce que j'vais faire par la

suite et vu que je m'amuse pas trop j'vais ramener mes cartes barrées, on termine c'est un peu en live... les

dernières cartes elles m'intéressent

Construction locale

SIGNE 9

Engagement (E) Echelle Plaisir/ Déplaisir : - (Déplaisant)

E1 : Faire progresser les étudiants sur un objectif précis

E2 : Faire découvrir des cartes amusantes aux étudiants

Représentamen (R)

R1 : L’enthousiasme des étudiants

Préoccupation(s) (eR)

eR1 : Mettre en place un dernier fonctionnement avec des cartes « barrées » (format n°4)

eR2 : Faire en sorte que tous les étudiants s’amusent et découvrent les cartes

Actualité potentielle (aR)

aR1 : Attente liée à l’enthousiasme des étudiants

aR2 : Attente liée au fait que tous les étudiants jouent avec toutes les cartes en passant par

toutes les tables

Référentiel (sR)

106

Unité élémentaire (U)

Regarde les cartes qui restent sur le côté

Lors de ce moment, J est préoccupé par la transition entre le format pédagogique n°3

et n°4. Il se demande s’il ne va pas enlever le dernier format prévu, pour faire tourner

directement tous les élèves sur les cartes du format n°3. Mais en même temps, il sent que les

étudiants ne sont pas très enthousiasmés par les cartes du format n°3. Son engagement à cette

étape de la leçon est essentiellement lié au développement d’une relation de plaisir à la

pratique, c’est pourquoi il décide de basculer vers le dernier format avec les cartes qu’il pense

être beaucoup plus rigolotes.

Une fois la décision prise de basculer vers le format pédagogique n°4 prévu en

remplaçant les cartes actuelles par des cartes « barrées », J prend les différentes sorte de balles

fournies dans le kit Cartaping et se dirige vers les premières tables. Il hésite puis revient en

arrière, marque une pose en regardant les étudiants.

SIGNE 10

Secoue les balles en l’air en se

demandant à qui il va les donner

Verbalisation de l’enseignant

C : là tu prends tes cartes, tu secoue les balles…

J : alors ça tu vois j'ai l'impression que les cours si tu veux, y a les phases de transitions et puis ensuite y a des

moments d'activité des élèves où tu peux avoir des régulations avec les élèves et parmi les plus intéressant c'est

quand même les phases de transition quoi, je suis surtout préoccupé par les phases de transition.

C : c'est ce qui te préoccupe le plus?

J : bah du fait que les élèves ne fasse pas le même jeu, que je n'ai pas un objectif d'apprentissage très clair euh au

début j'étais préoccupé parce que les situations je les connaissais pas mais là j'vais zapper ça parce que quand je

vois aussi que je m'ennuis et eux aussi, donc là on va ramener ping pirate tout ça. Là je suis allée et j'ai vu les

balles donc j'me suis dis faut qu'ils essayent, c'est rigolo alors que bon les cartes « Défensor » c'est ce qu'on fait

d'habitude.

107

C : et pourquoi t'as envie qu'ils jouent avec celles-là?

J : ben si j'étais à leur place j'aimerais bien jouer avec la balle carré la petite balle, la grosse balle, la balle en

mousse euh c'est ludique originale, faut qu'ils expérimentent ça. Là y a plus trop d'objectif d'apprentissage j'me

suis dis faut que...

C : ouais qu'ils expérimentent

J : ouais ça c'est la partie qui m'a le plus amusé.

Construction locale

SIGNE 10

Echelle Plaisir/ Déplaisir : - vers ++ (un plaisir qui va en augmentant considérablement)

Engagement (E)

E1 : Faire progresser les étudiants sur un objectif précis

E2 : Faire découvrir des cartes amusantes aux étudiants

Représentamen (R)

R1 : Les étudiants s’ennuient et lui aussi

R2 : Les cartes « barrées » et les différentes balles

Préoccupation(s) (eR)

eR1 : Faire en sorte que les étudiants expérimentent en s’amusant avant tout

Actualité potentielle (aR)

aR1 : Attente liée à une augmentation de l’enthousiasme des étudiants

aR2 : Attente liée à une augmentation de son propre enthousiasme

Référentiel (sR)

sR1 : Les cartes d’après sont très rigolotes

Sentiment : s’ennuis puis est de plus en plus amusé

Unité élémentaire (U)

J prend les cartes prévues pour le format pédagogique n°4

Durant cet instant où il secoue les balles en l’air comme s’il se demandait à qui il allait

pouvoir donner ses situations rigolotes, la préoccupation première de J est de faire en sorte

que les étudiants expérimentent de nouvelles cartes en s’amusant. Lors du passage au format

pédagogique n°4, J s’attend à observer une augmentation des rires, et de l’amusement de la

part des étudiants car il sait déjà que les cartes qu’il a choisies sont inhabituelles et sorte de la

logique interne parfois du TT. De ce fait elles surprendront forcément les étudiants.

2.3 Discussion de l’étude de cas n°2

2.3.1 Cartes et formats pédagogiques : leurs répercussions sur l’activité de

l’enseignant

2.3.1.1 L’influence sur les déplacements et préoccupations de l’enseignant

108

Notre étude actualise les conclusions de celle de Chaliès, Hauw & Ria (2004) qui

montrent l’influence de la structuration de l’espace en « format pédagogique » sur l’activité

d’un enseignant d’EPS, dans la mesure où nous observons que certaines préoccupations sous

jacentes à son action sont en congruence avec les contraintes extrinsèques propres à chaque

formats pédagogiques. Par exemple, pour le format pédagogique n°1, Jean se déplace derrière

les tables de façon à observer l’ensemble de la classe qui évolue sur la même situation. Alors

que pour le format pédagogique n°2/3/4, l’association d’une ou plusieurs cartes par table en

montante-descendante, ou en groupe de besoin, contraint Jean à « zigzaguer » entre les tables

pour relire les cartes afin de mieux comprendre ce que font les étudiants lorsqu’il les observe.

2.3.1.2 Clarifier et rappeler la règle du jeu constamment

A l’issue de cette analyse locale, nous avons également mis en évidence une activité de

clarification de la règle des cartes et de leur adaptation en fonction de la part de l’enseignant.

L’utilisation des cartes dans la leçon provoque de nombreuses questions de compréhension

chez les étudiants, auxquelles l’enseignant doit répondre. Jean adopte une stratégie qui

consiste à laisser partir les étudiants et les inciter à jouer pour ensuite venir répondre à leur

question de façon individuelle. Toutefois, lorsqu’il se rend compte qu’un problème de non

respect des consignes se généralise, il intervient à haute voix sur l’ensemble du groupe classe.

Cette activité de clarification et de rappel de la règle est très prégnante sur la partie de

leçon concernant le format pédagogique n°1. Les étudiants n’ont pas les cartes sur leur table,

c’est l’enseignant qui les tient en main.

2.3.1.3 Observer les étudiants pour trouver des réponses motrices

satisfaisantes et réguler

109

Nos résultat mettent en évidence une préoccupation significative pour Jean celle de

rechercher une solution à un problème posé par la carte auprès des étudiants, en les observant.

Cette préoccupation souligne ainsi la difficulté que peut poser l’utilisation des cartes dans la

leçon. Avec les étudiants en STAPS, Jean va trouver facilement le moyen de réguler en les

observant.

2.3.1.4 Encourager, rire et partager ses émotions avec les étudiants

L’utilisation du jeu pour construire une leçon apporte visiblement une dynamique et une

touche émotionnelle importante dans le déroulement du cours. En effet, bien que Jean nous

explique en EAC que le rapport relativement amical (beaucoup de rire partagés avec les

étudiants) qu’il entretien avec les étudiants soit lié à son style d’enseignement, il semblerait

que l’introduction de cartes « barrées » c'est-à-dire sortant de l’ordinaire accentue ce

phénomène, créant des situations comiques. Ainsi, le cours de tennis de table devient un réel

moment de partage entre l’enseignant et les étudiants. Ce phénomène est relativement

prononcé lors de la dernière phase du cours (format pédagogique n°4) dédiée à la découverte

des cares et à l’élaboration d’une relation de plaisir à la pratique (cf. Engagement n°2 « E2 »

de Jean).

2.3.2 La richesse des cartes : atout ou inconvénient pour l’enseignant ?

Nous avons montré que l’utilisation du Cartaping lors d’un cours de tennis de table a

des incidences sur l’activité de l’enseignant. La richesse des cartes suscite une grande phase

de questionnement dans la planification de la leçon, et crée un sentiment d’incertitude relatif

au bon déroulement de cette dernière. Dès lors, d’un point de vue tout à fait extérieur, nous

pourrions y voir un élément de déstabilisation pour l’enseignant : l’utilisation de cartes vient

110

perturber ses habitudes de fonctionnement et introduire de l’incertitude. En effet, si

l’ensemble des cartes constitue une ressource intéressante de part la quantité importante de

situations d’apprentissages qu’elles représentent, leurs originalités amènent également de

l’incertitude car l’enseignant n’a pas encore de connaissances relatives aux conduites typiques

des élèves sur ce genre de situations. Ainsi, la richesse des cartes peut être perçue comme un

élément déstabilisant, voir contraignant pour l’enseignant.

Toutefois, dans notre étude, Jean est un enseignant expérimenté, et dans son cas,

l’incertitude liée à l’utilisation de cartes nouvelles lui permet de « sortir de ses routines », ce

qui peut être considéré comme un élément positif. En effet, à partir du moment où

l’enseignant atteint un certain seuil d’efficacité, il a tendance à ne plus remettre en question

son fonctionnement (Saint-Arnaud, 1992). Or ce qui caractérise l’expertise d’un enseignant

c’est sa faculté à accepter ou créer des pratiques innovantes en refusant l’immobilisme

(Terret, 2005, p.336).

Nous pourrions donc émettre l’hypothèse selon laquelle pour un enseignant novice, la

nouveauté des situations données par les cartes constituerait un frein à son activité, alors que

pour un enseignant expérimenté, nous avons vu que ce frein est dépassé par une activité de

recherche et d’exploration de solutions avec et chez les étudiants.

3. A propos de l’utilisation du Cartaping en EPS

3.1 Apprendre en jouant : vers une relation de plaisir à la pratique

Et si le défi d’apprendre en s’amusant était réalisable à l’aide du Cartaping ? Telle est la

question qui nous anime, et qui d’une certaine manière pose la question du développement

d’une relation de plaisir à la pratique physique en EPS et à l’école. Nous avons montré qu’à

111

court terme le Cartaping suscite du plaisir chez les collégiens (émotions positives). Un plaisir,

comme le souligne Delignières (2003), lié à l’expérience de la nouveauté mais également un

plaisir lié à l’accomplissement de tâches jugées comme difficiles (réussite avec le jeton ping-

oin par exemple). Pierre nous apporte un élément de réponse à cette question assez

révélateur : « C : est-ce que si on intégrait ce jeu dans un cycle (sans faire que ça) comment

est-ce que tu le prendrais ? » P : « bien » C : « bien ? » P : « c’est plus intéressant que les

exercices normaux » C : « pourquoi en fait ? » P : « parce que tu travailles mais sans te

rendre compte réellement de ce que tu fais, en jouant. » (Extrait de l’entretien bilan de Pierre).

3.2 Le Cartaping au cœur d’un débat : didactique de l’EPS / didactique

des APS

La mise en place de cette recherche, nous permet d’avoir un certain recul vis-à-vis de

l’utilisation du Cartaping en EPS. Se pose selon nous alors la question de l’intérêt d’un tel

jeu/outil en EPS au regard des objectifs sous jacent à la discipline.

En effet, le Cartaping est un jeu où la logique interne propre au tennis de table a été

modifiée : si les techniques de frappe restent les mêmes, les contraintes et les aspects

stratégiques qu’impliquent les cartes, le font nettement se distinguer du tennis de table fédéral.

Pourtant, dans une perspective d’apport culturel, il apparaît important de proposer aux élèves

une pratique représentative donc fédérale. Aussi, la dimension significative du tennis de table

fédérale pour les élèves pose la question du sens que peut avoir le développement d’une

compétence dans ce domaine d’activité. Dès lors, en étant volontairement provocateur nous

pourrions nous poser la question suivante : ce qui a du sens pour l’élève c’est d’être bon en

Cartaping ou d’être bon en tennis de table ? La réponse peut paraître évidente, mais est-elle

pour autant légitime ? Tout dépend de l’objectif recherché : apport culturel ou développement

des capacités motrices et attitudes. Car s’il est vrai que le Cartaping a sa propre logique de

112

fonctionnement, il n’en reste pas moins intéressant au regard de la diversité des situations

motrices qu’il implique. Il apparait alors que l’enseignant tient un rôle primordial pour faire

« glisser » le curseur d’un côté ou de l’autre.

113

Chapitre 6 :

Apports transformatifs/Limites et

perspectives

Ce chapitre s’organise en deux temps. Dans un premier temps nous présenterons les

apports de notre recherche du point de vue de sa « visée transformative » (Schwartz, 1997).

Elle décrit l’apport aux élèves et à l’enseignant ayant participé à cette étude. Puis dans un

second temps, nous évoquerons les limites et perspectives de notre recherche.

1. Apports transformatifs

1.1 Les effets formatifs pour les acteurs participant à la recherche

La mise en place d’un observatoire des pratiques et la participation des acteurs aux

entretiens d’auto-confrontation permet à ces derniers une prise de recul sur leurs actions,

qu’ils n’auraient pu avoir en temps normal. Durand (2008) souligne que les participants à ce

type de recherche tirent potentiellement de cette implication une aide à la performance, à

l’apprentissage et au développement : « Ce bénéfice ressort de la nature de l’activité induite

chez lui pendant cette enquête : observation et confrontation aux traces de son activité,

réponses aux questions de l’analyste, consultation des résultats, analyse critique de ces

résultats et de leur interprétation... » (p.8). Cependant, les effets transformatifs de l’auto-

confrontation, bien qu’ils aient été noté et discuté dans différentes études (Avanzini & Riff,

1998 ; Riff, Pérez & Guérin, 1999), n’ont pas fait l’objet d’études empiriques (Sève &

Adé, 2003). Aussi, la qualité et la nature des apports transformatifs de l’EAC semblent

114

fortement dépendre du type d’acteur et de son âge, en référence à ses capacités d’abstraction

et de prise de recul. En effet, dans l’entretien bilan réalisé avec Pierre (l’un des collégiens),

l’EAC a été vécu comme relativement moins intéressante que le jeu de cartaping : C : « par

rapport aux entretiens d’auto-confrontation, est-ce que ça t’as intéressé de te voir en

vidéo ? » P : « moins, car on jouait moins, on faisait moitié moitié » C : donc l’entretien

c’était assez lourd en fait ? » P : « assez long ouais » (Extrait de l’entretien bilan avec Pierre ;

cf. Extrait ci dessous).

Extrait de l’entretien bilan avec Pierre

« C : Finalement si c'était à refaire est-ce que tu le referais si l'entretien ne prenait pas sur

les heures de cours ?

P : oui si l'entretient était plus court oui

C : c'est à dire plus court ?

P : 5 minutes, l'essentiel quoi »

1.2 Les apports pour le concepteur du jeu et les utilisateurs potentiels

Le chapitre 5, dévoué à la présentation des résultats des deux études de cas et à leur

discussion constitue un réel apport de connaissances sur l’activité des élèves et de

l’enseignant lors de ce jeu ou de son utilisation à la fois pour le concepteur et les enseignants.

En effet, pour l’enseignant désireux d’utiliser le jeu en EPS, la lecture de ce chapitre lui

permettra d’anticiper au mieux les difficultés et dilemmes potentiels à l’utilisation de cet outil,

et à l’adaptation de certains formats pédagogiques.

2. Limites et perspectives

2.1 Limites et changements pour une prochaine étude

115

Nous sommes conscients que notre démarche s’expose à un certain nombre de limites

dont nous devons rendre compte ici.

Tout d’abord, le fait de cibler notre recherche sur deux élèves pour la première étude de

cas, et sur un enseignant pour la seconde étude de cas, sur un set de Cartaping et une seule

« leçon Cartaping » rend compte du problème de la représentativité et de la généralisation de

nos résultats. Ainsi, comme nous en avons déjà discuté en amont, il est primordial que ces

résultats soient considérés en prenant en compte la singularité des situations étudiées. Les

données contextuelles ne peuvent donc être écartées afin de ne pas s’exposer à une

généralisation hâtive.

Ensuite, concernant l’étude de cas n°1, les deux élèves ayant participé n’avaient jamais

été confrontés à ce type d’expérience d’auto-confrontation. Leurs difficulté de verbalisation

sur leurs actions à l’instant t de la vidéo, nous a conduit à une étude, selon nous incomplète

bien que précise sur les aspects renseignés de leurs préoccupations au cours du jeu. Aussi, La

contraintes du cours d’EPS nous a amené à n’étudier que le premier set du match Cartaping.

Dès lors dans la perspective d’une étude similaire et complémentaire, il conviendrait de

procéder à la formation des élèves au moyen de l’auto-confrontation et d’aménager un temps

spécialement dédié à l’entretien en dehors du cours d’EPS, à l’aide d’un partenariat renforcé

entre l’établissement scolaire d’accueil, les élèves et l’équipe de chercheur.

Nous avons également rencontré certaines difficultés quant à la qualité de notre

questionnement lors de l’EAC, malgré l’aide indispensable que nous a apporté la grille de

questionnement proposé par J. Trohel (2005). En effet, s’agissant de notre première

expérimentation dans ce domaine, nous n’avons pas toujours su « rebondir » sur les

verbalisations des élèves de façon à renseigner leur activité au grain le plus fin, sur chaque

instant du match. Aussi, le fait de devoir réaliser les EAC juste après le match de Cartaping

116

joué, ne nous a pas permis de préparer au mieux les EAC et notre questionnement. Il serait

donc important dans l’optique d’un prolongement de cet objet d’étude, ou dans une autre

recherche en action située, de différer d’au moins un jour la prise vidéo de l’entretien d’auto-

confrontation.

2.2 Perspectives nouvelles pour une prochaine étude

Nous avons évoqué lors du chapitre 4 « Méthodologie », la réalisation d’une expérience

similaire à l’étude de cas n°1, avec des étudiants de STAPS. Dans une optique de

prolongement de notre recherche, il serait intéressant d’utiliser le recueil et le traitement des

données déjà effectué, lors d’un match complet de Cartaping, afin d’apporter un supplément

d’information à propos de l’incidence du Cartaping sur l’activité des joueurs.

Aussi notre étude de cas n°1 a essentiellement porté sur les incidences de

l’aménagement spécifique que suppose un match de Cartaping c'est-à-dire : les incidences

liées à l’utilisation des cartes et à l’autonomie de fonctionnement, sur l’activité des élèves. Il

serait donc aussi souhaitable de s’intéresser de façon plus précise aux conséquences sur

l’activité des joueurs qu’impliquent les tâches d’apprentissage provoquées par chaque carte,

au sein du match et ce en recentrant notre questionnement lors de l’EAC. Toutefois nous

gardons à l’esprit que le primat à l’intrinsèque demeure essentiel pour comprendre les réelles

incidences et qu’il ne s’agit pas non plus d’orienter le questionnement sur ce point mais plutôt

d’être préparer à « rebondir » sur les réponses des élèves dans ce sens.

Au regard de l’étude de cas n°2, il serait intéressant d’envisager une étude portant sur

un cycle complet de Tennis de table à l’aide du Cartaping. Et dans cette optique de

s’intéresser à la fois au point de vue de l’enseignant mais également au point de vue des

élèves vivant cette leçon.

117

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