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LES COMPORTEMENTS ´ ELECTORAUX DES MINORIT ´ ES ETHNIQUES ` A BRUXELLES Andrea Rea, Dirk Jacobs, Céline Teney, Pascal Delwit A u cours de la dernière décennie, la Belgique a connu de nombreux changements en termes de représentation politique. D’une part, la proportion de femmes a fortement augmenté parmi les parlementaires et les ministres, et d’autre part, les Belges d’origine étrangère et issus de l’immigration sont aussi plus largement représentés. Ainsi, depuis 2004, les gouvernements comptent plusieurs ministres d’origine étrangère, tandis que le président du principal parti francophone, le parti socialiste, est dirigé par un Belge issu de l’immigra- tion italienne. Bien qu’il s’agisse de deux processus différents, ils répondent tous les deux à un souci de représentation démocratique plus équitable. Néanmoins, si la représentation politique des femmes a bénéficié d’une politique préférentielle déterminée par la loi (parité pour les premières places électorales, au moins un tiers de femmes sur les listes électorales et au moins une ministre dans tous les gouvernements fédéraux et régionaux), il n’en va pas de même pour les personnes belges d’origine étrangère. Leur forte représentation résulte de plusieurs processus que nous allons tenter d’expliciter. Dans certaines circonstances, les deux processus se cumulent : la représentation politique des femmes d’origine étrangère semble, en effet, bénéficier d’une grande légitimité dans l’opinion publique et contrecarre la double, voire la triple exclusion (genre, classe et ethnicité) qu’elles subissent. Ces dernières années, de nombreuses études ont analysé le lien entre la vie associative immi- grée et la participation politique 1 et les profils du personnel politique belge d’origine étran- gère – ou plus précisément, sans inclure les nombreux descendants de migrants italiens qui 1. Hassan Bousetta, Sonia Gsir, Dirk Jacobs, « Active Civic Participation of Immigrants in Belgium », Country Report prepared for the European research project POLITIS, Oldenburg, 2005, <http://www.uni-oldenburg.de/ politis-europe> ; Dirk Jacobs, Karen Phalet, Marc Swyngedouw, « Associational Membership and Political Invol- vement Among Ethnic Minority Groups in Brussels », Journal of Ethnic and Migration Studies, 30 (3), 2004, p. 543-559. REVUE FRAN ¸ CAISE DE SCIENCE POLITIQUE VOL. 60 N o 4 2010 p. 691-717

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LES COMPORTEMENTS ELECTORAUXDESMINORITES ETHNIQUES A BRUXELLES

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LES COMPORTEMENTS

ELECTORAUX

DES MINORITESETHNIQUES

A BRUXELLES

Andrea Rea, Dirk Jacobs, Céline Teney, Pascal Delwit

Au cours de la dernière décennie, la Belgique a connu de nombreux changements entermes de représentation politique. D’une part, la proportion de femmes a fortementaugmenté parmi les parlementaires et les ministres, et d’autre part, les Belges d’origine

étrangère et issus de l’immigration sont aussi plus largement représentés. Ainsi, depuis 2004,les gouvernements comptent plusieurs ministres d’origine étrangère, tandis que le présidentdu principal parti francophone, le parti socialiste, est dirigé par un Belge issu de l’immigra-tion italienne. Bien qu’il s’agisse de deux processus différents, ils répondent tous les deux àun souci de représentation démocratique plus équitable. Néanmoins, si la représentationpolitique des femmes a bénéficié d’une politique préférentielle déterminée par la loi (paritépour les premières places électorales, au moins un tiers de femmes sur les listes électoraleset au moins une ministre dans tous les gouvernements fédéraux et régionaux), il n’en va pasde même pour les personnes belges d’origine étrangère. Leur forte représentation résulte deplusieurs processus que nous allons tenter d’expliciter. Dans certaines circonstances, les deuxprocessus se cumulent : la représentation politique des femmes d’origine étrangère semble,en effet, bénéficier d’une grande légitimité dans l’opinion publique et contrecarre la double,voire la triple exclusion (genre, classe et ethnicité) qu’elles subissent.

Ces dernières années, de nombreuses études ont analysé le lien entre la vie associative immi-grée et la participation politique1 et les profils du personnel politique belge d’origine étran-gère – ou plus précisément, sans inclure les nombreux descendants de migrants italiens qui

1. Hassan Bousetta, Sonia Gsir, Dirk Jacobs, « Active Civic Participation of Immigrants in Belgium », CountryReport prepared for the European research project POLITIS, Oldenburg, 2005, <http://www.uni-oldenburg.de/politis-europe> ; Dirk Jacobs, Karen Phalet, Marc Swyngedouw, « Associational Membership and Political Invol-vement Among Ethnic Minority Groups in Brussels », Journal of Ethnic and Migration Studies, 30 (3), 2004,p. 543-559.

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ne souffrent plus d’une telle stigmatisation, appartenant à ce que nous qualifierons ici de« minorités ethniques », issues de l’immigration extra-européenne1. Cependant, peu de tra-vaux se sont intéressés aux choix et aux comportements électoraux de ces minorités ethni-ques. En utilisant les données recueillies lors d’une enquête Sortie des urnes des électionslocales de 2006 dans trois communes de la région de Bruxelles-Capitale, nous proposons detester l’hypothèse de l’éventuel comportement électoral spécifique de ces électeurs. Nouspourrons alors évaluer si des comportements identiques à ceux observés aux Pays-Bas seretrouvent en Belgique, à savoir l’existence d’un vote préférentiel intra-communautaire. Lacomparaison de la Belgique avec les Pays-Bas est particulièrement intéressante, car on ytrouve une histoire migratoire comparable, une structure politique similaire, un systèmeélectoral proche et une tradition de recherche empirique forte sur la question de la partici-pation politique des immigrés et des nationaux d’origine étrangère2. On évitera toutefoisl’usage du terme « vote ethnique » pour qualifier les votes de préférence des minorités eth-niques belges pour des candidats de même origine ; en référence aux travaux de Barth surles frontières ethniques, on pourrait en effet qualifier également de « vote ethnique » celuid’électeurs Belgo-Belges pour des candidats Belgo-Belges. Le vote intra-communautaire estune réalité aussi pour le groupe ethnique majoritaire, a fortiori en Belgique où la catégoriede l’ethnicité pourrait s’appliquer également aux deux composantes majoritaires, les néer-landophones et les francophones.

L’intérêt principal des résultats de la Belgique pour la science politique est d’être situé àl’intersection de deux débats : l’un sur les facteurs déterminants la participation électoraledes migrants et l’autre concernant l’impact des structures des opportunités politiques sur lamobilisation des Belges d’origine étrangère. Avant tout, il s’agit d’une contribution au débatsur le comportement électoral des immigrés. Nous savons que le statut socio-économiqueest primordial dans la participation électorale individuelle. Ainsi, les classes populaires pré-sentent tendanciellement un plus haut taux d’abstention aux élections3. L’enquête de Bra-connier et Dormagen4 sur un quartier de la banlieue nord de Paris montre comment s’estconstruite, dans le temps, la démobilisation politique des classes populaires. Ce qui vautpour les classes populaires en général vaut en particulier pour la fraction qui appartient àdes minorités ethniques. Leighley5 a insisté sur le fait que les conditions liées au contexte,telles que le profil du candidat et la mobilisation collective, sont des facteurs importantspour la compréhension de la participation politique des minorités ethniques. En effet, lesindividus de statut social inférieur comptent davantage sur la mobilisation collective que lesindividus de statut social supérieur. La mobilisation de l’ethnicité parmi les Belges d’origineétrangère peut ainsi constituer un mode d’accroissement de la participation politique en vue

1. Dirk Jacobs, Hassan Bousetta, Andrea Rea, Marco Martiniello, Marc Swyngedouw, Qui sont les candidats auxélections bruxelloises ? Le profil des candidats à l'élection au parlement de la Région de Bruxelles Capitaledu13 juin 2004, Bruxelles, Academia 2006 (Cahiers Migrations. 37) ; Pascal Delwit, Émilie Van Haute (dir.), Le votedes Belges, Bruxelles, Éditions de l'Université de Bruxelles, 2008.

2. Jean Tillie, De etnische stem. Opkomst en stemgedrag van migranten tijdens gemeenteraadsverkiezingen,1986-1998, Utrecht, Forum, 2000 ; Anja van Heelsum, Jean Tillie, Opkomst en partijvoorkeur van migranten bijde gemeenteraadsverkiezingen van 7 maart 2006, Amsterdam, IMES, 2006.

3. Sidney Verba, Kay Schlozman, Henry Brady, Voice and Equality. Civic Voluntarism in American Politics, Cam-bridge, Harvard University Press, 1995.

4. Céline Braconnier, Jean-Yves Dormagen, La démocratie de l'abstention. Aux origines de la démobilisation enmilieu populaire, Paris, Gallimard, 2007.

5. Jan Leighley, Strength in Numbers ? The Political Mobilization of Racial and Ethnic Minorities, Princeton,Princeton University Press, 2001.

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d’une meilleure représentation politique1. À ce sujet, l’analyse de l’impact des structures desopportunités politiques est essentielle. Koopmans et ses collègues2 ont montré que les struc-tures des opportunités politiques, incluant également les structures des opportunités discur-sives des différents modèles de citoyenneté et des politiques migratoires, donnent forme auxrevendications des minorités ethniques, à leur représentation publique et même à leurs stra-tégies de mobilisation. La prépondérance du modèle républicain-assimilationniste françaisdans les discours et les politiques publiques francophones à Bruxelles3 qui refusent le recoursaux catégories de l’ethnicité par peur de la ségrégation et de l’ethnicisation de la société ontpour conséquence que la mobilisation électorale sur base ethnique n’est pas soutenue, maistout au plus tolérée. Dans les discours et les politiques néerlandophones, le refus d’utiliserdes catégories ethniques est moins répandu : au contraire, les politiques publiques, le discourscommun et même les travaux scientifiques mobilisent abondamment la catégorie d’« alloch-tones », importée des Pays-Bas, pour qualifier les Belges appartenant aux minorités ethniques.Cette situation est assez comparable à celle des zones urbaines des Pays-Bas, où, par ailleurs,la mobilisation politique des migrants et de leurs descendants – du moins à la fin des années1990 – été accueillie favorablement, voire activement stimulée. Selon la littérature sur lesstructures des opportunités politiques, on pourrait penser que le vote et la mobilisationfondés sur l’appartenance ethnique, au-delà de la mobilisation de classe, seraient de moindreimportance à Bruxelles qu’aux Pays-Bas.

L’avènement du personnel politique d’origine étrangère

Depuis le milieu des années 1990, la population d’origine étrangère (hors Union euro-péenne) qui a acquis la nationalité belge (et par là, le droit de vote à tous les niveaux)a fait l’objet d’une attention croissante de la part des partis politiques, particulièrement

à Bruxelles. Dans les quartiers à forte concentration d’immigrés et de Belges d’origine étrangère,correspondant aux quartiers défavorisés de la ville, tous les partis ont lancé des campagnesimportantes visant cette population. En conséquence, depuis quelques années, c’est seulementdans ces quartiers de Bruxelles que l’on ne peut ignorer être en période d’élections, en raisonde la forte visibilité de la campagne. Même si les affiches de candidats de même originenationale restent prédominantes, il y a aussi des commerces et des cafés qui présentent surleur devanture des affiches de candidats d’origines nationales différentes inscrits sur des listesélectorales différentes (cf. photographie en annexe). La campagne électorale dans les rues desquartiers populaires semble donc être davantage liée aux identités ethniques ainsi qu’à l’anti-racisme. Or, nonobstant l’important processus de cooptation de candidats parmi les minoritésethniques et le ciblage des électeurs belges des minorités ethniques dans les communes popu-laires où celles-ci sont surreprésentées, les partis politiques francophones continuent àcondamner le « communautarisme » et à refuser le « vote ethnique »4.

Les élections communales de 2000 ont constitué un point de repère dans la participationpolitique des citoyens d’origine étrangère, du moins dans la région de Bruxelles-Capitale. Il

1. Sidney Verba, Norman Nie, Jae-on Kim, Participation and Political Equality : A Seven Nation comparison, NewYork, Cambridge University Press, 1978.

2. Ruud Koopmans, Paul Statham, Marco Giugni, Florence Passy, Contested Citizenship. Immigration and CulturalDiversity in Europe, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2005.

3. H. Bousetta, S. Gsir, D. Jacobs, « Active Civic Participation of Immigrants in Belgium », cité.4. H. Bousetta, S. Gsir, D. Jacobs, « Active Civic Participation of Immigrants in Belgium », ibid.

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y a eu une augmentation importante du nombre d’élus des minorités ethniques : lors desélections locales de 1994, sur un total de 651 conseillers communaux élus, il n’y avait que14 élus d’origine non européenne (2,1 %) ; lors des élections de 2000, ils étaient 90 conseillerscommunaux, principalement d’origine marocaine, sur les 652 élus, soit 13,8 %1.

À Bruxelles, dans la deuxième moitié des années 1990, les résultats des élections régionalesannonçaient l’importance grandissante du personnel politique appartenant aux minoritésethniques observée au niveau local. Lors des élections régionales de 1995, sur un total de75 parlementaires, ils étaient 4 (3 d’origine marocaine et 1 tunisienne, soit 5,3 %). Cettereprésentation s’accroît lors des élections régionales de 1999, puisqu’on passe à 8 (10,6 %).Tous étaient d’origine maghrébine (7 du Maroc et 1 de Tunisie). À l’occasion des électionsrégionales de 2004, les Belges d’origine non européenne ont joué à nouveau un rôle prédo-minant dans la campagne électorale et ont obtenu un succès électoral certain. Sur les 72 élusfrancophones du Parlement régional bruxellois, 17 appartiennent aux minorités ethniques.Le pays d’origine est le Maroc pour 12 d’entre eux, la Turquie pour 2 autres, et les autresétaient originaires de la Tunisie, du Congo et de la Guinée. Sur les 17 élus flamands duParlement régional bruxellois, 1 est d’origine marocaine. Au total, 20,2 % des 89 élus sontd’origine non européenne.

De plus, le succès croissant des politiciens d’origine étrangère touche aussi le pouvoir exé-cutif. Au niveau local, après les élections de 2000, 12 élus d’origine marocaine, turque etcongolaise sont devenus des adjoints au maire. En 2004, un politicien belge d’origine turque(Emir Kir) est nommé secrétaire d’État à la région de Bruxelles-Capitale. Au même moment,une femme d’origine marocaine (Fadila Laanan) était nommée ministre de la Culture, del’Audiovisuel et de la Jeunesse dans le gouvernement de la Communauté française de Bel-gique, pendant qu’une politicienne bruxelloise d’origine congolaise était nommée secrétaired’État aux Familles et à la Personne handicapée dans le gouvernement fédéral (GisèleMandaila)2.

Lors des élections communales d’octobre 2006, le succès des minorités ethniques dans lepersonnel politique se confirme à Bruxelles. Sur les 663 conseillers communaux, 138 (20 %)étaient d’origine non européenne, pour la plupart marocaine3, mais également turque etcongolaise. En 2004, le droit de vote s’ouvrait aux étrangers non européens au niveau local,mais pas l’éligibilité : ainsi, ils pouvaient voter pour la première fois lors des élections de2006, sans pouvoir être candidats. Cependant, nous pouvons supposer que ce n’est pas leseul facteur qui explique le succès continu des politiciens d’origine étrangère. Sur les 42 298électeurs potentiels parmi ceux que l’on appelle « ressortissants des pays tiers » (les étrangersnon européens), seuls 6 622 se sont inscrits comme électeurs, ce qui représente 1,12 % del’électorat total. Nous pouvons aisément supposer que le succès des politiciens belges d’ori-gine étrangère est dû au fait que les électeurs belges, issus de l’immigration non européenneou pas, ont choisi de voter, plus qu’avant, de manière préférentielle pour des candidats desminorités ethniques.

1. Dirk Jacobs, Marco Martiniello, Andrea Rea, « Changing Patterns of Political Participation of Citizens of Immi-grant Origin in the Brussels Capital Region : The October 2000 Elections », Journal of International Migrationand Integration/Revue de l'intégration et de la migration internationale, 3 (2), 2002, p. 201-221.

2. Nous ne nous intéresserons pas ici au niveau fédéral, mais mentionnons cependant plusieurs élus d'originemarocaine ou turque tant au niveau fédéral qu'au Parlement européen.

3. Dirk Jacobs, Andrea Rea, « Les élus non-Belgo-Belges », L'agenda interculturel, 254, 2007, p. 16-19.

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Par contraste, notons finalement qu’en octobre 2006, pour la seconde fois, les citoyens euro-péens pouvaient voter et se présenter comme candidats, suite à la transposition de la directiveeuropéenne. À nouveau, leur taux de participation a été plutôt bas : sur les 136 482 électeurspotentiels, seuls 18 682 (13,7 %) se sont inscrits comme électeurs. Alors que leur poids dansl’électorat potentiel était de 18,31 %, les ressortissants européens n’ont constitué que 3,16 %de l’électorat réel. Même si cette proportion n’est pas négligeable, très peu de candidats del’Union européenne ont été élus ou même ont obtenu un score appréciable. En d’autrestermes, dans la capitale européenne, les Européens sont politiquement invisibles au niveaulocal : pour la plupart, ils ne semblent pas considérer que leur citoyenneté européenne leurdonne le droit de participer aux élections locales belges. C’est une différence significativeavec les minorités ethniques, c’est-à-dire avec les Belges issus de l’immigration noneuropéenne.

Facteurs d’émergence du personnel politique :les structures des opportunités politiques

Ancienne dans des pays traditionnels d’immigration (États-Unis et Canada), la repré-sentation politique des minorités ethniques est certes récente en Belgique. Toutefois,elle y est nettement plus marquée qu’en France ou en Allemagne. Un certain nombre

de facteurs liés aux structures des opportunités politiques permettent de comprendre cetteémergence.

L’acquisition de la nationalité belge et la concentration urbaineDepuis 2001, la Belgique possède une des législations les plus libérales en matière d’acqui-sition de la nationalité : quiconque justifie sept années de séjour légal peut introduire unedemande de nationalité par déclaration, soit une procédure administrative. Cette législationrésulte des compromis politiques successifs entre partis conduisant à assouplir l’accès à lanationalité contre le refus d’octroyer le droit de vote aux étrangers1 – qui sera finalementoctroyé, pour les élections locales, en 2004. Le nombre important d’étrangers non européensqui ont acquis la nationalité belge durant les vingt dernières années a augmenté sensiblementle corps électoral belge, surtout là où la concentration des étrangers était grande, notammentdans certains quartiers des grandes villes. C’est particulièrement le cas à Bruxelles, région-capitale de la Belgique et de facto capitale de l’Union européenne. Dans la région de Bruxelles-Capitale, plus de 150 000 étrangers sont devenus Belges entre 1988 et 20022. Plus de la moitiédes Marocains et Turcs à Bruxelles sont devenus belges au cours des années 1990. La régionde Bruxelles-Capitale compte 26 % de population étrangère. Selon nos estimations3, quelque42 % de la population (sur 1 000 000 d’habitants) est d’ascendance étrangère. Il est intéressant

1. Dirk Jacobs, Marc Swyngedouw, « The Extreme-Right and Enfranchisement of Immigrants : Main Issues in thePublic Debate on Integration in Belgium », Journal of International Migration and Integration/Revue de l'inté-gration et de la migration internationale, 3 (3-4), 2002, p. 329-344 ; Andrea Rea, Mathieu Bietlot, « Les chan-gements du code de la nationalité en Belgique. De la peur de l'étranger à son inclusion sous condition », dansMarco Martiniello, Andrea Rea, Felipe Dassetto (dir.), Immigration et intégration en Belgique francophone. Unétat des savoirs, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant, 2007, p. 141-178.

2. Andrea Rea, « Les politiques d'intégration des immigrés : entre social et sécuritaire », dans Pascal Delwit,Andrea Rea, Marc Swyngedouw (dir.), Bruxelles ville ouverte. Immigration et diversité culturelle au cœur del'Europe, Paris, L'Harmattan, 2007, p. 209-233.

3. Il n'y a pas de statistiques ethniques disponibles en Belgique ; les données distinguent seulement Belges etnon-Belges.

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de noter que les étrangers d’origine européenne (qui compose la moitié de la populationétrangère à Bruxelles) sont quasiment invisibles dans la politique locale, alors que les Belgesd’origine non européenne ont acquis un poids politique considérable. En tant que capitalede la Belgique, Bruxelles est institutionnellement une région bilingue (avec la garantie d’unpouvoir partagé entre Flamands et francophones), mais le français est indubitablement lalingua franca et la population francophone est clairement majoritaire.

La compétition politiqueLe fait que les minorités ethniques accèdent au vote ne suffit pas à comprendre l’accroisse-ment de leur représentation politique. En Belgique, on peut considérer que les partis leuront fait une place particulièrement là où la concentration spatiale de cette population estforte. Les causes politiques en sont de deux types. Le premier tient à la compétition impor-tante qui se joue à Bruxelles entre les Flamands et les francophones. Il était très importantpour les partis francophones de capter ce nouvel électorat qui, par ailleurs, s’exprime trèsmajoritairement en français. Accroître la proportion des francophones en faisant de ces« nouveaux Belges » des électeurs, des candidats et des élus francophones permet de freinerl’ambition flamande d’assujettir la région de Bruxelles-Capitale ou de la faire gérer paritai-rement par les deux autres régions (la Flandre et la Wallonie). C’est pour ces mêmes raisonsque la loi sur le droit de vote au niveau local, en 2004, a été soutenue par tous les partisfrancophones, même ceux de droite, alors que, côté flamand, seul le parti socialiste flamandl’a votée. La représentation politique des minorités ethniques n’est pas seulement un enjeupour ces nouveaux citoyens : elle peut être instrumentalisée par les composantes nationalesdominantes dans la lutte pour le devenir même de Bruxelles et de la Belgique1. La compétitionentre Flamands et francophones tient donc aussi à une représentation très différenciée despolitiques d’intégration des immigrés2 : soutien aux organisations issues de l’immigration enFlandre et invisibilisation ethnique en Wallonie et à Bruxelles.

La compétition politique ne porte pas uniquement sur les questions d’appartenance com-munautaire belge et d’appartenance ethnique ; elle tient aussi au clivage social et économique,très prononcé dans la région de Bruxelles-Capitale3. Bien qu’il s’agisse de la capitale du pays,c’est une ville relativement pauvre. Dans les quartiers du centre et du nord-ouest résidentla plupart des immigrés et des minorités ethniques qui représentent aussi une très grandepartie des classes populaires bruxelloises. Les classes bourgeoises, y compris les élites inter-nationales et européennes, vivent majoritairement dans les communes du sud-est et dans lescommunes en périphérie de Bruxelles. Durant les années 1970, beaucoup d’emplois indus-triels ont été détruits, sans être compensés par l’augmentation concomitante dans les services.Parmi les trois régions, Bruxelles a le taux de chômage le plus élevé. Il concerne en particulierles jeunes et surtout des minorités ethniques, qui sont fortement discriminés sur le marchéde l’emploi.

Au moment de l’arrivée des immigrés en 1970, l’électorat bruxellois était majoritairementde droite (libéraux, sociaux-chrétiens et régionalistes) ; les socialistes n’étaient dominantsque dans quelques municipalités. En écartant les immigrés de la compétition électorale, on

1. Marco Martiniello, Andrea Rea, « Piliers, minorités ethniques et pluralisme en Belgique », dans Marco Martiniello,Andrea Rea (dir.), Affirmative action : des discours, des politiques et des pratiques, Louvain-la-Neuve/Liège,Academia/Presses Universitaires de Liège, 2003, p. 253-281.

2. D. Jacobs, M. Martiniello, A. Rea, « Changing Patterns of Political Participation... », art. cité.3. P. Delwit, A. Rea, M. Swyngedouw (dir.), Bruxelles ville ouverte..., op. cit.

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écartait aussi une large part des classes populaires bruxelloises. Or, l’accroissement des élec-teurs et des élus des minorités ethniques devenus Belges est à la base d’un bouleversementimportant de l’échiquier politique à Bruxelles. Les libéraux historiquement dominants sontsupplantés en 2004 par le parti socialiste, qui est devenu le premier parti de la région, avantqu’un certain équilibrage ne soit opéré en 2009. Dans un contexte de multi-levelled governance(accroissement du rôle de l’Union européenne, diminution de l’action de l’État fédéral,augmentation de l’action locale et régionale), les luttes intercommunautaires belges et lesluttes entre partis deviennent des opportunités pour les groupes minoritaires1. Ils peuventplus favorablement revendiquer une place politique et la défense de certains intérêts. Cetteopportunité est d’autant plus favorable qu’en Belgique, la loi électorale limite la tendancedes partis à étouffer l’éclosion de représentants de groupes minoritaires. Dès lors, les partisanticipent les effets positifs de cette opportunité en l’utilisant à leurs propres fins.

Les lois électorales et le vote ethniqueStructurellement, la forte représentation politique des minorités tient avant tout à la forte par-ticipation électorale. Ceci découle de la loi elle-même ; le vote est obligatoire en Belgique. Parrapport à d’autres pays, comme la France, les personnes les plus précarisées ne sont pas sous-représentées. La loi électorale en Belgique fournit une opportunité pour l’émergence de ce qu’onqualifie de « vote ethnique ». Le système électoral est proportionnel avec utilisation du diviseurimperiali. Les électeurs peuvent voter soit pour la liste (un parti – « case de tête ») qui supposel’acceptation de l’ordre de la liste, soit pour un ou plusieurs candidats d’une même liste. Dansce deuxième cas, qui est la pratique très majoritaire, ils émettent des votes de préférence. Il fautnoter qu’il n’y a pas de limite aux votes de préférence. Le classement sur la liste électoralesoumise à l’électeur exprime les préférences du parti concernant les personnes qui devraientêtre élues, les premières devant avoir plus de chances que les dernières. La possibilité offerteaux électeurs de formuler des préférences conduit à réduire l’importance du classement élaborépar les partis entre candidats concurrents en renvoyant à l’électeur la concurrence entre cesmêmes candidats. Le mode de dévolution des sièges à l’intérieur de la liste favorise les votespréférentiels. En effet, pour être élu, un candidat doit atteindre le chiffre d’éligibilité de la liste.Au scrutin communal en Belgique, il est très élevé car calculé sur la base suivante : nombre devoix exprimées pour la liste (Vp) multiplié par le nombre de sièges obtenus par la liste (Sp)rapporté au nombre de sièges obtenus par la liste (Sp) +1 – (Vp x Sp)/(Sp+1). On procède parordre dans la liste. Si le premier candidat n’atteint pas le chiffre d’éligibilité avec ses seuls votesde préférence, il est possible de lui ajouter les voix manquantes en provenance du « potcommun ». Celui-ci est déterminé de la manière suivante : nombre de voix « case de tête » (Vc)multiplié par le nombre de sièges obtenus par la liste (Sp) divisé par 2 – (Vc x Sp)/2. Les voixprises pour atteindre le chiffre d’éligibilité sont défalquées du pot commun. On procède de lamême façon pour le(s) candidat(s) suivant(s) dans l’ordre des candidats jusqu’à épuisement dupot commun. Quand le pot commun est vide, sont déclarés élus sur la liste les candidats quiont atteint le chiffre d’éligibilité, puis, dans l’ordre, ceux dont le nombre de voix de préférences’approche le plus du chiffre d’éligibilité à concurrence du nombre de sièges à pourvoir.

Eu égard à la pratique dominante du vote de préférence et au fait que le chiffre d’éligibilitéest élevé au scrutin communal, le nombre de voix de préférence détermine la très grande

1. Sydney Tarrow, Power in Movement. Collective Action, Social Movements and Politics, Cambridge, CambridgeUniversity Press, 1994.

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LE VOTE DES MINORITÉS ETHNIQUES À BRUXELLES ❘ 697

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majorité des sièges attribués. Ce système explique pourquoi des Belges d’origine étrangèresont élus alors qu’ils occupaient parfois une mauvaise place dans le classement initial de laliste. Ils sont élus en raison des votes de préférence. À ce processus s’ajoute l’observation du« stemblok » (le vote collectif ou bloqué), à savoir des choix de préférence collectifs quiconduisent à faire émerger des listes électorales des groupes d’élus.

Organisations immigrées et social policiesContrairement au modèle développé par Fennema et Tillie1 aux Pays-Bas, ce ne sont pas lesreprésentants de groupes ethniques disposant du plus haut degré de participation à la vieassociative ou dont les réseaux sociaux sont les plus denses qui sont le plus souvent élus. Sitel était le cas, ce devraient être les Belges d’origine turque2 ; or ce sont les Belges d’originemarocaine. Ces derniers sont numériquement les plus nombreux à Bruxelles et sont dispersésdans plusieurs communes de la région. Si certains lient la plus grande implication politiquedes Belges d’origine marocaine, par rapport à ceux d’origine turque, à une meilleure connais-sance du français3, il est possible d’avancer une autre explication4. Pour lutter contre lesprocessus d’exclusion et de marginalisation à Bruxelles, de nombreuses politiques sociales eturbaines ont été mises en œuvre, visant à lutter contre les désavantages sociaux, qui touchenten particulier des jeunes des minorités ethniques. La mise en œuvre de ces politiques publi-ques a créé un vivier d’emplois pour de nombreux jeunes diplômés de l’enseignement supé-rieur. Le social est devenu une réelle alternative au chômage, favorisant l’émergence d’unewelfare class5, c’est-à-dire un groupe social employé directement par les politiques publiqueset qui en tire les principaux bénéfices. En permettant à certains jeunes bénévoles, étudiants,chômeurs, souvent très dynamiques, de trouver un emploi en devenant animateurs ou tra-vailleurs sociaux, ces nouvelles politiques locales construisent aussi des relations d’allégeancemobilisables à certains moments, notamment lors des élections locales.

Les minorités ethniques comme nouvelle force électorale ?

Il est établi que, lors des élections locales de 2006 aux Pays-Bas, les électeurs des minoritésethniques ont pu influencer de manière substantielle les résultats dans les grandes villes6.À Rotterdam, par exemple, ils ont ramené au pouvoir le parti social-démocrate et permis

la désignation d’un maire descendant de migrant marocain, Ahmed Aboutaleb. Ils ont ainsiindirectement évincé le parti populiste anti-immigrés Leefbaar Rotterdam, fondé par (feu)Pim Fortuyn. Il est intéressant de noter que le soutien écrasant des électeurs des minoritésethniques pour un seul parti en 2006 a inversé la tendance antérieure dans les villes

1. Meindert Fennema, Jean Tillie, « Civic Community, Political Participation and Political Trust of Ethnic Groups »,Connections, 24 (1), 2001, p. 44-59.

2. Marc Swyngedouw, Karen Phalet, Kris Deschouwer, Minderheden in Brussel. Sociopolitieke houdingen en gedra-gingen, Brussel, VUBPRESS, 1999.

3. Dirk Jacobs, Karen Phalet, Marc Swyngedouw, « Social Capital and Political Participation among Ethnic MinorityGroups in Brussels : A Test of the Political Trust Thesis of Fennema and Tillie », dans ECPR Joint Sessions ofWorkshops, Turin, European Consortium for Political Research, 2002.

4. Andrea Rea, « Les politiques d'intégration des immigrés : entre social et sécuritaire », dans P. Delwit, A. Rea,M. Swyngedouw (dir.), Bruxelles ville ouverte..., op. cit., p. 209-233 ; Andrea Rea, Jeunes immigrés dans la Cité,Bruxelles, Labor, 2001.

5. Frances F. Piven, Ruchard A. Cloward, Regulating the Poor. The Functions of Public Welfare, New York, VintageBooks, 1971.

6. A. van Heelsum, J. Tillie, Opkomst en partijvoorkeur van migranten..., op. cit.

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néerlandaises, caractérisée par un comportement électoral diversifié au sein des minoritésethniques1. Plus que probablement, ceci doit être compris dans le contexte du changementdu climat politique néerlandais et d’une opinion publique devenue beaucoup moins toléranteenvers les minorités ethniques2. Les descendants de migrants ont retiré leur soutien aux partisdu centre et de la droite flirtant avec des discours xénophobes et des propositions politiquesdures, pour le porter sur le parti social-démocrate, apparemment considéré comme uneprotection pour les intérêts des minorités ethniques.

Lors des débats sur l’octroi du droit de vote aux étrangers en Belgique, une question récurrenteétait de savoir quel parti politique gagnerait électoralement le plus en accordant le droit de voteaux étrangers. On considérait largement que les partis de gauche, et surtout les partis socialisteet écologiste, en profiteraient le plus. Vu la croissance démographique importante, et par làélectorale, des Belges d’origine étrangère dans les grandes villes, quasiment tous les partis ontnéanmoins rapidement attiré des candidats d’origine étrangère sur leurs listes, bien avant queles non-Européens n’aient obtenu le droit de vote. Il semble que tous les partis aient estiméqu’ils obtiendraient un avantage électoral par l’octroi du droit de vote aux étrangers. En exa-minant le profil des candidats aux élections régionales de 2004 et communales de 2006 àBruxelles, on observe une tendance au sein des partis politiques à consolider une niche électoraleethnique3. Alors que le parti socialiste a clairement la plus grande diversité sur ses listes, concur-rençant ainsi le parti écologiste qui fut le premier à mettre des politiciens d’origine étrangèreen position éligible, le parti chrétien démocrate (Centre démocrate humaniste) tente de comblerson retard et semble se focaliser sur la communauté africaine subsaharienne et sur l’identitémusulmane des Belges d’origine marocaine et turque. Le parti libéral francophone s’est moinsinvesti dans une stratégie d’attraction des candidats des minorités ethniques sur ses listes, maisil n’est pas resté totalement absent de la compétition pour ce qui concerne les électeurs.

Dans la suite de cet article, nous voulons nous centrer sur le comportement électoral desBelges des minorités ethniques dans trois communes de Bruxelles lors des élections com-munales d’octobre 2006, afin d’examiner s’ils votent pour un parti en particulier. Plus pré-cisément, nous voulons tester dans quelle mesure l’origine ethnique est une variable expli-cative du comportement électoral. En effet, l’électeur d’origine étrangère pourrait très bienn’être qu’« un électeur ordinaire ». Il faut donc voir si l’origine ethnique ou l’histoire migra-toire apporte un élément d’explication supplémentaire parmi les facteurs socio-démographi-ques structurels dans le choix du parti, tels que le genre, l’éducation et la position socio-économique. De plus, nous voulons vérifier si un vote de préférence pour des candidats demême origine ethnique se manifeste. On suppose généralement que le succès du personneld’origine étrangère est dû aux votes de préférence des électeurs de même origine nationale ;encore faudrait-il le vérifier. Les citoyens d’origine étrangère pourraient aussi bien voter pourdes candidats de la majorité ethnique et les citoyens de la majorité ethnique pour des can-didats des minorités ethniques. Par exemple, dans une étude précédente de même nature,Swyngedouw et Jacobs4 ont montré qu’en Flandre une proportion considérable des électeurs

1. J. Tillie, De etnische stem..., op. cit.2. E. Vasta, « From Ethnic Minorities to Ethnic Majority Policy : Multiculturalism and the Shift to Assimilationismin the Netherlands », Ethnic and Racial Studies, 30 (5), 2007, p. 713-740.

3. D. Jacobs, H. Bousetta, A. Rea, M. Martiniello, M. Swyngedouw, Qui sont les candidats aux élections bruxel-loises ?..., op. cit.

4. Marc Swyngedouw, Dirk Jacobs, « Qui a voté en 2003 pour les candidats d'origine étrangère en Flandre(Belgique) ? », dans Bichara Khader, Marco Martiniello, Andrea Rea, Christiane Timmerman (dir.) Penser l'immi-gration et l'intégration autrement. Une initiative belge inter-universitaire, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 159-176.

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postmatérialistes de gauche1 du groupe ethnique majoritaire a choisi délibérément de voterpour un candidat d’origine étrangère. En outre, en raison du climat discursif défavorableconcernant la mobilisation politique ethnique, les électeurs des minorités ethniques pour-raient éviter une stratégie politique liée à leur identité ethnique, comme on s’y attendraitdans la lignée de l’interprétation présentée dans la littérature sur les structures des oppor-tunités discursives2. Afin de répondre à ces questions, nous utiliserons les données recueillieslors d’un sondage Sortie des urnes réalisé par le CEVIPOL-ULB lors des élections de 2006dans trois communes de Bruxelles.

Les résultats d’une enquête Sortie des urnes lors des élections locales de 2006

Le 8 octobre 2006, jour des élections locales en Belgique, le Centre d’étude de la viepolitique (CEVIPOL) de l’Université libre de Bruxelles (ULB) a organisé un sondage àla sortie des bureaux de vote dans trois communes de la région de Bruxelles-capitale :

Forest, Schaerbeek et Molenbeek. Durant cette journée, des électeurs ont été sélectionnés etquestionnés au hasard dans différents bureaux de vote après avoir voté. Dans un court ques-tionnaire3, l’équipe du CEVIPOL a posé aux électeurs une série de questions quant à leur choixélectoral, un nombre limité de questions socio-économiques et une série de questions sur desthèmes politiques : 553 personnes ont participé à Forest, 427 à Molenbeek et 592 à Schaerbeek.Les résultats de ce sondage correspondaient assez aux résultats finaux du scrutin (comme onpeut le voir dans les tableaux A à C en annexe), ce qui permet d’être confiant quant à lareprésentativité de nos échantillons. Nous devons cependant relever un biais : les électeurs despartis d’extrême droite sont sous-représentés, alors que les électeurs écologistes sont surrepré-sentés ; les électeurs pour les (petits) partis flamands sont également sous-représentés.

Schaerbeek est une municipalité composée d’une communauté d’origine marocaine et d’unecommunauté d’origine turque importantes, alors que Molenbeek est une municipalité avecune très large visibilité de la communauté marocaine. Si Forest présente un profil plus mixte,la communauté d’origine marocaine y est aussi bien présente. Prises ensemble, ces troiscommunes sont représentatives de la partie nord-ouest de la région de Bruxelles-Capitale(aussi appelée les « bas quartiers », ce qui correspond à leur situation topographique), danslaquelle vivent les classes ouvrières et moyennes, ainsi que la plupart des personnes issuesd’une immigration non européenne. Aucun sondage Sortie des urnes n’a été organisé dansle sud-est de la ville caractérisant les quartiers aisés de Bruxelles. Cet échantillon n’est parconséquent pas représentatif de l’ensemble de l’électorat de Bruxelles. En revanche, il donneune bonne représentation des quartiers populaires de la ville.

Nous ne pouvons pas cumuler les données des trois communes pour analyser le choix d’unparti, car les principaux partis francophones ne sont pas (toujours) présents de manière indé-pendante, ni selon les mêmes configurations lors du scrutin. À Forest, le MR (droite libérale)

1. La qualification de postmatérialiste fait référence aux travaux de Ronald Inglehart, The Silent Revolution,Princeton, Princeton University Press, 1977.

2. R. Koopmans, P. Statham, M. Giugni, F. Passy, Contested Citizenship, op. cit.3. Le questionnaire utilisé portait sur le sexe, l'âge, le parti pour lequel la personne a voté, le parti pour lequella personne avait voté aux élections régionales de 2004, le statut socioprofessionnel, le niveau d'études, lacroyance religieuse, la nationalité et la nationalité des parents. Nous avons aussi invité les personnes à sepositionner entre gauche et droite, à donner leurs attentes quant au futur, à nous dire si elles avaient posé unvote de préférence pour une femme ou un candidat d'origine étrangère, et de répondre à six questionsattitudinales.

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et le CdH (chrétiens démocrates) présentaient une liste commune menée par la bourgmestresortante, alors qu’ils se présentaient séparément à Schaerbeek. De plus, à Molenbeek, le CdHse présentait sur une liste commune conduite par le bourgmestre sortant PS (socialistes).

Dans notre analyse, cependant, nous nous intéressons aux partis des quatre principales ten-dances politiques du paysage politique francophone : écologistes, socialistes, libéraux et chré-tiens démocrates. Souvent (mais pas toujours), les politiciens des partis flamands « frères »étaient candidats sur la liste de leur homologue francophone. Tous les autres partis – souventpetits – seront regroupés dans chacune des trois communes, quand nous tentons d’expliquerles comportements électoraux. La catégorie « autre » correspond aux personnes qui votentpour un autre parti ou au vote nul. Vu le caractère mixte de cette catégorie (combinant tantles petits partis flamands que les petits partis francophones de toutes tendances politiques),aucune signification particulière ne peut être attribué à ces paramètres.

Choix d’un parti par les minorités ethniques à Bruxelles

Dans chacune des communes, plus de 90 % des personnes interrogées avaient la natio-nalité belge (ce qui correspond à l’électorat total). Étant donné le faible nombre denon-Belges interrogés, nous avons choisi de ne pas entrer dans le détail des préférences

des électeurs non-Belges comparées à celles des Belges. Nous pouvons simplement indiquerqu’il n’y a pas de relation statistique significative entre la nationalité (UE, hors UE ou Belge)et le choix préférentiel. Nous avions également indiqué auparavant qu’en raison de leur faibletaux d’inscription, les étrangers – européens ou non – n’ont eu qu’un impact mineur sur lesrésultats électoraux globaux. Cependant, nous pouvons considérer le comportement électoraldes Belges des minorités ethniques car leur nombre est suffisamment important dans noséchantillons. Ce fait atteste à lui seul de l’importance de la diversité ethnique dans l’électoratdes trois communes bruxelloises étudiées. Nous avons considéré la nationalité de la mère (aumoment de la naissance) comme référence de l’origine des électeurs. Avec cet indicateur, nouspouvons identifier tant ladite première génération que la seconde génération d’immigrés. Il ya une grande concordance entre la nationalité de la mère et celle du père1 et, par conséquent,nous avons choisi de ne retenir que la nationalité de la mère.

Les électeurs non belges (qu’ils soient européens ou non européens) ont été regroupés avecles Belges de même origine nationale qu’eux. Nous avons de la sorte construit des catégoriesethniques fondées sur la nationalité, que ces personnes soient devenues belges ou non. Ceregroupement se justifie par l’absence de différence statistiquement significative du compor-tement électoral parmi les minorités ethniques pour chaque nationalité prise séparément,population au cœur de cette analyse. L’analyse proposée oppose ainsi des Belgo-Belges à descatégories construites fondées sur la nationalité : par exemple la catégorie Belgo-Marocainregroupe des Belges d’origine marocaine et des Marocains, et la catégorie UE regroupe desBelges d’origine européenne et des Européens. C’est parmi les nationalités européennes qu’oncompte le plus d’électeurs non belges, mais le nombre de ceux-ci reste minoritaire2.

Dans l’échantillon de Schaerbeek, 56,2 % des électeurs avaient une mère belge, 12,6 % avaientune mère marocaine (74 unités) et 10,7 % avaient une mère turque (63 unités). Dans

1. V de Cramer pour Schaerbeek : 0,800 (p > 0,001), pour Forest : 0,831 (p > 0,001), et pour Molenbeek : 0,869(p > 0,001).

2. Les catégories comparées sont ainsi les Belgo-Belges, les Belgo-Marocains, les Belgo-Turcs, les Belgo-UE, lesBelgo-autres non UE.

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l’échantillon de Forest, 62,6 % des électeurs avaient une mère belge, 14,7 % avaient une mèremarocaine (78 unités), 3,4 % avaient une mère française (18 unités) et 3 % avaient une mèrecongolaise (16 unités). Dans l’échantillon de Molenbeek, 51,8 % avaient une mère belge,21,9 % avaient une mère marocaine (93 unités) et 5,4 % avaient une mère congolaise(23 unités). Dans les trois communes, les autres origines ne dépassaient pas 3 % de l’électorat.Par la suite, nous avons choisi de ne considérer que les résultats pour les groupes quicomptaient au moins 30 unités et nous avons regroupé les autres données en deux catégoriesgénériques (origine européenne et origine non européenne).

Les tableaux 1 à 3 montrent le choix du parti pour les électeurs belgo-belges et belgesd’origine étrangère, en ne considérant que les partis les plus importants. Nous avons regroupéles résultats des plus petits partis dans une catégorie unique qui reprend également les votesnuls. Les pourcentages sont calculés par colonne et représentent la proportion de votes pourun parti pour chaque groupe ethnique.

Le tableau 1 montre qu’à Schaerbeek, parmi les électeurs belgo-belges, la Liste du bourgmestre(parti libéral-MR) était la plus populaire, suivie par le parti écologiste. Le score du parti socialiste(PS) était plutôt faible dans ce groupe, comme pour le parti chrétien démocrate (CdH). Lesscores du parti libéral sont nettement moins importants parmi les électeurs européens, mais ilréussit néanmoins le meilleur score. Les chrétiens-démocrates, les écologistes et les socialistesobtiennent de meilleurs scores parmi les électeurs d’origine européenne (65 % sont de natio-nalité belge) que parmi les électeurs belges. De manière écrasante, le parti socialiste arrive entête parmi les électeurs belgo-marocains (92 % sont de nationalité belge). Les libéraux arriventdeuxièmes et les chrétiens démocrates troisièmes (avec quelque 18 % des voix), alors que lesécologistes ont un score plutôt faible dans ce groupe. Le parti socialiste obtient aussi un bonscore dans le groupe des Belgo-Turcs (84 % sont de nationalité belge), mais les libéraux obtien-nent un meilleur score. Les écologistes obtiennent un score très faible, alors que les chrétiensdémocrates sont à hauteur de leur moyenne. Ces deux partis obtiennent un meilleur scoreparmi les électeurs d’origine non européenne (80 % sont de nationalité belge), mais dans cegroupe, le MR demeure le principal parti, suivi de près par les socialistes.

Tableau 1. Préférence pour un parti selon l’origine à Schaerbeek (en %)

Nationalité de naissance de la mère

Préférence électorale Belgo-Belge

(N = 327)

Belgo-UE

(N = 72)

Belgo-Marocain

(N = 73)

Belgo-Turc

(N = 61)

Belgo-Autres non UE

(N = 48)

PS 11,6 15,3 38,4 36,1 29,2

Écolo 25,1 30,6 5,5 3,3 14,6

CDH 8,0 15,3 17,8 9,8 14,6

Liste du bourgmestre (MR) 46,2 34,7 35,6 47,5 31,2

Autres partis ou vote nul 9,2 4,2 2,7 3,3 10,4

Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

Note : Chi-deux : 79,461 ; degrés de liberté : 16 ; p < 0,0011 ; V de Cramer : 0,1852 (N : 581 cas valides).

1. < 0,001 signifie que la probabilité que les différences de préférences électorales observées au sein des 5 caté-gories de nationalité de la mère soient dues au hasard est de 0,1 %. En d'autres mots, les préférences électoralesvarient significativement selon la nationalité de naissance de la mère.

2. V. de Cramer est un indice variant de 0 à 1. Il mesure la magnitude de l'association de deux variables. Plus savaleur est élevée, plus l'association des deux variables est grande.

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À Schaerbeek, la majorité et les minorités ethniques ont des comportements électoraux dif-férents ; ils votent cependant tous de manière très diversifiée. Les minorités ethniques tendentà voter beaucoup plus massivement pour le parti socialiste que le font les belgo-belges. Leparti Écolo a des difficultés à obtenir des voix parmi les électeurs belgo-marocains et belgo-turcs. Ce parti obtient davantage de voix parmi le groupe majoritaire et parmi les électeursd’origine européenne. La liste du bourgmestre, liée au parti libéral, obtient un bon scoredans tous les groupes ethniques, mais surtout parmi les Belgo-Belges et parmi les Belgo-Turcs. À Schaerbeek, les électeurs d’origine étrangère ne votent pas massivement pour lagauche, bien que le parti socialiste profite largement de leur soutien.

Le tableau 2 donne les résultats pour Forest. Nous observons que la liste du Bourgmestresortant (une coalition entre MR et CdH) récolte de bons scores dans tous les groupes. Lessocialistes obtiennent de meilleurs scores parmi les électeurs belgo-marocains (86 % sont denationalité belge) et non européens d’origine (87 % sont de nationalité belge) que parmi lesélecteurs du groupe majoritaire (tous de nationalité belge) et européens d’origine (77,5 %sont de nationalité belge).

Tableau 2. Préférence pour un parti selon l’origine à Forest (en %)

Nationalité de naissance de la mère

Préférence électorale Belgo-Belge

(N = 327)

Belgo-UE

(N = 72)

Belgo-Marocain

(N = 73)

Belgo-Autres non-UE

(N = 48)

PS 25 26,4 42,3 43,8

Écolo 28,7 25,3 6,4 15,6

Liste du bourgmestre (MR-CDH) 36,4 39,1 33,3 31,2

Autres partis ou vote nul 9,9 9,2 17,9 9,4

Total 100,0 100,0 100,0 100,0

Note : Chi-deux : 30,376 ; degrés de liberté : 12 ; p < 0,001 ; V de Cramer : 0,139 (N : 522 cas valides)

Les écologistes ont plus de difficultés à plaire aux électeurs non européens ou des minoritésethniques, en particulier les Belgo-Marocains. Environ 9 % de ces derniers ont voté pour« Alternative forestoise » (leur score est inclus dans la catégorie « autre ») qui avait pour têtede liste un ancien conseiller communal écologiste d’origine marocaine. Nous pouvons, ànouveau, en conclure que les différents groupes ethniques ont des comportements électorauxdifférents. Les électeurs non européens ou des minorités ethniques ne votent pas uniquementpour la gauche ; une part importante a voté pour la liste de centre-droit de la bourgmestresortante. Comparée à la situation à Schaerbeek, le PS a dû moins compter sur le soutien desélecteurs des minorités ethniques, bien que leur soutien soit demeuré crucial.

Le tableau 3 présente les résultats pour Molenbeek, où il semble qu’il y ait plutôt eu unegrande différence dans les comportements électoraux selon l’origine. La liste du bourgmestresortant (PS en coalition avec le CdH) a reçu un soutien écrasant des électeurs d’origine noneuropéenne (81 % sont de nationalité belge), surtout d’origine marocaine (93 % sont denationalité belge). Ce soutien est beaucoup moins franc parmi les Belgo-Belges : ces électeursont soutenu le parti libéral (MR). Dans notre sondage, tous les soutiens pour l’extrême droite(Vlaams Belang ou FN) proviennent du groupe des Belgo-Belges. À l’inverse de la situation

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de Schaerbeek et Forest, les écologistes se sont maintenus dans tous les groupes ethniques,mais relevons que le parti Écolo a obtenu un score plus mauvais dans cette commune quepartout ailleurs à Bruxelles. On pourrait conclure que les minorités ethniques, à Molenbeek,votent de manière préférentielle et écrasante pour la gauche.

Tableau 3. Préférence pour un parti selon l’origine à Molenbeek (en %)

Nationalité de naissance de la mère

Préférence électorale Belgo-Belge

(N = 220)

Belgo-UE

(N = 65)

Belgo-Marocain

(N = 93)

Belgo-Autres non-UE

(N = 47)

MR 45,9 36,9 8,6 10,6

Écolo 11,4 9,2 7,5 12,8

Liste du bourgmestre (PS-CDH) 22,7 38,5 75,3 59,6

Autres partis ou vote nul 20,0 15,4 8,6 17,0

Total 100,0 100,0 100,0 100,0

Note : Chi-deux : 91,295 ; degrés de liberté : 9 ; p < 0,001 ; V de Cramer : 0,268 (N : 425 cas valide)

Les données de Schaerbeek, Forest et Molenbeek suggèrent qu’il existe des variations d’unecommune à l’autre dans la préférence envers un parti de la part des minorités ethniques.Les électeurs d’origine étrangère ne votent pas nécessairement pour la gauche, mais le partisocialiste doit souvent compter sur eux pour atteindre un score élevé. L’exercice du pouvoirlocal semble jouer un rôle dans l’attraction du soutien de la part des électeurs d’origineétrangère.

L’ethnicité joue-t-elle vraiment un rôle dans le choix du parti ?

Nous avons établi qu’il existe un lien entre l’origine ethnique et la préférence pourun parti. Cela signifie-t-il que l’origine ethnique soit une variable prégnante pourexpliquer le comportement électoral ? Sans doute n’a-t-elle pas d’importance par-

ticulière si nous considérons des facteurs socio-démographiques structurels dans le choixd’un parti comme le genre, l’éducation et la position socio-économique. En effet, les électeursimmigrés pourraient avoir un comportement électoral particulier qui ne serait pas lié à leuridentification ethnique, mais pourrait être attribué par exemple à leur statut socio-profes-sionnel ou à leur niveau d’études. Si les ouvriers sont davantage représentés parmi les mino-rités ethniques que dans le groupe majoritaire, il n’est pas surprenant que le pari socialistepuisse attirer plus d’électeurs d’origine étrangère.

Afin d’estimer l’impact de différentes variables structurelles sur le vote pour des partis spé-cifiques, une analyse logistique multinomiale a été effectuée avec la procédure SPSS-NOMREG. Les estimations qui en résultent sont cependant difficiles à interpréter, car lavariable dépendante n’est pas la probabilité de voter pour un parti spécifique, mais bien laprobabilité de voter pour un parti spécifique par rapport à la probabilité de voter pour unautre parti (c’est-à-dire la probabilité de voter pour le parti utilisé comme catégorie deréférence dans les estimations) selon la catégorie de la variable structurelle à laquelle l’électeurappartient. Dans le but de simplifier l’interprétation des résultats, les estimations obtenues

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dans la régression logistique multinomiale ont été transformées en déviations (exprimées enpoint-pourcentage) des pourcentages moyens des votes pour chaque parti politique, avec leprogramme LEM1 et selon la procédure de Kaufman et Schervish2. Cette procédure permetde présenter les résultats en différence de point-pourcentage de chaque catégorie structurellepar rapport au pourcentage moyen des votes pour chaque parti politique. Cette approche aété introduite dans les études électorales en Belgique par Swyngedouw3, de qui nous noussommes largement inspirés4.

Les tableaux D, E et F, figurant en annexe, donnent un aperçu de l’importance de l’effet dechaque déterminant structurel pour les comportements électoraux. La force de l’impact peutêtre évaluée par le ratio L2/df. Plus grand est ce nombre, plus fort est l’effet. Par exemple,dans le tableau D (résultats pour Schaerbeek), on peut constater que l’origine exerce unimpact plus important sur le comportement électoral que les trois autres variables structu-relles, à savoir le genre (dont l’effet n’est pas significatif), le niveau d’éducation et la positionsocio-économique. Ces résultats montrent que les comportements électoraux des groupesethniques sont en partie indépendants de leur niveau d’éducation ou de leur statut socio-économique. Il convient ici de rappeler que ces modèles de régressions logistiques multino-miaux sont des modèles multivariés, c’est-à-dire que l’impact d’une variable socio-démo-graphique sur le comportement électoral est estimé en contrôlant pour l’impact des autresvariables structurelles. Les résultats pour Forest sont semblables à ceux de Schaerbeek : l’ori-gine a un impact significatif (mais de magnitude moins importante qu’à Schaerbeek) sur lescomportements électoraux et ce, indépendamment de l’effet du niveau d’éducation et de laposition socio-économique. Pour Molenbeek, il semble n’y avoir qu’un effet significatif liéà l’origine ethnique, qui domine tous les autres, puisque l’origine est la seule variable signi-ficative du modèle.

Pour une meilleure vue de l’effet de l’origine ethnique, nous examinons les différences devote selon chaque catégorie d’origine dans les tableaux 4 (Schaerbeek), 5 (Forest) et 6 (Molen-beek). Les tableaux G, H et I, figurant en annexe, présentent l’ensemble des effets nets dechaque variable structurelle des modèles (genre, éducation, SES et origine ethnique). Dansces tableaux, les effets sont exprimés en différences de pourcentages comparés au pourcentagetotal que chaque parti a obtenu aux élections communales de 2006. À la lecture de cestableaux, il faut garder à l’esprit que les effets nets sont indiqués pour chaque variable, enprenant en compte l’impact de toutes les autres variables du modèle. Ainsi, si l’on considèrela catégorie des électeurs d’origine turque pour Schaerbeek et si l’on contrôle les autresvariables structurelles du modèle (le genre, le niveau d’éducation et la position socio-éco-nomique), les voix des électeurs d’origine turque pour le PS sont de 9,075 points-pourcentagesupérieures aux voix pour le PS regroupant l’ensemble des électeurs (19,6 %). Le PS obtientdonc 28,675 % (9,075 + 19,6) des votes des électeurs d’origine turque, après avoir contrôlél’influence de toutes les autres variables du modèle. La différence de pourcentage d’une

1. Jeroen Vermunt, LEM. A General Program for the Analysis of Categorical Data, Tilburg, Department of Metho-dology and Statistics, Tilburg University, 1997.

2. Robert Kaufman, Paul Schervish, « Using Adjusted Cross Tabulations to Interpret Log-Linear Relationships »,American Review of Sociology, 51, 1986, p. 717-733.

3. Marc Swyngedouw, De keuze van de kiezer. Naar een verbetering van de schattingen van verschuivingen inde partijvoorkeur bij opeenvolgende verkiezingen en peilingen, Louvain/Rotterdam, KULeuven/Erasmus Uni-versiteit, 1989.

4. Marc Swyngedouw, Jaak Billiet, Bart Goeminne, De kiezer onderzocht. De verkiezingen van 2003 en 2004 inVlaanderen, Louvain, Universitaire Pers Leuven, 2007.

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catégorie par rapport à la moyenne générale, qui est ici exprimée en différence de points-pourcentage, doit donc être interprétée relativement au poids du parti politique auquel ellecorrespond. Ainsi, une différence de 5 points-pourcentage pour une catégorie particulière aplus d’importance pour un petit parti que pour un grand parti.

Sans entrer dans les détails de tous les résultats, nous observons qu’à Schaerbeek (Tableau 4),être d’origine marocaine ou non européenne augmente de manière significative la probabilitéde voter socialiste. À niveau d’études et statut socio-professionnel constants, les électeursd’origine marocaine sont 14 points-pourcentage de plus à soutenir les socialistes à Schaer-beek. Il est intéressant de noter que les personnes d’origine turque sont plus nombreuses(plus de 12 points-pourcentage) que la moyenne des électeurs à voter pour le parti libéraldu bourgmestre sortant. Il semble ainsi que certains partis à Schaerbeek soient en mesurede s’assurer des voix dans certaines niches ethniques : les socialistes ont plus de succès dansla population d’origine marocaine, alors que les libéraux reçoivent plus de suffrages dans lapopulation turque. À Schaerbeek, ce report plus important sur la liste libérale tient à laprésence sur la liste de plusieurs entrepreneurs d’origine turque disposant d’un capital socialet symbolique fort au sein de la communauté turque schaerbeekoise. Le parti écologistesemble incapable d’attirer les voix des immigrés d’origine non européenne, même si histo-riquement il a été parmi les premiers partis à avoir ouvert ses listes aux candidats d’origineétrangère.

C’est une évidence à Schaerbeek : les électeurs d’origine étrangère ont un comportementélectoral particulier, indépendant de leur niveau d’études ou de leur statut socio-économique.Bien que les électeurs d’origine non européenne soutiennent tous les partis politiques, ilsont une préférence pour le parti socialiste. Les libéraux parviennent à attirer le soutien del’électorat d’origine turque, ce qui n’est pas le cas des chrétiens démocrates. Cependant, cesderniers parviennent à attirer le vote d’électeurs d’origine marocaine et non européenne. Lesécologistes semblent ne pas parvenir à être une option pour les électeurs immigrés d’originenon européenne à Schaerbeek.

Tableau 4. Analyse de régression logistique multinomiale du vote à Schaerbeek selon lescaractéristiques socio-démographiques

Parti politique

PS Écolo CDH Liste du bourgmestre Autres ou vote nul

Score moyen 19,6 % 20,1 % 10,9 % 42,1 % 7,3 %

ORIGINE*

Mère belge -6,208 +5,029 -2,571 +1,112 +2,638

Mère UE -3,576 +12,758 -4,974 -3,977 -0,229

Mère non UE +10,661 -5,263 +8,686 -12,139 -1,944

Mère marocaine +14,514 -15,277 +7,960 -1,477 -5,721

Mère turque +9,075 -16,819 +0,990 +12,181 -5,427

Note : Résultats présentés en différence de point-pourcentage de chaque catégorie d’origine par rapport au pourcentagemoyen des votes pour chaque parti politique, en contrôlant pour le genre, le niveau d’éducation et la position socio-économique. Le modèle de régression logistique multinomiale est présenté dans le tableau D en annexe. Les différencesde point-pourcentage des autres variables socio-démographiques sont présentées dans le tableau G en annexe.* p < 0,001.

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L’existence d’un vote particulier parmi les minorités ethniques est confirmée par lesdonnées pour Forest (Tableau 5). À nouveau, l’origine ethnique a un effet significatifsur la préférence pour un parti, en contrôlant l’effet du niveau d’études et du statutsocio-économique. Les socialistes profitent le plus du vote des étrangers d’origine noneuropéenne (plus 14,4 et 9,3 points-pourcentage pour les électeurs d’origine non euro-péenne et marocaine), alors que les écologistes ne parviennent toujours pas à attirer levote immigré (-6,4 et -17,3 points-pourcentage pour les électeurs d’origine non euro-péenne et marocaine). Le parti libéral de la bourgmestre, qui s’est joint aux chrétiensdémocrates à Forest, maintient son score électoral grâce aux électeurs d’origine maro-caine. Notons que le nombre de candidats d’origine marocaine était beaucoup plus élevésur la liste de la bourgmestre sortante (6 candidats) que sur la liste écologiste (2 can-didats), élément qui doit avoir son importance. Il est vrai qu’une liste dissidente duparti écologiste était emmenée par un ancien conseiller communal écologiste d’originemarocaine.

Tableau 5. Analyse de régression logistique multinomiale du vote à Forest selon les carac-téristiques socio-démographiques

Parti politique

Parti Socialiste Écolo Liste du bourgmestre Autres ou Nul

Score moyen 28,6 % 24,1 % 36,4 % 10,9 %

ORIGINE*

Mère belge -3,209 +4,249 -0,637 -0,403

Mère UE -1,644 +1,999 +1,502 -1,857

Mère non UE +14,381 -6,438 -5,581 -2,363

Mère marocaine +9,313 -17,276 +3,205 +4,758

Note : Résultats présentés en différence de point-pourcentage de chaque catégorie d’origine par rapport au pourcentagemoyen des votes pour chaque parti politique, en contrôlant pour le genre, le niveau d’éducation et la position socio-économique. Le modèle de régression logistique multinomiale est présenté dans le tableau E en annexe. Les différencesde point-pourcentage des autres variables socio-démographiques sont présentées dans le tableau H en annexe.* p < 0,05.

Cependant, l’importance du vote ethnique est plus visible à Molenbeek (Tableau 6). La listedu bourgmestre (socialistes et chrétiens démocrates) a reçu un soutien très important desélecteurs d’origine non européenne, en particulier ceux d’origine marocaine (plus de 33points-pourcentage, sur une moyenne de 40,8 % de voix), en contrôlant l’effet du niveaud’études et du statut socio-économique. Cela contraste avec le parti libéral qui éprouve desdifficultés à toucher l’électorat d’origine étrangère (-18,8 et -22,8 points-pourcentage pourles électeurs d’origine non européenne et marocaine). Cependant, ce dernier obtient un bonscore parmi les autres électeurs. Le parti écologiste parvient à se maintenir dans tous lesgroupes, mais doit se contenter d’un score général faible.

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Tableau 6. Analyse de régression logistique multinomiale du vote à Molenbeek selon lescaractéristiques socio-démographiques

Parti politique

MR Écolo Liste du bourgmestre Autres ou Nul

Score moyen 32,5 % 10,4 % 40,8 % 16,3 %

ORIGINE ***

Mère belge +12,471 +0,900 -17,267 +3,896

Mère UE +3,703 -1,148 -1,766 -0,789

Mère non UE -18,751 +3,417 +16,336 -1,002

Mère marocaine -22,751 -2,946 +33,626 -7,929

Note : Résultats présentés en différence de point-pourcentage de chaque catégorie d’origine par rapport au pourcentagemoyen des votes pour chaque parti politique, en contrôlant pour le genre, le niveau d’éducation et la position socio-économique. Le modèle de régression logistique multinomiale est présenté dans le tableau F en annexe. Les différencesde point-pourcentage des autres variables socio-démographiques sont présentées dans le tableau I en annexe.* p < 0,001.

Dans les trois communes, l’origine ethnique a une importance significative, plus que celled’autres facteurs tels que le niveau d’études et la position socio-économique. Même si lesélecteurs des minorités ethniques ont des comportements électoraux diversifiés (ils soutien-nent potentiellement tous les partis), ils semblent être systématiquement surreprésentés dansl’électorat de certains partis (surtout le parti socialiste). Les variations entre les trois com-munes nécessitent des enquêtes complémentaires, notamment qualitatives, permettant demettre en exergue les effets de contexte, tels que le profil des candidats et la mobilisationlocale. Quelques éléments peuvent néanmoins être avancés. La moindre performance dessocialistes à Schaerbeek tient à l’histoire de ce parti dans cette commune. Il a été moribonddurant une longue période et ne dispose d’une nouvelle assise que depuis peu. Indépendam-ment des partis, le maire sortant et sa coalition locale bénéficient tendanciellement d’unsoutien plus marqué. Cela a moins été le cas à Forest, où les élections de 2006 ont étél’occasion d’un renversement d’alliance : la coalition MR-CdH a été battue par une coalitionPS-Ecolo. Dans cette commune, la concurrence entre les deux coalitions en lice a été unenjeu notamment au sein de la communauté marocaine locale divisée sur la question dusoutien aux coalitions de partis. À Molenbeek, la situation est beaucoup plus clivée. Le partisocialiste est dirigé par le très influent Philippe Moureaux qui a construit une partie de sacarrière politique sur la défense des droits des étrangers et, actuellement, sur le soutien à lacommunauté musulmane bruxelloise. Il est à noter, fait des plus paradoxaux pour un partihistoriquement anticlérical, que la campagne électorale s’effectue aussi dans des rencontresorganisées par les mosquées. Inversement, le parti libéral molenbekois, contrairement à Forestet récemment à Schaerbeek, a soutenu dans divers dossiers, notamment liés au port du voileou à l’introduction de la viande halal dans les cantines scolaires, un discours laïc et presquerépublicain qui ne peut que susciter le rejet de la part des électeurs d’origine étrangère. Nouspouvons conclure que des comportements électoraux propres aux minorités ethniques sontautant présents en Belgique qu’aux Pays-Bas1, malgré les structures des opportunités discur-sives défavorables pour une mobilisation ethnique à Bruxelles. En effet, nos résultats

1. A. van Heelsum, J. Tillie, Opkomst en partijvoorkeur van migranten..., op. cit.

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montrent que les électeurs d’origine non européenne présentent un comportement électoralsignificativement différent de celui des « Belgo-Belges » ne pouvant être entièrement expliquépar les caractéristiques socio-économiques. Cette analyse tend à montrer qu’il est faux depenser que l’élection de candidats des minorités ethniques suppose nécessairement un dis-cours politique explicite fondé sur l’ethnicité. Ceci étant, l’absence de structures d’opportu-nités discursives favorables à la mobilisation ethnique ne signifie nullement qu’aucun dis-cours ne soit tenu mobilisant ce discours. Les pratiques discursives se référant à l’ethnicitésont absentes des espaces publics ; toutefois, ces discours se présentent plus sous la formede hidden transcript, pour reprendre le concept de James C. Scott1. Ainsi, sur les marchés,des candidats des minorités ethniques ne distribuent leurs tracts électoraux qu’à des électeursde même appartenance ethnique, des réunions électorales sont organisées dans des lieuxspécifiques (certaines mosquées), des listes de noms de candidats des minorités ethniquesappelant à voter circulent dans des réseaux restreints.

Qui vote pour les candidats des minorités ethniques ?

Sur l’ensemble des participants à notre sondage, 35,6 % ont marqué une préférencepour un candidat ethnique. Comme nous le voyons dans le tableau 7, tant les personnesavec que sans origine étrangère ont voté pour des candidats d’origine étrangère. Il est

donc inexact de prétendre que les candidats d’origine étrangère ont reçu des voix uniquementd’électeurs également descendants d’immigrés. Sur les 537 électeurs qui ont déclarés avoirdonné une préférence dans leur vote pour un candidat d’origine immigré, 209 n’avaient pasde lien avec l’immigration (38,9 %).

Tableau 7. Tableau croisé des électeurs selon leur origine pour un candidat d’origineétrangère (Schaerbeek, Molenbeek et Forest, N=1507) (en %)

Pays de naissance de la mère

Vote pour un candidat

d’origine étrangère

Mère belge

(N = 859)

Mère UE

(N = 213)

Mère turque

(N = 71)

Mère

marocaine

(N = 240)

Mère non-UE

(N = 124)

Total

(N = 1 507)

NON 75,7 64,8 21,1 41,7 54 64,4

OUI 24,3 35,2 78,9 58,3 46 35,6

Néanmoins, il est vrai que les personnes d’origine immigrée votent, de manière significative,plus souvent pour un candidat d’origine étrangère que celles qui n’ont pas de passé d’histoiremigratoire2. Cette différence demeure si nous prenons en compte le statut socio-économiqueet le niveau d’études.

Dans le tableau 8, nous présentons les résultats d’un modèle de régression logistique quinous permet de prévoir qui vote pour un candidat d’origine étrangère. Ces résultats sontdes résultats multivariés, c’est-à-dire que l’impact d’une variable sur les votes préférentielsest estimé en contrôlant l’effet des autres variables du modèle. Par ailleurs, les résultats sont

1. James Scott, Domination and the Arts of Resistance. Hidden Transcript, New Haven, Yale University Press,1990.

2. V. de Cramer : 0,331 (p > 0,001).

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présentés en rapport des chances (ou Odds Ratio) et s’interprètent en prenant en compte lacatégorie de référence. Par exemple, le rapport de chances des électeurs d’origine turque estde 13,219 ; ce qui signifie que la probabilité qu’un électeur d’origine turque vote pour uncandidat d’origine étrangère est 13,219 fois supérieure à la probabilité qu’un Belgo-Belge (lacatégorie de référence) vote pour un candidat d’origine étrangère. Le niveau d’études n’aaucun effet significatif, ni le statut socio-économique (non présentés dans le tableau 8). Lesvotes de la plus jeune génération (18-34 ans) et du groupe d’âge moyen (34-54 ans) sontdeux fois plus nombreux à se porter sur un candidat d’origine étrangère que ceux émanantde la génération la plus âgée (55 ans et plus). En contrôlant l’effet des autres variables, ceuxqui expriment un vote de préférence pour une femme sont presque quatre fois plus suscep-tibles de voter également pour un candidat d’origine étrangère, comparés à ceux qui nevotent pas pour une femme. Ceci tend à démontrer qu’il existe un groupe d’électeurs quiexpriment délibérément un vote « symbolique » par lequel ils escomptent montrer l’impor-tance qu’ils attribuent à la diversité dans les institutions et, partant soutiennent dans leurchoix électoraux une idéologie en faveur de la diversité1.

Tableau 8. Modèle de régression logistique avec vote de préférence pour un candidatd’origine étrangère comme variable dépendante (Schaerbeek, Molenbeek et Forest,N = 1 507)

Variable structurelle Rapport des chances

(Odds Ratio)

Variable structurelle Rapport des chances

(Odds Ratio)

Origine (ref : Belge)*** Éducation (ref : univ.) (ns)

Origine UE 1,579** Niveau bas ,864 (ns)

Origine non UE 2,861*** Niveau intermédiaire ,914 (ns)

Origine marocaine 4,463*** Niveau élevé (non université) ,935 (ns)

Origine turque 13,219*** Vote de préférence

pour une femme ***

3,874***

Âge (ref : 55 et plus)*** Sexe (ref : homme)** ,720**

18-34 2,351*** Constante ,083***

35-54 2,410***

Note : R2 = 0,189 (Cox & Snell), 0,259 (Nagelkerke), Model Chi-deux = 307,888, degrés de liberté = 11, p < 0,001.ns : p > 0,05 ; * p < 0,05 ; ** p < 0,01 ; *** p < 0,001.

Comme nous l’avons noté, si l’on prend en compte les autres variables dans le modèle, lespersonnes d’origine étrangère sont plus enclines à voter de manière préférentielle pour uncandidat d’origine étrangère que celles qui n’ont pas de lien avec l’immigration. Les per-sonnes qui ont une mère marocaine votent 4,4 fois plus et celles qui ont une mère turque13 fois plus pour un candidat d’origine étrangère que les électeurs qui ont une mère belge.Comme dans la situation néerlandaise2, le vote ethnique préférentiel est donc un phénomèneimportant dans le cadre des élections en Belgique.

1. M. Swyngedouw, D. Jacobs, « Qui a voté en 2003 pour les candidats d'origine étrangère en Flandre (Bel-gique) ? », cité.

2. J. Tillie, De etnische stem..., op. cit.

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** *

Ces dernières années, les minorités ethniques sont devenues un groupe électoral non négli-geable dans les villes belges. L’analyse des préférences électorales demeuraient, néanmoins,un sujet peu investigué qui conduisait à de nombreuses spéculations. Dans cette contribution,nous avons proposé une première analyse des comportements électoraux des minorités eth-niques en Belgique, en utilisant des données recueillies à la sortie des urnes lors des électionscommunales de 2006 dans trois communes de la région de Bruxelles-Capitale. Nous avonscherché à savoir si les électeurs immigrés d’origine non européenne avaient une préférencepour un parti particulier qui ne pourrait pas être expliquée par d’autres variables telles quele niveau d’études ou la position socio-économique. Les données recueillies suggèrent clai-rement qu’en effet, il existe un impact significatif de l’origine ethnique sur le choix du parti,au-delà des autres déterminants socio-structurels. En d’autres mots, les spécificités du com-portement électoral des personnes d’origine étrangère ne peuvent être entièrement expliquéespar les variables socio-économiques traditionnelles, telles que le niveau d’études ou encorela position socio-économique. De manière générale, les électeurs d’origine marocaine ontune forte tendance à soutenir le parti socialiste, mais les électeurs d’origine non européennene votent pas systématiquement pour la gauche. Le parti écologiste connaît des difficultés àobtenir un soutien dans les groupes d’origine non européenne. Ils échouent là où les cen-tristes (CdH) et les libéraux (MR) parviennent à attirer le vote des Belges d’origine étrangère(par exemple, les Turcs à Schaerbeek). Les données recueillies semblent suggérer que lespartis politiques peuvent conquérir localement des niches électorales ethniques. Cependant,des constats traditionnels des enquêtes électorales se maintiennent malgré ces niches. Ainsi,les résultats semblent suggérer un effet important du parti sortant dans l’attraction du soutiendes électeurs des minorités ethniques. Ceci tient notamment au pouvoir des administrationslocales en Belgique puisque ces dernières disposent de compétences et de moyens dansl’attribution d’emplois municipaux, de logements sociaux, d’aide sociale locale. Tous cesrésultats devront, bien entendu, être confirmés par des recherches ultérieures afin d’évaluersi nous sommes en présence de comportements structurels. Par ailleurs, l’approche présentéeici doit être complétée de recherches qualitatives pour interpréter plus finement les diffé-rences observées entre les municipalités étudiées.

Nous nous sommes intéressés aux résultats du vote préférentiel pour des candidats desminorités ethniques. Toutes les catégories d’électeurs sont susceptibles de voter pour cescandidats. Ce serait donc une erreur de dire – comme c’est souvent le cas dans les débatspolitiques et dans les médias – que les candidats d’origine étrangère sont uniquement élusgrâce au soutien d’électeurs qui sont eux aussi descendants d’immigrés. Cependant, il estévident que les électeurs d’origine étrangère votent davantage pour des politiciens d’origineétrangère que ne le font la majorité des électeurs. En effet, en contrôlant pour les variablessocio-démographiques traditionnelles, les électeurs issus de l’immigration votent significati-vement plus fréquemment que les électeurs non issus de l’immigration pour un candidatd’origine étrangère.

Dans des recherches futures, nous espérons pouvoir comparer nos résultats avec d’autresrésultats empiriques quant à la participation politique des minorités ethniques dans d’autrespays d’Europe continentale, qui connaissent également une augmentation du potentiel élec-toral de minorités dans leurs centres urbains. Une première comparaison des données belges

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et de celles des Pays-Bas semble, en tout cas, indiquer que la mobilisation électorale desminorités ethniques est un phénomène constant sans lien avec la structure des opportunitésdiscursives. Cependant, avant de formuler une conclusion finale, il est nécessaire de récolterdes données supplémentaires dans d’autres pays européens. Ces données sont encore rela-tivement rares (à part les Pays-Bas, les pays scandinaves, le Royaume-Uni et l’Allemagne) etde qualités variables. Alors que l’ethnicité est une variable courante dans les études électoralesanglo-saxonnes, les sociologues et les politologues, dans la plupart des pays européens, com-mencent à peine à étudier le comportement des minorités ethniques1.

Andrea Rea, Dirk Jacobs, Céline Teney, Pascal Delwit

Andrea Rea est professeur à l’Université Libre de Bruxelles. Il est membre du centre de rechercheMETICES de l’Institut de Sociologie et président du département des sciences sociales de l’ULB(<[email protected]>).

Dirk Jacobs est chargé de cours à l’Université Libre de Bruxelles et professeur invité aux FacultésUniversitaires Saint-Louis. Il est membre du centre de recherche METICES de l’Institut de Sociologieà l’ULB (<[email protected]>).

Céline Teney est chercheur post-doctoral au centre de recherche METICES de l’Université Libre deBruxelles (<[email protected]>).

Pascal Delwit est professeur à l’Université Libre de Bruxelles. Il est membre du centre de rechercheCEVIPOL et est doyen de la Faculté des sciences politiques, sociales et économiques, Solvay BusinessSchool de l’ULB (<[email protected]>).

1. Nous souhaitons remercier la Faculté des Sciences sociales, politiques et économiques/Solvay Business Schoolde l'Université libre de Bruxelles pour le soutien financier dans l'organisation des sondages.

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ANNEXES

Tableau A. Comparaison des résultats du sondage et des résultatsdes élections à Forest (votes validés)

Résultats sondage (en %) Résultats élections (en %)

PS 30,0 30,73

Écolo 24,7 19,38

Liste du bourgmestre 37,1 40,08

MCCF 3,7 2,75

VLD-CD&V-O 0,4 3,50

Alternative forestoise 4,1 3,55

Note : Chi-deux : 4,86 ; degrés de liberté : 5 ; p : 0,43.

Tableau B. Comparaison des résultats du sondage et des résultatsdes élections à Molenbeek (votes validés)

Résultats sondage (en %) Résultats élections (en %)

MR 34,6 32,22

Vlaams Belang 2,5 6,53

Écolo 11,0 8,34

FN 1,0 4,05

Liste du bourgmestre 43,6 39,52

PTB 3,3 2,84

Force citoyenne 1,0 0,67

Spirit & onafhankelijken 1,5 2,46

PJM 1,5 3,38

Note : Chi-deux : 7,879 ; degrés de liberté : 8 ; p : 0,445.

Tableau C. Comparaison des résultats du sondage et des résultatsdes élections à Schaerbeek (votes validés)

Résultats sondage (en %) Résultats élections (en %)

PS 20,0 25,16

Écolo 20,3 13,79

FN 0,7 1,94

CDH 11,1 10,90

Liste du bourgmestre 43 40,79

DEMOL 1,9 4,07

VLD-LIB 2,1 1,62

PTB 0,5 1,23

Unie 0,2 0,37

MAS-LSP 0,2 0,14

Note : Chi-deux : 6,896 ; degrés de liberté : 9 ; p : 0,648.

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LE VOTE DES MINORITÉS ETHNIQUES À BRUXELLES ❘ 713

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- Folio : q65- H : 249.992 - Couleur : Black

- Type : qINT 09:31:12

Page 24: Delwit Pascal Publication

Tableau D. Modèle de régression logistique multinomiale pour le comportement électorallors des élections locales de 2006 à Schaerbeek

L2 Degrés de liberté Significativité L2/degrés de liberté

Sexe 3,639 4 0,457 0,909

Éducation 37,005 12 < 0,001 3,083

SES 39,541 20 0,006 1,977

Origine (nationalité de la mère) 67,188 16 < 0,001 4,199

Note : Rapport de vraisemblance Chi-deux (L2) pour le modèle =169,007 ; degrés de liberté = 52 ; p < 0,001.Les résultats complets par catégorie de chaque variable structurelle sont présentés en différences de point-pourcentagedans le tableau G.

Tableau E. Modèle de régression logistique multinomiale pour le comportement électorallors des élections locales de 2006 à Forest

L2 Degrés de liberté Significativité L2 /degrés de liberté

Sexe 1,902 3 0,593 0,634

Éducation 19,477 9 0,021 2,164

SES 29,905 15 0,012 1,993

Origine (nationalité de la mère) 20,317 9 0,016 2,257

Note : Rapport de vraisemblance Chi-deux (L2) pour le modèle = 85,490 ; degrés de liberté = 36 ; p < 0,001.Les résultats complets par catégorie de chaque variable structurelle sont présentés en différences de point-pourcentagedans le tableau H.

Tableau F. Modèle de régression logistique multinomiale pour le comportement électorallors des élections locales de 2006 à Molenbeek

L2 Degrés de liberté Significativité L2/degrés de liberté

Sexe 2,574 3 0,462 0,858

Éducation 8,966 9 0,440 0,996

SES 14,289 15 0,504 0,952

Origine (nationalité de la mère) 70,437 9 >0,001 7,826

Note : Rapport de vraisemblance Chi-deux (L2) pour le modèle=122,915 ; degrés de liberté = 36 ; p < 0,001.Les résultats complets par catégorie de chaque variable structurelle sont présentés en différences de point-pourcentagedans le tableau I.

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714 ❘ Andrea Rea, Dirk Jacobs, Céline Teney, Pascal Delwit

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- Type : qINT 09:31:12

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Tableau G. Analyse de régression logistique multinomiale du vote à Schaerbeekselon les caractéristiques socio-démographiques

PS Écolo CDH Liste du bourgmestre Autres ou vote nul

Score Moyen 19,6 % 20,1 % 10,9 % 42,1 % 7,3 %

SEXE (ns)

Homme +0,973 -1,332 -1,212 -0,074 +1,644

Femme -1,164 +1,555 +1,447 +0,116 -1,954

ÉDUCATION***

Niveau bas +15,357 -4,838 -3,477 -8,613 +1,571

Niveau intermédiaire -1,103 -4,486 -1,743 +1,335 +5,997

Niveau élevé (non-universitaire) -3,112 +2,653 +3,548 +1,971 -5,060

Niveau élevé (universitaire) -7,945 +6,823 +1,991 +3,472 -4,342

SES**

Ouvrier -1,926 +1,767 +5,133 -3,754 -1,220

Employé +4,285 -1,389 +0,883 -1,879 -1,900

Cadre ou indépendant -4,141 -7,538 +0,156 +9,848 +1,674

Sans emploi ou allocataire social +5,582 +9,780 -3,064 -22,382 +10,084

Pensionné -4,763 -9,767 -4,588 +18,258 +0,860

Autres -1,926 +1,767 +5,133 -3,754 -1,220

ORIGINE***

Mère belge -6,208 +5,029 -2,571 +1,112 +2,638

Mère UE -3,576 +12,758 -4,974 -3,977 -0,229

Mère non UE +10,661 -5,263 +8,686 -12,139 -1,944

Mère marocaine +14,514 -15,277 +7,960 -1,477 -5,721

Mère turque +9,075 -16,819 +0,990 +12,181 -5,427

Note : Résultats nets présentés en différences de point-pourcentage de chaque catégorie des variables socio-démogra-phiques par rapport au pourcentage moyen des votes pour chaque parti politique. Le modèle de régression logistiquemultinomiale est présenté dans le tableau D en annexe.ns : non significatif (p > 0,05) ; ** p < 0,01 ; *** p < 0,001.

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Tableau H. Analyse de régression logistique multinomiale du vote à Forestselon les caractéristiques socio-démographiques

Parti Socialiste Ecolo Liste du bourgmestre Autres ou Nul

Score Moyen 28,6 % 24,1 % 36,4 % 10,9 %

SEXE (ns)

Homme +1,156 -2,123 -0,495 +1,462

Femme -1,158 +2,172 +0,457 -1,472

ÉDUCATION*

Niveau bas +0,026 -12,622 +6,012 +6,584

Niveau intermédiaire -2,120 +7,674 -3,970 -1,584

Niveau élevé (non-universitaire) +4,814 -6,210 +1,665 -0,269

Niveau élevé (universitaire) -2,605 +7,230 -2,028 -2,597

SES**

Ouvrier +11,680 -6,635 -7,863 +2,817

Employé -4,379 +7,709 -4,371 +1,040

Cadre ou indépendant -9,102 -0,359 +7,623 +1,838

Sans emploi ou allocataire social +13,999 -11,498 -0,483 -2,019

Pensionné +1,766 -10,589 +14,757 -5,934

Autres +3,351 +4,145 -8,598 +1,102

ORIGINE*

Mère belge -3,209 +4,249 -0,637 -0,403

Mère UE -1,644 +1,999 +1,502 -1,857

Mère non-UE +14,381 -6,438 -5,581 -2,363

Mère marocaine +9,313 -17,276 +3,205 +4,758

Note : Résultats nets présentés en différences de point-pourcentage de chaque catégorie des variables socio-démogra-phiques par rapport au pourcentage moyen des votes pour chaque parti politique. Le modèle de régression logistiquemultinomiale est présenté dans le tableau E en annexe.

ns : non significatif (p > 0,05) ; * p < 0,05 ; ** p < 0,01.

Tableau I. Analyse de régression logistique multinomiale du vote à Molenbeekselon les caractéristiques socio-démographiques

MR Écolo Liste du bourgmestre Autres ou Nul

Score moyen 32,5 % 10,4 % 40,8 % 16,3 %

SEXE (ns)

Homme -3,163 -0,952 +3,522 0,593

Femme +3,403 +1,102 -3,960 -0,546

ÉDUCATION (ns)

Niveau bas -2,228 -4,165 +5,359 +1,034

Niveau intermédiaire +0,477 +0,082 -1,040 +0,481

Niveau élevé (non universitaire) +7,144 -1,889 -3,601 -1,654

Niveau élevé (universitaire) -3,982 +9,289 -4,390 -0,917

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SES (ns)

Ouvrier -11,194 -2,896 -4,456 +18,546

Employé +8,339 +3,808 -7,606 -4,541

Cadre ou indépendant -8,902 -1,890 +12,282 -1,490

Sans emploi ou allocatire social +3,861 +0,848 -2,455 -2,255

Pensionné -4,308 -5,620 +6,970 +2,957

Autres -11,194 -2,896 -4,456 +18,546

ORIGINE***

Mère belge +12,471 +0,900 -17,267 +3,896

Mère UE +3,703 -1,148 -1,766 -0,789

Mère non UE -18,751 +3,417 +16,336 -1,002

Mère marocaine -22,751 -2,946 +33,626 -7,929

Note : Résultats nets présentés en différences de point-pourcentage de chaque catégorie des variables socio-démogra-phiques par rapport au pourcentage moyen des votes pour chaque parti politique. Le modèle de régression logistiquemultinomiale est présenté dans le tableau F en annexe.ns : non significatif (p > 0,05) ; *** p < 0,001.

Affichage de campagne électorale

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