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Dépistage du paludisme : tests rapides

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Page 1: Dépistage du paludisme : tests rapides

ARTICLE ORIGINAL

Dépistage du paludisme : tests rapides

Malaria diagnosis : rapid detection testsP. MinodierUrgences pédiatriques, CHU Nord, Chemin des Bourrelly, 13915 Marseille cedex 20, France

MOTS CLÉSPaludisme ;Frottis sanguin ;Goutte épaisse ;Microscopie àfluorescence ;Quantitative BuffyCoat ;Polymerase ChainReaction ;Test de détectionrapide

KEYWORDSMalaria;Blood smear;Fluorescencemicroscopy;Quantitative Buffycoat;Polymerase ChainReaction;Rapid diagnosis test

Résumé Le frottis sanguin et la goutte épaisse sont les pierres angulaires du diagnostic depaludisme. Cependant, le clinicien cherche à disposer de tests rapides de diagnosticd’une sensibilité équivalente ou supérieure aux techniques usuelles. La microscopie àfluorescence (technique Quantitative Buffy Coat ou QBC, par exemple) a une sensibilitéqui dépend de l’expérience de l’utilisateur. Le diagnostic d’espèce y est parfois délicat.L’amplification génomique par Polymerase Chain Reaction (PCR) est très sensible et trèsspécifique. Sa complexité et son coût ne la rendent pas disponible pour tous. Cettetechnique souffre aussi d’un manque de standardisation. Les tests de détection rapide(TDR) chromatographiques de dernière génération, comme l’ICT Malaria Pf/Pv®, le BinaxNow® ou l’OptiMAL®, sont des aides au diagnostic intéressantes en zone d’endémie où latechnique microbiologique fait défaut, ou en complément d’une lecture de lamesdifficile.© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract The diagnosis of malaria relies on thick and thin blood smears. New tests arenow available in order to complete or enhance diagnosis possibilities. Sensitivity offluorescence microscopy (Quantitative Buffy Coat for instance) varies with the operator’sexperience. Species diagnosis may be difficult with QBC. Specific Polymerase ChainReaction (PCR) has excellent sensitivity and specificity. However, there are greatvariations in PCR techniques and the cost per test remains very high. New immunochro-matographic rapid detection tests (dipsticks ICT Malaria Pf/Pv®, Binax Now® or OptiMAL®)may be useful when direct microscopy is not available, or when blood smears are notcontributory.© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction

Le diagnostic microbiologique de paludisme reposesur la pratique d’un frottis sanguin et d’une goutteépaisse. Ces techniques, bien codifiées depuis long-temps, nécessitent un matériel simple et facile-ment disponible. Malheureusement, elles ne peu-vent pas être effectuées au lit du patient, ne sontpas des techniques rapides et requièrent de l’expé-

rience. Le frottis sanguin visualise la morphologiedes parasites et permet ainsi de faire le diagnosticd’espèce plasmodiale. Il peut être pris en défaut encas de faibles parasitémies. La goutte épaisse estplus sensible mais elle ne fait pas le diagnosticd’espèce. Quoiqu’il en soit, le seuil de détectionparasitaire des deux techniques conjointes est del’ordre de 500 plasmodiums par microlitre (soit uneparasitémie de 0,01 %). Il existe aussi des fauxnégatifs, en cas de séquestration profonde des pa-rasites. De plus, frottis et goutte épaisse restentAdresse e-mail : [email protected] (P. Minodier).

Journal de pédiatrie et de puériculture 18 (2005) 386–388

http://france.elsevier.com/direct/PEDPUE/

0987-7983/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi: 10.1016/j.jpp.2005.09.016

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souvent positifs sous traitement, ne permettant pasde différencier parasites morts et vivants. Pouraméliorer son diagnostic, le clinicien recherche destechniques plus rapides, plus faciles à réaliser (no-tamment en zone d’endémie) sans perte de sensi-bilité ou de reproductibilité.

Microscopie à fluorescence [1]

Le principe repose sur l’utilisation d’un fluoro-chrome qui se fixe sur le noyau des parasites, lesrévélant par une fluorescence dans des conditionsde lumière données. Plusieurs fluorochromes peu-vent être utilisés : acridine orange, benzothiocar-boxypurine, rhodamine123. La fluorescence estgénéralement obtenue par l’exposition du prélève-ment à une lumière ultraviolette de 490 nm delongueur d’onde.La technique de Quantitative Buffy Coat (QBC)

combine centrifugation et marquage à l’acridineorange. Elle permet la visualisation des plasmo-diums entre les couches d’hématies d’une part, etde leucocytes et plaquettes, d’autre part. L’acri-dine orange n’est pas spécifique des plasmodiums,et colore les noyaux de toutes les cellules. Il peutdonc être difficile de différencier les parasites descellules sanguines ou de certains débris cellulaires.C’est particulièrement le cas lors d’anémie hémo-lytique avec corps de Howell-Jolly. La sensibilité duQBC pour détecter des parasitémies < 100/ll (soit0,002 %) varie de 41 % à 93 %. La spécificité de latechnique pour la détection de Plasmodium falci-parum est élevée, supérieure à 93 %. Elle chute à52 % pour les infections causées par les autresespèces plasmodiales, surtout s’il s’agit de formesavancées dans leur cycle parasitaire. C’est unetechnique qui nécessite un matériel complexe et unexpérimentateur habitué, notamment pour faire undiagnostic d’espèce. Elle est donc difficile à mettreen pratique en brousse.

Tests de diagnostic baséssur l’amplification génomiquepar Polymerase Chain Reaction (PCR)

Les techniques d’amplification génomique pour ladétection des plasmodiums sont nombreuses : Nes-ted ou heminested PCR, PCR avec marquage à ladigoxigénine (PCR-DIG), PCR en temps réel (Real-Time PCR), multiplex PCR-ligase Detection, Re-verse Transcriptase-PCR... [2,3].Les cibles de l’amplification sont elles aussi va-

riables. Le gène de la grande sous-unité de l’ARNribosomal est conservé chez toutes les espèces

plasmodiales. Le gène de la petite sous-unité 18 Sde l’ARN ribosomal et le gène du circumsporozoïteont pu aussi être utilisés pour différencier les espè-ces avec une Nested ou rt-PCR. Les avantages del’amplification génomique reposent sur une spéci-ficité voisine de 100 % et une sensibilité supérieureà 90 %. Les capacités de détection des plasmodiumspar PCR sont ainsi très largement supérieures àcelles de la microscopie optique et des tests dedétection rapide [3]. À l’avenir, les techniques dePCR devraient permettre aussi de différencier lesparasites vivants des parasites morts. Parfois, laprésence d’un inhibiteur de la PCR dans le sang dupatient ne permet pas le diagnostic par PCR. Dansd’autres cas, l’interprétation d’une PCR positivepeut être délicate, par exemple, lorsque le patientpositif est asymptomatique (portage asymptomati-que ?). Par ailleurs, la complexité de la techniqueet son absence de standardisation rendent difficileson utilisation en pratique courante.

Tests de diagnostic rapide (TDR)chromatographiques

Le principe de ces tests est de détecter une pro-téine spécifique des plasmodiums. Ils doivent, se-lon les recommandations de l’Organisation mon-diale de la santé [4], être aussi performants que lamicroscopie optique pratiquée en routine par untechnicien entraîné. Leur sensibilité doit être supé-rieure à 95 %, et le seuil de détection minimum estfixé à 100 parasites par microlitre (soit une parasi-témie de 0,002 %). La plupart des TDR du paludisme(ParaSight F®, par exemple) reconnaissent l’Histi-dine–Rich Protein II (HRP-2), une protéine solubleexprimée à la surface des hématies et produite parles stades asexués et les jeunes gamétocytes dePlasmodium falciparum [5]. Seul le test OptiMAL®

[6] détecte une enzyme spécifique des parasitesvivants, Plasmodium Lactate Deshydrogenase(pLDH), présente chez les quatre espèces pathogè-nes humaines. Le test ICT Malaria Pf/Pv® (et sesdérivés, comme le Binax NOW®) combine la détec-tion de l’HRP-2 et celle d’une autre enzyme pan-spécifique, l’aldolase. OptiMAL® et ICT MalariaPf/Pv® sont donc les deux seuls tests qui permet-tent la détection de différentes espèces plasmodia-les. La spécificité des TDR est globalement bonne,mais la sensibilité varie. Ainsi, les meilleures sensi-bilités ont pu être obtenues in vitro pour ICT Mala-ria Pf®, ICT Malaria Pf/Pv®, KAT Malaria RapidTest®, Makro-Mal Pf®, Cape Biotech Malaria RapidTest® et DetermineMalaria® [7]. Si OptiMAL® etAccuCheck Rapid Malaria Test® étaient les moinsperformants dans cette étude, tous les TDR testésdétectaient de très faibles parasitémies.

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Nous avons pu comparer ailleurs les sensibilitésde l’ICT Malaria® et l’OptiMAL®, retrouvées dansdifférentes études in vivo [8]. Schématiquement,les parasitémies faibles (< 500 parasites/ll) et lesinfections à d’autres plasmodiums que Falciparumsont mal diagnostiquées (dans cette dernière indi-cation, OptiMAL® semble meilleur qu’ICT®). Lors-que le patient est symptomatique, la sensibilité deBinax NOW® semble très bonne, y compris pour defaibles parasitémies [9]. En fait, un bon TDR ne doitpas être que sensible. Il doit s’adapter à la pratiquede terrain. Aussi, d’autres paramètres sont utilesdans le choix d’un TDR : conditions de stockage(température de conservation, volume occupé),durée de vie (péremption), coût, nombre d’étapeset temps nécessaires à la réalisation, volume san-guin à prélever, facilité de lecture (lecture directeou non, seuil de détection du signal visuel) ouréactivité croisée (notamment en présence de fac-teur rhumatoïde). Par ailleurs, les tests qui détec-tent des parasites vivants (comme l’OptiMAL®) sontutiles en cas de traitement présomptif ou d’auto-médication antérieurs. En effet, lorsqu’un patienta été efficacement traité, on retrouve pendantquelques jours des parasites (morts) dans son sang.La présence de parasites vivants après traitementserait donc l’indicateur d’une inefficacité du médi-cament utilisé.

Conclusion

En résumé (Tableau 1), la pratique d’un frottissanguin et d’une goutte épaisse demeurent les pi-liers du diagnostic de paludisme. Les TDR peuventêtre une aide lorsqu’il s’agit de dépister de nom-breux patients infectés par Plasmodium falcipa-rum, et que la technique microbiologique de basefait défaut, ce qui est souvent le cas en zone

d’endémie. En France, ils peuvent compléter unelecture de lames difficile. Les techniques de dia-gnostic par PCR sont très performantes, mais nesont pas accessibles à tous.

Références

[1] Moody A. Rapid diagnostic tests for malaria parasites. ClinMicrobiol Rev 2002;15:66–78.

[2] Perandin F, Manca N, Calderaro A, Piccolo G, Galati L,Ricci L, et al. Development of a real-time PCR assay fordetection of Plasmodium falciparum, Plasmodium vivax,and Plasmodium ovale for routine clinical diagnosis. J ClinMicrobiol 2004;42(3):1214–9.

[3] Ndao M, Bandyayera E, Kokoskin E, Gyorkos TW,Maclean JD, Ward BJ. Comparison of blood smear, antigendetection, and nested-PCR methods for screening refugeesfrom regions where malaria is endemic after a malariaoutbreak in Quebec, Canada. J Clin Microbiol 2004;42(6):2694–700.

[4] World Health Organization. New perspectives in malariadiagnosis. WHO/MAL/2000.1091. Geneva, Switzerland.

[5] Cruciani M, Nardi S, Malena M, Bosco O, Serpelloni G,Mengoli C. Systematic review of the accuracy of theParaSightTM-F test in the diagnosis of Plasmodium falci-parum malaria. Med Sci Monit 2004;10(7):MT81–MT88.

[6] Palmer CJ, Lindo JF, Klaskala WI, Quesada JA, Kaminsky R,Baum MK, et al. Evaluation of the OptiMAL tests for rapiddiagnosis of Plasmodium vivax and Plasmodium falciparummalaria. J Clin Microbiol 1998;36:203–6.

[7] Craig MH, Bredenkamp BL, Vaughan-Williams CH, Ros-souw EJ, Kelly VJ, Kleinschmidt I, et al. Field and labora-tory comparative evaluation of ten rapid malaria diagnos-tic tests. Trans R Soc Trop Med Hyg 2002;96:258–65.

[8] Minodier P, Noël G, Blanc P, Retornaz K, Garnier JM. Testsrapides de dépistage du paludisme. Arch Pediatr 2005;12:697–9.

[9] Farcas GA, Zhong KJY, Lovegrove FE, Graham CM, Kain KC.Evaluation of the Binax NOW® ICT test versus PolymeraseChain Reaction and microscopy for the detection ofmalaria in returned travelers. Am J Trop Med Hyg 2003;69(6):589–92.

Tableau 1. Comparaison des différentes techniques de diagnostic du paludisme (adapté de [1]).

Paramètres Microscopieoptique

Microscopie àfluorescence

PCR TDR HRP-2 TDR pLDH etHRP-2/aldolase

Sensibilité(Parasites/ll)

50 50 5 > 100 > 100

Spécificité Toutes les espèces Bonne pourP. falciparum

Toutes les espèces P. falciparumseulement

Bonne pourP. falciparumet Vivax

Estimationde la parasitémie

Oui Non Non Estimation Estimation

Temps deréalisation

30–60 min 30–60 min 24 h 20 min 20 min

Niveau de technicité Modéré Modéré Élevé Faible FaibleCoût par test Faible Modéré Élevé Modéré Modéré

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