27
Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence d’agir 1 G G G . . . I I I . . . P P P . . . d d d e e e s s s C C C a a a l l l a a a n n n q q q u u u e e e s s s d d d e e e M M M a a a r r r s s s e e e i i i l l l l l l e e e à à à C C C a a a s s s s s s i i i s s s Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie d’histoire Un patrimoine historique, culturel, archéologique et monumental : intervention de Monsieur Georges AILLAUD, Maître de Conférence en Biologie, Histoire des Sciences, Professeur associé à l’Ecole d’Architecture de Marseille Pour ceux qui me connaissent je ne vais pas aujourd’hui mettre ma casquette de représentant de L’UDVN 13 des Calanques, on m’a demandé de présenter le patrimoine culturel alors c’est au titre de Président du Vieux Marseille et au titre de défenseur du patrimoine culturel depuis une bonne trentaine d’années que je vais le faire. Le titre, un patrimoine historique, culturel, archéologique et monumental, on pourrait rajouter qu’il est tout aussi remarquable, tout aussi exceptionnel à certains égards que le patrimoine naturel. C’est une bonne chose, pour une fois, que l’on en parle puisqu’il est évident qu’un parc national c’est une entité et tout ce qu’il y a à l’intérieur de ce parc national est digne d’intérêt. Les Calanques ont été occupées ou utilisées par les hommes depuis des milliers d’années comme en témoignent des vestiges plus ou moins remarquables depuis la préhistoire jusqu’à nos jours et, dès le 6 ème siècle la création d’un grand port phocéen dans le Lacydon et son développement au cours des siècles aura des conséquences importantes sur les Calanques. Les Calanques et leur histoire seront étroitement liées à ce développement de Massalia, Massilia puis Marsilio et enfin Marseille. Il ne peut être fait, dans le cadre de ce colloque qu’un relevé exhaustif de tout ce qui est intéressant d’un point de vue patrimonial. De tous les objets patrimoniaux, j’ai choisit de ne présenter que quelques exemples significatifs tout au long de ce qu’on appelle une périodisation qui est indiquée sur ce tableau, avec la périodisation classique, préhistoire, protohistoire, antiquité, moyen âge, époque moderne, époque contemporaine, avec en face, quelques éléments, quelques exemples de vestiges et avec tout à fait à droite, la datation. Cela va de la grotte Cosquer jusque pratiquement au début du 20 ème siècle. La grotte Cosquer sera présenté par mon collègue Jacques COLLINA-GIRARD, je n’insiste donc pas sur ce monument, parce qu’on peut parler de monument, il est classé monument historique. C’est le seul qui soit classé dans les Calanques, sur ce monument exceptionnel, que l’on a essayé de nous confisquer d’ailleurs. Pour la petite histoire, souvenez vous, lors de la découverte la mise en doute parisienne, c’était trop beau pour Marseille, c’était une galegade pratiquement, voire une escroquerie et finalement, ce n’est qu’au bout de plusieurs vérifications que l’on a admis la réalité de cette découverte exceptionnelle. Dans le massif de Marseilleveyre, les grottes sont abondantes, Claude ROUSSET vous l’a dit et ces grottes ont été occupées à diverses périodes. Alors, on peut parler de celle de Cortiou et d‘autres sur Riou aussi.

Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie …unpmc.free.fr/documents/parcnational/colloque2005/...Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence

  • Upload
    others

  • View
    3

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie …unpmc.free.fr/documents/parcnational/colloque2005/...Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence

Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence d’agir 1

GGG ... III ... PPP ... ddd eee sss CCC aaa lll aaa nnn qqq uuu eee sss ddd eee MMM aaa rrr sss eee iii lll lll eee ààà CCC aaa sss sss iii sss

Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie d’histoire

Un patrimoine historique, culturel, archéologique et monumental : intervention de Monsieur Georges AILLAUD, Maître de Conférence en Biologie, Histoire des Sciences, Professeur associé à l’Ecole d’Architecture de Marseille Pour ceux qui me connaissent je ne vais pas aujourd’hui mettre ma casquette de représentant de L’UDVN 13 des Calanques, on m’a demandé de présenter le patrimoine culturel alors c’est au titre de Président du Vieux Marseille et au titre de défenseur du patrimoine culturel depuis une bonne trentaine d’années que je vais le faire. Le titre, un patrimoine historique, culturel, archéologique et monumental, on pourrait rajouter qu’il est tout aussi remarquable, tout aussi exceptionnel à certains égards que le patrimoine naturel. C’est une bonne chose, pour une fois, que l’on en parle puisqu’il est évident qu’un parc national c’est une entité et tout ce qu’il y a à l’intérieur de ce parc national est digne d’intérêt. Les Calanques ont été occupées ou utilisées par les hommes depuis des milliers d’années comme en témoignent des vestiges plus ou moins remarquables depuis la préhistoire jusqu’à nos jours et, dès le 6ème siècle la création d’un grand port phocéen dans le Lacydon et son développement au cours des siècles aura des conséquences importantes sur les Calanques. Les Calanques et leur histoire seront étroitement liées à ce développement de Massalia, Massilia puis Marsilio et enfin Marseille. Il ne peut être fait, dans le cadre de ce colloque qu’un relevé exhaustif de tout ce qui est intéressant d’un point de vue patrimonial. De tous les objets patrimoniaux, j’ai choisit de ne présenter que quelques exemples significatifs tout au long de ce qu’on appelle une périodisation qui est indiquée sur ce tableau, avec la périodisation classique, préhistoire, protohistoire, antiquité, moyen âge, époque moderne, époque contemporaine, avec en face, quelques éléments, quelques exemples de vestiges et avec tout à fait à droite, la datation. Cela va de la grotte Cosquer jusque pratiquement au début du 20ème siècle. La grotte Cosquer sera présenté par mon collègue Jacques COLLINA-GIRARD, je n’insiste donc pas sur ce monument, parce qu’on peut parler de monument, il est classé monument historique. C’est le seul qui soit classé dans les Calanques, sur ce monument exceptionnel, que l’on a essayé de nous confisquer d’ailleurs. Pour la petite histoire, souvenez vous, lors de la découverte la mise en doute parisienne, c’était trop beau pour Marseille, c’était une galegade pratiquement, voire une escroquerie et finalement, ce n’est qu’au bout de plusieurs vérifications que l’on a admis la réalité de cette découverte exceptionnelle. Dans le massif de Marseilleveyre, les grottes sont abondantes, Claude ROUSSET vous l’a dit et ces grottes ont été occupées à diverses périodes. Alors, on peut parler de celle de Cortiou et d‘autres sur Riou aussi.

Page 2: Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie …unpmc.free.fr/documents/parcnational/colloque2005/...Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence

Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence d’agir 2

On va passer directement à la périodisation avec quelques exemples ici, je ne vais pas tout commenter, ce n’est pas possible, depuis la formation de Massalia jusqu’à peu près à la dernière épave de la période 500 qui termine cette période de l’antiquité. Cette gravure de Dellepiane est très importante par ce qu’elle représente, elle a été émise pour le 2500ème anniversaire de la création de Marseille. Elle représente d’une manière très mythique Gyptis et Protis. La fondation de Massalia s’est faite, on dit traditionnellement au 6ème siècle avant J.C., il y a donc 2600 ans et le mythe fondateur de cette ville est l’installation des premiers phocéens vers 600 ans avant J.C., c’est le mariage entre le marin grec Protis et Gyptis, fille du roi local des ségobriges. Or, il faut bien avoir conscience qu’à cette époque, les ségobriges sont déjà un mélange entre des celtes et des ligures et à ce propos, Jean VILLON a écrit que c’était un greffon grec sur des populations déjà métissées et Marcel RONCAYOLO l’articulation entre mer et terre est ainsi dans l’acte de naissance de la ville, donc l’acte de naissance de l’occupation du territoire. Cette articulation il faudra la conserver soigneusement dans ce futur parc national que nous appelons tous de nos vœux et après tout, cette fondation de Marseille, il faut penser que les fouilles qui ont eu lieu à propos des travaux du collège du Vieux Port ont donné lieu à la découverte absolument extraordinaire d’un monument qui remonte vraisemblablement à 570 avant J.C. c'est-à-dire contemporain pratiquement de la création de la ville. Lorsque deux siècle plus tard Cyrus s’emparera de Phocée, la majeure partie des ses habitants émigrera dans ce comptoir lointain et c’est à ce moment là que Marseille prendra toute sont extension. Il est bien évident que la création de ce centre très actif depuis la plus haute antiquité va avoir des conséquences sur le territoire. Ici, simplement pour évoquer les vestiges antiques en milieu marin. Les épaves sous marines sont des témoins très précieux de l’histoire des échanges maritimes antiques, de nombreuses routes de Méditerranée que se soit d’Espagne, du Maghreb et à l’époque c’était la Barbarie, d’Afrique ou d’Italie arrivaient à Marseille et pour accéder au port, ce fameux Lacydon, surtout lorsqu’on venait d’Italie, les navires à l’époque faisaient du cabotage, c'est-à-dire qu’ils ne prenaient jamais la ligne directe à travers la haute mer mais suivaient les côtes. Quand ils arrivaient dans ce chenal entre l’archipel de Riou et la côte des Calanques, chenal parsemé d’écueils, avec des bateaux qui étaient peu navigants, avec des vents contraires, il y avait probablement de nombreux naufrages, on comprend donc qu’à cet endroit il y ait un nombre d’épaves considérable et effectivement c’est précisément dans cette partie de l’archipel de Riou que l’on trouve de la majeure partie de ces épaves, il y en a à peu près une cinquantaine sur les 70 que comporte la rade. Parmi elles, il y a 30 épaves antiques, richesse considérable pour l’archéologie. On peut voir une partie de ce qui a été retiré de ces navires au Musée d’Histoire de Marseille. C’est aussi précisément dans ce chenal que l’on a fait, au niveau du Grand Congloué, cet îlot qui est proche de Riou, la première fouille archéologique sous marine conduite de 1952 à 1957 par le commandant Cousteau et que l’on a trouvé par 40 m de fond, un navire duquel on a retiré un certain nombre d’objets, notamment de très nombreuses amphores qui contenaient des éléments intéressants. Sur cette photo vous avez plusieurs représentations d’épaves, ici ce n’est pas l’épave du grand Congloué mais celle de Plane III avec des amphores massaliettes et aussi des amphores étrusques.

Page 3: Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie …unpmc.free.fr/documents/parcnational/colloque2005/...Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence

Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence d’agir 3

Là c’est une plongée sur une autre épave qui n’est pas celle au dessus de Congloué. Ici vous pouvez lire SEST, il s’agit de SESTUS ou SESTIOS, la marque du marchand. A propos de ce Sestios, ceux qui ont à peu près mon âge se souviendront de la polémique qui avait eu lieu entre Fernand BENOIT qui avait étudié les amphores retirées par l’équipe de Cousteau, il était à l’époque directeur de la Circonscription Archéologique et Conservateur du Musée Borelli et Ferdinand L’ALLEMAND, un des plongeurs de l’OFRS. Fernand BENOIT accusait ce dernier d’avoir, au travers de son livre « journal de bord de Marcos Sestios » plagié en quelque sorte sa publication sans le citer. Lors du procès qui a suivi, la justice a donné raison à Fernand BENOIT. Ce procès a été très intéressant parce que c’est de là que date la propriété archéologique, c'est-à-dire la propriété du découvreur. A partir de ces épaves antiques il y a aussi des établissements situés à terre, que ce soit sur le littoral du continent ou bien sur les îles, ici c’est à Riou, l’anse de Monestério où l’on a trouvé des choses intéressantes. Ici on voit mieux le rapport au continent et cela indique la largeur du chenal entre l’île de Riou et le continent. On a trouvé dans cette anse de Monestério des ossements de thonidés mélangés à des débris d’amphores, amphores dans lesquelles on mettait des poissons conservés dans le sel. C’est donc une installation qu’on peut qualifier d’artisanale, quoi que vu le nombre de débris, c’était presque semi industriel pour l’époque.Donc une pêcherie et une conserverie de poisson qui a fonctionné au premier siècle avant notre ère. Aujourd’hui, on ne voit plus que le lieu et les débris mais il y a le souvenir historique de ce lieu qui a été employé pour sécher les thons.

Les épaves antiques : le Grand Congloue

Page 4: Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie …unpmc.free.fr/documents/parcnational/colloque2005/...Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence

Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence d’agir 4

N’oublions pas aussi que dans ce chenal a fonctionné pendant très longtemps, notamment au 17ème, 18ème, 19ème siècle ce que l’on appelle des madragues au thon, j’en reparlerai tout à l’heure à propos de la pêche. Je ne parle pas des fragments que l’on a trouvés à Carpiagne, les restes d’une villa, des Dolias que l’on a trouvé à Callelongue, des poteries sigillées trouvées à Morgiou et de cabestans de pêche au corail trouvés au droit des récifs des Moyades à Maïre, qui sont un souvenir de cette pêche au corail. Ce corail était vanté par Pline qui a dit « Laudatissimum coralium circa Stecades in fine » c'est-à-dire, ce corail si loué près des îles Stécades, ces îles, comme les îles d’Hyères, étaient appelées Stécades. Sur l’île de Riou on peut encore voir une tour de Vigie qui est cerclée en rouge, tour de vigie qui est aussi un pharo, c'est-à-dire un phare en provençal. Pharo qui provient directement du grec pharos. A l’époque ce n’était pas un phare avec les lentilles de frenelle, c’était une tour avec un feu allumé périodiquement en fonction des besoins. La tour circulaire qui reste aujourd’hui, qui est fortement arasée, a un diamètre intérieur d’environ quatre mètres. Le sol présente encore les traces d’un carrelage de terre cuite et à l’ouest, se trouve une citerne voûtée. Pourquoi une citerne ? Et bien parce qu’il fallait que les gens qui surveillaient et qui utilisaient le phare puissent avoir de l’eau à disposition puisque sur ces îles, on a déjà abordé le problème, c’est un karst, il n’y a pas de cours d’eau permanent, pas de source, il n’y a pas d’eau à part quelques mares, à la suite de grande pluies et encore. Il était donc absolument nécessaire de faire des réserves d’eau. Dans tout le bassin méditerranéen, la solution retenue était la citerne, c'est-à-dire la récupération des eaux pluviales. Un feu et des signaux permettaient de correspondre avec la côte. L’alimentation de ces feux d’ailleurs a été rendue responsable de la désertification de l’île. Il n’y a pas que ça, j’ai retrouvé dans les archives communales de Marseille des chartes qui donnaient en fermage des herbages de Riou, herbages « des isles » comme ils sont nommés dans les chartes. La plus ancienne que j’ai trouvé remonte au 16ème siècle. Ce qui veut dire qu’à cette époque il y avait des troupeaux qui étaient envoyés sur les îles pour y passer une certaine période. La vigie est mentionnée dès 1386 et elle fonctionnera jusqu’en 1695. Riou aussi, aura eu pendant plusieurs siècles une spécialité, ce sont les faucons. C’est Bouillon-Landais qui dans sa notice sur l’île de Riou, citée par Sorel qui raconte l’histoire de cet oiseau chasseur. Il s’agit du faucon pèlerin dont la femelle est plus grosse que le mâle et c’est elle que l’on appelle faucon, le mâle étant appelé tiercelet. Ces faucons étaient dénichés puis élevés par des gens qui les vendaient ensuite fort cher et la ville de Marseille de l’époque avait l’habitude d’offrir ces faucons à des personnes de qualité, à de grands personnages. Dans les archives, il est écrit que le 10 juin 1657, la commune a fait don au gouverneur de la province de trois faucons dressés, achetés au sieur Hervé Bérard au prix de 40 livres l’un. Ce faucon pèlerin que nous essayons de protéger, était déjà apprécié de diverses façons à l’époque. Nous allons faire un grand saut dans le temps à travers l’époque moderne sans même nous arrêter à l’épave du grand st Antoine, n’oublions pas que ce grand st Antoine a été incendié et a coulé près du Jarron. Ce navire était une flûte hollandaise de 40 m environ, qui provenait de

Page 5: Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie …unpmc.free.fr/documents/parcnational/colloque2005/...Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence

Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence d’agir 5

Sidon et transportait des marchandises de qualité, entre autres des soieries. C’est lui qui a introduit la peste à Marseille en 1720. Nous passons directement au 19ème siècle et au début du 20ème et nous allons commencer par la pêche. Les Calanques ont fournis plusieurs ports, de Montredon jusqu'à Port Miou. La pêche au thon était une activité importante, on l’a vu, dès le premier siècle avant J.C. avec des installations appelées madragues, dont le nom se retrouve dans la toponymie, pensez par exemple à la madrague de Montredon. Un recensement de 1807 indique pour Mazargues 72 agriculteurs et 75 marins. C’est quand même assez extraordinaire de penser que ce village qui est à l’intérieur du terroir comportait autant de marins. Cela s’explique par le simple fait que les îles ont, depuis le moyen âge fait partie de la chapellenie de Mazargues et qu’il y avait donc des pêcheurs qui étaient en quelque sorte affectés à ce territoire. Ici ce sont des pêcheurs des Goudes, la carte postale est timbrée de 1912 mais la photo a été vraisemblablement prise bien avant, aux alentours de la fin du 19ème siècle mais en gros, la situation a du être la même pour à peu près les 50 années qui ont suivi. Le développement du chalutage à vapeur a ruiné la pêche traditionnelle marseillaise. Certaines pratiques aussi, comme la cueillette du corail qui remonte à très longtemps. Je vous ai cité Pline à ce sujet et pratiquement cette cueillette du corail a diminué fortement au cours des 17ème, 18ème et 19ème siècles pour quasiment disparaître avec la raréfaction de la ressource et donc, ce que l’on vous a présenté tout à l’heure sur ces tombants coralligènes, rend d’autant plus important leur surveillance, leur réhabilitation, et leur conservation. C’était un matériau très commun dans l’antiquité. Passons au patrimoine agricole et forestier. Ici, pour évoquer ce patrimoine agricole et forestier, une image de pastoralisme, des moutons. Il est bien évident qu’il est plus rassurant de voir des moutons sur le domaine des Calanques plutôt que des chèvres puisque sachant que la différence entre les ovins et les caprins est que les premiers coupent l’herbe alors que les seconds l’arrachent et poussent même le vice jusqu’à monter aux arbres pour manger les pousses les plus appétissantes. C’est donc la chèvre qui est responsable de la désertification d’une partie du domaine méditerranéen. Les activités agricoles se sont développées autour des fermes qui existent encore ou tout au moins dont on a gardé le souvenir. La ferme de Luminy, la ferme du Logisson, la ferme de la Gardiole, celle du Mussuguet, la ferme de la Fontasse étaient des fermes très importantes, vraisemblablement issues pour certaines d’entre elles d’établissements qui dataient de l’époque romaine puisqu’on a trouvé à Carpiagne certains éléments de faïences. Parmi les espèces cultivées, il y a la trilogie méditerranéenne classique : oliviers, figuiers, amandiers et dessous, des cultures sèches, pois chiches et lentilles. Ceci jusqu’à l’arrivée du canal de Marseille qui a permis d’amener les eaux de la Durance et de fertiliser le terroir jusqu’à une certaine altitude et l’on voit encore dans le paysage, la différence qu’il y a sous le canal et au dessus du canal. De nombreuses bergeries aussi, construites pour accueillir les ovins et les caprins. Certaines sont encore visibles comme celle du jas du col de Sugiton ou celle du jas de la grotte Rolland,

Page 6: Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie …unpmc.free.fr/documents/parcnational/colloque2005/...Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence

Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence d’agir 6

d’autres sont à peine décelables, il en reste seulement quelques ruines, comme le jas de Sedon ou complètement disparues comme le jas de la Seignerie. Ces diverses activités agricoles du massif étaient conditionnées par la présence d’eau, on en revient toujours à ce problème récurent. Il y a 15 points d’eau qui ont été recensés dont certains très connus comme la fontaine de Voire. Là aussi, c’est un patrimoine diffus qui reste encore sous la forme de citernes que les excursionnistes connaissent bien, certaines qui sont en ruines ne servent plus à rien et d’autres qui contiennent encore de l’eau qui peut être utilisée, sinon pour la boisson du moins pour la cuisson éventuellement, ce qui est formellement proscrit d’ailleurs. Durant le 19ème siècle, le pâturage a reculé. Les décennies 1820 et 1830 qui avaient ouvert en quelque sorte le temps de la grande pression sur le milieu naturel terrestre, en 1890 à peu près, le referme. On passe rapidement aux activités artisanales et industrielles. Ce pot de gemmage, simplement mis pour mémoire, pour se souvenir que pendant très longtemps le gemmage du pin d’Alep a été une ressource assez important pour les populations. Je ne parle pas des charbonnières, je parle simplement de la mise en place, du passage de l’artisanat à l’industrie et notamment du cas des matériaux en évoquant ici une carrière, celle de Solvay avec l’extraction des matériaux, des sables, des graviers et des pierres dans la Calanque de Port Miou. Je vous rappelle la grande manifestation qui avait eu lieu en 1906 contre l’installation de cette carrière, avec le sentiment de la nature qui s’est développé disons de 1860 jusqu’aux années1900 qui ont été à la base de la création de beaucoup de sociétés de protection de la nature. Ce sentiment de la nature n’a pas suffit, l’installation de la carrière Solvay s’est quand même faite en 1913 et a duré jusqu’en 1981, vous en connaissez le résultat. Fort heureusement, il y a eu une enquête publique et la mairie de Cassis est intervenue pour essayer de sauver cette partie de notre patrimoine. Je ne parle pas de la fabrication de la chaux, je vais faire frémir notre ami Claude THOMAS que j’ai vu dans la salle mais tant pis. On va passer tout de suite à l’activité industrielle chimique et métallurgique. Il faut comprendre que ces Calanques ont fait l’objet d’une installation de l’industrie. C’est très curieux parce que l’image que nous avons de la ville actuellement, nous montre les quartiers nord comme anciens quartiers industriels. Or il faut se rappeler qu’à partir de 1880, on a mis des usines dans la partie sud, depuis la madrague de Montredon, les Goudes jusqu’à Callelongue. On avait même commencé à installer un chemin de fer, ou tout au moins à faire les travaux d’installation de la voie. Tout ce patrimoine industriel est encore présent en partie et notamment les fameuses cheminées rampantes qui servaient à neutraliser le chlore sur le calcaire. Ici c’est Callelongue. J’aborderai très rapidement le patrimoine militaire.Vous avez ici un magnifique fortin en pierre dite de Cassis, en pierre froide, magnifiquement construit dans les années 1880. Il fait partie de tout un ensemble de constructions militaires que l’on retrouve sur tout Marseille, tout au long du littoral, ce sont les fameuses tours n°1, n°2, n°3 et n°4, en fonction de la taille de la face du carré. Il y en a une qui est remarquable, qui est une tour n°2 et qui est sur le Frioul à Pomègues. On l’appelle la tour du premier guet et vous voyez qu’il y a de grandes ressemblances sinon que celle là a un étage de plus. C’était des constructions normalisées qui avaient été faites par le ministère de la guerre. J’espère qu’un jour ou l’autre, on classera une partie de ces batteries, elles le méritent.

Page 7: Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie …unpmc.free.fr/documents/parcnational/colloque2005/...Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence

Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence d’agir 7

Je ne vous cite pas les batteries mais au 19ème siècle on en a énormément construit, la plupart de ces batteries d’ailleurs, ont été reprises par les allemands en 1943 après l’invasion de la zone libre et ils ont construit ce qu’on a appelé le « Zud Wal », équivalent du mur de l’atlantique. Ce « Zud Wal » est encore très bien représenté par des fortifications très intéressantes du point de vue de l’histoire militaire et j’espère que là aussi, on aura la sagesse d’en sauver une partie même si ça rappelle un moment dramatique de notre histoire. Cette photo, je l’ai mise pour se souvenir que ces Calanques, en dehors du patrimoine naturel exceptionnel dont on a longuement parlé dans la première partie, possèdent un patrimoine militaire important. Là, dans la Calanque de la Triperie, il faut penser qu’à 37 mètres environ, il y a la grotte Cosquer et, barrant l’éperon de ce Cap Morgiou, il y a les restes d’une fortification qui remonte au 17ème siècle. D’ailleurs, ce Cap Morgiou a été occupé par les anglais lors des guerres napoléoniennes. Une autre photo de l’ensemble des Calanques ou tout au moins une grande partie, pour montrer l’impact que peut avoir sur un site naturel une action de l’antropisme avec la carrière qui est en partie visible mais vous voyez que cette carrière finit par s’intégrer dans le paysage. Cette dernière, simplement pour poser plusieurs questions. La valeur des objets patrimoniaux, il y a un site disons baromètre en mémoire. Valeur sentimentale, attachement au passé, valeur intrinsèque comme témoin de l’histoire. Valeur monétaire aussi car si le sauvetage d’un monument coûte, il y a un rapport direct ou indirect ensuite de par l’exploitation notamment du tourisme culturel et en fait, cela participe de ce qu’on appelle les aménités non marchandes. Un tel site est inséparable des hommes qui y ont laissé leurs traces. Cette dernière photo montre en quelque sorte ce que pouvait voir l’homme préhistorique à l’époque.En premier plan, les pans de Marseilleveyre, en deuxième plan l’île de Riou et enfin la mer jusqu’à l’horizon. On pourrait appeler cette photo « fenêtre sur l’espoir, fenêtre sur l’avenir ».

Page 8: Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie …unpmc.free.fr/documents/parcnational/colloque2005/...Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence

Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence d’agir 8

Je souhaite que nos enfants et petits enfants voient la même chose et que finalement, ce site merveilleux reste intouché ou tout au moins, que l’on fasse des aménagements et une valorisation qui soient respectueux de cet ensemble absolument exceptionnel non seulement au point de vue naturel mais aussi au point de vue culturel. Je vous remercie et je passe la parole à Jacques COLLINA-GIRARD. Bonjour, effectivement comme tu le disais, tu m’as fait bondir et surtout d’autant plus que pour moi la chose est tellement importante parce que ça vivait à l’intérieur du massif alors que les usines sont apparues après en périphérie, là c’est beaucoup plus ancien et ça vivait, j’allais dire presque un mot qui va sembler déplacé, en symbiose avec le massif. Et bien je suis ravi que tu sois intervenu et je pense que j’ai fait volontairement l’impasse là-dessus parce que je voulais que le spécialiste intervienne.

La Grotte COSQUER ou l’arrivée de l’homme moderne dans les Calanques

Intervention de Monsieur Jacques COLLINA-GIRARD, Paléontologue, Maître de Conférence à l’Université Aix-Marseille, Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme Je vais vous présenter en une vingtaine de minutes, les 30 000 ans d’histoire de la grotte Cosquer. Tous les touristes qui se promènent à Marseille sur le Vieux- Port apprennent que la ville a été fondée autour du 5ème siècle avant J.C. mais les géologues et les préhistoriens savent que cette histoire est beaucoup plus longue. Effectivement, dans le 8ème arrondissement en 1991, a été mis au jour une grotte préhistorique scientifiquement très importante, la grotte Cosquer dont vous avez ici une image avec le panneau des petits chevaux qui remonte à 18 000 ans. Tout ça vous rappelle aussi l’importance de l’échelle d’observation et de l’échelle de temps. Lors des communications précédentes, on s’intéressait à des échelles de temps différentes, l’échelle actuelle pour l’évolution du monde végétal, en ce qui concerne l’évolution historique dont vous a parlé Monsieur Georges AILLAUD, le préhistorien va s’intéresser lui, à une évolution qui dure environ 30 000 ans et le géologue comme Monsieur Claude ROUSSET, va s’intéresser lui à des millions d’années. Toutes les observations sont relatives à l’échelle de temps que l’on prend. On pourrait rappeler l’aphorisme d’un philosophe chinois de l’antiquité qui disait qu’un moustique qui ne vivait qu’une journée ne pouvait pas avoir l’idée de la succession des saisons et nous sommes exactement dans la même situation. Il n’y a que les sciences historiques, géologiques ou préhistoriennes qui donnent une vision globale de ce qui s’est réellement passé. Savoir ce qui s’est passé dans la grotte Cosquer implique de connaître le contexte général dans lequel cette histoire s’est passée. L’occupation principale de la grotte Cosquer remonte à 18-19 000 ans, en pleine période glaciaire. La dernière glaciation se termine vers 10 000 ans et mène aux conditions actuelles, conditions interglaciaires. Nous vivons dans des conditions interglaciaires depuis que la climatisation a été arrêtée.

Page 9: Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie …unpmc.free.fr/documents/parcnational/colloque2005/...Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence

Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence d’agir 9

Les gens de cette époque là vivaient dans des conditions complètement différentes puisqu’il y avait une énorme calotte de glace sur l’Europe du nord, elle pouvait atteindre à certains endroits 3 000 m d’épaisseur. Il y avait aussi une calotte en Islande et en Angleterre et on pouvait passer directement de Paris à Londres sans emprunter le tunnel sous la Manche, tout était complètement à sec. Effectivement, dans la Manche, il est fréquent que les pêcheurs ramènent des défenses de mammouths, des dents d’éléphants ou des vestiges d’animaux qui vivent bien sûr actuellement et qui vivaient en milieu émergé. A cette époque, la limite des sols gelés permanents que l’on connaît actuellement dans le nord de la Russie se trouvait entre Paris et Bordeaux. On avait des glaciers dans les Alpes, dans les Pyrénées et le contour de la mer était complètement différent. On passait directement de l’Italie à la Sardaigne, de la France à l’Angleterre et il y aurait des détails aussi sur la modification du trait de côte un peu partout, en Grèce aussi. Voilà le contexte dans lequel vivaient ces gens, un contexte qui est extrêmement différent du contexte actuel. A Marseille même et dans les Calanques, si on fait descendre le niveau de la mer de 135 m comme je l’ai fait sur ces deux cartes, 135 m c’est le niveau de la mer au maximum glaciaire il y a 19 000 ans, on s’aperçoit que tout le plateau continental devant la grotte Cosquer et devant Marseille était complètement à sec, les plages de l’époque se trouvaient au-delà du phare de Planier qui est à 13 Km du Vieux Port. Donc, un plateau continental complètement émergé et les hommes préhistoriques avaient un territoire extrêmement grand par rapport à l’actuel. Quand on regarde la morphologie, on s’aperçoit qu’entre le Frioul et la côte il y a une immense dépression dans le prolongement du bassin de Marseille. Cela pouvait constituer à l’époque un lac et cet espace était certainement fortement habité. Claude ROUSSET vous a parlé du karst sur le calcaire. On retrouve aussi sous l’eau des dépressions fermées notées en bleu ici, qui ressemblent beaucoup à des dolines c'est-à-dire à des dissolutions karstiques en milieu calcaire qui se produisent uniquement en milieu émergé. Ca, c’est un peu une interprétation où j’ai remis ces dépressions fermées et ajouté le réseau de vallées sous marines tiré de la topographie sous marine et ces vallées sont, on ne le voit pas très bien ici mais il y a des orientations de directions préférentielles qui guident ces vallées sous marines et qui sont aussi celles des Calanques. Quand on approche du Cap Morgiou en avion comme c’est le cas ici, on voit très bien la morphologie générale des Calanques avec des vallées extrêmement profondes, très encaissées qui ont été produites par la remontée de la mer après la dernière glaciation, dans ces vallées qui étaient à l’époque terrestres. Là, vous avez la Calanque et le village de Morgiou, le Mont Puget, le campus de Sugiton qui se trouve quelque part derrière, la Calanque de Sormiou et le Cap Sormiou qui a une forme assez géométrique, tout ça est produit en fait par le pré découpage des calcaires par la fracturation qui a guidé l’érosion. Là vous avez la Calanque de la Triperie, la grotte Cosquer se trouve exactement ici en dessous à 37 m de fond. Elle n’est bien sûr accessible qu’en plongée. Cette grotte Cosquer n’est pas isolée, il n’y en a pas d’autres dans le secteur. Juste à côté, on a la grotte de la Triperie qui descend à 17 m de fond avec stalactites et stalagmites, elle aussi

Page 10: Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie …unpmc.free.fr/documents/parcnational/colloque2005/...Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence

Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence d’agir 10

était émergée à l’époque, et ici, à 20 m de fond, il y a la grotte du Figuier avec un énorme porche. Elle était probablement habitée à cette époque là et il est probable que si on faisait des fouilles dans cette grotte du Figuier on trouverait aussi des vestiges archéologiques, c’est pratiquement certain. Plus récents, des vestiges sans doute napoléoniens, il y a des canons qui traînent par là et des carcasses de chevaux. On se demande ce qu’elles font ici mais ce sont aussi des vestiges archéologiques. Voilà le paysage de la grotte Cosquer à cet endroit.

Ici, vous avez une reconstitution des paysages que pouvaient contempler les hommes préhistoriques il y a 19 000 ans, quand tout était émergé. La grotte se situerait par ici, au pied de la Pointe de la Voile dans la Calanque de la Triperie, avec les animaux qui vivaient à cette époque sur le plateau continental qui est un espace très découvert sur lequel circulaient probablement les hordes de chevaux que l’on voit représentées dans la grotte. Il y a également dans la grotte des représentations de bisons. Il est vrai qu’on imagine mal ces animaux circulant dans les collines escarpées des Calanques, par contre comme le plateau continental était très large et constituait un espace assez plat, on peut penser que ces animaux se trouvaient effectivement dans ce secteur. Dans cette grotte Cosquer, elle s’appelle ainsi parce qu’elle a été trouvée par Henri Cosquer qui, en explorant un petit trou pas très haut, au pied de la Pointe de la Voile, a remonté en faisant une exploration à la manière spéléologique, ce long couloir de 116 m pour aboutir dans la grotte et découvrir les premières peintures. Pas tout de suite d’ailleurs. Il a mis un certain temps à se rendre compte qu’il y avait des peintures qui petit à petit se sont imposées à lui comme quelque chose de scientifiquement important. Cela a été signalé au cours de l’été 1991 et ensuite il y a eu des opérations scientifiques à partir de juin et octobre 1992, et encore en 1994.

LE CAP

Grotte Cosquer, -37 m

Calanque de Sormio

Campus de

Grotte de la Triperie, -17 m

Grotte du Figuier, -20 m

MARSEILL

Page 11: Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie …unpmc.free.fr/documents/parcnational/colloque2005/...Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence

Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence d’agir 11

Je vous présente rapidement ce qu’on peut trouver dans la grotte en fonction des occupations et des évènements qui s’y sont produits. On rentre dans ce siphon de progression en spéléo, dans le noir et on aboutit dans cette première salle. Vous voyez ici Luc VANREL qui a activement participé à l’aménagement de la grotte ces dernières années et qui se trouve dans la salle d’accès. C’est une salle d’à peu près une soixantaine de mètres de diamètre avec un plafond très incliné qui correspond aux dalles de calcaire urgonniènnes que l’on voit à la surface. C’est une surface structurale et on voit aussi que cette grotte est très concrétionnée, il y a des piliers de stalactites et de stalagmites un peu partout, certains se sont effondrés sous leur propre poids, c’est assez fréquent dans le site. Là pour l’instant on ne voit pas grand-chose, on va continuer à observer la grotte.

Là, nouvelle vue du Cap Morgiou. Ici, il s’agit des explorations sous marines dans les salles immergées de la grotte, grotte que l’on ne connaît qu’en partie. Dans la partie actuellement émergée mais ce n’est pas toute la grotte, une partie des salles ont disparu et là vous voyez l’aspect de ces salles sous marines avec le sédiment très fin qui est en bas, c’est très dangereux parce qu’en palmant on peut remuer de la vase et des accidents ont eu lieu dès la découverte de la grotte. Les conditions sont très spéciales pour les biologistes, on y trouve des éponges, des serpules, c’est dans le noir mais ce n’est pas désert, ça ressemble beaucoup aux conditions que l’on a dans les fosses profondes en mer et présente un intérêt biologique extrêmement important. Là, le dessin n’est pas très bon, vous voyez comment ça se présente : on arrive ici à 37-40 m, on remonte ce siphon très étroit sur 116 m et on arrive au niveau 0. A cet endroit on émerge, on se déséquipe et on explore ces deux salles, une salle sud, une salle nord qui remonte vers la surface sur une cinquantaine de mètres et qui descend vers le bas également sur 25 m.

Page 12: Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie …unpmc.free.fr/documents/parcnational/colloque2005/...Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence

Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence d’agir 12

La salle se présente comme ça, on sort d’ici et donc la première salle, la salle Fulle est assez grande, on passe par un petit passage dans la salle nord. On pourrait rêver en se disant que la forme de la grotte Cosquer, d’après des relevés très récents, ressemble à une tête de cheval et, sachant que dans la grotte c’est principalement le cheval qui est représenté, on pourrait se dire que tout est cohérent. C’est une vision poétique, ils n’ont pas choisi la forme de la grotte en fonction de leur animal fétiche. Voilà un plan plus détaillé de la grotte, avec au centre un tertre important, un tertre d’éboulement. Il y en a également un dans la salle nord et les peintures où les gravures sont disposées sur les parois.

Les vestiges les plus anciens sont sur la paroi est mais il y en a également un peu partout.On a eu la chance de pouvoir dater ces peintures et ces gravures. Il est exceptionnel que des peintures soient faites au charbon de bois et donc permettent la datation au carbone 14. On a donc deux phases de fréquentation évidentes. Une phase très ancienne à 27 000 BP. Ensuite, il y a une période pendant laquelle la grotte n’est pas fréquentée, un hiatus temporel de 10 000 ans. Les gens reviennent à 18 000 BP avec de nouvelles peintures et gravures. Il y a donc deux phases d’occupation avec un hiatus au milieu Ces deux phases de fréquentation sont confirmées également par le style. D’abord la première phase d’occupation, 27 000 BP présente avant l’actuelle, avant 1950 et ça correspond probablement à l’arrivée de l’homme moderne dans les Calanques.

SALLE

SALLE

PUITS

SORTIE DU SIPHON

Page 13: Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie …unpmc.free.fr/documents/parcnational/colloque2005/...Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence

Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence d’agir 13

Cet homme moderne a laissé sa marque dans la grotte Cosquer sous forme de mains dites « négatives », formes de mains faites au pochoir. Il a mis la main sur la paroi, craché ou soufflé du colorant, ici il a plutôt soufflé, avec un tube, Il y a dans la grotte Cosquer 55 mains négatives dessinées. Il faut savoir que ce n’est pas une fantaisie locale marseillaise, ces mains existent partout. Dans les Pyrénées on retrouve exactement la même chose. Cette pratique était liée à un contexte culturel global, général, il s’agit vraiment d’une civilisation qu’on appelle le gravettien. C’est une culture que l’on connaît depuis la Sibérie jusqu’en Europe et toujours avec les mêmes traits communs. Certains doigts paraissent amputés, les préhistoriens s’interrogent sur l’origine de ces doigts soit repliés soit coupés. Je pense qu’ils sont vraiment coupés, c’est sans doute lié à des rites initiatiques, on ne sait pas exactement. A cette époque, quand la mer se situait aux alentours de 110, 127 mètres, un peu plus haut que la phase la plus récente, la courbe remontait de la mer depuis 19000 ans. Vous voyez que ça remonte extrêmement vite puisque vers 10 000 ans on est encore à peu près vers 55 m de fond, au pied des falaises du Grand Congloué. Ces mains négatives se trouvent dans le secteur proche du puit nord. Ici, Thierry BRETON, spéléo qui a participé aux opérations, éclaire une de ces mains et vous voyez qu’il y en a beaucoup, toutes concentrées au niveau d’un gouffre béant qui à l’époque était encore plus béant puisque la mer n’était pas là. On peut donc s’interroger aussi sur la corrélation entre ces panneaux de mains négatives et la topographie de la grotte 4, aussi un symbolisme important de la grotte. Là, Luc VANREL vous montre qu’effectivement, en repliant les doigts, on peut avoir quelque chose comme ça, quoique celle là soit à peu près entière. Donc une coutume répétitive dans les grottes d’Europe occidentale au gravettien et dont on a un cas dans la grotte Cosquer.

Page 14: Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie …unpmc.free.fr/documents/parcnational/colloque2005/...Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence

Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence d’agir 14

Ensuite, postérieurement à cette période, on a un hiatus, les gens semblent ne plus fréquenter la grotte, on en a la preuve par la datation, on a aussi justement à cette période un effondrement important. On trouve des concrétions qui ont été cassées, cisaillées, des glissements du plafond se sont produits à cette période là puisque les dessins faits sur ces concrétions ont été déplacés par le glissement du plafond et, sur les concrétions tombées au sol on a fait des foyers dans la phase récente. Ces effondrements semblent s’être produits justement pendant ce hiatus. Est-ce que ces glissements de plafond ont rendu la grotte peu sûre ? Les gens sont-ils partis à cause de ça ? C’est possible, c’est une hypothèse. Ces glissements de plafond peuvent être dus, soit au simple glissement gravitaire du plafond, soit peut être, déclenchés par des séismes. Les géologues en Provence, semblent, d’après d’autres arguments, voir des traces de séismes importants à cette période là. Là vous avez des exemples de fracturations de concrétions et de déplacements de ces concrétions, ça bougeait vers la gauche et là on distingue des mains négatives, donc c’est postérieur aux mains négatives, au moins ici et l’argument de la date supérieure, ce sont les charbons posés sur les concrétions cassées au sol. La grotte Cosquer est quand même en danger. Ca a bougé et ça peut donc bouger à nouveau. En fait, la grotte se comporte un peu comme un vide en sandwich entre deux assises calcaires ce qui n’est pas très stable. Cela semble s’être stabilisé actuellement. C’est une carte avec les déplacements qui vont tous vers le sud est, c’est le sens du formage des couches, c’est donc assez logique, c’est cohérent.

UN GLISSEMENT ET UN TASSEMENT DU PLAFOND VERS LE SUD-EST

Phénomènes gravitaires ?

Séismes

La raison de l’abandon de la grotte pendant 10 000 ans ?

Page 15: Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie …unpmc.free.fr/documents/parcnational/colloque2005/...Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence

Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence d’agir 15

Ensuite, vont arriver les derniers occupants de la grotte Cosquer que l’on appelle les solutréens ou les épi gravettiens. Ils ont deux animaux fétiches caractéristiques, le cheval, qui pouvait galoper sur le plateau continental et le bouquetin, qui a disparu des Calanques mais qui pouvait fort bien s’y trouver à l’aise étant un animal de rocher. On les retrouve en peinture et en gravure un peu partout. Cette phase récente, 18 000 BP a été datée puisqu’on a d’énormes foyers dans la grotte. Il y a beaucoup de foyers, de charbons qui ont permis des datations. On a également pu déterminer la végétation, c’est le pin sylvestre, arbre qui vit plutôt en moyenne montagne actuellement et qui correspond bien au climat plus froid de l’époque. Voilà un des chevaux, ils sont nombreux, dessinés au charbon. Ce ne sont pas vraiment des peintures, plutôt du fusain, ils ont étalé sur la paroi la poussière de charbon avec les torches en la mélangeant au calcaire ramolli et ils ont sur creusé pour redonner le blanc au niveau du museau et au niveau des yeux. Ca c’est une peinture. La mer est à 120, 130 m à cette époque là. Ici vous avez le panneau de petits chevaux qui vous montre plusieurs représentations de chevaux de ce style, que vous voyez ici aussi. Ce panneau est partiellement effacé par la mer, la mer est remontée après le passage de ces gens et de leurs dessins.

On pourrait parler comme on le faisait au 19èmes siècle de dessins antédiluviens si on assimilait le déluge à cette remontée récente de la mer. Ces chevaux existent aussi en gravure. Dans toutes les grottes ornées, en plus des peintures, on trouve des gravures. On à la tête du cheval ici, le cou, les pattes, le ventre, les pattes arrière. C’est similaire à ce que l’on a en Ardèche où il y a des grottes ornées de la même période et du même style.

Page 16: Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie …unpmc.free.fr/documents/parcnational/colloque2005/...Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence

Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence d’agir 16

Cela montre aussi que ces gens n’étaient pas isolés mais qu’ils faisaient partie d’une culture extrêmement étendue en France, en Europe et un peu partout. Là c’est un bouquetin, vous avez la tête et les deux cornes ici, le cou, les pattes avant, les pattes arrière, le ventre et le dos. C’est une représentation assez raide tout à fait typique de cette période là. On y trouve aussi des animaux, rares dans les grottes préhistoriques. Vous avez une panthère, un félidé avec les oreilles rondes, vu au trois quarts face, une antilope Saïga que l’on connaît dans les steppes froides d’Asie Centrale et dont on reconnaît la courbure du nez, les deux petites cornes vers l’avant. C’est exceptionnel de voir des représentations d’antilopes Saïga dans les grottes, je crois que c’est la première fois. On a des bovidés, des aurochs et deux bisons. On a des formes assez variées avec, toujours privilégié, le couple bouquetin, cheval. Vers le nord de la grotte, il y a ce puit qui descend extrêmement profond, on a ces draperies de mains noires et des coulées de calcaire avec des charbons (ancien feux). Autre rareté de la grotte Cosquer, ce site était près de la mer mais pas tout à fait et on a des représentations d’animaux marins. Ici vous avez les fameux pingouins, c’est un oiseau, vous avez ici la tête, le bec, le cou, les deux ailerons. Peu de silex ont été trouvés parce que la grotte Cosquer n’est pas un site d’habitat, ils ne vivaient pas dedans. C’étaient des grottes dans lesquelles on pratiquait sans doute des cérémonies, on y venait sporadiquement. On a trouvé des objets, des lames de silex perdues sur le sol. Autres animaux marins, les phoques, vous reconnaissez ici la tête, le corps et la nageoire caudale. Ils sont souvent surchargés de traits sur lesquels on peut également s’interroger. Ces phoques si on les cherchait au bord du plateau continental, à plus de 20 Km de Marseille pour observer les sites côtiers de chasseurs de phoques de cette époque, il faudrait le sous marin d’ Henri DELAUZE pour aller jusqu’au rivage de cette époque et avoir une idée exacte des sites littoraux préhistoriques qui sont malheureusement pratiquement tous perdus. Là c’est une figuration un peu spéciale, ça semble être un phoque, mais Jean Claude qui est un spécialiste de l’art pariétal y voit lui une représentation hybride mi phoque mi homme parce que la forme des fesses n’est pas celle d’un phoque. Il y a un prolongement ici de la nageoire qui ressemble à une main. Il met ça en rapport avec des figurations de sorciers et dans son hypothèse, du chamanisme dans ces grottes.

Page 17: Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie …unpmc.free.fr/documents/parcnational/colloque2005/...Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence

Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence d’agir 17

On a donc dans les Calanques quelque chose qui est exceptionnel, qui est bien sûr à protéger, ce qui est du ressort du ministère de la culture. Actuellement, la grotte est fermée par des blocs que l’on a amenés devant l’entrée et qu’il faut relever avec des grues, des systèmes spéciaux chaque fois que l’on veut entrer, parce qu’actuellement l’accès est interdit du fait de la fragilité du site. Si des plongeurs entraient, simplement par curiosité, ils pourraient détruire des gravures, même sans mauvaises intentions et donc ça nécessite une protection importante. Depuis, la mer a continué à monter. Là vous avez l’ouvrage d’un précurseur au point de vue idée, c’est Auguste BOUCHAILLER qui en 1937 avait écrit « Marseille ou la mer qui monte ». Il était ingénieur des travaux publics et avait fait quelques observations dans le Vieux Port et ailleurs. Il avait émis l’hypothèse d’une remontée de la mer mais malheureusement à l’époque il n’y avait pas de chronologie fiable, de méthode physique et donc ses conclusions sont un peu discutables mais les observations sont bonnes. On peut donc se demander quel est notre avenir par rapport à la remontée de la mer. Depuis, avec les photos satellites on a une bonne idée de cette remontée de la mer qui depuis les années récentes a une croissance exponentielle et on estime d’après ces observations satellites que la mer remonte de 2,5 mm par siècle. Ce n’est pas beaucoup mais en 50 ou 100 ans ça peut rogner le bas des gravures de la grotte Cosquer et il faut se dépêcher de les étudier avant qu’elles ne disparaissent. Ceci dit, les géologues savent très bien que des remontées de la mer il y en a eu à toutes les époques et ça s’est produit au pliocène pendant le quaternaire, d’ où des argiles marines qui remontent au-delà de Lyon. Voilà ce qui nous attend si ça continue à remonter.

Page 18: Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie …unpmc.free.fr/documents/parcnational/colloque2005/...Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence

Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence d’agir 18

Monsieur Thierry BEZER : Merci Monsieur COLLINA-GIRARD, Y a t’il des questions?

Questions - Réponses 1) Un participant, Membre du Club Alpin Français Est-il possible ou envisageable de faire comme à Lascaux ou a Altamira, une reproduction de la grotte Cosquer qui pourrait être la porte du futur Parc National des Calanques ? Cela ferait un plus touristique pour Marseille et le public pourrait enfin voir les merveilles de la grotte Cosquer. On pourrait l’imaginer à Luminy couplée avec une ballade au niveau du belvédère de Sugiton. Monsieur Jacques COLLINA-GIRARD, Paléontologue, Maître de conférence au CNRS C’est vrai que ça serait idéal de pouvoir montrer une reproduction de la grotte Cosquer mais il y a quand même un problème pratique. Il faut savoir qu’à Lascaux le travail de reproduction a duré plus de 10 ans, ne reproduisant qu’une petite partie de la grotte. A Cosquer il faut descendre en plongée avec le matériel, avec aussi les limitations météos de la mer, c’est déjà beaucoup plus difficile. Ensuite, la grotte de Lascaux est simple, c’est un tube facilement reproductible. A Cosquer il y a plein de stalactites, de stalagmites et d’anfractuosités, la topographie est plus difficile à reconstituer. Ce serait peut être possible par informatique. Il y a eu un projet de relevé informatique de la grotte qui a été fait partiellement et un petit film au musée d’histoire mais il est très limité et je pense que l’avenir sera plutôt dans cette voie là. En tout cas, ce ne sera pas facile sauf peut être de présenter un panneau d’une partie de la grotte comme ça avait été fait pour l’exposition sur la grotte Cosquer en 1992. Je crois qu’il faut limiter nos ambitions. Monsieur AILLAUD me souffle la possibilité de faire un trou pour accéder directement à la grotte mais ça risque de poser des problèmes parce que la grotte est en légère surpression donc si on fait un trou et que ça monte on aura l’air fin. Ensuite, ça peut perturber l’aérologie des courants d’air dans la grotte et effacer certaines peintures, comme dans le film de Fellini : Roma. Il faut quand même faire très attention à ce que l’on fait dans ce genre de tentative. 2) Un participant C’est bien d’avoir fermé la grotte mais je me demande pourquoi on ne l’a pas fermée avec des rochers naturels au lieu de mettre des étais de maçon, des chaînes et des gros blocs de rochers qui donnent une très mauvaise entrée. Monsieur Jacques COLLINA-GIRARD, Paléontologue, Maître de conférence au CNRS Ca fait un peu mur de prison mais ça évite que les gens y entrent trop en confiance. C’est un problème technique et il faudrait demander à la DRAC qui avait fait ces opérations et qui est compétente. 3) Un participant J’ai une grande confiance en nous pour faire fondre les calottes glaciaires, notamment en brûlant tout le pétrole qui existe sur terre et à ce sujet je voudrais revenir à une question dont on a parlé au début, ce sont les recherches pétrolières dans la région, où se situent les sites susceptibles de donner lieu à des forages ?

Page 19: Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie …unpmc.free.fr/documents/parcnational/colloque2005/...Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence

Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence d’agir 19

Monsieur Jacques COLLINA-GIRARD, Paléontologue, Maître de conférence au CNRS Je crois qu’il y a une confusion par rapport à ce qui a été dit par Michel VILLENEUVE et un autre intervenant. Il a parlé d’analogie entre les Calanques et certains sites pétroliers, effectivement on se sert actuellement des Calanques pour modéliser les sites pétroliers mais on envisage pas je pense de faire des forages pour chercher du pétrole. On fait simplement des relevés de falaises au Cap Canaille pour avoir une topographie en trois dimensions et pouvoir placer dessus les bans rocheux pour comprendre l’architecture du massif des Calanques mais pas dans le but de faire des forages. Monsieur Michel VILLENEUVE, Membre du Conseil Scientifique du GIP C’est tout à fait ça, notre laboratoire est à l’origine de ce problème, il ne s’agit ni de chercher ni de trouver du pétrole dans la région. Ca a été fait dans le temps mais on n’en a pas trouvé. Il s’agit simplement d’étudier la structure du massif des Calanques qui se trouve ici entre Cassis et Marseille parce que c’est un analogue, ce sont les réservoirs pétroliers du Moyen Orient qui sont uniques et qui dans 10 ans serons les seuls qui auront du pétrole. Si dans dix ans nous avons besoin de pétrole c’est là bas qu’il faudra aller le chercher et ils sont difficiles à atteindre, à étudier parce qu’ils se trouvent à quelques centaines de mètres de profondeur. Ici ils sont à l’air libre, on les étudie, on les regarde, on les scanne, on les met sous forme numérique en 3D de façon à ce que les pétroliers qui chercheront du pétrole au Moyen Orient sachent où implanter leur puits. Au Moyen Orient et pas ici à Marseille. Tout à l’heure j’ai parlé de sismique, ça se passe actuellement entre Cassis et La Ciotat, c'est-à-dire en fait la sismique pétrolière, on essaye simplement de donner une image verticale. Généralement quand on a une image verticale sur les champs en profondeur, on ne peut pas contrôler, sauf par des puits. Ici par contre le fait que l’on a de belles falaises, de beaux contrastes entre les argiles et les calcaires permet de calibrer cette sismique mais il n’est pas question de faire des trous ou des forages pour calibrer. C’est simplement en utilisant des pans de falaises naturelles que l’on arrive à étudier cette sismique qui va servir d’étalonnage pour les pétroliers dans le monde qui feront eux des recherches à d’autres endroits. Il n’est pas question de faire des forages ou des trous ce sont simplement des modèles qui seront réutilisés. 4 Un participant Comptez vous faire une publication scientifique comme cela vient d’être fait dans la revue « Cartologia » sur la grotte Chauvet ? Actuellement, il n’y a pas beaucoup de publications sur la grotte Cosquer de la même qualité que celle qui vient d’être établie sur la grotte Chauvet. Monsieur Jacques COLLINA-GIRARD, Paléontologue, Maître de conférence au CNRS Je veux signaler qu’il y a quand même un ouvrage qui est sorti récemment sur la nouveauté sur la grotte Cosquer par Jean CLOTTES, Jean COURTIN et Luc VANREL, c’est tout nouveau mais il existe un ouvrage sur la grotte Cosquer. Un participant, Géologue J’aurai aimé rajouter un mot au sujet des recherches pétrolières, j’ai été géologue et j’ai travaillé chez Total. J’étais responsable pendant un certain nombre d’années de l’exploration en France, je pense être relativement qualifié. Toutes les recherches pétrolières à terre ont été très décevantes car il semble d’après les études géochimiques que toute la région soit trop cuite et n’ai aucune chance de produire des hydrocarbures. Il y a eu des recherches en mer qui ont été encore plus désastreuses.

Page 20: Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie …unpmc.free.fr/documents/parcnational/colloque2005/...Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence

Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence d’agir 20

Donc je ne pense pas qu’il y ait la moindre chance de trouver du pétrole ou du gaz en Provence. On s’en réjouit ou on s’en attriste, ça c’est un autre problème. Une participante Jacques je voudrais te dire que ta conférence est formidable mais il y a un petit détail, tu as donné un ancien chiffre de montée de la mer de 2,5 mm par siècle, or actuellement mesuré par satellite c’est de 2,8 mm par an. Monsieur Jacques COLLINA-GIRARD, Paléontologue, Maître de conférence au CNRS J’ai pris une publication de CAZENAVE et il me semblait que c’était par siècle. Monsieur Thierry BEZER : Mme GONTIER va nous parler d’un élément absolument indissociable du patrimoine local, il s’agit du cabanon. Le cabanon un art de vivre Calanquais

Intervention de Madame Claudie GONTIER, Sociologue à la DRAC-PACA, auteur de la thèse « Le cabanon marseillais – images et pratiques » Je vais vous parler d’un type de patrimoine qui est très différent du patrimoine qui vient d’être évoqué, celui de la grotte Cosquer qui a une valeur intrinsèque et fait incontestablement partie du patrimoine culturel mondial. C’est un patrimoine qui est différent aussi de celui dont parle Georges AILLAUD parce que tout ce qu’il a évoqué sous le terme de patrimoine à juste titre, sont des objets qui ont perdu leur fonction et, en ayant perdu leur fonction, là je reprend un terme qu’emploie quelqu’un qui a beaucoup écrit sur le processus de patrimonialisation et sur la muséographie, qui s’appelle Pomian, il emploie le terme de déchet, c'est-à-dire que c’est ce qui reste et qui n’a plus d’usage, je ne vois pas dans une prochaine guerre des batteries napoléoniennes ou une ligne Maginot servir encore. C’est patrimonial dans la mesure où ce sont des vestiges, ce sont des déchets puisque ça n’a plus de fonction mais c’est porteur de sens, sens d’une histoire. La labellisation patrimoine ici est à la limite une question de lobbying et de démonstration. Le cabanon dont je vais vous parler, appartient également au patrimoine culturel, mais on ne peut pas dire que c’est un vestige. Si on reprend cette terminologie de vestige, déchet et objet, c’est un objet qui n’a pas perdu sa fonction, les cabanons servent encore. Les questions qui vont se poser à propos du cabanon, ressembleront plus à des enjeux de problématiques de partage de l’espace public qu’à de la gestion de ruine et les débats qu’il peut y avoir autour peuvent être chaud, je pense à Bauduc, étant le dernier exemple. Quid des cabanons des Calanques marseillaises. Si je me réfère aux patrimoines qu’ont évoqué mes deux collègues, le cabanon c’est tout neuf, qu’il soit des Goudes, de Sormiou ou d’ailleurs dans les Calanques, il date au maximum de 1880 pour les plus vieux. Ce n’est pas la plus haute antiquité qui fait le caractère patrimonial de ces cabanons qui sont des objets un peu hétéroclites. Initialement ce que nous avons trouvé, qui a été construit dans les Calanques dans la deuxième moitié du 19ème siècle et au vingtième siècle également, comprenait dans toutes ces Calanques une caserne de douane. Il faut se souvenir qu’avant le cabotage ça existait, que les bateaux n’avaient pas tout à fait la forme et la puissance que ce qui existe actuellement.

Page 21: Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie …unpmc.free.fr/documents/parcnational/colloque2005/...Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence

Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence d’agir 21

Il y avait aussi des cabanons de pêcheurs. Les pêcheurs avaient besoin de cabanons parce que c’était encore de la marine à voile ou à rame et en cas de tempête il fallait pouvoir s’abriter. Dans la Calanque de Morgiou il y a des traces de bergeries qui ont été transformées en cabanons et surtout, ce que nous avons très bien vu à Sormiou notamment c’est de la construction en série. Tout ça a été construit en série par destination pour être des cabanons, c'est-à-dire pour être loué et pour servir aux loisirs des marseillais. Si on regarde l’objet en lui-même, que ce soit ces cabanons là ou ceux que nous verrons un peu plus loin à Morgiou par exemple on voit que le cabanon est un objet très modeste qui ne compte qu’un rez de chaussée. Que quand par hasard il y a un étage, ça fait tache dans le paysage parce qu’on dirait presque que c’est grand. Or pour qui connaît les Calanques, tout ça est minuscule. Si on avait des plans, on verrait que l’emprise au sol est totalement dérisoire, souvent 25, 30 m² au sol, ce qui n’est pas grand-chose. Comment décrire le cabanon ? Quand j’avais fait ma thèse, le terrain a 30 ans déjà, la description que m’en avait donné un cabanonier de Sormiou quand je lui avait demandé à quoi ressemblait un cabanon, était : 4,5 m sur 6, le mur arrière est le plus haut, celui de l’avant le plus bas, une seule pente et au milieu une grande pièce et c’est occupé par une soupente de la longueur d’un lit. C’est à peu près ce que nous voyons sur le petit plan là bas qui doit être un permis de construire, peut être pour une famille de pêcheurs. Les pêcheurs avaient le droit de construire sur le domaine public maritime, ils étaient les seuls, c’était considéré comme un outil professionnel.

Cabanon à Sormiou

Page 22: Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie …unpmc.free.fr/documents/parcnational/colloque2005/...Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence

Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence d’agir 22

La définition qu’on en donne correspond à ça. Et pourtant quand j’ai demandé à d’autres de me décrire ce qu’est un cabanon, il y en a un qui m’a dit l’air un peu scandalisé : le cabanon ça ne se décrit pas, ça se vit. Ca pouvait laisser entendre que le cabanon n’était peut être pas qu’un objet. Cela renvoie à plusieurs textes, notamment à la chanson d’André Tursy qui commence par : « Les gens du nord avec un air d’envie demandent ce qu’est le cabanon, le cabanon c’est toute notre vie, c’est tout c’est rien et ça n’a pas de nom ». C’est une définition paradoxale et on peut en déduire que ça a une valeur positive, que c’est lié au midi et que ça relève de l’indicible mais on n’est pas très avancé. Si on regarde dans le dictionnaire de Mistral, « lou trésor dou Felibrige » qui est une référence en matière de dictionnaire, au mot cabanon qu’il décrit vers 1860, il y a quelque chose de curieux, pour illustrer le mot cabanon, il emploie deux vers de Gabrier où il dit : « bastide spacieuse et villa, n’ont comme nom pour le vieux marseillais que celui de cabanon ». Si on écoute cette définition, ça veut dire que c’est le marseillais qui fait le cabanon et non pas l’objet puisque que ce soit une villa, que ce soit une bastide, tout ça c’est un cabanon. Effectivement, d’une certaine façon, le cabanon est un mode de vie et on peut dire que le mot cabanon a été utilisé plutôt que les autres parce que c’est l’objet de villégiature le plus petit. On prenait donc le plus petit pour parler de l’ensemble des villégiatures et s’est créé autour un mythe. Là, nous avons une illustration d’une chanson qui est la chanson du cabanon de Bibal, qui date des années 1840 dont la gravure est au musée d’histoire de Marseille. Elle est découpée en de nombreux couplets qui racontent le déroulement d’une journée au cabanon.

De la réalité… au mythe…

Page 23: Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie …unpmc.free.fr/documents/parcnational/colloque2005/...Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence

Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence d’agir 23

Le cabanon, au-delà d’un objet, est devenu un mythe. Je parle de mythe parce que ce qui le caractérise c’est d’être présenté comme une chose sans conflits et qui est anhistorique. C'est-à-dire que si on dit que tout marseillais va au cabanon et que tout marseillais est heureux au cabanon, ça veut dire que cabanon égal marseillais, égal bonheur mais tout ça c’est de l’essence c’est comme si c’était depuis toujours et pour toujours. Le mythe par définition est irénique donc sans conflit sans histoire, c’est de toujours. Il n’en est rien bien entendu, le cabanon est une construction sociale qui est issue d’un discours et le discours en question a eu une fonction que je ne développerais pas trop, ce serait trop long. D’où c’est venu ? On peut dire qu’à Marseille, en France et même en Europe il y a une littérature qui apparaît au moment où les couches sociales les plus aisées commencent à voyager et à faire le récit de leurs voyages. Les voyageurs qui passaient par Marseille, y venaient parfois pour embarquer pour l’orient. Depuis le 17ème siècle, ils regardaient la villégiature marseillaise comme un objet de curiosité et parlaient des bastides qui sont cette ville à la campagne dont on a beaucoup parlé et qui sont en fait des maisons de campagne, pas forcément de riches maisons patriciennes, n’importe quelle cahute pouvait être appelée bastide, ça signifie tout simplement bâtit en provençal. Il y a donc une littérature ethnographique de voyageurs depuis le 17ème siècle qui découvrent la bastide et vers le milieu du 19ème siècle, le voyageur commence à s’émouvoir parce qu’il découvre les cabanons qui sont de la villégiature populaire. Qu’entendent t’il par populaire ou ouvrier ? Ils parlent d’ailleurs d’ouvrier. Pour nous, si on fait un anachronisme, les couches de populations qui sont concernées vraiment par le cabanon, sont ce qu’on appellerait des couches moyennes. Ce sont des ouvriers très qualifiés, des artisans, des petits employés et des commerçants qui peuvent accéder à des pratiques de loisirs et de villégiature, Marseille ayant au milieu du 19ème siècle atteint un niveau de prospérité assez important qui la distingue du reste du royaume. Marseille et le reste du royaume n’ont pas tout le temps les mêmes intérêts, la même vitesse de développement économique, Marseille étant un port est favorisée par le libre échange, les betteraviers du nord eux sont favorisés par le protectionnisme. Il y a là tout un jeu, toujours est il que Marseille à un moment est plus riche que l’ensemble du royaume. C’est à ce moment là qu’apparaît une diffusion de la villégiature plus large que ce à quoi l’on s’attendrait ailleurs. Marseille s’enrichit vers 1840, apparaissent alors des journaux populaires en provençal. Ces journaux sont des journaux plaisants dans lesquels il y a des chansons, des blagues, des récits. Ils sont destinés à être lus à la bastide ou au cabanon. Ce sont des journaux de fin de semaine, on part avec le journal et on va se le lire les uns les autres à haute voix. On va utiliser les chansons qui y sont lues pour chanter tous en chœur quand on va au cabanon. C’est une littérature de l’entre soi, des marseillais pour les marseillais et qui n’est pas exactement la même que celle que les voyageurs, les scientifiques, les ethnographes ou les économistes du 19ème siècle produisent sur ce même thème. Ce qui est intéressant, c’est que le mot cabanon n’est pas forcément distingué dans ces textes en provençal de bastidon, bastide, ils vont à la campagne passer le dimanche et donc cabanon ça recouvre l’ensemble des villégiatures.

Page 24: Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie …unpmc.free.fr/documents/parcnational/colloque2005/...Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence

Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence d’agir 24

C’est de cette littérature de l’entre soi que sont issues les opérettes marseillaises et toutes ces chansons. Vincent Scotto et les autres y ont traduit ce qui se faisait précédemment. Ils se sont inspirés de ces journaux populaire et c’est allé à un tel point que dans l’entre deux guerres les personnages de Zig et Puce, célèbres petits héros de bande dessinée à un moment vont au cabanon cependant qu’ils passent à Marseille. C’est dire que le phénomène cabanon est quelque chose de totalement diffusé dans l’ensemble du pays. A partir de ça, on peut dire que le mot cabanon évoque irrésistiblement le soleil, le ciel bleu, le chant des cigales, le farniente et un certain type de bonheur, de plaisir simple. En fait que font-ils ? Quel est le déroulement de la journée au cabanon ? Je suppose que vous connaissez le déroulement d’une journée au cabanon, je ne vais donc pas très longuement détailler les diverses phases de la journée. On commence par y aller, parfois avec des ânes mais généralement on y va à pied, le cabanon est toujours loin de la résidence principale. A partir de la fin du siècle, on peut prendre le tramway, mais ça reste un plaisir qui se gagne. Le cabanon du bord de mer est très lié à la pêche. Le sommet du bonheur si on écoute certaines chansons marseillaises, c’est d’avoir un cabanon et une barque à fond plat pour aller pêcher avec les copains. On part conquérir de haute lutte la survie parce que ces poissons que l’on va pêcher, c’est pour les manger tout de suite et non pour les vendre. Parfois on n’attrape pas de poissons mais dans les Calanques il y a des pêcheurs professionnels qui eux pêchent non pas à la ligne mais avec des filets et même si c’est un peu honteux on peut leur acheter du poisson. Ensuite on fait la fameuse bouillabaisse. Dans la deuxième moitié du 19ème siècle, époque où se crée la matrice de la représentation du cabanon et des valeurs qui y sont attachées, le cabanon est une maison des hommes. Là nous avons une image qui représente les treize amis de Sormiou avec leur ânes C’était un groupe qui avait un cabanon collectif à Sormiou dans l’entre deux guerres. Ils représentent en quelque sorte le rêve, l’idéal type de ce qui est présenté comme l’idéal du cabanon. Ce sont des gens qui sont tous égaux, c’est un groupe cohérent. Il faut que les gens aient une égalité foncière, généralement ils sont de même statut social. Il y a des cabanons de gens très aisés, il y a des cabanons de gens qui le sont moins. Ils se connaissent depuis qu’ils sont tout petits, ils fréquentent le cabanon du berceau à la tombe et ce qui est particulièrement bien, c’est de laisser sa femme à la maison quand on va au cabanon, on va au cabanon avec les copains. Je parle du 19ème siècle bien sûr, c’est en ça que les fonctions ont changé, ce qu’on chante, c’est l’amitié virile, les copains c’est nettement mieux que la famille parce que la famille est une source d’ennuis. Le cabanon est un espace que les ethnologues qualifient, l’expression est de Christian Bromberger, d’espace de célibat réel ou reconquit. Soit il est réel parce qu’on est jeune, soit il est reconquit parce qu’on a laissé sa femme à la maison. Il y a une saine émulation entre tous ces hommes qui veulent tous être le meilleur, le meilleur pêcheur, le meilleur chasseur, celui qui va faire le mieux la cuisine. La cuisine du cabanon est une cuisine très spéciale, du moins celle qui est chantée. Ce qui est chanté c’est l’aïoli de la bouillabaisse, la cuisine grillée. Qu’il s’agisse d’émulsion ou de cuisine grillée, la caractéristique de ce type de cuisine c’est que ça va vite et que c’est juste à point.

Page 25: Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie …unpmc.free.fr/documents/parcnational/colloque2005/...Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence

Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence d’agir 25

Ca s’oppose à la cuisine de l’époque qui à la maison était une cuisine très longuement mijotée. La cuisine du cabanon était une cuisine à grand feu qui se dégustait rapidement, l’aïoli peut retomber, la bourride peut brousser… Là, je vous parlais de ces cabanons où il n’y avait que des hommes mais il y a un paradoxe qui est que y compris quand j’allais sur le terrain, il y avait des femmes qui, il y a 30 ans avaient 80 ans et plus, me disaient : « c’était bien le cabanon, il n’y avait que des hommes » et elles ajoutaient « je venais toute petite, j’avais 56 ans c’était bien ». Ca me semble peu probable qu’une bande de copains s’occupe d’une bande d’enfants. En fait ça veut dire que le cabanon a une fréquentation qui est double, la fréquentation d’une bande de copains d’abbord, pour la pêche et la chasse notamment mais il y a aussi un temps alterné où peuvent venir les familles, ce n’est pas le même. Ce temps alterné peut être le fait d’une différence saisonnière, le cabanon est occupé par les hommes toute l’année et à la belle saison seulement, par les femmes. Les hommes arrivaient dès le samedi et les familles venaient le dimanche. Ce qui faisait donc une double occupation des lieux qui n’avait pas exactement les mêmes règles. Dire de la part des femmes « ah c’était bien, il n’y avait que des hommes » c’était reconnaître que le héros du jour était masculin. Quand on chante l’aïoli on ne parle que de la pommade à l’ail, on ne parle pas de ce qui est consistant et ce qui est consistant ce sont les légumes généralement préparés par les femmes. C’est de la cuisine bouillie, ce n’est pas un exploit donc on n’en parle pas. Je n’ai trouvé aucun texte sur les cabanons écrit par une femme. En conclusion, les cabanons sont le vestige de cette histoire et c’est en ça que le cabanon des Calanques n’est pas le patrimoine des seuls Calanquais mais est un patrimoine marseillais beaucoup plus large. Monsieur Thierry BEZER : Merci Madame, des questions dans la salle ?

Questions – Réponses 1) Monsieur Victor Hugo ESPINOSA, Président de l’Association ECOFORUM Là on est dans un dossier qui a beaucoup changé. Le cheval a été remplacé par la voiture. Peut-être qu’aujourd’hui ce sont les femmes qui viennent et les maris qui restent à la maison. Ce que je veux dire par là c’est que dès le départ quand nous avons voulu le Parc National des Calanques, je pense que c’est une chance pour tout le monde, c’est une chance pour les cabanoniers parce que c’est une façon de conserver ce site historique, cette histoire de Marseille que l’on peut expliquer aux gens qui viennent visiter mais il faut bien comprendre que l’on a le privilège, la chance d’être dans un cabanon, il faut comprendre que dans ce parc national, oui aux cabanoniers, oui à tous ces usagers mais on ne peut pas donner un mm² de plus aux cabanons. Il faut laisser cet espace comme il est, pour respecter le Parc National des Calanques on ne peut plus s’étendre. Une deuxième chose très importante aussi est qu’il faut que ces cabanons soient une espace d’ouverture, d’histoire et ne deviennent pas un privilège, il faut les respecter mais avec une ouverture vers tous ces gens là.

Page 26: Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie …unpmc.free.fr/documents/parcnational/colloque2005/...Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence

Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence d’agir 26

Et pour vous les cabanoniers c’est une chance parce que le Parc National des Calanques va régler tout ce qui ne l’était pas jusqu’à présent, vous ferez partie de cet espace qui s’appelle le Parc National des Calanques. Monsieur Thierry BEZER : Mme GONTIER vous avez quelque chose à ajouter ? Madame Claudie GONTIER, Sociologue à la DRAC-PACA C’est évident, c’est un peu ce que je disais en commençant quand je disais que les problématiques actuelles autour du cabanon dans un parc national sont davantage des problématiques autour de la fréquentation de l’espace public, c’est ouvert, oui, mais jusqu’à quel point, à quel point ça va démolir si c’est ouvert… Ce sont ces problématiques là qu’il faut prendre en compte plutôt que de savoir s’il faut labelliser, classer monument historique… 2) Monsieur RUBINO Membre des Verts et Elus des 9ème et 10ème Arrondissements Je suis élu dans la mairie de M TEISSIER, en tant qu’écologistes, les questions que nous nous posons sont des questions qui touchent à la réhabilitation. Nous pensons que les Calanques ne peuvent pas être un sanctuaire. Les problématiques qui sont liées à l’aménagement du territoire s’ouvrent sur la question des projets culturels, projets de réaménagement, de réhabilitation. C’est ce type de dynamisme que nous suivons dans le cadre de la loi qui évolue. Par rapport aux différentes interventions qu’elles soient historiques, archéologiques ou sociologiques, dans le cadre de cette démarche de projet, comment réenvisager la question de la réhabilitation de ce massif ? Madame Denise BELLAN-SANTINI, Présidente du Comité Scientifique et pédagogique du GIP C’est l’occasion de répondre à toute une série de questions que l’on se pose sur Natura 2000. Les Calanques sont un site Natura 2000 et dans Natura 2000 il est prévu de protéger, non seulement les milieux naturels, non seulement la géologie et l’histoire mais l’homme, l’homme dans son milieu avec ses traditions. Ca rentre donc tout à fait dans le projet Natura 2000 que nous sommes en train de mettre en place avec le document d’objectif où il y a toute la partie de la tradition humaine, de son maintien voire de sa restauration. Ne l’oubliez jamais, il y a aussi cela en filigrane derrière Natura 2000, posez des questions sur Natura 2000 puisque malheureusement c’est relativement mal connu. 3) Un participant A la suite de cette question sur l’espace des Calanques et ce qu’il y a autour. Il y a Marseille, il y a le large, de l’autre côté il y a Cassis et sur la dernière limite il y a tout l’espace du camp militaire qui n’est pas dans l’espace de gestion du GIP, ni dans celui de l’ONF où, malgré la fragilité du milieu on circule encore avec des chars et autres engins. C’est une question sur ce qui appuie autour des Calanques. Monsieur Thierry BEZER : juste une conclusion de Monsieur AILLAUD. Monsieur Georges AILLAUD, Maître de conférence en biologie, Histoire des Sciences Il est vraiment difficile de conclure tellement la matière est dense, ce que je peux dire c’est que cela démontre si vous n’en étiez pas encore convaincus qu’il est nécessaire de faire

Page 27: Des Calanques et des hommes : une histoire de vie et une vie …unpmc.free.fr/documents/parcnational/colloque2005/...Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence

Colloque du 5 juin 2005 – Parc National des Calanques, l’urgence d’agir 27

quelque chose et à ce niveau là, ce qui nous est apparu comme la meilleure solution c’est la création d’un parc national avec évidemment toutes les qui se poseront par la suite. Une des première question qui me vient, une réflexion que je fais au niveau de la conservation du patrimoine, elle est la même d’ailleurs que ce soit le patrimoine naturel ou le patrimoine culturel. Lorsqu’un conservateur des monuments historiques se trouve face à une chapelle romane du 12ème siècle qui, en l’état actuel a un badigeon à l’intérieur, si on enlève ce badigeon et qu’on s’aperçoit qu’en dessous il y a des fresques du 18ème et dessous du 17ème et en grattant encore on arrive à des fresques de l’époque de la construction, quelle décision prendre si toutes ces fresques sont exceptionnelles ? On ne va pas les gratter pour mettre en cohérence le monument, et pourtant, ce qui vient à l’esprit lorsqu’on est censé c’est de se dire, on a un monument du 12ème, on le met en cohérence avec les fresques du 12ème et c’est ce qu’il faut faire. Pour les Calanques, le monument exceptionnel, le seul monument historique que nous ayons, c’est la grotte Cosquer. Faut il mettre en cohérence les lieux avec l’époque. Cela serait absurde mais il faut que vous ayez conscience du fait que toutes ces choses là présentent des dynamiques, Monsieur MOUTTE l’a très bien expliqué dans la dynamique de la végétation. Que doit on faire au niveau des Calanques ?