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Anne-Marie Flambard-Héricher et François Blary (dir.) L’animal et l’homme : de l’exploitation à la sauvegarde Éditions du Comité des travaux historiques et scientiques Des compagnons indispensables : ânes et bovins dans la vie quotidienne de l’Égypte ancienne (3200-1580 av. J.-C.) Catherine Chadefaud DOI : 10.4000/books.cths.15515 Éditeur : Éditions du Comité des travaux historiques et scientiques Lieu d’édition : Éditions du Comité des travaux historiques et scientiques Année d’édition : 2021 Date de mise en ligne : 5 octobre 2021 Collection : Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientiques EAN électronique : 9782735508822 http://books.openedition.org Référence électronique CHADEFAUD, Catherine. Des compagnons indispensables : ânes et bovins dans la vie quotidienne de l’Égypte ancienne (3200-1580 av. J.-C.) In : L’animal et l’homme : de l’exploitation à la sauvegarde [en ligne]. Paris : Éditions du Comité des travaux historiques et scientiques, 2021 (généré le 08 octobre 2021). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/cths/15515>. ISBN : 9782735508822. DOI : https://doi.org/10.4000/books.cths.15515. Ce document a été généré automatiquement le 8 octobre 2021.

Des compagnons indispensables : ânes et bovins dans la vie

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Page 1: Des compagnons indispensables : ânes et bovins dans la vie

Anne-Marie Flambard-Héricher et François Blary (dir.)

L’animal et l’homme : de l’exploitation à la sauvegarde

Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques

Des compagnons indispensables : ânes et bovinsdans la vie quotidienne de l’Égypte ancienne(3200-1580 av. J.-C.)Catherine Chadefaud

DOI : 10.4000/books.cths.15515Éditeur : Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiquesLieu d’édition : Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiquesAnnée d’édition : 2021Date de mise en ligne : 5 octobre 2021Collection : Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiquesEAN électronique : 9782735508822

http://books.openedition.org

Référence électroniqueCHADEFAUD, Catherine. Des compagnons indispensables : ânes et bovins dans la vie quotidienne del’Égypte ancienne (3200-1580 av. J.-C.) In : L’animal et l’homme : de l’exploitation à la sauvegarde [en ligne].Paris : Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, 2021 (généré le 08 octobre 2021).Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/cths/15515>. ISBN : 9782735508822. DOI :https://doi.org/10.4000/books.cths.15515.

Ce document a été généré automatiquement le 8 octobre 2021.

Page 2: Des compagnons indispensables : ânes et bovins dans la vie

Des compagnons indispensables :ânes et bovins dans la viequotidienne de l’Égypte ancienne(3200-1580 av. J.-C.)Catherine Chadefaud

« L’animal, sombre mystère ! … monde immense de rêves et de douleurs muettes ![…] Regardez sans prévention leur air doux et rêveur, et l’attrait que les plusavancés d’entre eux éprouvent visiblement pour l’homme ; ne diriez-vous pas desenfants dont une fée mauvaise empêche le développement, qui n’ont pu débrouillerle premier songe du berceau, peut-être des âmes punies, humiliées, sur qui pèse unefatalité passagère ? Triste enchantement où l’être captif d’une forme imparfaitedépend de tous ceux qui l’entourent, comme une personne endormie. Mais parcequ’il est comme endormi, il a, en récompense, accès vers une sphère de rêves dontnous n’avons pas l’idée. Nous voyons la face lumineuse du monde, lui, la faceobscure ; et qui sait si celle-ci n’est pas la plus vaste des deux ?1 »

1 Les hommes ont dû être au contact des animaux dans la vallée du Nil dès le

Paléolithique ancien (vers 300 000 ? av. notre ère). La situation climatique de la vallée

du Nil et du Sahara était différente de celle que nous connaissons. Dans un paysage de

savane, les hommes vivaient de la chasse probablement associée à la cueillette pour

assurer leur subsistance quotidienne. D’après les quelques sites archéologiques

identifiés, des populations semi-nomades sont installées le long de la vallée du Nil au

VIe millénaire. L’évolution climatique réduit peu à peu l’espace des savanes et les

habitants migrent vers la vallée du fleuve2. C’est peut-être à cette époque que les bœufs

sont domestiqués. Les sites paléolithiques de Basse-Égypte (Merimdé Béni-Salamé et

Maadi) ont livré des vestiges d’ossements d’animaux3 : ossements de bœufs et, plus

tardifs, ossements d’ânes. Certaines identifications ont été remises en question à Nabta

Playa (à l’ouest d’Abou-Sinabel) et à Kerma4. Ânes et bovins sont devenus

indispensables auprès d’une population sédentarisée et participent aux travaux des

champs et au portage des marchandises.

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L’animal et l’homme : de l’exploitation à la sauvegarde

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Page 3: Des compagnons indispensables : ânes et bovins dans la vie

2 L’eau détermine les lieux d’élevage possibles. Le paysage s’organise le long de la vallée

du Nil en tenant compte du rythme de la crue annuelle. Les travaux des paysans et la

vie des bergers suivent l’enchaînement des trois saisons : Akhet (« inondation ») 5 de la

mi-juillet à la mi-novembre, Peret (« sortie de terre ») de la mi-novembre à la mi-mars,

Chemou (« déficience d’eau ») de la mi-mars à la mi-juillet.

3 Au long de la vallée du Nil, l’espace cultivé est cadastré depuis des temps anciens. Il est

bordé par un espace sauvage (les marais et le chetaou ou savane). Les zones d’élevage de

bovins s’étendent des lisières de la vallée cultivée vers les marais et vers le chetaou. Il

existe des transhumances de bovins d’une région vers une autre en tenant compte des

phases de la crue du Nil. Quelques suggestions de reconstitution des espaces d’élevage

et de transhumance sont proposées sur la carte (fig. 1).

Fig. 1. – Carte de l’Égypte : Espace et végétation.

Doc. C. Chadefaud.

4 Les techniques d’irrigation permettent progressivement d’améliorer et d’étendre les

pâtures. Dans l’administration, dès l’Ancien Empire, le « chef du creusement des

canaux » joue un rôle indispensable. Les systèmes d’irrigation sont améliorés au Moyen

Empire dans la région du Fayoum : d’importants travaux hydrauliques sont mis en

œuvre sous Sésostris II6. Il semblerait que le niveau du cours de l’un des bras du Nil qui

alimentait cette dépression ait été relevé par des barrages. Le dispositif aurait été

complété par des bassins de retenue qui se seraient remplis au moment de la crue, pour

ensuite restituer leur contenu en période de basses eaux dans des canaux parallèles au

cours du fleuve. On aurait été en présence d’un système d’irrigation fondé sur le cycle

de la crue qui aurait permis d’élargir la surface des terres cultivées de part et d’autre du

Nil.

Des compagnons indispensables : ânes et bovins dans la vie quotidienne de l’...

L’animal et l’homme : de l’exploitation à la sauvegarde

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Page 4: Des compagnons indispensables : ânes et bovins dans la vie

Les ânes

5 Ces équidés ont été domestiqués de longue date en Égypte. L’âne domestique (Equus

asinus) descendrait peut-être de la famille de l’Equus africanus connu en Nubie. Pendant

plusieurs millénaires, il semble qu’il ait connu à la fois le statut de gibier et celui

d’animal domestique7.

6 Dès l’époque prédynastique (vers 3200 av. J.-C.), des ânes sont attestés parmi les

animaux issus d’un butin pris sur les Libyens, comme le montre une palette votive de

Hiérakonpolis8. Ils ont leur place dans les figurations de plusieurs tombeaux comme

celui de Ti, haut fonctionnaire de Saqqarah (Ancien Empire)9. La figuration des ânes aux

côtés des bovins dans des scènes de recensement du bétail est un thème classique des

tombeaux de propriétaires de grands domaines.

7 Les ânes participent à la vie quotidienne. Un paysan menant un troupeau d’ânes vers le

village fait partie des bas-reliefs du mastaba de Niankhnoum et Khnoumhotep à

Saqqarah10. Le travail des ânes est indispensable pour le transport des récoltes. Sur les

figurations du mastaba d’Akhethetep (fig. 2), ils portent de lourds paniers de céréales11.

Sur les figurations de la tombe d’Ihy à Deir-el-Gebraoui, les ânes transportent les bottes

de lin après la récolte. Leurs bâts sont lourdement chargés12. Ce type de scène de genre

continue d’être représenté dans les tombeaux de dignitaires provinciaux au Moyen

Empire13. C’est aussi le cas sur une scène peinte dans la tombe de Panehesy à Thèbes :

l’âne avance péniblement, le bât et son chargement d’orge déclenchent sa colère, le

paysan menace l’animal de son bâton14.

Fig. 2. – Mastaba d’Akhethetep – les ânes chargés pour le transport de céréales.

Ch. Ziegler, Le Mastaba d’Akhethetep, une chapelle funéraire de l’Ancien Empire, Paris, éd. Réunion desMusées Nationaux, 1993, p. 136-137 (dessin).

8 Rares sont les scènes où l’âne est utilisé comme monture. La tombe de Niankhkhnoum

et Khnoumhotep à Saqqarah fait cependant exception à cette règle15. Au Moyen Empire,

des tributaires de principautés « vassales » de l’Égypte utilisent les ânes avec leurs

enfants (montés sur le dos des animaux) pour apporter leurs redevances au gouverneur

de la province égyptienne de Béni-Hassan (fig. 3)16.

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L’animal et l’homme : de l’exploitation à la sauvegarde

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Page 5: Des compagnons indispensables : ânes et bovins dans la vie

Fig. 3. – Peinture du tombeau de Béni-Hasan : Les tributaires étrangers et les ânes.

Aquarelle relevée par Prisse d’Avennes, Atlas de l’histoire de l’art égyptien…, Paris, 1867.

9 Dès les époques archaïques, les ânes sont utilisés dans les expéditions à longue distance.

Un texte de l’Ancien Empire raconte l’expédition d’Hirkhouf, trésorier royal, envoyé en

mission en Nubie avec une caravane constituée de trois cents ânes avec mission de

rapporter de l’encens, du bois d’ébène et des peaux de panthères17. Au Moyen Empire,

on trouve la relation d’une expédition vers le mystérieux pays de Pount. Henou, en

qualité d’intendant, était parti de Coptos (en Haute-Égypte) avec trois mille hommes et

une caravane d’ânes pour porter le matériel, l’eau et les vivres : l’inscription figure sur

une paroi rocheuse du Ouadi Hammamat18. Au Nouvel Empire, plusieurs expéditions

sont attestées par des inscriptions laissées sur les rochers qui jalonnent la route du

Sinaï. Ces inscriptions sont regroupées sur les sites d’extraction minière. Les

expéditions avaient pour objectif d’aller extraire de la turquoise à Serabit-el-Khâdim,

au Moyen Empire et sous le règne de la reine Hatchepsout (XVIIIe dynastie). Un de ces

graffiti représente trois Bédouins (l’un est le frère du prince du Réténou) qui viennent

se faire embaucher pour le travail aux mines19.

10 Les populations étrangères à l’Égypte utilisaient aussi les ânes pour le transport des

marchandises. Cette pratique fait l’objet de l’un des bas-reliefs du temple de Deir-el-

Bahari : lors de l’expédition commerciale organisée par la reine Hatchepsout à Pount,

des habitants de Pount accompagnent le cortège officiel en apportant des marchandises

chargées sur des ânes aux Égyptiens qui viennent de descendre de bateau20. Plus

tardive, une inscription datant du règne de Séthi Ier, sous la XIXe dynastie, relate une

expédition aux mines d’or de Nubie : en raison de la chaleur torride et de l’aridité des

contrées traversées, des rotations de convois d’ânes chargés d’outres apportent

régulièrement de l’eau le long de la route de la caravane21.

11 Dans d’autres textes, il est possible de glaner ici ou là quelques allusions au travail des

ânes de bât. Dans l’autobiographie funéraire d’Amenemheb, officier de l’armée

(XVIIIe dynastie), il est mentionné qu’il fit « prisonniers treize asiatiques, prit sept ânes

vivants et treize lances de bronze » au combat22. Dans une lettre, Panehesy,

fonctionnaire de l’administration royale ramesside, demande la vérification des

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L’animal et l’homme : de l’exploitation à la sauvegarde

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Page 6: Des compagnons indispensables : ânes et bovins dans la vie

informations sur la tenue des comptes des biens du domaine d’Amon de Karnak

(activités de portage des marchandises et nombre d’ânes disponibles pour ce service).

À Deir-el-Medineh, la documentation du village où travaillent les artisans des temples

et des nécropoles de Thèbes fait référence aux ânes utilisés pour les transports de la vie

quotidienne (eau, rations alimentaires, outils…)23. Sur un ostracon issu des fouilles de ce

site, il est question de l’échange d’un âne de l’artisan Menna qui est loué par le porteur

d’eau Raiay pour une prestation de plusieurs mois. En contrepartie, Raiay doit fournir

un chargement de paille, cinq jarres de sel, un chargement de bois et une certaine

quantité de fumier24.

Les bovins

12 La documentation est plus détaillée que celle qui a trait aux ânes. Il existe, pour les

troupeaux de bovins appartenant à l’administration royale, des inscriptions dont la

tradition remonte à la première dynastie. On en garde trace dans des annales royales

comme le montrent les inscriptions de la Pierre de Palerme25. On connaît aussi, en

dehors du contexte des propriétés royales, une scène de genre représentant le défilé du

troupeau des bovins (fig. 4) en présence de son propriétaire, sans que l’on sache s’il

s’agit d’un comptage ou de la détermination du montant d’un impôt sur les troupeaux.

Le nombre des bovins dans ce troupeau est parfois indiqué en commentaire de la

représentation. On trouve cette scène sur les bas-reliefs du mastaba d’Akhethetep

conservé au Louvre26. Cette tradition se poursuit dans les usages27. Au Moyen Empire, le

haut fonctionnaire Meket-Rê assiste à la présentation annuelle de son bétail28. Au

Nouvel Empire, la présentation de bovins est peinte sur les parois de la tombe de

Nebamon, à Thèbes29, sujet repris par une peinture murale du tombeau de Tjanouny,

également à Thèbes30.

Fig. 4. – Les bovins lors du recensement (détail) du mastaba d’Akhethetep.

Ch. Ziegler, Le Mastaba d’Akhethetep, une chapelle funéraire de l’Ancien Empire, Paris, éd. Réunion desMusées Nationaux, 1993, p. 168-169.

13 Il existe des espaces de pâturages des bovins dans le Delta et au Fayoum. Les bovins

sont élevés à la lisière des terres cultivables et dans les abords des marais du delta du

Nil. Pendant la période de la crue annuelle du fleuve, les troupeaux sont déplacés31.

14 Des bovins passent un gué, le berger porte le veau sur son dos afin d’éviter que le

crocodile caché dans les marais ne vienne le dévorer comme le montrent les bas-reliefs

du mastaba de Ti à Saqqarah (Ancien Empire)32 (fig. 5) et ceux du mastaba de

Kagemeni33. Comme pour tout élevage en milieu ouvert, et de surcroît avec des

troupeaux itinérants, le bétail doit pouvoir être identifié ainsi que son propriétaire. Le

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L’animal et l’homme : de l’exploitation à la sauvegarde

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Page 7: Des compagnons indispensables : ânes et bovins dans la vie

marquage des veaux au fer, peu après leur naissance, fait l’objet d’une autre scène de

genre qui est attestée au Nouvel Empire34.

Fig. 5. – Les bovins passant un gué avec les bergers. Mastaba de Ti à Saqqarah.

Bas-relief peint. dans A. Mekhitarian, La peinture égyptienne, Skira-Flammarion, 1952, p. 11.

15 Les pratiques d’élevage en milieu ouvert ne sont pas exclusives. Il advient que soient

figurées des pratiques de stabulation : des vaches sont représentées à l’étable et des

serviteurs du domaine les nourrissent de grains. On peut légitimement s’interroger sur

la diversité de ces pratiques : sommes-nous en présence de la dualité toujours en cours

entre élevage à viande et élevage à lait ? Une scène de la tombe de Meryrê, haut

fonctionnaire de Tell-el-Amarna sous Akhenaton (vers 1360 av. J.-C.) présente un vaste

bâtiment où quatre troupeaux sont ainsi nourris35.

16 Les bovins sont également indispensables aux travaux des champs. Ils tirent l’araire

lors du labour. On fait appel à eux pour piétiner les gerbes sur l’aire de battage lors du

dépiquage de l’orge ou du blé. Les bas-reliefs du mastaba de Iymerou montrent les

bovins lors du labour36. De précieuses maquettes datant du Moyen Empire nous

donnent une représentation en trois dimensions des attelages utilisés : un paysan

empoigne les mancherons d’un araire au soc de bois et au coutre de bronze. Le timon

est accroché au joug qui accouple une paire de bœufs37. Le dépiquage du blé sur l’aire

est représenté dans la tombe thébaine de Menna38, fonctionnaire du Nouvel Empire.

17 Parfois, des légendes hiéroglyphiques accompagnent les scènes. Dans la tombe du

gouverneur de province Paheri à El-Kab, en Haute-Égypte, sous Thoutmosis III, des

extraits d’une chanson commentent la scène de travail. Un laboureur crie au jeune

garçon qui marche à côté des bœufs, une baguette à la main :

« Hâte-toi, ô conducteur, pousse les bœufs. Vois, le gouverneur s’arrête etregarde. »

18 Au-dessus de la scène de labour, on lit :

« Quelle belle journée : on est au frais, les bœufs tirent, le ciel fait selon notre désir,nous travaillons, en effet, pour le gouverneur. »

19 Sur la suite de la scène, voici ce que chante le conducteur des bœufs qui foulent l’aire

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L’animal et l’homme : de l’exploitation à la sauvegarde

6

Page 8: Des compagnons indispensables : ânes et bovins dans la vie

« Foulez pour vous, foulez pour vous ! Vous les bœufs, battez pour vous ! Foulezpour vous la paille qui sera votre fourrage et le grain pour vos maîtres ! Ne vousaccordez point de repos, aujourd’hui, d’ailleurs, il fait frais39 ! »

Tabl. 1. – Ânes et bovins d’après les principales sources égyptiennes mentionnées dans le texte.

Époques Ânes Bovins

Préhistoire (époque néolithique)

et époque archaïque 5000-2780

av. J.-C.

Ossements

Site de Mérimdé Béni-Salamé

Palette des villes (Abydos)

Ossements

Sites de Mérimdé Béni-

Salamé et Maadi

Ancien Empire 2780-2280 av. J.-C.

Mastaba de Ti à Saqqarah

Mastaba de Nianchchnoum et

Chnoumhotep à Saqqarah

Mastaba d’Akhethetep à Saqqarah

Mission d’Hirkhouf en Nubie

Tombe d’Ihy à Deir-el-Gebraoui

Mastaba de Ti à Saqqarah

Mastaba de Senbi-à Meir

Mastaba de Pépiankh à

Meir

Mastaba de Kagemeni

Mastaba d’Ouserneter à

Saqqarah

Mastaba de Ptahhotep à

Saqqarah

Mastaba d’Akhethetep à

Saqqarah

Inscriptions de la Pierre de

Palerme

Statuette de Gizah

(boucher et bovin)

Moyen Empire 2052-1778 av. J.-C.

Tombe (hypogée) de

Chnoumhotep-Beni-Hassan

Tombe d’Ankhtify à Moallah

Mission de Hénou : inscription du

ouadi Hammamat

Tombe d’Antefoker à

Thèbes-ouest

Tombe de Djehoutyhotep à

El-Bersheh

Maquette en bois de

Meket-Rê à Deir-el Baharai

Nouvel Empire 1580-1085 av. J.-C.

Temple d’Hatchepsout à Deir-el-

Bahari (iconographie et

inscriptions)

Ostraca de Deir-el-Medineh

Inscription de Séthi Ier (caravane

vers les mines d’or)

Tombe de Panehesy à Thèbes-ouest

Inscription biographique

d’Amenemheb (tombe-Thèbes-

ouest)

Papyrus Harris I (Londres. B-

M 9999)

Graffiti du Sinaï

Tombe de Nebamon à

Thèbes-ouest

Tombe de Menna à

Thèbes-ouest

Tombe de Thanouny à

Thèbes-ouest

Tombe de Meryrê à Tell-

el-Amarna

Tombe de Paheri à El-Kab

Ostraca de Deir-el-

Medineh

Papyrus Boulaq II

Papyrus Harris I (Londres.

B-M 9999)

N. B. :   les   trois  périodes   intermédiaires   (conflits  et   troubles   internes)  entre  chacun  des

empires ne sont pas prises en compte dans ce tableau.

Doc. C. Chadefaud.

Des compagnons indispensables : ânes et bovins dans la vie quotidienne de l’...

L’animal et l’homme : de l’exploitation à la sauvegarde

7

Page 9: Des compagnons indispensables : ânes et bovins dans la vie

Encadrer l’économie et estimer la valeur d’échangedes ânes et des bovins dans la vie quotidienne

20 L’administration pharaonique encadre l’ensemble du travail des paysans et des

artisans, et surveille la production des biens alimentaires. La gestion étatique est liée

aux principes théocratiques40 : il convient de produire, d’enregistrer, de redistribuer et

de consommer dans le cadre d’une économie dirigée de subsistance. La surveillance est

réalisée par l’administration centrale grâce au rôle du Tjaty (ou vizir), mais aussi en

liaison avec un représentant local de l’autorité centrale, le « nomarque » (gouverneur

de la province).

21 Dans ce contexte, les bovins sont abattus et dépecés pour le service des temples et pour

la table royale, celle des courtisans et celle des hauts dignitaires. Dans les temples, les

quartiers de viande crue sont présentés dans les cérémonies d’offrandes aux dieux.

Après quoi, ils sont versés à l’ordinaire des différents clergés. Ces usages nous sont

connus par les bas-reliefs ou les peintures de scènes de boucherie qui ornent certains

mastabas tel, à Saqqarah41, le mastaba de Ti, haut fonctionnaire de l’Ancien Empire ou

la tombe du gouverneur Antefoqer, peinte de scènes figurant le découpage et le séchage

des viandes42.

22 Une scène générale de boucherie figure dans le mastaba d’Akhethotep43. Les mastabas

de Pepyankh à Meïr44, d’Ouserneter et de Ptahhotep à Saqqarah45 comportent des

décorations du même type, à quelques variantes près. Dans la tombe de Senbi, à Meïr,

un détail de la scène montre un boucher qui tranche la gorge de l’animal. Il est assisté

de deux acolytes : l’un immobilise une patte avant de l’animal tout en maintenant les

trois autres membres déjà ligotés, l’autre tient un récipient pour recueillir le sang46.

23 Comme pour les activités agricoles, le Moyen Empire est l’époque où des maquettes

sont consacrées aux activités artisanales. De petites statuettes figurant des bouchers au

travail ont été retrouvées lors des fouilles47 de Gizah.

24 Les sanctuaires royaux étaient en possession de cheptels bovins considérables. D’après

les donations effectuées par Ramsès III, la situation de trois sanctuaires majeurs est

connue : pour les temples d’Amon à Thèbes, le temple de Rê à Héliopolis et le temple de

Ptah à Memphis48.

25 Dans la société pharaonique, l’usage de la monnaie n’existe pas encore. Les biens sont

échangés par voie de troc. La rémunération des travaux de la terre ou des services

heteri s’effectue en nature. Même à titre posthume, une donation est exprimée selon ce

mode primitif, telle la donation successorale effectuée par Ramsès III au clergé du

temple d’Héliopolis qui consiste en un versement d’une rente annuelle de nourritures

diverses, dans lequel la viande bovine trouve sa place. Cependant, la valeur d’échange

des denrées, lorsqu’elles sont de nature différente, est établie selon un barème exprimé

en « deben » (étalon en or, argent ou bronze selon le montant des produits à évaluer,

équivalent à 91 gr. et comportant des sous-multiples). Il s’agit en fait d’une monnaie de

compte non circulante. C’est sans doute la caractéristique d’une économie fermée,

tournée essentiellement vers l’autosubsistance.

26 Les viandes font aussi partie des denrées alimentaires échangées entre artisans et

paysans de Deir-el-Medineh, village des travailleurs de la nécropole et des temples

royaux (XVIIIe à XXe dynastie)49. Les inscriptions sur ostraca en font état. Il est question

Des compagnons indispensables : ânes et bovins dans la vie quotidienne de l’...

L’animal et l’homme : de l’exploitation à la sauvegarde

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Page 10: Des compagnons indispensables : ânes et bovins dans la vie

de petit bétail, d’ânes, de troupeaux de type ih50, de porcs, de volatiles, de « chacals »

(ounesh) et de production de graisse d’oie. Les inscriptions relatives à ce village et à ses

habitants mentionnent parfois les termes d’un échange. Des exemples de l’époque de

Ramsès III indiquent en deben les résultats des achats et des ventes de ces biens de

première nécessité51 :

Achat et vente de bœufs : entre 45 et 127 deben par tête ;

Petit-bétail (dont béliers !) entre 2 et 5 deben ;

Âne environ 30 deben ;

Porc maximum 5 deben ;

Volatile (Apedou- terme générique) env. ¼ de deben.

Des animaux dont le travail et le déploiementénergétique eurent des effets concrets sur la vie de lasociété

27 Ânes et bovins sont domestiqués de longue date en Égypte. Ils sont indispensables dans

l’économie de subsistance de cet État centralisateur. Ces animaux sont l’objet de soins

et l’administration surveille les opérations de recensement. L’élevage des bovins

semble avoir été destiné à la production de viande et de lait. La viande de bœuf est

réservée à l’entourage du roi, et au haut clergé des temples.

28 Les ânes ont la particularité d’être à la fois gibier, en ce qui concerne les ânes sauvages

qui vivent en liberté dans la savane, et animal domestique lorsqu’on parvient à les

capturer et à les dresser. La force de travail des bovins comme celle des ânes est

largement utilisée. Aux bovins reviennent les travaux des champs. Les ânes ont connu

une sorte de spécialisation dans le transport de charges diverses. Ils sont indispensables

à la logistique des expéditions vers les mines et les carrières. La capture d’ânes et de

bovins est un exercice annexe des campagnes militaires. Les récits des campagnes

militaires accordent une place importante au dénombrement de ce type de butin qui

voisine avec les denrées précieuses qui ont pu être pillées.

29 Les facteurs qui ont permis l’éclosion de la civilisation égyptienne ancienne sont, bien

entendu d’abord le fleuve lui-même et la capacité d’organisation de la société. Mais

l’âne et le bovin viennent s’insérer dans cette organisation qui a su habilement

exploiter leurs qualités. D’abord, parce que les Égyptiens sont parvenus, très tôt dans le

cours de leur histoire, à domestiquer ces animaux. Ensuite, parce que l’âne a permis de

faire converger les produits des oasis et de la vallée du Nil vers les ports du fleuve d’où

ils pouvaient, grâce aux navires, couvrir les besoins sur plusieurs centaines de

kilomètres. Et parce que l’attelage des bovins, complément indispensable de la

domestication a introduit les bovins dans le monde des animaux de trait. L’araire est

entré en service à une époque où les peuples voisins travaillaient encore la terre à l’aide

de la houe. Les rendements obtenus avec une agriculture savante ont permis à la

population de s’accroître tout en étant à l’abri de la famine. Rendons hommage à ces

deux animaux, auxiliaires involontaires de la grandeur de la civilisation égyptienne qui,

sans eux, n’aurait sans doute pas connu la sécurité alimentaire qui lui a permis de

développer les arts et lettres !

Des compagnons indispensables : ânes et bovins dans la vie quotidienne de l’...

L’animal et l’homme : de l’exploitation à la sauvegarde

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Page 11: Des compagnons indispensables : ânes et bovins dans la vie

BIBLIOGRAPHIE

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NOTES

1. J. Michelet, Le Peuple.

2. Voir J. Vercoutter, L’Égypte et la vallée du Nil, tome 1, p. 40-44 et chap. III sur la période

du Néolithique.

3. Sur ces sites, voir J. Vercoutter, ibid., p. 106.

Des compagnons indispensables : ânes et bovins dans la vie quotidienne de l’...

L’animal et l’homme : de l’exploitation à la sauvegarde

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Page 13: Des compagnons indispensables : ânes et bovins dans la vie

4. Sur la domestication, voir F. Dunand et R. Lichtenberg, Des animaux et des hommes,

p. 19-24. Sur les identifications en Nubie, voir A. Gautier, « The Early to Late Neolithic

Archeofanas from Nabta and Bir Kiseiba », dans F. Wendorf & R. Schild (éds.), Holocene

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p. 609-635 et M. Honegger, « Recent Advances in our Understanding of Prehistory in

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Beyond. Proceedings of the 12 th International Conference for Nubian Studies. Londres, 2014,

p. 19-44.

5. C’est le début de l’année civile.

6. Sur ce règne et l’intérêt pour le Fayoum, voir Cl. Vandersleyen, L’Égypte et la vallée du

Nil, t. 2, p. 84. Sur l’irrigation, voir K. Butzer, Early Hydraulic Civilization in Egypt, ch. I.

7. Des scènes de chasse sont encore attestées au Nouvel Empire, par exemple à l’époque

de Toutankhamon (motifs peints sur un coffret retrouvé dans sa tombe à Thèbes) : voir

F. Dunand et R. Lichtenberg, Des animaux et des hommes, p. 36-37 et fig. 16.

8. Palette dite Libyenne ou palette « des villes » (schiste, Ht. 30 cm) conservée au musée

du Caire. Voir J. Vercoutter, ibid., p. 196, fig. 28.

9. Voir P. Montet, Les scènes de la vie privée dans les tombeaux égyptiens de l’Ancien Empire,

p. 208 et Pl. XVII. La légende hiéroglyphique de la scène indique « Rassembler les

ânes », puis « rassembler 100 ânes ». Parfois l’animal est récalcitrant et trois paysans se

mettent à l’œuvre pour forcer l’âne à accepter le lourd chargement sur son dos.

10. V e dynastie, voir A. Moussa et H. Altenmüller, Das Grab des Nianchchnum und

Chnumhotep, Pl. 34. Une autre scène de ce type figure les ânes foulant le grain sur l’aire

dans le mastaba de Neferirtenef : voir F. Dunand et R. Lichtenberg, Des animaux et des

hommes, p. 38, fig. 19 (bas-relief de la Ve dynastie conservé à Bruxelles, musées royaux

d’art et d’Histoire).

11. Musée du Louvre, provenance Saqqarah. Voir Ch. Ziegler, Le Mastaba d’Akhethetep,

p. 70-71 et p. 135-136 (relevé dessiné). Sur un bas-relief du mastaba de Ti à Saqqarah,

une ânesse porte un lourd fardeau, elle est précédée de son ânon (voir Dunand et

Lichtenberg, p. 38, fig. 18). Un autre exemple provient d’un fragment de bas-relief

calcaire (fin Ve dynastie) : un groupe de cinq ânes portant des sacs fixés sur le dos, voir

Ch. Ziegler, L’art égyptien au temps des pyramides, p. 321, fig. 149 (Toronto, Royal Ontario

Museum). Pierre Montet a observé que dans les tombeaux les plus anciens le bât n’était

pas toujours en usage, mais qu’on emportait les gerbes de céréales dans une sorte de

sac appelé Iâdet : c’était une sorte de filet déployé au sol qu’on nouait aux quatre angles

une fois rempli de gerbes, voir P. Montet, Les scènes de la vie privée dans les tombeaux

égyptiens de l’Ancien Empire, p. 207 sq et pl. XVII.

12. J. Vandier, Manuel d’archéologie égyptienne, vol. VI, p. 98 et fig. 55. L’auteur fait

référence à d’autres scènes d’arrachage du lin (ibid. p. 68 et fig. 42, p. 74 et fig. 45, p. 83

et fig. 49. Un récapitulatif des scènes comportant le travail des ânes figure à la

page 144).

13. Voir les exemples réunis par J. Vandier, Manuel d’archéologie égyptienne, VI, p. 214

(fig. 91), p. 217 (fig. 92), p. 221 (fig. 35, tombe d’Ankhtyfy à Mo’alla), p. 268 (fig. 115,

tombe d’Oukhotep à Meir).

14. Tombe no 16. Photo dans A. Mekhitarian, La Peinture égyptienne, 1952, p. 145.

15. Le défunt est transporté sur une sorte de siège en osier fixé sur le dos de l’âne, voir

A. Moussa et H. Altenmüller, Das Grab des Nianchchnum und Chnumhotep, pl. 42.

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L’animal et l’homme : de l’exploitation à la sauvegarde

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Page 14: Des compagnons indispensables : ânes et bovins dans la vie

16. Peinture de la tombe du gouverneur Chnoumhotep, aquarelle figurant dans

E. Prisse d’Avennes, Histoire de l’art égyptien d’après les monuments. Réédition d’un choix

de planches (en format réduit) dans M. J. Raven, Prisse d’Avennes, Atlas of Egyptian Art,

p. 111.

17. Hirkouf ou Hirkhouf, sous le règne de Merenrê (VIe dynastie). Cette expédition dura

huit mois. Voir J. Vercoutter, L’Égypte et la vallée du Nil, t. 1, p. 333-334 et no 1.

18. Voir Ch. Desroches-Noblecourt, Hatshepsout, la reine mystérieuse, p. 194-195.

19. J. Černy, « Semites in Egyptian mining expeditions to Sinai ».

20. La scène figure dans Desroches-Noblecourt, ibid., p. 220-221 (dessin d’après Auguste

Mariette).

21. Le pharaon est en compagnie du prince héritier, le futur Ramsès II. L’inscription est

mentionnée dans K. Kitchen, Ramsès II le pharaon triomphant, p. 58-59. Sur les différentes

routes caravanières empruntées par les ânes, voir W. Helck, LdÄ, vol. III, col. 328 à 333,

article Karawanene (wege).

22. Sur la biographie de cet officier et les campagnes royales, voir Cl. Vandersleyen,

L’Égypte et la vallée du Nil, t. II, p. 305 et 320.

23. À l’époque grecque, le rôle des ânes dans les transports continue d’être

indispensable dans tous les domaines, même pour celui des ruches – papyrus grec Mich.

Zenon 29 (voir F. Dunand et R. Lichtenberg, Des animaux et des hommes, p. 231, note 28).

24. B. Menu, Recherches sur l’Histoire juridique, économique et sociale de l’ancienne Égypte,

p. 262 (d’après un texte publié par Cerny). D’autres exemples de même type sont cités

dans : P. Grandet, Catalogue des ostraca hiératiques non-littéraires de Deir-el-Medineh, t. XI,

no 10142 (et p. 124) et no 10239, 10246.

25. Bien qu’endommagée, cette pierre inscrite reflète des évènements survenus

pendant les huit règnes de la première dynastie, voir J. Vercoutter, L’Égypte et le Nil, t. I,

p. 207 sq.. et W. Helck, LdÄ, IV, col. 652-654.

26. Ch. Ziegler, Le mastaba d’Akhethetep, p. 166, 167 et inscription p. 172. Les troupeaux

sont annoncés avec successivement avec 90 bœufs, puis 86 et ensuite 80. Sur le

recensement en général, voir P. Montet, Les scènes de la vie privée dans les tombeaux

égyptiens, p. 126 sq.

27. Par exemple sur les figurations de la tombe de Djehoutyhotep, gouverneur à El-

Berseh au Moyen Empire. Voir J. Vandier, Manuel d’Archéologie égyptienne, vol. V, p. 217

et fig. 102-1. Sur d’autres figurations de troupeaux au Moyen et au Nouvel Empire, voir

J. Vandier, ibid. V, p. 192 à 194 et p. 203-204.

28. Maquette en bois polychromé, XIe dynastie. Provenance Deir-el-Bahari. Musée du

Caire. Longueur du socle 175 cm. no 46724.

29. Tombe no 146. Fragment de peinture murale conservé à Londres, British Museum.

30. Tombe n o 74, voir A. Mekhitarian, La peinture égyptienne, p. 96. Deux espèces de

bovins sont visibles : l’une à robe tachetée noire et blanc, l’autre de couleur ocre rouge.

31. Sur l’élevage, voir W. Darby, P. Ghalioungui et L. Grivetti, Food: the Gift of Osiris,

vol. 1, chap. 3 (p. 85-169). Les animaux sont présentés devant le maître ou le

responsable administratif lors du recensement. Des paysans mènent des bovins Ioua

défiler auprès du propriétaire du domaine. Par exemple sur la peinture de la tombe de

Djehoutihotep à El-Bersheh (XIIe dynastie) dans J. Vandier, Manuel d’Archéologie

égyptienne, vol. V, p. 217 (fig. 102). À quelle logique répondaient les déplacements de

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L’animal et l’homme : de l’exploitation à la sauvegarde

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Page 15: Des compagnons indispensables : ânes et bovins dans la vie

troupeaux ? En été, les terres du nord recevaient-elles les bovins venus des terres

méridionales, chassés par le climat trop chaud et la réduction des espaces de pâtures

lors de la crue du fleuve ? Les prairies septentrionales humides représentaient une

réelle capacité d’accueil, mais la crue obligeait cependant à déplacer les animaux en

fonction de la montée des eaux, cependant, est-il possible d’identifier une

transhumance régulière et organisée ? L’observation des noms des provinces et des

motifs figurés sur leurs enseignes respectives permet de se faire une idée du rôle

accordé à l’élevage bovin en Basse Égypte dans le delta du Nil. En revanche, dans le sud

du pays, en Haute Égypte, l’élevage devait s’organiser le long de terrains de parcours

beaucoup plus réduits. Les pâturages accessibles et les terrains de parcours étaient

différents entre la période sèche et celle de la crue du fleuve (de juillet à fin octobre).

Un aperçu de l’évolution de la couverture végétale le long du Nil entre l’époque

préhistorique et celle de l’Ancien Empire est donné dans D. Brewer, The Archaeology of

Ancient Egypt beyond Pharaohs, p. 22 (fig. 2.5).

32. Scène de la traversée du gué, dans A. Mekhitarian, La peinture égyptienne, p. 11.

33. Photo dans P. Germont et J. Livet, Bestiaire égyptien, p. 13, fig. 8 et p. 52, p. 69 fig. 73

(sauvetage d’un veau).

34. Motif d’après un bas-relief de la tombe de Nebamon (sous la XVIIIe dynastie), voir

W. Darby, P. Ghaliounghy, L. Grivetti, Food: the Gift of Osiris, vol. I, p. 118-119 et fig. 3.19.

(dessin) et 3.20 (photo). Scène sur deux registres.

35. Figuration dans W. Darby, P. Ghaliounghy, L. Grivetti., ibid., I, p. 117, fig. 3.18 c. (les

bas-reliefs de la tombe furent publiés par Davies en 1903). Sur d’autres exemples de

scènes de stabulation, voir P. Montet, Les scènes de la vie privée dans les tombeaux

égyptiens, p. 95 sq.

36. Sur le labour, l’utilisation des bêtes d’attelage, voir C. Chadefaud, « Araire, houe et

méthodes culturales dans l’Égypte ancienne », p. 41-49, fig. 2 et 3.

37. Exemple de maquette de bois polychromé conservée au Metropolitan Museum of

Art, New York (no 51090. Moyen Empire, XIIe dynastie). Une photo figure dans

J. Vandier, Manuel d’Archéologie égyptienne, vol. IV, pl. I (no 1).

38. (no 69). XVIIIe dynastie. Peinture murale. Photo dans P. Germont et J. Livet, Bestiaire

égyptien, p. 8, fig. 3.

39. D’après A. Erman et H. Ranke, La civilisation égyptienne, p. 508. Une figuration

partielle de la scène est reproduite dans H. James, Le peuple de Pharaon, p. 110, fig. 7

(l’auteur reprend la publication de J. J. Tylor et F. Ll. Griffith, The Tomb of Paheri,

Londres, pl. III).

40. La terre appartient à Pharaon qui la gère au nom des divinités et qui en délègue la

gestion à des temples, à des domaines dont il perçoit des revenus. Les domaines des

temples gèrent leurs biens. On distingue communément les temples voués à des

divinités et les temples funéraires royaux.

41. Époque de la V e dynastie. P. Montet, Les scènes de la vie privée dans les tombeaux

égyptiens de l’Ancien Empire, p. 165, fig. 29.

42. Thèbes, XII e dynastie, voir G. Posener, S. Sauneron, J. Yoyotte, Dictionnaire de la

civilisation égyptienne, p. 38.

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L’animal et l’homme : de l’exploitation à la sauvegarde

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Page 16: Des compagnons indispensables : ânes et bovins dans la vie

43. Provenance Saqqarah (V e dynastie) fouilles de Mariette. Le caveau remonté est

conservé au Musée du Louvre. Figuration du détail de la scène dans J. Vandier, Manuel

d’archéologie égyptienne, vol. IV, pl. X (no 86,3).

44. Il s’agit du dépeçage, voir P. Nicholson et I. Shaw, Ancient Egyptian Materials and

Technology, p. 301, fig. 12.1.

45. Le nombre des bouchers peut varier. P. Nicholson et I. Shaw, ibid., p. 301, fig. 12.1, b

et c. et N. de Garies Davies, The Mastaba of Ptahhotep and Akhhetep.

46. Voir W. Darby, P. Ghaliounghy, L. Grivetti, Food: the Gift of Osiris, vol. I, p. 147,

fig. 3.35. La tombe date du Moyen Empire (XIIe dynastie), la scène est peinte.

47. Statuette, voir Ch. Ziegler, L’art égyptien au temps des pyramides, p. 336 (no 165-

Chicago Oriental Museum-Ve dynastie).

48. Le grand Papyrus Harris I (Londres, B-M 9999) fait état de 421 362 bestiaux à

Thèbes, 45 544 à Héliopolis et 10 047 à Memphis. Voir P. Grandet, Le Papyrus Harris I (BM

9999).

49. Sur ce village et son mode de vie, voir D. Valbelle et J-F. Gout, Les artistes de la Vallée

des Rois.

50. Son type n’est pas identifié.

51. D’après les travaux de J.-J. Janssen, Commodity Prices from the Ramesside Period, an

economic study of the village of necropolis workmen at Thebes, et l’index des produits.

Quelques autres exemples sont mentionnés par H. James, Le peuple de Pharaon, p. 254 et

p. 266 : ils proviennent du Papyrus Boulaq II (datant de la XVIIIe dynastie). Le coût

d’une tête de taureau de race Ioua représente une valeur de ½ seniou (sous-multiple du

deben), un cuissot de taureau à courtes cornes est évalué à 3,5 seniou de cuivre et une

tête de bœuf à longues cornes a pour valeur ½ deben.

RÉSUMÉS

Les Égyptiens domestiquèrent bon nombre d’animaux de leur environnement proche pour

disposer d’animaux de trait (lors des travaux des champs, sur les chantiers du bâtiment et pour le

transport des marchandises) et d’animaux de boucherie. Dès l’époque archaïque, ânes et bovins

sont figurés. Les cheptels d’animaux domestiques sont comptabilisés dans les papyrus de gestion

des domaines de l’État et des domaines des temples. Les ânes sont des animaux de bât

indispensables sur les chantiers et lors des expéditions aux mines et aux carrières. Les bovins

sont sélectionnés soit pour l’embouche, soit pour la production de lait, soit pour les travaux

agricoles. Les sources permettent de croiser les informations issues des bas-reliefs des tombes

avec les textes de la documentation administrative (les provinces et les domaines des temples).

Ânes et bovins jouent un rôle essentiel dans l’économie de subsistance et l’accès à la production

des biens d’équipement et de consommation.

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Page 17: Des compagnons indispensables : ânes et bovins dans la vie

AUTEUR

CATHERINE CHADEFAUD

Agrégée de l’université, professeure honoraire en CPGE littéraires (Première supérieure et

Lettres supérieures), docteure ès-Lettres et Sciences humaines de l’université de Paris-Sorbonne

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