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Le dveloppement prcoce de la conscience chez l'enfant

Le dveloppement prcoce de la conscience chez l'enfantUne des acquisitions les plus importantes de la recherche psychanalytique fut la dcouverte des processus psychiques sous-jacents au dveloppement de la conscience individuelle. Lorsquil mit en lumire les tendances pulsionnelles inconscientes, Freud reconnut galement lexistence des forces qui servent de dfense contre ces tendances. Daprs ses dcouvertes, que la pratique psychanalytique confirma en tous points, la conscience dun sujet est un prcipit, ou un reprsentant, de ses premires relations aux parents. Il a, dune certaine manire, intrioris ses parents, il les a absorbs. lintrieur de son corps, ils sont devenus une partie diffrencie de son moi, son surmoi, instance qui prsente au reste de son moi des exigences, des reproches et des remontrances, et qui soppose ses pulsions.Freud montra ensuite que laction du surmoi ne se limite pas la pense consciente, ne se ramne pas lintention consciente; le surmoi exerce aussi une influence inconsciente et souvent accablante, qui est un facteur important de la maladie psychique comme du dveloppement dune personnalit normale. Cette nouvelle dcouverte a mis ltude du surmoi et de ses origines au centre des recherches psychanalytiques.Mes analyses de jeunes enfants mayant permis dacqurir des connaissances directes au sujet des fondements sur lesquels leur surmoi sdifie, je rencontrai certains faits qui semblaient permettre un largissement de la thorie freudienne du surmoi. nen pas douter, le surmoi tait luvre depuis quelque temps dj chez mes petits patients gs de deux ans trois quarts quatre ans, alors que selon les ides admises, il nentrait pas en activit avant le dclin complet du complexe ddipe, cest--dire avant la cinquime anne environ. Mes donnes montraient en outre que ce surmoi prcoce tait infiniment plus rigoureux et plus cruel que celui dun enfant plus g ou dun adulte, et quil crasait littralement le faible moi du jeune enfant.Il est vrai que chez ladulte, le surmoi que nous trouvons luvre est beaucoup plus svre que les parents du sujet ne ltaient en ralit, et bien diffrent deux par dautres aspects encore1Dans le recueil intitul Symposium on Child Analysis, I.J.P.-A., vol. VIII, 1927, des ides analogues, fondes sur l'analyse des adultes et exprimant des point des points de vue un peu diffrents, furent prsents par Ernest Jones, Joan Riviere, Edward Glover et Nina Searl. Nina Searl, elle aussi, avait vu ses ides confirmes par son exprience de l'analyse des enfants.

. Il sen approche pourtant plus ou moins. Chez le jeune enfant au contraire, nous nous trouvons devant un surmoi dune nature incroyablement fantastique. Et cela est dautant plus vrai que lenfant est plus jeune, ou que le niveau psychique auquel nous parvenons est plus profond. Nous en venons considrer la peur de lenfant dtre dvor, dpec, dchir, ou sa terreur dtre entour et poursuivi par des personnages menaants, comme une composante normale de sa vie psychique; nous savons que le loup mangeur dhommes, le dragon crachant du feu et tous les monstres des mythes et des contes de fes abondent dans la vie fantasmatique de chaque enfant et y exercent une action inconsciente, que lenfant se sent perscut et menac par ces puissances mauvaises. Mais je pense que nous pouvons en savoir plus. Mes propres observations analytiques ne me permettent pas den douter: les objet rels qui se cachent derrire ces figures imaginaires et terrifiantes sont les parents de lenfant, et ces formes redoutables refltent dune manire ou dune autre les traits du pre et de la mre, si dforme et fantastique que soit la ressemblance.Si nous acceptons ces faits quune observation analytique prcoce fait apparatre et si nous reconnaissons que les choses redoutes par lenfant sont ces btes froces et ces monstres intrioriss quil assimile ses parents, nous aboutissons aux conclusions suivantes: 1 le surmoi de lenfant ne concide pas avec limage de ses parents rels, mais il est cr partir de tableaux imaginaires, ou imagos, qui les reprsentent et quil a absorbs lintrieur de soi; 2 sa peur des objets rels son angoisse phobique se fonde sur la crainte quil prouve la fois devant un surmoi drel et devant des objets rels en eux-mmes, mais que, influenc par son surmoi, il apprhende sous un jour fantastique.Cela nous amne au problme qui me semble central dans la question de la formation du surmoi. Comment se fait-il que lenfant se cre, de ses parents, une image si fantastique et si loigne de la ralit? La rponse se trouve dans les faits mis en lumire par lanalyse des jeunes enfants. En pntrant jusquaux couches les plus profondes de lesprit de lenfant et en dcouvrant ces normes quantits dangoisse, ces peurs des objets imaginaires et ces terreurs devant la possibilit de toutes sortes dattaques, nous mettons nu une quantit correspondante de pulsions dagressions refoules, et nous pouvons observer la relation causale qui stablit entre les craintes de lenfant et ses tendances agressives.Dans Au del du Principe du Plaisir, Freud propose une thorie selon laquelle, au dbut de la vie de lorganisme humain, la libido, ou pulsion de vie lros , soppose la pulsion dagression, ou pulsion de mort, et la lie. Une fusion des deux pulsions sensuit, et donne naissance au sadisme. Afin dchapper la destruction par sa propre pulsion de mort, lorganisme utilise sa libido sur un mode narcissique, cest--dire tourne vers soi-mme, pour expulser celle-ci et la diriger contre ses objets. Freud considre que ce processus est fondamental dans les relations sadiques aux objets. Jajouterai pour ma part ceci: paralllement ce rejet de la pulsion de mort vers lextrieur et vers les objets, une raction de dfense intrapsychique stablit contre la fraction de la pulsion qui na pu tre extriorise de cette manire. Car le danger dtre dtruit par la pulsion dagression provoque, je pense, une tension excessive dans le moi qui lprouve comme une angoisse2II est vrai que le moi sent aussi cette tension comme une tension libidinale, puisque les pulsions destructrices et libidinales sont mles; mais ce sont, mon avis, les composantes destructrices qui sont lorigine de langoisse.

, de telle sorte que ds le dbut de son dveloppement, il se trouve devant la tche de mobiliser la libido contre la pulsion de mort. Nanmoins, il ne peut remplir cette tche quimparfaitement, car la fusion des deux pulsions lui interdit, comme nous le savons, de les sparer lune de lautre. Une division se produit dans le a, cest--dire dans les couches pulsionnelles de la psych, grce laquelle une partie des pulsions est dirige contre lautre.Cette mesure de dfense apparemment la premire tablie par le moi constitue, je pense, lassise du dveloppement du surmoi, dont la violence excessive ce stade prcoce sexpliquerait donc par le fait quil est le produit de pulsions destructives intenses, et quil contient, ct dune certaine proportion de tendances libidinales, une quantit considrable de tendances agressives3Dans Malaise dans la Civilisation, Paris, Denol et Steele, 1934, Freud dit ... que la svrit originelle du surmoi ne reprsente pas, ou pas tellement, la svrit subie ou attendue de la part de lobjet, mais exprime lagressivit de lenfant lui-mme lgard de celui-ci.

.Cette explication permet aussi de comprendre plus facilement pourquoi lenfant se fait une image si fantastique et monstrueuse de ses parents. Il peroit son angoisse ne de ses pulsions agressives comme peur dun objet externe, la fois parce quil a fait de cet objet le but extrieur de ces pulsions, et parce quil les a projetes sur celui-ci, de telle sorte quelles semblent en provenir4Le petit enfant, disons-le incidemment, a quelques bonnes raisons de craindre sa mre, car il s'aperoit de plus en plus qu'elle a le pouvoir de lui accorder ou de lui refuser la satisfaction de ses besoins.

.Il dplace ainsi la source de son angoisse vers lextrieur et transforme ses objets en objets dangereux; mais finalement, ce danger provient de ses propres pulsions agressives. Cest pour cela que sa peur devant ses objets sera toujours proportionnelle la force de ses propres tendances sadiques.Cependant, il ne sagit pas simplement de convertir une quantit donne de sadisme en une quantit correspondante dangoisse. Le rapport est galement un rapport de contenu. La peur que lenfant ressent devant son objet et devant les attaques imaginaires quil doit en subir, suit dans tous les dtails les tendances et les fantasmes agressifs particuliers quil abrite en lui pour les opposer son entourage. Cest ainsi que chaque enfant labore des images parentales qui lui sont particulires, bien que dans tous les cas, elles aient un caractre irrel et terrifiant.Daprs ce que jai pu observer, la formation du surmoi commence au moment mme o lenfant accomplit la premire introjection orale de ses objets5Cette ide se fonde galement sur mon opinion selon laquelle le tendances dipiennes de l'enfant naissent elles aussi beaucoup plus tt qu'on ne le pensait, c'est--dire quand il est encore au stade de la succion, bien avant que ses tendances gnitales ne soient devenues souveraines. mon avis, l'enfant incorpore ses objets dipiens pendant le stade sadique oral, et c'est ce moment-l que son surmoi commence se dvelopper en liaison troite avec les premires tendances dipiennes.

. Comme les premires imagos constitues de cette manire sont dotes de tous les attributs du violent sadisme qui distingue ce stade du dveloppement, et comme elles doivent tre projetes de nouveau sur les objets du monde extrieur, le petit enfant est domin par la peur de subir, de la part de ses objets rels et de la part de son surmoi, des attaques dune cruaut inimaginable. Son angoisse servira renforcer ses tendances sadiques en le poussant dtruire les objets hostiles pour chapper leur agression. Langoisse de lenfant le pousse donc dtruire son objet, ce qui aboutit un accroissement de langoisse, et celle-ci le presse de nouveau dattaquer son objet; ce mcanisme psychologique en forme de cercle vicieux constitue mon avis la base des tendances asociales et criminelles de lindividu. Nous devons donc admettre que cest lexcessive svrit et la cruaut crasante du surmoi, non sa faiblesse et son absence, comme on le pense en gnral, qui expliquent la conduite des personnes asociales et des criminels. un stade un peu plus tardif du dveloppement, la peur du surmoi poussera le moi se dtourner de lobjet gnrateur dangoisse. Ce mcanisme de dfense peut conduire, chez lenfant, une relation dobjet dfectueuse ou altre.Lorsque le stade gnital commence, les pulsions sadiques ont t, dans les cas normaux, vaincues, et la relation de lenfant aux objets a pris un caractre positif. mon avis, un tel progrs dans le dveloppement saccompagne de modifications dans la nature du surmoi, agit sur celui-ci et subit son influence. Car plus le sadisme de lenfant dcrot, plus laction de ses imagos irrelles et effrayantes se rduit, puisquelles sont le produit de ses propres tendances agressives. mesure que les tendances gnitales croissent en force, des imagos bienfaisantes et secourables surgissent, fondes sur les fixations du stade oral de succion la mre gnreuse et tendre, qui se rapproche des objets rels; et le surmoi, aprs avoir t une force menaante et despotique, donnant des ordres absurdes et contradictoires que le moi tait totalement incapable de satisfaire, commence remplir un rle plus doux et plus persuasif et exprimer des exigences quil est possible de satisfaire. En fait, il se transforme progressivement en conscience, au vrai sens de ce mot.En outre, si le caractre du surmoi se modifie, son action sur le moi et le mcanisme de dfense quil y anime se transforme de mme. Freud nous a appris que la piti est une raction la cruaut. Mais les ractions de cette espce ne stablissent pas avant que lenfant nait accd, dans une plus ou moins large mesure, une relation dobjet positive autrement dit, avant que son organisation gnitale ne se soit manifeste. Si nous mettons ce fait ct de ceux, tels que je les vois, qui concernent la formation du surmoi, les conclusions suivantes simposeront nous: aussi longtemps que le surmoi a pour fonction principale dveiller langoisse, il fait appel, chez le moi, aux violents mcanismes de dfense que jai dcrits ci-dessus et qui sont amoraux et asociaux par nature. Mais ds que le sadisme de lenfant dcrot et que le caractre et la fonction de son surmoi se modifient de telle sorte que celui-ci fait natre un sentiment de culpabilit plutt que de langoisse, les mcanismes de dfense qui forment la base dune attitude thique et morale sont stimuls, lenfant commence faire preuve dgards pour ses objets et souvrir au sentiment social6Lanalyse des adultes ne faisait apparatre, en majeure partie, que ces derniers attributs et fonctions du surmoi. Les analystes taient donc enclins considrer quils en constituaient le caractre spcifique; ils reconnaissaient, en fait, le surmoi en tant que tel dans la mesure seulement o il se manifestait sous cette apparence.

.Ces ides ont t confirmes par de nombreuses analyses denfants de tout ge. Lanalyse du jeu nous permet de suivre, chez nos patients, le cours des fantasmes tels que leur jeu les reprsente, et dtablir un lien entre leurs fantasmes et leur angoisse. Lorsque nous en venons analyser le contenu de cette angoisse, nous voyons les tendances et les fantasmes agressifs qui lui donnent naissance se manifester avec une force de plus en plus grande et atteindre des proportions considrables, aussi bien en quantit quen intensit. Le moi du jeune enfant court le danger dtre cras par leur force lmentaire et leur grand nombre; il soutient contre eux une lutte constante dont lenjeu est sa survie, aid dans cette lutte par ses tendances libidinales; il se protge ou bien en les contenant, ou bien en les apaisant, ou bien en les rendant inoffensifs.Ce tableau illustre la thse de Freud sur la pulsion de vie (lros) en guerre contre la pulsion de mort, ou pulsion dagression. Mais nous reconnaissons en outre le lien troit et laction rciproque qui existe chaque instant entre ces deux forces, de telle sorte que lanalyse ne peut russir que si elle suit les fantasmes agressifs de lenfant dans leurs moindres dtails et si elle rduit ainsi leur effet, dans la mesure o elle peut suivre aussi les fantasmes libidinaux et dcouvrir leurs sources les plus profondes, et vice versa.En ce qui concerne les contenus et les buts vritables de ces fantasmes, Freud et Abraham nous ont appris que pendant les stades premiers, prgnitaux, de lorganisation libidinale, au cours desquels se produit la fusion de la libido et des pulsions destructrices, les tendances sadiques de lenfant sont souveraines. Lanalyse de tout adulte le dmontre: pendant le stade sadique-oral qui succde au stade oral de succion, le petit enfant traverse une phase cannibalique laquelle se rattache un grand nombre de fantasmes cannibaliques. Ces fantasmes, bien quil y soit encore question de manger le sein de la mre ou sa personne tout entire, ne concernent pas uniquement la satisfaction dun dsir primitif de nourriture. Ils servent aussi satisfaire les tendances destructrices de lenfant. La phase sadique qui suit celle-ci, la phase sadique-anale, se caractrise par un intrt dominant pour les processus dexcrtion, pour les fces et pour lanus; et cet intrt est li lui aussi des tendances destructrices extrmement puissantes7En dehors de Freud, les principaux architectes de nos connaissances au sujet de l'action que cette alliance exerce sur la formation du caractre et la nvrose, sont Jones, Abraham et Ferenczi.

.Nous savons que ljection des fces symbolise ljection force de lobjet incorpor; un sentiment dhostilit et de cruaut laccompagne, ainsi que divers dsirs destructeurs, les fesses prenant de limportance comme objet de ces activits. mon avis cependant, les tendances sadique-anales comprennent des buts et des objectifs encore plus profonds et plus fortement refouls. Les donnes que ma fournies lanalyse des jeunes enfants font apparatre, entre le stade sadique-oral et le stade sadique-anal, un stade au cours duquel des tendances sadique-urthrales se font sentir; ces donnes prouvent galement que les tendances anales et urthrales sont le prolongement direct des tendances sadique-orales en ce qui concerne le but et lobjectif spcifique de lattaque. Dans ses fantasmes sadique-oraux, lenfant attaque le sein de sa mre, et les moyens quil utilise sont ses dents et ses mchoires. Dans ses fantasmes urthraux et anaux, il cherche dtruire lintrieur du corps de sa mre, et utilise pour cela son urine et ses fces. Les excrments, dans cette deuxime catgorie de fantasmes, sont considrs comme des substances brlantes et corrosives, des animaux sauvages, des armes de toutes sortes, etc.; lenfant entre dans une phase o il utilise chaque instrument de son sadisme dans le seul but de dtruire le corps de sa mre et ce quil contient.En ce qui concerne le choix de lobjet, les tendances sadique-orales en sont encore le facteur latent, de telle sorte que lenfant pense vider par succion et manger lintrieur du corps de sa mre comme si ctait un sein. Mais ces tendances sont largies par les premires thories sexuelles de lenfant, que celui-ci labore pendant cette phase. Nous savions dj que lorsque ses pulsions gnitales sveillaient, il commenait avoir des thories inconscientes sur la copulation de ses parents, la naissance des enfants, etc. Mais lanalyse des jeunes enfants montre que ceux-ci laborent de telles thories beaucoup plus tt, un moment o les tendances prgnitales sont encore dterminantes, bien que les tendances gnitales encore caches aient leur mot dire. Ces thories doivent confirmer que dans la copulation, la mre incorpore continuellement le pnis du pre par la bouche, de telle sorte que son corps est rempli dun grand nombre de pnis et de bbs. Lenfant dsire les manger tous et les dtruire.En attaquant lintrieur du corps maternel, lenfant attaque donc de nombreux objets et sengage dans une voie riche de consquences. La matrice reprsente dabord le monde; lenfant aborde lorigine ce monde avec le dsir de lattaquer et de le dtruire; il est donc dispos, ds le dbut, considrer que le monde extrieur, rel, lui est plus ou moins hostile et quil est peupl dobjets prts lattaquer8Lintensit excessive de semblables situations dangoisse chez le jeune enfant est, mon avis, un facteur fondamental de la gense des dsordres psychotiques.

. Il croit quen attaquant ainsi le corps de sa mre, il a galement attaqu son pre, ses frres et surs, et dans un sens plus large, le monde entier; cette croyance est, si jen juge par mon exprience, une des causes caches de son sentiment de culpabilit et du dveloppement de ses sentiments sociaux et moraux en gnral9L'enfant, en raison de sa croyance la toute-puissance de la pense (cf. FREUD, Totem et Tabou, 1918; FERENCZI, Development of the Sense of Reality, 1916), croyance qui remonte un stade antrieur de son dveloppement, confond ses attaques imaginaires avec des attaques relles; les consquences de cette confusion sont encore luvre dans la vie de l'adulte.

. Car lorsque la svrit excessive du surmoi se rduit un peu, les reproches que celui-ci fait au moi au sujet de ces attaques imaginaires font natre des sentiments de culpabilit qui entranent de fortes tendances rparer les dommages imaginaires que lenfant fit subir ses objets. ce moment-l, le contenu individuel et les dtails de ses fantasmes destructeurs contribuent orienter le dveloppement de ses sublimations, qui servent indirectement ses tendances rparatrices10Dans mon article sur Les situations d'Angoisse de l'Enfant et leur Reflet dans une uvre d'Art et dans l'lan Crateur, crit en 1929, j'affirmais que le sentiment de culpabilit et le dsir de rparer l'objet endommag taient des facteurs universels et fondamentaux du dveloppement des sublimations. Ella Sharpe, dans son article intitul Certain Aspects of Sublimation and Delusion, I.J.P.-A., vol. XI, 1930, aboutit la mme conclusion.

, ou engendrer le dsir plus direct daider les autres hommes.Lanalyse du jeu montre que lorsque les pulsions agressives de lenfant sont leur apoge, celui-ci ne se lasse pas de dchirer, dcouper, briser, mouiller et brler toutes sortes de choses, comme du papier, des allumettes, des botes, de petits jouets, qui reprsentent tous ses parents, ses frres et ses surs, le corps et les seins de sa mre; elle montre aussi que sa rage de destruction alterne avec des accs dangoisse et de culpabilit. Mais quand, au cours de lanalyse, langoisse se met lentement dcrotre, les tendances constructives commencent paratre au grand jour11L'analyse accomplit progressivement et sans heurts la leve de l'angoisse, de telle sorte que les tendances constructives comme les instincts agressifs sont librs petit petit.

. Un petit garon qui, par exemple, ne faisait auparavant rien dautre que dcouper des morceaux de bois en petits bouts, essaya de faire un crayon avec ces dbris. Il prit des morceaux de mine sortis des crayons quil avait dbits, les mit dans la fente dun bout de bois, puis cousit un morceau dtoffe autour du bois brut pour que ce ft plus joli. Ce crayon rudimentaire reprsentait le pnis de son pre quil avait dtruit dans ses fantasmes, et le sien propre, dont il craignait la destruction par mesure de reprsailles; le contexte gnral du matriel prsent et les associations fournies en apportaient une preuve supplmentaire.Quand au cours de son analyse, lenfant commence montrer des tendances constructives plus fortes dans son jeu et dans ses sublimations en peignant, crivant ou dessinant au lieu de tout barbouiller de cendres, en cousant ou en inventant des modles de robes alors quauparavant il dcoupait et dchirait tout il laisse paratre aussi des modifications dans sa relation son pre, sa mre ou ses frres et surs; ces changements marquent le dbut dune amlioration de la relation dobjet dans son ensemble, et un dveloppement du sens social. Quelles sont les voies qui souvriront la sublimation de lenfant, quelle sera la puissance de ses tendances faire rparation, quelles formes ces tendances prendront-elles? Ce nest pas seulement ltendue de ses tendances agressives primitives qui en dcidera, mais aussi le jeu combin dun certain nombre dautres facteurs, dont nous navons pas la place de parler ici. Mais notre connaissance de lanalyse des enfants nous permet du moins de dire ceci, que lanalyse des couches les plus profondes du surmoi conduit invariablement une amlioration considrable de la relation dobjet de lenfant, de sa capacit de sublimation et de ses possibilits dadaptation sociale, quelle ne se contente pas de rendre lenfant plus heureux et plus sain, mais aussi plus capable de sens thique et social.Cela nous amne examiner une objection vidente que lon peut soulever contre lanalyse des enfants. On peut se demander si une trop grande rduction de la svrit du surmoi, une rduction aboutissant en de dun certain niveau favorable, ne pourrait pas avoir un rsultat contraire et conduire labolition du sens thique et social chez lenfant. Je rpondrai dabord quune si grande rduction na jamais eu lieu ma connaissance; ensuite, quil existe des raisons thoriques pour croire que cela ne peut pas se produire. Quant lexprience relle, nous savons quen analysant les fixations libidinales prgnitales, nous ne pouvons parvenir, ft-ce dans les circonstances les plus favorables, qu la conversion dune certaine partie des quantits libidinales engages dans la libido gnitale, et que le reste, un reste assez considrable, poursuit son action en tant que libido prgnitale et sadisme; encore que, la phase gnitale ayant tabli alors plus solidement sa suprmatie, le moi puisse avoir avec ce reste des rapports plus faciles, soit en lui donnant satisfaction, soit en le rprimant, soit en lui faisant subir une modification ou une sublimation. De la mme manire, lanalyse ne peut jamais faire disparatre compltement le noyau sadique du surmoi form sous la primaut des phases prgnitales; mais elle peut ladoucir en augmentant la force du niveau gnital, de telle sorte que le moi, plus puissant, peut avoir avec son surmoi, comme avec ses tendances pulsionnelles, une attitude plus satisfaisante la fois pour le sujet lui-mme et pour le monde qui lentoure.Nous nous sommes efforcs jusquici dtablir le fait que le sens moral et social se dveloppe partir dun surmoi plus doux, rgi par le niveau gnital. Considrons maintenant les consquences qui en dcoulent. Plus lanalyse des niveaux profonds de la pense de lenfant pntre loin, mieux elle parviendra mitiger la svrit du surmoi en rduisant laction de ses lments sadiques, surgissant des stades premiers du dveloppement. En accomplissant cela, lanalyse permet lenfant dacqurir les moyens de sadapter la vie sociale; mais elle permet aussi le dveloppement de modles thiques et moraux chez ladulte, car ce dveloppement nest possible que si, au terme de lpanouissement de la vie sexuelle infantile12Cest--dire au moment o dbute la priode de latence, entre lge de cinq et six ans.

, le surmoi et la sexualit ont tous deux atteint sans encombres le niveau gnital; dans ce cas, le surmoi aura acquis le caractre et la fonction dont procde le sentiment de culpabilit tel quil possde une valeur sociale, cest--dire la conscience.Depuis quelque temps, lexprience a montr que la psychanalyse, bien que Freud lait conue, lorigine, comme une mthode thrapeutique pour les maladies mentales, atteint un autre but. Elle corrige les troubles de la formation du caractre, en particulier chez les enfants et les adolescents, o elle a les moyens daccomplir des transformations considrables. Nous pouvons dire en fait quaprs avoir t analys, un enfant laisse apparatre des changements radicaux dans son caractre; nous ne pouvons manquer dtre convaincus, par lobservation des faits, que lanalyse du caractre comme mesure thrapeutique nest pas moins importante que lanalyse des nvroses.Devant ces faits, on ne peut viter de se demander si le champ daction de la psychanalyse nest pas destin dpasser lindividu pour agir sur la vie de lhumanit dans son ensemble. Les tentatives faites pour amliorer lhumanit, et notamment pour la rendre plus paisible, ont chou parce que personne na compris la profondeur et la force des pulsions dagression innes chez chaque individu. De tels efforts ne cherchent pas faire plus que dencourager les tendances positives, bienveillantes, de chaque homme, tout en niant ou en supprimant ses tendances agressives. Ils taient donc ds l'origine vous lchec. Mais la psychanalyse a, pour une tche de cette espce, dautres moyens sa disposition. Il est vrai quelle ne peut pas faire disparatre compltement les pulsions agressives en tant que telles; mais elle peut, en rduisant langoisse qui renforce ces pulsions, briser le jeu altern du renfort que sapportent sans cesse la haine et la peur. Quand nous voyons, dans notre travail analytique, que la suppression de langoisse chez le jeune enfant rduit et modifie, certes, les tendances agressives de celui-ci, mais aussi permet leur satisfaction et leur meilleure utilisation dun point de vue social; que lenfant montre un dsir profondment enracin et sans cesse croissant dtre aim, daimer et dtre en paix avec le monde qui lentoure; que laccomplissement de ce dsir procure largement plaisir et profit, et permet une rduction considrable de langoisse; quand nous voyons tout cela, nous sommes prts croire que ce qui parat maintenant une utopie pourrait bien se raliser en ces jours lointains o, comme je lespre, lanalyse pratique pendant lenfance sera une partie aussi importante de lducation que linstruction scolaire lest prsent. Alors peut-tre, cette attitude hostile, passant de la peur la mfiance, qui se cache, plus ou moins forte, au fond de chaque tre humain et qui centuple toutes ses tendances destructrices, cdera-t-elle la place des sentiments plus bienveillants et plus confiants lgard des autres hommes, et peut-tre les humains pourront-ils habiter le monde ensemble, dans une plus grande paix et une meilleure volont qu prsent.