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DIFFICULTES DES ENTREPRISES : COMMENT LES PREVENIR ET LES TRAITER ?

DIFFICULTES DES ENTREPRISES COMMENT LES PREVENIR ET LES ... · Les solutions en cas d’incidents et d’inexécution ... Revue des procédures collectives n° 1, Janvier 2013, comm

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DIFFICULTES DES ENTREPRISES :

COMMENT LES PREVENIR ET LES TRAITER ?

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PLAN DE LA FORMATION

INTRODUCTION

1. Précisions terminologiques et fil conducteur de la conférence

Procédure de sauvegarde

Procédure de redressement judiciaire

Procédure de liquidation judiciaire

2. Données chiffrées et statistiques

Près de 90 % des entreprises défaillantes sont des micro-entreprises sans effectif ou des TPE de moins de 10 salariés

Plus de 97 % des jugements de défaillance sont des jugements de redressement ou de liquidation judiciaires

Le taux global de liquidations judiciaires est d’environ 92 %

Le taux de réussite des plans de sauvegarde et des plans de continuation est d’environ 50 %

3. Les principaux signaux des difficultés

Les signaux internes à l’entreprise

La baisse du chiffre d’affaires

L’augmentation des charges d’exploitation

La baisse de la marge

L’insuffisance ou l’importance excessive des stocks

L’augmentation du poste clients

Les tensions avec les associés

Les tensions et les conflits avec le personnel

Les signaux externes à l’entreprise

Les signaux bancaires

Les signaux issus des inscriptions sur le fonds de commerce

Les signaux issus des relations avec les fournisseurs et/ou les clients

Les contentieux

4. Intérêts des techniques de prévention et de traitement amiables

Intérêt principal : « mieux vaut prévenir que guérir »

Intérêt lié à la confidentialité

Intérêt lié à la souplesse et à la célérité

Intérêt lié à l’efficacité et au succès

Intérêt personnel pour les chefs d’entreprises

5. Développement et diversité des techniques de prévention et de traitement amiables

5.1 Le développement des techniques de prévention et de traitement amiables

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Loi du 1er mars 1984

Intervention progressive des pouvoirs publics

Renforcement progressif des techniques judiciaires

5.2 La diversité des techniques de prévention et de traitement amiables

Obligation de tenue et de dépôt des comptes sociaux au greffe

Obligation pour certains groupements de tenir une comptabilité prévisionnelle

Existence d’une procédure d’alerte

Existence d’un pouvoir autonome de convocation des dirigeants

Existence d’aides

Existence des « comités administratifs de restructuration »

Existence des CCSF

Mandat ad hoc et procédure de conciliation

I. LES PRINCIPALES TECHNIQUES DE PREVENTION ET DE TRAITEMENT

AMIABLES DES DIFFICULTES DES ENTREPRISES

A/ LE MANDAT AD HOC

1. Généralités

Origine : création jurisprudentielle

Loi du 10 juin 1994 et loi du 26 juillet 2005

Définition

Désignation du mandataire ad hoc

2. Avantages et inconvénients

Avantages

Le mandat ad hoc est confidentiel

Le mandat ad hoc ne dessaisit pas le dirigeant

Le mandat ad hoc n’est pas limité dans la durée

Le mandat ad hoc est très souple et adapté à des situations très variées

Le mandat ad hoc est adapté aux entreprises dont les difficultés sont limitées à un nombre limité de partenaires

Inconvénients

Le mandat ad hoc est réservé aux entreprises qui ne son pas en état de cessation des paiements

Le mandat ad hoc est fondé sur le volontariat

Le mandat ad hoc n’entraîne pas la suspension des poursuites individuelles

Le mandat ad hoc ne permet pas nécessairement d’échapper à des sanctions en cas de redressement ou de liquidation judiciaires

B/ LA CONCILIATION

1. Spécificités

Loi du 26 juillet 2005

Définition

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Constatation ou homologation

2. Intérêts et limites du recours à la conciliation

Intérêts

La conciliation ne dessaisit pas le dirigeant

La conciliation est adaptée aux entreprises qui rencontrent des difficultés avec un nombre important de créanciers

La conciliation favorise la réalisation des remises de dettes par l’Administration des impôts et les organismes de Sécurité sociale

Limites

La conciliation n’est que partiellement confidentielle

La durée de la conciliation est très limitée

Le recours à une procédure de conciliation ne permet pas nécessairement d’échapper à des sanctions en cas de redressement ou de liquidation judiciaires

II. LA MISE EN ŒUVRE DES PRINCIPALES TECHNIQUES DE PREVENTION

A/ LES OPERATIONS PREALABLES

1. Le diagnostic

La nature exacte des difficultés

L’importance des difficultés

2. La fixation des objectifs

Le rééchelonnement d’une ou plusieurs dettes

L’obtention d’un prêt de consolidation ou de restructuration

La réalisation d’un règlement d’escompte

La recherche et la sélection de nouveaux associés

Ces solutions peuvent être panachées

3. La détermination de la technique de prévention et de traitement amiables et le choix du

professionnel

Discussion avec le dirigeant pour l’informer et le conseiller

Choix d’une personne pressentie pour devenir mandataire ad hoc ou conciliateur

4. La saisine du juge et le soutien de la requête

4.1 La requête

Déposée et soutenue en présence des dirigeants

Exposé des difficultés de l’entreprise

Désignation d’un mandataire ad hoc ou d’un conciliateur

Documents à fournir

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4.2 L’audience

Convocation du dirigeant

Notification de l’ordonnance

B/ LE DEROULEMENT DU MANDAT AD HOC ET DE LA CONCILIATION

1. Les différentes phases communes au mandat ad hoc et à la conciliation

Phase de présentation

Phase de négociations et de propositions

Phase de l’accord

2. La constatation et l’homologation de l’accord, phases spécifiques à la conciliation

2.1 La constatation de l’accord

Saisine du Président du Tribunal par requête

Publication de l’ordonnance

Suspension des poursuites individuelles

Accord confidentiel

2.2 L’homologation de l’accord

Trois conditions cumulatives

Procédure

Avantages

3. Les solutions en cas d’incidents et d’inexécution

3.1 Les incidents au cours du mandat ad hoc ou de la conciliation

La rupture des pourparlers

La poursuite de l’entreprise par un ou plusieurs créanciers

L’aggravation ou la multiplication des difficultés

3.2 L’inexécution de l’accord

Inexécution de l’accord conclu au terme du mandat ad hoc

Inexécution d’un accord conclu au terme d’une conciliation

Accord qui n’a pas été constaté ou homologué

Accord qui a été constaté ou homologué

CONCLUSION

Du côté des dirigeants

Du côté des créanciers

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INTRODUCTION

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Cour de cassation

chambre commerciale

Audience publique du mardi 3 juillet 2012

N° de pourvoi: 11-18026

Publié au bulletin Cassation partielle

M. Espel, président

M. Rémery, conseiller rapporteur

Mme Bonhomme, avocat général

SCP Didier et Pinet, SCP Gaschignard, avocat(s)

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sodimédical, faisant partie du groupe Lohmann et Rauscher, a déclaré la cessation de ses paiements et demandé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ;

Sur la recevabilité du moyen contestée par la défense :

Attendu que les membres du comité d'entreprise, défendeurs au pourvoi, font valoir que la société Sodimédical ne démontrant pas, ni même n'alléguant que son redressement serait manifestement impossible, le moyen, qui ne conteste que l'appréciation faite par la cour d'appel de l'état de cessation des paiements et l'incidence d'une fraude éventuelle, serait inopérant au regard des dispositions de l'article L. 640-1, alinéa 1er, du code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt n'ayant pas fondé le rejet de la demande d'ouverture de la liquidation judiciaire sur la possibilité du redressement de la société Sodimédical, sa motivation relative à la cessation des paiements et à l'existence d'une fraude ne peut être tenue pour surabondante et était la seule susceptible d'être critiquée ; que le moyen est recevable ;

Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches :

Vu les articles L. 631-1, alinéa 1er, et L. 640-1 du code de commerce ;

Attendu que, pour rejeter la demande d'ouverture de la procédure collective présentée par la société Sodimédical, l'arrêt retient que le passif échu de celle-ci s'élève à 4 515 937 euros, dont une somme de 3 979 831 euros représentant le montant du compte courant de sa société mère, que le groupe a décidé de ne plus soutenir financièrement cette filiale qui n'a pas d'autonomie, que si les dettes internes au groupe font partie du passif exigible, la société Sodimédical est à jour de ses cotisations sociales et que sa position est incohérente, dès lors que, tout en excipant d'un actif disponible inférieur à 100 000 euros, elle a été en mesure, lors de l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi, de proposer à chacun de ses salariés une indemnité complémentaire de licenciement de 20 000 euros ;

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Attendu qu'en se déterminant par ces motifs impropres à exclure l'état de cessation des paiements, lequel est caractérisé objectivement, pour chaque société d'un groupe, par l'impossibilité pour elle de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles L. 631-1, alinéa 1er, L. 640-1 et L. 640-4 du code de commerce ;

Attendu que, lorsque l'état de cessation des paiements est avéré, le juge saisi d'une demande d'ouverture d'une procédure collective ne peut la rejeter en raison des mobiles du débiteur, qui est légalement tenu de déclarer cet état ;

Attendu que, pour rejeter la demande de liquidation judiciaire formée par la société Sodimédical, l'arrêt retient encore que cette demande a eu pour seul but, après l'échec de plusieurs plans de sauvegarde de l'emploi, de permettre des licenciements dont la cause économique ne pourrait plus être contestée et de faire prendre en charge leur coût par la collectivité ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté une exception de procédure, déclaré l'appel recevable et infirmé le jugement déféré en sa disposition invitant la société Sodimédical à élaborer un plan social conforme aux demandes du tribunal de grande instance de Troyes et à en informer le comité d'entreprise ou à envisager une demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au niveau de la maison mère, l'arrêt rendu le 14 mars 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille douze.

Revue des procédures collectives n° 1, Janvier 2013, comm. 6 Déclaration d'état de cessation des paiements et indifférence des mobiles du débiteur Commentaire par Bernard SAINTOURENS Sommaire

Lorsque l'état de cessation des paiements est avéré, le juge saisi d'une demande d'ouverture d'une procédure collective ne peut la rejeter en raison des mobiles du débiteur, auteur de la déclaration de cet état.

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Note :

C'est un questionnement de principe proche de celui qui sous-tendait le contentieux engendré par l'affaire Coeur Défense qui se retrouve dans l'arrêt de la chambre commerciale, prononcé le 3 juillet 2012, intervenu dans la « saga Sodimédical ». En définitive, c'est tout l'enjeu d'une éventuelle instrumentalisation du droit des procédures collectives qui se trouve ici aussi posé.

En affirmant que, « lorsque l'état de cessation des paiements est avéré, le juge saisi d'une demande d'ouverture d'une procédure collective ne peut la rejeter en raison des mobiles du débiteur, qui est légalement tenu de déclarer cet état », la Haute juridiction entend s'en tenir à une approche objective des conditions d'ouverture des procédures collectives, sans qu'interfère toute utilisation, assumée ou masquée, à titre de mode de gestion des entreprises, des opportunités qu'offre le droit spécial des entreprises en difficulté.

Alors que, dans l'affaire Coeur Défense, ce qui était en jeu portait sur la possibilité d'échapper aux rigueurs du droit des contrats par le biais de la procédure de sauvegarde, il s'agit ici d'échapper aux contraintes du droit du travail et à ses conséquences financières. En procédant à la déclaration de cessation des paiements et en sollicitant l'ouverture d'une liquidation judiciaire, la société concernée pouvait se libérer ainsi d'une difficulté à laquelle elle se trouvait confrontée s'agissant des licenciements auxquels elle entendait procéder. Après l'échec de plusieurs plans de sauvegarde de l'emploi, la mise sous procédure collective aurait pour effet de permettre les licenciements dont la cause économique ne pourrait plus être contestée. Si l'on ajoute à cela que les créances de salaires seraient, en partie, couvertes par l'intervention de l'AGS, ce qui aboutissait à faire supporter par la collectivité les incidences pécuniaires des licenciements, il y avait en effet bien des avantages à se placer sous le couvert du livre VI du Code de commerce. Alors que les juridictions du fond avaient rejeté, en contemplation de tels mobiles, la demande d'ouverture de la procédure collective sollicitée, la Cour de cassation retient une position diamétralement opposée en affirmant que « lorsque l'état de cessation des paiements est avéré, le juge saisi d'une demande d'ouverture d'une procédure collective ne peut la rejeter en raison des mobiles du débiteur, qui est légalement tenu de déclarer cet état ».

Deux remarques peuvent être ici présentées. En premier lieu, la Haute juridiction, comme elle l'avait fait dans l'affaire Coeur Défense, s'en tient à une approche objective des conditions requises par la loi pour l'ouverture d'une procédure collective. Si l'état de cessation des paiements est avéré, cette condition requise pour l'ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaires doit être considérée comme objectivement remplie. En second lieu, s'agissant de la démarche du débiteur lui-même, dès lors que la déclaration de l'état de cessation des paiements est une obligation légale, il y est tenu et il n'y a pas lieu de prendre en considération les éventuels mobiles qui pourraient l'animer lorsqu'il y procède. Ce paramètre légal explique sans doute également que la Cour de cassation ne réserve pas, en l'espèce, l'hypothèse de la fraude, comme elle l'avait fait dans l'affaire Coeur Défense. Cette position est logique. Autant la demande d'ouverture d'une sauvegarde demeure toujours une initiative que prend librement le débiteur (et qui peut donc être entachée d'une manoeuvre frauduleuse vis-à-vis des créanciers), autant la demande d'ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaires est une démarche contrainte pour le débiteur dès lors qu'il se trouve en état de cessation des paiements. En quelque sorte, il n'a pas le choix et c'est cette absence de libre arbitre qui justifie qu'il ne puisse y avoir une démarche entachée de fraude. Dans le cadre d'une procédure reposant sur la constatation de l'état de cessation des paiements, la Cour de cassation pouvait, nous semble-t-il, difficilement prendre une autre position que celle ici adoptée.

On relèvera également que l'arrêt réitère, par ailleurs, une position déjà acquise selon laquelle, en présence d'un groupe de sociétés, l'état de cessation des paiements est caractérisé, pour chaque société du groupe, par l'impossibilité pour elle de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. En vertu de l'autonomie des personnes morales, la situation d'ensemble du groupe n'a pas à interférer, ni celle de la société mère. Tant que la personnalité morale ne sera pas reconnue au groupe de sociétés, il ne pourra pas en être autrement. La discussion sur ce point mériterait sans doute d'être relancée. On rappellera juste pour le plaisir la position jurisprudentielle ancienne sur ce point (Cass. 2e civ., 28 janv. 1954 : D. 1954, II, p. 217, note G. Levasseur ; JCP 1954, II, 7978, concl. Lemoine), qui ne nous semble jamais avoir été contredite depuis lors, selon laquelle « la personnalité morale n'est pas une création de la loi ; elle appartient en principe à tout groupement pourvu d'une possibilité d'expression collective pour la défense d'intérêts licites ». Est-on bien sûr qu'en aucun cas un groupe de sociétés ne pourrait être visé par cette définition ?

La position adoptée par la chambre commerciale dans la présente affaire ne laisse certainement pas les salariés, principaux intéressés dans le cas de figure, privés de moyens d'action à l'encontre de la société mère.

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Ils peuvent, comme cela a déjà été admis, rechercher la responsabilité délictuelle de la société mère sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ou faire reconnaître sa qualité de co-employeur. Même en demeurant sur le terrain du droit des procédures collectives, l'extension de la procédure à la société mère ou à toute autre société du groupe peut être tentée pour confusion des patrimoines ou fictivité. En outre, l'action en contribution pour insuffisance d'actif peut être menée, sur la base de l'article L. 651-2 du Code de commerce, à l'encontre de tout dirigeant de droit ou de fait en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance.

Revue des procédures collectives n° 6, Novembre 2012, comm. 170 La procédure d'alerte du commissaire aux comptes Commentaire par Christophe DELATTRE

Sommaire En présence de faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation, le commissaire aux comptes doit engager une procédure d'alerte (C. com., art. L. 234-1) qui peut comporter plusieurs phases selon la structure de l'entreprise (« L'alerte par le commissaire aux comptes » F. Pérochon, Entreprises en difficulté : LGDJ, Lextenso éditions, 9e éd., n° 71 à 80). Cette procédure prévoit une information adressée au président du tribunal. La réception de cette information par le président peut l'amener à agir et saisir le tribunal. T. com. Valenciennes, ord. prés., 22 oct. 2012, n° 2012004897

Note :

La connaissance par le président d'une procédure d'alerte est une information importante permettant de suspecter un état de cessation des paiements. En présence de cette information importante, il peut estimer nécessaire de saisir le tribunal en application des articles L. 621-1, L. 631-5, L. 640-5 et R. 631-3 du Code de commerce.

En l'espèce, dès connaissance de la procédure d'alerte, le président, en raison de la situation jugée alarmante, décidait la saisine du tribunal. Cela permet de mettre fin à une fuite en avant du dirigeant qui ne sait pas prendre la bonne décision. En cas de contestation de l'état de cessation des paiements par le chef d'entreprise, le tribunal pourra solliciter l'ouverture d'une enquête préalable.

La possibilité de recourir à la saisine d'office est actuellement contestée par certains. À l'heure de la rédaction de la présente chronique, une QPC (n° 2012-286) est pendante devant le Conseil constitutionnel. Cette QPC est ainsi libellée « la saisine d'office par le tribunal de commerce en application de l'article L. 631-5 du Code de commerce est-elle conforme à la Constitution alors même qu'en vertu des droits de la défense et du droit à un recours juridictionnel effectif, l'on ne saurait à la fois être juge et parti ? » (Cass. com., 16 oct. 2012, n° 12-40-.061, F-D, QPC).

La décision du Conseil constitutionnel peut bouleverser nombre de pratiques juridictionnelles et entraîner, pourquoi pas, des modifications législatives.

Revue des procédures collectives n° 6, Novembre 2012, comm. 173 Le non dépôt des comptes sociaux : indice supposant un état de cessation des paiements Commentaire par Christophe DELATTRE

Sommaire

L'ouverture d'une procédure pénale pour non dépôt des comptes sociaux permet souvent de révéler et de traiter la situation catastrophique d'une entreprise.

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T. com. Valenciennes, 4 juin 2012, n° 2012002201

Note :

La pratique met souvent en évidence que le non dépôt des comptes sociaux résulte de l'absence de tenue de la comptabilité faute de paiement des honoraires du comptable. Cette absence de paiement des honoraires s'explique le plus souvent par l'absence de trésorerie. Ce constat peut permettre au Président du tribunal de commerce d'agir tout comme le ministère public.

En l'espèce, à l'occasion d'une procédure pénale pour non dépôt des comptes, il ressortait de l'enquête pénale que le dirigeant rencontrait de sérieuses difficultés financières caractérisant un état de cessation des paiements. Ces informations permirent au parquet de saisir le tribunal aux fins d'ouverture d'une procédure collective et, à défaut, de solliciter une enquête préalable. En chambre du conseil, le dirigeant reconnut la situation financière catastrophique de son entreprise et le tribunal ouvrait une procédure de liquidation judiciaire.

La poursuite du chef d'entreprise pour non dépôt des comptes sociaux avait permis de mettre en évidence une situation financière catastrophique et un attentisme fautif du dirigeant causant des dégâts financiers sur le tissu économique. Enfin, cela permet également une prise en charge rapide des salaires impayés parfois depuis plusieurs mois. En outre, l'absence de tenue d'une comptabilité faute de pouvoir payer le comptable en charge de cette mission est source de sanction (Ch. Delattre, Le chef d'entreprise face à ses obligations comptables dans la loi de sauvegarde : Dr. sociétés 2012, étude 13).

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I. LES PRINCIPALES TECHNIQUES DE

PREVENTION ET DE TRAITEMENT

AMIABLES DES DIFFICULTES DES

ENTREPRISES

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A/ LE MANDAT AD HOC

Article L.611-3 du Code de commerce

Le président du tribunal peut, à la demande d'un débiteur, désigner un mandataire ad hoc dont il détermine la mission. Le débiteur peut proposer le nom d'un mandataire ad hoc.

Le tribunal compétent est le tribunal de commerce si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale et le tribunal de grande instance dans les autres cas.

B/ LA CONCILIATION

Article L611-4 du Code de commerce

Il est institué, devant le tribunal de commerce, une procédure de conciliation dont peuvent bénéficier les débiteurs exerçant une activité commerciale ou artisanale qui éprouvent une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible, et ne se trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours.

Article L611-5 du Code de commerce

La procédure de conciliation est applicable, dans les mêmes conditions, aux personnes morales de droit privé et aux personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé. Pour l'application du présent article, le tribunal de grande instance est compétent et son président exerce les mêmes pouvoirs que ceux attribués au président du tribunal de commerce.

La procédure de conciliation n'est pas applicable aux agriculteurs qui bénéficient de la procédure prévue aux articles L. 351-1 à L. 351-7 du code rural et de la pêche maritime.

Article L611-6 du Code de commerce

Le président du tribunal est saisi par une requête du débiteur exposant sa situation économique, sociale et financière, ses besoins de financement ainsi que, le cas échéant, les moyens d'y faire face. Le débiteur peut proposer le nom d'un conciliateur.

La procédure de conciliation est ouverte par le président du tribunal, qui désigne un conciliateur pour une période n'excédant pas quatre mois mais qu'il peut, par une décision motivée, proroger d'un mois au plus à la demande de ce dernier. Si une demande d'homologation a été formée en application du II de l'article L. 611-8 avant l'expiration de cette période, la mission du conciliateur et la procédure sont prolongées jusqu'à la décision du tribunal.A défaut, elles prennent fin de plein droit et une nouvelle conciliation ne peut être ouverte dans les trois mois qui suivent.

La décision ouvrant la procédure de conciliation est communiquée au ministère public et, si le débiteur est soumis au contrôle légal de ses comptes, aux commissaires aux comptes. Lorsque le débiteur exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le

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titre est protégé, la décision est également communiquée à l'ordre professionnel ou à l'autorité compétente dont, le cas échéant, il relève. Elle est susceptible d'appel de la part du ministère public.

Le débiteur peut récuser le conciliateur dans des conditions et délais fixés par décret en Conseil d'Etat.

Après ouverture de la procédure de conciliation, le président du tribunal dispose des pouvoirs qui lui sont attribués par le second alinéa du I de l'article L. 611-2. En outre, il peut charger un expert de son choix d'établir un rapport sur la situation économique, sociale et financière du débiteur et, nonobstant toute disposition législative et réglementaire contraire, obtenir des établissements bancaires ou financiers tout renseignement de nature à donner une exacte information sur la situation économique et financière de celui-ci.

Article L611-7 du Code de commerce

Le conciliateur a pour mission de favoriser la conclusion entre le débiteur et ses principaux créanciers ainsi que, le cas échéant, ses cocontractants habituels, d'un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l'entreprise. Il peut également présenter toute proposition se rapportant à la sauvegarde de l'entreprise, à la poursuite de l'activité économique et au maintien de l'emploi.

Le conciliateur peut, dans ce but, obtenir du débiteur tout renseignement utile. Le président du tribunal communique au conciliateur les renseignements dont il dispose et, le cas échéant, les résultats de l'expertise mentionnée au cinquième alinéa de l'article L. 611-6.

Les administrations financières, les organismes de sécurité sociale, les institutions gérant le régime d'assurance chômage prévu par les articles L. 351-3 et suivants du code du travail et les institutions régies par le livre IX du code de la sécurité sociale peuvent consentir des remises de dettes dans les conditions fixées à l'article L. 626-6 du présent code. Des cessions de rang de privilège ou d'hypothèque ou l'abandon de ces sûretés peuvent être consenties dans les mêmes conditions.

Le conciliateur rend compte au président du tribunal de l'état d'avancement de sa mission et formule toutes observations utiles sur les diligences du débiteur.

Si, au cours de la procédure, le débiteur est mis en demeure ou poursuivi par un créancier, le juge qui a ouvert cette procédure peut, à la demande du débiteur et après avoir été éclairé par le conciliateur, faire application des articles 1244-1 à 1244-3 du code civil.

En cas d'impossibilité de parvenir à un accord, le conciliateur présente sans délai un rapport au président du tribunal. Celui-ci met fin à sa mission et à la procédure de conciliation. Sa décision est notifiée au débiteur.

Article L611-8 du Code de commerce

I. - Le président du tribunal, sur la requête conjointe des parties, constate leur accord et donne à celui-ci force exécutoire. Il statue au vu d'une déclaration certifiée du débiteur attestant qu'il ne se trouvait pas en cessation des paiements lors de la conclusion de l'accord, ou que ce dernier y met fin. La décision constatant l'accord n'est pas soumise à publication et n'est pas susceptible de recours. Elle met fin à la procédure de conciliation.

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II. - Toutefois, à la demande du débiteur, le tribunal homologue l'accord obtenu si les conditions suivantes sont réunies :

1° Le débiteur n'est pas en cessation des paiements ou l'accord conclu y met fin ;

2° Les termes de l'accord sont de nature à assurer la pérennité de l'activité de l'entreprise ;

3° L'accord ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non signataires.

Cour de cassation

chambre commerciale

Audience publique du mardi 7 février 2012

N° de pourvoi: 10-28815 10-28816

Non publié au bulletin Rejet

Mme Favre (président), président SCP Defrenois et Levis, SCP Laugier et Caston, avocat(s)

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° C 10-28.815 et D 10-28.816 ;

Sur le moyen unique des deux pourvois, rédigés en termes identiques, réunis :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Grenoble, 28 octobre 2010, RG n° 10/00861 et RG n° 10/00862), que le

31 juillet 2003, la société Financière Vulcain, elle-même détenue par le Fonds commun de placements à

risques (FCPR) Astorg III, s'est engagée à acquérir la totalité du capital de la société SFI, holding de la

société Etudes et constructions mécaniques SA (la société ECM) et de sa filiale la société ECM Condenso,

devenue ECM infrafours (la société ECM infrafours) ; qu'un contrat de prêts octroyés à la société

Financière Vulcain et à la société ECM a été conclu le 31 juillet 2003 avec la société BNP Paribas (la

banque) agissant tant pour elle-même qu'en qualité d'agent des prêts pour les établissements prêteurs ; qu'il

y était déclaré qu'aucune société du groupe ne faisait l'objet d'une procédure d'alerte et qu'aucun

conciliateur n'avait été désigné aux fins de recherche d'un accord avec les créanciers, et précisé que la

survenance de l'un quelconque de ces événements constituerait un cas d'exigibilité immédiate et de plein

droit des montants des prêts ; que conformément aux dispositions de ce contrat, la banque a procédé à la

syndication directe des prêts auprès du Crédit commercial de France, devenu HSBC France, de la caisse

régionale du Crédit agricole Sud Rhône-Alpes, du Crédit lyonnais, de la Banque populaire des Alpes, de la

banque Sanpaolo, devenue Banque Palatine, et de la Banque Rhône-Alpes (le pool bancaire) ; qu'en raison

des difficultés persistantes rencontrées par le groupe ECM, la totalité du capital de la société Financière

Vulcain a été cédée le 8 novembre 2007, au prix de un euro, au FCPR T'NT'1 ; que ce protocole, conclu

sous l'égide de M. X..., nommé conciliateur, prévoyait la restructuration du capital et des dettes du groupe

ECM ainsi que le maintien des concours consentis à celui-ci pendant une durée de 24 mois ; qu'en

exécution de ce protocole était signé le 9 janvier 2008 un avenant n° 4 au contrat de prêts modifiant la liste

des cas d'exigibilité anticipée et précisant que cet avenant n'emportait aucune novation au contrat de prêts ;

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que par lettre recommandée du 2 juin 2008 adressée au président du conseil d'administration de la société

ECM, le commissaire aux comptes de la société a engagé une procédure d'alerte ; que par requête déposée

le 29 août 2008, les sociétés Financière Vulcain, ECM et ECM infrafours ont demandé la nomination d'un

conciliateur, qui a été désigné par ordonnance du 5 septembre 2008 ; que par courrier recommandé avec

demande d'accusé de réception du 23 octobre 2008 mentionnant ces événements qui n'avaient pas été portés

à sa connaissance, la banque a notifié aux sociétés ECM et ECM infrafours la suspension sans préavis de la

mise à disposition des fonds au titre du contrat de prêts en raison de la survenance d'un cas d'exigibilité

anticipée visé par ce contrat ; que les sociétés du groupe ECM ont été mises en redressement puis

liquidation judiciaires les 4 novembre 2008 et 3 mars 2009, M. Y... étant désigné liquidateur de la société

ECM et M. Z..., en remplacement duquel vient M. A..., liquidateur de la société ECM infrafours (les

liquidateurs) ; que les liquidateurs ont assigné la banque en responsabilité pour rupture abusive de crédit ;

Attendu que les liquidateurs font grief aux arrêts de les avoir déboutés de leurs demandes indemnitaires,

alors, selon le moyen :

1°/ que les jugements doivent être motivés à peine de nullité ; qu'en retenant que les stipulations de l'article

4.2 du contrat de prêt du 26 septembre 2003, relatives aux conditions que les banques pouvaient invoquer

pour mettre un terme anticipé aux concours, n'avaient pas été supprimées par l'avenant n° 4 des 9, 10 et 11

janvier 2008, pour en déduire que la société ECM était soumise à une obligation contractuelle de sincérité

qu'elle aurait méconnue et écarter toute faute de la banque, lors de la rupture par celle-ci, à titre personnel et

ès qualités, des concours bancaires consentis en vertu de ce contrat de prêt, sans préavis, ni avis consultatif

du conciliateur, en se contentant, après avoir rappelé les stipulations de cet article 4.2, à affirmer qu'elles

"n'ont pas été supprimées par l'avenant n° 4", sans s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 455 du

code de procédure civile ;

2°/ que le juge ne saurait méconnaître la loi du contrat ; qu'au demeurant, et en toute hypothèse, en se

déterminant de la sorte quand l'avenant n° 4 avait modifié profondément les cas provoquant l'exigibilité

anticipée tels que prévus initialement par le contrat de prêt, la nouvelle rédaction de l'article 13 ne faisant

nulle mention des procédures de conciliation et d'alerte comme étant des cas provoquant l'exigibilité

anticipée, de sorte que les stipulations de l'article 4.2 dudit contrat avaient nécessairement été supprimées,

la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

3°/ que ce n'est qu'en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou si la

situation de ce dernier s'avère irrémédiablement compromise que l'établissement de crédit peut réduire ou

interrompre un concours à durée déterminée ou indéterminée ; qu'en se contentant en outre de retenir

l'omission par le groupe ECM d'informations relatives à la procédure d'alerte, à la présentation d'une

requête aux fins de nomination d'un conciliateur, ainsi que les déclarations prétendument mensongères du

groupe ECM pour en déduire l'existence d'un comportement gravement répréhensible de la société ECM et

écarter toute faute contractuelle de la banque qui avait mis fin, sans préavis et sans avis du conciliateur, à

titre personnel et ès qualités, aux concours bancaires consentis en vertu du contrat de prêt du 26 septembre

2003, sans rechercher si, le 14 novembre 2008, cette banque n'avait pas tenté de rétablir la situation en

proposant de débloquer les concours bancaires litigieux, reconnaissant dès lors, a posteriori, non seulement

ne pas être fondée dans son comportement de non-exécution du déblocage des fonds et avoir commis une

faute contractuelle dont elle tentait de s'exonérer par la négociation d'une renonciation à l'engagement de

toute action en responsabilité de la part des organes de la procédure collective à son encontre, mais encore

que la société ECM n'avait pas eu de comportement gravement répréhensible ni que sa situation était

irrémédiablement compromise, l'alinéa 2, de l'article L. 313-12 n'étant pas applicable, la cour d'appel a, en

tout état de cause encore, privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 313-12, alinéa 2, du code

monétaire et financier, ensemble de l'article 1147 du code civil ;

4°/ que ce n'est qu'en cas, notamment, de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit

que l'établissement de crédit peut réduire ou interrompre un concours à durée déterminée ou indéterminée ;

qu'en retenant au demeurant l'omission par le groupe ECM d'informations relatives à la procédure d'alerte

pour en déduire l'existence d'un comportement gravement répréhensible de la société ECM et écarter toute

faute contractuelle de la banque qui avait mis fin, sans préavis et sans avis du conciliateur, à titre personnel

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et ès qualités, aux concours bancaires consentis en vertu du contrat de prêt du 26 septembre 2003, sans

vérifier si la découverte d'une procédure d'alerte, événement important dans la situation de l'emprunteur, ne

présumait en soi d'aucune conséquence préjudiciable, ce qui était avéré dès lors qu'aucune suite n'avait été

donnée du chef de cette procédure, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de

l'article L. 313-12, alinéa 2, du code monétaire et financier, ensemble de l'article 1147 du code civil ;

5°/ qu'en retenant de la même manière l'omission par le groupe ECM d'informations relatives à la procédure

de conciliation pour en déduire l'existence d'un comportement gravement répréhensible de la société ECM

et écarter toute faute contractuelle de la banque qui avait mis fin, sans préavis et sans avis du conciliateur, à

titre personnel et ès qualités, aux concours bancaires consentis en vertu du contrat de prêt du 26 septembre

2003, sans rechercher encore si, d'une part, la stricte confidentialité d'une telle procédure ne devait pas être

observée, le groupe ECM étant alors engagé dans une négociation tendant à l'entrée puis à la prise de

contrôle en son capital par la société ALD, et, d'autre part, combien la banque ne la considérait pas comme

un cas de non-renouvellement de crédit puisque les parties y avaient eu recours à plusieurs reprises sans

que la banque n'en tire alors la conséquence de mettre un terme aux concours bancaires, la cour d'appel a,

une fois encore, privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 313-12, alinéa 2, du code

monétaire et financier, ensemble de l'article 1147 du code civil ;

6°/ qu'engage sa responsabilité contractuelle la banque qui, en refusant d'octroyer ses concours à une

entreprise placée en redressement judiciaire, entraîne la liquidation judiciaire de celle-ci ; qu'en écartant

aussi toute faute contractuelle de la banque en ce que le grief tenant à l'attitude de la banque

postérieurement au prononcé du jugement ayant ouvert la procédure de redressement judiciaire était sans

incidence sur la décision de liquidation judiciaire, sans rechercher si, précisément, les agissements de la

banque à l'égard de la société ECM, placée en redressement judiciaire, n'avaient pas entraîné la liquidation

de celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que les arrêts retiennent qu'en raison du maintien des dispositions de l'article

4.2 du contrat initial, les emprunteurs étaient soumis à une obligation contractuelle de sincérité, qui rejoint

l'obligation générale de loyauté qui pèse sur tout contractant ; qu'ils relèvent qu'il n'est pas contesté que les

banques n'ont pris connaissance des trois événements en cause qu'à l'occasion de la réunion du pool

bancaire le 21 octobre 2008, cependant qu'une réunion de ce dernier s'était tenue le 22 septembre 2008 sans

que ces événements aient été évoqués et qu'à sept reprises, la société ECM avait adressé à la banque des

avis de tirage confirmant l'exactitude et l'actualité des déclarations effectuées lors de la signature du contrat

de prêts ; qu'ils retiennent que le caractère volontaire de la rétention d'information par le groupe ECM des

informations en cause ressort des documents versés aux débats, le premier, intitulé "réunion pool bancaire

ECM 1er juillet 2008", passant sous silence la lettre recommandée adressée à la société le 2 juin 2008 par

son propre commissaire aux comptes, le deuxième, intitulé "réunion pool bancaire ECM 22 septembre

2008", omettant de faire état du rapport établi le 7 juillet 2008 par les commissaires aux comptes qui attirait

à nouveau l'attention des dirigeants de la société ECM sur "des faits de nature à compromettre la continuité

de l'exploitation", et les suivants, constitués par les sept avis de tirage précités ; qu'ils relèvent, en outre, que

la cession FNAG, même si elle permettait la levée des réserves exprimées par le commissaire aux comptes,

ne mettait que provisoirement le groupe ECM à l'abri d'une rupture de sa trésorerie de court terme, ne

permettait pas de réduire l'endettement à l'égard des fournisseurs et n'était pas de nature à compenser les

pertes subies par le groupe, d'autant plus que les discussions avec le repreneur ALD n'étaient pas encore

menées à leur terme ; qu'ils relèvent encore que la société ECM avait conscience de la nécessité d'associer

les banques à ses discussions en vue de l'ouverture du capital des sociétés du groupe ; qu'ils font ressortir

qu'elle avait par le passé sollicité plusieurs fois des procédures de conciliation ayant rapidement conduit à

des accords avec les banques ; que par ces seuls motifs, dont se déduisait le comportement gravement

répréhensible du bénéficiaire du crédit, la cour d'appel, qui ne s'est pas déterminée sur le seul fondement

d'un manquement aux engagements pris à l'avenant n° 4, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en second lieu, qu'en retenant que le grief tenant à l'attitude de la banque postérieurement au

prononcé du jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire, à laquelle il était reproché d'avoir

indûment supprimé l'accès à ses comptes courants sur internet et d'avoir retenu le reversement des sommes

encaissées, difficultés qui ne sont même pas évoquées par le bilan économique et social établi en vue du

plan, est sans incidence sur la décision de liquidation judiciaire, la cour d'appel a procédé à la recherche

prétendument délaissée ;

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D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne M. Y..., ès qualités, et M. A..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé

par le président en son audience publique du sept février deux mille douze.

Revue des procédures collectives n° 6, Novembre 2012, comm. 177 La confidentialité de l'article L. 611-15 du Code de commerce Commentaire par Christophe DELATTRE Sommaire

Le principe de confidentialité qui protège les procédures de prévention peut engendrer des situations particulières et préjudiciables à l'égard des prêteurs constituant un manquement à l'obligation de sincérité et de loyauté caractérisant un comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit au sens des dispositions de l'article L. 313-12, alinéa 2, du Code monétaire et financier.

Cass. com., 7 févr. 2012, n° 10-28.815 et 10-28.816

Note :

Cet arrêt est tout à fait révélateur des difficultés opposant le principe de confidentialité et la loyauté dans le monde des affaires que se doit d'avoir tout bénéficiaire de crédit à l'égard de son partenaire financier.

En l'espèce, afin de permettre à un groupe de procéder à une acquisition assez conséquente, un pool bancaire se réunissait pour le financement de cette opération. Rencontrant de sérieuses difficultés de trésorerie, le groupe sollicitait une renégociation de l'échelonnement des prêts qui était acceptée. Devant faire face à de nouvelles difficultés financières, deux sociétés du groupe sollicitaient en septembre 2006 le bénéfice d'un mandat ad hoc pour les aider dans leurs négociations avec le pool bancaire. Une première conciliation était ouverte laquelle aboutissait à un protocole de conciliation ultérieurement homologué en février 2007.

De nouvelles difficultés financières venaient frapper le groupe au cours du premier semestre 2007. Une seconde conciliation intervenait en juillet 2007 aux fins de trouver de nouveaux investisseurs. Un protocole de conciliation intervenait en novembre 2007 prévoyant plusieurs restructurations et réaménagements de crédits.

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Malgré ce soutien bancaire constant, courant juillet 2008, le commissaire aux comptes informait les actionnaires, en application de l'article L. 234-1 du Code de commerce, de l'existence de faits de nature à compromettre la continuation de l'exploitation. Face à cette nouvelle dégradation, les sociétés du groupe sollicitaient en septembre 2008 la désignation d'un nouveau conciliateur. Deux réunions du pool bancaire étaient organisées avec les sociétés concernées lesquelles étaient restées muettes sur la procédure d'alerte et la désignation du conciliateur. Cependant, l'une des banques ayant découvert l'existence de la procédure d'alerte du commissaire aux comptes ainsi que l'ouverture de la conciliation, décidait de cesser les relations contractuelles en octobre 2008 en considérant que ces informations, volontairement dissimulées, constituaient une cause d'exigibilité entraînant la suspension de la mise à disposition des ouvertures de crédit.

Face à cette réaction de leur partenaire financier, les sociétés du groupe régularisaient une déclaration de cessation des paiements. Une procédure de redressement judiciaire était ouverte en novembre 2008 ; un plan de cession était arrêté et la liquidation judiciaire intervenait en mars 2009.

Puis, le liquidateur, soutenant que la rupture bancaire était préméditée, engageait une action en responsabilité contre la banque qui avait mis un terme aux facilités financières aux fins d'obtenir sa condamnation à hauteur de 7 000 000 euros de dommages et intérêts au titre du différentiel entre le passif déclaré et l'actif appréhendé. Selon lui, la banque, en ayant rompu les concours bancaires, s'était affranchie des dispositions contractuelles ainsi que des dispositions du Code monétaire et financier, causant un préjudice à la collectivité des créanciers. Par jugement du tribunal de commerce de Grenoble du 15 janvier 2010, la banque était condamnée à payer la somme de 7 000 000 euros à parfaire, outre les intérêts légaux ainsi que la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

En appel, la cour de Grenoble (ch. com., 28 oct. 2010, n° 10/00861) infirmait le jugement querellé en stigmatisant le comportement déloyal des dirigeants des sociétés judiciairement liquidées. Ainsi, les dirigeants avaient effectué diverses déclarations erronées notamment en indiquant que leurs sociétés ne faisaient pas l'objet d'une procédure d'alerte et de conciliation. Ces fausses déclarations étaient réitérées par chaque emprunteur lors de la signature des prêts et pour chacune des tranches de prêts, à la date de réalisation de l'acquisition ainsi qu'à chaque date d'utilisation et au début de chaque période d'intérêts. La cour en déduisait que les emprunteurs étaient soumis à une obligation contractuelle de sincérité, obligation qui rejoint l'obligation générale de loyauté qui pèse sur chaque contractant. La cour constatait également, à sept reprises sur moins d'un mois, des envois de la société emprunteuse à sa banque des avis de tirages confirmant l'exactitude ainsi que l'actualisation des déclarations effectuées lors de la signature des prêts.

La cour relevait également que le liquidateur ne saurait justifier a posteriori ces omissions volontaires en soutenant que l'opération de cession des parts avait procuré une trésorerie mettant un terme à la procédure d'alerte.

La cour concluait sévèrement de la façon suivante :

« En omettant de tenir les banques informées de la procédure d'alerte, de présentation d'une requête aux fins de nomination d'un conciliateur, de la nomination de Maître X en cette qualité, requête faisant état des graves difficultés auxquelles le groupe était confronté, et en procédant à des déclarations mensongères, la société Y a altéré la confiance, base du crédit, du créditeur dans le crédité et il ne saurait être reproché à la

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banque d'avoir mis fin, à titre personnel et ès qualités, aux concours bancaires consentis en vertu du contrat de prêt et ce sans préavis et sans avis consultatif de Maître X, et ce même si cette décision a pu entraîner ou au moins précipiter la décision de procéder à la déclaration de cessation des paiements ».

La chambre commerciale de la cour de cassation rejetait les pourvois en indiquant :

« (...) qu'elle avait, par le passé, sollicité plusieurs fois des procédures de conciliation ayant rapidement conduit à des accords de banque ; que par ces seuls motifs, dont se déduisait le comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit, la cour d'appel, qui ne s'est pas déterminée sur le seul fondement d'un manquement aux engagements a légalement justifié sa décision ».

Le secret de la réussite du mandat ad hoc et de la procédure de conciliation repose sur la confidentialité (H. Bourbouloux, Confidentialité et transparence réconciliées pour la prévention et le traitement des difficultés : BJE mai-juin 2012, n° 87). Cela n'est pas contestable. Ce principe est fondamental pour permettre de mener à bien les négociations ainsi que les chances de réussite. Toutefois, le principe de confidentialité trouve ses limites dans les relations avec ces partenaires financiers surtout, comme en l'espèce, quand ils ont été très largement sollicités à plusieurs reprises.

Cette procédure met en exergue le comportement anormal du dirigeant lequel s'est retranché derrière le principe de la confidentialité (même si l'arrêt ne le dit pas) pour ne rien dire, cacher ses difficultés et obtenir des aménagements financiers de ses partenaires financiers. La cour sanctionne sévèrement ce comportement.

Toutefois, se pose également un autre problème régulièrement rencontré. En effet, on ne peut que s'interroger sur le nombre de conciliation obtenues sur un laps de temps aussi court soit 3 conciliations sur la période comprise entre le mois de février 2007 et septembre 2008 sans compter le mandat ad hoc ayant précédé la première conciliation.

Le mandat ad hoc et la procédure de conciliation doivent permettre à l'entreprise de passer un cap difficile. Il s'agit de mesures temporaires. La multiplicité de ces mesures sur un laps de temps aussi court laisse perplexe et interrogatif.

On peut comprendre l'utilité du principe de confidentialité. Cependant, le cas de figure repris dans cette procédure montre ses limites face à un partenaire financier qui peut, en apprenant la réalité de la situation cachée, s'estimer trahi et agir en conséquence.

Revue des procédures collectives n° 6, Novembre 2012, comm. 178 La levée de la confidentialité Commentaire par Christophe DELATTRE Sommaire

En cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire, la confidentialité peut être levée par le tribunal.

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T. com. Quimper, 1er juin 2012, n° 2012/004764, n° 2012/004758 et n° 2012/004779 (3 jugements)

Note :

Les articles L. 621-1, L. 631-7 et L. 641-1 du Code de commerce (applicables respectivement en sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires) permettent au tribunal de lever le principe de la confidentialité qui protège les mesures de prévention (Ch. Delattre, La levée de la confidentialité de l'article L. 611-15 du Code de commerce : Rev. proc. coll. 2011, comm. 165, note Ch. Delattre). Une telle demande se justifie pour permettre notamment au ministère public d'avoir une parfaite connaissance des conditions de la prévention. Ces informations pourraient également être utilisées éventuellement dans le cadre d'une procédure en sanction (Cf. infra comm. 179).

Si la levée de la confidentialité est autorisée, se pose la question de savoir à quelle époque cette demande doit être formulée. Il ne fait pas de doute que cela est prévu à l'audience au cours de laquelle le tribunal va statuer sur l'ouverture de la sauvegarde, du redressement judiciaire ou de la liquidation judiciaire. Cependant, il peut arriver que cette demande ne soit pas faite à ces stades. Dans ce cas de figure, une demande ultérieure est-elle possible ? On peut douter d'une telle possibilité. À notre connaissance, aucune jurisprudence n'a été relevée sur ce point.

Cour de cassation

chambre commerciale

Audience publique du mardi 27 septembre 2011

N° de pourvoi: 10-20308

Non publié au bulletin Rejet

Mme Favre (président), président Me Le Prado, Me Spinosi, avocat(s)

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles 1er avril 2010), que la société SOS PC assistance a été mise en

liquidation judiciaire le 20 septembre 2007, M. X...étant nommé liquidateur judiciaire (le liquidateur) ; que

ce dernier a, par acte du 25 mars 2009, engagé une action en responsabilité pour insuffisance d'actif contre

M. Y...et a demandé le prononcé d'une interdiction de gérer ;

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Attendu que M. Y...fait grief à l'arrêt d'avoir dit que les conditions d'application des articles L. 651-2 et L.

653-8 du code de commerce étaient réunies à son encontre, de l'avoir condamné à payer au liquidateur la

somme de 85 000 euros avec les intérêts au taux légal, ces derniers étant capitalisés, et d'avoir prononcé à

son égard une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement

une entreprise commerciale, artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale pour une durée

de quatre ans, alors, selon le moyen :

1°/ que la violation des droits de la défense par l'assignation introductive d'instance constitue un vice de

fond emportant la nullité du jugement et de l'ensemble de la procédure ; que l'assignation en responsabilité

pour insuffisance d'actif qui reproduit les termes d'un rapport de conciliation confidentiel méconnaît les

droits de la défense ; que M. Y...faisait valoir que l'assignation que lui avait fait délivrer le liquidateur 25

mars 2009 reproduisait les extraits du rapport du conciliateur et était à cet égard semblable à l'assignation

annulée du 6 novembre 2008 ; qu'en jugeant néanmoins que le moyen d'annulation de l'assignation soulevé

par M. Y...était de pure forme et devait être soulevé in limine litis, quand ce moyen, qui portait sur la

violation des droits de la défense, touchait au fond, la cour d'appel a violé les articles 114 du code de

procédure civile, R. 611-44 du code de commerce, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des

droits de l'homme ;

2°/ que le tribunal statuant sur une action en responsabilité pour insuffisance d'actif n'est pas tenu par la

date de cessation des paiements retenue dans le cadre de la procédure collective ; qu'il ne peut condamner le

dirigeant pour avoir tardé à déclarer la cessation des paiements sans apprécier la date de cette cessation des

paiements ; qu'en se contentant de reprendre l'historique de l'évolution du chiffre d'affaires de la société

SOS PC assistance entre 2004 et 2007, sans déterminer la date à laquelle l'actif disponible de cette société

ne permettait plus de répondre au passif exigible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au

regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

3°/ que le dirigeant ne peut être condamné à supporter une partie du passif social que s'il est résulté des

fautes de gestion qui lui sont imputées une exploitation déficitaire de l'entreprise débitrice et un

accroissement du passif ; qu'il appartient au juge de délimiter précisément le montant de l'insuffisance

d'actif née dans l'intervalle situé quarante cinq jours après la date de cessation des paiements et celle de la

déclaration de cette cessation des paiements ; qu'en condamnant néanmoins M. Y...au titre de sa

responsabilité pour insuffisance d'actif, au seul vu du montant définitif de l'insuffisance d'actif, sans

préciser le montant de cette insuffisance née quarante cinq jours après la date de cessation des paiements et

le 7 septembre 2007, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, que, pour déclarer irrecevable la demande de M. Y...en annulation de

l'assignation, la cour d'appel ne s'est pas fondée sur le rapport du conciliateur, mais sur celui de

l'administrateur judiciaire ;

Attendu, d'autre part, qu'après avoir constaté, d'un côté, que M. Y...avait continué une exploitation

largement déficitaire en laissant s'accumuler un passif dû aux organismes sociaux et aux fournisseurs, sans

régler des cotisations et des factures exigibles depuis le début de l'année 2006 pour un montant tel qu'aucun

espoir d'apurement n'était raisonnablement envisageable, et, de l'autre, que les perspectives d'intervention

de tiers n'autorisaient pas M. Y...à faire supporter le risque de l'aléa de cette intervention sur ses créanciers,

l'arrêt retient que cette faute a contribué à l'insuffisance d'actif ; qu'ayant ainsi caractérisé la poursuite par

M. Y...d'une exploitation déficitaire, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de constater l'état de cessation des

paiements de la société, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, enfin, qu'après avoir relevé que l'actif réalisé s'élevait à la somme de 27 504 euros et le passif

déclaré à celle de 916 000 euros, l'arrêt retient que l'insuffisance d'actif n'apparaît certaine qu'à hauteur de

799 000 euros ; qu'ayant ainsi fixé le montant de l'insuffisance d'actif au jour où elle statuait, la cour

d'appel, qui n'était pas tenue d'apporter la précision invoquée à la troisième branche, a légalement justifié sa

décision ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

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REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y...aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer la somme de 2 500

euros à M. X...en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société SOS PC assistance ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé

par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille onze.

Revue des procédures collectives n° 6, Novembre 2012, comm. 179 Conditions d'utilisation du rapport du conciliateur dans le cadre d'une action en responsabilité pour insuffisance d'actif Commentaire par Christophe DELATTRE

Sommaire

La procédure de conciliation est couverte par le principe de confidentialité (V. supra comm. 178). En théorie, il n'est donc pas possible d'utiliser le rapport de conciliation pour en tirer notamment des arguments juridiques sauf si la confidentialité a été levée. La jurisprudence atténue cependant ce principe en liquidation judiciaire notamment dans le cadre d'une action en responsabilité pour insuffisance d'actif.

Cass. com., 27 sept. 2011, n° 10-20.308 Note :

En l'espèce, au soutien de son action en sanction patrimoniale, le liquidateur avait communiqué le rapport du conciliateur. Le dirigeant poursuivi contestait l'utilisation de cette pièce exclusivement réservée au président du tribunal. Il pointait donc la violation du principe posé par l'article L. 611-15 du Code de commerce. Le parquet sollicitait la nullité de l'assignation du liquidateur pour violation du principe de confidentialité. Le tribunal de commerce de Nanterre prononçait par jugement du 19 mars 2009 (2008L04572) la nullité de l'assignation.

Le liquidateur recommençait alors sa procédure en visant cette fois-ci le rapport de l'administrateur judiciaire lequel reprenait le contenu du rapport du conciliateur. Ce rapport n'étant pas, quant à lui, soumis au dispositif de l'article L. 611-15, le tribunal de commerce de Nanterre condamnait par jugement en date du 6 octobre 2009 (2007J00723) le dirigeant au paiement de la somme de 100 000 euros outre une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de cinq ans.

La cour d'appel de Versailles (13e ch., 1er avr. 2010, n° 09/08068) confirmait le jugement tout en revoyant à la baisse, le montant de la condamnation pécuniaire. Concernant les pièces litigieuses portant atteinte au principe de confidentialité, la cour d'appel précisait : « considérant que ces pièces servent à l'argumentation de M. X sur la nullité du jugement et ne peuvent être écartées des débats ; qu'en outre, la confidentialité de ce document n'a de raison d'être que lorsque la procédure de conciliation a abouti, pour préserver le crédit du débiteur qui en bénéficie : que dès lors que la SARL Y est en liquidation judiciaire, aucun

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préjudice ne peut résulter de la divulgation du rapport du conciliateur. Considérant qu'il n'y a pas lieu de rejeter des débats ces pièces ».

La Cour de cassation rejetait le pourvoi. Quant au point de droit qui nous occupe, elle indiquait : « Mais attendu d'une part, que, pour déclarer irrecevable la demande de M. X en annulation de l'assignation, la cour d'appel ne s'est pas fondée sur le rapport du conciliateur, mais sur celui de l'administrateur judiciaire ».

Le principe de la confidentialité permet de préserver l'entreprise qui bénéficie d'une procédure de prévention. Cependant, la situation est différente en phase liquidative dans le cadre d'une procédure de sanction. Pour la cour d'appel de Versailles, l'utilisation de tels documents ne saurait causer le moindre préjudice à l'entreprise. (Sur la disparition de la confidentialité du mandat ad hoc une fois qu'il est terminé, se reporter à la consultation 80 reprise dans le recueil des principaux avis de l'IFPPC publié en décembre 2011).

Revue des procédures collectives n° 6, Novembre 2012, comm. 180 Pouvoir d'action en matière de conciliation Commentaire par Christophe DELATTRE Sommaire

La volonté de divulguer une procédure de conciliation dans le but de nuire à l'entreprise qui en bénéficie est punissable.

CA Aix-en-Provence, 30 juin 2012, n° 10/12884 : LEDEN 2012/2, n° 25 note J. Couard ; Bull. Aix, 2012/1, note G. Grundeler

Note :

La violation de l'article L. 611-15 du Code de commerce texte ne peut être sanctionnée que sur le plan civil.

Les articles L. 631-5 et L. 640-5 du Code de commerce (applicables respectivement en redressement judiciaire et en liquidation judiciaire) disposent que « lorsqu'il n'y a pas de procédure de conciliation en cours, le tribunal peut également se saisir d'office ou être saisi sur requête du ministère public aux fins d'ouverture de la procédure de redressement et de liquidation judiciaire ». A contrario, quand une procédure de conciliation est ouverte, aucune saisine d'office ni saisine par requête du ministère public ne peuvent être engagées.

À ce titre, la circulaire du 18 avril 2006 (JUS C 06 20 263 C) relative à l'action du ministère public dans la loi de sauvegarde préconise clairement l'absence d'initiative procédurale de la part du ministère public quand une conciliation est ouverte. (Ce dont il a forcement connaissance dès lors que l'ouverture de la conciliation doit lui être notifiée. – C. com., art. L. 611-6, al. 3).

Les faits soumis aux magistrats de la cour d'appel étaient caractéristiques d'une volonté de nuire à l'entreprise bénéficiaire de la procédure de conciliation. En effet, un créancier avait assigné une entreprise bénéficiant d'une conciliation. Procéduralement, le tribunal de commerce de Marseille décidait de surseoir à statuer et de renvoyer l'affaire à une date

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ultérieure. La doctrine suggère dans ce cas de figure que le tribunal renvoie l'affaire à la fin de conciliation. (F. Pérochon, Entreprises en difficulté : LGDJ, Lextenso éditions, 9e éd. 2012, n° 133).

Toutefois, les faits de l'espèce mettaient en évidence que la société créancière qui avait connaissance de la procédure de conciliation (procédure qu'elle considérait comme une manoeuvre et une pratique sauvage) ne poursuivait pas une action destinée à la défense de ses droits mais plutôt une procédure qui avait pour but de rendre publique une procédure de conciliation. Un tel comportement, assimilable à un abus caractérisé du droit d'agir devait être sanctionné. La cour confirmait le jugement attaqué qui avait condamné la demanderesse au paiement d'une somme de 250 000 euros.

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II. LA MISE EN ŒUVRE DES

PRINCIPALES TECHNIQUES DE

PREVENTION

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Cour de cassation chambre commerciale Audience publique du mardi 1 février 2011 N° de pourvoi: 09-16179 09-17086 09-69526 09-69619 Non publié au bulletin Cassation partielle Mme Favre (président), président Me Bertrand, Me Le Prado, SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié, SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat(s)

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° X 09-16. 179 formé par le Crédit lyonnais, n° G 09-17. 086 formé par la société Ciga Luxembourg, n° G 09-69. 526 formé par la société Oléron participations et n° J 09-69. 619 formé par M. X..., qui attaquent le même arrêt ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., dirigeant de la société Hoyez, spécialisée dans la vente de menuiserie en aluminium, et qui détenait la société Soparfi, holding à 100 % de la société Hoyez, a cédé ses parts le 29 mars 1991 à la société Panorca, devenue ultérieurement la société Final, détenue à 51 % par la société Edifia, dirigée par M. E..., et à 49 % par une filiale de la banque Duménil-Leblé ; que la société Final, également dirigée par M. E..., a obtenu, pour assurer le financement de cette acquisition, de la banque Duménil-Leblé, un crédit relais de 110 000 000 francs (16 769 391, 90 euros) porté à 125 000 000 francs (19 056 127, 15 euros) et, par acte du 31 mars 1992, a obtenu un prêt long terme de 125 000 000 francs (19 056 127, 15 euros), destiné à rembourser le prêt relais sous forme d'un LBO (Leverage buy out), qui incluait une clause prohibant la cession d'actif par l'emprunteur sans l'accord des créanciers ; que le 21 décembre 1995, la créance de la banque Duménil-Leblé sur la société Final a été cédée à la société Ciga Jersey ; qu'à la demande conjointe des sociétés Final et Soparfi, M. X..., par ordonnance du président du tribunal du 26 février 1996, a été désigné en qualité de mandataire ad hoc avec mission de rechercher un accord avec les créanciers ; que M. X... a reçu une offre émanant de la société Oléron participations (la société Oléron) d'achat des parts de la société Soparfi dans la société Hoyez pour un prix de 65 000 000 francs (9 909 186, 12 euros) ; que la cession de ces parts est intervenue pour ce prix, le 14 juin 1996, le Crédit lyonnais en assurant le financement au profit de la société Avelinvest, aux droits de laquelle est venue la société Hosmoz puis Rasec office, détenue alors par M. Y..., au travers de la société Finavest à hauteur de 12 %, par la société Aveline, à hauteur de 51 % et, à hauteur de 37 %, par la société en participation M. Z... ; que cette société Aveline était elle-même filiale à hauteur de 52 % de la société Oléron, la société en participation M. Z... détenant les 48 % restant ; que le 1er juillet suivant, la société Final a assigné la société Ciga Jersey pour lui contester son droit de créancier au titre du contrat de prêt LBO ; que par arrêt du 16 avril 1999 de la cour d'appel de Paris, devenu irrévocable, la société Final a été condamnée à rembourser à la société Ciga Jersey la somme de 66 503 200 francs (10 138 347, 48 euros) outre intérêts ; que la société Ciga Luxembourg (la société Ciga) venant aux droits de la société Ciga Jersey, par suite d'une cession de créances en date du 11 décembre 2002, a déclaré sa créance au passif de la société Final, mise en liquidation judiciaire le 17 février 2004, et a été admise à ce titre à concurrence de la somme de 14 499 647, 93 euros ; que, pour obtenir le paiement des sommes restant dues, à titre de dommages-intérêts, la société Ciga a, le 3 décembre 2003, fait assigner devant le tribunal de grande instance les sociétés Soparfi, Avelinvest, Hosmoz, la société Oléron, le Crédit lyonnais, MM. Z..., E... et Y..., en faisant appeler en intervention forcée M. X..., puis en appelant dans la cause Mme A... nommée liquidateur de la société Soparfi mise en liquidation judiciaire ;

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Sur le premier moyen des pourvois n° J 09-69. 619, X 09-16. 179 et sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° G 09-69. 526, rédigés en termes identiques ou similaires, réunis :

Attendu que la société Oléron fait grief à l'arrêt d'avoir écarté la fin de non-recevoir de l'action en responsabilité de la société Ciga et que M. X..., le Crédit lyonnais et la société Oléron font grief à l'arrêt d'avoir dit qu'ils avaient, in solidum, engagé leur responsabilité à l'égard de la société Ciga et de les avoir condamnés, in solidum, à payer la somme de 6 000 000 euros à la société Ciga à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que par l'acte de cession du 11 décembre 2002, la société Ciga Jersey avait transmis à la société Ciga une créance d'un montant de 65 503 200 francs en principal, qu'elle détenait à l'encontre de la société Final, créance née d'une condamnation prononcée par un jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris, ce dont il résultait, sans ambiguïté, que la cession portait exclusivement sur cette créance judiciaire expressément visée et désignée en détail à l'acte de cession, et non sur les droits nés du contrat de prêt sur le fondement duquel ladite condamnation avait été sollicitée et prononcée ; qu'en écartant néanmoins, pour en déduire que la société Ciga était recevable en son action, qu'elle s'était vue céder le contrat de prêt et ses accessoires, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'acte de cession du 11 décembre 2002, en violation de l'article 1134 du code civil ;

2°/ que l'acte de cession du 11 décembre 2002 précisait que la cession portait sur la totalité des créances (que Ciga Jersey) possède et sont exigibles à l'encontre de la société anonyme Final pour les causes énoncées ci-dessus, soit un jugement de la 2e chambre A du tribunal de commerce de Paris en date du 16 décembre 1997 ayant condamné la société Final à payer à la société Ciga la somme de 66 503 200 francs, et un arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 avril 1999 l'ayant confirmé et dit que cette somme sera abondée de l'intérêt au taux légal ; que l'acte de cession ne faisait aucune référence au contrat de prêt et encore moins à une quelconque action en responsabilité délictuelle qui en serait découlée ; qu'ainsi, la cession ne portait pas sur la créance issu du contrat de prêt du 31 mars 1992 et ses accessoires éventuels, mais sur les condamnations prononcées à l'encontre de la société Final au bénéfice de la société Ciga Jersey ; qu'en décidant néanmoins que la cession portait bien sur le contrat de prêt et sur ses accessoires, la cour d'appel a violé les termes clairs et précis du contrat de cession et violé l'article 1134 du code civil ; Mais attendu, d'un côté, que M. X... et le Crédit lyonnais n'ont pas contesté à la société Ciga sa qualité à agir en responsabilité à leur encontre, que le grief de dénaturation, en ce qu'il vise à contester la qualité à agir de la société Ciga en tant qu'émanant de M. X... et du Crédit lyonnais, est nouveau et, mélangé de fait et de droit, irrecevable ; Attendu, d'un autre côté, que l'arrêt retient, sans dénaturation, que la cession de créance portait bien sur la créance résultant du prêt ; que le moyen, en ce qu'il émane de la société Oléron, n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° G 09-69. 526, pris en ses deuxième et troisième branches : Attendu que la société Oléron fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen : 1°/ qu'en tout état de cause, la cession de créance transfère au cessionnaire les droits et actions appartenant au cédant et attachés à la créance cédée et, notamment, sauf stipulation contraire, l'action en responsabilité, contractuelle ou délictuelle, qui en est l'accessoire, fondée sur la faute antérieure d'un tiers, dont est résultée la perte ou la diminution de la créance, qu'en l ‘ espèce, la faute reprochée à la société Oléron était d'avoir participé à l'acquisition, en connaissance des obligations pesant sur la société Final en vertu de l'article 8. 2. 4 du contrat de prêt du 31 mars 1992, par la société Avelinvest de la société Hoyez par la société Soparfi, qu'une telle faute n'entraîne ni la perte, ni la diminution de la créance de la banque Duménil-Leblé ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a donc violé les articles 1615 et 1692 du code civil ;

2°/ que, subsidiairement encore, deux cessions de créances étaient successivement intervenues, la première consentie par la banque Duménil-Leblé à la société Ciga Jersey, la seconde conclue entre les société Ciga Jersey et la société Ciga ; que la recevabilité de l'action en responsabilité engagée par la société Ciga était subordonnée à une transmission de cette action en responsabilité délictuelle contre des tiers dans chacune des cession, que dans ses conclusions, la société Oléron exposait que la société Ciga avait invoqué à l'encontre de la société Final, dans le procès clos par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 avril 1999, la violation de l'article 8. 2. 4 du contrat de prêt et que, néanmoins, l'acte de cession du 11 décembre 2001 ne faisait pas mention des actions en responsabilité ; qu'elle

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en déduisait que les parties n'avaient pas eu la volonté de transmettre à la société Ciga le bénéfice des actions en responsabilité susceptibles de naître d'une violation des engagements contractuels de la société Final et de la complicité alléguée de la société Oléron ; qu'en s'abstenant néanmoins de rechercher si les parties à l'acte du 11 décembre 2002 n'avaient pas entendu exclure les actions en responsabilité du champ de la cession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1615 et 1692 du code civil ;

Mais attendu que l ‘ arrêt retient que la créance transmise à la société Ciga Jersey est la créance résultant du prêt et relève que la volonté d'opérer novation ne résulte pas de l'acte de cession ; que la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a exactement déduit de ces appréciations que la société Ciga avait qualité à agir et que la fin de non-recevoir devait être rejetée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi n° J 09-69. 619, pris en ses quatre premières branches : Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'il avait, in solidum avec les sociétés Soparfi, Oléron et Crédit lyonnais, engagé sa responsabilité à l'égard de la société Ciga et de l'avoir en conséquence condamné in solidum avec ces sociétés à payer à la société Ciga la somme de 6 000 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen : 1°/ que le mandataire ad hoc, qui n'est tenu que d'une obligation de moyens, ne saurait être tenu d'accomplir des diligences qui excèdent la connaissance de l'entreprise qu'il est chargé d'assister et sont imposées par des informations qu'il ne détenait pas, qu'en reprochant à M. X... d'avoir affirmé à tort que l'accord des créanciers n'était pas nécessaire pour procéder à l'opération envisagée, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par M. X..., s'il avait connaissance de la clause prohibant la cession visée sans l'accord du prêteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°/ que le mandataire ad hoc, qui n'est tenu que d'une obligation de moyens, peut inciter le débiteur à conclure un acte conforme aux objectifs assignés à sa mission ; qu'en reprochant à M. X... d'avoir oralement affirmé, lors d'une réunion de négociation, pouvoir " imposer la vente " aux parties, et en en déduisant que le mandataire ad hoc avait outrepassé sa mission, sans rechercher si cette affirmation purement orale, formulée au cours d'une réunion de négociation, ne correspondait pas à l'influence que le mandataire pouvait prétendre exercer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

3°/ qu'en toute hypothèse, l'auteur d'une faute ne saurait être tenu de réparer un dommage qui se serait produit, même en l'absence de faute, et qui n'en est, partant, pas la conséquence ; qu'en affirmant que la faute de M. X... était la cause du préjudice consécutif à la cession des parts de la société Hoyez, dès lors qu'il avait fait croire au Crédit lyonnais qui avait financé cette acquisition, qu'il avait obtenu l'accord des créanciers, bien qu'elle ait, elle-même, relevé que cet établissement financier avait sciemment prêté les fonds en violation de la clause contractuelle, ce qui établissait sa détermination éclairée à financer l'opération et, partant, l'absence de toute influence des informations qu'il était reproché au mandataire ad hoc d'avoir transmises, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

4°/ qu'en toute hypothèse, la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'en affirmant, d'une part, que M. X... ayant donné son accord à la vente au Crédit lyonnais, celui-ci a pu légitimement croire qu'il avait obtenu l'accord des créanciers et, d'autre part, qu'il appartenait à la banque de se renseigner pour savoir si cet accord (celui de M. X...) faisait suite à l'accord des créanciers, et que le Crédit lyonnais a donc sciemment prêté les fonds en violation de la clause contractuelle prévoyant l'accord des créanciers, la cour d'appel s'est contredite en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir constaté que M. B..., avocat, avait indiqué dans un compte-rendu de négociation avec le Crédit lyonnais, le 20 mars 1996, que M. X... avait souligné qu'il pouvait imposer la vente de la société Hoyez dès lors que le prix n'était pas discutable et qu'il n'était pas nécessaire d'obtenir l'accord des créanciers de Final qu'il serait du reste illusoire d'escompter, l'arrêt relève que la faculté d'imposer la vente n'entrait pas dans les pouvoirs du mandataire qui devait se contenter si possible de trouver un accord avec les créanciers, accord qu'il ne

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pouvait ignorer ne pas avoir obtenu ; que la cour d'appel, qui a fait ressortir l'existence d'un dépassement fautif de mandat, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt, après avoir relevé qu'il résultait des protocoles d'accord que ceux-ci seront résolus faute d'accord de M. X..., en déduit que le rôle de ce dernier a été déterminant dans la mesure où le Crédit lyonnais a, en l'état de cet accord, prêté les sommes qui ont permis à la société Oléron d'acquérir la société Hoyez ; que par ces seuls motifs, abstraction faite de ceux surabondants critiqués par les griefs des troisième et quatrième branches, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses première, troisième et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° G 09-69. 526 :

Attendu que la société Oléron fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle avait engagé sa responsabilité à l'égard de la société Ciga, alors, selon le moyen :

1°/ que toute personne qui, avec connaissance, aide autrui à enfreindre les obligations contractuelles pesant sur lui commet une faute délictuelle à l'égard de la victime de l'infraction ; que la connaissance requise est celle des obligations contractuelles méconnues ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à relever que les parties avaient conscience de la nécessité d'un accord des créanciers pour la vente de la société Hoyez dans le cadre de l'exécution d'un mandat ad hoc, sans en indiquer le fondement ; qu'en s'abstenant de rechercher si la société Oléron connaissait personnellement l'existence de l'article 8. 2. 4. du contrat de prêt, qui constituait la clause que la société Oléron aurait sciemment aidé la société Final à violer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°/ que dans ses conclusions récapitulatives, la société Oléron soutenait que la société Ciga Jersey, informée par M. X... du projet de cession de titres Hoyez, avait négligé d'exercer son droit de s'y opposer et de rappeler tant à son débiteur qu'aux acquéreurs pressentis que son consentement à la cession était nécessaire en vertu de l'article 8. 2. 4 du contrat de prêt ; qu'elle ajoutait que cette négligence fautive était la cause exclusive du dommage allégué par la société Ciga ; qu'en omettant de répondre à ce moyen tendant à dégager la société Oléron de toute responsabilité, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt constate que, le 19 mars 1996, M. E... a adressé à M. X... un compte-rendu de réunion à laquelle participait M. C..., se présentant comme l'avocat de M. D..., d'YSL et de la société Oléron, qui rappelle l'interrogation suivante en ces termes : " Soparfi a-t-elle le droit de vendre Hoyez, son principal actif, avec le concours de M. X..., alors même qu'aucun accord n'a été trouvé avec les créanciers de Final et Edifia, holdings endettés qui contrôlent Soparfi ? " et qui conclut en ces termes : " l'investisseur (P. D..., YSL et A. F...) et son banquier (le Crédit lyonnais) ont pleine conscience que l'on ne fait pas une bonne manière aux créanciers (qui certes ont détourné quelques 50 millions de francs des caisses d'Hoyez hors dettes LBO) mais ils n'aimeraient pas que l'on aille chercher leur responsabilité tant sur le plan commercial que pénal " ; que l'arrêt relève que M. D... avait manifestement un rôle dans la société Oléron puisque, le 24 mai 1996, la société Soparfi a écrit à la société Oléron, " sous couvert de M. D... " ; que l'arrêt relève encore que M. B... a indiqué dès le 22 mai 1996 que les créanciers s'opposent à la vente de la société Hoyez pour un prix de 65 millions de francs et que ce dernier poursuit dans la note adressée à M. X... et à M. E... qu'après différents contacts avec l'acquéreur, la proposition de la société Oléron est améliorée sur le plan financier, tant en termes de montants que de délais de paiement ; qu'il relève enfin qu'il résulte de cette note que la société Oléron a nécessairement été informée des difficultés liées à l'absence d'accord des créanciers, puisqu'à la suite de cette note, elle a modifié sa proposition pour les satisfaire ; que l'arrêt en déduit que la société Oléron savait qu'en acquérant la société Hoyez, elle agissait au mépris de l'accord des créanciers, accord dont elle savait depuis l'origine qu'il était essentiel ; que la cour d'appel, qui a ainsi répondu en l'écartant au grief invoqué par la seconde branche, a pu décider que la société Oléron avait commis une faute en signant l'acte d'achat en connaissance de cause et a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

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Sur la cinquième branche du second moyen du pourvoi n° J 09-69. 619, le troisième moyen, pris en sa branche unique, du pourvoi n° G 09-69. 526, rédigés en termes similaires, et sur le quatrième moyen du pourvoi n° G 09-17. 086, pris en ses deux branches, réunis :

Attendu que M. X... et la société Oléron font grief à l'arrêt d'avoir dit qu'ils avaient in solidum avec les sociétés Soparfi et le Crédit lyonnais, engagé leur responsabilité à l'égard de la société Ciga et de les avoir en conséquence condamnés, in solidum avec ces sociétés, à payer à la société Ciga la somme de 6 000 000 euros à titre de dommages-intérêts, et que la société Ciga fait grief à l'arrêt d'avoir limité la condamnation indemnitaire prononcée à l'encontre de la société Oléron, de M. X... et du Crédit lyonnais en sa faveur à la même somme et pareillement limité à cette même somme son admission au passif de la société Soparfi, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en toute hypothèse, ne peut être indemnisée la perte d'une chance purement hypothétique ; qu'en retenant que la société Ciga avait perdu une chance de recouvrer sa créance qui devait être indemnisée à hauteur de 6 000 0000 euros, quand elle constatait que la société Ciga, qui ne disposait d'aucun droit de gage sur le produit de la cession, n'établissait ni pouvoir récupérer une somme supérieure ou même équivalente au prix de cession, ni que les dividendes de la société Hoyez auraient pu permettre à la débitrice de régler la totalité de sa dette, ce dont il résultait que le dommage invoqué par la banque était purement hypothétique, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 1382 du code civil ;

2°/ que la faute éventuellement commise par une partie à un contrat envers un tiers ne peut entraîner sa responsabilité délictuelle envers ce tiers que s'il en est résulté un préjudice en lien de causalité avec cette faute ; que la cour d'appel a constaté qu'il n'était pas démontré que les dividendes de la société cédée en méconnaissance des obligations contractuelles de la société-mère du cédant auraient pu permettre de désintéresser les banques, qu'elle a également constaté qu'il n'était pas établi qu'une somme supérieure à celle payée par la société Oléron aurait pu être appréhendée par la société Ciga qui, en outre, ne disposait d'aucun gage sur les titres litigieux, qu'en condamnant cependant la société Oléron à payer à la société Ciga, prétendant venir aux droits de la société Ciga Jersey, la somme de 6 000 000 euros au titre de la perte de chance d'obtenir en remboursement du prêt la totalité de la valeur des actions de la société Hoyez, sans préciser comment la société Ciga aurait pu percevoir tout ou partie de cette valeur si les actions n'avaient pas été acquise par la société Oléron, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

3°/ qu'en sa qualité de cessionnaire de la créance de la banque à l'encontre de la société Final, la société Ciga faisait valoir dans ses conclusions que le fardeau de l'endettement de la société Final à son égard aurait pu être allégé par la voie d'un rééchelonnement conventionnel de sa dette, conformément aux propositions que la banque avait faites dans une lettre restée sans réponse du 13 décembre 1995 et aux termes mêmes de l'ordonnance du 26 février 1996 ayant confié à M. X... la mission de " rechercher un accord de paiement avec les créanciers ", en sorte qu'il n'existait aucune fatalité à la revente d'Hoyez, seul actif frugifère de l'emprunteur susceptible de contribuer au remboursement de sa dette ; qu'en affirmant néanmoins que le préjudice subi par la société Ciga du fait de la cession d'Hoyez à des tiers intervenue sans son consentement ne pouvait s'analyser que dans " la perte d'une chance d'obtenir en remboursement du prêt la totalité de la valeur des actions de la société Hoyez ", sans préciser, ainsi qu'elle y était invitée, les raisons qui auraient rendu cette cession des actions de la société Hoyez inéluctable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1149 et 1382 du code civil ;

4°/ que la société Ciga faisait valoir dans ses conclusions que les actions de la société Hoyez, acquises le 14 juin 1996 pour 65 000 000 francs par la société Avelinvest, avaient ensuite été valorisées au 31 décembre 1998, dans le cadre d'un traité de fusion-absorption conclu avec une société dénommée Partition, aujourd'hui Rasec office, pour une somme de 150 000 000 francs, qui aurait été amplement suffisante pour permettre l'apurement total de sa créance demeurée impayée à hauteur de 14 499 647 euros ; qu'elle soulignait que cette substantielle plus-value réalisées par les acquéreurs d'Hoyez ne pouvait en aucun cas s'expliquer par un redressement de l'entreprise, dont le chiffre d'affaires et le résultat avaient au contraire diminué entre ces deux événements ; qu'en justifiant sa décision de limiter à hauteur de 6 000 000 euros la condamnation indemnitaire prononcée en faveur de la société Ciga, par ce motif que le préjudice de cette société ne pouvait s'analyser que comme la perte d'une chance d'appréhender la valeur des actions de la société Hoyez en remboursement de sa créance et qu'il n'était pas établi qu'une somme supérieure à 65 000 000 francs aurait pu être récupérée par la société Ciga, sans répondre au moyen péremptoire des conclusions susvisées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de la procédure civile ;

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Mais attendu que l'arrêt, après avoir relevé qu'il n'était pas démontré que les dividendes de la société Hoyez auraient pu permettre à la société Final de régler la totalité de sa dette à l'égard des banques, contrairement à ce que prétend la société Ciga, retient que le préjudice de la société Ciga ne peut être que la perte d'une chance d'obtenir, en remboursement du prêt, la totalité de la valeur des actions de la société Hoyez ; que pour fixer ce préjudice à la somme de 6 000 000 euros, l'arrêt relève que la société Hoyez a été vendue pour la somme de 65 000 000 francs (9 909 186, 12 euros) en précisant qu'il n'est pas établi qu'une somme supérieure ou même équivalente à cette dernière somme aurait pu être récupérée par la société Ciga ; qu'ayant ainsi apprécié souverainement la mesure de la chance perdue, ce qui rend inopérants les griefs invoqués par les deux dernières branches du moyen, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que les deuxième et troisième moyens du pourvoi n° G 09-17. 086 ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le second moyen du Crédit lyonnais, pris en sa sixième branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour dire que le Crédit lyonnais avait, in solidum avec les sociétés Soparfi et Oléron, et avec M. X..., engagé sa responsabilité à l'égard de la société Ciga et le condamner in solidum avec la société Oléron et avec M. X... à payer à la société Ciga la somme de 6 000 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient, d'un côté, que M. X... ayant donné son accord à la vente au Crédit lyonnais, celui-ci a pu légitimement croire qu'il avait obtenu l'accord des créanciers et, de l'autre, que M. X... ayant donné son consentement à la vente, au Crédit lyonnais, il appartenait à la banque de se renseigner pour savoir si cet accord faisait suite à l'accord des créanciers ; Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires et a méconnu les exigences du texte susvisé ;

Et sur le premier moyen du pourvoi n° G 09-17. 086, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour juger prescrite l'action engagée par la société Ciga à l'encontre de MM. E... et Y..., l'arrêt, après avoir relevé que la société Ciga faisait valoir que ces derniers n'étaient pas poursuivis comme administrateurs ou dirigeants, mais pour avoir agi à titre personnel comme étant bénéficiaires de l'opération de vente, et avoir encore relevé que la société Ciga soutenait que le fait qu'ils aient été dirigeants avait facilité la fraude à laquelle ils avaient participé mais qu'elle les poursuivait à titre personnel, en leur qualité d'acquéreurs, retient qu'ils ne se sont pas portés acquéreurs et qu'il n'est pas démontré qu'ils ont agi à titre personnel ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans examiner, même sommairement, les documents présentés par la société Ciga à l'appui de ses prétentions, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné le Crédit lyonnais in solidum à payer la somme de 6 000 000 euros à la société Ciga Luxembourg, et, en ce qu'il a, confirmant la décision du tribunal, dit que l'action de la société Ciga Luxembourg à l'égard de MM. E... et Y... était prescrite, l'arrêt rendu le 2 juillet 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se

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trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne la société Oléron participations et M. X... aux dépens afférents à leur pourvoi respectif ; laisse, s'agissant des pourvois formés par la société Ciga Luxembourg et la société Crédit lyonnais, à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille onze.

Bulletin Joly Entreprises en Difficulté, 01 mai 2012 n° 3, P. 183

87. Confidentialité et transparence réconciliées pour la prévention et le

traitement des difficultés

Si la transparence est strictement encadrée dans les procédures de prévention, marquées par la préservation des

intérêts de l’entreprise, la confidentialité reste, elle, limitée dans les procédures collectives où est recherchée la

garantie des droits des tiers. Le praticien doit donc veiller à concilier ces deux principes qui, loin d’être opposés,

viennent se compléter selon la procédure concernée, son déroulement et la nature de l’information concernée.

Hélène Bourbouloux

Administrateur judiciaire, Selarl FHB

Au terme d’une année d’étude initiée par la conférence générale des juges consulaires de France, Mme Edith Deboudé

a fait rapport au congrès annuel des juges consulaires sur le thème « Secret des affaires, confidentialité des procédures

» 1 mettant en exergue l’urgence à réhabiliter les vertus de la confidentialité et du secret dans un mouvement général

exigeant toujours plus de transparence.

Appréciant les principes de confidentialité et transparence dans la justice consulaire, ce rapport constituait

certainement un heureux présage ou une juste intuition de la création d’un délit de violation du secret des affaires. Le

secret des affaires, objet du délit qu’avait voté l’Assemblée nationale en janvier 2012 2, y est caractérisé tant par des

conditions de fond liées à la nature de l’information qui en relève, que par des conditions de forme relatives aux

mesures prises pour informer les tiers de cette confidentialité et des mesures prises pour la protéger.

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Cette approche illustre non pas l’opposition des principes de confidentialité et transparence mais leur caractère

complémentaire : la confidentialité viserait ainsi le contenant, tandis que la transparence viserait le contenu.

Dans les procédures visées au livre VI du Code de commerce, le législateur a fixé la primauté de ces principes dans

une distribution motivée par la protection de la partie faible.

Ainsi la transparence sera strictement encadrée sous le règne de la confidentialité dans les procédures de prévention

(I), tandis que la confidentialité sera limitée sous le règne de la transparence dans les procédures collectives (II).

I – La transparence encadrée sous le règne de la confidentialité dans les procédures de prévention

Le principe de la confidentialité est prévu à l’article L. 611-15 du Code de commerce et prévoit que toutes les parties

appelées à la procédure sont tenues à la confidentialité sur les informations acquises dans ce cadre. La confidentialité

est la mesure de protection de l’entreprise qui, révélant des difficultés pouvant la conduire à la défaillance, les partage

avec ceux susceptibles de l’aider à surmonter cette situation par la négociation d’accords amiables et loyaux.

Sans la confidentialité, les difficultés pourraient être aggravées par des actions individuelles de créanciers ou

partenaires voulant se prémunir brutalement d’une défaillance que l’on cherche à éviter.

Mais pour permettre la négociation loyale d’accords préservant les intérêts de tous, l’entreprise doit gagner la

confiance de ses partenaires et confier toute l’information utile la concernant pour permettre aux parties de

s’entendre communément sur l’état des lieux, la compréhension de l’origine des difficultés, les solutions pour les

résoudre et les perspectives.

Si ces informations ne sont pas partagées entre les parties, aucune solution négociée ne pourra aboutir, chacun

pouvant penser que l’autre n’affiche pas la réalité de la situation.

Ainsi c’est bien la confidentialité qui peut permettre une parfaite transparence entre les parties concernées.

Atténué par la disparition des sanctions pénales qui étaient, jusqu’à la loi de sauvegarde, attachées à la violation de la

confidentialité en procédure de conciliation, le principe en a toutefois, depuis lors, été renforcé par son élargissement

aux procédures de mandat ad hoc.

Au-delà de la confidentialité de la procédure de prévention, la confidentialité ressort également du statut des parties à

la procédure : les administrateurs ou mandataires judiciaires comme, par ailleurs, le commissaire aux comptes, sont

statutairement tenus par leurs règles professionnelles au secret professionnel ; les banques françaises sont tenues au

secret bancaire.

La difficulté principale tient aux mesures possibles pour faire respecter la confidentialité : la violation du pacte de

confiance qui préside au succès de ces procédures pourrait entraîner des sanctions civiles ou pénales (selon l’auteur

de l’infraction), mais les preuves sont difficiles à établir.

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Le législateur a lui-même préservé ou omis quelques entorses à la confidentialité qui s’exprime dans la procédure elle-

même ou dans le conflit avec des lois ou règlements relevant de domaines distincts.

L’article L. 611-7 permet au juge d’octroyer des délais de grâce mais suppose que le débiteur assigne le créancier à

cette fin, révélant ainsi la conciliation, voire avise une juridiction précédemment saisie d’une action d’un créancier

afin que celle-ci sursoie à statuer jusqu’à ce que le président ayant ouvert la conciliation ait apprécié la demande de

délais. Les juridictions sont alors amenées à organiser les audiences dans des formats permettant de limiter la

diffusion de l’information 3.

L’article R. 611-25 prévoit la notification au requérant de l’ordonnance ouvrant la procédure de conciliation, ignorant

probablement que le représentant légal est rarement celui qui ouvre le courrier arrivant dans l’entreprise. Les greffes

s’organisent pour privilégier une remise en main propre de la décision et éviter l’écueil rappelé.

L’homologation elle-même de l’accord de conciliation donne lieu à un jugement et donc par là même révèle

l’existence de la procédure dans une publication au Bodacc. Toutefois l’article R. 611-40 limite le contenu du jugement

qui ne doit pas faire référence aux termes de l’accord mais uniquement aux sûretés consenties pour en assurer

l’exécution, il mentionne en outre les montants garantis par le privilège prévu à l’article L. 611-11. Cette publicité

partielle et encadrée est motivée par la nécessaire information des tiers sur les garanties susceptibles d’affecter le

patrimoine du débiteur.

La tierce opposition au jugement d’homologation devra être examinée préalablement au regard de l’intérêt à agir. En

effet le tiers opposant peut accéder à l’accord conclu (art. L. 611-44) et la juridiction saisie devra s’assurer que l’objet

du recours n’est pas justement d’accéder au contenu de l’accord. À ce jour la jurisprudence n’a pas encore statué sur

cette question.

La confidentialité des procédures de mandat ad hoc et de conciliation doit également se combiner avec des

dispositions d’inspiration contraire lorsque l’entreprise est soumise à un statut réglementé de société cotée, mais

également lorsqu’elle est confrontée au droit du travail et à l’information des institutions représentatives du personnel

: la société requérante devra déterminer le moment et le contenu de l’information sur la procédure de prévention et le

contenu des accords en phase de finalisation. Ces confrontations justifieraient une étude complète 4 et ne sont ici

qu’évoquées.

Au-delà de ces entorses légales ou omission affectant la stricte confidentialité des procédures de prévention, l’on peut

déplorer des violations régulières, des insuffisances dans le texte pouvant y conduire. Quelques précautions pratiques

peuvent alors être suggérées.

Rappelons l’intérêt individuel de certaines parties qui peuvent avoir avantage à révéler la procédure pour en favoriser

l’échec : ce sera le cas du concurrent, qui peut être partie à la discussion. Plus fréquemment, cela peut être le cas de

créanciers eux-mêmes bénéficiant d’instruments de garanties comme les CDS et qui, pour être indemnisés, ont

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avantage à la défaillance. Sans aller jusqu’à prendre le risque d’être ouvertement responsable de cette défaillance, le

créancier aura tout intérêt à l’échec de la négociation pour percevoir la contrepartie du risque couvert ou assuré.

Le « trader » de dette, de son côté, aura avantage à ce que le marché soit avisé des termes de la négociation, et l’on ne

peut que regretter que le contenu des discussions menées en mandat ad hoc ou conciliation fasse l’objet d’un compte

rendu précis dès le jour suivant dans des supports d’information financière, le plus souvent étrangers. Le « trader » de

dette participe ainsi à permettre au marché de fixer le juste prix de la dette à vendre ou acheter. Ces procédés

perturbent bien évidemment le cours des discussions et favorisent l’entrée dans les pools de créanciers de nouveaux

acteurs aux intérêts non alignés, puisque porteurs de dettes achetées à un prix décoté.

Afin de limiter les violations de la confidentialité en particulier lorsque les parties à la négociation sont très

nombreuses, il faudra parfois favoriser la structuration des créanciers en groupe de travail représentatif auquel les

créanciers non membres de ce groupe de travail donnent mandat au moins dans l’accès à l’information, voire dans la

négociation.

Ces pratiques d’inspiration anglo-saxonne se généralisent. Elles renchérissent le coût des procédures mais permettent

un meilleur contrôle de la circulation de l’information fournie.

Il ne faudra pas hésiter également à faire souscrire des engagements de confidentialité renforcée pouvant prévoir les

sanctions des violations des engagements souscrits.

Un focus particulier devra être porté à l’assureur-crédit. Non directement lié au débiteur, il n’est en général pas partie

à la négociation et c’est souvent à son égard que la société sera le plus exposée au plus grand dommage en cas de

violation de la confidentialité. Avisé par un créancier partie à la négociation mais couvert par un assureur-crédit, le dit

assureur-crédit n’aura-t-il pas l’obligation à l’endroit de ses propres mandants de leur en faire part sans que débiteur,

mandataire ad hoc ou autres parties en soient avisés. Or la brutalité d’une décision de ne plus couvrir le risque aura un

effet immédiat sur l’entreprise allant jusqu’à provoquer la crise de liquidités si le crédit fournisseur s’effondre. Mais le

débiteur ignorera le plus souvent le montant de l’exposition qu’il représente dans les livres de l’assureur-crédit.

Enfin, quelques précautions matérielles en ce qui concerne l’affichage au rôle des audiences devant statuer sur

l’homologation ou la remise des convocations ou notifications devront être prises pour éviter la divulgation de la

procédure.

La confidentialité en mandat ad hoc et conciliation répond tout autant à la volonté de protéger l’entreprise affaiblie

que de permettre la diffusion dans un cercle limité et déterminé de l’information transparente, préalable

indispensable à la négociation loyale et équitable.

Ce cadre de confidentialité prééminente accueille alors une transparence souhaitée par les parties en discussion.

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Il prend fin par la défaillance : la procédure de conciliation ou de mandat ad hoc sera en effet révélée si l’entreprise

devient défaillante dans les vingt-quatre mois suivant la fin de la procédure de prévention.

En matière de procédure collective, la transparence devient reine parfois au mépris de la préservation du débiteur et

par là du gage de tous.

II – La confidentialité limitée sous le règne de la transparence dans les procédures collectives

La procédure collective est publique. Le débiteur n’a pas respecté ses engagements ou ne pourra les respecter et tous

ses partenaires doivent en être avisés.

Cela se justifie par la volonté de préserver le débiteur (tous doivent savoir que les voies d’exécution sont suspendues

et les paiements de dettes antérieures interdits), mais également pour permettre aux créanciers d’exercer leurs droits

dans la procédure collective (délais de déclarations de créances, de revendications…).

L’exigence de transparence a été plutôt renforcée au gré des réformes, répondant également à une vision négative de

l’environnement des procédures collectives, mal connues, mal comprises.

Cette exigence de transparence est très perceptible dans la mise en œuvre des cessions d’activités ou d’actifs, mais elle

pose des difficultés parfois insurmontables.

Lorsque le débiteur entend présenter un plan de redressement par voie de continuation, il est naturellement peu

enclin à diffuser de l’information précise sur son entreprise à des candidats à la reprise.

Le législateur s’est abstenu de préciser la nature de l’information à fournir aux candidats à la reprise, mais il a bien

prévu dans le redressement judiciaire que tout tiers peut faire une offre de reprise en plan de cession à tout moment,

que l’administrateur judiciaire ait ou non fixé une date limite de dépôt des offres et initié un processus de recherche

de repreneur.

Les candidats à la reprise eux-mêmes en compétition doivent composer avec l’exigence du maximum d’informations

possibles sur le débiteur pour permettre l’élaboration du projet le plus sérieux, la contrainte de l’égalité de traitement

entre les candidats conduisant à donner à tous les mêmes informations. Ce faisant, il est arrivé qu’un candidat

souhaitant connaître les marges par client dans un dossier, y renonce finalement pour éviter que ses compétiteurs

puissent accéder à une information si sensible.

Afin de limiter les dangers de la diffusion d’une information sensible sur l’entreprise, l’administrateur judiciaire en

encadrera la diffusion : le plus souvent les candidats intéressés devront s’engager à respecter la confidentialité des

informations reçues, avant de pouvoir accéder à un dossier de présentation ou une data room électronique

éventuellement structurée en deux niveaux d’information, selon la sensibilité des informations y figurant.

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La transparence en procédure collective peut heurter les règles issues d’autres environnements : ainsi les partenaires

des sociétés cotées sur un marché réglementé peuvent vouloir renoncer à certaines informations afin de ne pas

devenir « initié ». À titre d’exemple, dans la sauvegarde de la société Technicolor, certains créanciers bancaires,

relevant à ce titre du comité des établissements de crédits et assimilés, interrogeaient l’administrateur pour savoir ce

que contenait le courriel ou la lettre recommandée avant de l’ouvrir, de crainte d’y trouver une information d’initié.

En fait, il s’agissait de la transmission du plan de sauvegarde et ses annexes en vue du vote.

Au-delà d’une telle situation cocasse, d’autres cas sont plus difficiles à trancher : quelle est la portée des clauses de

confidentialité insérées dans des contrats conclus par le débiteur, que ce soit avec des clients, des fournisseurs, entre

associés dans des pactes… ? Il sera prudent d’interroger la partie contractante, ou a minima de l’informer, avant de

diffuser l’information protégée. Mais l’administrateur judiciaire qui s’abstiendrait de porter à la connaissance des tiers

une information susceptible d’influencer le projet de reprise engagerait sa responsabilité.

Si la publicité et la transparence sont le principe en procédure collective, le législateur a prévu quelques limites : ainsi

les audiences ont lieu principalement en chambre du conseil et non en audience publique et, lorsque l’audience

publique est de droit, comme en matière de sanction, le dirigeant peut solliciter la chambre du conseil. De même,

jusqu’en décembre 2008, les candidats repreneurs pouvaient améliorer leur offre jusqu’à l’audience, et non

uniquement jusqu’à deux jours ouvrés avant l’audience. La pratique des plans de cession en audience publique s’était

donc généralisée, conduisant à une surenchère strictement financière et peu compatible avec les consultations à

mener sur les offres (IRP, contrôleurs…). En outre, en présence de leurs compétiteurs, les candidats se montraient

peu diserts sur leur stratégie et leur projet industriel. La transparence complète nuisait alors à la bonne

compréhension du projet de reprise.

Le régime applicable au créancier contrôleur est une autre manifestation de la conscience qu’a eue le législateur du

fait que la transparence totale pouvait être nuisible. Le créancier contrôleur, qui sera empêché d’être candidat à la

reprise, aura accès à la plus large information sur le débiteur et les actions des organes de la procédure.

Certaines questions subsistent : la plupart des greffes ne mettent pas à la disposition de tous les déclarations de

cessation des paiements, tandis qu’une minorité y procède. La loi est muette en ce sens : est-ce à dire qu’elle permet

l’initiative sur ce point ?

La transparence ne devient-elle pas perverse quand elle a pour effet d’épingler ou de stigmatiser le dirigeant de

l’entreprise défaillante ? Ainsi le fichier Fiben accessible notamment aux institutions financières centralise tous les

individus ayant été mandataire social d’une entreprise ayant connu une procédure collective. Il s’agit là d’un excès

avéré de transparence, celle-ci étant, en outre, disproportionnée : ainsi le dirigeant d’une société en plan de

sauvegarde sera fiché pendant toute la durée du plan tandis que la société elle-même verra ses inscriptions

automatiquement radiées si elle respecte son plan au-delà de trois ans.

Il faut naturellement une procédure transparente pour garantir les droits des tiers, mais il faut aussi de la

confidentialité pour ne pas affecter l’entreprise et ses chances de redressement.

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La confidentialité de droit commun, attachée à la vie normale de l’entreprise (relations avec le comité d’entreprise,

secrets de fabrication, contrats clients…) doit demeurer et n’être affectée, sous le contrôle des organes de la

procédure, du juge-commissaire et du tribunal que pour les besoins de la procédure et l’élaboration des offres de

reprise.

Si la transparence garantit apparemment les droits des tiers, la confidentialité garantit ceux de l’entreprise et par là

même le gage des créanciers.

Ainsi les situations sont nombreuses où les praticiens doivent faire preuve de vigilance pour déterminer selon la

procédure concernée, selon la nature de l’information, selon le moment de la procédure, ce qui relève d’abord de la transparence ou d’abord de la confidentialité.

LA CONSTATATION ET L’HOMOLOGATION DE L’ACCORD, PHASES SPECIFIQUES

A LA CONCILIATION

Art. L. 611-9 (L. no 2005-845 du 26 juill. 2005, art. 7) Le tribunal statue sur l'homologation après avoir entendu ou dûment appelé en chambre du conseil le débiteur, les créanciers parties à l'accord, les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, le conciliateur et le ministère public. L'ordre professionnel ou l'autorité compétente dont relève, le cas échéant, le débiteur qui exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, est entendu ou appelé dans les mêmes conditions.

Le tribunal peut entendre toute autre personne dont l'audition lui paraît utile.

Bulletin Joly Entreprises en Difficulté, 01 novembre 2012 n° 6, P. 409 - Tous droits réservés

Droit des entreprises en difficulté

208. Prévention : Suivi et résolution des accords amiables. Rémunération dans les missions amiables

Lors de cet atelier avec Hélène Bourbouloux, administrateur judiciaire à Neuilly-sur-Seine, Françoise Pérochon,

professeur à la faculté de droit de Montpellier, Yves Lelièvre, président du tribunal de commerce de Nanterre,

François Kopf, avocat à Paris, associé cabinet Scotto & Associés et Cosme Rogeau, mandataire judiciaire à Versailles,

ont été évoquées les principales difficultés et précautions à envisager lorsqu’un accord amiable de prévention doit

être modifié, ou que survient un contentieux, ou que le débiteur est soumis à une procédure collective, procédure

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dans laquelle le traitement de l’apporteur de new money est controversé. Le point a été fait ensuite sur les bonnes – et

les mauvaises – pratiques en matière de rémunération des missions de prévention.

Françoise Pérochon

Professeur à la faculté de droit de Montpellier

Enjeu social. Le président Yves Lelièvre souligne d’entrée l’enjeu social des accords amiables avec deux chiffres : en 2011, le

tribunal de commerce de Nanterre a ouvert 1 227 procédures collectives, qui concernaient 6 300 salariés ; la même

année, ont été conclus 54 accords amiable concernant… 35 000 salariés ; soit en moyenne 648 salariés par dossier

dans le traitement amiable, contre 5 dans le traitement judiciaire ! Les chiffres sont particulièrement élevés à Nanterre

1, mais la comparaison est éloquente.

L’atelier a examiné les suites des accords amiables conclus au terme d’un mandat ad hoc ou d’une conciliation (I) et les

rémunérations dans les missions amiables (II).

I – Les suites des accords amiables de prévention

En cas d’assignation en ouverture d’une procédure collective survenant avant la conclusion de l’accord, le problème est

d’assurer le respect de la confidentialité de la conciliation : le tribunal, précise Me Hélène Bourbouloux, doit surseoir à

statuer et renvoyer à une date postérieure ; si la conciliation aboutit, l’accord mettra fin à l’éventuelle cessation des

paiements, et fondera le rejet de la demande.

Unicité du protocole. Autre difficulté signalée par Me Hélène Bourbouloux, il serait parfois précieux d’arrêter très vite un

premier accord homologué, afin par exemple de débloquer l’argent frais nécessaire à la suite de la négociation, à faire

suivre d’un accord plus vaste sur le fond. Or, observe-t-elle, les textes actuels ne le permettent pas. Du fait que le

constat ou l’homologation mettent fin à la conciliation, il n’est pas non plus possible de coupler un accord

homologué à un ou des accords constatés. Pour préserver un maximum de souplesse dans les groupes de sociétés, il

faut préférer une procédure par entité et un protocole pour chacune, même s’ils sont identiques.

Clauses de suivi. Les clauses de suivi sont à manier avec prudence, souligne Me Hélène Bourbouloux, car la mission du

conciliateur a pris fin dès le constat ou l’homologation. La loi ne prévoyant pas la mission de « commissaire à

l’exécution de l’accord amiable » qui serait fort utile (« service après-vente »), l’ancien conciliateur doit s’abstenir de

diligences rémunérées sauf dans le cadre d’un nouveau mandat ad hoc (même très ponctuel). À défaut, il peut par

exemple réunir les parties, mais comme il n’agit au titre d’aucune mission entrant dans son statut, il doit alors le faire

gracieusement et s’abstenir d’action proactive.

Le juge peut connaître des accords amiables dans trois hypothèses principales que présente Me François Kopf :

modification de l’accord (A), contentieux (B), ouverture d’une procédure collective (C).

A – La modification de l’accord

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Accord contractuel : en accord avec l’article 1134 du Code civil, la modification de l’accord amiable requiert en principe

l’accord de tous les signataires. Pour valoir en tant qu’accord « constaté » ou « homologué » de l’article L. 611-8 du

Code de commerce, un nouveau constat ou une nouvelle homologation est en principe nécessaire, donc une nouvelle

conciliation, si les conditions en sont réunies… Solution lourde, même si, observe le président Yves Lelièvre, il est

alors procédé par simple avenant à la convention initiale. Elle est pourtant inévitable si les modifications sont

substantielles (garanties et sûretés, notamment…).

Modification non substantielle : l’accord initial peut sans doute alléger ces contraintes pour les modifications non

substantielles (à définir), même s’il est préférable pour les créanciers d’en être, à tout le moins, informés.

B – Le contentieux de l’accord

1 – Contentieux de la validité

Vices du consentement, absence de cause : François Kopf rappelle que les accords amiables, même homologués, sont des

contrats soumis aux conditions de validité de droit commun, et nuls lorsque la volonté résulte d’une erreur, d’un dol

ou d’une violence, etc.

Autre cause de nullité, l’absence de cause lorsque, notamment au sein d’un groupe de sociétés, un créancier renonce

par exemple à exercer une action alors qu’il ne bénéficie d’aucune contrepartie.

Convention réglementée : dans le même contexte, souligne Me François Kopf, l’accord amiable peut constituer une

convention réglementée, notamment en présence d’un groupe, de dirigeants ou d’intérêts communs, requérant à peine de

nullité dans les SA (mais non dans les SAS), une autorisation préalable du conseil.

Clauses de divisibilité : des clauses de divisibilité évitent la remise en cause de l’ensemble de l’accord lorsque s’effondre

l’un de ses pans mineurs.

2 – Contentieux de l’homologation

Comme le remarque Yves Lelièvre, si le juge ne peut pas modifier ou aménager l’accord, il peut si nécessaire

prolonger la conciliation afin de réunir les parties et de leur expliquer pourquoi en l’état l’accord ne sera pas

homologué, leur suggérant ainsi les améliorations nécessaires. Le plus difficile reste l’appréciation des conditions

légales, notamment celle, cruciale, de pérennité : une expertise aidera souvent le tribunal à vérifier le sérieux du «

business plan », sans pouvoir écarter toutefois le caractère incertain de toutes prévisions.

Me Cosme Rogeau insiste sur le danger des procédures amiables vouées à l’échec et qui s’éternisent et épuisent la

trésorerie, condamnant toute chance de redressement en procédure collective. En pareil cas, le professionnel doit

déconseiller la conciliation ou savoir y mettre un terme.

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La prévention, observe Me Hélène Bourbouloux, est surtout efficace pour agir sur le bilan, alors que le traitement

judiciaire est plus adapté pour agir sur les postes du compte de résultat. L’homologation doit renforcer la sécurité

juridique, en protégeant les parties contre la remontée de la date de cessation des paiements, sauf fraude, et en

conférant un privilège à l’apporteur d’argent… vraiment frais : tel n’est pas le cas lorsque le débiteur emprunte à

seule fin de rembourser la dette ancienne, dénuée de garantie (dette « transformée », selon son expression). Le

ministère public pourrait en pareil cas interjeter appel (C. com., art. L. 611-10).

Tierce opposition et confidentialité : l’article R. 611-44 permet au tiers opposant de recevoir communication du protocole

d’accord, en principe confidentiel 2. D’où un risque de tierce opposition à cette seule fin. Pour Me Hélène

Bourbouloux, la parade à cette fraude à la loi passe par la vérification de l’intérêt à agir du tiers opposant : le greffe doit

refuser toute communication de l’accord tant que le président n’a pas convoqué les parties et constaté, le cas échéant,

l’intérêt à agir du tiers opposant qui pourra alors, estime-t-elle, dans un second temps prendre connaissance de

l’accord. Selon Me Cosme Rogeau, il a même le droit d’en recevoir copie, conformément au respect du

contradictoire.

3 – Contentieux de la résolution

Dualité des cas de résolution : si la liberté contractuelle permet largement aux parties d’aménager les conditions 3 et les

effets de la résolution de l’accord, la loi le remet en cause dans deux hypothèses distinctes, dont les effets sont,

semble-t-il, identiques.

Le premier cas est la résolution 4 de l’accord pour inexécution.

Comme le souligne Me François Kopf, si l’article L. 611-10-3 suggère a priori que la résolution est automatique et que

le juge doit la prononcer, il lui faut d’abord constater l’inexécution des engagements – il insiste sur ce pluriel – : d’où un

pouvoir d’appréciation certain du juge qui apprécie globalement l’inexécution.

Le second cas résulte de l’article L. 611-12, selon lequel l’ouverture d’une procédure collective « met fin de plein droit

à l’accord constaté ou homologué », qui est ainsi résolu, estime Françoise Pérochon.

Identité des conséquences de la résolution quant aux paiements, délais, remises et garanties : selon l’article L. 611-12, les paiements

effectués en exécution de l’accord conservent leurs effets, ainsi que le privilège de la conciliation, tandis que sont

anéantis les remises de dettes et délais de paiement prévus par l’accord. Les délais de grâce octroyés 5 au cours de la conciliation

peuvent être anéantis en cas de résolution de l’accord pour inexécution (C. com., art. L. 611-10-3, al. 3) et, sans doute,

par analogie, en cas de résolution pour cause de procédure collective.

Les autres garanties devraient survivre à la disparition de l’accord, conformément au droit commun, à leur fonction

et à ce que précise le texte pour le privilège de new money. Mieux vaut par prudence le stipuler expressément dans

l’accord.

C – Ouverture d’une procédure collective ultérieure et new money

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La résolution de l’accord n’éteint pas le privilège de la conciliation (C. com., art. L. 611-12), mais sa portée en cas de

procédure collective est controversée.

Me Cosme Rogeau expose les bases de la discussion : il n’est pas contesté que la créance de new money est une créance

antérieure, qui doit être déclarée, avec son privilège, créance classée au troisième rang notamment dans la liquidation

judiciaire. En cas de sauvegarde ou de redressement judiciaire, il est exclu qu’elle soit payée avant l’adoption du plan,

puisque le superprivilège, qui est lui au premier rang, n’est payé qu’alors.

Paiement hors plan ? À partir de là, deux analyses s’opposent : Me Cosme Rogeau estime qu’elle doit être payée hors plan 6,

et il s’appuie sur la raison d’être du privilège et sur sa priorité systématique par rapport aux dettes d’exploitation

postérieures, dont l’article L. 622-17, IV, envisage qu’elles n’aient pas été payées à l’échéance et soient alors portées

sur la liste prévue par l’article R. 622-15 7.

Paiement selon le plan ? À l’inverse, Me Hélène Bourbouloux et François-Xavier Lucas notamment prônent le paiement

selon le plan, en accord avec le régime des créances antérieures auquel il n’est pas dérogé. Car l’apporteur de new money

ne jouit pas d’un droit au paiement à l’échéance 8, mais d’un simple privilège, utile dans une logique de répartition

mais non dans la logique du plan.

Paiement accéléré ? Me Hélène Bourbouloux et Me Cosme Rogeau s’accordent sur l’opportunité pour l’administrateur de

rechercher un accord avec l’apporteur de new money, prévoyant son paiement prioritaire, justifié par une situation

différenciée du créancier. Cet accord sera porté à la connaissance des autres créanciers lors des consultations et il sera

dûment mentionné dans le jugement arrêtant le plan.

II – La rémunération dans les missions amiables 9

Le président Yves Lelièvre fait état de la disparité des pratiques et de la fréquence des difficultés. Il attire l’attention

des professionnels sur la nécessité de parvenir à un accord éclairé et équilibré et de prendre conscience de l’effet

d’image potentiellement très négatif qui résulterait d’errements en la matière.

D’où le grand intérêt des recommandations et bonnes pratiques qu’évoque Me Hélène Bourbouloux.

Le contexte, rappelle-t-elle, est celui d’une procédure d’essence contractuelle facultative pour le débiteur, libre d’y mettre fin à

tout moment. Il peut sinon exiger, du moins proposer la nomination du conciliateur de son choix – d’où l’intérêt

évident de rencontrer plusieurs professionnels – : la confiance du débiteur est essentielle. Me Hélène Bourbouloux

observe que la relation de confiance et l’entente des parties déterminent le choix du professionnel, bien plus que la

rémunération (la fixation d’un plafond assurant la sécurité du débiteur). Le conciliateur est libre d’accepter ou non

cette mission dont seul le président du tribunal peut l’investir et qui n’est pas tarifée. Les trois intéressés doivent ainsi

s’accorder sur les bases tant de la mission que de la rémunération pour que la conciliation puisse s’ouvrir. Une

convention d’honoraires, établie par écrit entre le débiteur et le professionnel 10 et jointe à la requête, détermine les

critères et le montant maximal de la rémunération et le montant des provisions (C. com., art. R. 611-47). Le président

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vérifie qu’elle procède d’un consentement éclairé et fixe les conditions de la rémunération, qu’il arrêtera à l’issue de la

mission (C. com., art. R. 611-50).

Quant aux critères de la rémunération, Me Hélène Bourbouloux préconise du sur-mesure, même s’ils ne sont pas

faciles à déterminer après un ou deux entretiens avec le débiteur potentiel. L’honoraire au temps passé prévoyant des

taux horaires adaptés au profil des intervenants, à la complexité de la mission et aux enjeux est la pratique privilégiée.

Même si le requérant le sollicite, elle déconseille le forfait mensuel, car il est détaché des diligences effectuées. Elle

déconseille aussi les bases de détermination de l’honoraire de résultat comme par exemple un pourcentage sur les

remises obtenues ou la dette réaménagée pouvant porter atteinte ou sembler porter atteinte à l’indépendance du

professionnel. La formule non coercitive de la prime de résultat laissée à la totale appréciation de l’entreprise au

terme de la mission, dans la limite du plafond d’origine lui semble saine et efficace.Note

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CONCLUSION

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CA Metz, 24 février 2009

N° 08/00197

Résumé

Si la déclaration de cessation des paiements de la société débitrice a été effectuée par le dirigeant de droit le 4 avril 2005, alors que la date de cessation des paiements a été fixée au 7 octobre 2003, il n'en résulte pas pour autant une faute du dirigeant susceptible d'entraîner sa condamnation à contribuer au comblement de l'insuffisance d'actif qui s'établit à 182460 euros, compte tenu des efforts déployés par ce dirigeant pour redresser la situation de la société. La société a connu des pertes à la fin de l'année 2003 d'un montant de 20355 euros qui se sont aggravées en 2004 à hauteur de 77787,38 euros. La perte de la moitié des capitaux propres ayant constatée l'assemblée générale a décidé la continuation de l'exploitation, imposant une reconstitution des capitaux propres au plus tard le 31 décembre 2004. Néanmoins, le dirigeant a entre temps sollicité la désignation d'un administrateur ad'hoc désigné le 29 juillet 2004 afin de renégocier un réaménagement des concours financiers, homologué le 7 mars 2005. Dans le même temps, le dirigeant a mené des négociations en vue de céder la société. Il apparaît donc que le dirigeant n'a pas commis de faute de gestion mais a mené diverses tentatives en vue de redresser la situation de la société. Le fait que ces mesures se soient révélées insuffisantes ne caractérise pas une faute de gestion justifiant la condamnation du dirigeant à la contribution de tout ou partie de l'insuffisance d'actif par application de l'ancien article L. 624-3 du Code de commerce.

CA Orléans, 9 octobre 2008 Résumé

Il n'y a pas lieu de condamner le dirigeant au comblement de l'insuffisance d'actif. Certes, il a poursuivi une activité déficitaire, mais il convient de prendre en compte l'attitude louable du dirigeant pour tenter de redresser la société. Il a demandé la désignation d'un mandataire ad hoc, ce qui a permis l'étalement des dettes fiscales et sociales, le dirigeant s'étant engagé comme caution d'une importante dette de TVA. Il s'est octroyé, quand les capacités de l'entreprise le permettaient, une rémunération qui n'est pas excessive pour le dirigeant d'une entreprise de 40 salariés (3800 euros par mois). Ces mesures ont d'ailleurs redressé temporairement la société. Enfin, la comptabilité a été régulièrement tenue et les infractions relatives à la réglementation du transport sont sans rapport avec l'insuffisance d'actif.

Revue des procédures collectives n° 6, Novembre 2009, comm. 144 La prévention peut-elle être un alibi pour parer à toute sanction ? Commentaire par Ch. Delattre

Sommaire

Les démarches de prévention effectuées par le dirigeant d'une entreprise en difficulté peuvent lui éviter les sanctions liées à une déclaration de cessation des paiements tardive.

Note :

Cette question peut sembler curieuse.

Cependant, elle mérite d'être posée au regard de certaines jurisprudences récentes qui font un lien entre l'utilité de prononcer une sanction civile face à l'absence de toute démarche de prévention du dirigeant poursuivi.

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Nous avions déjà évoqué une décision de la cour d'appel de Paris (CA Paris, 3e ch., sect. B, 29 mars 2007, RG 06/12891, T.X. c/ Me Ayache ès qual.) aux termes de laquelle, il apparaissait que la cour avait réformé un jugement du tribunal de commerce de Paris du 5 avril 2006 qui avait condamné le dirigeant d'une société à une interdiction de gérer générale pour une durée de 2 ans au motif que le dirigeant avait attendu 11 mois pour régulariser une déclaration de cessation des paiements. Ainsi, le jugement de liquidation judiciaire du 7 octobre 2003 avait fixé la date provisoire de cessation des paiements au 22 octobre 2002. L'insuffisance d'actif était proche de 600 000 euros. La cour d'appel de Paris réformait le jugement en ce que le dirigeant avançait un argument inattendu : il avait rencontré à 7 reprises le magistrat délégué à la prévention des difficultés des entreprises au tribunal de commerce de Paris. La première entrevue s'était déroulée le 6 juin 2001. En l'espèce, l'argument avait convaincu les magistrats de la cour d'appel. Cependant, on peut se demander comment la société a pu arriver à une liquidation immédiate avec une telle insuffisance d'actif sur ce laps de temps. En tout état de cause, dans cette affaire, les contacts répétés avec le magistrat en charge de la prévention ont été un argument permettant d'écarter toute sanction.

Cette jurisprudence n'est pas isolée.

En effet, la cour d'appel d'Orléans (CA Orléans, ch. com., éco. et fin., 9 oct. 2008, RG 08/01966, Me Villac c/ H.H.) confirmait en toutes ses dispositions le jugement querellé du tribunal de commerce de Tours du 9 novembre 2007 qui avait rejeté la demande de sanction du liquidateur judiciaire au motif que l'intéressé, dès lors qu'il avait obtenu du président du tribunal de commerce la désignation d'un mandataire ad hoc qui lui avait permis de saisir la commission des chefs des services financiers pour étaler sur 24 mois un arriéré de 289 733,08 euros, il ne pouvait lui être reproché la poursuite d'une exploitation déficitaire de manière abusive. Ainsi, même si le dirigeant connaissait les difficultés de son entreprise dès 2001 alors qu'il n'avait procédé à la déclaration de la cessation des paiements que le 11 décembre 2003, pour la cour d'appel d'Orléans, l'obtention d'un mandat ad hoc dès 2002 est une réaction plutôt rare qui devait être encouragée. Cette décision met en exergue une démarche positive du dirigeant qui lui a permis de saisir la commission des chefs des services financiers pour obtenir un moratoire faisant perdre ainsi le caractère d'exigibilité de la créance.

Un autre arrêt va dans le même sens. Ainsi, la cour d'appel de Metz (CA Metz, 1re ch. civ., 24 févr. 2009, n° 08/00197, SCP Noel-Nodee-Lanzetta ès qual. c/ S.P.) confirmait le jugement du tribunal de grande instance de Metz du 5 décembre 2007 qui avait rejeté la demande d'action en responsabilité pour insuffisance d'actif engagée par liquidateur contre le dirigeant. À l'appui de sa demande, le liquidateur mettait en exergue les pertes financières enregistrées sur plusieurs exercices et l'absence de mesure de restructuration concrète. Pour le liquidateur, l'absence de mesures économiques et la tardiveté du dépôt de bilan étaient directement à l'origine de l'insuffisance d'actif de 182 000 euros. Néanmoins, le dirigeant emportait la conviction des juges et échappait à toute condamnation en précisant que si le jugement d'ouverture de la procédure datait du 6 avril 2005, il avait obtenu la désignation d'un mandataire ad hoc le 29 juillet 2004 afin de pouvoir renégocier avec l'ensemble de ses partenaires financiers le maintien ou le réaménagement des concours à court terme. L'accord avait été finalisé le 25 février puis homologué le 7 mars 2005. Il avait ensuite régularisé une déclaration de cessation des paiements le 4 avril 2005.

On ne peut que s'étonner du délai qui existe entre d'une part l'ouverture du mandat ad hoc et l'homologation qui s'est concrétisée sur une période de 8 mois et d'autre part le délai très

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court qui s'est écoulé entre l'homologation de l'accord et la déclaration de cessation des paiements soit moins d'un mois.

Avec cette dernière espèce, on ne peut pas ne pas penser au cas de figure du dirigeant malintentionné qui va tenter, coûte que coûte, d'obtenir la désignation d'un mandataire ad hoc pour obtenir une renégociation de ses crédits alors qu'il sait que la situation est obérée et qu'il n'ira pas jusqu'au bout des délais pour ensuite régulariser une déclaration de cessation des paiements. Le mandat ad hoc, dans ce cas, n'a-t-il pas que pour objectif de gagner du temps et constituer ensuite une parade à toute sanction éventuelle ultérieure ?

Comment contrôler l'intention réelle du demandeur à la prévention s'il n'a pas donné toutes les informations au président du tribunal de commerce lequel sera, peut-être, instrumentalisé pour l'obtention d'un mandat ad hoc ?

La prévention, détournée de son objectif premier, pourrait s'avérer un alibi parfait pour un dirigeant poursuivi qui pourra ainsi échapper à toute sanction.

Ces jurisprudences, ou plutôt l'analyse et l'usage que certains pourraient en faire, doivent amener à une grande vigilance.

L'un des objectifs de la loi de sauvegarde est d'inculquer aux dirigeants la culture de la prévention. Amener le dirigeant, l'entrepreneur à démystifier le dépôt de bilan et à solliciter de l'aide avant que la cessation des paiements ne soit constatée. Le but est de prendre les mesures adéquates en amont et le plus tôt possible pour permettre de passer le cap difficile sans difficulté ou en les atténuant.

Le législateur a d'ailleurs voulu faire un lien entre la cessation des paiements, le non respect de la déclaration dans le délai de 45 jours et l'absence de demande d'ouverture d'une procédure de conciliation. Ainsi, l'article L. 653-8, alinéa 3, prévoit le prononcé d'une mesure d'interdiction de gérer à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui aura omis de faire dans le délai de 45 jours la déclaration de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.

À ce titre, on citera un arrêt de la cour d'appel de Toulouse (CA Toulouse, 2e ch., sect. 1, 29 avr. 2009, RG n° 08/02103, Me. Vinceneux c/ X) qui infirme le jugement querellé du tribunal de commerce de Toulouse du 26 mars 2008 qui avait prononcé une mesure de faillite personnelle pour une durée de 10 ans contre X en ayant constaté les fautes suivantes : l'omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal, l'absence de coopération et l'absence de tenue d'une comptabilité, faute pour celle-ci d'avoir été remise au mandataire. La cour d'appel réforme le jugement uniquement sur la nature de la sanction et prononce à la place d'une faillite personnelle une interdiction de gérer pour une durée identique au motif que le mis en cause n'avait aucun antécédent de sanction commerciale. La motivation est intéressante en ce que, la cour considère :

qu'elle ne peut que constater que X, qui n'a jamais demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation, n'a pas déposé la déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours imposé par l'article L. 653-8 du Code de commerce et rappeler qu'il n'y a pas lieu de considérer les motifs qui l'ont conduit à la différer ou l'absence de caractère intentionnel de son abstention.

Cette décision fait clairement le lien entre l'absence de démarche pour ouvrir une procédure de conciliation ainsi que la cessation des paiements et la sanction.

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Revue des procédures collectives n° 6, Novembre 2012, comm. 181 L'argument de la prévention n'est pas toujours un rempart pour éviter une condamnation Commentaire par Christophe DELATTRE Sommaire

Bien souvent, le dirigeant poursuivi pour faute de gestion tente de tirer profit du bénéfice d'une conciliation antérieure pour contrecarrer l'action en sanction pécuniaire. Cependant cette technique n'est plus suffisante pour obtenir la clémence des magistrats (1er arrêt). Enfin, vouloir faire état d'une mesure de prévention pour échapper à toute condamnation peut se retourner contre le dirigeant (2e arrêt).

CA Douai, 2e ch., sect. 1, 30 nov. 2011, n° 10/02737 CA Versailles, 13e ch., 27 oct. 2011, n° 11/03417

Note :

Dans la première espèce, le tribunal de commerce de Douai a condamné solidairement les deux gérants d'une entreprise judiciairement liquidée au paiement d'une somme de 300 000 euros. Avant l'ouverture de la procédure collective, une première enquête préalable avait été décidée le 4 avril 2006 laquelle avait conclu à une situation révélatrice d'un état de cessation des paiements. Entretemps, les gérants avaient cependant obtenu le bénéfice d'une conciliation qui avait permis la constatation d'un accord en octobre 2006. Toutefois, une seconde enquête était décidée le 28 juin 2007 en raison du non paiement des salariés. Le rapport d'enquête concluait à un état de cessation des paiements. À la suite d'une déclaration de cessation des paiements, le tribunal de commerce ouvrait une procédure de redressement judiciaire le 30 juillet 2007 laquelle était convertie en liquidation judiciaire le 18 octobre 2007. Pour obtenir une condamnation des gérants, le liquidateur mettait en avant les procédures d'alerte du commissaire aux comptes ainsi qu'un état de cessation des paiements révélé dans la première enquête. Malgré cela, les dirigeants avaient poursuivi une activité déficitaire cachant volontairement l'état de cessation des paiements dans le but d'obtenir une conciliation en établissant un prévisionnel irréaliste.

Dans son arrêt du 30 novembre 2011, la cour d'appel de Douai pointe la volonté affichée des gérants à préférer recourir à la procédure de conciliation, qui vit sur un régime déclaratif, ce qui leur avait permis de mettre en place des moratoires qu'ils n'ont pas été en mesure de respecter. Ce choix procédural avait permis la poursuite d'une activité déficitaire sans fonds de roulement. Le principe de leur condamnation est confirmé.

Par cette décision, la cour d'appel de Douai caractérise la faute de gestion du dirigeant qui consiste à recourir à une mesure de prévention dans le but d'obtenir des moratoires pour masquer la cessation des paiements (C. Delattre, La crise économique peut-elle exonérer le dirigeant de ses responsabilités ? : Rev. proc. coll. 2012, focus 25).

Cette procédure met en évidence la volonté de certains dirigeants de conclure coûte que coûte des moratoires pour ainsi masquer un état de cessation des paiements et échapper à l'ouverture d'une procédure collective (Ch. Delattre, L'octroi de délais de paiement : la parade pour masquer un état de cessation des paiements, à propos de T. com. Valenciennes, 22 févr. 2010, n° 2009/1876 : Rev. proc. coll. 2010, comm. 206). Un tel stratagème ne peut que faire l'objet de reproche quand il a causé un préjudice.

Dans la deuxième espèce, à la suite de l'ouverture de la liquidation judiciaire, le liquidateur recherchait en responsabilité les dirigeants de droit et de fait. Ces derniers pour s'exonérer de toute responsabilité mettaient en avant que dès la procédure d'alerte, ils avaient été convoqués devant le magistrat en charge de la prévention et qu'ils n'avaient pas failli à leurs engagements en ce qu'il avait été convenu avec ce magistrat que faute pour eux d'obtenir une régularisation de contrats significatifs entre la mi décembre 2006 et le 31 janvier 2007, il y aurait une saisine du tribunal de leur part. La saisine du tribunal était intervenue le 15 février 2007.

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Cette référence à l'entretien confidentiel de prévention n'était guère du goût des juges en ce qu'ils indiquaient :

« Attendu que les dirigeants ne sauraient se prévaloir d'avoir rencontré le juge de la prévention des entreprises pour s'exonérer de leur responsabilité de dirigeants de droits de procéder à la déclaration de cessation des paiements. Qu'ainsi, l'argument soulevé sera rejeté et en conséquence la responsabilité des co-gérants sera retenue ».

La responsabilité des dirigeants ayant été retenue (T. com. Nanterre, 6 avr. 2011, n° 2008L01586), ils soutenaient en appel que s'ils avaient rappelé à l'audience du tribunal leur entrevue devant le juge chargé de la prévention des difficultés des entreprises, ce n'était nullement pour chercher à s'exonérer de leur responsabilité, comme le tribunal semblait l'avoir interprété, mais seulement pour fournir un exposé complet des faits. Cet argument ne portait guère l'effet escompté car le principe de culpabilité était confirmé.

Vouloir se retrancher derrière un entretien de prévention peut avoir un effet « boomerang » pour celui qui en fait état.

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POUR ALLER PLUS LOIN…

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SAUVEGARDE FINANCIERE ACCELEREE Code des procédures collectives PREMIÈRE PARTIE LIVRE VI DU CODE DE COMMERCE ET TEXTES D'APPLICATION - Code de commerce - Art. L. 628-1

Art. L. 628-1 (L. no 2010-1249 du 22 oct. 2010, art. 57-I) Il est institué une procédure de

sauvegarde financière accélérée, soumise aux règles applicables à la procédure de sauvegarde sous réserve des dispositions du présent chapitre.

La procédure de sauvegarde accélérée est ouverte sur demande d'un débiteur, engagé dans une procédure de conciliation en cours et satisfaisant aux critères mentionnés au premier alinéa des articles L. 620-1 et L. 626-29, qui justifie avoir élaboré un projet de plan visant à assurer la pérennité de l'entreprise et susceptible de recueillir un soutien suffisamment large de la part des créanciers mentionnés à l'alinéa suivant pour rendre vraisemblable son adoption dans le délai

prévu à l'article L. 628-6. (L. no 2012-387 du 22 mars 2012, art. 28-I-2

o) «Pour l'application du

présent chapitre, est réputé remplir les conditions de seuil mentionnées au premier alinéa de l'article L. 626-29 le débiteur dont le total de bilan est supérieur à un seuil fixé par décret.» — La

L. no 2012-387 du 22 mars 2012 est applicable aux procédures ouvertes à compter de sa promulgation. Elle est

applicable en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis-et-Futuna (L. préc., art. 28-II et III). L'ouverture de la procédure n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers mentionnés à l'article L. 626-30 comme ayant la qualité de membres du comité des établissements de crédit et, s'il y a lieu, de ceux mentionnés à l'article L. 626-32.

COMMENTAIRE (in Code des procédures collectives) I. INSTITUTION D'UNE PROCÉDURE DE SAUVEGARDE FINANCIÈRE ACCÉLÉRÉE A. INSPIRATION DOCTRINALE Dès avant la réforme de 2008, des auteurs et praticiens avaient émis le vœu que le législateur pose une «passerelle» entre la procédure de conciliation et la procédure de sauvegarde, par exemple en permettant que la sauvegarde puisse également être ouverte, sur demande du débiteur, après autorisation du président du tribunal initialement saisi d'une demande de mandat ad hoc ou de conciliation en cours (T. Montéran, Pour améliorer le droit des entreprises en difficulté, osons la réforme, Gaz. Pal. 23-24 janv. 2008, p. 3, spéc. p. 5; V. aussi, en faveur d'une procédure de sauvegarde simplifiée s'adressant aux entreprises ayant déjà proposé leur plan de restructuration avant l'ouverture de la procédure: T. Montéran, préc., spéc. p. 9; H. Chriqui, Prévention des difficultés des entreprises; peut-on aller plus loin?, Gaz. Pal. 16-18 mai 2004, p. 2; Rapport Kling de la CCIP, févr. et mai 2008; V. également, pour une étude très pratique, à partir du plan de sauvegarde obtenu par la société Autodis, A. Besse et N. Morelli, Le prepackaged plan à la française: pour une saine utilisation de la procédure de sauvegarde, JCP E 2009. 1628; sur cette affaire et ses enseignements, V. également R. Courtier et N. Laurent, Analyse de l'opération Autodistribution: premier «pre-pack» à la française, Cah. dr. entr. sept.-oct. 2009. 26; F.-X. Lucas, Le plan de sauvegarde apprêté ou le prepackaged plan à la française, ibid. 35; G. Teboul, Les évolutions récentes provoquées par la crise sur les entreprises en difficulté, LPA 3-

4 sept. 2009). Et comme l'ordonnance no 2008-1345 du 18 décembre 2008 n'avait pas donné suite à ces suggestions,

c'est sans cadre légal adapté que la pratique s'est engagée dans la voie d'ouvertures de sauvegarde, précédées d'un accord du débiteur avec ses principaux créanciers, telle la sauvegarde de Thomson SA ouverte le 30 novembre 2009 par le tribunal de commerce de Nanterre, et qui a abouti à un plan arrêté par jugement du 17 février 2010, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 18 novembre 2010, puis par la Cour de cassation par un arrêt de rejet du 21 février 2012 (V. ss. art. L. 626-32).

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B. GENÈSE DE LA RÉFORME C'est dans le courant de l'été 2010, de manière assez soudaine, alors que les attentes en la matière se cristallisaient toutes sur l'ordonnance d'adaptation du livre VI du code de commerce à l'entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL), que la loi du 15 juin 2010 venait de créer, prévue pour l'automne, que, le 27 juillet 2010, le ministère de la justice et le ministère de l'Économie ont conjointement soumis à une brève consultation de place un avant-projet destiné, selon la note de présentation, aux «entreprises qui ont su anticiper leurs difficultés en ayant recours aux procédures amiables mais qui, bénéficiant du soutien de la majorité de leurs créanciers mais n'étant pas parvenues à recueillir leur unanimité, sont soumises aux contraintes d'une procédure collective», avec le risque que cette procédure de sauvegarde entraîne un assèchement du crédit fournisseur, voire des perturbations de leurs relations commerciales. D'où l'idée de donner à ces entreprises un outil plus souple et moins pénalisant au plan opérationnel: la «procédure de sauvegarde financière expresse», qui ne se substituerait pas à la procédure de sauvegarde mais en constituerait une variante. C. ADOPTION DU TEXTE Tout s'est passé très vite ensuite, puisque, deux mois plus tard, concrétisée par un amendement présenté par MM.

Hyest et Marini au projet de loi de régulation bancaire et financière, voté par le Sénat le 1er octobre, avant d'être

avalisée par l'Assemblée nationale le 11 octobre, l'idée, sous la nouvelle appellation de «sauvegarde financière

accélérée» avait pris corps dans l'article 57 de la loi no 2010-1249 du 22 octobre 2010, publiée au Journal officiel du 23.

Un peu comme si seule une adoption accélérée pouvait convenir à une procédure accélérée. Désormais codifiée dans un nouveau chapitre VIII ajouté au titre II du livre VI du code de commerce, la procédure de sauvegarde financière accélérée, qu'on aura tôt fait d'abréger en SFA, occupe les articles L. 628-1 à L. 628-7. D. FINALITÉ DE LA RÉFORME La finalité de la réforme n'a rien de mystérieux. La note de présentation de l'avant-projet l'énonçait déjà clairement, de différentes manières, affirmant, entre autres, «qu'une procédure de sauvegarde financière expresse», aménagement de la procédure de sauvegarde, pourrait être instaurée afin de sécuriser rapidement le redressement des entreprises qui bénéficient du soutien de la majorité de leurs créanciers, sans impacter leurs partenaires commerciaux et risquer la cessation des paiements». Et, si le mot n'a pas été prononcé à ce stade, c'est bien, avec la sauvegarde financière accélérée, de l'introduction d'un «prepack» à la française dans le code de commerce qu'il s'agit (R. Dammann et G. Podeur, Sauvegarde financière express: vers une consécration législative du «prepack à la française»?, D. 2010. Point de vue 2005). Le cas de figure visé est celui, proche du contexte de l'affaire Thomson précitée, où malgré l'accord trouvé par le débiteur avec ses principaux créanciers, seul un plan de sauvegarde apparaît de nature à contraindre les créanciers «dissidents» ou «récalcitrants» (voire, tout simplement, inconnus faute de déclaration de créances cernant le contour du passif à traiter en cas de conciliation), de bonne ou de mauvaise foi, à participer aux efforts de sauvetage. Situation classique, et quasi inévitable quand la dette à restructurer est fortement divisée, car, dans ce cas, les prêteurs sont nombreux et leurs intérêts divergent selon leur rang de subordination. Tel est l'atout de la SFA, plus coercitive pour les créanciers récalcitrants que la conciliation, mécanisme purement contractuel reposant sur la règle du consentement unanime, moins paralysante que la sauvegarde «classique», dans laquelle la règle de l'égalité des créanciers (entraînant, sans distinction, le «gel du passif» pendant la période d'observation) interdit de restructurer la dette bancaire au moyen d'un plan tout en maintenant, le temps que ce dernier soit arrêté, des relations normales avec les fournisseurs et autres partenaires commerciaux, condition impérative pour que la technique du «prepack» puisse s'appliquer à des sociétés opérationnelles et non aux seuls holdings. A quoi s'ajoute évidemment la prise en compte de l'urgence de ce traitement exceptionnel à administrer au débiteur en difficulté financière, qui suppose que la procédure de sauvegarde épuise ses effets rapidement, sans se prolonger trop. Toutes ces raisons justifient l'enrichissement de la «boîte à outils», fournie par la loi du 26 juillet 2005 et améliorée par l'ordonnance du 18 décembre 2008, de ce nouvel instrument de sauvetage des entreprises, de nature encore plus hybride que la sauvegarde de droit commun, qui ressortit à la prévention autant qu'au traitement des difficultés. En somme, un instrument de traitement chirurgical de précision et d'urgence. Et, comme dans le domaine médical souvent, le succès de l'opération dépendra beaucoup de la qualité des soins préopératoires. Bref, pour en finir avec cette métaphore, le projet de plan devra avoir été soigneusement préparé en amont de l'ouverture de la SFA, pour que son adoption soit possible dans le très court délai d'un mois.

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E. RÈGLES APPLICABLES À LA PROCÉDURE DE SAUVEGARDE FINANCIÈRE ACCÉLÉRÉE Le premier alinéa de l'article L. 628-1 traduit le caractère dérogatoire de la procédure de sauvegarde financière accélérée: «La procédure de sauvegarde financière accélérée est soumise aux règles applicables à la procédure sauvegarde sous réserve des dispositions du présent chapitre». Ce sont donc normalement les dispositions des

chapitres Ier à VII du titre II du livre VI du code (art. L. 621-1 s.) qui régissent la SFA. Les dispositions du chapitre

VIII nouveau (art. L. 628-1 s.), qui font ainsi figure de loi spéciale dérogeant expressément à la loi générale, ne s'appliquent que lorsque celles-ci apparaissent contradictoires avec celles-là. On observe que, malgré ce principe de base, le législateur a tout de même pris soin, à plusieurs reprises, de réserver explicitement l'application d'un article du droit commun de la sauvegarde (V. art. L. 628-1: «[…] satisfaisant aux critères mentionnés aux premiers alinéas des articles L. 620-1 […]»; art. L. 628-2: «Sans préjudice de l'article L. 621-1»; art. L. 628-6: «Le tribunal arrête le plan dans les conditions de l'article L. 626-31»). De fait, bien des règles des articles L. 621-1 et suivants et L. 622-1 et suivants ne trouveront matière à s'appliquer, soit faute de temps, soit faute d'objet (en ce qu'elles concernent surtout les créanciers autres que financiers, comme, par exemple, le régime de la continuation des contrats en cours). A priori, il semblerait toutefois que, parce qu'elle est une procédure de sauvegarde, la SFA doive entrer dans le champ

d'application du règlement communautaire no 1346-2000 (R. Dammann et S. Schneider, La sauvegarde financière

accélérée – analyses et perspectives d'avenir, D. 2011. Chron. 1429, spéc. 1430). Mais cette affirmation, fondée surtout sur l'apparence et la présentation formelle des dispositions issues de la loi du 22 octobre 2010 dans le livre VI du code, procède sans doute autant d'un vœu que d'une analyse poussée des caractéristiques intrinsèques de cette sauvegarde dérogatoire, laquelle, au contraire, selon la démonstration d’un auteur, conduirait plutôt à la conclusion qu'il ne s'agirait pas d'une procédure collective, rien ne garantissant dès lors la reconnaissance, dans le cadre du règlement du 29 mai 2000, des jugements d'ouverture ou d'arrêté du plan, qui pourrait se heurter à l'exception d'ordre public (art. 26), en raison notamment de l'exception à la règle de l'arrêt des poursuites individuelles (V. J.-L. Vallens, La sauvegarde financière accélérée est-elle une procédure collective?, RTD com. 2011. 644; comp.: F.

Pérochon, Entreprises en difficulté, LGDJ, 2012, 9e éd., n

o 1028).

F. ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA RÉFORME Conformément aux habitudes du législateur en la matière, la loi du 22 octobre 2010 a fixé la date d'entrée en vigueur des nouvelles dispositions, en prévoyant un différé d'application jusqu'au premier jour du cinquième mois suivant la

publication de la loi, soit le 1er mars 2011. Ce délai était inévitable, ne serait-ce qu'en raison de la nécessité d'attendre

la publication du décret d'application, malgré l'urgence puisque la sauvegarde financière accélérée est regardée par le Gouvernement comme un instrument destiné à faciliter la sortie de crise, pour les entreprises saines qui ont su anticiper leurs difficultés. Plus exactement, les nouveaux articles L. 628-1 à L. 628-7 s'appliqueront donc aux procédures de conciliation ouvertes à compter de cette date. On pourrait être étonné de ce choix de ne faire pas faire profiter de la sauvegarde financière accélérée les entreprises

entrées en conciliation avant le 1er mars 2011. D'autant plus que l'objectif est de rendre le nouveau dispositif le plus

rapidement opérationnel. La raison en est que, dans la logique du «prepack» encadré par la loi, conciliation et sauvegarde subséquente forment un tout indissociable. Logique qui a des conséquences techniques, elles-mêmes justifiées par la volonté d'accélérer le processus d'arrêté du plan. Ainsi, et c'est là l'explication principale, le législateur a prévu, à l'article L. 628-5, des modalités particulières de déclaration des créances au conciliateur, à fixer par décret en Conseil d'État, garantie indispensable pour le mécanisme de présomption de déclaration régulière institué par ce texte. De sorte que les conciliations déjà entamées, dans lesquelles les créanciers n'ont pas respecté ce formalisme, ne

peuvent servir de préalable à une sauvegarde financière accélérée. Quant au décret d'application (no 2011-236 du 3

mars 2011), malgré l'entrée en vigueur théorique du volet législatif au 1er mars 2011, sa publication s'est faite avec

retard, le 4 mars seulement.

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II. CONDITIONS D'APPLICATION DE LA SAUVEGARDE FINANCIÈRE ACCÉLÉRÉE L'article L. 628-1, alinéa 2, peut être considéré comme le cœur du dispositif dérogatoire instauré par la loi du 22 octobre 2010, en ce qu'il détaille les conditions, assez strictes, auquel le législateur a subordonné le bénéfice de la sauvegarde financière accélérée. A. PROCÉDURE DE CONCILIATION EN COURS Le débiteur (qui, comme dans la sauvegarde de droit commun, peut seul demander l'ouverture de la SFA) doit être «engagé dans une procédure de conciliation en cours». C'est là la condition essentielle, qui donne la mesure de la passerelle jetée par le législateur entre les procédures contractuelles de négociation, de prévention des difficultés, et la procédure de concours, de traitement des difficultés, organisées par le livre VI. Cette condition s'avère à l'analyse assez restrictive, pas très souple. D'abord, elle interdit tout accès direct à la sauvegarde accélérée, quels que soient la situation du débiteur et l'état et la qualité de ses relations avec ses créanciers. De sorte que la sauvegarde financière accélérée apparaît comme la seule procédure collective «dérivée», «secondaire», qui suppose impérativement le passage par une autre procédure légale. Ce qui peut se comprendre: pour donner des chances de succès à cette procédure exceptionnelle par sa brièveté et

son formalisme minimaliste (s'agissant, en particulier, des déclarations de créance: V. art. L. 628-5 ), il convient sans doute de s'entourer de quelques garanties, résultant notamment du rapport du conciliateur sur le déroulement de la conciliation (V. art. L. 628-3), pièce qui sera décisive pour convaincre le tribunal d'accéder à la demande d'ouverture de la SFA. Mais on peut se demander si le mécanisme institué n'aurait pas pu se satisfaire également du préalable d'un mandat ad hoc bien mené, quand on connaît les faveurs des entreprises pour cet outil de négociation, souple, confidentiel et efficace (en ce sens, parmi les vœux de réforme émis par les praticiens avant l'ordonnance de 2008, T. Montéran, Pour améliorer le droit des entreprises en difficulté, osons la réforme, Gaz. Pal. 23-24 janv. 2008, p. 3, spéc. p. 5). On notera, d'ailleurs, à ce sujet, que, jusque-là, dans les affaires connues où les praticiens ont réussi à acclimater le droit français à la logique du prepack, avant même que les textes ne soient aménagés à cette fin (T. com. Évry, 6 avr. 2009: LEDEN juill. 2009, p. 1, obs. F.-X. Lucas; Autodistribution, Thomson, T. com. Nanterre, 17 févr. 2010, conf. par Versailles 18 nov. 2010, puis Com. 21 févr. 2012: V. ss. art. L. 626-32), ce n'est pas à la conciliation qu'il a été recouru mais à la négociation directe avec les créanciers financiers ou au mandat ad hoc. Quoiqu'il en soit, la conciliation est bien le passage obligé pour accéder à la SFA; c'est l'unique voie d'accès. Pour autant, bien entendu, rien n'interdit au débiteur de débuter sa négociation avec ses créanciers dans le cadre d'un mandat ad hoc, pourvu qu'il entre en conciliation, ne serait-ce que furtivement, quelques jours, voire «un instant de raison», et qu'il y soit au moment de sa demande d'ouverture de la sauvegarde (et encore, vraisemblablement, au jour où le tribunal statue). Car, et c'est une autre exigence explicite du texte, il ne suffit pas que le candidat à la SFA ait bénéficié auparavant, en amont, d'une conciliation, encore faut-il que celle-ci ne soit pas achevée, qu'elle soit donc encore «en cours», pour que l'article L. 628-1 trouve à s'appliquer. Les praticiens devront donc se méfier, à cet égard, de l'effet couperet de l'expiration du délai consenti par le président du tribunal (quatre mois au plus, prorogeables d'un mois: V. art. L. 611-

6 ), qui sonne la fin de plein droit de la conciliation (sous réserve d'une demande d'homologation formée avant terme). Cette sanction automatique du dépassement de la période obligerait le débiteur à demander l'ouverture d'une nouvelle conciliation, et cela sans pouvoir se soustraire alors au «délai d'attente» de trois mois imposé par l'article L. 611-6. Ce qui serait sans doute fatal à la négociation. B. ABSENCE DE CESSATION DES PAIEMENTS L'application, de droit, des règles fondamentales de la sauvegarde eût conduit à la même évidence, mais le législateur a cru bon d'insister sur ce point en posant expressément la condition que le débiteur satisfasse aux critères mentionnés au premier alinéa de l'article L. 620-1. Cela ne fait donc pas de doute: la passerelle vers la sauvegarde accélérée ne saurait jouer en cas de conciliation ouverte après cessation des paiements (de moins de quarante-cinq jours, comme le permet l'article L. 611-4), puisque le débiteur doit remplir les conditions de l'article L. 620-1, alinéa

1er. A moins peut-être que des moratoires (au sens de l'article L. 631-1) aient été obtenus durant la conciliation

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puisque c'est au jour du jugement d'ouverture que le débiteur doit être in bonis. C. ÉLIGIBILITÉ AU RÉGIME DES COMITÉS DE CRÉANCIERS Autre condition restrictive: le débiteur doit satisfaire aux «critères mentionnés au premier alinéa de l'article L. 626-29», qui déterminent la soumission de plein droit du débiteur au régime des comités de créanciers. Autrement dit, ne peut bénéficier de la sauvegarde financière accélérée que celui dont les comptes ont été certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable et dont le nombre de salariés est supérieur à 150 ou le chiffre d'affaires supérieur à 20 millions d'euros. Et, alors que la constitution de comités de créanciers peut normalement être autorisée en deçà de ce seuil (art. L. 626-29, al. 2), aucune dérogation, s'agissant de l'éligibilité à la SFA, n'est prévue. Le prepack à la française n'est donc pas ouvert aux petites entreprises, ce qui n'a sans doute rien de choquant, et qui, en pratique, ne devrait pas être trop gênant (comp., considérant là qu'il s'agit d'une discrimination entre les débiteurs: T. Montéran, Rapide aperçu de la sauvegarde financière accélérée, Gaz. Pal., 15-16 oct. 2010, p. 9, spéc. p. 11; T. Montéran et M. Mieulle, De la pratique du plan de sauvegarde pré-négocié à la procédure de sauvegarde financière accélérée, Journ. sociétés, nov. 2010, p. 36, spéc. p. 40). Du reste, ouvrir la procédure à l'hypothèse de constitution de comités de créanciers sur autorisation du juge-commissaire ne serait pas pertinent dans la mesure où celle-ci n'est jamais acquise d'avance, alors que la logique du prepack suppose que le passage en sauvegarde ne soit soumis à aucun aléa. L'option prise à cet égard par le législateur se défend d'ailleurs sans peine, dès lors que c'est justement sur le mécanisme du vote à la majorité au sein du comité des établissements de crédit que repose l'idée de la SFA dont l'objectif est d'imposer l'accord approuvé par les créanciers majoritaires aux créanciers récalcitrants grâce à l'effet coercitif (effet de «cramdown», ou d'«application forcée», pour utiliser l'équivalent retenu par la Commission générale de terminologie et de néologie: JO 3 avr. 2011) du plan arrêté. Il n'en restait pas moins que l'application de ces seuils risquait de fermer l'accès à des sociétés holdings, notamment celles qui portent la dette dans les montages LBO, que cherchait précisément à inclure le législateur. Aussi la loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit du 17 mai 2011 devait-elle déjà donner de la souplesse en prévoyant que serait réputé remplir les conditions «le débiteur dont le total de bilan est supérieur à un seuil fixé par décret en Conseil d'État» (ce nouveau seuil devait, vraisemblablement, s'établir dans une fourchette de dix à vingt millions d'euros). Mais cette mesure de souplesse a été déclarée contraire à la Constitution par application de la jurisprudence relative aux «cavaliers» législatifs (Cons.

constit., Décis. no 2011-629 DC du 12 mai 2011). En effet, alors que le texte initial faisait référence aux comptes

consolidés, une nouvelle version avait été présentée, lors de la discussion publique en seconde lecture devant le Sénat, par le rapporteur. Ce dernier avait observé que «depuis l'établissement du texte de la commission, une analyse plus approfondie a montré que le choix des comptes consolidés soulevait deux séries de difficultés (…) cet amendement introduit donc le critère total de bilan, qui concerne n'importe quelle société holding ou filiale contrôlée, qu'elle établisse ou non des comptes consolidés, qu'elle contrôle ou non des sociétés de droit étranger. Ce critère apparaît beaucoup plus simple et pertinent et ne nécessite par nature aucune opération de consolidation. C'est ainsi la dette financière figurant au bilan qui assurera l'éligibilité de la société, quelle que soit sa position au sein d'un groupe», le ministre de la Justice ajoutant que serait ainsi institué «un critère se rapportant au total du bilan, alternatif à celui relatif au chiffre d'affaires ou au nombre de salariés qui couvrent à la fois le cas des holdings et celui des sous-holdings». Cette disposition (et non une autre, plus souple encore, comme le souhaitaient certains: V., notamment, P. Roussel Galle, Rev. sociétés 2011. 381) a donc été réintroduite dans la loi Warsmann du 22 mars 2012 relative à la simplification

du droit et à l'allégement des démarches administratives. Le seuil a été fixé par le décret no 2012-1071 du 20

septembre 2012. Selon ce texte, qui crée un article D. 628-2-1, est réputé remplir la condition de seuil mentionnée au premier alinéa de l'article L. 626-29 le débiteur dont le total de bilan est supérieur soit à 25 millions d'euros, soit à 10

millions d'euros, seulement, lorsque ce débiteur contrôle (au sens du 1o du I de l'article L. 233-3) une société dont le

nombre de salariés ou le chiffre d'affaires sont supérieurs aux seuils d’éligibilité au régime des comités de créanciers (150 salariés et 20 millions d’euros) ou dont le total de bilan est supérieur à 25 millions d'euros. D. ÉLABORATION D'UN PROJET DE PLAN SOUTENU PAR LA MAJORITÉ DES CRÉANCIERS Dernière condition: le débiteur doit avoir «élaboré un projet de plan susceptible de recueillir un soutien suffisamment large de la part des créanciers appelés à la conciliation pour rendre vraisemblable son adoption dans le délai prévu à l'article L. 628-6». Autant qu'une condition, c'est là le mécanisme même de la passerelle, du prepack. L'élaboration du plan avant le passage en sauvegarde est évidemment la clé de la réussite de celle-ci. C'est d'ailleurs l'enseignement majeur des prepack réussis avant la loi du 22 octobre 2010, dans les affaires pilotes Autodistribution et Thomson déjà citées: l'accord de la majorité des créanciers (en l'occurrence, et par construction, les seuls créanciers financiers, également «principaux créanciers» au sens de l'article L. 611-7) doit être obtenu, le projet de plan être bouclé avant

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l'ouverture de la procédure de sauvegarde. Les créanciers majoritaires signent alors un protocole d'accord, fixant les termes du futur plan, s'engageant à voter en faveur de celui-ci, tandis que le débiteur s'engage à solliciter l'ouverture de la sauvegarde et à soumettre à l'approbation du comité des établissements de crédit et, le cas échéant, à l'assemblée des obligataires, un projet de plan conforme à l'accord de prepack (sur cette question et les techniques juridiques permettant d'assurer l'efficacité de ce dernier, notamment quant au risque de manquement par les créanciers à leur engagement de voter et à la possibilité d'en obtenir l'exécution forcée, V. R. Courtier et N. Laurent, Analyse de l'opération Autodistribution: premier «pre-pack» à la française, Cah. dr. entr. sept.-oct. 2009. 26, spéc. 30; A. Besse et N. Morelli, Le prepackaged plan à la française: pour une saine utilisation de la procédure de sauvegarde, JCP E 2009. 1628,

nos 8 et 17; V. aussi, sur les conditions d'opposabilité à la procédure des engagements de vote et la possibilité de ne pas

tenir compte des révocations de mandat fautives, R. Dammann et S. Schneider, La sauvegarde financière accélérée – analyses et perspectives d'avenir, D. 2011. Chron. 1429, spéc. 1432). Quant à la notion, délibérément ouverte, de «soutien suffisamment large de la part des créanciers appelés à la conciliation pour rendre vraisemblable son adoption dans le délai prévu à l'article L. 628-6», il appartiendra au tribunal de l'apprécier souverainement au cas par cas. Mais, bien évidemment, il convient, à tout le moins, que le débiteur dispose, tant dans le comité des établissements de crédit que, s'il y a lieu, dans l'assemblée des obligataires, de la majorité, respectivement prévue par les articles L. 626-30-2 et L. 626-32, des deux tiers du montant des créances financières ou obligataires détenues, ce qui, bien entendu, suppose acquis que tous puissent voter. Le texte est ici volontairement souple, nulle condition précise relative au caractère ferme de l'accord, sa forme ou à son effectivité n'étant posée (T. Montéran et M. Mieulle, préc.; sur les difficultés dans la recherche de l'émergence de ce «fait majoritaire», liées notamment au recours au Credit Default Swap [CDS], rendant difficile l'identification des créanciers appelés à participer au vote in fine, et ces derniers peu enclins à s'engager dans des négociations préalables à l'ouverture d'une sauvegarde qui les empêchera d'exercer leurs droits, V. L. Le Guernevé et N. Morelli, Les nouveaux enjeux des comités de créanciers, Cah. dr. entr. juill.-août 2011, p. 17). Du moment que ce soutien existe, rien ne s'oppose plus à ce que le plan soit voté dans le délai d'un mois à compter du jugement d'ouverture (et même arrêté par le tribunal, car, malgré le décalage entre le texte de l'article L. 628-1 et celui de l'article L. 628-6, c'est bien l'arrêté du plan par le tribunal, et non l'adoption par les créanciers, qui doit intervenir dans le délai d'un mois). Cela a été possible, avant même que les délais de droit commun (notamment celui de réunion du comité des créanciers et de déclaration des créances) ne soient abrégés, et le formalisme (notamment de consultation des créanciers et de réunion des comités) allégé, à quelques jours près, dans les sauvegardes d'Autodistribution et de Thomson. Notons encore que rien ne paraît interdire la modification du projet de plan en cours de procédure pour obtenir l'adhésion d'un plus grand nombre de créanciers, mais cette tactique apparaît risquée car les signataires du projet retrouveraient alors automatiquement leur liberté (R. Dammann et S. Schneider, préc., spéc. 1433). E. EFFETS DE L'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE DE SAUVEGARDE FINANCIÈRE ACCÉLÉRÉE Le dernier alinéa de l'article L. 628-1, quant à lui, traduit l'effet sélectif de l'ouverture de la procédure, la brèche voulue par le législateur dans le principe de l'égalité des créanciers (déjà bien écorné par ailleurs): l'effet réel de la procédure, pour reprendre l'expression de Marc Sénéchal que la Cour de cassation a maintenant faite sienne (V.

Com. 16 mars 2010, no 08-13.147: D. 2010. AJ 825, obs. A. Lienhard; 13 avr. 2010, n

o 08-19.074: D. 2010. Actu.

1072 ; JCP E 2010. 1742, no 6, obs. Pétel), est limité aux créanciers membres du comité des établissements de crédit

et assimilés (au sens de l'art. L. 626-30; V. comm. ss. cet art.) et, le cas échéant, aux obligataires, autrement dit aux créanciers financiers. Aucun des autres créanciers n'est donc concerné par la sauvegarde financière accélérée. Non seulement les fournisseurs de biens ou services, essentiellement visés en creux par la formulation exclusive du texte, mais aussi les créanciers publics (ce que regrettent certains s’agissant des derniers: V. T. Montéran, Rapide aperçu de la sauvegarde financière accélérée, Gaz. Pal., 15-16 oct. 2010, p. 9, spéc. p. 11; et qui peut s’avérer gênant, s’agissant des premiers lorsque la conciliation a concerné aussi des créanciers non financiers: V. J.-E. Kuntz et V. Nurit, De la conciliation à la sauvegarde financière accélérée: la combinaison est-elle efficace?, Bull. Joly Entrep. diff. 2012. 389). Ce qui a fait naître les expressions, bien trouvées, de procédure «semi-collective» (P.-M. Le Corre, L'avènement prochain d'une procédure semi-collective, Gaz. Pal., 15-16 oct. 2010, p. 3) ou de procédure «quasi-collective» (F.-X. Lucas, La SFA, une procédure quasi-collective, LEDEN, déc. 2010), ce qui, pour certains, conduirait tout simplement à dénier le caractère de procédure collective à la SFA (J.-L. Vallens, La sauvegarde financière accélérée est-elle une procédure collective?, préc.).

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Concrètement, les créanciers fournisseurs de biens et services échapperont donc à la règle de l'interdiction des paiements prévue par l'article L. 622-7: leurs créances devront être honorées par le débiteur au terme stipulé. Et, symétriquement, en cas d'incident de paiement, ces créanciers pourront engager des poursuites contre le débiteur en sauvegarde sans que puisse leur être opposée la règle de l'arrêt des poursuites individuelles résultant de l'article L. 622-21. Pour la même raison, la naissance éventuelle, à leur égard, de créances postérieures au jugement d'ouverture répondant au critère d'utilité de l'article L. 622-17 est indifférente, dès lors que, antérieures ou postérieures, leurs créances doivent être payées à l'échéance, par l'effet, non de la loi, mais du contrat (sous réserve, peut-être, de l'hypothèse, sans doute d'école, de conversion de la SFA en redressement judiciaire; V. ss. art. L. 628-6). Si des accords avec des fournisseurs sont nécessaires, ils devront donc être obtenus parallèlement à la procédure, c'est-à-dire hors procédure. Et les éventuelles remises de la part des créanciers publics devront avoir été obtenues avant l'ouverture de la sauvegarde financière, les commissions des chefs de services financiers et des représentants des organismes de sécurité sociale et de l'assurance chômage (CCSF) ne pouvant être saisies durant la SFA (T. Montéran et M. Mieulle, préc., spéc. p. 41). Étant précisé que, l'ouverture de la SFA entraînant la clôture de plein droit de la conciliation (à l'instar de l'ouverture de toute autre procédure collective, comme le précise l'art. R. 611-38-1, ajouté par le décret du 3 mars 2011), est interdite toute possibilité de restructurer en parallèle dans le cadre d'un accord de conciliation (homologué) un aménagement des autres dettes, notamment à l'égard des créanciers publics (R. Dammann et S. Schneider, préc., spéc. 1431). La logique de la soustraction aux effets de la procédure veut aussi que ces créanciers soient évidemment dispensés de l'obligation de déclaration au passif, celle-ci n'étant que le corollaire de la soumission au «gel du passif», encore est-on un peu moins à l'aise sur ce point car la déclaration pourrait tout de même présenter un intérêt en cas d'échec de la procédure. Mais, en vérité, le problème ici vient plutôt de l'incertitude (probablement théorique) entourant cette situation (V. ss. art. L. 628-6). Du reste, pour certains auteurs, au contraire, loin d’apparaître comme une précaution, déclarer sa créance risquerait, pour le créancier non soumis à la discipline (semi) collective, de se retourner contre lui (craignant même que, le cas échéant, la décision d’admission, en raison des effets possibles de l’autorité de la chose jugée sur la nature de la créance, transforme celle-ci en créance «financière»: F. Pérochon, Entreprises en difficulté,

LGDJ, 2012, 9e éd., n

o 1033).

Reste, à cet égard, incertaine la situation du crédit-bailleur, qui relève du comité des établissements de crédit, en ce qu'il consent un crédit, mais qui, cependant, en sa qualité de bailleur, bénéficie de la poursuite des contrats et des paiements sans qu'il soit possible de modifier le contrat en question. D'où cette proposition du barreau de Paris, adressée à la mission «Warsmann» de simplification du droit économique, d'exclure expressément le crédit-bail du champ des contrats en cours. Ainsi, le crédit-bailleur, membre du comité des établissements de crédit, voterait avec les droits calculés sur le montant de la créance restant due et pourrait se voir proposer, voire imposer, des modifications contractuelles (Bull. barreau de Paris, 19 avr. 2011).

Article D628-2-1

Créé par Décret n°2012-1071 du 20 septembre 2012 - art. 1

Pour l'application de l'article L. 628-1, est réputé remplir la condition de seuil mentionnée au premier alinéa de l'article L. 626-29 le débiteur dont le total de bilan est supérieur à :

1° 25 millions d'euros ;

2° 10 millions d'euros, lorsque ce débiteur contrôle, au sens du 1° du I de l'article L. 233-3, une société dont le nombre de salariés ou le chiffre d'affaires sont supérieurs aux seuils fixés par l'article R. 626-52 ou dont le total de bilan est supérieur à 25 millions d'euros.

Le total de bilan est défini conformément aux dispositions du quatrième alinéa de l'article R. 123-

200.

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MEDIATION DU CREDIT AUX ENTREPRISES Dalloz actualité 08 mars 2013

Prorogation de la médiation du crédit aux entreprises

Xavier Delpech

Résumé

Un accord de place, signé à Bercy le 1er mars 2013, prolonge le dispositif de médiation, ce, jusqu'à

la fin 2014. La médiation se voit également assigner comme mission de faire connaître les

nouveaux instruments que met en place la Banque publique d'investissement en faveur des

entreprises.

Le médiateur du crédit aux entreprises, créé dans le contexte de la crise financière qui a éclaté en

2008, est un dispositif original qui a pour objet de faciliter le dialogue entre les entreprises et les

établissements de crédit et de recommander des solutions en cas de difficultés pour l'obtention et

le maintien de crédits ou de garanties. Depuis 2008, la médiation du crédit a permis de

sauvegarder 293 444 emplois et de conforter 16 621 entreprises dans la poursuite de leurs

activités. Elle existe en dehors de tout cadre légal et a pour seule assise juridique un accord de

place, c'est-à-dire un mécanisme purement conventionnel, qui avait été signé le 27 juillet 2009

(pour un commentaire, V. D. 2009. 1948). Cet accord de place, prévu pour prendre fin en 2010, a

été prolongé une première fois jusqu'à la fin de l'année 2012.

On pouvait légitiment se demander si la médiation du crédit allait survivre aux vicissitudes

électorales. La question méritait d'autant plus d'être posée que, du fait de l'installation des

commissaires au redressement productif dans les régions en juin 2012, la médiation du crédit était

désormais susceptible de faire double emploi (V. Circ. 14 juin 2012, PROI1227199C). Tel n'est

pourtant pas le choix du gouvernement, qui a décidé, une nouvelle fois, de prolonger le dispositif

de médiation, ce, jusqu'à la fin 2014. La méthode reste donc la même : la soft law, plutôt que la loi,

sans doute pour ne pas braquer la profession bancaire, déjà échaudée par le projet bancaire,

récemment adopté par l'Assemblée nationale (V. Dalloz actualité, 25 févr. 2013, obs. F.

Dannenberger), dont on sait qu'il obligera les établissements financiers à loger, d'ici à 2015, leurs

activités les plus spéculatives dans des filiales financées de façon autonome.

Concrètement, l'accord de place renouvelant la médiation du crédit signé le 1er mars 2013 reste

inchangé par rapport à l'accord initial de 2009.

.

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Pierre Moscovici a mis l'accent sur l'ambition nouvelle qu'il assigne à la médiation du crédit :

dans le cadre de ses procédures, elle doit continuer et amplifier son rôle pour aider les entreprises à trouver des financements complémentaires. Elle doit en particulier contribuer à faire connaître les nouveaux instruments que met en place la Banque publique d'investissement (BPI) récemment instituée et qui peuvent aider les entreprises à

faire face à des difficultés de court terme : 500 millions d'euros de crédits de trésorerie, préfinancement du crédit impôt recherche, préfinancement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi ;

la médiation doit continuer à jouer son rôle de vigie du financement des entreprises en France, qui éclaire utilement les décisions des pouvoirs publics en la matière ;

enfin, la médiation n'est pas qu'un instrument au service des entreprises qui rencontrent des difficultés bancaires : c'est, aussi, une démarche collective, impliquant l'ensemble des créanciers – affactureurs, assureurs-crédit, et banques. A cet égard, la médiation du crédit est invitée à travailler avec le ministère et les assureurs-crédit pour mettre en œuvre les recommandations du rapport Charpin, qui a étudié les moyens pour les petites et moyennes entreprises et les toutes petites entreprises de mieux financer leurs besoins de trésorerie courants (J.-M. Charpin [sous la dir. de], Le crédit inter-entreprises et la couverture du poste client, IGF, janv. 2013).

En dernier lieu, le ministre a salué à cette occasion le rôle utile des banques, et rappelé qu'il était

important de poursuivre les efforts collectifs fournis par l'ensemble des acteurs – entreprises et

créanciers – dans le cadre des procédures amiables négociées sous l'égide des pouvoirs publics,

avec la médiation ou le comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI).

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