4
Annales de pathologie (2012) 32, 137—140 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com HISTOSÉMINAIRE SFP Difficultés d’interprétation des biopsies prostatiques. Cas n o 7. Adénocarcinome de grade de Gleason 4 formé de petites glandes carcinomateuses mal définies avec une lumière mal formée Diagnostic issues of prostate biopsies. Case 7. Gleason grade 4 adenocarcinoma, with ill-defined glands and poorly formed glandular lumina Yves Allory Département de pathologie, hôpital Henri-Mondor, AP—HP, 51, avenue Mal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil, France Accepté pour publication le 8 evrier 2012 Disponible sur Internet le 27 mars 2012 Renseignements cliniques Homme de 58 ans, taux de PSA sérique de 6,05 ng/mL, première série de biopsies prosta- tiques. Biopsie médiane droite (HES). Diagnostic Adénocarcinome prostatique infiltrant de score de Gleason 7 (4 majoritaire). Adresse e-mail : [email protected] 0242-6498/$ see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annpat.2012.02.008

Difficultés d’interprétation des biopsies prostatiques. Cas no 7. Adénocarcinome de grade de Gleason 4 formé de petites glandes carcinomateuses mal définies avec une lumière

  • Upload
    yves

  • View
    213

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Annales de pathologie (2012) 32, 137—140

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

HISTOSÉMINAIRE SFP

Difficultés d’interprétation des biopsies

prostatiques. Cas no 7. Adénocarcinome de grade deGleason 4 formé de petites glandes carcinomateusesmal définies avec une lumière mal formée

Diagnostic issues of prostate biopsies. Case 7. Gleason grade 4adenocarcinoma, with ill-defined glands and poorly formed glandular lumina

Yves Allory

Département de pathologie, hôpital Henri-Mondor, AP—HP, 51, avenueMal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil, France

Accepté pour publication le 8 fevrier 2012Disponible sur Internet le 27 mars 2012

Renseignements cliniques

Homme de 58 ans, taux de PSA sérique de 6,05 ng/mL, première série de biopsies prosta-tiques. Biopsie médiane droite (HES).

Diagnostic

Adénocarcinome prostatique infiltrant de score de Gleason 7 (4 majoritaire).

Adresse e-mail : [email protected]

0242-6498/$ — see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.annpat.2012.02.008

1 Y. Allory

F(F

D

SdtcLsmqs

C

Lsdsel

FgP

38

igure 1. Foyer d’adénocarcinome prostatique infiltrantflèches).

ocus of prostatic adenocarcinoma (arrows).

escription histologique

ur la biopsie prostatique examinée, on observe un foyere prolifération glandulaire, mesurant 2 mm, d’aspect infil-rant et désorganisé, avec quelques noyaux bien nucléolés,orrespondant à un adénocarcinome prostatique (Fig. 1).e score de Gleason est évalué à 7 (4 + 3), devant la pré-ence majoritaire de glandes carcinomateuses petites etal définies avec une lumière mal formée, associées àuelques glandes bien formées et irrégulièrement disper-ées (Fig. 2—5).

ommentaires

’évaluation sur les biopsies prostatiques du score de Glea-on constitue un élément essentiel avant d’envisager lesifférentes options thérapeutiques pour chaque patient. Cecore constitue en effet, avec la valeur du PSA sériquet le stade clinique, un facteur pronostique majeur de’adénocarcinome prostatique, qu’il s’agisse de prédire la

igure 2. À une extrémité du foyer tumoral, prédominance delandes mal définies.redominance of ill-defined glands at one edge of the tumor focus.

Figures 3 et 4. À l’autre extrémité du foyer tumoral, noterl’association de glandes bien définies et séparées (astérisques) etde glandes mal définies aux lumières mal formées (flèches).Note the well-defined and separated tumor glands (asterisks) asso-ciated with ill-defined glands with poorly formed lumina, at theother edge of the tumor focus.

Figure 5. À fort grandissement, noter les lumières mal visibles etirrégulières des glandes carcinomateuses (aspect de grade 4).At high magnification, note the poorly detectable and irregularlumina of carcinomatous glands (pattern grade 4).

o 7 139

Difficultés d’interprétation des biopsies prostatiques. Cas n

Tableau 1 Classification de Amico : risque de récidivebiochimique pour les cancers de la prostate localisés enfonction du stade clinique, du score de Gleason et de lavaleur du PSA sérique au diagnostic initial [1].Amico classification: risk of biochemical recurrence for locali-zed prostate cancers according to clinical stage, Gleason scoreand PSA value at initial diagnosis [1].

Le cancer de la prostate à faible risqueStade clinique : ≤ T2a (et)Score de Gleason : ≤ 6 (et)Valeur du PSA (ng/mL) : ≤ 10

Le cancer de la prostate à risque intermédiaireStade clinique : T2b (ou)Score de Gleason : 7 (ou)Valeur du PSA (ng/mL) : 10—20

Le cancer de la prostate à risque élevéStade clinique : ≥ T2c (ou)Score de Gleason : ≥ 8 (ou)Valeur du PSA (ng/mL) : > 20

rechute biochimique des PSA après traitement, les récidiveslocales, les métastases ganglionnaires ou viscérales, ou lasurvie globale et quelles que soient les modalités théra-peutiques (surveillance seule, radiothérapie, curiethérapie,prostatectomie radicale, cryothérapie ou ultrasons focali-sés de haute intensité). Ainsi, pour les cancers localisés, laclassification de d’Amico [1], basée sur le score de Glea-son au diagnostic, le PSA et le stade clinique, distinguetrois groupes en fonction du risque de progression et per-met de proposer des traitements en fonction de ces groupes(Tableau 1).

Décrite pour la première fois en 1966, la classificationde Gleason, basée uniquement sur les aspects architec-turaux observés à faible grandissement (objectif × 10), aété définie initialement comme un score correspondant àla somme des deux grades les plus représentés [2]. Sesdéfinitions ont ensuite évolué parallèlement aux évolu-tions diagnostiques et thérapeutiques successives (dépistagedu cancer de prostate par le dosage du PSA, biopsies àl’aiguille en sextant puis biopsies de saturation, développe-

ment de l’immunohistochimie, identification de nouvellesentités histopathologiques, développement de la prostatec-tomie) et une conférence de consensus de l’ISUP en 2005 apermis de définir un score de Gleason modifié, constituantactuellement le système de référence [3]. Cette révisiondu score de Gleason a notamment porté sur les défini-tions respectives des grades 3 et 4, dont la distinction surles biopsies prostatiques constitue un des enjeux majeurs.En effet, la présence d’un contingent de grade 4 sur lesbiopsies témoigne d’un contingent plus agressif, exclut lasurveillance active comme option thérapeutique, plaidepour une non conservation des bandelettes neurovasculairesen cas de prostatectomie et pour la réalisation d’un curageganglionnaire.

Le grade 4 était initialement limité dans la classifica-tion de Gleason aux glandes fusionnées ou aux structurescribriformes aux contours irréguliers. La conférence deconsensus en 2005 a élargi cette définition en précisantque les glandes mal définies avec des lumières glandulairesmal formées, tels que celles présentes sur la biopsie ducas no 7, devaient aussi être classées comme des lésionsde grade 4. Ces aspects sont fréquemment associés àdes aspects cribriformes ou de glandes fusionnées facile-ment reconnus comme de grade 4 (Fig. 6). Ils peuvent

Figure 6. Foyer de glandes carcinomateuses fusionnées (aspectde grade 4) observé au voisinage de glandes mal formées.Fused tumor glands (pattern grade 4) observed close to ill-definedglands.

aussi être isolés sous forme de foyer carcinomateux depetite taille sur les biopsies prostatiques. Deux difficul-tés doivent alors être surmontées. Il faut savoir dissocierla taille du foyer et l’évaluation du grade, ne pas identi-fier tout foyer carcinomateux de petite taille à un cancerde bas grade mais appliquer strictement les critères dedéfinition. Il est ainsi possible de diagnostiquer un adéno-carcinome de score de Gleason 8 (4 + 4) sur un foyer demoins d’un mm constitué seulement de glandes mal défi-nies [4]. Il faut aussi pouvoir distinguer les glandes maldéfinies de grade 4 de glandes de grade 3 comportant desaspects tangentiels qui peuvent rendre les lumières glan-dulaires mal visibles. Lorsque ces aspects de lumière malvisibles sont nombreux, ils ne peuvent toutefois pas êtreexpliqués par une coupe tangentielle et doivent être classésen grade 4. La conférence de 2005 a par ailleurs reconnuque sauf exception presque tous les aspects cribriformes

étaient classés en grade 4. Les aspects de grade 3 sontdésormais pratiquement restreints aux glandes individua-lisées, bien formées qui s’insinuent entre les acini nontumoraux. Selon la conférence de consensus, les glandes cri-briformes arrondies, bien limitées et de taille comparableaux glandes normales, pouvaient être aussi classées en grade3. Mais aucune étude pronostique n’a jamais porté sur cesaspects qui, s’ils existent, restent exceptionnels et Epsteina proposé récemment de les regrouper avec l’ensemble desaspects cribriformes dans le grade 4 [5]. Ces définitions res-pectives des grades 3 et 4 sont à appliquer quel que soitle type de tissu examiné, qu’il s’agisse en particulier debiopsies prostatiques ou de pièces de prostatectomie radi-cale.

L’ensemble de ces changements dans le diagnostic destumeurs de score 6 et 7 a conduit logiquement à augmen-ter la part relative des scores 7 par rapport aux scores 6[6—8]. Par exemple, Billis et al. ont rapporté que la pro-portion des biopsies prostatiques avec un score de Gleason6 diminue de 68 % à 49 %, tandis que celle des biopsies avecun score de Gleason 7 augmente de 26 % à 39 % lorsqu’onutilise le schéma de Gleason modifié [6]. Quelques étudesrétrospectives ont évalué la performance pronostique duscore de Gleason modifié. Billis et al. ont par exemple

1

masdctglmcptstdpdcarmp

D

Ld

R

[

[R, Mikuz G, et al. Original Gleason system versus 2005 ISUP modi-

40

ontré pour 172 patients que le score de Gleason modifiévait une valeur pronostique plus discriminante comparé aucore de Gleason classique [6]. Parallèlement, le pronostices tumeurs de score 6 a été amélioré « artificiellement »,es tumeurs formant désormais un groupe homogène deumeurs d’évolution favorable : elles sont pratiquementuéries dans 100 % des cas lorsqu’elles sont confinées àa prostate avec une marge d’exérèse négative. Ce glisse-ent vers les hauts grades a également des conséquences

liniques, en particulier sur le type de traitement pro-osé. Par exemple, les patients diagnostiqués avec uneumeur de score de Gleason ≥ 7 ne se voient pas proposer deurveillance active mais un traitement radical. La reproduc-ibilité interobservateur et les discordances entre le score

e Gleason estimé sur les biopsies et celui observé sur laièce de prostatectomie constituent une limite importantee la classification de Gleason. Plusieurs groupes ont cher-hé à déterminer si le système de Gleason modifié comparéu score de Gleason classique permettait d’améliorer laeproductibilité et/ou de réduire les taux dediscordance,ais les résultats ont été contradictoires et ne permettentas de conclusion définitive [9].

POINTS IMPORTANTS À RETENIR

• Le score de Gleason estimé sur les biopsiesprostatiques est un élément majeur dans ladiscussion des options thérapeutiques à proposeraux patients.

• Les définitions de référence du score de Gleasonà appliquer sont celles de la conférence deconsensus 2005 de l’ISUP (score de Gleasonmodifié).

• Les glandes carcinomateuses mal définies avec deslumières mal formées doivent être considéréescomme des lésions de grade 4.

[

[

[

[

[

[

[

Y. Allory

éclaration d’intérêts

’auteur n’a pas transmis de déclaration de conflits’intérêts.

éférences

1] Amico AV, Whittington R, Malkowicz SB, Schultz D, Blank K,Broderick GA, et al. Biochemical outcome after radical pros-tatectomy, external beam radiation therapy, or interstitialradiation therapy for clinically localized prostate cancer. JAMA1998;280:969—74.

2] Montironi R, Cheng L, Lopez-Beltran A, Scarpelli M, Mazzucchelli

fied Gleason system: the importance of indicating which systemis used in the patient’s pathology and clinical reports. Eur Urol2010;58:369—73.

3] Epstein JI, Allsbrook Jr WC, Amin MB, Egevad LL. ISUP Gra-ding Committee. The 2005 International Society of UrologicalPathology (ISUP) Consensus Conference on Gleason Grading ofProstatic Carcinoma. Am J Surg Pathol 2005;29:1228—42.

4] Fine SW, Epstein JI. Minute foci of Gleason score 8-10 on pros-tatic needle biopsy: a morphologic analysis. Am J Surg Pathol2005;29:962—8.

5] Epstein JI. An update of the Gleason grading system. J Urol2010;183:433—40.

6] Billis A, Guimaraes MS, Freitas LL, Meirelles L, Magna LA, FereiraU. The impact of the 2005 International Society of UrologicalPathology Consensus Conference on standard Gleason grading ofprostatic carcinoma in needle biopsies. J Urol 2008;180:548—52.

7] Zareba P, Zhang J, Yilmaz A, Trpkov K. The impact ofthe 2005 International Society of Urological Pathology (ISUP)consensus on Gleason grading in contemporary practice. His-topathology 2009;55:384—91.

8] Kuroiwa K, Uchino H, Yokomizo A, Naito S. Impact of reportingrules of biopsy Gleason score for prostate cancer. J Clin Pathol2009;62:260—3.

9] Helpap B, Egevad L. The significance of modified Gleason gra-ding of prostatic carcinoma on biopsy and radical prostatectomyspecimens. Virchows Arch 2006;449:622.